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- 75 - CHAPITRE III ETUDE DES MELANGES BINAIRES TD/TP INFLUENCES DE LA MICROSTRUCTURE ET DE LA MORPHOLOGIE SUR LE COMPORTEMENT VISCOELASTIQUE - EFFETS DE COUPLAGE MECANIQUE

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CHAPITRE III

ETUDE DES MELANGES BINAIRES TD/TPINFLUENCES DE LA MICROSTRUCTURE ET DE LA MORPHOLOGIE SUR LE

COMPORTEMENT VISCOELASTIQUE - EFFETS DE COUPLAGE MECANIQUE

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III.1.I NTRODUCTION

La principale caractéristique du thermogramme viscoélastique isochrone d'un mélangebinaire de polymères non miscibles présentée dans la littérature [III 1-III 3] est l'existence de deuxmaxima de tan δ, représentatifs des relaxations principales associées aux transitions vitreusesde chacune des phases du système binaire hétérogène.

Les modifications constatées par comparaison de la position en température desmaxima de tan δ pour chacune des phases seules et mélangées sont le plus souvent [III 1]

interprétées en terme de compatibilité entre les espèces macromoléculaires. Lipatov [III 2] parled' "influence mutuelle entre les constituants polymères" et généralise la situation en précisantque "dans la plupart des systèmes polymère-polymère, l'espèce macromoléculaire la plusflexible se rigidifie en même temps que l'espèce macromoléculaire la plus rigide seflexibilise". Bohn [III 3] précise que les décalages en température des maxima sont d'autant plussignificatifs que le mélange binaire est constitué d'une phase continue dont la température detransition vitreuse est plus élevée que celle de la phase dispersée.

Cependant, il arrive parfois [III 3] que les décalages en température des pics conduisentnon pas au rapprochement des maxima (résultat intuitivement attendu) mais au contraire à leuréloignement. A notre connaissance, ces observations expérimentales, inconciliables avec lesnotions de compatibilité ou d' "influence mutuelle" entre espèces macromoléculaires, n'ontdonné lieu à aucune interprétation. Une piste intéressante pourrait être explorée enenvisageant une contribution liée aux effets de couplage mécanique entre les phases sur lesthermogrammes viscoélastiques des mélanges de polymères. La démarche préventive,évoquée en I.2.2.4.4.4., qui consiste à s'affranchir de cette contribution (prédictible parsimulations numériques appropriées) avant d'entamer toute discussion de modification del'aptitude à la mobilité moléculaire des chaînes à partir des thermogrammes expérimentaux,est souvent effectuée dans le cas des matériaux composites à renforts inorganiques [III 4-III 8]

mais n'a semble-t-il jamais été envisagée dans le cas de mélanges de polymères.

C'est ce que nous nous proposons d'effectuer au cours de ce troisième chapitre en nousappuyant sur les mélanges binaires M10 et M20 présentés au chapitre II. Pour cela, nouseffectuerons dans un premier temps une étude expérimentale des mélanges menée parcalorimétrie différentielle à balayage et spectrométrie mécanique. Nous envisagerons ensuitede prédire par modélisation mécanique le comportement viscoélastique des mélanges entenant compte de leurs morphologies respectives. La combinaison des résultats issus desapproches expérimentale et théorique révélera un certain nombre d'éléments de discussion quenous traiterons dans la dernière partie de ce chapitre.

III.2.R ESULTATS EXPERIMENTAUX

III.2.1. M ORPHOLOGIE DES MELANGES M10 ET M20

Les mélanges TD/TP M10 et M20 contiennent respectivement 10 et 20% en masse dePEI (TP). Leurs morphologies, observées par microscopie électronique à transmission (MET)ont été présentées par Girard-Reydet et al. [III 9] qui a réalisé le suivi in situ du phénomène deséparation de phases induit par la réaction chimique dans ces mélanges DGEBA-MCDEA/PEI.

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Les observations MET sont présentées aux Figures III-1a et III-1b. Les domaines clairscorrespondent à la phase riche en réseau thermodurci (TD) et les domaines sombres à la phaseriche en thermoplastique (TP).

5µm

1µm

Figure III-1b : Morphologie du mélange M20

Figure III-1a : Morphologie du mélange M10

Figure III-1 : Observations des morphologies des mélanges binaires TD/TP par microscopieélectronique à transmission d'après [III 9].

Nous pouvons remarquer que, pour les deux mélanges, le phénomène de séparation de phasesconduit à l'obtention d'une morphologie de type particulaire où l'une des phases est disperséeau sein de l'autre. Ce qui différencie les mélanges M10 et M20, c'est précisément la nature de

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chacune des phases dispersée et continue. Pour le mélange M10, la Figure III-1a révèle que laphase riche en PEI est dispersée au sein du réseau ex-DGEBA-MCDEA. Pour le mélange M20(Figure III-1b), la situation a été considérée inversée. Cependant, a) la forme des "particules",b) leur proportion globale et c) le fait que l'image soit bidimensionnelle ne permettent pasd'écarter une possible bicontinuité des phases.

III.2.2. E TUDE PAR CALORIMETRIE DIFFERENTIELLE A BALAYAGE

Les mélanges M10 et M20 ont été analysés par calorimétrie différentielle à balayageafin de détecter les éventuelles modifications de chacune des phases respectivement riches enTD et TP. Afin d'effacer l'histoire thermique des échantillons, une première montée entempérature a été effectuée à la vitesse de 10°C/min entre 50°C et 250°C. Aprèsrefroidissement à une vitesse identique, nous avons enregistré le flux de chaleur correspondantà une seconde montée en température effectuée dans les mêmes conditions.

Le Tableau III-1 rassemble les valeurs expérimentales des températures de transitionvitreuse (Tg) de chacune des phases ainsi que celles des variations de chaleur spécifique(∆Cp

TD) associées à la transition vitreuse de la phase riche en TD. Les valeurs de ∆CpTD

mentionnées ont été calculées à partir des valeurs expérimentales de ∆CpTD/TP des mélanges

TD/TP, en ramenant cette valeur à une même masse de TD selon la relation suivante :

∆∆

CC

wpTD p

TD TP

TP

=−

/

1(III-1)

avec wTP la fraction massique de TP dans le mélange TD/TP considéré.

Tableau III-1 : Résultats de l'analyse par calorimétrie différentielle des constituants TD et TP purs etmélangés dans les échantillons M10 et M20.

Phase riche en TD Phase riche en TP

Echantillon Tg (°C) ∆CpTD (J.g-1.°C-1) Tg (°C)

ex-DGEBA-MCDEA 175±2 0,10±0,01 /

mélange M10 166±2 0,13±0,01 ***

mélange M20 169±2 0,16±0,01 180±2

PEI / / 214±2

*** le signal correspondant au changement de ligne de base est trop faible pour permettre la détection de Tg.

Ce tableau montre que la présence du TP conduit à la diminution significative de la valeur deTg de la phase TD. Compte tenu des incertitudes expérimentales accompagnant la

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détermination des valeurs de Tg, il nous semble prudent de considérer cette valeur à(168±2)°C indifféremment pour les deux mélanges M10 et M20. Ce premier résultat reflètesans doute l'augmentation de l'aptitude à la mobilité moléculaire à grande distance qui pourraitrésulter de la diminution du degré de réticulation du réseau ex-DGEBA-MCDEA en présencedu PEI. Cette hypothèse est soutenue par l'évolution des valeurs de ∆Cp

TD : en effet, il a étémontré expérimentalement [III 10] que la valeur de la variation de chaleur spécifique associée àla transition vitreuse augmente quand le degré de réticulation du réseau époxydique diminue.

Nous remarquons également dans le Tableau III-1 que la valeur de Tg de la phase riche en TPdiminue significativement de près de 30°C. Cette importante diminution s'expliquevraisemblablement [III 9] par la présence d'espèces époxyde-amine (de faible masse molaire)dissoutes au sein de la phase TP et jouant en quelque sorte le rôle de plastifiant. Cetteinterprétation conforte à nouveau la diminution du degré de réticulation du réseau TD enprésence du TP.

III.2.3. E TUDE PAR SPECTROMETRIE MECANIQUE

Les mélanges M10 et M20 et leurs constituants séparés ont été analysés parspectrométrie mécanique au moyen du pendule de torsion à basses fréquences de Metravib. LaFigure III-2 présente les thermogrammes viscoélastiques donnant l'évolution isochrone (1Hz)des parties réelles (G') et imaginaires (G") des modules complexes d'élasticité du réseauépoxydique et du PEI.

120 140 160 180 200 220 240 260

Température (°C)

G' (Pa)

10 9

10 8

10 7

10 6

10 5

10 9

10 8

10 7

10 6

10 5

G'' (Pa)

Figure III-2 : Thermogrammes viscoélastiques à 1Hz de G' et G" du réseau ex-DGEBA-MCDEA ( +, ) et du PEI ( , ).

Les Figures III-3a et III-3b présentent les évolutions isochrones (1Hz) respectivement de G' etdu facteur d'amortissement tan δ obtenues pour tous les échantillons analysés. Lesthermogrammes des mélanges M10 et M20 présentent deux maxima de tan δ correspondant à

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la relaxation principale associée à la transition vitreuse de chacune des phases riches en TD etTP.

120 140 160 180 200 220 240 260

Température (°C)

G' (Pa)

10 9

10 8

10 7

10 6

III-3a.

0,01

0,10

1,00

10,0

120 140 160 180 200 220 240 260

tan δ

PEI

M20

M10

DGEBA-MCDEA

III-3b.

Température (°C)

Figure III-3 : Comportement viscoélastique à 1Hz des mélanges M10 ( ) et M20 ( ).

Figure III-3a : G' = f(T) Figure III-3b : tan δ = f(T)

Les comportements viscoélastiques à 1Hz du réseau ex-DGEBA-MCDEA ( )et du PEI ( ) sont rappelés pour faciliter la comparaison.

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Les données caractéristiques issues de ces figures sont répertoriées dans le Tableau III-2 quidonne a) la température du maximum du pic de tan δ pour chacune des phases TD et TP(notée Tα

TD et TαTP respectivement) et b) la hauteur de ces différents maxima (notée

tan δ max TD et tan δ max TP respectivement).

Tableau III-2 : Données caractéristiques issues des thermogrammes viscoélastiques à 1Hz présentés àla Figure III-3b.

Phase riche en TD Phase riche en TP

Echantillon TαTD (°C) tan δ max TD Tα

TP (°C) tan δ max TP

ex-DGEBA-MCDEA 186±1 0,94 / /

mélange M10 184±1 0,70 208±2 0,33

mélange M20 179±1 0,39 210±2 0,32

PEI / / 228±2 2,51

L'analyse de ces données révèle que :

• la valeur de TαTD obtenue pour le mélange M10 est sensiblement identique à celle obtenue

pour le réseau ex-DGEBA-MCDEA seul. Par contre, celle du mélange M20 est quelquepeu inférieure.

• les valeurs de TαTP des mélanges M10 et M20 sont proches de (209±2)°C mais nettement

inférieures à celle obtenue pour l'échantillon de PEI seul (∆T~20°C).

III.2.4. C ONCLUSION EXPERIMENTALE

L'importante diminution des valeurs de Tg des phases riches en TD et TP révélée parDSC n'est pas aussi probante au niveau des valeurs de Tα

TD et TαTP. Certes, le décalage de

TαTD vers les basses températures obtenu pour le mélange M20 pourrait s'interpréter en terme

d'augmentation de la mobilité moléculaire au sein du réseau ex-DGEBA-MCDEA résultantd'une modification de la microstructure du réseau induite par la présence du PEI. Cependant,les écarts entre les résultats obtenus par DSC et spectrométrie mécanique ne peuvent nouslaisser indifférents. Pouvons-nous envisager ces écarts comme le reflet d'effets liés aucouplage mécanique entre les phases macromoléculaires des mélanges et qui pourraient semanifester différemment selon la morphologie des mélanges ?

Afin de répondre à cette question, il nous est tout d'abord nécessaire de pouvoir nousaffranchir de l'éventuelle contribution liée aux effets de couplage mécanique. Cette étapeimplique la prédiction du comportement viscoélastique des mélanges au moyen d'un modèlemécanique approprié tenant compte de l'arrangement géométrique des différentes phases TDet TP.

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III.3. P REDICTION DU COMPORTEMENT VISCOELASTIQUE DES

MELANGES - PRISE EN COMPTE DE L'ARRANGEMENT

GEOMETRIQUE DES PHASES

III.3.1. PRESENTATION DU MODELE MECANIQUE

La prédiction du comportement mécanique de matériaux homogènes isotropescomportant deux phases peut être réalisée au moyen du modèle mécanique auto-cohérentdéveloppé par Christensen et Lo [III 11]. Ce modèle a été étendu à la description ducomportement viscoélastique en appliquant le principe de correspondance. Comme cela a étérappelé au cours du premier chapitre, l'approche auto-cohérente nécessite la définition d'unVolume Elémentaire Représentatif (V.E.R.) du matériau multiphasé étudié.

Dans le cas du modèle de Christensen et Lo, le V.E.R. est défini comme l'assemblagede deux sphères concentriques constituant un noyau sphérique, représentant la phasedispersée, entouré d'une écorce sphérique, représentant la phase continue du matériau. Cetassemblage est noyé dans un milieu homogène équivalent, i.e. un milieu fictif homogène auxpropriétés mécaniques équivalentes à celles du matériau étudié.

L'expression rigoureuse du module complexe de compressibilité K* du matériau hétérophaséen fonction des modules et des fractions volumiques des phases dispersée et continue estobtenue en appliquant un champ de pression hydrostatique sur la surface externe du V.E.R.L'hypothèse d'interfaces parfaites - classique de tout modèle mécanique - assurant lacontinuité des contraintes et des déplacements aux différentes interfaces permet d'exprimer lesdifférentes constantes d'intégration et d'aboutir à l'expression de K* suivante :

K KV K K

VK K

K G

contdisp disp cont

dispdisp cont

cont cont

* ** *

* *

* *

( )

( )( )

( )

= +−

+ −−

+

1 14

3

(III-2)

avec K*cont = le module complexe de compressibilité de la phase continue

K*disp = le module complexe de compressibilité de la phase dipersée

Vdisp = la fraction volumique de la phase dispersée

Le module complexe de cisaillement G* du matériau est alors donné par la solution del'équation quadratique suivante :

AG

GB

G

GC

cont cont

*

*

*

*

+

+ =

2

0 (III-3)

avec G*cont = module complexe de cisaillement de la phase continue

A, B et C sont des constantes dont les expressions sont rapportées en Annexe 1

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Le module complexe d'Young E* du système multiphasé est ensuite obtenu à l'aide del'expression d'élasticité linéaire suivante :

EK G

G K*

* *

* *=+

9

3(III-4)

III.3.2. D EFINITION DES VOLUMES ELEMENTAIRES REPRESENTATIFS

Afin de prendre en compte l'inversion de phase macroscopique responsable de ladifférence de morphologie des mélanges M10 et M20, nous avons défini deux volumesélémentaires représentatifs.

Le premier, noté VER-10 et illustré Figure III-4a, est représentatif de la morphologiedu mélange M10. La sphère centrale de rayon r1 est constituée de PEI. La couronne limitée parles sphères de rayons r1 et r2 est constituée de réseau ex-DGEBA-MCDEA. L'arrangementgéométrique des phases considéré dans le VER-10 est donc bien représentatif de lamorphologie du mélange M10 (Figure III-1a) où la phase riche en TP se trouve dispersée ausein de la phase riche en TD. D'autre part, les rayons r1 et r2 sont définis à partir des fractionsvolumiques des phases continue (notée Vm10) et dispersée (notée Vp10). Ainsi :

Vr

rp1013

23

= (III-5a) et Vr

rm1013

23

1= − (III-5b)

Le second, noté VER-20 et illustré Figure III- 4b, est représentatif de la morphologiedu mélange M20. La sphère centrale de rayon R1 est cette fois constituée du réseauépoxydique et l'écorce (de rayon extérieur R2) de PEI. Les rayons R1 et R2 sont égalementdéfinis à partir des fractions volumiques des phases continue (notée Vm20) et dispersée(notée Vp20). Ainsi :

VR

Rp2013

23= (III-6a) et V

R

Rm2013

231= − (III-6b)

Les volumes élémentaires représentatifs étant définis, les expressions des modulescomplexes d'élasticité (équations III-2 à III-4) peuvent être appliquées. La prédiction despropriétés élastiques - et donc viscoélastiques - des mélanges repose sur la détermination deschamps de contraintes ou de déformations dans un milieu infini constitué de l'assemblage dedeux sphères concentriques noyé dans une "matrice" soumise à des conditions homogènes decontraintes ou de déformations à l'infini.

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r 1r 2

R1

R2

III-4a : V.E.R.-10, représentatif du mélange M10

PEI ex-DGEBA-MCDEA milieu homogène équivalent

III-4b : V.E.R.-20, représentatif du mélange M20

Figure III-4 : Définitions des V.E.R. utilisés dans le modèle pour prendre en compte lamorphologie des mélanges M10 et M20.

III.3.3. D ETAILS DES SIMULATIONS NUMERIQUES

Pour mener à bien les simulations numériques, nous avons été conduits à formuler leshypothèses suivantes :

• chacune des phases continue et dispersée étant considérée comme uniquement composéedu réseau TD ou du TP, leurs propriétés viscoélastiques linéaires ont été prises identiques àcelles des constituants (ex-DGEBA-MCDEA et PEI) non mélangés. De cette façon, toute

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modification microstructurale du réseau époxydique ou du thermoplastique est négligée : lamodélisation rend ainsi compte des seuls effets liés au couplage mécanique entre phases.D'autre part, la définition des deux V.E.R. permet également de suivre l'éventuellemodification de ces effets de couplage selon l'arrangement géométrique des phasesconsidéré dans le V.E.R. utilisé.

• les fractions volumiques des phases ont été choisies en accord avec la composition desmélanges, i.e. 0,1 (ou 0,2) pour le PEI et 0,9 (ou 0,8) pour le réseau ex-DGEBA-MCDEAdans le mélange M10 (ou M20). Afin d'étayer quelque peu notre discussion, d'autresvaleurs de fractions volumiques ont également été prises en considération au cours dessimulations.

• afin de rendre compte de la transition des polymères (TD et TP) de l'état vitreux à l'étatcaoutchoutique, nous avons choisi de considérer une évolution sigmoïdale des valeurs decoefficient de Poisson ν(T) du réseau ex-DGEBA-MCDEA et du PEI sur tout le domainede températures simulé. Cette évolution est obtenue en appliquant la relation suivante [III 12] :

( )ν ν ν( ( ). ( )(

( )

'

'T) T TE T)

E Tg= − −

1 1 2 0

0

(III-7)

avec E'(T0) = partie réelle du module complexe d'élasticité à la température ambiante To

E'(T) = partie réelle du module complexe d'élasticité à la température quelconque Tν(Tg) = 0,5 valeur du coefficient de Poisson pour T = Tg

ν(T0) = valeur du coefficient de Poisson à T0 (*)

(*) Les valeurs de ν(T0) ont été déterminées expérimentalement [ III 9] à T0=25°C et sontrespectivement égales à 0,38 et 0,37 pour le réseau ex-DGEBA-MCDEA et le PEI.

III.3.4. R ESULTATS DES SIMULATIONS NUMERIQUES

Les Figures III-5a et III-5b présentent les évolutions théoriques du module deconservation G' en fonction de la température pour des mélanges binaires hypothétiquescontenant respectivement 10, 20, 50 et 90% de PEI. Les thermogrammes de la Figure III-5aont été simulés en considérant le V.E.R.-10 pour lequel la phase continue du mélange est leréseau thermodurci. A l'inverse, ceux de la Figure III-5b reposent sur l'utilisation du V.E.R.-20considérant la phase continue constituée de PEI.

Nous pouvons remarquer sur ces figures que, quelle que soit la composition dumélange choisie, les valeurs théoriques de G' suivent majoritairement celles correspondant auconstituant non mélangé considéré comme phase continue dans la simulation. Cetteobservation est notamment bien illustrée pour le cas de la composition contenant 50% dechacune des phases alternativement considérées comme continue et dispersée. Ce premierrésultat est en accord avec les conclusions de Bohn [III 3] indiquant que le comportementviscoélastique des mélanges binaires de polymères suit principalement celui de la phasecontinue.

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120 140 160 180 200 220 240 260Température (°C)

G' (Pa)

10 9

10 8

10 7

10 6

120 140 160 180 200 220 240 260Température (°C)

G' (Pa)

10 9

10 8

10 7

10 6

III-5a.

III-5b. V.E.R.-20

V.E.R.-10

PEI

ex-DGEBA-MCDEA

PEI

ex-DGEBA-MCDEA

Figure III-5 : Influence de l'arrangement géométrique des phases (considéré dans les V.E.R.) sur lesthermogrammes viscoélastiques théoriques G' = f(T) à 1Hz obtenus pour des mélangescontenant 10 ( ), 20 ( ), 50 ( ), et 90 vol.% ( ) de PEI.

Figure III-5a : le réseau époxydique est considéré comme la phase continue (V.E.R.-10)Figure III-5b : le réseau époxydique est considéré comme la phase dispersée (V.E.R.-20)

Les comportements viscoélastiques expérimentaux des constituants non mélangés, ex-DGEBA-MCDEA ( ) et PEI ( + ), sont rappelés pour faciliter la comparaison.

Nous pouvons également signaler la présence d'un point particulier à la température de235°C. En effet, quels que soient le V.E.R. utilisé et la composition choisie, toutes lesprédictions de G' en fonction de la température ont ce point en commun. Même s'il paraîtlogique que la valeur de G' prédite pour le mélange soit constante (quelle que soit la

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composition du mélange) lorsque les valeurs de G' de ces deux consituants séparés sontidentiques, la présence d'un tel point isosbestique confirme l'auto-cohérence de notre approchemécanique.

La Figure III-6 regroupe les thermogrammes viscoélastiques théoriques donnantl'évolution du facteur d'amortissement (tan δ à 1Hz) obtenus pour des simulations réaliséespour 10 et 20% de PEI en considérant le V.E.R.-10 et le V.E.R.-20. Les valeursexpérimentales de Tα des constituants ex-DGEBA-MCDEA et PEI non mélangés (présentéesdans le Tableau III-2) y sont rappelées à l'aide des flèches pour faciliter l'analyse comparative.

0,01

0,10

1,00

120 140 160 200 240 260

tan δ

Température (°C)

ex-DGEBA-MCDEAnon mélangé

PEInon mélangé

M10M20

M10

M20

180 220PEIex-DGEBA-MCDEA

PEIex-DGEBA-MCDEA

Figure III-6 : Thermogrammes viscoélastiques théoriques tan δ = f(T) à 1Hz obtenus pour desmélanges binaires contenant 90% (, ) ou 80% ( ,

) de réseau ex-DGEBA-

MCDEA considéré comme la phase soit continue (V.E.R.-10, symboles) soit dispersée(V.E.R.-20, traits continus) dans la simulation.

Cette figure apparaît très intéressante pour évaluer la contribution liée aux effets de couplagemécanique entre les phases. En effet :

• pour une composition de mélange donnée, l'amplitude des pics de relaxation principale dechacune des phases riches en TD et TP est significativement plus élevée lorsque leconstituant concerné (TD ou TP) est considéré comme la phase continue du V.E.R. (nousretrouvons, bien sûr, l'effet dominant de la phase continue sur le comportementviscoélastique global du mélange).

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• la position en température du maximum des pics théoriques de relaxation principale(notées Tα

TD et TαTP respectivement dans le Tableau expérimental III-2) est également

influencée par l'arrangement géométrique des phases considéré dans les simulations. Ilapparaît en effet que lorsque le réseau thermodurci joue le rôle de phase continue(i.e. V.E.R.-10), les valeurs prédites pour Tα

TD et TαTP sont décalées vers les hautes

températures par rapport aux valeurs expérimentales de Tα de leur constituant non mélangérespectif. A l'inverse, l'utilisation du V.E.R.-20 impliquant une phase continue composéede PEI conduit au décalage de ces mêmes Tα

TD et TαTP vers les basses températures.

Ce dernier résultat révèle que l'arrangement géométrique des phases considéré dans lesV.E.R. (afin, rappelons-le, de rendre compte au mieux de la morphologie réelle des mélanges)influence de manière significative la contribution des effets liés au couplage mécanique entreles phases. Nous confirmons ce résultat par la Figure III-7 qui porte l'évolution du paramètre∆T calculé à partir des valeurs expérimentales et modélisées des Tα de chacune des phases TD(Figure III-7a) et TP (Figure III-7b) en fonction de leur fraction volumique considérée. Lessimulations ont été réalisées soit avec le V.E.R.-10 soit avec le V.E.R.-20. L'expression de∆T est la suivante :

∆T = Tα (modélisée, constituant mélangé) - Tα (expérimentale, constituant non mélangé) (III-8)

Que les valeurs de ∆T soient positives (caractérisant un décalage des pics de tan δ vers leshautes températures) ou négatives, nous pouvons constater une différence d'amplitude de ∆Tselon que le constituant est considéré comme la phase continue ou la phase dispersée dans lasimulation. Quel que soit le V.E.R. utilisé, nous remarquons en effet qu'en valeur absolue,l'amplitude de ∆T est toujours la plus importante pour la phase considérée dispersée dans lasimulation. Ainsi, le phénomène décrit par Bohn [III 3] peut être prédit et quantifié.

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Chapitre III Etude des mélanges binaires TD/TP ...

- 89 -

-6

-4

-2

0

2

4

6

0,1 0,5 1,0

fraction volumiquede TD

0,2 0,3 0,80,4 0,6 0,90,7

∆T (°C)

-6

-4

-2

0

2

4

6

0,1 0,5 1,0

fraction volumiquede TP

0,2 0,3 0,4 0,6

∆T (°C)

TD

TP

V.E.R.-10

V.E.R.-20

TD

TP

V.E.R.-20

TD

TP

TD

TP

V.E.R.-10

Figure III-7a.

Figure III-7b.

Figure III-7 : Evolution du paramètre ∆T relatif à la phase TD (Figure III-7a) ou à la phase TP(Figure III-7b) en fonction, respectivement, de la fraction volumique de TD ou de TPconsidérée dans les simulations.

III.4. D ISCUSSION

Nous allons désormais combiner les résultats théoriques et expérimentaux. Ceci vanous permettre :

• d'étudier l'influence de l'arrangement géométrique des phases sur la contribution des effetsliés au couplage mécanique entre les phases macromoléculaires. Cette contribution

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n'affecte que les thermogrammes issus de spectrométrie mécanique (ceux issus de lacalorimétrie différentielle à balayage étant naturellement dépourvus d'effets mécaniques).

• de proposer une présentation nouvelle des données viscoélastiques expérimentales etthéoriques permettant l'appréhension de la morphologie des mélanges étudiés.

III.4.1. E CARTS ENTRE LES RESULTATS EXPERIMENTAUX DE DSC ET DE

SPECTROMETRIE MECANIQUE : I NFLUENCE DE L 'ARRANGEMENT

GEOMETRIQUE DES PHASES SUR LA CONTRIBUTION DES EFFETS

LIES AU COUPLAGE MECANIQUE

D'une part, la comparaison des résultats expérimentaux obtenus par calorimétriedifférentielle à balayage et par spectrométrie mécanique, respectivement répertoriés dans lesTableaux III-1 et III-2, a montré que les décalages des Tα (notamment Tα

TD) obtenus parspectrométrie mécanique étaient bien moins probants que ceux des Tg correspondantesobservées par DSC.

D'autre part, notre approche théorique basée sur l'utilisation du modèle de Christensenet Lo nous a permis de montrer que la contribution des effets liés au couplage mécanique surles thermogrammes viscoélastiques est différente selon l'arrangement géométrique des phasesconsidéré dans les simulations pour tenir compte au mieux de la morphologie réelle desmélanges.

Combinons ces résultats théoriques et expérimentaux pour chacun des mélangesbinaires M10 et M20.

Le Mélange M10...

La Figure III-1a a révélé que la morphologie du mélange M10 correspond à une phaseriche en PEI dispersée dans une phase continue riche en réseau ex-DGEBA-MCDEA.L'utilisation du V.E.R.-10 représentatif de cette morphologie a montré (Figures III-6 et III-7a)que la contribution liée aux effets de couplage mécanique entre phases pour cet arrangementgéométrique des phases se traduit par le décalage de Tα

TD vers les hautes températures. Enfin,l'analyse de l'évolution des valeurs de Tg et du ∆Cp associé à la transition vitreuse de la phaseriche en TD (Tableau III-1) a clairement mis en évidence la diminution du degré deréticulation du réseau thermodurci en présence du thermoplastique.

L'association de ces informations à la fois théorique et expérimentale nous permetd'expliquer la quasi-invariance de la valeur de Tα

TD constatée pour l'échantillon M10(Tableau III-2). Il semble en effet que a) la contribution des effets liés au couplage mécaniqueentre les phases macromoléculaires et b) les modifications microstructurales du réseauthermodurci en présence du TP se manifestent de manière antagoniste sur le thermogrammeviscoélastique du mélange M10. Ainsi, les effets physico-chimiques réels révélés parcalorimétrie différentielle à balayage pourraient bien être masqués par ceux liés au couplagemécanique entre les phases au point qu'ils ne soient pratiquement plus décelables sur lesthermogrammes donnant l'évolution de tan δ avec la température.

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- 91 -

Le Mélange M20...

La morphologie du mélange M20 (Figure III-1b) correspond à la dispersion d'unephase riche en réseau ex-DGEBA-MCDEA au sein d'une phase continue riche en PEI.L'approche théorique effectuée à partir du V.E.R.-20 a révélé (Figures III-6 et III-7b) que pourun tel arrangement géométrique des phases (représentatif de la morphologie du mélange), lacontribution des effets de couplage mécanique entre phases se traduit par le décalage de Tα

TD

vers les basses températures, i.e. de manière opposée par rapport au cas du mélange M10.

Ainsi, les contributions liées aux effets de couplage mécanique entre phases et auxmodifications de la microstructure du réseau TD se manifestent similairement au niveau duthermogramme viscoélastique du mélange M20 : celui-ci révèle donc (Tableau III-2) uneévolution de Tα

TD ayant la même tendance à la nette diminution que celle de Tg de la phaseTD obtenue par DSC.

En conclusion...

Ces résultats confirment la nécessité de s'affranchir de la contribution liée aux effets decouplage mécanique entre phases avant d'entamer toute discussion de thermogrammesviscoélastiques expérimentaux en terme de modification de l'aptitude à la mobilitémoléculaire des chaînes. Nos résultats montrent que cette contribution additionnelle a) estprésente également sur les thermogrammes viscoélastiques des mélanges de polymères et b)peut se manifester différemment selon l'arrangement géométrique des phasesmacromoléculaires. De ce fait, nous envisageons que certains décalages en température despics de tan δ signalés dans la littérature [III 3], allant parfois à l'encontre de l'intuition desexpérimentateurs et souvent inconciliables avec les notions de compatibilité ou d' "influencemutuelle" entre espèces macromoléculaires [III 2], pourraient bien être le reflet d'unecontribution liée aux effets de couplage mécanique entre phases.

III.4.2. C OMBINAISON DES RESULTATS THEORIQUES ET EXPERIMENTAUX

POUR APPREHENDER LA MORPHOLOGIE DES MELANGES

Nous allons essayer au cours de la dernière partie de ce chapitre de combiner nosrésultats théoriques et expérimentaux afin d'accéder, à partir des seules donnéesviscoélastiques, à des informations concernant la morphologie des mélanges M10 et M20.Bien évidemment, nous nous aiderons des observations MET des Figures III-1a et III-1b pourvalider notre démarche.

La littérature recense quelques travaux d'auteurs ayant déjà souhaité relier les donnéesviscoélastiques de matériaux multiphasés à leurs morphologies respectives. Par exemple,Girard-Reydet et al. [III 9] ont récemment montré que la valeur du rapport des amplitudesmaximales des pics de tan δ associés aux transitions vitreuses de chacune des phases demélanges binaires TD/TP est sensible au type de morphologie (particulaire, particulaire-inversée, bicontinue) générée au cours du processus de séparation de phases. Eklind etMaurer [III13 ] ont également envisagé, dans le cas de mélanges de polymères étudiés à l'étatfondu par spectrométrie mécanique, d'appréhender la morphologie des matériaux à partir deleurs données viscoélastiques. Ces auteurs ont pour cela porté, pour une large gamme de

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températures et de fréquences, l'évolution de l'angle de déphasage δ en fonction du module Gddu module complexe de Coulomb défini par :

G G Gd = +( ' ' ' )2 2

(III-9)

D'autre part, en utilisant un modèle mécanique permettant de prédire les propriétésviscoélastiques des mélanges de polymères à l'état fondu, Eklind et Maurer ont également putracer les évolutions théoriques (obtenues en considérant différents types de morphologie) deδ en fonction de Gd. Par comparaison des courbes expérimentales et théoriques, les auteursont alors pu montrer qu'ainsi présentées, les données viscoélastiques pouvaient rendre comptequalitativement de la morphologie de leurs mélanges de polymères.

Dans ce qui suit, nous allons transposer cette démarche, combinant résultatsd'expérience et de simulation, à nos mélanges à l'état solide.

Lorsqu'un solide viscoélastique est soumis à une sollicitation mécanique sinusoïdale, le

rapport ∆W

W de l'énergie dissipée au cours d'un cycle de sollicitation (∆W) sur l'énergie totale

emmagasinée (W) peut être exprimé en fonction du facteur d'amortissement [III 5] comme suit :

∆W

W=

+2

1 2π δ

δ.

tan

tan (III-10)

Nous proposons de porter l'évolution de 1

2π∆W

W en fonction de Gd sur toute la gamme de

températures comprise entre 120°C et 260°C. Cette représentation des donnéesviscoélastiques peut être réalisée aussi bien pour les données expérimentales que pour lesdonnées théoriques (obtenues en utilisant les différents V.E.R. tenant compte de lamorphologie des mélanges). Ainsi, sur la Figure III-8, nous présentons les courbes issues desapproches expérimentales et théoriques correspondant au mélange M10.

Nous constatons tout d'abord la très nette distinction entre les deux courbes théoriques pourlesquelles seul change l'arrangement géométrique des phases considéré dans les simulations. Ilapparaît également que la courbe expérimentale présente de nombreuses similitudes avec lacourbe théorique en trait continu issue de la simulation réalisée à partir du V.E.R.-10considérant une phase inclusionnaire riche en PEI dispersée dans une phase continue riche enréseau ex-DGEBA-MCDEA. Ce résultat ne fait bien évidemment que confirmer lamorphologie du mélange M10 révélée sur la Figure III-1a : toutefois, il nous permet égalementde proposer cette nouvelle représentation des données viscoélastiques - véritable combinaisonsynergique des données expérimentales et théoriques - comme une "sonde viscoélastiquemorphologique" permettant, le cas échéant, d'appréhender la morphologie d'un matériaumultiphasé sans avoir recours aux techniques de microscopie électronique.

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0.01

0.10

1.00

106 107 108 109Gd (Pa)

PEI

ex-DGEBA-MCDEA

PEI

ex-DGEBA-MCDEA

1

2π∆W

W

Figure III-8 : Courbes expérimentale (�) et théoriques obtenues en utilisant soit le V.E.R.-10 (trait

continu) soit le V.E.R.-20 (trait pointillé) donnant l'évolution de 1

2π∆W

W en fonction de

Gd pour le mélange M10.

Nous avons effectué la même représentation graphique (Figure III-9) pour lemélange M20. La tendance dégagée par la courbe expérimentale est plutôt proche de celle dela courbe théorique en trait pointillé issue de la simulation effectuée au moyen du V.E.R.-20considérant une phase continue riche en PEI dans laquelle sont dispersées des particules richesen réseau TD.

Ce résultat est moins net que celui issu de la Figure III-8. Cependant, il est soutenu parl'observation MET du mélange M20 présentée sur la Figure III-1b. Pour expliquer les écartsconstatés, nous pouvons émettre quelques hypothèses :

• tout d'abord, concernant la morphologie du mélange M20, nous avons déjà évoqué que lareprésentation bidimensionnelle de la Figure III-1b ne nous permet pas d'exclurel'éventualité d'une structure de type bicontinu. Or nous n'avons pas connaissance del'existence d'une approche mécanique auto-cohérente permettant de prédire lecomportement viscoélastique d'un système biphasé à morphologie bicontinue.

La courbe théorique issue d'une telle approche aurait-elle présenté de plus franchessimilitudes avec la courbe expérimentale du mélange M20 ? Le développement d'unmodèle mécanique permettant la prise en compte d'une morphologie de type bicontinunourrira nos principales ambitions de perspectives à ce travail.

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• ensuite, et ce indifféremment pour les deux mélanges M10 et M20, nous ne pouvons pasexclure l'éventuelle évolution de la morphologie au cours du balayage en températureréalisé au sein du spectromètre mécanique, notamment dans la zone de températurecomprise entre les relaxations principales des deux phases.

Nous avons pris la décision de ne pas appliquer la modélisation mécanique pour lesdonnées correspondants à des secondes montées en température pour lesquelles pourraients'ajouter également des contributions liées au phénomène de vieillissement physique et à ladégradation thermique des échantillons (pouvant accompagner la première montée entempérature).

• en tout cas, ce type de représentation pourrait bien être révélatrice de phénomènes difficiles(voire impossible) à détecter autrement comme par exemple, une tendance à l'évolution dela morphologie d'un mélange. C'est, à notre avis, ce qui en fait son principal intérêt.

0.01

0.10

1.00

106 107 108 109Gd (Pa)

PEI

ex-DGEBA-MCDEA

PEI

ex-DGEBA-MCDEA

1

2π∆W

W

Figure III-9 : Courbes expérimentale (�) et théoriques obtenues en utilisant soit le V.E.R.-10 (trait

continu) soit le V.E.R.-20 (trait pointillé) donnant l'évolution de 1

2π∆W

W en fonction de

Gd pour le mélange M20.

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III.5. C ONCLUSION DU CHAPITRE

Entre les propriétés viscoélastiques d'un système hétérophasé et celles de sesconstituants individuels intervient une fonction de transfert qui prend en compte l'arrangementgéométrique des phases. La contribution sur les thermogrammes viscoélastiques liée à cephénomène de couplage mécanique entre phases a été simulée dans le cas de nos mélangesbinaires TD/TP au moyen du modèle mécanique de Christensen et Lo. Nos résultats montrentque cette contribution peut parfois aller jusqu'à masquer les modifications microstructuralesréelles du réseau TD en présence du TP. Ceci confirme la nécessité de s'affranchir de cettemanifestation additionnelle liée aux effets de couplage mécanique entre les phases avantd'entamer toute discussion de thermogrammes viscoélastiques expérimentaux en termed'évolution de l'aptitude à la mobilité moléculaire faisant suite à d'éventuelles modificationsmicrostructurales liées aux affinités physico-chimiques respectives des constituants mélangés.

L'apport de la modélisation mécanique à l'étude du comportement viscoélastique dessystèmes multiphasés ne se limite toutefois pas à la seule prédiction des effets liés au couplagemécanique entre les phases. Nous avons proposé une nouvelle représentation des donnéesviscoélastiques portant l'évolution d'une grandeur proportionnelle au rapport des énergiesdissipée au cours d'un cycle de sollicitation mécanique et totale emmagasinée en fonction dumodule du module complexe d'élasticité de Coulomb. Cette représentation combinant demanière originale les résultats théoriques (issus de la modélisation mécanique en tenantcompte de l'arrangement géométrique des phases au moyen de V.E.R. appropriés) etexpérimentaux permet une première approche globale de la morphologie du systèmemultiphasé étudié avant d'avoir recours aux techniques de microscopie électronique.

La modélisation mécanique peut également permettre d'accéder individuellement auxpropriétés effectives des constituants mélangés. Cette application, particulièrementintéressante dans le cadre de l'étude des zones d'interphases dans les systèmes multiphasés,implique l'utilisation de la modélisation mécanique en mode inverse. Nous la détaillerons aucours du chapitre suivant que nous consacrons à l'étude d'un mélange ternaire TD/TPcompatibilisé.