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Mémoire de Diplôme Inter-Universitaire de Pédagogie Médicale Universités Paris 5 et Paris 6 - EBM - Médecine Basée sur les Preuves Présenté par Guillaume ASSIÉ Université Paris 5 Stéphane BAHRAMI Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines Erik BERNARD Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines Stéphanie DEBETTE Université Paris 7 Véronique EDER Université Paris 13 Olivier NAGGARA Université Paris 5 Olivier SAINT-LARY Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines Mémoire soutenu le 12 Octobre 2012

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Mémoire de Diplôme Inter-Universitaire

de

Pédagogie Médicale

Universités Paris 5 et Paris 6

- EBM -

Médecine Basée sur les Preuves

Présenté par

Guillaume ASSIÉ Université Paris 5

Stéphane BAHRAMI Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Erik BERNARD Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Stéphanie DEBETTE Université Paris 7

Véronique EDER Université Paris 13

Olivier NAGGARA Université Paris 5

Olivier SAINT-LARY Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines

Mémoire soutenu le 12 Octobre 2012

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"Where is the wisdom we have lost in knowledge, and

Where is the knowledge we have lost in information?"

T.S. Elliot, The Rock (1934)

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SOMMAIRE

RESUMÉ………………………………………………………………………………...………………... p. 3

CHAPITRE I: IMPACT DE L’EBM DANS L’ENSEIGNEMENT EN 2012 Stéphanie Debette & Véronique Eder

I- Introduction et historique ……………………………………………………………… p. 6 II- Limites et défis en 2012 ………………………………………………………………… p. 10 III- Etat des lieux de l’enseignement de l’EBM en France ……………………. p. 13

CHAPITRE II: PERCEPTION DE L’EBM PAR LES ÉTUDIANTS : REVUE DE LA LITTÉRATURE Erik Bernard & Olivier Saint-Lary

I- Introduction ……………………………………………………………………………………. p. 27 II- Matériel et Méthodes …………………………………………………………………….. p. 28 III- Résultats………………………………………………………………………...………………. p. 28 IV- Discussion……………………………………………………………………...………………. p. 34

CHAPITRE III: CENTRES DE PREUVES : UN PROJET POUR UNE FACULTÉ, UNE SPECIALITÉ Stéphane Bahrami, Olivier Naggara & Guillaume Assié

I- La synthèse formalisée des connaissances médicales ……………….……. p. 37 II- Centres de preuves : quelques exemples, intérêt des centres locaux. p. 39 III- Projet EBM en radiologie diagnostique……………………………………………. p. 40 IV- Centre de preuves en endocrinologie : un projet pour une faculté, une

spécialité ? ……………………………………………………………………………………… p. 45

RÉFÉRENCES……………………………………………………………………………………..………. p. 52

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RÉSUMÉ

Depuis une vingtaine d’années, la médecine fondée sur les preuves (evidence-based

medicine [EBM]) est considérée comme un élément central de l’enseignement de la

médecine. Elle correspond à une évolution de la pratique médicale vers un modèle mettant

en avant l’importance dans la prise de décisions cliniques de preuves rigoureuses et

systématiques émanant de la recherche médicale, de façon conjointe avec les valeurs et

préférences des patients. Toutefois, beaucoup d’incertitudes accompagnent ce concept. Son

application et sa perception varient d’un pays à l’autre et en fonction des spécialités

médicales. Ce mémoire, tout en ayant pour objectif de brosser un tableau le plus exhaustif

possible de la question, reflète aussi en partie ces points de vue divergeants.

Nous avons structuré ce travail en trois parties : l’impact de l’EBM dans

l’enseignement en 2012; la perception de l’EBM par les étudiants ; centre de preuve, un

projet pour une faculté, une spécialité.

Le premier chapitre introduit la notion d’EBM en retraçant son histoire et son

évolution dans les vingt dernières années, décrit les différentes composantes et les défis de

son enseignement, puis dresse un inventaire de son application en France. L’EBM se

compose de cinq étapes, qui devraient chacunes êtres abordées dans l’enseignement : (i)

savoir formuler le problème en questions concrètes ; (ii) trouver les meilleures preuves pour

répondre à ces questions ; (iii) examiner ces données scientifiques de façon critique ; (iv)

appliquer les résultats de cet examen critique en pratique clinique ; (v) évaluer sa

performance. En pratique, c’est la troisième partie qui est le plus largement enseignée. A

différents niveaux, le programme officiel de l’enseignement dispensé dans les Facultés de

Médecine en France aborde des thématiques rejoignant une formation à l’EBM, mais la

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quantité et qualité de cet enseignement sont inégales. Peu de Facultés dispensent un

enseignement spécifique, ces initiatives ont été répertoriées par une courte enquête.

Le deuxième chapitre a pour objectif de décrire les perceptions par les étudiants en

médecine de l’Evidence-based medicine (EBM). Une revue systématique de la littérature a

été effectuée avec interrogation des bases PubMed, Embase et Google Scholar. Huit études

ont été incluses. L’EBM et son enseignement étaient perçus positivement par les étudiants.

Ils estimaient que leurs connaissances et compétences, notamment pour la recherche

documentaire et l’appréciation critique des informations, étaient améliorées. Les

enseignants cliniciens utilisant les principes de l’EBM dans leur pratique étaient un facteur

d’appropriation. L’EBM était considérée comme un moyen d’actualiser ses connaissances

médicales. Au total, Il existe une vaste littérature sur l’EBM mais sa perception par les

étudiants en médecine a été peu étudiée. L’enseignement de l’EBM devrait être interactif,

intégré à la pratique clinique. Le rôle de modèle des enseignants devrait être pris en compte

pour une meilleure appropriation de l’EBM par les étudiants.

Le troisième chapitre aborde la question des centres de preuves, sur un plan général,

en analysant l'intérêt des centres locaux. Sont ensuite décrites les spécificités de l’EBM et de

la mise en place d’un centre de preuves pour deux spécialités médicales distinctes : la

radiologie et l’endocrinologie.

Mots-clefs : médecine basée sur les preuves, evidence-based medecine, centre de preuve,

enseignement

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CHAPITRE I : IMPACT DE L’EBM DANS L’ENSEIGNEMENT EN 2012

I- INTRODUCTION ET HISTORIQUE

Si le début de la médecine scientifique moderne peut être daté, ce pourrait être au

milieu du 19è siècle, lorsque Pierre Charles Alexandre Louis (médecin français, 1787-1872),

introduisit l’analyse statistique dans l’évaluation des thérapeutiques médicales. Il démontra

d’ailleurs l'inutilité de la saignée, ce qui ne changea toutefois pas les pratiques avant de

nombreuses années. Ce n’est ensuite qu’après la Seconde Guerre Mondiale que les travaux

des britanniques Sir Austin Bradford Hill (1897–1991) et Richard Doll (1912–2005), pionniers

de l’essai thérapeutique randomisé, et Archibald Cochrane (1909-1988) contribuèrent

largement à l'établissement de la médecine factuelle et de l'évaluation scientifique des

systèmes de santé. Dans les années 90, un groupe de médecins canadiens de l’Université

McMaster a popularisé ce concept en diffusant la notion que la médecine fondée sur les

preuves, plutôt qu’un concept abstrait, reflétait une façon de penser qui devrait être

introduite dans tous les aspects de la pratique médicale. En 1990, Gordon Guyatt introduisit

le terme « evidence-based medicine (EBM) » pour décrire une évolution de la pratique

médicale vers un modèle mettant en avant l’importance dans la prise de décisions cliniques

de preuves rigoureuses et systématiques émanant de la recherche médicale, de façon

conjointe avec les valeurs et préférences des patients.1 L’EBM était présentée comme une

approche nouvelle de l’enseignement de la médecine.2 Celle-ci avait pour objectif d’attribuer

moins d’importance aux observations cliniques non systématiques, aux inférences basées

sur les hypothèses physiopathologiques, et à l’autorité. Etait mise en avant à l’inverse la

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nécessité d’acquérir et d’utiliser les compétences suivantes: savoir formuler les questions

pertinentes, chercher et extraire les meilleures preuves disponibles, évaluer de façon

critique les méthodes d’une étude et juger de la validité des résultats. David Sackett a défini

l’EBM par « l’utilisation consciencieuse, explicite et judicieuse des meilleures preuves

(données scientifiques) actuelles, dans la prise en charge personnalisée des patients. »3 Il a

proposé cinq étapes pour la mise en œuvre de cette approche:3

1. Formuler le problème, i.e. convertir le besoin d’information en questions concrètes

2. Trouver les meilleures preuves pour répondre à ces questions

3. Examiner ces données scientifiques de façon critique, évaluer leur validité et utilité

4. Appliquer les résultats de cet examen critique en pratique clinique

5. Evaluer notre performance

En 20 ans, le concept d’EBM a évolué, avec notamment trois développements

majeurs.4 Premièrement, le développement d’internet a permis des progrès révolutionnaires

dans l’accès et la compréhension de l’information existante, avec notamment le rôle central

qu’a joué le développement et la mise à jour de la base de données MEDLINE par la National

Library of Medicine. Deuxièmement, la mise à disposition d’informations “pré-digérées”,

telles que les revues systématiques ou des ressources électroniques effectuant un filtrage

sur la qualité, la nouveauté et la pertinence des données scientifiques, représentent

également un changement majeur. Troisièmement, dans la prise de décision clinique

l’accent est mis de façon accrue sur les préférences et valeurs prônées par les patients. Le

terme de « Evidence Based Practice (EBP) » ou pratique fondée sur les preuves est

maintenant utilisé de façon plus globale pour désigner tous les aspects de la discipline, et

l’importance de cette démarche dans tous les types de décisions de santé.5

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De façon anecdotique, bien que l’on doive les principaux développement et

applications de l’EBM aux anglo-saxons, il est intéressant de rappeler que ses principes

fondateurs avaient déjà été énoncés au 17è siècle par René Descartes (1596-1650), dans son

Discours de la méthode (1637), sous-titré « pour bien conduire sa raison et chercher la vérité

dans les sciences ». Quelques années après le procès de Galilée, qui avait été condamné par

l'Église à cause de son ouvrage « Dialogue sur les deux grands systèmes du monde »,

Descartes y remet en question tous les concepts qu’il connaît, afin que rien de subjectif ou

de fantaisiste ne vienne polluer sa pensée, au profit de la raison inconditionnelle. Il s'impose

quatre préceptes : (i) ne recevoir aucune chose pour vraie tant que son esprit ne l'aura

clairement et distinctement assimilé préalablement ; (ii) diviser chacune des difficultés afin

de mieux les examiner et les résoudre ; (iii) établir un ordre de pensées, en commençant par

les objets les plus simples jusqu'aux plus complexes et divers, et ainsi de les retenir toutes et

en ordre ; (iv) passer toutes les choses en revue afin de ne rien omettre. Les Français,

réputés pour leur esprit critique et rationnel, pratiqueraient-ils l’EBM de façon peut-être

moins encadrée et formalisée mais plus intuitive que d’autres nations?

Dans ce mémoire nous allons aborder les questions suivantes : Quelles sont les

limites et défis de l’enseignement de l’EBM en 2012? Comment se place la France dans

l’enseignement et la diffusion de l’EBM? Comment l’EBM est-il perçu par les étudiants?

Quelles sont les perspectives pour le développement de centres de preuves?

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La pensée de Descartes est rapprochée de la peinture de Nicolas Poussin, son contemporain

Nicolas Poussin, 1594-1665. Le courant des poussinistes prône que le dessin est supérieure à la couleur, car il représente l’esprit et la raison

Peter Paul Rubens, 1594-1665. Le courant des rubénistes place la couleur au-dessus du dessin, car elle fait appel aux sens

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II- CONTENU, LIMITES ET DÉFIS POUR L’ENSEIGNEMENT DE L’EBM EN 2012

Idéalement, l’enseignement de l’EBM devrait couvrir tous les champs de l’EBM, i.e.

les cinq étapes proposées par Sackett.3 En 2005, un groupe d’experts a émis des

recommandations à cet effet, intitulées « the Sicily Statement ».5 Des exemples sont donnés

dans le Tableau 1.5

Tableau 1 : Recommandations d’experts pour l’enseignement de l’EBM

Objectif Méthode d'enseignement

1. Traduire l'incertitude en des questions auxquelles on peut apporter une réponse

Présenter des scénarios cliniques concrets aux étudiants et leur demander de formuler une question structurée dans un format structuré6

2. Identifier les meilleures preuves scientifiques pour répondre à cette question

Cours théorique et pratique avec accès internet sur les bases de données médicales.7 Diverses bases de données devraient être montrées, telles que Cochrane, MEDLINE, Evidence-Based Medicine, etc. avec leurs atouts respectifs.

3. Examiner ces données scientifiques de façon critique, évaluer leur validité et utilité

C'est la partie la plus largement enseignée. ON peut citer comme exemple le Critical Appraisals Skills Program (http://www.phru.nhs.uk/casp)

4. Appliquer les preuves scientifiques ainsi expertisées à la pratique clinique

Il s'agit par exemple de savoir appliquer les preuves identifiées au contexte spécifique qui a conduit à se poser la question initiale. Ceci nécessite d'explorer la généralisabilité des preuves disponibles au scénario spécifique, et l'ajustement aux risques spécifiques du patient.8

5. Evaluer notre performance Utilisation de questionnaires pour évaluer connaissances, attitude et comportement,9 de modèles de rôle, de journal clubs.10

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Un sondage réalisé récemment dans huit pays européens montre que cet enseignement est

très inégal d’un pays à l’autre et globalement insuffisant.11 Diverses initiatives

internationales ont proposé des solutions pour améliorer le contenu, la qualité et la diffusion

de cet enseignement.5,12,13 Il apparaît fondamental qu’au cours du curriculum d’un futur

médecin l’enseignement de l’EBM couvre tous les niveaux de raisonnement et de mise en

pratique de l’EBM. En effet, si la capacité à sonder, évaluer et synthétiser les données

scientifiques est un pré-requis fondamental,4 il est également crucial de savoir appliquer le

résultat de cette investigation à la pratique clinique quotidienne.14 Ainsi, l’apprentissage de

la « gestion de l’information » et l’acquisition d’outils permettant d’y accéder facilement et

rapidement en temps réel, en situation de soin, est aussi très important. A l’heure actuelle

un médecin doit faire face à une augmentation exponentielle des connaissances médicales

et au fait que les patients eux-même ont accès à beaucoup de ces informations par internet

et sont devenus beaucoup plus demandeurs d’explications.15

L’EBM et l’esprit critique qu’il vise à développer devraient probablement faire partie

intégrante de l’enseignement à tous les niveaux. Ainsi les outils de base pour rechercher,

évaluer et appliquer les preuves scientifiques issues de la recherche à des situations

cliniques concrètes pourraient être transmis dès le départ.16 Cette approche devrait

idéalement aboutir à un engagement de la part des jeunes médecins à régulièrement

remettre en cause et renouveler leurs connaissances tout au long de leur carrière.16 Des

programmes de formation médicale continue dédiés à l’EBM pourraient être proposés,

s’adressant notamment aux personnes n’ayant pas bénéficié de cette formation au cours de

leurs études.15

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La pratique de l’EBM et son enseignement se heurtent à certaines limites qui seront

abordées également dans le CHAPITRE III, et dont il est important de faire part aux

étudiants. Ainsi, toutes les situations cliniques ne bénéficient de preuves scientifiques

solides, loin s’en faut. Par exemple, étant donné les critères d’inclusion souvent très stricts

des essais thérapeutiques, leur résultats ne sont souvent pas généralisables à l’ensemble de

la population.17 Il existe notamment assez peu de preuves scientifiques pour la prise en

charge de personnes âgées ou présentant de multiples comorbidités.18 De même, pour les

maladies rares et de nombreuses affections pédiatriques aucun essai randomisé n’est

disponible,17 et on est amené à se contenter de niveaux de preuve plus faibles. Par ailleurs,

autant l’EBM peut-être un outil puissant pour améliorer la qualité des soins à grande échelle,

autant elle peut devenir un outil dangereux si elle est utilisée de façon inappropriée. Un des

dangers actuels par exemple est que le développement de l’EBM coïncide avec une

augmentation importante des financements privés de la recherche à but lucratif. Ceci amène

de plus en plus souvent à se poser la question de conflits d’intérêt potentiels, les chercheurs

financés par l’industrie pouvant être biaisés dans l’interprétation de leurs résultats.4 Les

détracteurs de l’EBM mettent également en avant que cette approche a été reprise et

promulguée par les autorités de santé en vue d’une maîtrise des dépenses, sans

considérations pour l’intérêt du patient.19 Des courants nouveaux visant à contrer cette

critiques sont en train de se développer, tels que le Patient-Centered Outcomes Research

Institute.20

Enfin, en 2012 l’EBM est confrontée à de nouveaux défis, avec le développement

vertigineux des technologies de l’information et des biotechnologies à haut débit, telles que

la génomique. Depuis l’avènement des technologies de génotypage à haut débit utilisées

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largement pour l’identification de facteurs de susceptibilité génétique aux maladies

complexes, et dont une des applications pourrait être d’adapter les stratégies de prévention

voire les traitements au profil génétique des patients, s’est développé une sorte

d’antagonisme entre l’approche dite de médecine personnalisée et la médecine fondée sur

les preuves à l’échelle de la communauté.21,22 Des solutions créatives sont à l’étude pour

essayer de réconcilier ces deux approches.21,23,24 Une autre révolution est l’émergence et le

développement du dossier médical électronique comme un outil interactif pouvant être

utilisé à des fin d’analyses descriptives voire comparatives de séries de patients

correspondant à certains critères. Certains ont proposé cet outil pour combler les lacunes de

l’EBM en temps réel,17 avec tous les dangers d’interprétation liés aux biais auxquels

exposent les études observationnelles.4 Pour terminer sur une note positive, les nouveaux

outils électroniques et numériques peuvent aussi être un atout pour la diffusion et la mise

en pratique de l’EBM. Ainsi le centre d’EBM d’Oxford (http://www.cebm.net/) propose

maintenant des applications sur iPhone pour un accès rapide à des données d’EBM.

III- ÉTAT DES LIEUX DE L’ENSEIGNEMENT DE l’EBM EN FRANCE

L'Evidence-based practice (EBP) (« la pratique de soins fondée sur des preuves ») aide

les professionnels de santé à baser leurs pratiques de soins sur les meilleures données de la

littérature scientifique. Il est une réponse à l'accroissement constant des publications

scientifiques qu'il faut assimiler et intégrer à la pratique. Simple stratégie d'apprentissage

des connaissances cliniques au départ, l'EBM fait maintenant partie intégrante de la

pratique médicale. Il convient donc de l’enseigner dans les Facultés de Médecine.

Notre réflexion s’est orientée dans trois axes :

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1. Quelle est la structuration institutionnelle de l’EBM en France ?

Nous présenterons brièvement le centre Cochrane Français. La problématique des

centres de preuves sera abordée dans une autre partie du mémoire.

2. Comment est intégrée cette notion/pratique dans l’enseignement médical en 2012 ?

A différents niveaux, le programme officiel de l’enseignement dispensé dans les

Facultés de Médecine aborde des thématiques rejoignant une formation à l’EBM. Peu

de Facultés dispensent toutefois un enseignement spécifique et nous avons tenté de

répertorier ces initiatives par l’intermédiaire d’une courte enquête.

3. Quel est le sens de cette intégration en fonction du niveau de l’enseignement. Quels

en sont les conséquences pour la Médecine que nous enseignons ?

C’est une partie de réflexion personnelle sur le sujet.

1. Structuration institutionnelle de l’EBM en France :

La structure principale est le centre Cochrane français. Cette entité est rattachée au

centre Cochrane international. Créé en 2010 à l'hôpital Hôtel-Dieu à Paris, le Centre

Cochrane Français fait partie des 14 centres de la Collaboration Cochrane dans le monde. Il a

été mis en place grâce à des subventionnements provenant de la Bibliothèque

interuniversitaire de Paris, l’HAS, l’APHP, L’Inserm, la Haute Ecole de Santé et l’Université

Paris Descartes.

Les deux principaux responsables et fondateurs sont le Professeur Philippe Ravaud

(Directeur du Centre Cochrane Français ; Professeur d'epidémiologie à l'Université Paris

Descartes; Chef de l'unité de recherche INSERM U738 équipe 2) et le Professeur Pierre

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Durieux, (Directeur scientifique du Centre Cochrane Français ; Professeur de Santé Publique

à l’Université Paris Descartes).

Les principales missions du centre sont de :

- promouvoir et soutenir la participation des francophones dans la Collaboration Cochrane,

- promouvoir les activités et les valeurs de la Collaboration Cochrane en France, en

établissant des liens avec chaque acteur du système de soins (professionnels, représentants

de patients et autorités en santé),

- faire connaître, améliorer l'accès et l'utilisation des revues Cochrane,

- développer et coordonner la formation des auteurs et des utilisateurs des revues Cochrane

en France et dans les régions francophones,

- promouvoir la recherche méthodologique dans le champ des revues systématiques,

- promouvoir le concept de médecine fondée sur des preuves.

Le centre comprend une équipe multidisciplinaire de plus de 10 personnes

(médecins, kinésithérapeute, statisticiens…). Cette équipe appartient en partie à l’équipe

INSERM U738. Les scientifiques de la Collaboration Cochrane produisent des revues

systématiques Cochrane, synthèses de toutes les études évaluant les effets des interventions

en santé. Les résultats quantitatifs des études peuvent être combinés permettant d’élaborer

une méta-analyse permettant de calculer une mesure statistique de l'effet global de

l'intervention évaluée. A ce jour, la Collaboration a produit plus de 4 000 revues

systématiques, couvrant toutes la majorité des questions en santé.

Des revues Cochrane sont également élaborées pour être destinées aux patients et

au grand public. Elles sont réalisées par des personnes en majorité bénévoles, pour la

plupart professionnels de santé, mais aussi par les patients et leur entourage, au sein de

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groupes de revue. Chaque revue comporte un résumé scientifique (abstract) et un résumé

simplifié (Plain language summary). On y trouve le rappel de la pathologie et de

l’intervention évaluée, les résultats et les conclusions de la revue.

Plusieurs groupes travaillent à la réalisation et l’actualisation des revues, supervisés

par une équipe éditoriale qui veille à l'application des standards de qualité rigoureux.

En France, différents groupes thématiques se sont constitués centrés sur des spécialités ou

des pathologies (dermatologie, hypertension artérielle, cancer, musculo-squelettique).

Enfin, le site internet fait le lien avec la web-bibliographie de la libraire Cochrane

internationale.

Pour l’utilisation dans le cadre de la pédagogie médicale, les revues systématiques

Cochrane sont l'un des maillons fondamentaux de la démarche EBM. En effet, elles

fournissent la synthèse de toutes les études menées pour répondre à une question précise

concernant l'évaluation des effets d'interventions en santé. Les revues systématiques

Cochrane sont reconnues internationalement comme ayant le plus haut niveau de preuve

parmi les sources de données de santé fondées sur des preuves. Elles sont systématiques

c’est à dire élaborées sur le même modèle basé sur une méthodologie rigoureuse, utilisant

un protocole standardisé. Elles ont pour objectif d'être faciles à comprendre pour les non

experts. Le caractère international des groupes de revues permet d'assurer que les résultats

des revues soient applicables dans différents pays et de couvrir des questions de santé

touchant les personnes de tous pays et de tous contextes. Leur mise à jour est régulière,

point essentiel quand on sait que les résultats de nouvelles études peuvent modifier les

conclusions d’une revue.

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2. Enseignement de l’EBM dans les Facultés françaises en fonction du cycle

d’enseignement

Le programme officiel des études de santé intègre en 2012 beaucoup de notions

importantes pour l’analyse des articles scientifiques qui est la base requise pour l’EBM. Nous

avons listé les enseignements des différents niveaux du cursus se rapportant à l’EBM.

EBM en PAES

Le programme de l’UE7 positionne la médecine au sein des sciences humaines et sociales

1ère partie : Sciences humaines et sociales

2ème partie : L'Homme et son environnement

3ème partie : Santé publique

EBM en L2

Cet enseignement est moins bien standardisé et varie d’une Faculté à l’autre. Globalement

on retrouve une introduction aux sciences statistiques (enseignement biostatistiques,

informatique, biométrie de la santé). Il existe sous forme variée une introduction à la santé

publique.

A titre d’exemple :

- Université Diderot Paris VII

L2/M1 Histoire de la Médecine au travers de la santé publique

Dont 3 items de l’enseignement se rapportant à l’EBM…

- Sécurité Sanitaire et EBM

- Politiques de la maladie et de la santé : approche socio-historique

- Expériences et représentations de la maladie et de la santé : approche anthropologique

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- Université Paris Descartes V

1 UE spécifique L2/L3 parmi lequelles

Santé publique- Epidemiologie- Recherche clinique

EBM en L3

UE Santé Société humanité

UE LCA et épidémiologie

EBM à l’ECN

L’objectif EBM est assuré par le programme (module 1) et par une épreuve de lecture

critique d’article (LCA)

Programme de l’ECN :

Module 1 : apprentissage de l’exercice médical

Détails des 5 objectifs se rapportant à l’EBM :

1. La relation médecin-malade. L’annonce d’une maladie grave. La formation du patient

atteint de maladie chronique. La personnalisation de la prise en charge médicale.

2. La méthodologie de la recherche clinique.

3. Le raisonnement et la décision en médecine. La médecine fondée sur des preuves. L’aléa

thérapeutique.

12. Recherche documentaire et auto-formation. Lecture critique d’un article médical.

Recommandations pour la pratique. Les maladies orphelines.

14. Protection sociale. Consommation médicale et Économie de la santé.

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Epreuve de LCA

L’objectif de l’épreuve est d’amener l’étudiant à lire de façon critique et à analyser le

contenu d’un article en vue de son autoformation actuelle et future. Le mot critique ne doit

pas être entendu dans le sens où l’on demanderait aux étudiants de chercher

systématiquement tous les défauts d’un article. Cette épreuve part du principe que toute

information médicale doit être analysée avec du recul, en cherchant les défauts éventuels

mais aussi les limites, les implications, l’utilité pour la pratique. L’article choisi doit être

considéré comme de bonne qualité (le but de l’enseignement de la lecture critique est de

donner à la fois le sens critique et le goût de la lecture).

EBM en cycle Médecine Générale

Détails du programme officiel se rapportant à l’EBM.

- Méthodologie de l’évaluation des pratiques de soins et de la recherche clinique en

médecine générale

- Épidémiologie et santé publique

- Organisation, gestion, éthique, droit et responsabilité médicale en médecine générale,

économie de la santé.

EBM en DES de spécialités médico-chirurgicales

Enseignements généraux

Méthodologie de l’évaluation des pratiques de soins et de la recherche clinique et

épidémiologique

EBM en DES de Santé publique

Enseignements de base

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- Communication : techniques de communication et d’éducation pour la santé,

documentation, informatique ;

- Épidémiologie : épidémiologie descriptive et analytique, statistique, démographie ;

EBM : Master

M1 ou M2 de Santé publique

Enseignement spécifique de Médecine Factuelle

L’enseignement spécifique de la médecine factuelle n’apparait pas systématiquement dans

les programmes français comme on peut le retrouver dans d’autres pays Européens.

A titre d’exemple : Certificat en médecine factuelle (Université de Bruxelles)

Proposé comme formation médicale continue (enseignement de deux journées) et dans le

cadre du programme d’enseignement des masters complémentaires.

Objectifs : Structurer les connaissances en médecine factuelle acquises par la pratique et

apprendre à les utiliser à la solution des problèmes cliniques courants (diagnostic,

traitement, pronostic, prévention). A l’issue de la formation, le médecin sera capable de

consulter les principales sources de la littérature médicale, d’interpréter un article et

d’identifier les types de revue (y compris les recommandations) selon les principes de la

médecine factuelle, de pouvoir participer activement à des synthèses de littérature avec une

méthodologie adéquate.

Enquête-sondage sur la structuration de l’EBM dans les Facultés en dehors de celles

associées à l’APHP

Méthode : Nous avons envoyé pour chaque Faculté de France à un responsable de

l’enseignement de 2ème cycle et de 3ème cycle/Médecine Générale le message suivant :

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«Pouvez-vous m’informer en quelques lignes s'il y a et sous quelle forme un enseignement

spécifique de l’EBM (ou en projet) à XXX et s'il y a des contacts avec le centre Cochrane

français de Paris ?»

Analyse des résultats : La notion d’EBM est parfaitement connue de toutes les personnes

impliquées dans l’enseignement de la santé publique. Elle est mieux connue des enseignants

de 3ème cycle des études médicales que des responsables du 2ème cycle qui connaissent

essentiellement la lecture critique d’article et les modules de statistiques, d’épidémiologie et

de santé publique.

Un exemple type de réponse d’un responsable de médecine générale :

En deuxième cycle nous intervenons au cours d'enseignements optionnels :

- éthique et médecine générale

- dossier médical et démarche qualité

- prévention et MG

En troisième cycle nous intégrons la démarche EBM au sein des enseignements obligatoires

- enseignements dirigés en groupes de 12 à partir de situation clinique vécues,

- deux séminaires sur la démarche qualité

- enseignement méthodologique: comment accéder aux données validées

Un exemple type de réponse d’une responsable de deuxième cycle :

Je ne vois pas d'enseignement spécifiquement organisé autour de cette méthode et identifié

comme tel. Je pense qu'en revanche beaucoup d'enseignements font appel aux données de

la littérature et que chacun les utilise pour être le plus "vrai" possible. Je ne suis pas non plus

au courant de relations avec le centre Cochrane.

Il existe toutefois des Universités qui ont mieux intégré l’EBM dans leur enseignement.

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Certaines Facultés ont individualisé un enseignement spécifique pour la ressource

documentaire. C’est le cas par exemple à Besançon où un cours sur les recommandations

pour la pratique, les référentiels et l'EBM est donné en DCEM2, dans le cadre d’un module

« apprentissage de l'exercice médical ». Dans cette Faculté, il n’y a pas de lien avec le centre

Cochrane mais un séminaire de présentation du réseau et des méthodes de méta-analyses

avec le réseau français (Pr Burnand et M Rege de Lausanne) dans le cadre de la semaine de

formation continue (université d'été francophone de santé publique). Certaines Facultés

dispensent un Master centré sur l’EBM qui peut être intégré dans le parcours recherche dès

le P2. Certaines Faculté hors de l’île de France comme celle de Strasbourg ont

institutionnalisé un lien avec le réseau Cochrane français.

3. Evidence et limite de l’EBM pour l’enseignement en 2012

L’EBM semble être une évidence en soi, un outil de modernité garant de justesse de

l’acte médical éthiquement correct dans une démarche adhérente au respect de la politique

de Santé. Son introduction dans l’enseignement est donc une nécessité. Pour autant, cette

démarche n’est-elle pas utilisée depuis longtemps par les « bons » praticiens ?

Institutionnaliser cette notion n’est-ce pas uniquement un formalisme ?

Faisabilité de l’utilisation du site Cochrane pour la formation initiale

Nous nous sommes intéressés à la possibilité/pertinence de consulter une

information à partir du site de la librairie Cochrane sans connaissance particulière (tel que

pourrait le faire un étudiant non averti). Nous nous sommes relativement égarés sur des

sujets à l’ordre du jour très éclectiques et spécialisés, fortement éloignés de ceux abordés

en formation initiale. Il semble que l’information ne peut être exploitée utilement par des

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étudiants que s’ils sont dirigés vers un sujet précis. La démarche EBM pour la formation

initiale doit donc être accompagnée d’une démarche pédagogique structurée. Au minimum,

les documents à retirer à partir du site Cochrane doivent être explicitement indiqués aux

étudiants au cours de leurs unités d’enseignements.

Bilan de l’enseignement actuel et perspectives

Nous l’avons vu beaucoup d’heures d’enseignement sont consacrées à acquérir les

bases de la lecture critique d’article. Reste à savoir comment amener les étudiants à intégrer

en pratique cette lecture dans leur formation. Tous les sujets indispensables à

l’apprentissage de base de l’exercice médical ne sont pas abordés dans la littérature.

Comment passer de ces connaissances à la pratique.

Nous aurons des éléments de réponses dans le chapitre concernant la pertinence de

l’établissement des centres de preuve. Beaucoup d’enseignants ont déjà mis en place sur le

site électronique de leur Faculté ou sur leur propre site (ou équivalent de « Dropbox ») des

documents de références consultables par les praticiens mais aussi par les étudiants. Dans le

cadre du nouveau deuxième cycle, des « réservoirs documentaires » communs sont parfois

mis en place. Ils permettent aux enseignants d’une même UE, issus de différentes

disciplines, d’harmoniser leurs cours. Il constitue ensuite un réservoir consultable par les

étudiants. L’intérêt est que l’information est ainsi limitée, ciblée et filtrée. L’utilisation de

documents issues du centre Cochrane Français pourrait être incitée afin d’assurer la validité

méthodologique et épidémiologique des documents mis en ligne.

Par ailleurs, les revues Cochrane pourraient servir de « garde-fou » pour valider les

réponses des dossiers présentés à l’ECN. On pourrait également ne faire apparaitre que des

réponses dont le niveau de preuve est suffisant. Les réponses pourraient aussi être

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pondérées en fonction des niveaux de preuve. Là encore les groupes de travail du centre

Cochrane pourraient être consultés pour une relecture des réponses afin de ne valider que

les données « valides ».

Impact de l’EBM sur la nature de l’enseignement de la Médecine

On peut considérer que l’EBM est une médecine axée sur la santé publique basée sur

les sciences statistiques et les sciences humaines et sociales.

L’EBM risque donc d’induire un éloignement de la « Science-based Medicine ». On

peut se souvenir de l’importance des sciences fondamentales à la naissance des Facultés à

l’époque où à côté de l’anatomie régnaient la Biophysique et la Physiologie qui étaient les

sciences du « fonctionnement » tel que le décrivait Claude Bernard.

“Ce serait une grande illusion du médecin que de croire qu’il connaît les maladies pour

leur avoir donné un nom, pour les voir classées et décrites […]. Un médecin ne connaîtra les

maladies que lorsqu’il pourra agir rationnellement et expérimentalement sur elles.” La

maladie est une variation, un dysfonctionnement quantitatif d’une fonction normale.

C. Bernard 1865

La méthode expérimentale est donc la garantie de la scientificité de la physiologie

Bernardienne. Elle est supérieure à la médecine clinique parce qu'elle atteint la connaissance

des dysfonctionnements physiologiques. L'Introduction à l’étude de la médecine

expérimentale qui montrait la nécessité de l’expérimentation était ainsi un manuel à l’usage

des étudiants de médecine

Cet enseignement est actuellement concentré sur un nombre de plus en plus

restreint d’heures dans l’UE3 en PAES et en L2. La physiopathologie a laissé la place à la

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biochimie et à la génétique qui dominent actuellement les méthodes de la recherche

biomédicale. De l’angle de vue le plus distal (la molécule, le gène) à l’angle de vue le plus

global (l’épidémiologie), il n’est actuellement fait que peu de liens.

Pour autant une étude dont la méthodologie est inattaquable permet-elle

nécessairement d’aboutir à des conclusions exactes si au départ elle ne s’appuie pas sur des

hypothèses fondées sur de solides connaissances fondamentales et si intrinsèquement elle

n’en fait pas le lien ? La question mérite au moins d’être posée avant d’adhérer à un

enseignement basé uniquement sur une littérature validée avant tout sur des considérations

méthodologiques.

Conclusion

L’introduction de l’EBM dans l’enseignement de la Médecine est déjà effective mais

plus ou moins avancée selon les Facultés. Toutefois il s’agit essentiellement d’une formation

à la méthodologie et à l’épidémiologie nécessaire pour utiliser les ressources documentaires.

Il reste à mettre en place l’utilisation par les étudiants pour leur formation initiale des

ressources documentaires valides sur le plan méthodologique. Il conviendrait d’inciter plus

largement les enseignants à connaître et utiliser les ressources mises à disposition par le

centre Cochrane Français. Entre les revues systématiques de ce centre, les recommandations

des sociétés aux différents étages (national, européen, international) et l’accès aux revues

électroniques, l’étudiant ne peut pas seul trouver une documentation utile pour assoir son

apprentissage. Les enseignants doivent donc être actifs pour trier et mettre à disposition

l’information devant faire partie de la formation initiale des étudiants. Les Facultés de

Médecine doivent structurer et institutionnaliser ce travail qui pour le moment repose sur

des initiatives individuelles. Le lien avec les services bibliothécaires des Universités devra

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être effectué. Des centres de preuve mis en place au sein des Facultés de Médecine

pourraient assurer cette mission de pilotage. Au minimum, des enseignants (un par UE, un

par Cycle, un par Faculté ?) responsables de la formalisation de l’accès aux ressources

documentaires de références pourraient être désignés.

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CHAPITRE II : PERCEPTION DE L’EBM PAR LES ÉTUDIANTS :

REVUE DE LA LITTÉRATURE

I- INTRODUCTION

Le terme Evidence-based medicine (EBM) peut être défini comme l’intégration des

meilleures données actuelles de la recherche à l’expertise clinique du soignant et aux valeurs

du patient, dans la prise de décision médicale.3,25 En France, les facultés de médecine ont

progressivement mis en place un enseignement spécifique de l’EBM et, depuis 2009, une

épreuve de lecture critique d’article (LCA) a été instaurée à l’examen national classant (ECN).

L’enseignement de l’EBM et son intégration dans les études médicales présentent des défis

et des limites.26 L’évaluation rigoureuse de l’enseignement de l’EBM est difficile.27 La

variabilité selon les facultés de médecine, les difficultés d’échantillonnage et du contrôle des

co-interventions, ou encore la difficulté à mesurer l’acquisition d’une compétence à

pratiquer l’EBM (plutôt que l’auto-appréciation d’un changement d’attitude ou de

connaissances) sont différents facteurs d’explication. Chez les internes, des barrières à

appliquer les principes de l’EBM ont été décrites : manque de temps disponible, manque

d’intérêt ou de motivation, manque de connaissances ou de compétences spécifiques.28

Jusqu’à présent, la plupart des études ont porté sur l’évaluation de l’enseignement

de l’EBM, en terme d’acquisition de connaissances et de compétences. L’objectif de notre

étude était d’évaluer plus spécifiquement les perceptions des étudiants en médecine de

l’Evidence-based medicine (EBM) dans l’enseignement.

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II- MÉTHODES

Nous avons réalisé une revue systématique de la littérature internationale. Les bases

de données bibliographiques PubMed/Medline et Embase ont été interrogées le 24 juillet

2012. Les mots clés utilisés étaient “Evidence-based medicine” et “Students, Medical” pour

PubMed, et “'Evidence based medicine” et “Medical Student” pour Embase. Aucune

restriction ne portait sur la langue, le schéma d’étude, le type de publication, ni la date.

Nous avons également interrogé Google Scholar.

Les articles rapportant la perception par les étudiants en médecine de l’EBM dans

l’enseignement ont été sélectionnés par deux auteurs, de façon indépendante. Une

première sélection a été effectuée sur la base du titre et du résumé, puis la sélection

définitive a été faite à partir des versions intégrales des publications.

III- RÉSULTATS

La recherche documentaire a permis d’identifier 141 références dans PubMed et 105

dans Embase. Après suppression des doublons (n = 10), on comptait 236 références uniques.

Sur la base du titre et du résumé, nous avons sélectionné 25 publications pour lesquelles

nous avons récupéré les versions intégrales. Parmi elles, nous avons finalement inclus sept

articles.29-35 Un article supplémentaire,36 retrouvé avec Google Scholar, a également été

inclus.

Les principales caractéristiques des études sont présentées dans le Tableau 2 (page

suivante).

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29

1. Connaissances et croyances des étudiants

L’EBM était définie par les étudiants de façon classique, comme l’intégration des

données probantes (evidence) dans la prise de décision médicale.30 Des internes

s’interrogeaient sur la relation entre l’EBM et le processus de prise de décision clinique, et se

demandaient si le jugement clinique et les préférences du patient pouvaient être plus

importants que les données probantes.29 La connaissance de l’EBM étaient considérée

comme importante par les étudiants.36 L’analyse critique était perçue comme une part

essentielle dans l’évaluation de l’information médicale.30

Les internes de sexe masculin se sentaient significativement plus à l’aise dans l’évaluation

des tests statistiques et les internes de sexe féminin considéraient plus souvent que les

préférences du patient pouvaient primer sur les données probantes.29 La valeur des

méthodes scientifiques était notée de façon plus élevée chez les hommes.36

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Tableau 2 – Principales caractéristiques des études incluses (par ordre alphabétique)

1er auteur, année (réf.) Pays Participants Objectif de l’étude (schéma d’étude)

Hadley, 200729 Royaume-Uni

Internes de différentes spécialités

Évaluer les connaissances, compétences et croyances des internes, afin de développer un enseignement pertinent de l’EBM (enquête par questionnaire)

Ilic, 201030 Australie Étudiants en 3e année de médecine

Identifier les perceptions de l’EBM chez les étudiants en médecine (étude qualitative par focus group)

Kaderli, 201236 Suisse Étudiants en 5e et 6e année de médecine, en stage de chirurgie

Évaluer les attitudes et les connaissances des étudiants concernant l’EBM, ainsi que les obstacles et les améliorations pour son utilisation (enquête par questionnaire)

Khader, 201131 Jordanie Étudiants en 4e année de médecine

Évaluer l’impact d’une formation à l’EBM sur les attitudes et connaissances des étudiants vis-à-vis de l’EBM (enquête avant-après)

Pitkälä, 200032 Finlande Étudiants en 4e année de médecine

Évaluer un enseignement de l’EBM et recueillir la réaction des étudiants (enquête par questionnaire)

Srinivasan, 200233

États-Unis d’Amérique

Étudiants en 1ère année de médecine

Évaluer la faisabilité de l’introduction d’un cours sur l’EBM et recueillir la satisfaction des étudiants (enquête)

West, 2008 et 201134,35

États-Unis d’Amérique

Étudiants en 2e année de médecine

Évaluer un programme d’enseignement de l’EBM et évaluer les attitudes et connaissances des étudiants (enquête longitudinale)

Réf : référence bibliographique ; EBM : Evidence-based medicine

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31

Les internes ayant une spécialité chirurgicale se sentaient plus confiants dans l’appréciation

des données de la recherche, et ceux ayant une spécialité médicale dans l’appréciation des

tests statistiques.29

Les internes ayant une expérience en recherche avaient une meilleure connaissance de

l’EBM, se sentaient plus confiants dans l’évaluation des données issues de la recherche et

considéraient les travaux originaux comme étant moins déroutants par rapport à ceux

n’ayant pas eu d’expérience de recherche. Ces derniers considéraient que le jugement

clinique était plus important que les données probantes.29 La fréquence de recherche

documentaire et le nombre de publications comme co-auteur étaient des facteurs associés à

une meilleure connaissance de l’EBM.36

L’aspiration à une carrière universitaire était associée à une lecture plus fréquente de

publications médicales et à une plus grande importance accordée à la connaissance de l’EBM

mais n’était pas significativement associée à une meilleure connaissance de l’EBM.36

2. Évaluation de l’enseignement et satisfaction des étudiants

L’enseignement de l’EBM était considéré comme important par les étudiants.36 Selon

la plupart des étudiants, l’enseignement de l’EBM devait faire partie du programme des

études médicales.31 Avant et après le cours, la majorité des étudiants avait une attitude

positive vis-à-vis de l’EBM31 et celle-ci était généralement perçue comme importante pour la

formation médicale et la pratique clinique.34,35

Dans une étude menée auprès d’étudiants en troisième année,30 le cours portant sur l’EBM

était jugé pertinent et organisé à un moment opportun, intégré aux premiers stages

cliniques hospitaliers.

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32

Dans une étude où la méthode d’apprentissage mise en œuvre était similaire à celle de

l’apprentissage par problèmes, l’opinion globale des étudiants était positive.32 L’organisation

de sessions en petits groupes a été particulièrement appréciée par des étudiants en

première année qui ne souhaitaient pas bénéficier uniquement d’une auto-formation en

ligne.33

L’application effective des principes de l’EBM était perçue comme étant dépendante des

personnes chargées de la formation clinique, de leur intérêt et compétences envers l’EBM.30

Selon les étudiants, un enseignant compétent vis-à-vis de l’EBM était un bon clinicien,

appliquant les données de la science dans sa pratique, capable d’inspirer les étudiants et de

les amener à obtenir les réponses par eux-mêmes.32

Les connaissances de l’EBM par les étudiants étaient augmentées à l’issue du programme

d’enseignement de l’EBM.33-35 À l’issue de l’enseignement, la grande majorité des étudiants

avaient pris conscience de l’existence de recommandations et de protocoles pour la prise en

charge des pathologies, et une plus grande part d’étudiants disait mieux comprendre les

concepts d’épidémiologie.31 Selon les étudiants, les compétences pour la recherche

documentaire dans les différentes bases de données avaient été améliorées par le cours.30,32

La connaissance des bases de données bibliographiques telles que Medline ou Cochrane

était significativement augmentée après le cours.31 Les étudiants estimaient que le cours sur

l’EBM leur avait apporté une attitude plus critique envers le savoir médical, une aptitude à

lire et à critiquer les articles de recherche originaux, une meilleure connaissance des critères

d’une bonne recherche clinique et des bases statistiques.32 Les méthodes statistiques

restaient l’élément le plus difficile à appréhender, même si plusieurs étudiants soulignaient

que les statistiques n’étaient pas véritablement un objectif d’apprentissage du cours.32

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33

Les étudiants considéraient les compétences liées à l’EBM comme étant utiles à la réalisation

de leurs études, comme par exemple, pour l’apprentissage par problèmes.30 L’enseignement

des principes de l’EBM au cours du premier cycle des études médicales a été perçu comme

pouvant apporter des connaissances et des compétences à même de faciliter l’utilisation

croissante des connaissances et le développement professionnel.30 Pour de nombreux

étudiants, le cours sur l’EBM leur a enseigné l’importance de la formation continue.32

Dans l’étude de Hadley et al.,29 les internes exprimaient majoritairement qu’ils n’avaient pas

reçu une bonne formation à l’EBM et le besoin d’une formation plus solide aux principes de

l’EBM.

3. Attitudes et utilisation de l’EBM : barrières et facilitateurs

Les étudiants étaient convaincus qu’ils continueraient à appliquer les principes de

l’EBM au cours de leurs études et dans leur exercice futur en tant que praticien.30 Les

internes avaient le sentiment que l’EBM était essentielle à leur pratique.29 Toutefois, les

internes de spécialité non chirurgicale considéraient que l’EBM avait peu d’impact sur leur

pratique.29

Les étudiants ont remarqué que la mise en œuvre des principes de l’EBM, dans la

pratique clinique ou au cours des activités d’enseignement au lit du patient, s’observait plus

souvent dans certaines spécialités, lors des gardes aux urgences médicales, en médecine

générale et en cardiologie, le plus souvent par un clinicien jeune ou en milieu de carrière.30

Le manque de temps et les difficultés à intégrer l’EBM dans la pratique quotidienne

étaient perçus comme des obstacles à l’utilisation de l’EBM.30,32,36 Les étudiants pensaient

qu’il serait difficile d’incorporer les principes de l’EBM en pratique quotidienne mais qu’ils

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34

avaient les compétences pour identifier la littérature pertinente, apprécier son utilité et

l’appliquer en situation clinique.30

Le changement de comportement et des pratiques actuelles des cliniciens les plus

âgés ou encore l’appropriation des nouvelles technologies étaient d’autres obstacles cités

par les étudiants.30

L’amélioration de la formation (club de lecture, par exemple), le développement de

l’enseignement de l’EBM, et de meilleurs données disponibles étaient des propositions

susceptibles d’améliorer l’utilisation de l’EBM.36 L’observation d’enseignants cliniciens se

référant à la recherche et aux données de la science lors de la discussion de dossiers patients

était un facteur facilitant l’appropriation et l’utilisation de l’EBM.30 Un autre facteur souligné

par les étudiants en faveur de la promotion de l’EBM était qu’elle donnait une autonomie

aux cliniciens pour maintenir leurs connaissances à jour.30

V- DISCUSSION

1. Principaux résultats

L’EBM est perçue par les étudiants en médecine comme importante pour leurs études et

dans leur futur exercice. Les connaissances et l’appréciation des principes de l’EBM

pouvaient varier selon le sexe, la spécialité (pour les internes) et l’expérience de la recherche

clinique. Les étudiants ont majoritairement une attitude positive vis-à-vis de l’enseignement

de l’EBM. Son intégration aux stages cliniques, le travail en petits groupes et une approche

par résolution de problèmes étaient appréciés des étudiants. Ils estimaient que leurs

connaissances étaient améliorées à l’issue de l’enseignement, notamment la recherche

documentaire et l’appréciation critique de la littérature. Les étudiants pensaient qu’ils

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35

continueraient à mettre en œuvre les principes de l’EBM dans la prise de décision médicale,

dans la suite de leurs études ou en tant que praticien, mais soulevaient des difficultés

potentielles en pratique quotidienne. Les enseignants cliniciens se référant aux principes de

l’EBM dans leur pratique étaient, en tant que modèle de rôle,37 un facteur déterminant de

l’appropriation de l’EBM par les étudiants. Enfin, l’EBM était perçue comme un outil de la

formation médicale continue et d’actualisation de ses connaissances médicales.

2. Limites

La littérature portant sur l’EBM est abondante mais les études s’intéressant spécifiquement

aux perceptions des étudiants que nous avons pu identifier étaient peu nombreuses. Aucune

des études incluses n’a été menée en France. Or, l’organisation des études médicales, les

méthodes d’enseignements et le contexte socio-culturel diffèrent sensiblement d’un pays à

l’autre. Aussi, l’extrapolation des résultats de notre revue de la littérature aux étudiants en

médecine français doit-elle rester prudente.

L’auto-évaluation des compétences vis-à-vis de l’EBM chez les étudiants en médecine, est

mal corrélée avec la mesure objective des leurs compétences.38 De plus, il est difficile de

savoir si l’amélioration des connaissances ou compétences rapportée par les étudiants se

traduira par des changements effectifs en pratique clinique et comment cela évoluera dans

le temps. L’évaluation de l’impact d’un enseignement de l’EBM ne peut reposer uniquement

sur la perception subjective des étudiants.

3. Perspectives

L’EBM a été décrite comme un moyen d’enseigner et de pratiquer la médecine en situation

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36

d’incertitude.39 L’enseignement de l’EBM devrait être interactif et intégré à la pratique

clinique.16,40 Le rôle de modèle de l’enseignant ne devrait pas être négligé dans

l’appropriation par les étudiants des concepts de l’EBM.

Les étudiants percevaient également l’EBM comme un outil de leur formation médicale

initiale et comme un modèle pour maintenir leurs connaissances à jour. La pratique de l’EBM

peut être envisagée comme un processus continu d’auto-apprentissage au cours de la vie

professionnelle,41 en faisant le lien entre la science, les données de la recherches, et la

pratique, au fil des situations cliniques vécues.

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37

CHAPITRE III: CENTRES DE PREUVES : UN PROJET POUR UNE

FACULTÉ, UNE SPECIALITÉ

I- LA SYNTHESE FORMALISEE DES CONNAISSANCES MEDICALES

L’essor de l’Evidence-Based Medicine a donné une place importante à la synthèse des

connaissances au sein de la recherche médicale.42 Entre 2001 et 2011, le nombre de revues

de la littérature annuellement indexées dans MedLine a augmenté de près de 50%, passant

de de 66 000 à près de 93 000 ; le nombre de revues systématiques a quant à lui quadruplé,

passant de 2 900 à 11 400. De telles synthèses sont habituellement utilisées pour mettre en

perspective les résultats d’études cliniques. Elles servent de base à l’établissement de de

recommandations pour la pratique, d’outils d’aide à la décision, de politiques de santé ; elles

peuvent également s’avérer requises par les institutions financement de la recherche afin de

justifier l’opportunité de nouvelles études.43

Parallèlement, les institutions ou groupes ayant une activité régulière de synthèse

formalisée des connaissances, que l’on peut désigner sous le nom de Centre de preuves, se

sont développés dans de nombreux pays. Les institutions qui relèvent de cette catégorie

sont cependant de taille et d’ambition diverses. Dans ce chapitre, nous présenterons

successivement quelques exemples de centres de preuve, avant d’explorer quelques enjeux

liés au développement de l’Evidence-Based Medicine dans deux spécialités.

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II- CENTRES DE PREUVES : QUELQUES EXEMPLES, INTERET DES CENTRES

LOCAUX

Dans cette section, nous présenterons succintement deux exemples emblématiques

de centres de preuve, la fondation Cochrane et le réseau des Evidence-based Practice

Centres, puis nous décrirons les caractéristiques usuelles des centres de preuves locaux, leur

intérêt et leurs limites.

Fondée en 1993, la Collaboration Cochrane,44 pionnière du genre, est une

organisation internationale, indépendante à but non lucratif, qui a pour but d'apporter des

informations actualisées de haute qualité sur l'efficacité des interventions en santé. Elle

regroupe à ce jour plus de 28 000 collaborateurs (professionnels de santé, chercheurs et

patients) dans une centaine de pays. Ses financements proviennent principalement de

gouvernements, d'universités, d'organismes de bienfaisance et de dons personnels, avec des

contributions variables selon les composantes. La Collaboration Cochrane produit et diffuse

des revues systématiques sur l'évaluation des interventions en santé ; ses membres

oeuvrent également pour l’utilisation de données probantes dans la prise de décisions en

santé, contribue à l’amélioration de la méthodologie des revues systématiques et à

l’enseignement de cette méthodologie, et à la traduction des revues Cochrane de l'anglais

vers d'autres langues.

Aux Etats-Unis, l’Agency for Healthcare Research and Quality (AHRQ) finance depuis

1997 un réseau d’Evidence-based Practice Centers (EPCs) qui ont pour mission d’effectuer

des revues systématiques de la littérature scientifique relative au systèmes de santé, dans

ses aspects cliniques, organisationnels, financiers. Les sujets abordés sont déterminés par

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les acteurs du système de santé : sociétés savantes, assureurs, employeurs, associations de

pateints ; les sujets abordés sont prioritairement ceux dont les enjeux financiers sont les

importants. Les rapports produits informent les décisions relatives au financement des soins,

à la mise en place d’indicateurs de qualité, à la conception d’outils pédagogiques et de

recommandations pour la pratique, et orientent le financement de la recherche. Les centres

contribuent également à l’amélioration de la méthodologie des revues systématiques.

Depuis 2003, ces centres jouent également un rôle majeur dans le développement de

travaux comparant l’efficacité de stratégies de soins en situation réelle (Comparative

Effectiveness Research).45

A l’autre extrémité du spectre, de nombreux centres locaux ont également vu le jour,

principalement en dehors des Etats-Unis, au sein d’institutions publiques ou

d’universités.46,47 Ces unités peuvent avoir pour missions : (1) de sélectionner les

recommandations nationales fondées sur des données probantes pertinentes pour

l’institution qui les finance et de les adapter au contexte local ; (2) en l’absence de telles

recommandations, de développer des recommandations locales ; (3) de contribuer à la mise

en oeuvre de ces recommandations (via le système d’information de l’institution, au moyen

de démarches d’amélioration de la qualité) ; (4) d’évaluer certaines innovations

technologiques, dans la perspective d’une acquisition locale ; (5) de mettre en place en lien

avec des centres de preuve nationaux, un banc d’essai des recommandations nationales,

facilitant le développement et la révision de ces recommandations.

Localement, l’intérêt de ces centres réside dans la possibilité d’intégrer les éléments

de contexte locaux dans l’évaluation (données épidémiologiques, données de coûts,

pratiques consensuelles en l’absence de données probantes), et dans le rôle quelles sont

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susceptibles de jouer dans le développement de la culture de l’Evidence-Based Medicine au

sein de l’institution, notamment via l’application des recommandations locales,

généralement mieux suivies. L’existence d’un tel centre peut également renforcer la

notoriété d’une institution, notamment si le centre développe des collabaorations avec les

institutions nationales ; enfin, le bénéfice peut être économique, lorsque les évaluations

portent sur l’adoption de nouvelles technologies.

Les principaux risques identifiés sont la multiplication de travaux redondants dans

des institutions distinctes, et celui d’une faible qualité des travaux produits, notamment en

raison de délais de réalisation excessivement contraints par les institutions locales.

III- PROJET EBM EN RADIOLOGIE DIAGNOSTIQUE

1. Contexte : Retard de la diffusion de l’EBM en radiologie et caractéristiques de

l’evidence-based radiology

Retard de la diffusion de l’EBM en radiologie

L’imagerie médicale et la radiologie, selon D.L. Sackett (1996),3 ne sont pas des

domaines pouvant ignorer le concept d’evidence-based medicine: “EBM is not restricted to

randomised trials and metaanalyses.[...] To find out about the accuracy of a diagnostic test,

we need to find proper cross sectional studies of patients clinically suspected of harbouring

the relevant disorder, not a randomised trial”. L’EBR ou “Evidence-based radiology” est un

concept qui va mettre pourtant de nombreuses années à faire son apparition dans la

littérature médicale. Jusqu’en 2000, les articles concernant l’EBR sont publiés dans des

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journaux non radiologiques 48,49,50,51 et le premier ouvrage concernant l’EBR (Evidence-Based

Imaging par L. Santiago Medina et C. Craig Blackmore) n’est publié qu’en 2006.52 La diffusion

de l’EBR en radiologie a donc souffert d’un retard considérable par comparaison aux autres

spécialités. Ceci se traduit à l’heure actuelle par un faible niveau de preuve de la

« connaissance en imagerie » diagnostique. La radiologie interventionnelle est un cas à part,

dont les procédures sont largement codifiées et évaluées comme toute modalité

thérapeutique; elle ne sera pas traité ici. Certains auteurs considèrent que moins de 10% des

procédures « standard » d’imagerie sont supportées par un niveau de preuve scientifique

acceptable. 51 53. Ce retard est lié à des caractéristiques propres à cette spécialité.

Caractéristiques de l’evidence-based radiology

Ainsi, comparer une nouvelle modalité d’imagerie à celle précédemment considérée

comme standard de référence est une entreprise bien différente de la comparaison d’un

nouveau traitement à un placébo ou à une molécule de référence. Le design classique d’un

essai randomisé contrôlé s’applique difficilement à la radiologie diagnostique. L’évaluation

de la performance diagnostique d’une modalité d’imagerie ne peut se passer d’une

connaissance approfondie de la technologie permettant de créer l’image. Il est ainsi aisé,

dans une méta-analyse, de réduire artificiellement la sensibilité diagnostique de l’IRM

cérébrale pour la détection d’un anévrisme intracrânien en mettant en commun des études

comportant des examens dont les paramètres d’acquision sont très différents et parfois

inadéquats. L’expertise technique est donc cruciale dans l’EBR, d’autant plus que de

nouvelles modalités sont développées en permanence, nécessitant que soient testées leurs

performances, reproductibilité, et rapport coût-efficacité. Une manière simple

d’appréhender la difficulté intrinsèque à l’évaluation des outils d’imagerie est de comparer

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une nouvelle séquence IRM avec la recherche pharmacologique. Après la découverte d’une

molécule active, les phases I et II de développement, recherche cellulaire et animale sont

réalisées par l’industrie. Durant cette phase d’environ 10 ans, les structures de recherche

clinique ne sont pas sollicitées. Lorsque les cliniciens sont impliqués, c’est au moment de la

réalisation d’essais de phase III, souvent de larges RCT ; les objectifs sont alors d’en évaluer

l’impact clinique. Les radiologues, confrontés à une nouvelle séquence IRM proposée par les

constructeurs, doivent quant à eux, bien avant de pouvoir en évaluer l’impact clinique, en

passer par les étapes d’évaluation de la performance technique de la séquence elle-même,

de sa fiabilité, de sa reproductibilité chez le sujet sain, de sa valeur diagnostique, de l’impact

de son utilisation sur le diagnostic puis sur une modification éventuelle du traitement. La

rapidité des progrès techniques rend souvent caduques au moment de leur publication les

résultats d’une étude d’évaluation de la performance diagnostique d’un nouvel outil, déjà

dépassé.

Par ailleurs, la fenêtre d’évaluation d’une innovation en imagerie est relativement

étroite. Rapidement mature, la nouvelle technique devient « incontournable » (le poids de

l’image plutôt que celui de « l’evidence ») et remplace la modalité précédente. Il devient

alors impossible d’en randomiser l’accès, la communauté médicale responsable du patient

ne souhaitant pas le priver du dernier test disponible. Le temps de l’évaluation et de l’étude

d’impact est alors passé, le nouvel examen radiologique faisant alors partie de la routine

clinique. On comprends mieux la difficulté majeure rencontrée par le radiologue lors de

l’évaluation d’une nouvelle modalité d’imagerie pour distinguer le bénéfice apparent

(amélioration de la performance diagnostique) du bénéfice réel (impact diagnostique,

thérapeutique et sur la santé du patient)51. En fait, un raccourci est fréquemment fait dans la

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recherche en radiologie, entre capacité de voir plus et mieux et la démonstration d’un gain

significatif pour la santé du patient.

Enfin, un aspect à intégrer dans l’EBR, propre à la radiologie par comparaison à l’EBM

appliqué à d’autres spécialités médicales, tient dans le fait que l’utilisation de l’outil n’est

pas dénuée de risques déterministes et stochastiques, conséquence des radiations

ionisantes nécessaires pour générer l’image, en scanner ou de l’utilisation de hauts champs

magnétiques, en IRM. Il est indispensable d’éviter toute exposition inutile et de la minimiser

si celle-ci est considérée indispensable, comme le rappel l’acronyme ALARA (as low as

reasonably achievable)54,55. A côté des trois dimensions de l’EBM que sont les données de la

recherche, l’expertise clinique-technique et les préférences du patient, l’EBR comporte une

« quatrième dimension », le principe ALARA.

2. Méthode de promotion de l’EBR dans la communauté radiologique

Un changement culturel est certainement nécessaire, adoptant le point de vue que le

patient et la population constituent le point central et non pas exclusivement les images et

leur qualité. L’introduction de l’EBR dans la pratique quotidienne ne peut être envisagée

uniquement par la mise en place de séries d’instructions éditées par la société savante. Elle

nécessite probablement une sensibilisation des nouvelles générations. L’enseignement de

l’EBR mais aussi de la recherche en méthodologie doit être envisagé dès la formation initiale.

L’EBR est considéré dans certains pays comme élément constituant à part entière de la

formation initiale en radiologie (Radiology Residency Review Committee, the American

Board of Radiology and the Association of Program Directors in Radiology 56aux USA) et

apparait à l’échelle Européenne, de manière balbutiante (EuroAim groupe de l’EIBIR, société

européenne de radiologie57).

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Plusieurs points peuvent être suggérés afin de promouvoir l’EBR dans la communauté

radiologique francaise.

• Groupe EBR du G4 Radiologie

Le G4 est le conseil professionnel de la radiologie Française qui associe toutes les

composantes de la radiologie française : le Collège des Enseignants en radiologie de France

(Universitaires), la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (médecins libéraux), la

Société Française de Radiologie (société savante) et le Syndicat des Radiologues Hospitaliers.

Un groupe permanent dédié à l’EBR et en lien avec le groupe de travail Référentiel métier du

médecin radiologue et celui DPC (FMC-EPP-EPRx) pourrait voir le jour. Ce groupe pourrait

être constitué de radiologues experts dans le domaine de l’EBR, nommés par les différentes

entités constituantes du G4 ainsi que par les sociétés d’organes et fédérations, et d’autres

experts EBR non radiologues.

• Promotion de la recherche clinique en plus de la recherche technique

Réorienter une partie des soutiens à la recherche de la Société Française de Radiologie vers

des projets de recherche clinique (financement de Masters et de thèse de sciences)

• Enseignement de l’EBR

L’EBR pourrait être introduit au programme de base de l’enseignement du DES de radiologie,

incluant les bases de biostatistiques appliquées à la radiologie (STARD initiative) avec un

programme spécifique étendu sur quatre ans. Cet enseignement pourrait s’articuler avec le

module national dédié à la recherche en imagerie. Il pourrait comporter différentes étapes

au cours du DES :

- étapes d’enseignement

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Au sein d’un module spécifique: apprentissage des principes de l’EBM et de l’EBR,

introduction aux statistiques et épidémiologie appliquée à la radiologie diagnostique

(tests d’évaluation diagnostique, de reproductibilité, design d’étude, principe de la

randomisation, puissance d’une étude, source de biais en radiologie, revue systématique

et méta-analyse, étude de coût-efficacité, niveau d’évidence des études radiologiques)

Au sein de chaque module d’enseignement par spécialité d’organe : un état de l’EBR au

sein du domaine radiologique concerné.

- étapes de recherche: réalisation d’un travail de recherche en méthodologie / d’une

revue systématique faisant office de mémoire de DES.

IV- CENTRE DE PREUVES EN ENDOCRINOLOGIE : UN PROJET POUR UNE

FACULTE ? POUR UNE SPECIALITE ?

L’endocrinologie est une spécialité particulière par la diversité de ses thématiques,

organisée en un corps central de thématiques métaboliques (centrée sur le diabète),

entouré de maladies plus rares, et parfois mêmes très rares, prises en charge le plus souvent

au sein de centres hyperspécialisés. Le chapitre qui suit n’abordera pas les maladies rares

d’endocrinologie, et dont les recommandations et guides de bonne pratique ont été

organisés en centres de référence dans le cadre du plan national maladies rares 2005-2008.

Ces centres de référence peuvent être vus comme des substituts de centres d’EBM pour les

maladies sans EBM, lorsque seuls les avis d’experts sont disponibles!

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1. Où est la connaissance EBM ? A la recherche de « l’EBM pour les nuls »

Dans leur dernier ouvrage, B. Debré et P. Even affirment que 90% des patients traités par

statine le sont inutilement.58 Certes il s’agit pour les auteurs d’avantage de faire ressortir

une information dissidente qu’une synthèse méthodique d’essais thérapeutiques.

Cependant ce message est intéressant car il pose la question des preuves qui justifient nos

pratiques. Autrement dit, seule une médecine basée sur des preuves est en mesure de

contrer ce type d’affirmations. Mais où sont ces preuves ? Y a-t-on accès facilement ?

A travers l’exemple d’une prise en charge courante en endocrinologie -la prise en charge

médicale des hypercholestérolémies-, l’objectif de cette première partie est d’évaluer

l’accessibilité d’un praticien endocrinologue à l’EBM, en conditions « réelles ».

Aujourd’hui l’utilisation d’Internet est devenu le média presque exclusif d’une recherche

ciblée de ce type. Pour trouver les données de l’EBM, deux questions doivent être résolues :

quelle base de données ? Plusieurs sources ont été explorées, listées ci-dessous. Autre

question : quels mots-clé ? Deux termes, « hypercholesterolémie » ou « statine » ont été

utilisés. Le temps passé pour cette recherche d’information était limité, d’environ à 4 heures

(temps probablement très supérieur au temps disponible pour un praticien en exercice !). Il

en ressort :

- Pubmed est la base « de base ». Typiquement « hypercholesterolemia » et « statins » font

référence à 33 234 et 30542 articles, et 5084 et 7045 revues respectivement. Comment

restreindre ? Pas de moyen simple sur une question de ce type.

- Le document le plus accessible et le plus synthétique sur cette question est certainement la

synthèse d’avis du type « Bon Usage du Médicament » proposée par l’HAS.59 Ce document

est une synthèse en 2 pages du travail de plusieurs dizaines d’experts. L’information est

claire et simple, sous la forme d’une recommandation.

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- Sur le site de la société française d’endocrinologie, on retrouve le polycopié de la collégiale

des endocrinologues, dédié aux étudiants de deuxième cycle, mais qui finalement reprend

de façon concise, intelligible et assez exhaustive, l’essentiel de ce qui est utile dans la

pratique quotidienne.60

- les praticiens avertis (ils ne sont pas très nombreux apparemment !), peuvent se connecter

sur le site de Cochrane, par exemple via le portail de l’université Paris Descartes, ce qui

demande un peu d’habitude, et surtout des codes d’accès ! Une recherche sur leur site à

partir du terme « hypercholesterolemia », renvoit 8 revues, parmi lesquelles deux

thématiques surprenantes, comme l’intérêt des médecines chinoises à base de plante,61 ou

des feuilles d’artichaut.62 Une troisième porte sur l’intérêt des régimes pauvres en graisse, et

conclut qu’aucune étude n’est de qualité suffisante pour répondre à la question!63 Les 5

autres revues ne concernent pas non plus directement la question générale, mais plutôt des

cas très particuliers. Avec le terme « statin », 16 revues sont proposées, dont une sur

l’intérêt des statines en prévention primaire des maladies vasculaires, qui conclut que les

statines diminuent indiscutablement la mortalité, sans effet indésirable majeur.64 Parmi les

15 autres références proposées, il n’apparaît pas de synthèse simple qui soit directement

liée à la question posée dans cette recherche.

- L’utilisation du site « Center for Evidence Based Medicine » de l’université d’Oxford

(www.cebm.net) s’est avérée complexe, et je n’ai pas réussi à extraire une information

pertinente dans le temps imparti.

A noter que la majorité de ces sources sont en anglais. Que vaut-il mieux ? Qu’on

traduise, ou que tous les médecins lisent l’anglais médical ?

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2. Quels sont les besoins ?

L’EBM ne se limite pas aux preuves issues des données de la recherche. L’EBM doit

également considérer la connaissance du médecin, et le choix du patient.65

2.1. Besoins des praticiens

Pour que l’EBM diffuse, il est impératif qu’elle soit facile d’accès, fiable, compréhensible,

et qu’elle réponde aux questions cliniques réellement posées.66

Comme décrit dans le paragraphe précédent, la plupart des sources sont peu accessibles,

soit parce qu’on s’y noie (réservée aux chercheurs), soit parce que l’accès est restreint.

Certaines sources, comme la fiche BUM des statines de l’HAS, décrite précédemment, ont

simplifié suffisamment l’information, de sorte que la diffusion est très large. Certains

laboratoires de ville intègrent même ces données dans leurs normes de laboratoire !

L’information est-elle utilisable pour tous les patients ? En se basant sur les meilleures

sources, une attitude claire pourra être dégagée dans la plupart des situations. Mais que fait-

on lorsqu’un patient décrit un antécédent de myalgies sous statines, lorsque les CPK ou que

le bilan hépatique sont perturbés de base ? Certains facteurs de risque vasculaire ne sont

pas inclus : quid de l’hypercortisolisme, du stress ? C’est pourtant précisément dans ces

situations que le praticien recherchera une source fiable d’EBM, et s’il n’y a pas de preuves

de niveau élevé, des recommandations à suivre.

Enfin les praticiens ont besoin d’une formation médicale continue. Dans l’exemple des

hypercholestérolémies, les traitements et les valeurs cibles du cholestérol évoluent.

Pourquoi ne pas proposer aux praticiens, dans le cadre de la FMC, un accès à des

informations EBM, qui leur permettrait de répondre en temps réel à des situations cliniques

concrètes, au moment où cette information leur est utile ? L’avantage de cet apprentissage,

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par rapport à des cours ou à des revues, est qu’on se pose la question au départ : la

démarche d’apprentissage est alors active !

2.2. Besoins des patients

Les patients ont une exigence de qualité. Comment s’assurer qu’un médecin est

« bon », que sa prescription de statines soit justifiée ? L’EBM ne devrait-elle pas logiquement

être cette référence ? La rendre accessible aux patients répondrait à cette

demande couramment rencontrée. Enfin si les patients avaient accès à cette information, le

médecin devrait aussi la connaître !

Enfin être associé à la décision thérapeutique (Shared Decision Making ou SDM),

après avoir été éclairé par son médecin, est une démarche logique, très appréciée par la

plupart des patients. L’EBM est probablement l’information essentielle à transmettre. Une

revue Cochrane s’est intéressée aux stratégies à adopter pour développer le SDM auprès des

praticiens, mais aucune intervention ne s’est avérée formellement concluante.67

2.3. Besoins des organismes de tutelle

Faire des économies, tel est le maître mot. L’EBM est un élément essentiel de cette

stratégie. En effet le remboursement d’un traitement (ou d’un parcours de soins) est

conditionné par la démonstration de son efficacité. Dans le cadre des dyslipidémies,

plusieurs traitements sont progressivement éliminés de la pharmacopée (chélateurs,

fibrates). Par ailleurs, lorsque deux spécialités sont efficaces, le remboursement peut se faire

sur la base du moins cher, sauf si le plus cher démontre une supériorité. Dans le cadre des

statines, la fiche BUM de l’HAS inclut des considérations de coût en orientant vers les

molécules les moins coûteuses pour les hypercholestérolémies les moins sévères.

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3. Place des universités et des universitaires dans la diffusion de l’EBM

Les praticiens, les patients et les organismes de tutelle souhaitent une médecine basée

sur l’EBM, et un accès réel à l’EBM, notamment par des synthèses intelligibles. Leur

confiance dans ces données est un point essentiel du développement de cette démarche.

Derrière confiance, il y a indépendance et expertise. Ces deux termes, au moins en théorie,

placent l’université au cœur du processus de l’EBM. Qui mieux qu’un universitaire, peut se

réclamer expert et indépendant (sous réserve de ces conflits d’intérêt éventuels...).

On peut certainement distinguer deux étapes dans la démarche EBM, l’une de collection

et synthèse des évidences, à l’image des centres Cochrane, qui bénéficie, pour nombre de

questions, à être organisée à l’échelle internationale. En effet chaque question abordée (et

elles sont nombreuses !) c’est un travail énorme, méthodologiquement pointu, qui n’est pas

à la portée de la plupart des praticiens. Le travail est tel qu’un découpage des questions

entre un nombre maximum d’experts, à l’échelle du monde aurait tout son sens. La tradition

internationale des universitaires, motivée par la connaissance avant tout, est probablement

le meilleur cadre pour poursuivre le développement d’une telle coordination. Un autre

aspect de la fédération internationale d’universitaires, concerne les maladies rares. Fédérer,

c’est élargir les cohortes, et ainsi pouvoir améliorer la puissance statistique des études. Un

tel succès a été réalisé par exemple par le réseau national de recherche sur les tumeurs de la

surrénale (réseau COMETE, pour Cortico-Medullosurrénale, Tumeurs Endocrines), qui s’est

étendu à l’échelle de l’Europe (réseau ENSAT).

L’autre étape de la démarche EBM consiste à transmettre cette connaissance scientifique

au plus grand nombre, au sein de chaque pays, et de chaque région, à travers des

recommandations adaptées à l’environnement médical local (contraintes économiques,

culturelles entre autres). Là encore les universités devraient être les garantes de cette

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connaissance. Les sociétés savantes, comme la société Française d’Endocrinologie, ont aussi

un rôle important dans cette diffusion de l’information. Ces sociétés savantes peuvent être

considérées comme des structures satellites des universités, mais inter-universitaires. En

effet ces structures reposent essentiellement sur un noyau d’experts d’universitaires.

Enfin la FMC des médecins fait partie des missions cardinales de l’université. Comme

discuté plus haut, la diffusion de l’EBM serait une méthode probablement souhaitable de

FMC.

4. Conclusion

L’approche EBM en endocrinologie est aujourd’hui limitée par des difficultés d’accès à

l’information. Cette démarche est cependant amenée à se développer. La place des

universités dans cette démarche est essentielle, les experts d’une spécialité restant les

meilleurs garants d’une information juste et complète, à même d’être la mieux acceptée par

les patients. Les universités devraient contribuer à un effort international coordonné de

collection et synthèse des preuves sur un maximum de questions cliniques, et se positionner

en relais entre cette connaissance et la réalité quotidienne de la pratique médicale, en

émettant des recommandations.

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