Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2...

77
Master Sciences et Technologies du vivant mention Sciences AGronomiques, de l’Environnement et du Paysage. Durabilité des agro-écosystèmes (SAGEP) spécialité Environnement : Milieux, Techniques, Sociétés (EMTS) parcours Développement Durable et Agricultures (DDA) Par Ivonne ACOSTA ALBA 2006-2007 Directeurs de stage : Muriel TICHIT et François LEGER INRA UMR Systèmes Agraires et Développement : Activités, Produits, Territoires(SADAPT) Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien : quels équilibres entre élevage et agriculture ?

Transcript of Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2...

Page 1: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Master Sciences et Technologies du vivant mention Sciences AGronomiques, de l’Environnement et du Paysage. Durabilité des agro-écosystèmes (SAGEP) spécialité Environnement : Milieux, Techniques, Sociétés (EMTS) parcours Développement Durable et Agricultures (DDA)

Par

Ivonne ACOSTA ALBA

2006-2007 Directeurs de stage : Muriel TICHIT et François LEGER INRA UMR Systèmes Agraires et Développement : Activités, Produits, Territoires(SADAPT)

Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien : quels équilibres entre élevage et agriculture ?

Page 2: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Remerciements Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide, la compréhension, le partage et l’amitié de nombreuses personnes qui m’ont permis de grandir professionnellement et en tant que personne. D’abord je tiens à remercier les producteurs, un grand GRACIAS, car sans leur gentillesse, leur accueil, leur ouverture rien de ceci aurait été possible. Muriel TICHIT et François LEGER qui m’ont donné l’opportunité de travailler sur ce sujet, je les remercie du fond du cœur pour leurs conseils, leur patience, leur temps et leur soutien. Je remercie l’IRD à La Paz , son directeur Jean J. VACHER et toute l’équipe administrative et scientifique, pour l’accueil sur place, les moyens mis à disposition et leurs qualités humaines. Je remercie tous les membres du projet EQUECO, notamment Thierry WINKEL, Richard JOFFRE, Manuela VIEIRA, Anaïs VASSAS, Pablo LAGUNA, Gilles RIVIERE, Geneviève CORTES, Roberto APARICIO et l’équipe permanente sur le terrain Florinda, Mamerto, Clemente, Dorian, Javier et Peter qui ont permis l’exploration et la compréhension de la réalité de la zone. Sans oublier José Luis qui continuera cette étude, bon courage pour tous ces projets. Une pensée pour Sophie, Mélanie, Yuselys et Julio avec lesquels ont a partagé des moments toujours enrichissants dans la bonne humeur et parfois même dans la peur de s’être perdu sur le salar. Ainsi que pour les amis qui sont restés sur place, Patty, Céline, Carmen, Carmen del Castillo, Edouard et tous ceux qui m’ont tendu la main. Sans oublier ma famille qui m’a soutenu toutes ces années, mon frère Pablo, Joachim et sa famille qui ont toujours été là pour moi et mes amis qui ont su me conseiller et me comprendre cette année Renata, Claudia, Raphaële, Jessica, Catherine, Zhour, Raquel, et tous mes collègues du master EMTS 2006-2007.

Page 3: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Avant propos Ce stage s’est déroulé dans le cadre du programme EQUECO (Emergence du QUinoa dans le COmmerce mondial). Il est financé par le gouvernement français pour une durée de trois ans à partir du mois de janvier 2007. Ce programme interroge la durabilité des territoires et des sociétés rurales des hauts plateaux andins, caractérisés par des ressources naturelles fragiles et des conditions climatiques extrêmes, dans un contexte « d'essor de la production commerciale de quinoa, d’intensification des systèmes agricoles et d’ouverture aux échanges » (PADD 2006). Le programme pluridisciplinaire EQUECO, regroupe les équipes françaises de recherche de l’EHESS-CERMA (L’Ecole des Hautes études en Sciences Sociales- CEntre de Recherches sur les Mondes Américains), l’UM3-MTE (Université Montpellier 3-Mutations du Territoire), l’INRA-SADAPT (Institut National de la Recherche Agronomique- Systèmes Agraires et Développement : Activités, Produits, Territoires), l’INRA-MONA (Institut National de la Recherche Agronomique-unité de recherche sur les paysanneries, territoires, environnement, marchés et politiques publiques), l’IRD-CLIFA (Institut de Recherches pour le Développement - CLImat et Fonctionnement des Agro écosystèmes), le CEA-LSCE (Laboratoire des Sciences du Climat et l'Environnement), le CNRS-CEFE (Centre National de la Recherche Scientifique- Centre d'Ecologie Fonctionnelle et Evolutive) et le CIRAD-GREEN (Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement - Gestion des Ressources Renouvelables et Environnement) ainsi que des institutions locales tels que l’UMSA (Universidad Mayor de San Andres), UTO (Universidad Tecnologica de Oruro) et AVSF (Agronomes et vétérinaires sans frontières) ONG présente sur place. L’ambition majeure de ce projet est la production de connaissances qui permettent de concevoir de normes de gestion pour cette nouvelle agriculture. Ceci impose d’engager une démarche interdisciplinaire pour intégrer les connaissances produites par les différentes équipes et de développer une approche participative, en engageant un échange entre chercheurs, producteurs et institutions locales. Le programme est structuré en sept groupes de travail qui rassemblent les chercheurs des différentes institutions sur des thématiques d’ordre social, économique, écologique, biophysique et agronomique. Le travail présenté ici fait partie du workpackage « Viabilité des systèmes de production et stratégies de vie », coordonné par Muriel TICHIT, qui s’intéresse aux systèmes de production et à leur avenir. Ses trois objectifs principaux sont :

� Analyser les sources de contradiction entre logique productive et durabilité à l’échelle des ménages agro-pastoraux et de la région, en s’appuyant sur une approche typologique des systèmes d’activités et de production.

� Modéliser le fonctionnement et la dynamique des systèmes de production agro-pastoraux selon les types établis précédemment.

� Simuler la viabilité technico-économique des ménages agro-pastoraux en fonction des incertitudes et de leur dépendance aux sources extérieures de revenus.

Nous avons cherché à identifier les premiers éléments quantitatifs de la gestion technique des productions et à comprendre le système agropastoral de l’altiplano sud bolivien. Les résultats de cette étude font partie de la première étape pour atteindre les objectifs du groupe de travail.

Page 4: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Résumé Les agricultures andines d’altitude du sud de la Bolivie, subissent des conditions climatiques difficiles avec plus de 270 jours de gelés par an. Seul le quinoa (Quenopodium quinoa) trouve ses conditions idéales autour du grand salar d’Uyuni. Les sociétés originaires de cette zone, ont développé diverses stratégies pour la répartition des risques, notamment la combinaison d’activités agricoles qui reposent sur la complémentarité agriculture élevage ; et des activités non agricoles qui nécessitent des migrations plus ou moins prolongées. Depuis l’explosion de la demande de quinoa biologique pour l’exportation, les communautés auparavant isolées, sont rentrées dans des logiques des filières qui les intègrent à des systèmes externes. Avec la levée du risque commercial, les stratégies de répartitions des risques dans le système de production ont changé. Ce stage, qui s’est déroulé dans le cadre du programme pluridisciplinaire de recherche EQUECO (Emergence du QUinoa dans le COmmerce mondial) a cherché à identifier ces transformations et d’en estimer l’impact sur la durabilité. Les changements produits par l’ouverture du marché, vont dès l’extension des surfaces et mécanisation des sols fragiles, au changement de perception du territoire, de l’alimentation, etc. Pour donner un cadre d’études qui permette déterminer le degré de durabilité des systèmes agropastoraux actuels, un modèle analysé à l’aide de la théorie de la viabilité est proposé Celui-ci intégré les éléments clés qui vont au-delà du système de production et qui permet d’incorporer des caractéristiques propres aux ménages andins. Mots clés : Bolivie, Quinoa, système agropastoral, modèle, théorie de la viabilité, durabilité. Resumen Las agriculturas andinas de altitud en el sur de Bolivia deben soportar condiciones climáticas extremas, con mas de 270 días de heladas por año. El único cultivo que encuentra sus condiciones ideales de crecimiento alrededor del gran salar de Uyuni es la quinua (Quenopodium quinoa). Las sociedades de estas regiones han desarrollado a lo largo de la historia, estrategias diferentes que permiten la distribución de riesgos para limitar perdidas, sobretodo, la combinación de actividades agrícolas y actividades no agrícolas para las cuales la migración era necesaria de forma más o menos prolongada. Con el “boom” de la demanda de quinua orgánica, comunidades aisladas, se integraron a circuitos comerciales que les permitieron tener un contacto permanente con sistemas externos. La desaparición del riesgo comercial provocó un cambio de las estrategias que permitían repartir los riesgos en el sistema de producción. El objetivo de esta practica que fue realizada en el proyecto de investigación interdisciplinaria, EQUECO, es de identificar las principales transformaciones y juzgar el impacto de estas sobre la durabilidad. Los cambios observados van desde la extensión del área cultivada, la mecanización de suelos frágiles, hasta el cambio de percepción del medio ambiente. El marco teórico para el estudio sobre el grado de durabilidad de los sistemas agropastoriles actuales, es un modelo analizado con la teoría de la viabilidad. La peculiaridad de este es que el permite la integración de factores que van mas allá del sistema de producción y caracterizan la realidad de las familias andinas. Palabras claves: Bolivia, quinua, sistema agro pastoril, modelo, teoría de la viabilidad, durabilidad.

Page 5: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Sommaire Introduction .............................................................................................................................. 1 Etudier l’altiplano sud bolivien ............................................................................................... 2 1 Contexte de l’étude............................................................................................................. 2

1.1 Le boom du quinoa..................................................................................................... 2 1.2 Ce qu’en dit la littérature…........................................................................................ 3

2 Matériel et méthodes .......................................................................................................... 4 2.1 Zone d’études ............................................................................................................. 4 2.2 Choix des communautés............................................................................................. 5 2.3 Recueil des données ................................................................................................... 7 2.4 Analyse des résultats .................................................................................................. 8

L’agriculture, une activité parmi d’autres .......................................................................... 10 1 Les producteurs de l’altiplano : un éventail d’activités.................................................... 10

1.1 Un large panel de systèmes d’activités .................................................................... 10 1.2 Typologie des systèmes d’activité de la zone d’étude ............................................. 11

2 Espaces et opportunités d’emploi..................................................................................... 12 3 Cycle de vie des ménages................................................................................................. 12 4 La migration et l’attachement au territoire....................................................................... 15 5 Contribution des activités au revenu de la famille ........................................................... 16 Le quinoa et l’élevage............................................................................................................. 17 1 Une nouvelle agriculture .................................................................................................. 17 2 Quinoa (Chenopodium quinoa) ........................................................................................ 18

2.1 Diversités des itinéraires techniques ........................................................................ 19 2.1.1 Mécanisation et extension des surfaces............................................................ 20 2.1.2 Fertilisation....................................................................................................... 20

3 Elevage : les lamas (Lama glama) et les ovins (Ovis aries)............................................. 21 3.1 Pratiques observées .................................................................................................. 21

3.1.1 Pratiques de conduite ....................................................................................... 21 3.1.2 Pratiques d’exploitation et valorisation............................................................ 23

Marchés et filières des productions agricoles...................................................................... 25 1 Le quinoa (Chenopodium quinoa).................................................................................... 25

1.1 Mode de culture et valorisation économique ........................................................... 25 1.2 Variétés..................................................................................................................... 25 1.3 Marché de destination .............................................................................................. 26 1.4 Innovations techniques et organisations................................................................... 27 1.5 Risques et cycle de vie ............................................................................................. 28

2 L’élevage.......................................................................................................................... 29 2.1 La viande .................................................................................................................. 29 2.2 La laine..................................................................................................................... 29 2.3 Autres sous produits ................................................................................................. 30

3 Quinoa vs Elevage............................................................................................................ 30 3.1 Des activités avec des fonctions complémentaires ..................................................31

Transformations et avenir du système de l’altiplano sud...................................................32 Conception théorique du modèle. ......................................................................................... 36 Comment appréhender la viabilité d’un système dynamique?.......................................... 39 Conclusion............................................................................................................................... 42 Bibliographie........................................................................................................................... 43 Annexes

Page 6: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Table des figures Figure 1 Evolution de la production de quinoa en Bolivie des années 70 aux années 2000 Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza (Pacheco Zamorano, 2004 cité par Félix, 2004) Figure 3 Photos des principales formations végétales naturelles disponibles pour le pâturage dans la zone d’études Figure 4 Localisation de la zone d’études en Bolivie Figure 5 Synthèse des communautés étudiées Figure 6 Typologie des systèmes d’activités (modifié d’après Parnaudeau, 2006) Figure 7 Systèmes d’activités des familles enquêtées dans les communautés étudiées Figure 8 Possibilité de succession sur l’exploitation Figure 9 Systèmes d’activités par étape du cycle de vie des familles enquêtées. Figure 10 Composition du revenu annuel des ménagés enquêtés en pourcentage Figure 11 Chenopodium quinoa Figure 12 Calendrier cultural du quinoa et coûts Figure 13 Mode de culture selon le milieu Figure 14 Surfaces et rendements selon le type du milieu cultivé et l’itinéraire technique Figure 15 Taille des surfaces cultivées par les familles enquêtées Figure 16 Différence de coûts sans et avec ajout de matière organique. Figure 17 Composition des troupeaux des familles enquêtées. Figure 18 Photos des lamas k’ara et t’ampulli Figure 19 Evolution des troupeaux lors des dernières dix années Figure 20 Dynamiques des effectifs totaux des troupeaux des années 1970 à 2007. Figure 21 Calendrier du système d’élevage Figure 22 Exploitation des troupeaux par rapport aux effectifs totaux Figure 23 Pourcentage de la consommation familiale des effectifs exploités Figure 24 Pourcentage des producteurs possédant la certification biologique Figure 25 Destination des ventes en pourcentage Figure 26 Type de stratégie de répartition de risques choisie par les producteurs. Détail des producteurs cultivant des variétés risquées à prix élevé. Figure 27 Revenus annexes et étape de cycle de vie des producteurs qui ont choisi la variété risquée Figure 28 Comparaison des revenus annuels provenant du quinoa et de l’élevage. Figure 29 Principales sous composants du système agro pastoral Figure 30 Détail du choix du projet agricole Figure 31 Types de producteurs par la caractérisation du ménage Figure 32 Détail de l’entité « territoire » Figure 33 Schéma du sous système « ’unité de production » Figure 34 Schéma du sous système « bénéfices »

Page 7: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Glossaire Acopiar : Collecter et stocker des produits agricoles. Altiplano : Hauts plateaux. Altiplanique : Référant aux hauts plateaux. Bofedal ou begal : Praires inondées à monocotylédones des genres Carex, Calamagrostis, Gentiana et Wemeria. Charque : Viande de lama salée et séchée au soleil. Communauté : Structure social et administrative des peuples originaires reconnue par l’Etat bolivien. Comunario : Habitant des communautés Gramadal : Végétation composée essentiellement par des graminées stolonifères associées à des caméphytes ce qui donne une allure de pelouse rase aussi appelé pelar. Guano : Excrément des lamas ou des ovins Intersalar : Zone géographique entre les salares de Coipasa et du Thunupa Ladera : Terme qui défini les piedmonts et les versants. Jañachu : Mâle reproducteur K’illpa : Marquage des animaux fait sur les oreilles. La cérémonie lors de laquelle le marquage est fait porte le même nom. Machaje : Allotement des animaux mâles dans un groupe à part. Pacha mama : « Déesse mère », nom donné à la terre représenté comme une divinité. Pajonal : Végétation composé de graminées pérennes. Pampa : Surfaces cultivables plates, grandes plaines cultivables. Peri salar : Autour du salar Peuples originaires : Ce sont les sociétés boliviennes qui se distinguent des autres pour des raisons sociales, culturelles et économiques et dont le statut juridique est régulé, totalement ou en partie par leurs traditions, coutumes et lois propres.1 Plantas de Acopio : Structures pour la collecte et le stock du quinoa vendu par la suite. Profesionales : Mot utilisé pour designer les personnes qui font un métier qui requière un diplôme. Salar : Désert de sel, restes d’une ancienne dépression lacustre Taquiza : Outil traditionnel utilisé dans l’agriculture andine. Tatas : Nom familier donné aux divinités de la nature. Trilla : Opérations de la post récolte. Tholar : Prairie arbustive dominée par la Parastrephia lepidophylla appelée thola ou T’ola de la famille des composées.

1 Définition donnée par l’Organisation des Etats Américains (1999).

Page 8: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

1

Introduction Le quinoa (Chenopodium quinoa) est une culture emblématique de l’altiplano. Riche en acides aminés, elle est très prisée par les marchés d’alimentation végétarienne, biologique et équitable. Cette demande a déclenché des changements profonds dans le système agro pastoral traditionnel. Les filières créées permettent aux communautés isolées de la région la plus pauvre de la Bolivie d’être en relation directe avec les consommateurs des pays développés. Les organisations des producteurs sont des acteurs centraux de ces filières, ils transmettent les innovations techniques et sécurisent les ventes par la recherche des nouveaux marchés et de nouveaux systèmes de garantie (certification biologique, équitable, IGP…). Les succès de cette filière ont conduit à un accroissement des surfaces cultivées, permise par le développement de la mécanisation. L’élevage, activité clef des systèmes traditionnels de l’altiplano, est aujourd’hui délaissé, car ses bénéficies économiques n’ont pas de comparaison à ceux apportés par le quinoa. Dans des contextes comme celui de l’altiplano, où le climat, particulièrement difficile et erratique, est une contrainte extrême pour les cultures, la stratégie la plus courante consistait pourtant à répartir les risques par l’association de l’agriculture et l’élevage. Celui-ci permet en effet non seulement de répartir les risques, mais aussi de constituer une épargne et d’avoir un capital disponible en cas de crise. La perte de la diversité de ces productions, engendre des risques supplémentaires, qui soulèvent des questions sur la viabilité économique du nouveau système en place. Pour apprécier la durabilité de ce nouveau modèle de développement, il semble donc nécessaire d’estimer la grandeur les impacts des transformations du système, notamment celles concernant l’élevage. L’objectif de cette étude est d’identifier les éléments clés de ces transformations en cours et d’en estimer les conséquences par l’intermédiaire d’une proposition d’un modèle théorique prévisionnel. Ce mémoire est divisé en 3 parties. La première présente le contexte de l’étude et la méthodologie de travail suivie. Puis, les résultats sont exposés en trois chapitres. Ils sont ensuite discutés pour la proposition du modèle théorique.

Page 9: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

2

Etudier l’altiplano sud bolivien

1 Contexte de l’étude

1.1 Le boom du quinoa

La Bolivie est le premier exportateur mondial de quinoa (Chenopodium quinoa) une pseudo-céréale de la famille des Chénopodiacées. Plus de 70 000 familles de l’Altiplano bolivien vivent du commerce du quinoa. Ce produit est originaire des Andes, cultivé depuis au moins 5 000 ans d’après Max Uhle. Le quinoa trouve ses conditions idéales entre 2 500 et 4 000 mètres d’altitude, dans des zones arides ou semi arides. Il est cultivé essentiellement sur l’Altiplano. Sur ce dernier nous pouvons distinguer trois zones agro-écologiques différentes : l’altiplano nord, l’altiplano centre et l’altiplano sud. La pluviométrie et la température décroissent suivant un gradient nord-sud, ce qui traduit une aridité de plus en plus importante. La zone de production du quinoa est dispersée dans l’altiplano mais les surfaces les plus importantes de cette culture se trouvent dans les départements de La Paz, Oruro et Potosi correspondant à sa partie la plus méridionale. Les zones de production du quinoa sont le plus souvent des zones à sol sableux à forte érosion éolienne. Les conditions climatiques extrêmes ne permettent pas l’établissement d’autres cultures, mise à part la pomme de terre. L’élevage est possible avec grande difficulté vu le peu de ressources fourragères. Les espèces domestiques présentes sont les alpagas (Lama paco L.), les lamas (Lama glama L.) et les moutons (Ovis aries) une espèce introduite, rapidement répandue. La demande croissante en quinoa d’exportation depuis les années 80 et l’augmentation des prix ont bouleversé le système agropastoral andin. La première exportation officielle date de 1986 lorsqu’une entreprise des Etats-Unis d’Amérique a exporté 180 tonnes. Ce pays est encore une des principales destinations du produit. Depuis 1990 d’autres marchés se sont ouverts, notamment vers les pays européens. Dans les années 70 la production du quinoa était d’environ 9 000 tonnes par an avec une surface d’environ 12 000 ha cultivés. En 1985, 21 000 tonnes sur environ 33 000 ha avaient été produites. Ces dernières années on comptait environ 28 000 tonnes au niveau national sur de surfaces atteignant les 47 000 ha. Le volume d’exportation en dix ans s’est multiplié par 152. Les surfaces ont augmenté de façon significative ce qui n’est pas le cas des rendements qui ont fortement diminué (Figure 1). L’extension des cultures à des espaces pour laquelle elle n’était pas aussi adaptée est une des hypothèses majeure retenue pour expliquer cette tendance. Comme nous pouvons imaginer, le développement du quinoa a entrainé des changements qui touchent toutes les composantes des systèmes de production et les sociétés paysannes toute entières.

2 Données de l’INE de 1992 où 502 tonnes ont été exportées au 2006 avec un total de 7752 tonnes. Ces chiffres sont approximatifs car ils ne comptent pas le quinoa qui sort de la Bolivie sans déclaration d’exportation. Cette dernière correspondrait au 60 % de la production en Bolivie d’après Ceprobol (2007).

Page 10: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

3

1.2 Ce qu’en dit la littérature…

Dans des régions éloignées sous fortes contraintes climatiques telles celles de l’altiplano sud bolivien, les systèmes de productions sont souvent composés par plusieurs cultures ou élevages, qui ont des rôles différents mais complémentaires, au-delà de la variété des produits qu’elles offrent à la famille. Pour (Milner-Gulland, Mace et al. 1996) la répartition du risque est le but majeur lorsqu’on possède différentes productions. Les fonctions principales des animaux, avancées par différents auteurs concernent la traction animale et le transfert de fertilité. (McIntire and Gryseels 1987), (Vallerand 1988) et (Schiere, Ibrahim et al. 2002) entre autres, rappellent l’importance des rôles autres que la production alimentaire et ces transferts d’énergie. Les animaux peuvent être une « banque sur pied » pour les petits producteurs. Le manque d’infrastructures pour la conservation de produits périssables favorise la production des animaux car ceux-ci peuvent être transportés vivants. Les élevages permettent aussi d’exploiter au mieux les cultures, les animaux consommant les sous produits et jouant un rôle clef dans le cycle des nutriments sur l’exploitation. Ils permettent aussi d’exploiter des surfaces dont la fragilité des sols serait compromise s’ils étaient cultivés. En général, la production nette d’un système agro pastoral est plus élevée que celle d’un système extensif spécialisé dans les cultures, à conditions agro climatiques égales. La stabilité du système est plus élevée lorsque la diversité des productions augmente. Les animaux permettent d’augmenter la productivité d’un système de production sans forcement étendre la frontière agricole. (Grove and Edwards 1992) affirment que les animaux permettent d’augmenter la productivité d’un système de production sans forcement étendre la frontière agricole Quelques études ont proposé des modèles permettant d’observer les conditions de viabilité des systèmes agropastoraux. (Landais 1992) classe les modèles des systèmes d’élevage dans trois catégories : les modèles d’action centrés sur les acteurs et le processus de décision ; les modèles zootechniques centrés sur les animaux et leurs performances et leurs modèles systémiques qui sont combinés aux deux autres pour rendre compte de la diversité des cas. (Tichit 1998) a proposé un modèle qui se base sur les performances des animaux et les besoins économiques de la famille. Un système agropastoral n’est plus viable si le pôle élevage ne permet d’attendre sur le temps long un seuil minimum qui correspond au revenu minimum pour couvrir les besoins de base de la famille. (Milner-Gulland, Mace et al. 1996) ont présenté un modèle pour comprendre les décisions du producteur, qui intègre la richesse du ménage et les performances du système de production. Dans ces modèles nous pouvons apprécier l’importance de l’élevage et aussi déterminer quels sont les éléments clés à explorer lors de cette étude. Avec le développement du quinoa, les systèmes agricoles de l’altiplano tendent à devenir de plus en plus spécialisés. Les rôles particuliers que jouaient les diverses productions ne peuvent plus être assurés de la même façon. La survie à long terme de ces systèmes est mise à l’épreuve. L’élan pris par le quinoa fait, en particulier, que l’élevage diminue d’une façon importante. Le problème principal est de dépendre d’une seule activité dans une zone aride à fortes contraintes. Par ailleurs, avec la perte du bétail d’autres questions se posent notamment comment remplir les rôles qui sont tenus par le bétail ? 3

3 Les troupeaux remplissent plusieurs fonctions à court et long terme. Dans le court terme, peuvent être mentionnés les rôles de rôle tampon, capitalisation et source de protéines. A long terme, l’approvisionnement en matière organique pour les sols (voir chapitre 2 mémoire biblio en annexe).

Page 11: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

4

2 Matériel et méthodes L’étude a été réalisée en trois étapes. D’abord une étape de préparation et de rédaction d’un mémoire bibliographique (en annexe) qui a permis de faire une révision de la littérature et d’établir la question de recherche. Ensuite, un terrain de quatre mois du 15 avril 2007 au 15 aout 2007. Et finalement la phase d’analyse et de rédaction.

2.1 Zone d’études

La zone d’études est située en Bolivie sur l’altiplano sud. C’est un haut plateau dont l’altitude varie entre 3°600 et les 4 100 mètres. C’est une ancienne dépression lacustre entre la cordillère Real à l’est et la cordillère Oriental à l’ouest qui a laissé comme traces les salares de Coipasa et Thunupa. L’humidité relative est d’environ 15 %. Les précipitations moyennes varient entre 800 à moins de 300 mm par an (Figure 2). Ce gradient décroit graduellement du Nord au Sud. Les températures moyennes suivent aussi ce patron allant de 10° à -5°C, avec des gelées plus de 270 jours par an. La végétation spontanée de l’altiplano est la base de l’alimentation du bétail dans la région. (Genin and Alzerreca 1995) remarquent l’importance sociale et économique pour la population qui doit trouver l’équilibre entre l’exploitation fourragère et la reconstitution de la végétation. (Calla Ortega 1995; Genin and Alzerreca 1995; Tichit 1998) ont décrit entre trois et cinq communautés végétales. Quatre grandes communautés végétales ont été observées, elles composent les ressources essentielles pour les activités agricoles. La description ci-dessous a été faite en base à celle réalisée par (Tichit 1998) –Figure 3-. Le gramadal est composé principalement par des graminées stolonifères associées à des caméphytes ce qui donne une allure de pelouse rase. Les sols de prédilection pour cette végétation sont salés à texture lourde d’origine sédimentaire et salé. Le gramadal est souvent sur les bords des lacs et des rivières. L’espèce principale est Distichlis humilis qui constitue plus de 70 % de la biomasse présente. Dans la zone d’étude cette végétation est appelé pelar. Le pajonal est un graminetum ouvert dominé par deux graminées cespiteuses à port érigé, Festuca ortophylla et Stipa ichu (Calla Ortega, 1995). Cette dernière, très riche en silice, se développe sur les sols les plus sableux. Le pajonal s’étend sur la pampa et la ladera. Sur la zone d’études il n’est présent que dans certaines communautés. Le tholar est une steppe arbustive dominée par la Parastrephia lepidophylla, appelée thola, sous-arbrisseau de la famille des composées. Il est associé à des épineux et à des herbacées à feuilles tendres. Il se développe sur des sols plus argileux que le pajonal et il est plus sensible à l’eau. Il est la principale ressource fourragère et combustible à niveau local. Le bofedal appelé begal dans cette région, correspond à des prairies inondées d’une façon permanente par la fonte de neiges, souvent de formation anthropique, qui occupent des superficies réduites mais à haut potentiel productif. Les espèces principales sont des genres Distichia et Plantago associées à des monocotylédones des genres Carex, Calamagrostis, Gentiana et Wemeria.

Page 12: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

5

2.2 Choix des communautés

Les communautés étudiées sont situées dans deux départements de la Bolivie, Oruro et Potosi qui produisent plus de 60 % du quinoa exporté. Six communautés de trois districts différents (Salinas Garci de Mendoza, Llica et San Agustín) ont été choisies pour l’étude (Figure 4). Les critères de sélection ont cherché à représenter la diversité des cas existants. Les paramètres choisis ont été le milieu, la réalité socio économique et l’organisation autour des filières. Dans tous les cas, comme c’est de tradition sur l’altiplano, les surfaces cultivables appartiennent à la communauté. Les autorités distribuent des droits d’usage des terres disponibles aux familles, qui les conservent aussi longtemps que les parcelles sont travaillées et le que producteur paie la contribution. (Riviere 1982) explique comme le paiement ouvre un droit d’usage, qui peut être transmis par héritage. Si un habitant part et ne travaille plus les terres, dix ans après elles seront redistribuées entre les autres familles. La topographie est une caractéristique essentielle du milieu dans cette zone. Elle est de deux types pampa et ladera. Les pampas sont les terres plates et les laderas sont les piedmonts et les versants. Cette distinction de l’espace est caractéristique des Andes car elle a toujours été un facteur de décision pour le choix des productions. Dans les pampas le quinoa encourt plus de risques de gelé (Morlon, 1989) mais le travail peut être mécanisable. Etant donné qu’un des objets centraux de notre étude est l’agriculture, nous allons prendre en considération la topographie des terres cultivées et non celle de tout le territoire communal. Les communautés avec plus de 50 % des terres cultivées seront appelées communautés de pampa et celles cultivant plus des 50 % des surfaces sur la ladera auront la dénomination communauté de ladera. Le contexte socio économique est caractérisé par les activités des membres des familles et leur condition d’estantes ou résidentes. Les estantes habitent à l’année dans la communauté alors que les résidentes ne viennent que pour de courtes périodes. Dans cette région les activités agricoles sont une importante source de revenu pour les familles. Les productions marchandes sont le quinoa et l’élevage. Les communautés étudiées se caractérisent pour avoir des cheptels composés d’ovins et de lama ou de lama seul. Les troupeaux d’alpagas (Lama paco L.) existent mais ils sont minoritaires étant donné les exigences nutritionnelles de cette espèce peu adaptée à l’extrême aridité de la région étudiée. Le quinoa prend une place centrale de part des bénéfices qu’il procure. La mécanisation de l’itinéraire cultural, l’extension des surfaces et la gestion de terres collectives ont été des éléments considérés comme primordiaux. La gestion du territoire repose sur l’existence ou non de mantos. Un manto est une division territoriale où traditionnellement les surfaces cultivables étaient regroupées. Il y a au moins deux mantos qui sont cultivés à tour de rôle. Les paysans décident collectivement lequel va être cultivé et tous les comunarios cultivent la même année, laissant le reste de terres en jachère. Un point à prendre en considération est l’organisation autour des filières. Le marché du quinoa a été développé par des organisations de producteurs ou des entreprises privées. Voici une brève description des communautés choisies pour l’étude.

Page 13: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

6

Jirira (6 au 11 mai) municipio Salinas Jirira est une communauté située dans le municipio de Salinas Garci de Mendoza dans le département d’Oruro. Jirira est au bord du salar de Thunupa (19°51'24" Sud et 67°34'22" Ouest) à 30 kilomètres de Salinas G.M. La géomorphologie du territoire communal est mixte, c'est-à-dire qu’il y a des zones de plaine ou de pampa, des zones de piedmont ou ladera et des zones de montagne ou de cerro. Les végétations présentes sont le tholar et le gramadal avec d’anciennes parcelles agricoles dans les piedmonts recolonisées par le pajonal. La différentiation entre zones de culture et de pâturage peut être faite à l’œil nu : sur les plaines et les piedmonts s’étendent les cultures de quinoa et pomme de terre, le reste du territoire étant consacré aux animaux. Dans cette communauté habitent environ 35 familles à l’année. Il y a l’électricité, une école et un téléphone. L’école a fermé cette année car les familles migrent de plus en plus pour les villes. Une des particularités de Jirira est la mécanisation poussée des différentes étapes du cycle de culture labour bien sûr, mais aussi le semis. Pour les tâches de la post culture, ils disposent des machines, voitures et tracteurs qui rendent le travail moins pénible. Dans les années 70 est arrivé un des premiers tracteurs de la zone. Des autorités et membres de la communauté ont participé à la fondation de ANAPQUI (Association nationale des producteurs de quinua) dans les années 80. Le territoire dédié aux cultures est divisé en 2 mantos de gestion collective divisés en parcelles de gestion individuelle. Ceci permet une jachère d’un an après un an de culture. Les terres cultivables sont exploitées dans la totalité. Les producteurs parlent d’une forte baisse des troupeaux lors des dernières années. Chilalo municipio Salinas Chilalo est sur le versant d’une montagne face au salar de Thunupa localisée sur les coordonnées 19°48'00" Sud et 67°49'01" Ouest à 35 kilomètres de Salinas G.M. La végétation dominante est le tholar. Les surfaces cultivables sont sur différents faciès plus au moins inclinés. Des 12 familles estantes (qui sont tout le temps dans la communauté) 8 personnes ont du bétail, elles ont toutes été enquêtées. Il y a 30 ans une maladie a exterminé les troupeaux de lamas et seuls les ovins ont continué à faire partie du cheptel. Depuis 2006 les troupeaux de lamas ont commencé à augmenter par la présence du projet AVSF qui a apporté une aide économique pour l´achat de lamas les deux dernières années. Les ovins sont utilisés pour sa viande, sa laine et son lait. On cultive des légumes sur des terrasses irriguées. Le quinoa est travaillé tout à la main pour sa grande partie. Les zones de culture et de pâturage sont entremêlées et sur une très grande partie du territoire de la communauté. Il n’y a pas de gestion par mantos. Les tracteurs de Salinas G.M. ne vont à cette communauté que depuis peu d’années. Buena vista municipio Llica Buena vista est une communauté au bord du salar avec des cultures en pampa et du cerro. Elle est à 19º59' Sud et 68º15' ouest, à 18 kilomètres de Llica. Il y a du tholar sur les versants et du gramadal sur les pampas. Il ne reste plus qu´un seul éleveur, les autres familles ont toutes supprimées leurs troupeaux pour diverses raisons notamment climatiques et aussi liées à l´émigration. Seules 2 familles sont estantes (qui habitent à l´année), les autres sont residentes mais ils cultivent tous le quinoa. Le labour et le semis sont faits au tracteur. Certains habitants reviennent après leur retraite pour cultiver le quinoa. Un seul communario va semer à lui tout seul 100 ha. Cette année ils ont bénéficié d’un projet de clôture pour les

Page 14: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

7

surfaces de culture qui sont gérées en 2 mantos. Il reste encore des terres cultivables en piedmont et sur la pampa non exploitées. Playa Verde Murmuntani municipio Llica Playa Verde Murmuntani est une communauté à la frontière du Chili, divisée en 2 petites zones de résidence. Localisée à 19º50' Sud et 68º06' Ouest et à 3917 mètres sur le niveau de la mer, elle est à 60 km de Llica. Playa verde a un grand begal et du tholar sur les collines pour le bétail. Cette communauté est de tradition d´élevage, le quinoa était juste pour la consommation, la culture se faisait sur les laderas. Après de nombreuses périodes de sécheresse, le bétail a diminué fortement causant la migration de beaucoup de personnes. Depuis l´année dernière les habitants ont commencé à cultiver sur la pampa. Les agriculteurs de Playa Verde vont à Llica pour y résider une fois la récolte finie. Ceux qui ont du bétail retournent une ou deux fois par semaine pour garder les animaux. Les surfaces cultivables et les pâturages sont entremêlés. Cette année on a commencé une gestion de mantos et installé une clôture avec l’aide d’AVSF. Les surfaces disponibles dépassent largement celles des autres communautés. Chacoma municipio Llica Chacoma est une communauté qui compte une quarantaine de familles estantes. Chacoma est à 19º42' Sud et 68º29' Ouest à environ 45 kilomètres de Llica. Il y a de la pampa ou sont les tholares et des begales et du cerro. Le tracteur est arrivé dans les années 70. Les ovins ont pratiquement disparus car ils demandent plus de surveillance et ils sont plus sensibles aux conditions difficiles ainsi qu´au manque d´aliments. Les surfaces cultivées dépassent les 500 ha, toutes sur la pampa et travaillés au tracteur. Le pâturage se fait au cerro, sur la pampa et le bofedal. Six comunarios ont des tracteurs. Le bétail a tendance à diminuer car les personnes sont de plus en plus âgées et n´arrivent plus à garder les troupeaux. Il y a un lycée et un collège ainsi qu’une association des femmes. Les centres d’enseignement ont aussi leurs parcelles, ce qui leur permet d’avoir des revenus additionnels. Un manto de 3000 ha sera créé prochainement pour être ensuite distribués aux comunarios. San Agustín municipio San Agustín San Agustín est chef lieu du district et compte environ 100 familles. Les coordonnées sont 21º09' Sud et 67º40' Ouest et elle est à 90 kilomètres d’Uyuni. Le territoire communal s’étend sur des collines avec peu de surfaces plates. Il y a du tholar et un peu de begal partagé avec une communauté voisine. Les producteurs ont en général des troupeaux et du quinoa. La morphologie de la plupart des parcelles ne permet pas l’accès du tracteur. San Agustín est le siège de Cedeinku, un centre régional de l’association nationale des producteurs de quinoa (Anapqui) particulièrement actif, présent depuis les années 80. Avant de devenir un centre régional d’Anapqui, Cedeinku était un projet de développement agricole appuyé par la coopération danoise (Caritas Danemark), qui a promu la création d’entreprises artisanales.

2.3 Recueil des données

Dans chaque communauté la permission et la présentation du projet a été faite. Après l’accord des autorités et des producteurs, le temps d’étude a duré entre 4 et 8 jours par communauté. Un tableau récapitulatif des communautés est donné dans la figure 5.

Page 15: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

8

Le but principal était d’identifier les changements amenés par la culture du quinoa comme culture de rente. Le choix a donc été fait de réaliser les enquêtes sous forme d’entretien semi directif où le producteur avait plus de liberté à s’exprimer. Trente six enquêtes ont été réalisées, plus vingt cinq entretiens dont neuf avec des informateurs privilégiés, six avec des experts, six avec des acteurs clés des communautés (maires, directeurs des lycées, fonctionnaires, infermières) et quatre avec des producteurs d’autres communautés. Le questionnaire a été divisé en six parties principales. La première concernait l’historique de l’exploitation, les dates et raisons de l’installation. Ensuite, les données sur les membres de la famille, leurs activités, leurs lieux de vie, etc. Puis l’agriculture et les détails techniques du quinoa ont été abordés, suivis par les pratiques et les aspects techniques et économiques de l’élevage. Les deux dernières parties concernaient les revenus de la famille et l’avenir de l’exploitation. Le questionnaire complet et le guide d’entretien pour les informateurs privilégiés, sont donnés en annexe 1.

2.4 Analyse des résultats

La nature des données étant quantitative et qualitative, différents analyses ont été faites. Une typologie a été établie selon les systèmes d’activités pour représenter la diversité des familles de la zone. Des graphes, des figures et des statistiques de base ont aidé à la structuration des résultats. Des analyses statistiques plus poussées n’ont pas pu être faites étant donné le nombre et la grande diversité des variables et le faible nombre d’observations. L’analyse avait comme but de déceler les éléments clés des systèmes agropastoraux ainsi que la nature des relations entre ces derniers, ce qui permettra établir un modèle conceptuel de viabilité des ces systèmes. L’agriculture a été décrite à l’aide du concept de système de production. Celui-ci est une combinaison de facteurs de production et des productions, dans l’exploitation agricole (Chombart de Lauwe et al., 1957). Il est composé par un ou des systèmes de culture et par un système d’élevage. Le système de culture est défini par Sebillote (1992 in (Moulin 2005)) comme « une surface de terrain traitée de façon homogène, par les cultures avec leur ordre de succession et les itinéraires techniques » ( Sébillote, 1982 in Moulin, 2006). Les différents itinéraires ont donc été décrits pour représenter les productions végétales. Landais (1992) définit le système d’élevage comme « l’ensemble d’éléments en interaction dynamique organisé par l’homme en vue de valoriser les ressources par l’intermédiaire d’animaux domestiques pour obtenir des productions variées ou pour répondre à d’autres objectifs ». Le pôle élevage a été exploré notamment par une approche des pratiques car elles permettent d’interpréter les stratégies de décision du producteur comme l’ont montré plusieurs études, notamment en zone aride par (Milner-Gulland, Mace et al. 1996) et (Genin and Tichit 2004). Les pratiques sont définies par (Desffontaines and Landais 1988) comme l’ensemble des activités matérielles intentionnelles et régulières que les agriculteurs développent dans le cadre de la conduite de production agricole. Pour (Osty and Landais 1991) c’est par l’intermédiaire des pratiques que l’éleveur pilote le système de production. Elles articulent le sous système d’élaboration des décisions et le sous système d’élaboration de la production (représentant le déroulement du système de production).

Page 16: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Etudier l’altiplano sud bolivien

9

La description des pratiques dans ce mémoire est basée en partie sur la classification proposée par (Desffontaines and Landais 1988). Ces auteurs divisent les pratiques en cinq groupes : configuration du troupeau de reproductrices, conduite du troupeau, conduite des surfaces, exploitation et valorisation et configuration du territoire d’élevage. Une importance particulière a été attachée aux pratiques de conduite du troupeau (allotement, reproduction, alimentation et protection), à la configuration du troupeau de reproductrices et aux pratiques d’exploitation et valorisation. Chacun de ces sous systèmes (cultural et d’élevage) ont comme sorties des performances ou des productions. Elles ont été traitées de façon quantitative pour ensuite être comparées. D’autres concepts et cadres conceptuels utilisés seront décrits au fur et à mesure dans le mémoire.

Page 17: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

10

L’agriculture, une activité parmi d’autres

1 Les producteurs de l’altiplano : un éventail d’activités (Norman 1992) nous rappelle l’importance de prendre en considération les conditions dans lesquelles évoluent les producteurs pour les recherches dans les contextes agro pastoraux. Sur l’altiplano sud bolivien, où l’agriculture ne peut pas à elle seule subvenir aux besoins, la combinaison d’activités joue un rôle clé pour la subsistance des familles paysannes. Comme l’affirment De (de Janvry and Sadoulet 2000) la pluriactivité est une stratégie efficace des ménages agricoles pour assurer leurs revenus. Ces activités annexes à l’agriculture ont toujours des effets sur l’activité agricole. Par exemple, (Anseeuw and Laurent 2007) ont montré que les petits et moyens producteurs peuvent investir dans leurs exploitations agricoles grâce aux revenus complémentaires. Pour (Brun, Lacombe et al. 1982) « l’exercice d’une activité extérieure à l’exploitation de la part d’un ou plusieurs membres du ménage, implique une réduction de la force de travail disponible pour l’activité sur l’exploitation, que le travail extérieur soit agricole ou non, cette réduction a de fortes chances d’influencer l’organisation de l’exploitation agricole et la nature des productions ».Comprendre l’agriculture et l’élevage demande donc d’avoir une vision globale de l’ensemble des activités Le ménage agricole est au centre de cet ensemble d’activités. Le ménage est défini dans ce mémoire comme une unité décisionnelle avec un nombre variable de personnes qui ont des relations de parenté et qui représentent une force de travail disponible, des compétences et des savoirs faire. La prise de décisions a ainsi été considérée comme le fruit d’une concertation entre les membres de ce ménage. Dans ce document, les termes ménage, producteur et famille seront toutefois utilisés indistinctement, étant donné le caractère strictement familial des situations considérées et le poids déterminant du chef de famille (le père, parfois la mère). La famille a des objectifs à atteindre, fixés d’une façon plus ou moins explicite. En général, le premier est l’autosubsistance. Si les possibilités le permettent, en plus de l’autosubsistance, il y aura des objectifs de production d’un surplus pour la vente et la reproduction de l’exploitation agricole, de capitalisation, d’investissement dans l’éducation des enfants, etc. L’organisation et l’articulation entre les différentes activités permet de parvenir à la réussite des objectifs tracés. Comme le souligne (Blanchemanche 2002), l’organisation mise en place pour l’attente des objectifs est « déterminante dans le fonctionnement des exploitations agricoles ou dans les choix de combinaison d’activités ».

1.1 Un large panel de systèmes d’activités

Le système d’activités donne un cadre d’étude pour l’analyse des différentes activités au

sein d’un ménage et de leur articulation. Nous avons défini une activité comme l’exercice d'un emploi ou d'une fonction pour les personnes du ménage. Un système d’activité est formé par les diverses activités des membres de la famille et la façon dont elles s’imbriquent entre elles. Par exemple, un ménage qui a une production agricole plus un travail à l’année en ville et qui aide ses voisins dans les travaux saisonniers comme la récolte ou le semis, n’aura pas les mêmes revenus ni le même temps à consacrer à son exploitation agricole qu’un ménage se dédiant exclusivement à ses cultures et à son bétail.

Page 18: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

11

Dans les communautés étudiées une simple observation ne suffit pas à rendre évidente la pluriactivité des familles (sauf si on reste à l’année). Dans notre échantillon vingt sept ont des activités à l’extérieur de l’exploitation d’une façon plus ou moins régulière. Ces activités ont une saisonnalité qui leur permet de se coupler aux activités agricoles. Ces dernières sont définies ici comme les activités de production liées au pôle animal et/ou au pôle animal.

1.2 Typologie des systèmes d’activité de la zone d’étude

Pour faciliter la compréhension des systèmes d’activités en place, nous les avons classés selon une typologie proposée par (Parnaudeau 2006) ,qui a fait un analyse-diagnostic des systèmes d’activité dans cette même zone géographique4. Nous avons repris les catégories déterminées par (Parnaudeau 2006) car elles correspondent bien à la réalité de notre échantillon. Les critères mobilisés sont la présence d’une production animale et/ou végétale, l’existence d’activités non agricoles, ainsi que l’articulation du ménage avec la communauté et l’extérieur. Six grands systèmes d’activités avaient été décrits dont quatre ont été observés lors de nos enquêtes. Les critères qui composent la typologie sont résumés dans la figure 6.

Le type 1 où les producteurs sont monoactifs agricoles, la totalité des revenus proviennent de la vente des produits agricoles et/ou d’élevage. Le type 2 producteurs pluriactifs dans la communauté est composé par les producteurs pluriactifs qui ont d’autres activités non agricoles dans la communauté. Il s’agit de ménages possédant un tracteur pour la vente de services agricoles, un commerce, vendant leur main d’œuvre, ou encore qui font l’artisanat, etc. Ce groupe inclut également les profesionales et ex-profesionales, des producteurs ayant une activité salariée permise par des études supérieures (cas des professeurs). Les professeurs retraités entrent aussi dans cette catégorie car ils ont une sécurité économique. Le type 3 producteurs pluriactifs hors communauté a permis de regrouper les ménages pour lesquels une personne du couple a une activité plus ou moins régulière à l’extérieur de la communauté. Cette activité peut être agricole ou non agricole. Le type 4 correspond aux producteurs qui n’habitent pas dans la communauté et qui viennent pour les périodes de travaux agricoles. Ce sont des producteurs émigrés. Ces derniers ont un emploi à temps complet dans les centres urbains plus ou moins éloignés (en Bolivie et même à l’étranger).

(Paul, Bory et al. 1994) ont décrit les principaux déterminants de la mise en place des systèmes d’activités. Ils sont le groupe social d’appartenance, les pôles économiques locaux, espaces où se définissent les opportunités d’emploi; la cellule familiale et le centre de décision. Dans la zone d’intérêt, le groupe social d’appartenance est assez proche car elles sont toutes des communautés originarias. En revanche, les espaces où se définissent les opportunités d’emploi, la cellule familiale et le centre de décision, différent d’une communauté à l’autre.

4 La zone d’études de Parnaudeau (2006) était concentrée dans l’inter salar. Bien que San Agustín soit localisé au Sud du salar, nous mobilisons également cette typologie tout en gardant à l’esprit les spécificités de cette communauté décrites dans la première partie du mémoire.

Page 19: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

12

2 Espaces et opportunités d’emploi La plupart des ménages enquêtés sont pluriactifs. Sur trente six, neuf sont monoactifs agricoles, dix huit ménages ont une pluriactivité dans la communauté où ils habitent dont cinq une diversification à fort investissement (un tracteur, un logement, un commerce), huit travaillent comme salariés agricoles, cinq ont une activité salarié dans les institutions des communautés (organisations de producteurs, écoles, etc.). Six ont une pluriactivité temporaire externe et trois ont émigré et reviennent pour les moments clés du cycle agricole. La répartition des systèmes d’activités (Figure 7) nous amène à 2 groupes. Les communautés où les systèmes d’activités sont liées à la communauté et celles ou la diversification se fait aussi à l’extérieur. Ceci s’explique avec les caractéristiques des communautés. A Chacoma, Chilalo et San Agustín il y a des institutions qui sont sources d’emploi. Jirira, Buena vista et Playa verde M. sont plus ouverts vers l’extérieur. Jirira et Buena vista sont très proches des centres urbains, ce qui a facilité les migrations professionnelles. Néanmoins la distance n’est pas le seul facteur. Playa verde M. est une communauté très éloignée et pourtant la migration temporelle fait partie de la vie de ses habitants. Nous pouvons voir comment les espaces où les opportunités d’emploi influencent la pluriactivité des ménages. Les opportunités de diversification intra communautaires ont un lien avec l’avenir des activités agricoles. Comme nous pouvons le voir sur la figure 8, lorsque d’autres possibilités de travail existent sur place il y a plus de possibilités de reprise de l’exploitation par les enfants.

3 Cycle de vie des ménages Le cycle de vie familial permet de comprendre certains choix de la famille et leur système d’activité. Nous avons choisi comme base pour la description du cycle de vie celui proposé par Caro (1985) in (Tichit 1998). Ce cycle comprend la période d’installation d’une unité domestique jusqu’à son transfert à la descendance. Dans le cas présent à ces étapes s’ajoute la migration liée au système d’activités. La première étape est le mariage et la petite enfance des enfants. Ici, il n’y a pas de grosses dépenses et souvent il n’y a pas de capital mis à part le troupeau hérité par la femme et les terres héritées par l’homme (ces modalités traditionnelles d’héritage sont de moins en moins appliquées). La main d’œuvre est souvent vendue à l’extérieur de la communauté pour initier une épargne qui permette de capitaliser. Souvent un des deux conjoints part en ville et l’autre reste. La deuxième étape débute quand les enfants grandissent et vont à l’école. Le ménage dispose d’un capital plus ou moins important, une force de travail accrue avec plus de dépenses notamment liées à l’éducation. Lorsque les enfants font des études ou travaillent dans des lieux « proches », ils viennent aider pour le semis et la récolte. Dans cette étape nous avons la plus grande diversité d’activités possibles. A l’intérieur de la communauté (dans la typologie, systèmes d’activités 1 et 2) il existe 4 possibilités. La première est celle de rester monoactif agricole (1). On peut aussi, vendre sa force de travail (2a) dans la communauté pour des tâches agricoles. Autre possibilité est celle d’avoir un travail salarié (2b) dans une institution présente sur place comme un établissement scolaire ou une association de producteurs. Le dernier cas observé de diversification intra communautaire est celui des familles qui ont a pu capitaliser (souvent le cas de familles qui en étape 1 ont travaillé à l’extérieur et avec peu d’enfants) et peuvent faire un fort investissement (2c) comme l’achat d’un tracteur ou d’un

Page 20: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

13

commerce. En dehors de la communauté les stratégies sont soit d’avoir un travail en ville et de faire des aller retours constants (type 3), soit de partir en ville ne revenir que pendant les moments clé du cycle de culture. Le troisième moment du cycle de vie est le départ progressif des enfants. Au moment du mariage des enfants il y a une décapitalisation par le pré héritage des terres et des animaux. La main d’œuvre réduit considérablement à cause du départ des enfants mais aussi à cause de la fatigue qui arrive avec l’âge. Il y a une certaine spécialisation du système d’activité vers l’agriculture car les membres des ménages ne migrent plus. Certains des gens partis en ville pendant la première étape du cycle de vie reviennent. En général ils conservent des revenus provenant de leur travail en ville comme par exemple une retraite (type 2b). Ils retournent surtout pour l’attachement au territoire, pour se ressourcer et pour avoir un revenu complémentaire. Le retour de leurs enfants qui ont grandi en ville est beaucoup moins probable. Une description des cas de chaque communauté est donnée dans l’encadré 1. Dans la progression entre les étapes du cycle de vie, le système d’activité diversifié devient un système plus spécialisé centré autour de la communauté et de l’agriculture. Un questionnement peut être fait en ce qui concerne la validité de ce cycle de vie dans l’avenir, dans la mesure où les jeunes générations affirment ouvertement leur projet de continuer à avoir toujours des activités annexes en ville. Un résumé du cycle de vie et des systèmes d’activité est donné en figure 9. Une description des cas de chaque communauté est donnée dans l’encadré 1.

Encadré 1. Description détaillée des systèmes d’activités par communautés A Chacoma les systèmes d’activité des ménages interviewés sont axés autour des activités dans la communauté. Sur les huit ménages enquêtés, un peu moins de la moitié sont monoactifs agricoles. Tous ne sont cependant pas au même stade de cycle de vie et certains ont pu par le passé avoir une activité autre que la production mais à laquelle ils ont renoncé en raison de leur âge mais aussi de la baisse de leurs besoins monétaires (indépendance des enfants). On trouve différentes stratégies de diversification. Par exemple des producteurs qui sont venus du nord Potosi pour garder des troupeaux et aider aux taches agricoles groupe 2a. Après quelques années de résidence dans la communauté (dans ce cas précis 4 ans) ils ont décidé de s’installer avec l’accord des autorités qui leur ont donné le statut de comunario et des terres à cultiver. Ils continuent à vendre leur main d’œuvre de façon plus irrégulière. D’autres producteurs sont salariés type 2b qui existe notamment grâce à la présence d’une école et d’un collège technique qui offre des opportunités d’emploi dans l’enseignement ou dans les tâches administratives. Quatre autres producteurs qui ont des tracteurs (type 2c) qu’ils utilisent pour la vente de services. Ces tracteurs ont été achetés soit en vendant une partie du bétail soit grâce à des crédits. Un de ces producteurs possède à lui seul 3 des 6 tracteurs présents dans la communauté. Les ménages enquêtés à Jirira ont tous un système pluriactif. La moitié des ménages vend sa force de travail dans la communauté ou pratique des activités comme le tourisme. L’autre moitié obtient des revenus non agricoles à l’extérieur de la communauté (travail salarié comme maçon ou poste de fonctionnaire). La proximité de la communauté avec Salinas de G.M., sa nature fortement touristique (Jirira est une étape sur la route la plus touristique du pays) et l’occupation de toutes les terres cultivables en pampa peuvent être des facteurs explicatifs de cette ouverture des habitants vers l’extérieur.

Page 21: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

14

Suite encadré 1 A Buena vista, il n’y a plus qu’une seule famille à être monoactive agricole. Ils n’ont pas beaucoup de terres car le chef de famille n’est pas originaire de cette communauté, il possède donc un élevage, le seul de la communauté. Les autres familles sont soit des « jeunes producteurs» qui ont des activités salariés à l’extérieur avec une durée plus ou moins longue dans l’année (types 3 et 4) soit des gens plus âgés en étape 3 du cycle de vie, qui sont revenus dans la communauté il y a au maximum 4 ans après leur retraite obtenue en ville (Le qualificatif jeune est donné aux producteurs de moins de 44 ans d’après la distribution des âgés de l’échantillon). Dans toutes les communautés le type vente de main d’œuvre (2a) est représenté sauf à Buena vista. En effet, cette communauté est en train de se « vider », il n’y a pas de force de travail disponible malgré le besoin exprimé par les habitants. Les habitants de Playa Verde Murmuntani ont des systèmes d’activités très liés à l’extérieur malgré son éloignement des centres « urbains » de la zone. La culture de quinoa pour le marché a commencé il y a deux ans. Avant cette communauté était de tradition purement d’élevage car le micro climat n’était pas adapté au quinoa. Avec le changement du climat les éleveurs se sont lancés dans agriculture. Le réchauffement climatique est un argument avancé souvent par les agriculteurs. « On cultive dans des endroits où avant le quinoa gelait alors qu’aujourd’hui, il résiste, il y a moins de gelées ». Cette année, ils ont fait l’acquisition de matériel agricole pour traiter les étapes de la post récolte de façon mécanisée. Le seul producteur monoactif enquêté est d’âge avancé, sa surface de production végétale n’est pas très grande. Il représente le cas des autres producteurs non enquêtés mais qui habitent régulièrement la communauté : ils ont tous plus de 60 ans. Les autres producteurs qui sont pluriactifs sont plus jeunes et ont fait des études (s’ils ont moins de 33 ans). Sinon, ils ont vécu en ville après avoir émigré il y a plus de 20 ans et ils sont retournés pour de diverses raisons. C’est le cas du producteur qui a diversifié ses activités dans la communauté mais qui migre de façon temporelle, à part la production directe, elle fabrique de l’artisanat et vend des produits transformés du quinoa. Souvent les acheteurs viennent directement à la communauté, en général ils connaissent les produits par des amis ou des parents. Chilalo est une communauté qui a comme particularité le fait que de nombreuses femmes y habitent seules avec leurs enfants. Deux possibilités existent : soit leur mari a migré pour travailler en ville, souvent comme maçon ou chauffeur ; soit elles sont mères célibataires et n’ont plus le choix de quitter sa communauté. Presque la moitié des producteurs sont monoactifs agricoles du type 1 toujours avec un système mixte agriculture-élevage. Les autres vendent leur force de travail dans la communauté (Type 2a) pour les tâches agricoles ou sont salariés à l’école de la communauté (type 2b). San Agustín une communauté au sud est du Salar. Les systèmes d’activité sont liés à la communauté. San Agustín est assez loin des centres urbains. La migration est différente car il y a des opportunités dans la communauté même notamment par le biais d’associations, d’organisations de producteurs et d’entreprises « familiales » (type 2b). En outre, après avoir fini leurs études, les profesionales retournent à la communauté ou dans la zone, alors qu’à Salinas et à Llica beaucoup ne reviennent plus. Presque la moitié des producteurs enquêtés sont monoactifs agricoles (type 1). Certains gardent les troupeaux des autres (type 2a). Il y a plusieurs commerces (épiceries) tenues par de producteurs (type 2c). Un de ces producteurs a été interviewé, l’investissement initial provenait d’un travail aux mines.

Page 22: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

15

4 La migration et l’attachement au territoire Le cycle de vie des familles et leurs systèmes d’activités rendent compte de l’importance de la migration pour ces sociétés. (Cortes 2000) explique que la pluriactivité requiert des déplacements vers d’autres lieux. En effet, dans toutes les familles enquêtées il y a au moins un membre de la famille qui a migré en ville ou à l’étranger. La pluriactivité et migration sont donc interdépendantes. Pour (Guilbert 2005) « la principale raison de la migration est de pouvoir satisfaire les besoins que l’agriculture ne couvre pas ». Cortes (id.) a établit que la migration de quelques membres du ménage permet au reste de la famille de vivre sur place et de préparer son retour. Ainsi, « la migration est directement liée à la structure agraire et aux conditions d’accès aux ressources foncières » (Cortes, id). (Guilbert 2005) nous rappelle que dans les Andes, la migration est traditionnelle. D’après nos observations il y a quand même un changement dans ces migrations qui font partie de la culture et des stratégies mises en place par ces producteurs depuis fort longtemps. Avant, lorsque la famille n’avait pas les moyens, les adolescents partaient chez des parents souvent à l’étranger (surtout vers le Chili) où ils ont commencé à exercer des métiers tels que celui de femme de ménage. Beaucoup de personnes de plus de 50 ans décrivent leur famille comme une famille fragmentée spatialement. Souvent, ils sont les seuls de plusieurs frères et sœurs à être restés. Les enfants qui sont partis il y a quelque décennies ne souhaitent plus revenir dans les communautés pour reprendre les exploitations Des nos jours, les familles qui sont restées dans la zone connaissent autre type de migration, une migration « professionnelle » mise en avant par les producteurs et les informateurs privilégiés. Il s’agit des enfants qui font des études à l’école normale, qui forme les futurs instituteurs. Ils sont par la suite nommés à différents endroits de la Bolivie. Ceci est vu comme un facteur important de migration des jeunes hors de la zone intersalar. Autre phénomène les jeunes rencontrés dans les communautés déclarent ouvertement leur intérêt pour les bénéfices de la culture du quinoa et leur volonté de devenir des producteurs. Deux cas existent pour ces derniers : ceux qui souhaitent une installation permanente dans la communauté et ceux qui veulent continuer à conserver une mobilité saisonnière. Les nouveaux producteurs ont le choix car avant la migration était indispensable pour la pluriactivité, maintenant il y a de plus en plus d’opportunités d’emploi selon les communautés, le départ n’est désormais plus obligatoire. La migration d’une partie des enfants permet aussi d’éviter une fragmentation trop importante par l’héritage des terres exploitées. Il faut souligner que le lien avec l’extérieur est fort pour des raisons autres que celles d’ordre économique. Le besoin de s’intégrer à l’ensemble de la société bolivienne, d’accéder aux services qui ne sont pas disponibles dans le milieu rural comme l’éducation et les services de santé. La mobilité historique de ces sociétés sont des facteurs qui maintiennent ces populations dans de déplacements constants (Guilbert 2005). Un constat de ceci est le fait que dans les villes proches des communautés (Llica, Salinas de G.M. et Uyuni), plus de 30 % des maisons ont été construites par les producteurs des communautés des alentours comme résidences secondaires (Technicien AVSF, communication personnelle). Cette migration se fait aussi bien au niveau régional qu’international. Les possibilités de diversification des revenus non agricoles dans les communautés dépendent des institutions présentes sur place et du capital disponible. Dans l’agriculture, la

Page 23: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? L’agriculture, une activité parmi d’autres

16

diversification de son système dépend de la main d’œuvre disponible et des productions qui existent.

5 Contribution des activités au revenu de la famille Toutes les familles enquêtées produisent du quinoa et 27 ont du bétail. Lorsqu’on a interrogé les familles sur leurs revenus, elles ont donné un pourcentage du revenu total provenant de chaque activité. Sur la figure 10 nous voyons que le quinoa (en vert) est un revenu important dans tous les systèmes alors que le bétail (violet) n’est systématique que dans les catégories 1 et 2b. Ce sont les catégories de producteurs qui n’ont pas d’activité salariés « sûres » à part des productions agricoles. Ici l’élevage semble servir comme capital mobilisable en cas de problème, un des rôles le plus importants du bétail. En cas de mauvaise récolte le bétail est à disposition. Mais le troupeau « capital » est provisoire. Ceci veut dire que dès qu’on aura atteint une taille de troupeau important un investissement sera fait (une voiture, un tracteur, une maison en ville). Les autres activités prennent une part importante dans le revenu total de la famille. Les plus élevées proviennent souvent d’un commerce en ville, d’une activité touristique ou d’un salaire. D’autres activités illégales liées à la position de frontière avec le Chili ont une influence importante sur le système d’activités et sur le revenu. La part provenant de ces activités n’a pas pu être comptabilisée mais elle ne doit pas être négligée. Le trafic des voitures et des drogues par exemple, sont des moyens de gagner beaucoup d’argent en peu de temps. Cet argent est parfois investi de façon directe ou indirecte (achat d’un tracteur) dans l’agriculture. L’agriculture occupe une place centrale dans toutes les étapes du cycle de vie. Auparavant, lors des premières phases du cycle de vie, la migration était obligatoire pour accéder à des revenus complémentaires qui permettaient de conserver l’activité sur place. Aujourd’hui l’agriculture permet un essor d’activités rémunérées (vente de main d’œuvre, services comme tractoriste, etc.) et une spécialisation des filières. Ces dernières sont des pôles économiques à part entière. Le prix élevé du quinoa permet d’avoir une rentrée monétaire importante ce qui change les perspectives des producteurs de l’altiplano sud bolivien.

Page 24: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

17

Le quinoa et l’élevage

Après avoir eu une vision générale des activités mises en place les producteurs de la zone d’études, nous avons pu constater l’importance des productions agricoles dans tous les systèmes d’activités. Les principaux produits agricoles de la zone sont le quinoa et l’élevage. Pour permettre de mieux comprendre les enjeux actuels, un bref rappel des transformations récentes touchant l’agriculture introduit ce chapitre5.

1 Une nouvelle agriculture Etant utilisé traditionnellement pour l’autoconsommation et dans l’échange entre les habitants des étages écologiques différents, le quinoa, le sel, et le chaque6 étaient transportés depuis l’altiplano jusqu’aux vallées pour être échangés contre des produits qui ne pouvaient pas se cultiver sur l’altiplano comme les fruits, les feuilles de coca, le thé, le riz, le sucre. Le quinoa était cultivé sur les piedmonts et les versants pour le protéger du froid et du vent. Les étapes de la culture (le labour, le semis et la récolte) étaient exclusivement manuelles. Le semis était réalisé avec la Taquiza, un outil traditionnel avec lequel on creuse jusqu’à atteindre l’humidité nécessaire au développement de la plante. Plusieurs variétés de quinoa étaient cultivées ensemble pour sur la même parcelle pour des usages alimentaires divers et pour protéger les plantes des ravageurs. La récolte s’effectuait par arrachage à la main. Après la récolte, le battage ou trilla était aussi fait manuellement à l’aide de bâtons pour frapper les plantes séchées et séparer les graines des pailles. Le quinoa se cultivait en rotation avec des pommes de terre (les deux cultures constituant la base de l’alimentation des ménages), suivie d’une jachère plus ou moins longue. Avec un tel système de culture, une famille ne cultivait pas plus de 2 ha dont la production suffisait à la consommation de la famille, les surplus étant vendus ou échangés. Les familles élevaient en général des animaux, le plus souvent des troupeaux mixtes camélidés-ovins de plus de 150 têtes. Cette production pastorale était une partie très importante pour la vie de la famille. Trois quart du territoire étaient dédiés aux pâturages et le quart restant aux cultures. Dans la plupart des cas, lorsque le troupeau était en « transhumance » au loin, c’était à l’homme de s’en occuper. Quand le troupeau était à proximité la femme ou/et les enfants aidaient à s’occuper des troupeaux (Les animaux, outre une source de protéines, fournissaient les producteurs en viande, laine, fumier et combustible. Avant, les lamas mâles de la communauté étaient séparés de ces dernières et formaient de groupes de machaje. D’autres pratiques qui existaient était le contrôle de la reproduction, le sevrage, la séparation jeunes-adultes, le marquage ou k’illpa et l’échange de mâles pour éviter la consanguinité. Les laines étaient toujours utilisées pour la fabrication artisanale de vêtements. Tous les membres de la famille tissaient, les hommes des cordes pour les frondes qui étaient utilisées par les bergers et les femmes les habits pour la famille. En outre, (Bey 1997) et (Delgado 1991) évoquent le prestige qui était accordé à un cheptel important dans les Andes. Ces productions étaient à la base de l’économie familiale. La migration était un moyen pour diversifier le système. Ailleurs en Bolivie, le quinoa et la viande de lama étaient objet de forts

5 Cet historique a été fait à l’aide de la littérature mais surtout avec les informations obtenus lors des entretiens avec des informateurs privilégiés. 6 Charque est la viande salée et séchée au soleil.

Page 25: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

18

préjugés. Ils étaient considérés comme de la nourriture des « indiens »7. Des fausses idées selon lesquelles la viande de lama transmettrait la syphilis et la trichine étaient répandues dans la population métissée. Ce n’est qu’en 1987 que l’interdiction de la vente de viande de lama est levée. Depuis dix ans, le marché croît peu à peu et les prix montent doucement.

Le quinoa, culture d’autoconsommation, est devenu une culture de rente extrêmement importante pour les producteurs de l’altiplano. L’arrivée du tracteur dans les années 70, liée à un accord de compensation d’échange avec l’Argentine, a permis de commencer à cultiver sur les pampas. Après la dictature militaire des années 80, des producteurs exilés sont revenus avec la ferme conviction de pouvoir promouvoir les produits offerts par la pacha-mama. Suite au rejet de la population urbaine bolivienne, les efforts se sont tournés vers la recherche des marchés externes. Une organisation de producteurs s’est créée. La première exportation s’est faite en 1986. Depuis il y a de plus en plus d’entreprises qui commercialisent le quinoa Le prix de la tonne de quinoa payé au producteur est passé de 10 dollars en 1981 à 650 dollars en 2007 (le prix le moins cher sur le marché), arrivant même à 870 dollars dans le commerce juste. Ainsi, aujourd’hui le quinoa à lui seul subvient à 80 % des besoins économiques de la famille. Les surfaces de culture se sont étendues sensiblement. Les trois quarts du territoire sont désormais occupés par le quinoa et seul un quart laissé au pâturage. Les animaux ne sont plus menés en transhumance lors des périodes de sécheresse, les groupes de machaje n’existent plus, et les pratiques d’élevage se sont réduites au minimum. L’équilibre avant établit entre l’agriculture et l’élevage n’existe plus.

2 Quinoa (Chenopodium quinoa) Le quinoa est une culture à cycle court. (Perreol 2000) affirme que selon les variétés, ce dernier peut durer entre 120 à 240 jours. Cette plante peut aller d’un mètre cinquante à trois mètres de hauteur. Les inflorescences se présentent en grappes d’épis touffues de coloration ((Sciences 1989) différente selon la variété (Figure 11). Les graines rondes mesurent entre 1 à 2,6 mm de diamètre. Le système de culture du quinoa est traditionnellement fait par rotation avec la pomme de terre et puis avec quelques années de jachère. Avant, pour un an de culture, il y avait trois ou quatre ans de repos. Ce système n’est cependant pas applicable dans n’importe quelles conditions. Selon nos observations, cette rotation se fait de moins en moins et seulement sur les laderas. Il n’y a plus qu’un an de repos jusqu’à la chute des rendements. A ce moment là, soit on ajoute des excréments de lama et/ou de mouton, soit on laisse reposer la terre plusieurs années. Le cycle cultural commence les mois de janvier-février avec la préparation de la terre par le labour. Celui-ci permet de décompacter la terre pour que l’humidité puise être bien absorbée. Le labour peut être fait à la main ou à l’aide du tracteur. Certains producteurs notamment ceux qui utilisent le tracteur, dispersent de la matière organique pour qu’elle puisse être incorporée dans le sol. Il faut compter environ 10 hommes jours par hectare. En Bolivie le jornal, la journée de travail de 8h, est payé 4 US$ (soit environ 30 bolivianos)8. Le service du tracteur

7 La désignation « indien » porte un sens très péjoratif en Amérique du Sud. 8 1dollar = 7,85 bolivianos, taux d’échange aout 2007. Le salaire minimum mensuel en Bolivie s’élève à environ 57 US$.

Page 26: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

19

est payé 20 US$ par hectare. Lorsque les terrains sont en friche le tarif s’élève à 25 US$ et pour le faire manuellement, il faut compter 10 jours-homme par hectare. Ensuite, le semis est fait durant les mois d’aout et septembre. Il faut environ 7 kilogrammes de semences par hectare. Dans le système manuel on va utiliser une taquiza, un bâton en bois avec une pointe en fer qui permet de chercher l’humidité dans le sol. En général il faut creuser 20 à 25 cm pour déposer quelques graines et recouvrir. Certains agriculteurs ajoutent un peu de fumier (250 g d’après Perreol, 2000) dans chaque poquet. Depuis 1985, une nouvelle technologie a vu le jour : Le Satiri a été créé par un producteur de la zone. C’est un semoir automatique qui s’adapte au tracteur pour un semis en poquet mécanisé. Cette technologie est de plus en plus reprise et adaptée par les agriculteurs. Pour un semis manuel, il faut environ 10 jours hommes par hectare ce qui équivaut à 40 US$ par jour. La valeur d’un semis au tracteur est de 25 US$ par hectare. On sème désormais une variété par parcelle, contrairement au système traditionnel. Dans le système des mantos, de nombreuses parcelles juxtaposées sont semées avec la même variété et peuvent souffrir des dégâts importants en cas d’attaque des ravageurs. Les six mois suivants il faut apporter des soins aux cultures pour les protéger des ravageurs. Les trois premiers mois sont les plus critiques car la plante est encore fragile (oiseaux, rongeurs) et des forts vents peuvent recouvrir la plantule. Dans le cas d’une production faite à la main, les producteurs buttent les plantes et en profitent pour rajouter un peu de fumier. Cette étape n’est pas toujours respectée, spécialement par les migrants qui ne font plus de soins aux cultures puisqu’ils ne viennent que pour les « grandes » étapes du cycle (le semis et la récolte, parfois pour le labour mais il est souvent fait par les parents restés sur place). La récolte a lieu à partir du mois d’avril. L’appareil végétatif de la plante doit être sec et les graines arrivées à maturation. Les plantes sont soit arrachées, soit coupées. La maturation des plantes est irrégulière, parfois, les producteurs font plusieurs passages dans une même parcelle pour avoir une qualité de récolte plus homogène. Cette pratique est néanmoins de moins en moins présente. Il n’y a pas de possibilités de faire une récolte mécanisée. Il faut compter au moins 5 jours homme par ha. La post récolte n’a pas été prise en considération pour le calcul des temps du cycle cultural. Elle est pourtant très conséquente car c’est l’étape qui requière le plus de main d’œuvre. D’après (Félix 2004), il faut compter au moins 34 hommes jours par ha. Pour les autres moments du cycle on embauche des travailleurs agricoles mais la post récolte est faite exclusivement par les membres de la famille. Il faut regrouper en arcos les plantes pour les laisser sécher « encore un peu ». Ensuite vient le battage, pour séparer les graines qui se fait récemment avec les voitures ou le tracteur. Les graines sont tamisées et vannées sous le vent. Depuis quelques années une machine a été inventée la venteadora qui permet d’accélérer le vannage. Cet appareil se modernise et aujourd’hui il est motorisé, il permet un vannage plus rapide. Son prix est de 100 US$. Un calendrier qui regroupe les itinéraires techniques et les coûts respectifs est présenté dans la figure 12.

2.1 Diversités des itinéraires techniques

Les variations observées permettent d’identifier trois itinéraires techniques dans la zone d’étude. Le principal critère de différentiation est le degré de mécanisation. L’itinéraire manuel ne compte aucune étape mécanisé. Le cycle complet demande 28 jours homme par hectare. Dans l’itinéraire semi mécanisé seul le labour se fait à l’aide du tracteur.

Page 27: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

20

Il demande 23 jours homme par hectare par cycle de culture, plus les coûts des services du tracteur. L’itinéraire mécanisé est celui où le labour et le semis sont faits avec des machines. Pour ce dernier il faut compter 18 jours homme par hectare et par cycle de culture en plus des frais liés à la mécanisation. Lorsque la topographie le permet, l’itinéraire technique est devenu totalement mécanisé. Quatre vingt seize pour cent des surfaces cultivées en pampa sont mécanisées ou semi mécanisées. Dans les zones de piedmont le tracteur peut aussi avoir accès, ceci fait que presque la moitié de surfaces de ladera ont des étapes de culture mécanisées (Figure 13). Les rendements sont très variables entre les parcelles (Figure 14). Cette année il y a eu beaucoup de pertes liées aux gelées. Les rendements moyens mesurés par Joffre (communication personnelle) différent du simple ou double entre la pampa et les ladera.

2.1.1 Mécanisation et extension des surfaces Les étapes qui sont devenues mécanisées (labour et semis) ont permis une extension des surfaces. En effet, avec un itinéraire technique manuel, une famille ne cultivait pas plus de 2 ha dont la production suffisait à la consommation de la famille et ce qui reste pour faire le troc. Dans nos observations, l’étendue des surfaces cultivées montre une grande variabilité (0,32ha minimum et 30ha cultivées maximum). En tenant en compte de cette variabilité nous avons divisée notre échantillon en trois cas: le « petit producteur » dont les surfaces de quinoa n’excédent pas les 3 hectares ; le « producteurs moyen » qui cultive entre 5 et 9 hectares et le « grand producteur » dont les cultures dépassent les dix hectares. Ceci nous a permis d’observer l’impact du tracteur qui a changé les opportunités d’exploitation de façon radicale. Les tractoristes détiennent les surfaces les plus importantes (Figure 15). Nous constatons donc que la propriété de matériel agricole est un moyen efficace pour accroitre l’emprise sur la terre. Ce phénomène a été observé dans d’autres régions. (Belloncle 1985) nous donne l exemple du Mali, où un tiers des exploitants possédant des tracteurs cultivent à eux seuls entre 70 à 80 % des terres avant collectives Dans notre cas, depuis les années 70 avec l’arrivée du tracteur il y eu sans doute une concentration des terres mais avec un contrôle social car l’accès aux terres doit être permis par les autorités. Un autre point important à prendre en considération est le fait que pour l’achat de tracteur il fallait disposer d’un capital, ce sont souvent des membres de familles aisées qui pouvaient se permettre d’investir et qui possédaient donc déjà un accès privilégié à des surfaces importantes et à des troupeaux assez importants. De nos jours car un tracteur représente un investissement dont la rentabilité est assurée même si on dispose de peu de terres cultivables.

2.1.2 Fertilisation Le manque d’apport de matière organique (fèces de lama et/ou mouton) dans les surfaces cultivées est une inquiétude récurrente chez les producteurs et chez les institutions que ce soient les organismes certificateurs, les organisations de producteurs ou les ONG. Pour le moment, il n’y a pas eu d’étude scientifique qui prouve que l’ajout de matière organique soit vraiment la réponse à la baisse des rendements et à la dégradation des sols. Néanmoins un producteur qui fertilise tous les ans en pampa et qui a un itinéraire technique mécanisé a des rendements doubles par rapport aux autres producteurs. D’après les connaissances empiriques de la zone il faut 5 camions de guano (soit environ cinq tonnes de matière organique) par hectare. Les principaux problèmes sont l’approvisionnement et le transport. Ce sont des grandes quantités et beaucoup de parcelles sont difficiles d’accès. En plus, lorsque le labour est mécanisé il faut compter 5 jours homme par hectare en plus pour la dispersion. Dans la

Page 28: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

21

figure 16 nous pouvons voir la différence des couts lorsqu’on ajoute de la matière organique ou pas.

3 Elevage : les lamas (Lama glama) et les ovins (Ovis aries) Traditionnellement, tous les producteurs de quinoa avaient des troupeaux mixtes « les parents et grands parents avaient de grands troupeaux de plus de 100 têtes par espèce ». Aujourd’hui un quart des familles enquêtées n’ont plus de troupeaux. Des trente six familles, quinze élèvent uniquement des lamas, onze ont des troupeaux multi espèces combinant le mouton et le lama Il y a un seul élevage de moutons seuls, qui se maintient pour de raisons « sentimentales » (Figure 17). La moyenne d’effectifs d’un troupeau de lama est de 82 avec de grands écarts (min 15 et max 204). Pour les moutons la moyenne est de 54 (min 4 et max 180). Les troupeaux de lamas sont composés par deux écotypes : les k’ara et les t’ampuilli (Cardozo 1995). Les k’ara sont des animaux dont la finalité est la production de viande. Ils ont des poils courts alors que les t’ampuilli sont des lamas à poil long, élevés surtout pour la qualité du pelage (Figure 18).

3.1 Pratiques observées

D’après les observations il n’y a pas de pratiques particulières concernant la configuration du troupeau des reproductrices. Comme il a été également observé par Tichit (1998) à Turco, que ce soit dans les cas des ovins ou des lamas, toutes les reproductrices sont gardées pour le renouvellement. Il n’y a pas de reforme au sens strict, car même si la viande de lama perd en qualité organoleptique après les 4 ans (elle devient jaunâtre et plus dure) et que les kystes de la sarcocyste sont perceptible à l’œil nu, les éleveurs gardent les femelles jusqu’à ce qu’elles ne soient plus productives. Parfois ceci peut durer 8 ou 10 ans. En général, ces animaux sont alors réservés à la consommation familiale. De façon générale, il n’y a pas d’achat de femelles une fois le troupeau de base formé.

3.1.1 Pratiques de conduite Les pratiques de conduite ne sont pas très variées entre agro pasteurs. La lutte est libre et il n’y as pas d’allotement entre femelles, mâles et jeunes. La reproduction dans les troupeaux que ce soit pour les camélidés ou pour les ovins n’est pas gérée par l’éleveur. Il n’y a pas un contrôle des saillies (« lutte en main ») comme celui observé par Tichit (1998) dans les élevages de lamas au nord de cette zone, pratique qui correspond à une recherche d’optimisation des taux de mise-bas. Dans chaque troupeau de lama il y a au moins un reproducteur de 3 ans ou plus appelé jañachus. Les autres mâles sont soit vendus avant maturité ou castrés pour éviter des comportements agressifs. Pour 60 % des troupeaux étudiés le jañachu est sélectionné du troupeau même ce qui a pour conséquence un taux de consanguinité élevé. La conduite des ovins est tout à fait semblable. Le mouton a deux périodes de mise bas, une lors de la saison de pluies, l’autre pendant les mois d’hiver (mai, juin, juillet). Cette dernière est période froide et sèche ce qui occasionne un manque de pâtures disponibles pour les animaux. Lorsque l’accouchement a lieu le soir,

Page 29: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

22

les nouveaux nés peuvent mourir congelés. Il demande donc plus de surveillance durant cette période. Les mise-bas des lamas sont concentrés sur les mois de décembre, janvier et février. Ceci correspond à la saison des pluies ce qui est favorable pour la survie des nouveaux nés. Le lama est un animal adapté aux conditions de l’altiplano. La mise-bas ne se déclenche que le matin pour améliorer la chance de survie. Ceci correspond également, compte tenu de la durée de la gestation des lamas (11,5 mois), à des saillies fécondantes en saison des pluies, et donc d’abondance relative des ressources pâturées. Tichit (id.) montre comme la contention nocturne en saison de pluies favorise le contact entre les mâles et les femelles. Cette période correspond à la saison de mise bas et à la saison de croissance du quinoa lors de laquelle les animaux sont en gardiennage permanent pour protéger la culture. L’ alimentation des troupeaux provient essentiellement du pâturage. Les zones de pâture sont d’accès collectif. Ils représentent en générale une surface importante du territoire communale notamment sur les versants et les sommets des collines. Les animaux suivent un schéma de pâturage annuel où selon la saison les ressources végétales exploitées sont différentes. Du mois d’octobre au mois de mars/avril, les troupeaux sont ensemble et ils sont gardés toute la journée puis ramenés au corral le soir. A partir de fin mai à octobre (les mois après la récolte) les ovins continuent à être surveillés quotidiennement alors que les lamas sont laissés seuls pendant plusieurs jours dans les zones de pâturage. A partir de mi septembre les animaux sont amenés aux begales car les autres lieux de pâturages sont peu productifs après les périodes sèches. Dès que la saison de pluies arrive les animaux retournent sur les collines. Lorsque la communauté possède des terrasses irriguées, les moutons bénéficient souvent de compléments luzerne, de sous produits (feuilles de fèves…) en plus des sous produits du quinoa (pailles, issues). Les quantités distribuées non pas pu être quantifiées. Après le 15 mai, à la fin de la récolte, les animaux peuvent pâturer dans les zones de culture. Selon les communautés l’accès est prioritaire pour les animaux de l’agriculteur. Si la période de sécheresse dure trop longtemps, les lamas de moins de un an bénéficient aussi de cette complémentation mais cette pratique reste rare. Les animaux sont surveillés de façon différentiée. Les ovins doivent être surveillés toute la journée et toute l’année alors que les lamas le sont seulement six mois dans l’année, lors de la période des cultures pour éviter que ces dernières soient attaqués. En outre, les camélidés sont laissés sur les pâturages le matin et puis ramenés le soir. Cette différence se doit au comportement des animaux : le lama reste assez groupé dans la zone où il a été conduit alors que les ovins se dispersent et n’hésitent pas à sauter les murs en pierre qui protègent les cultures. En cas de dommage d’une culture par les animaux, le propriétaire de ces deniers doit payer un dédommagement. Il faut aussi surveiller les animaux pour les protéger des prédateurs (Le puma américain -Puma concolor et le renard - Dusycyon culpaeus latinus). L’accroissement des populations de ces espèces protégées devient un problème de plus en plus aigu pour les éleveurs. Un calendrier est donné en figure 19, où le besoin en main d’œuvre a été donné a titre d’indicatif selon les modalités de gardiennage. Le journal payé aux bergers est moins élevé que celui d’un travailleur agricole (le premier est payé 3 US$ alors que le deuxième reçoit 3,82 US$).

Page 30: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

23

Dans le discours des producteurs et des experts interviewés, il ressort souvent l’inquiétude à propos de la baisse et de la disparation des troupeaux. Les évolutions des troupeaux lors des dix dernières années ont été résumées dans trois catégories (en diminution, en augmentation et disparus) et représentées sur la figure 20. Nous pouvons voir que la trajectoire n’a pas été la même pour les deux espèces. Les lamas continuent à augmenter malgré le manque de temps et la migration, car le troupeau est souvent confié à des voisins ou des parents selon le système de al partir ou partida où au moment de la mise bas, la moitié des nouveaux nés sont pour le propriétaire et l’autre moitié pour le berger. Il semblerait que ce système de gestion ne se pratique pas autant avec les troupeaux ovins. Ces derniers régressent notamment dans les cas des ménages qui n’habitent pas sur place à l’année. Les conditions climatiques affectent particulièrement les effectifs animaux. Les sécheresses, 1997, 2002 et 2007 correspondent aux années des plus nombreuses disparitions de ces troupeaux (Figure 21). La dynamique des troupeaux de lamas est beaucoup plus fluctuante. Dans la plupart des cas, la forte chute des effectifs s’explique avec une dépense importante comme l’achat d’une voiture ou une crise familiale comme un décès qui engendre de dépenses et une perte de main d’œuvre, ou une fête à grandes dépenses comme un mariage, la fête du village à charge, etc. La différence en ce qui concerne le temps de gardiennage est un facteur important pour l’existence des troupeaux. Les ovins ont besoin de disposer d’un « berger » de façon permanente. Les ovins sont très couteux au niveau du temps, car une force de travail doit lui être dédiée presqu’exclusivement. Lorsqu’il y a des possibilités de se diversifier dans les communautés, il y a plus de probabilités à garder un troupeau car la famille est sur place, même si les producteurs avouent ouvertement leur fatigue et le peu de rétribution qu’ils reçoivent d’un troupeau. Dans les communautés où il n’y a pas de possibilités de diversification non agricole, il est très difficile qu’un membre de la famille reste à garder un troupeau. Ainsi, les troupeaux disparaissent et diminuent de façon importante car « trop de travail, durant au moins trois ans et peu d’argent de récupéré et les jeunes ne veulent plus s’en occuper» (Producteur de la zone). Dans quelques communautés de la zone d’étude, les clôtures pour protéger les cultures des animaux et alléger le travail des bergers se sont mises en place. Elles ont aussi un autre rôle qui est celui de délimiter la frontière agricole pour qu’elle n’avance plus. Ce type de protection fonctionne lorsque les cultures sont sur des zones plates, avec une surface assez réduite et avec un système de gestion par mantos. La surface trop importante des mantos empêche l’utilisation des clôtures. Ces dernières peuvent être perçues comme une appropriation des terres ce qui va à l’encontre du système social de la zone. Cependant, il n’est pas impossible qu’un jour les clôtures soient courantes dans ces endroits, comme elles le sont devenues dans d’autres zones où l’élevage demeure l’activité agricole dominante.

3.1.2 Pratiques d’exploitation et valorisation Les pratiques d’exploitation regroupent le prélèvement des animaux sur pied et des produits renouvelables que l’homme valorise par transformation, vente ou autoconsommation. Les effectifs exploités sont les animaux vendus ou consommés. Le taux d’exploitation est égal au nombre d’animaux exploités sur les effectifs totaux. Dans la zone d’études, le principal produit valorisé est la viande. D’après les informations des producteurs âgés et d’informateurs clé, les sous-produits (laine, cuirs), qui auparavant étaient

Page 31: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le quinoa et l’élevage

24

utilisés pour les habits. Très peu valorisés de nos jours, ils sont stockés, parfois brûlés. Dans certaines communautés (non étudiées), la mise en place de filières locales de transformation (micro-entreprises de tissage, de fabrication de tapis…) leur redonne toutefois un nouvel intérêt. Le lait des brebis est utilisé pour faire des fromages, généralement autoconsommés. Le guano faisait auparavant l’objet d’échanges. Aujourd’hui il se commercialise peu. La valorisation de la viande par le ménage repose essentiellement sur la vente et l’autoconsommation. La viande est le principal produit commercialisé. On peut le trouver sous deux formes différentes, en frais (ovins et lamas) ou en charque (lamas). Dans la zone d’études les producteurs ne vendent la viande en charque qu’aux membres de leur famille. La vente en dehors du cercle familial se fait toujours en frais. Quatre vingt dix pourcents des élevages vendent d’une façon plus ou moins régulière la viande en carcasse. La vente des animaux en pied reste rare et se fait surtout lorsqu’on souhaite décapitaliser le troupeau pour une occasion ou un investissement exceptionnel. D’après nos observations, le taux d’exploitation n’est pas en relation avec la taille des troupeaux (Figure 22). Le taux d’exploitation du lama est d’environ 15 % et celle du mouton de 21 %. Si nous comparons en kilogrammes de viande, sur le total des ovins exploités 33 % sont consommés par la famille (Figure 23). Dans le cas des camélidés seul 13 % va à la consommation familiale. Les ovins sont plus consommés par la famille que le lama. Ceci s’explique par différentes raisons. Comme l’avance Tichit (1998) la productivité numérique des ovins est plus importante et une femme seule peut abattre un mouton. D’autre part, lorsqu’un lama est vendu, les abats restent pour la famille. Il n’est donc pas aussi évident de distinguer vente et auto-consommation. Le système de production mixte de la zone d’études est en danger. D’un côté, lorsque l’accès à la mécanisation est possible, les surfaces cultivées s’étendent de façon importante ce qui peut créer un déséquilibre écologique, mais aussi des inégalités entre les producteurs qui ont accès au tracteur et ceux qui ne l’ont pas. D’un autre, l’élevage est délaissé pour la pénibilité du travail, le manque de temps et pour le peu de profit qu’il procure. Les producteurs en sont conscients « les animaux sont importants mais le lama il faut attendre trois ans avant de recevoir quelque chose et le garder tous les jours alors que le quinoa c’est rapide et il y a des bons bénéfices économiques ».Les pratiques d’élevage se sont donc réduites pour que l’investissement soit minime. « Investir peu ou rien pour gagner quelque chose ».

Page 32: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

25

Marchés et filières des productions agricoles

1 Le quinoa (Chenopodium quinoa) D’après nos enquêtes, tous les producteurs vendent environ 90 % du quinoa produit, le restant est gardé pour l’autoconsommation et la semence. La mesure de vente est le quintal (100 livres) qui correspond à 46 kg. Le quinoa est vendu en grain. Il est traité et conditionné pour la consommation par les intermédiaires. La vente de produits transformés par la famille reste minoritaire car la capacité de production est faible et les marchés ne sont pas développés. Le prix du quinoa en graine varie selon la variété, la certification « biologique » et le marché sur lequel il est commercialisé.

1.1 Mode de culture et valorisation économique

Deux choix s’offrent au producteur pour que l’itinéraire technique du quinoa fasse une différence sur le prix. Produire biologique ou de façon conventionnelle. Pour vendre le produit comme biologique, un cahier de charges doit être respecté dont la rigidité varie en fonction de l’organisme certificateur. En règle général l’utilisation des engrais et pesticides est interdite. L’ajout de matière organique est fortement recommandé (surtout le fumier que ce soit de lama ou de mouton). La pratique de techniques traditionnelles telles la kojya alta ou aporque (buttage) et celle du piznado (recouvrir la plantule avec de la paille), sont encouragées. La récolte doit être faite à la fauche et non pas par arrachage. Le stock de la récolte doit être dans des locaux propres, libres de rongeurs et de toute substance et élément qui ne soit pas du quinoa. Lorsqu’un producteur souhaite faire certifier ses parcelles, il doit attendre une période de transition qui peut aller de 1 à 3 ans. Pendant cette période, toutes les règles doivent être suivies mais le prix reste celui du quinoa conventionnel. En pratique toutes les productions sont biologiques mais des trente six producteurs enquêtés, vingt trois ont l’appellation « quinoa biologique »ou sont en transition. (Figure 24).

1.2 Variétés

Il existe plus de trois cents écotypes de quinoa (Mujica 2001). Les plus recherchés dans la zone d’études sont : le Toledo rojo y naranja, la Pisancalla, le Guinda, la Negra, le Puñete, la Pandela et la Siete hermanos. Elles sont commercialisées sous 4 noms la Pisancalla, la Negra, la Pandela (ou Rosada) et la blanca. Dans la catégorie Pandela ou Rosada on inclut différents écotypes (Toledo rojo y naranja, le Puñete entre autres). Ces variétés différent de part leur rendement en grain, leur résistance au gel et des cycles plus ou moins longs. Le choix du producteur dépend de sa capacité à évaluer les risques.

Page 33: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

26

1.3 Marché de destination

Les institutions « formelles ou informelles » qui commercialisent et conditionnent le produit pour l’exportation peuvent être classées en 4 catégories : les organisations de producteurs, les entreprises privées, les intermédiaires par troc et le marché urbain.

� Les organisations et associations de producteurs demandent un droit d’entrée et une contribution annuelle qui correspond souvent au prix de quelques kilos de quinoa pour le fonctionnement de l’institution. Elles visent un marché d’exportation de type biologique et ont des organismes certificateurs et de contrôle externes et internes. Pour l’obtenir l’appellation bio, il faut une période de « transition » qui est de 3 ans, pendant lesquelles toutes les normes du cahier de charges sont mises en pratique. Un quota9 est attribué à chaque producteur après la visite et la certification de chaque parcelle. L’achat est fait tout au long de l’année. La récolte doit être amenée jusqu’au centre de l’association au moment de la vente. Le prix du quinoa est fixé annuellement par la direction qui est élue tous les ans. Dans le cas de l’association nationale de producteurs de quinoa (ANAPQUI), elle est représentée par des centres sous régionaux.

� Les entreprises privées se présentent sous deux formes : les entreprises sur place et

les entreprises des grandes villes. Celles qui sont sur place, sont dans le centre urbain de Salinas G.M. Il en a deux qui s’y sont installées depuis quelque temps. A Llica il y a des projets comme par exemple celui d’une entreprise familiale. Ces entreprises sont appelées plantas de acopio : elles disposent de locaux où la production est acopiada (stockée) et transformée. Les marchés vers lequel le produit est dirigé n’est pas exclusivement biologique. Les agriculteurs viennent vendre leur production quand ils le souhaitent mais surtout en période de fin de récolte. Quant aux entreprises des villes, elles sont surtout vers un marché d’exportation qui requiert une certification biologique. Les quotas d’achats sont plus élevés que dans les associations. La période de transition varie entre 1 et 3 ans. Les producteurs qui sont dans ce systèmes se considèrent eux-mêmes comme des fournisseurs et non pas des associés. Le prix est fixé en début du cycle. Des camions viennent une fois par an dans les communautés pour collecter le quinoa.

� Le troc est proposé par des intermédiaires individuels qui vont dans les communautés

chargés avec de nombreux produits de toute sorte (nourriture, meubles, boissons, etc.). Ils échangent leurs marchandises contre du quinoa. Ensuite, les marchés et consommateurs vers où ce quinoa va sont inconnus. Le prix est fixé au moment de l’arrivée du camion.

� Les marchés locaux. Les producteurs ont aussi la possibilité de vendre leurs produits

sur le marché. Il y a deux cas : la vente de produits transformés qui font les femmes de façon minoritaire et la vente du quinoa en vrac. Il y a deux endroits très importants où ont lieu ces marchés : Pisiga et Challapata. D’après les données officielles presque 60 % du quinoa produit dans cette zone est commercialisé à Challapata et part après dans le marché noir péruvien où il sera conditionné et introduit dans les filières d’exportation. Les prix varient tout au long de l’année, c’est l’intermédiaire qui le fixe.

9 Lorsque le quota est dépassé, il est commun d’utiliser celui d’un voisin. Pour ce « service » il faut compter 1,50 US$ ou 2,50 US$ par 100lv (46kg) vendues.

Page 34: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

27

Le commerce équitable est aussi un élément important pour la valorisation du quinoa. Ce n’est plus la variété qui dicte le prix mais l’itinéraire technique. Comme il a été vu, trois possibilités existent : l’itinéraire technique totalement mécanisé, l’itinéraire semi mécanisé et l’itinéraire manuel. Ce type de commerce commence à se mettre en place et promet un prix encore plus élevé. Dans l’échantillon enquêté, 42 % des producteurs vendent à des organisations de producteurs, 36 % vendent leur récolte à des entreprises privées et 22 % vont directement sur les marchés locaux (Figure 25). Une fraction de la production est également troquée avec d’autres marchandises, mais celle-ci n’a pas pu être comptabilisée bien que des camions ont été vus à Chacoma et San Agustín (les communautés plus grandes dans l’échantillon).

Variété quinoa

Negra Pisancalla Pandela ou Rosada

Blanca

Mode culture Non Bio

Bio Non Bio

Bio Non Bio

Bio Non Bio Bio

Prix * organisation producteurs USD$/ton

1022 1109 1022 1109 696 739 696 739

Prix* entreprises privée USD$/ton

1022 1065 1022 1065 696 739 696 739

Prix* intermédiaire échange USD$/ton

652 652

Prix* marchés 717 663 *Prix payé au producteur par tonne, d’après les informations données par les producteurs et les observations sur le terrain.

1.4 Innovations techniques et organisations

Nous avons associé les variétés à leur résistance au risque climatique et à leur prix. Le quinoa negra par exemple est une variété risquée à prix élevé. Par opposition, nous avons le groupe des variétés résistantes à prix bas, des variétés qui supportent bien les rigueurs du climat. Les producteurs doivent faire un choix en prenant beaucoup de facteurs en considération (prix, travail à fournir, durée du cycle, savoir faire, tradition, etc.) mais nous allons considérer que le prix et le risque de perte (plus élevée pour les variétés moins résistantes) a été un facteur de clé pour la décision. Ce choix s’inscrit dans une longue tradition de prise ne compte des risques pour comprendre les décisions des agriculteurs, comme (Morlon 1989) l’affirmé dans ces recherches sur le monde andin. (Sautier 1989) utilise le mot dispersion pour la stratégie qui consiste à diversifier les cultures ou les variétés pour tamponner les effets du risque climatique Nous avons défini deux stratégies de dispersion du risque: i) la stratégie sans dispersion qui consiste à cultiver des variétés à prix fort uniquement ou ii) la stratégie avec dispersion qui repose sur la culture d’au

Page 35: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

28

moins deux types de variétés ayant des performances contrastées selon le climat. La première maximise l’espérance de gain avec une probabilité de perte importante peut être perçue comme jouer au loto. Par contre cultiver les deux types ou cultiver uniquement des variétés résistantes à prix faible, est une sorte de compromis entre le gain économique et l’assurance d’au moins une partie de la récolte donc d’un revenu minimum Nous avons analysé les choix des producteurs. Des 36 familles enquêtées 19 ont choisi une stratégie sans dispersion du risque alors que les autres ont diversifié les variétés cultivées et ont été plus prudentes. Des 19 qui ont pris le risque en vue du profit plus élevé, plus de la moitié (63 %) sont associées étroitement à l’organisation de producteurs du quinoa (Figure 26). (León-Velarde, Quiroz et al. 2000) soulignent la rapidité avec lesquels les sociétés se sont adaptées aux changements. La production du quinoa est un exemple de cet énoncé. Nous pouvons prendre le cas de la variété quinoa negra. Le quinoa negra qui n’était pas cultivé depuis quelques décennies, a été redécouvert en 2000. La variété d’acides aminés rend cette variété particulièrement intéressante, qui a conduit à un accroissement rapide de la demande du marché. En 3 ans les producteurs ont pu répondre à la demande de 30 tonnes de ce produit, alors que les semences étaient rares et que localement cette variété n’était plus utilisée depuis 30 ans (Soto et al., 2006). Cette variété est très fragile mais son prix est élevé. La rapidité de la reprise de cette variété, malgré les risques qu’elle comporte, n’est pas indépendante des organisations existantes. En effet, l’initiative de reprendre cette variété vient de l’organisation nationale des producteurs du quinoa (ANAPQUI). Ceci montre à quel point les institutions ont une forte influence sur les producteurs. D’autres innovations techniques sont portées par ces organisations. C’est le cas de la lutte contre les ravageurs de façon biologique avec des « pièges à lumière » et des insecticides faits maison qui sont de plus en plus utilisés par les producteurs. Dans les discours des producteurs, qui font partie des associations ont décelé une certaine uniformité.

1.5 Risques et cycle de vie

Au moment de regarder plus en détail l’histoire familiale de ceux qui prennent le risque maximal, nous avons constaté qu’ils sont dans la deuxième et troisième étape du cycle de vie (Figure 27). Pour les producteurs qui sont dans leur deuxième étape du cycle de vie (main d’œuvre et dépenses élevées) il y a deux cas. D’abord les producteurs qui ont des revenus annexes sécurisés comme un salaire, un commerce, un tracteur ou une retraite. Nous avons aussi les producteurs qui vendent leur main d’œuvre de façon temporaire et qui n’ont pas la certitude de pouvoir compléter leurs revenus agricoles. En dernier, les producteurs en dernière étape du cycle et qui ont tous des revenus sécurisés que ce soit un commerce, une retraite, un tracteur ou/et un élevage. En cas de mauvaise récolte les conséquences ne sont pas les analogues. D’un côté, l’incertitude est couverte par l’autre activité. De l’autre, il est fort probable qu’il y ait décapitalisation et/ou besoin de migrer pour trouver un revenu complémentaire non agricole.

Page 36: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

29

2 L’élevage (Sammells and Markowitz 1995) ont montré les difficultés de commercialisation de la viande et des filières des productions animales. Elles sont beaucoup moins présentes et développées que dans le cas du quinoa. Les principaux produits vendus sont la viande et la laine. La vente des produits et sous produits est faite de façon directe lorsqu’ils sont vendus dans la communauté. Dans les marchés la vente peut être faite directement à un client final ou à un intermédiaire.

2.1 La viande

Dans l’année, les prix varient selon la saison et le lieu de vente. Pour le lama, le prix est plus élevé d’août à décembre et atteint jusqu’à 2,60US$ le kilo. Cette période correspond à la fin de l’hiver où les animaux courent plus de risques. Pour le mouton, la période où le prix est le plus bas correspond à la fin de saison des pluies. Contrairement aux camélidés pendant cette période les ovins ont un bon poids. Le prix est bas car il y a une offre importante pour les fêtes de février. Lama

Prix par kg US$ août décembre reste de l’année

2,6 2 Mouton

Prix par kg US$ Janvier avril reste de l’année

0,88 1,14 Une difficulté pour la valorisation économique à niveau national de la viande de lama sont les préjugés qui pèsent sur cette viande. Néanmoins, la situation évolue. Ces trois dernières années, le prix a augmenté de presque 30 %. A niveau international, la non reconnaissance de la zone comme libre de fièvre aphteuse empêche l’exportation de la viande fraîche. Le principal obstacle à la commercialisation interne et externe du charque, est le manque d’abattoirs conformes aux règles du Senasag (Servicio Nacional de Sanidad Agropecuaria e Inocuidad Alimentaria), organisme qui contrôle le respect des normes d’hygiène des productions animales, entre autres.

2.2 La laine

Dans la zone étudiée les moutons ne sont pas tondus. Il n’y a pas de marché pour ce sous produit. Il y a quelques années des marchands allaient dans les communautés acheter la laine, qui était payée 2 US$ le kilo. Aujourd’hui, les producteurs préfèrent la brûler car le cout du filage n’est pas justifié par les prix du marché. Le prix du kilo de fibre de lama est d’environ 3 US$ mais il varie en fonction de la couleur. D’après le rapport sur la situation des camélidés dressé par Claros (2002) les principaux obstacles pour la commercialisation de sous produits des camélidés ont été les bas prix et le manque d’organisation de producteurs.

Page 37: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

30

2.3 Autres sous produits

Les fèces du mouton et du lama ont un marché qui se réduit de plus en plus. Paradoxalement, le prix de ces produits est en augmentation. Il y a cinq ans un sac de 50 kg coutait 0,25 US$ alors qu’aujourd’hui il peut atteindre 1 US$ selon la zone. Avant, il était parfois échangé contre des cultures fourragères telles la luzerne. Un autre usage est celui de combustible mais il n’est pas généralisé. Le lait de brebis est utilisé pour faire du fromage. Un fromage est vendu 0,80 US$. Il est en général fait par les femmes et vendu dans la communauté. Une famille peut produire environ 1 fromage par jour ou plus, en fonction de la taille du troupeau et de la main d’œuvre disponible. Le marché des produits et des sous produits animaux est extrêmement réduit. Il existe des organisations mais celles-ci ne sont pas connues des producteurs notamment dans la zone Salinas, LLica. Dans la zone de San Agustín, ARCCA (Association régional d’éleveurs de camélidés) est présente par l’intermédiaire d’associations dites « zonales ». Dans cette région, il y a aussi des entreprises familiales qui commercialisent des produits transformés (le charque)10. De nombreuses structures ont été mises en place (ACRA, FIDA, entre autres) pour revitaliser la filière sans un impact ressenti par les producteurs.

3 Quinoa vs Elevage Nous avons calculé les revenus provenant du quinoa et ceux de l’élevage. Ne disposant pas systématiquement d’information sur le prix de vente moyen de chaque famille, nous avons pour chacune calculé la valeur de la production de quinoa en multipliant la production totale de chaque producteur par le prix le moins cher du quinoa sur le marché, c'est-à-dire 0,72 US$ le kilo. Pour les revenus résultant de l’exploitation du bétail, nous avons fait une conversion du rendement de la carcasse par espèce et ramené ceci en dollars par kilo. Nous avons pris en considération les animaux adultes consommés et vendus puis nous avons ajouté le prix en dollar des animaux vendus sur pied, des mâles de moins de deux ans pour la plupart. Les sous produits n’ont pas été comptés ici car leur vente est très rare. Dans la zone un lama adulte représente environ 40 kilos carcasse (Tichit, 1998). Le prix par kilo est 2 US $. Quant aux ovins, le rendement carcasse est d’environ 50 %. Le poids moyen d’un mouton adulte est de 40 kg d’après les producteurs. Ceci correspond bien à certaines races ovines de zone aride. (UNEP, 1996). Le prix est estimé à 0,44 US$. La limite d’une démarche aussi simple est le fait de ne pas pouvoir prendre en considération que lors de la vente en carcasse de l’animal, la famille consomme le « cinquième quartier ». Les bénéfices monétaires entre les productions n’a pas de comparaison (Figure 28). Un producteur a affirmé que 10 hectares de quinoa représentent environ 5 000 US$. Approximativement, le revenu annuel d’un grand producteur possédant 10 ha et un tracteur et dépasserait les 7 000 US$. Alors qu’un troupeau de 100 lamas ne permettrait de gagner qu’environ 1000 US$. Faire une comparaison de la valeur économique ou de la valeur brute de ces productions semble très réducteur. Le quinoa est une culture annuelle qui requiert de la main d’œuvre à 10 Une fois de plus la différence de la vision commerciale et de l’entreprenariat entre les zones est notable.

Page 38: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Marchés et filières des productions agricoles

31

des périodes précises sur une surface donnée, alors que le bétail a besoin d’une personne constamment pour la surveillance et le gardiennage des animaux à l’année. En outre, le quinoa doit être ressemé d’année en année alors que le bétail même après exploitation de certains effectifs, continue à représenter un capital à part entière duquel la famille peut disposer à tout moment.

3.1 Des activités avec des fonctions complémentaires

Les revenus issus des occupations qui composent les systèmes d’activités ne sont pas utilisés de la même manière. Les revenus des cultures par exemple, sont essentiellement utilisés pour les dépenses quotidiennes. Dans les zones arides, le bétail se caractérise pour ses fonction diverses. Il est une épargne à long terme mais aussi un capital facilement mobilisable en cas de « crise »11 Lorsque le cheptel est multi espèce l’espèce à cycle court remplit en général des fonctions de capital mobilisable en cas de crise (dans la zone d’étude nous avons le mouton) et l’espèce à cycle long (pour nous le lama) est une épargne utilisée pour de grosses dépenses prévues à l’avance (achat d’un tracteur ou d’une voiture). Il a aussi un rôle tampon de sécurisation du revenu (Tichit, 1998). En effet, lors des années de mauvaises récoltes, les animaux qui supportent mieux les crises, sont un moyen de stabiliser l’économie familiale. Une différence essentielle entre les deux espèces élevées sur l’altiplano, est que le lama est un animal traditionnel qui accompagne ces sociétés depuis de siècles. Les ovins En revanche, ont été introduits il y a 4 siècles et sont devenus une production marchande spéculative. Par ailleurs, contrairement aux cas présents dans d’autres zones arides où le surplus des cultures est investi dans les troupeaux ((Reardon 1995) dans l’inter salar les bénéfices du quinoa sont rarement investis dans les troupeaux. Avec la diminution du cheptel, les activités non agricoles remplissent la fonction économique des productions animales en cas de crise et fournissent un capital rapidement mobilisable. La production d’aliments pour la subsistance de la famille prend une dimension spéciale dans ce cas. Les deux produits sont une source importante de protéines et ils ont été la base de l’alimentation de l’altiplano avec la pomme de terre. Avec la hausse du prix du quinoa les familles préfèrent acheter d’autre type d’aliment moins chers et plus couramment consommés dans les milieux urbains. C’est paradoxal que dans une zone productrice de quinoa, le déjeuner des enfants à l’école soit fait à partir de la farine de blé en provenance des Etats-Unis par l’intermédiaire de la Banque Mondiale. D’autant plus que l’école en question a aussi de terrains sur lesquels les élèves produisent du quinoa pour les dépenses telles que l’achat d’un ordinateur. Quant à l’accès à un produit représentatif de la région tel que la viande de lama, il devient difficile quand on n’a plus de troupeau. Les familles dépendent de celles qui ont conservé la production animale. Certains ménages ne mangent pratiquement plus de viande. Ceci nous ramène à la question concernant le changement de perception des produits traditionnels qui sont maintenant dans de logiques marchandes et qui sont rentrés dans une logique spéculative. Les fonctions économiques des activités agricoles ont changé. L’élevage ne remplit plus les rôles de capitalisation et de sécurisation. Les producteurs qui n’ont plus d’élevage doivent partir à la recherche d’activités non salariées en cas de crise. Les productions végétales pour leur part, connaissent une expansion importante grâce aux prix de revient et surtout à l’organisation de la filière. Le quinoa est devenu le produit phare, source d’innovations techniques et organisationnelles

11 Une crise est tout événement qui requiert des dépenses importantes qui sont impossibles de prévoir à long terme, problèmes médicaux, décès par exemple.

Page 39: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Transformations et avenir

32

Transformations et avenir du système de l’altiplano sud

(Ghersa, Ferraro et al. 2002) et (Genin and Tichit 2004) soulignent l’importante durabilité des systèmes agropastoraux. Avoir deux cultures et un troupeau multi espèces semble être une stratégie pour atteindre une stabilité économique lorsque les conditions climatiques sont difficiles et imprévisibles. Ainsi, une spécialisation de l’agriculture et une baisse des troupeaux mettraient en risque la durabilité de l’agriculture altiplanique. L’analyse des changements peut nous aider à comprendre l’impact qu’ils ont sur la durabilité du système. Donner une définition pratique à la durabilité est un des majeurs enjeux actuels12. Notre cas d’études est très particulier. Le quinoa d’exportation a bousculé un système traditionnel : la spécialisation des cultures, l’abandon de variétés couramment utilisées au profit de variétés à haute valeur marchande qui n’étaient plus utilisées, l’apparition de matériel pour mécaniser la culture et la post culture témoignent des changements qui s’opèrent tout autour du salar du Thunupa. Les changements s’opèrent aussi au niveau de l’insertion des producteurs dans les filières. Les changements agricoles engendrent des changements dans les sociétés de l’altiplano sud bolivien. Sautier (1989) nous donne un cadre pour l’étude des agricultures andines, que nous avons confirmé avec nos observations sur le terrain et tout au long de ce mémoire : « …le milieu andin exige de reconstruire un objet de recherche qui dépasse la définition strictement agricole et familiale du l’unité de production rurale, et qui intègre la pluriactivité, les relations de réciprocité entre les villes et compagnes, et l’effet communautaire ». Morlon (1989) et Sautier (1989) exposent les différents types de risques auxquelles sont confrontés les producteurs andins. Les risques agricoles qui sont composés par les risques climatiques et les risques commerciaux ; et les risques alimentaires. L’ouverture du marché a permis de prévenir l’occurrence des risques commerciaux. La vente du produit est assurée, les chemins et routes connectent les villages isolés avec des réseaux et des filières internationales. Il est intéressant de voir comme la presque disparition de ce type de risque lié au marché, les méthodes de lutte contre les risques climatiques a changé. Les parcelles sont devenues mono spécifiques et les cultures sont faites sur les pampas où le risque de gel est maximum. Des nos jours, le risque alimentaire est aussi très fort. L’alimentation, devenue monétarisée (les aliments de base sont achetés) fait que les familles mangent de moins en moins de denrées produites par eux mêmes de haute qualité nutritive, comme le quinoa. On préfère vendre 50 kg de quinoa pour acheter 100 kg de riz. Il y a un avantage dans la quantité acheté et aussi un gain de temps lors de la cuisson. En effet, le processus de transformation du quinoa est long et demande un savoir faire. Une alimentation devenue monétaire pose le problème de la dépendance des producteurs vis-à-vis des marchés. Il est vrai que pour complémenter et varier l’alimentation disponible sur l’altiplano il y a toujours eu des échanges de produits. Cependant le degré de vente du quinoa arrive à des niveaux où il y a forcement de moins en moins d’autoconsommation.

12 Pour la FAO (2002) un système de production durable doit : mettre sur le marché des produits à un prix et à un niveau de qualité acceptables pour le consommateur, répondre aux demandes des industries de transformation, assurer un revenu correct aux agriculteurs, assurer la pérennité de l'unité de production agricole (foncier, reprise de l’unité de production agricole…), préserver la qualité de l'environnement, mettre en œuvre des systèmes de production acceptables pour le public (élevage) et assurer la durabilité du système d'exploitation pour le bien-être des générations futures.

Page 40: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Transformations et avenir

33

Parmi les principales transformations, nous avons celles qui concernent la dispersion des risques, la mécanisation du système cultural, la baisse des troupeaux et les changements de perception. La mécanisation de l’itinéraire cultural est une innovation qui doit être étudiée de près. Le danger le plus important qu’elle comporterait est le manque d’adaptation de cette technologie à la fragilité des ces sols. Nous pouvons prendre l’exemple des tracteurs qui en majorité proviennent d’Europe. La taille et donc le poids non adéquats de ces engins provoque le compactage dans ces sols sableux. La baisse du nombre de troupeaux semble inquiétante. Les productions animales sont un atout dans les régions arides, notamment sur l’altiplano où le lama est parfaitement adapté à ce milieu difficile. Il fait partie des traditions encore pratiquées, d’une alimentation plus nutritive et il permet l’exploitation des surfaces non aptes pour l’exploitation agricole. Cependant, la disparition totale du cheptel parait peu probable. Il y aura peut être une spécialisation des productions selon l’accès aux ressources (surfaces cultivables, begales, etc.). Par ailleurs, un développement des filières stimulerait la production animale. Nous avons pu le constater les nouvelles perceptions, du territoire et du travail agricole entre autres. Prenons l’exemple de la perception du territoire. Dans la zone d’études, les habitants qui n’ont pas d’activité agricole parlent souvent des divinités, des Tatas des montagnes emblématiques et du pouvoir et la générosité de la pacha mama. Les agriculteurs qui ont composé l’échantillon n’ont jamais mentionné la pacha mama, mais des problèmes de la fertilité du sol, du manque de matière organique, des problèmes d’érosion, des possibilités d’irrigation, etc. Sans prétendre comprendre les transformations des représentations symboliques ou sociétales, il me semble que ce discours traduit un changement de la perception de cette terre déesse qui donne aux hommes à une surface cultivable qui permet d’obtenir des revenus monétaires. La conception de la main d’œuvre familiale est elle aussi différente. Avant, l’aide des enfants était une façon pour que ces derniers puissent contribuer à l’existence de la famille et garder une certaine emprise sur les terres familiales. Dans les familles qui ont été visitées, des nombreuses fois, nous avons entendu les enfants demander une paie pour les travaux agricoles. Une autre particularité de l’altiplano à souligner est la relation avec le reste de la filière. A différence du cas décrit par (Masakure and Henson 2005) au Zimbabwe ou celui du Brésil13 qui exportent des cultures non traditionnelles à valeur marchande faible et fluctuante, même sous contrat, le quinoa est une culture traditionnelle dirigée vers des marchés d’exportation « de haute gamme ». La commercialisation des produits biologiques offre une certaine « sécurité » face à l’intensification du système qui utiliserait des intrants polluants. Les producteurs de l’altiplano sont désormais en lien permanent avec des consommateurs des pays développés par l’intermédiaire de leurs propres organisations dans les filières. Les producteurs de l’altiplano sont désormais en lien permanent avec des consommateurs des pays développés par l’intermédiaire des filières. Les rapports avec les institutions qui sont en aval de la filière ne sont pas les mêmes que ceux d’un agrobusiness classiques car même s’il y a des exigences de certification et de production, qui impliquent des itinéraires techniques précis, il n’y a pas de crédits pour financer l’achat d’intrants qui intensifient la production. D’ailleurs, il y a plusieurs marchés de destination, qui entretiennent de relations différentes avec les producteurs. Les organisations de producteurs présentes sur la zone, véhiculent

13 Observation réalisée lors d’une étude de cas à Santa Catarina 2006.

Page 41: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Transformations et avenir

34

constamment des innovations techniques, par exemple, sur la lutte contre les ravageurs ou pour la protection des sols. Dans ces organisations, il y a une identité commune, les cultivateurs sont associés et participent aux décisions de l’organisation. Dans le cas des entreprises privées, les agriculteurs se considèrent comme des « fournisseurs ». Ils sont obligés de remplir le cahier des charges des organismes certificateurs biologique. Les innovations surgissent des producteurs mêmes et se diffusent de façon informelle par un échange horizontal. Une autre particularité est la pression sur les ressources. Dans d’autres régions la pression démographique est souvent la cause d’une extension de surfaces cultivées en détriment des surfaces pastorales et des jachères ((Cochet 1993; de Haan Cees, Steinfeld Henning et al. 1997). Sur l’altiplano, la pression démographique est très faible : à Potosi la densité populationnelle est de 6,5 hab./km² et dans les communautés comme San Agustín (la plus peuplée de l’échantillon) elle s’élève à 2,9 hab./km². Mais la pression sur les ressources se fait non seulement à l’intérieur de la communauté, par les agriculteurs restés sur place, mais aussi depuis l’extérieur par les producteurs qui pilotent le système de production « à distance ». Nous devons rappeler ici l’importance des mouvements des populations et le fort lien que les émigrés maintiennent avec les productions et l’extension de la frontière agricole par l’intermédiaire de la famille restée sur place. Cette pression accrue sur les ressources agricoles est paradoxalement couplée à une baisse de la pression sur les ressources pastorales. Par ailleurs, (Cortes 2000) expose bien les effets de la migration sur les productions animales. D’abord la baisse des effectifs liée à au manque de la main d’œuvre. Ensuite un changement des fonctions économiques et sociales de l’élevage et finalement le changement de filières des produits qui en sont issus. Prétendre conserver les systèmes traditionnels de pensée et de pratiques « pour toujours » équivaut à restreindre la liberté de ces sociétés. Dans un contexte de globalisation, il serait naïf d’ignorer d’un côté les possibilités de capitalisation économiques qu’ouvrent les marchés d’exportation et de l’autre, l’inclination des populations locales à jouir des avantages (largement diffusées) de la vie « occidentale ». Il faut arriver à un consensus entre les projets et buts des agriculteurs, notamment des jeunes agriculteurs et un mode d’exploitation « durable ». Notre travail met en évidence plusieurs caractéristiques originales de ce système agro-pastoral. Il montre également la multiplicité et la nature hybride (socio-technique) des facteurs qui influent sur les stratégies de vie et les stratégies productives des agro-pasteurs engagés dans la filière d’exportation du quinoa. Il nous apparaît cependant nécessaire de tenter de les organiser et les hiérarchiser afin de réfléchir aux interactions qui sont les plus déterminantes pour la viabilité du système agro-pastoral. Une telle démarche peut être abordée via la modélisation car les modèles sont des outils intéressants pour prendre en considération des facteurs de changement multiples, leurs interactions avec le système de production pour ensuite élaborer des scénarios d’évolution. Ainsi nous aurions un moyen d’évaluer la viabilité du système et sa durabilité à long terme. C’est à la conception théorique d’un tel modèle que sera consacrée la suite du mémoire. Il faut toujours avoir à l’esprit qu’un modèle est une représentation simplifiée de la réalité et finalisée par rapport à des questions. Ce modèle aura comme objectif de permettre l’évaluation de la durabilité du système agro pastoral, et notamment de révéler : Quelle est la viabilité de ce système a à long terme ? Dans quels cas (i.e. avec quels équilibres culture-élevage, avec ou sans activité non agricole), le système répond aux besoins des producteurs que ceux-ci soient économiques, écologiques ou sociales. Une autre question qui pourrait être intéressant à examiner via le modèle : quelle taille

Page 42: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Transformations et avenir

35

minimale de troupeau permet à un ménage d’assurer sa subsistance au même niveau que le quinoa exclusivement à partir des animaux ?

Page 43: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le modèle et son cadre d’étude

36

Conception théorique du modèle. Nous avons discuté succinctement des particularités des sociétés andines et les risques auxquelles elles doivent faire face. Ainsi que l’importance des systèmes agro pastoraux pour la durabilité et la production agricole à long terme. Tous ces facteurs doivent être inclus dans le modèle. Une représentation complète du système agropastoral actuel est donnée en figure 29. Pour simplifier le système, nous l’avons divisé en trois sous systèmes qui sont composés par différentes entités. Chaque entité a des attributs qui interagissent avec ceux des autres entités par des actions. Les sous systèmes qui composent le modèle sont :

- Le choix du projet agricole : Représente la décision du ménage sur l’importance relative des activités agricoles dans système de production à mettre en place. Met en interaction les éléments qui ont un effet important sur la décision du producteur.

- L’unité de production : Par unité de production nous entendons le système de production et les produits issus du système de culture et du système d’élevage.

- Le bénéfice ou gain : Nous avons qualifié des bénéfices, ce qui représentent les productions obtenues.

Ces trois entités font partie d’un « cycle » dans les quelles elles interagissent et se rétro alimentent. Choix du projet agricole Le projet agricole est défini par les caractéristiques du ménage, par l’accès que celui-ci a au territoire et par le type de valorisation des produits (Figure 30). Chaque entité a un effet possible sur le projet agricole. Cet effet peut changer lors de la combinaison des entités. Le choix du projet agricole est représenté par un triangle car il s’agit d’un système décisionnel. Il est sous influence multi critères, ce qui peut engendre une multitude de combinaison. Cependant, les attributs sont en interdépendance ce qui réduit le numéro d’alternatives. L’entité « caractéristiques du ménage » a été définie à l’aide des systèmes d’activité et du cycle de vie observés. Il a cinq attributs : main d’œuvre disponible, les besoins de la famille, le capital disponible, la diversification non agricole et la migration. Chacun des attributs interagissent entre eux et ils ont un effet sur le choix du projet agricole. Les observations nous ont permis de définir trois combinaisons de ces attributs qui correspondraient à trois « types de producteur » dont les caractéristiques sont synthétisées dans la figure 31. Les types 1 et 2 « favorisent » la possibilité d’avoir une unité de production avec une forte tendance vers les cultures. Ceci est conséquence du fait qu’avec moins de main d’œuvre disponible sur place, les cultures seront privilégiées car l’élevage a une plus forte demande en temps de travail. La différence essentielle entre les effets sur le choix du projet agricole, est que la disponibilité en main d’œuvre se voit affectée par la migration. Dans le premier cas, on choisira l’agriculture car elle a des périodes clés de travail dans l’année. Dans le deuxième, on la choisira surtout pour le bénéfice économique car les besoins de la famille sont plus élevés. L’entité « territoire » comprend l’accès aux surfaces cultivables qui se divise en : pas d’accès possible (toutes les terres de la communauté sont déjà distribuées, pas de droit d’accès car il n’y a pas de comunario ou contribuyente dans le ménage), accès possible en pampa ou

Page 44: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le modèle et son cadre d’étude

37

accès possible en ladera. Et par accès aux ressources pastorales, nous entendons des pâturages à proximité ou très éloignés. (Figure 32) Cette entité va conditionner l’allocation de la main d’œuvre. Le ménage n’a pas toujours le choix d’allouer sa main d’œuvre comme il le souhaite car s’il n’y a pas d’accès à des surfaces cultivables il est forcé de choisir d’autres activités. Lorsque les surfaces cultivables sont sur les pampas il y aura beaucoup plus de chances de mécaniser que si elles sont en ladera. Le modèle tiendra compte de la distance aux zones de pâturage. Plus les surfaces pastorales sont éloignées plus il y a de chances pour que le troupeau disparaisse. L’entité « valorisation » influe aussi sur le projet agricole. Par valorisation, nous définissons les filières dans lesquelles s’insèrent les producteurs et les prix des produits. Ici intervient le risque commercial décrit par Morlon (1989). Plus les marchés seront sûrs, moins le risque sera élevé et les productions favorisées. Ainsi, si les prix augmentent, ils vont stimuler les productions végétales ou animales. Le fait d’appartenir à une institution a aussi une influence, elles assurent un marché et transfèrent des innovations. Ceci est vrai pour le quinoa et un peu moins pour l’élevage mais la catégorisation reste valable. A Copacabana, une communauté proche de San Agustín, l’existence d’une petite entreprise qui produit et commercialise le charque a permis la stabilité des troupeaux des femmes qui appartiennent à cette entre prise. Ces trois éléments vont se combiner pour agir sur le projet agricole. Ainsi, plus la main d’œuvre est élevé plus il y aura de chances d’intégrer le bétail dans le projet agricole car l’élevage qui demande beaucoup de force de travail. Plus les besoins monétaires seront élevés plus il y aura besoin de diversifier les activités. L’allocation de la main d’œuvre sera différente et donnera priorité aux cultures et aux activités non agricoles car elles représentent des sources de revenus plus importantes que l’élevage. Le projet agricole se raisonne donc via allocation de la main d’œuvre qui sera « conditionnée » à un certain degré par les autres entités. Nous allons donner un exemple pour clarifier les relations. Un producteur de type 1 qui doit allouer la main d’œuvre entre les activités non agricoles et agricoles, choisirait comme activité agricole plutôt le quinoa. Le marché aussi confirme ce raisonnement mais, si il n’a pas accès aux surfaces cultivables (c’est souvent le cas des producteurs venus d’ailleurs), il va baser son projet agricole sur l’élevage. En revanche, les producteurs qui ont des opportunités d’accès à des grandes surfaces, donneront la priorité au quinoa, étant donné les revenus que celui-ci procure. L’unité de production L’unité décisionnelle va établir un projet agricole qui conviendra aux particularités du ménage notamment vis-à-vis de la main d’œuvre disponible. Ce projet se déclinera sous forme d’une unité de production combinant des cultures et un troupeau. L’importance relative dépend du capital, que ce soit de la terre ou de la main d’œuvre disponible pour chaque production. Nous avons trois possibilités d’unité de production. La première où le quinoa est majoritaire et la main d’œuvre sera portée surtout sur la culture au détriment de l’élevage. La deuxième où le quinoa et l’élevage vont se voir affecter une main d’œuvre selon le besoin de chaque activité sans privilégier l’une ou l’autre, et la troisième où l’élevage est favorisé. Selon le choix du producteur il aura des productions animales plus ou moins importantes. Sur les productions végétales pèsent des risques subis et des risques crées. Les risques subis sont ceux qui sont totalement imprédictibles qui ont des conséquences fortes comme ceux liés au climat. Les

Page 45: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le modèle et son cadre d’étude

38

risques crées pour le système concernent l’épuisement du milieu et l’érosion. C’est ici qui rentrent en jeu les différences des itinéraires techniques pour le quinoa. Pour l’élevage seul le risque climatique a un effet particulier. Trois grands itinéraires techniques nous semblent importants à prendre en compte : le manuel, le semi mécanisé et le mécanisé. La fertilisation n’a pas été prise comme faisant partie de l’itinéraire technique car elle n’est pas systématique mais elle a une influence sur la production du quinoa. Ces itinéraires techniques vont être plus ou moins résistants aux risques climatiques mais aussi à ceux liés à l’érosion. Un itinéraire technique mécanisé encourt un fort danger pour en cas de gelé. Il accroît le risque d’épuisement du milieu et d’érosion. S’il y a fertilisation ce risque sera moins fort. Pour un itinéraire semi mécanisé, les risques subis sont importants, mais les risques crées sont moins forts notamment en ce qui touche l’érosion. L’itinéraire manuel, subi moins le risque climatique (les producteurs cultivent sur les laderas et protègent mieux les cultures). Le troupeau plus difficile à caractériser en termes de conduite car il n’y pas de pratiques particulières pour la gestion de la reproduction, alimentation et exploitation. Les troupeaux sont une source de revenu via la vente de mâles et de femelles de réforme. La plupart des femelles immatures sont gardées pour le renouvellement. Il semble donc nécessaire de structurer le troupeau en trois classes d’âges (les femelles adultes, les immatures et le pool de jeunes). Pour les animaux, il existe des pratiques qui vont permettre de contourner les risques climatiques comme le fait de changer l’endroit du pâturage selon la sécheresse, ou donner la complémentation. Ces pratiques engagent une main d’œuvre et des dépenses (cultiver de la luzerne ou des fèves…). Si la crise climatique est extrême le troupeau sera décapitalisé pour éviter une perte par mortalité trop important. Les productions végétale et animale vont donner un bénéfice. La production végétale se caractérise pour un volume de production et un rendement à l’hectare. Les productions animales issues du troupeau se caractérisent par des indices de productivité liés au taux d’exploitation (animaux exploités/effectifs totaux du troupeau) et à la productivité numérique des femelles (vente de mâles). Les autres sous produits étant commercialisés de façon minimale dans la zone d’étude nous ferons l’hypothèse qu’ils sont tous autoconsommés. (Figure 33). Le bénéfice ou le gain Les productions animales et végétales vont donner des « bénéfices ». Par bénéfices, nous entendons les produits disponibles pour l’autoconsommation et le dégagement d’un revenu monétaire. Nous avons fait le choix de faire une étape intermédiaire pour expliquer le devenir différentié des revenus et de l’autoconsommation. Dans l’autoconsommation nous avons directement un lien avec l’alimentation. Ici, il peut y avoir ce que Sautier (1989) appelle risques alimentaires. Ils ne concernent pas seulement un ratio nutritionnel mais aussi la conservation de l’important trait culturel qui est la nourriture. Dans notre cas, ce risque est d’autant plus flagrant que les aliments produits sont riches en protéines alors ceux achetés qui les remplacent ne le sont pas. L’autoconsommation de « qualité » doit être incluse dans le modèle. Nous pourrions penser à une autoconsommation élevée, une autoconsommation moyenne et une autoconsommation faible. Le risque alimentaire serait donc moins important lors d’une autoconsommation élevée. (Figure 34)

Page 46: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le modèle et son cadre d’étude

39

Les produits issus des cultures et du troupeau vont, une fois l’autoconsommation et les dépenses de subsistance couvertes, composer un revenu agricole qui va alimenter le capital du ménage. Par capital nous entendons le capital mobilisable pour les dépenses exceptionnelles, i.e. l’épargne disponible. Les dépenses de subsistance (i.e. par opposition à dépenses exceptionnelles) seront prises du revenu total qui est composé par les revenus agricoles et non agricoles. Le capital fait partie de caractéristiques du ménage, ce qui nous amène à un feed back qui intervient dans le choix du projet agricole. Avec un capital disponible sera élevé, le producteur pourra faire des investissements (par exemple, un tracteur) qui lui permettent de rester dans la communauté (migration moins importante) et consolider son projet de production agricole. Il peut aussi se permettre d’embaucher et avoir donc une main d’œuvre disponible plus important pour les cultures et le troupeau. Ce cas a été observé, des producteurs qui avec peu de main d’œuvre mais avec un fort capital disponible, ont les surfaces de culture et les troupeaux, supérieurs aux autres comunarios.

Comment appréhender la viabilité d’un système dynamique? Dans un univers non prévisible comme celui de l’altiplano sud, en constante transformation, les agents qui le composent doivent s’adapter en permanence pour que celui-ci puisse continuer d’exister. « Prévoir le devenir d’un système est souvent moins important que de savoir comment l’influencer de manière à ce qu’il se perpétue» (Bonneuil et Saint-Pierre, 1998). La viabilité des systèmes dynamiques a ses origines dans la théorie de la viabilité apparue dans les années 30 avec le mathématicien Georges Bouligand; mais sa période d’apogée ne commence que cinquante ans après avec Jean Pierre Aubin qui la décrit et en fait une approche systémique applicable à la gestion des systèmes biologiques et des ressources naturelles. Depuis, elle a été utilisée pour décrire divers systèmes dans disciplines diverses telles que la neurologie, la génétique, les sciences animales, l’écologie et l’économie. Pour (Aubin 2005), le thème du développement «durable » (viable ou soutenable à long terme), intégrant non seulement les objectifs économiques et sociaux, mais aussi des contraintes de «durée » écologique, fait appel à de nombreuses questions qui ont motivé la conception et l’étude de techniques de la théorie de la viabilité. C’est le cas en particulier de la coexistence d’évolutions avec échelles d’inertie différentes, plus lourdes pour les évolutions biologiques que pour les évolutions économiques. D’où l’intérêt d’étudier le devenir du système décrit à l’aide de cette théorie. La théorie de la viabilité a comme objectif de déterminer dans quelles conditions un système dynamique contrôlé par des décisions, soumis à des contraintes peut demeurer loin du danger et perpétuer son renouvellement et qui réagit sous incertitude Ce type de système est représenté par deux types de variables : les variables d’état qui caractérisent l’état du système et sur lesquelles les agents peuvent agi via les variables de décision qui font évoluer les états. Les modèles de viabilité incorporent des contraintes (sur les variables d’état ou de décision) qui représentent des limites à ne pas dépasser pour éviter que le système entre en crise. Ces contraintes définissent la bonne santé du système dynamique et représentent des seuils à ne pas franchir. L’analyse de viabilité permet ensuite de définir l’ensemble des états dangereux et l’ensemble des états viables et les décisions qui leur sont associées. Les approches viabilité ne cherchent pas un état optimal mais des évolutions viables pour ce système.

Page 47: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le modèle et son cadre d’étude

40

L’existence des troupeaux a été considérée comme importante car même si les fonctions économiques sont remplacées (le rôle d’épargne par l’investissement dans le foncier en ville, le rôle de capitale rapidement mobilisable par les activités non agricoles), l’élevage est avec le quinoa la seule production possible dans les conditions climatiques de l’altiplano. Il permet aussi de garder un accès aux ressources pastorales. En plus, avec la diminution de la consommation de quinoa, les animaux deviennent une source privilégiée de protéines. Les camélidés sont aussi très importants pour la culture et les traditions andines, les fêtes et cérémonies (notamment celles des rituels pour la récolte) se font encore de nos jours et sont ancrées dans la culture. La matière organique produite par les troupeaux pour les cultures, même si son intérêt n’est pas encore démontré scientifiquement, est un des facteurs importants pour les producteurs. Dans notre étude, après avoir décrit l’ensemble du système et son « fonctionnement », nous allons décrire l’ensemble d’états dangereux et les contraintes c'est-à-dire imaginer comment ce système peut continuer à exister sans dépasser les seuils déterminés par des contraintes spécifiques au-delà desquelles le système ne pourra plus se maintenir. Pour l’intervalle du temps du modèle, une précision doit être faite : elle sera annuelle mais dans l’agriculture de l’altiplano les bonnes années alternent souvent avec les mauvaises. Il y a donc une forte probabilité que les producteurs aient donc un fond d’épargne qui provient de l’agriculture, notamment lorsqu’il n’y a plus d’enfants à l’école. Les points de « non retour » comptent : Le moment où les risques subis ou crées, prennent le dessous et aucune production agricole ne soit possible et lorsque les producteurs ne peuvent plus satisfaire les besoins de subsistance pour la famille (il est donc forcé à migrer pour la plus part des cas). Les contraintes de viabilité restent liées à l’existence de la complémentarité agriculture-élevage. Lorsque le producteur ne peut plus assurer ces deux productions par manque de main d’œuvre, nous considérerons que le système s’éloigne du système « en bonne santé ». Ceci dépend du choix de tous les éléments du système. En pratique, un « système en bonne santé » est un système dans lequel les producteurs trouvent un équilibre de l’allocation de main d’œuvre, entre les activités non agricoles et les activités agricoles. Dans ces dernières, les deux productions –quinoa et élevage- sont présentes et cette combinaison doit permettre de percevoir des revenus qui puissent apporter au capital de la famille. A l’opposé, lorsqu’un producteur, alloue la main d’œuvre dans ces activités mais que ces dernières subissent ou créent des risques trop importants, il devra se diversifier pour le cycle de culture suivant, sauf si la taille du troupeau est assez importante pour remplir sa fonction tampon. Si le producteur doit migrer ceci va entrainer une baisse de main d’œuvre disponible pour les activités agricoles. Il est à la limite du noyau de viabilité. Le producteur doit développer des stratégies pour éviter la décapitalisation totale et donc la migration définitive. Ce modèle permet d’intégrer les points que nous avons considérés comme primordiaux dans les systèmes agropastoraux de l’altiplano sud. Ainsi, nous pouvons déterminer à quel moment le producteur doit faire des choix pour rester dans un système agro pastoral. Les modèles proposés sur ce type de systèmes (Hervé et al, 2002 ; Milner-Gulland et al, 1996 ; Thornton et al., 2001 ;Tichit, 1998) prennent comme éléments clés les flux d’argent, les performances des troupeaux, les flux d’énergie la ou encore la répartition du temps selon les tâches agro pastorales. La particularité de notre modèle conceptuel est d’intégrer des éléments qui représentent les facteurs socio économiques influençant les producteurs. La durabilité est ainsi

Page 48: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Le modèle et son cadre d’étude

41

abordée d’une façon plus globale. Les limites de ce modèle sont notamment le fait de ne pas permettre de mieux intégrer les performances du système de production, ni des indicateurs environnementaux.

Page 49: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ? Conclusion

42

Conclusion Nous sommes partis d’un constat selon lequel le système agro pastoral de la zone d’études semblait en danger. Au terme de cette étude, il apparaît que la recherche d’un équilibre entre une agriculture monétarisée, une agriculture qui soit respectueuse du milieu et une agriculture qui s’adapte au système de gestion du territoire collectif est en soi un défi nécessitant de mobiliser différentes disciplines et différents éclairage sur le concept de durabilité. L’interdisciplinarité est donc un passage obligé pour la réussite de ce genre de recherches. La nouvelle répartition des risques, a changé l’utilisation de l’espace : la pampa et la ladera ne sont plus des éléments décisifs pour le choix spatial de la disposition des cultures. Aujourd’hui, l’extension des cultures se fait sur la base la possibilité de mécanisation de la surface. Le rôle des animaux est important pour un système qui encourt autant des risques climatiques. Il est impossible de forcer les gens à garder leur bétail car on se doit de respecter les choix et les décisions individuelles et collectives; mais une mise en garde doit être faite. Sans les animaux, la durabilité à long terme est compromise. Des nouvelles innovations organisationnelles peuvent surgir pour permettre l’existence des troupeaux qui ont depuis si longtemps accompagnée ces sociétés. Les peuples originaires des communautés étudiées ont une organisation complexe et un cycle de vie lié à la migration et à la pluriactivité. Celle ci a permis la survie de l’agriculture pendant très longtemps et fait partie de la réalité des gens. Ces particularités ont une influence forte sur le projet agricole des ménages. Le cas de l’agriculture andine n’est pas unique. Ailleurs dans le monde, d’autres sociétés qui ont des systèmes agricoles traditionnels avec d’autres modes et des stratégies de vie particulières, se trouvent aussi dans un contexte de globalisation, de spécialisation et de monétarisation de leurs agricultures. Dans les études qui concernent ces autres sociétés, les facteurs culturels et les stratégies de vie doivent être pris en compte par les chercheurs et les organismes de développement. Il est indispensable d’inclure les facteurs socio culturels dans les études sur la durabilité des systèmes agricoles, notamment lors de la quantification des éléments clés nécessaires pour le développement de modèle tel que celui dont nous avons ébauché la structure. Ce modèle doit permettre d’évaluer les conditions dans lesquelles un système agro pastoral durable est susceptible de survivre à long terme. Le processus de mutation en cours déclenché par le marché est inévitable ainsi que le changement des fonctions économiques des activités agricoles. Il faut intégrer les nouvelles dynamiques et les objectifs des producteurs dans les scénarios d’évolution de ces systèmes. Les propositions pour des systèmes durables ne peuvent plus ignorer le fait que les producteurs des sociétés traditionnelles ne sont plus isolés mais en interaction constante avec des sociétés extérieures. Des points de rencontre entre les chercheurs et les producteurs doivent s’ouvrir pour un échange des perspectives et pour l’application des résultats des travaux qui peuvent aider à la sauvegarde des milieux et des sociétés en respectant le changement. Ceci ne doit être de la simple vulgarisation mais des espaces d’échange et de réflexion.

Page 50: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ?

Bibliographie

43

Bibliographie Anseeuw, W. and C. Laurent (2007). "Occupational paths towards commercial agriculture:

The key roles of farm pluriactivity and the commons." Journal of Arid Environments 70(4): 659-671.

Aubin, J. P. (2005). "La mort du devin, l’émergence du démiurge." Beauchesne. Belloncle, G. (1985). Recherche, vulgarisation et développement rural en Afrique noire La

vulgarisation et sa liaison avec la recherche dans le développement rural. , Yamoussoukro, Focal coop.

Bey, M. (1997). Le meilleur héritage. Stratégies paysannes dans une vallée andine du Pérou. Paris, ORSTOM.

Blanchemanche, S. (2002). Interpréter la combinaison d'activités des ménages agricoles: Stratégies sociales et organisation du travail. Façsade. 13: 1-4.

Brun, A., P. Lacombe, et al. (1982). La pluriactivité des agriculteurs, hommes, espaces, politiques. Economie et sociologie rurales, INRA.

Calla Ortega, R. (1995). Aproximaciones etnograficas a la cubierta vegetal en Potosi. Potosi, FAO Holanda CDF.

Cardozo, A. (1995). Tipificacion de las llamas k'ara et t'amphulli. Waira Pampa. Un sistema pastoril comélidos - ovinos del altiplano arido boliviano. D. P. H.-J. L. Genin, Rodolfo; Rodriguez, Tito. La Paz, ORSTOM/IBTA: 65-72.

Cochet, H. (1993). Etude sur la dynamique des systèmes agraires au Burundi - Rapport intermediaire. ADEPRINA. Paris, Ministère de l'agriculture et l'élevage de Burundi. Direction générale de la planification agricole et de l'élevage.: 206.

Cortes, G. (2000). Partir pour rester. Paris, IRD. de Haan Cees, Steinfeld Henning, et al. (1997). Elevage et environnement. A la recherche

d'un équilibre. FAO. Montpellier: 107. de Janvry, A. and E. Sadoulet (2000). "Rural poverty in Latin America: Determinants and exit

paths." Food Policy 25(4): 389-409. Delgado, L. (1991). "Accès aux aliments, Etat et communautés paysannes au Pérou." Cahier

sciences humaines 27(1-2): 75-83. Desffontaines, J.-P. and E. Landais (1988). Les pratiques des agriculteurs. Point de vue sur un

courant nouveau de la recherche agronomique. . Etudes rurales. 109: 125-158. Felix, D. (2004). Diagnostic agraire de la Province Daniel Campos, Bolivie. Le

développement de la filière quinoa et ses conséquences sur l'équilibre du système agraire des Aymaras de la marka Llica-Tahua. Agronomie tropicale. Montpellier, CNEARC-ENSAM. Ingénieur agronome: 113.

Genin, D. and H. Alzerreca (1995). Reseña de la vegetacion de la zona de Turco. Waira Pampa. Un sistema pastoril camélidos-ovinos del altiplano arido boliviano. D. Genin, H.-J. PICHT, R. Lizarazu and T. Rodriguez. La Paz, ORSTOM/IBTA: 35-56.

Genin, D. and M. Tichit (2004). Mixed camelids-sheep herds, management practices and viability analysis : some considerations for a sustainability framework of Andean pastoral systems. . South American camelids research. . 1 37-45.

Ghersa, C. M., D. O. Ferraro, et al. (2002). "Farm and landscape level variables as indicators of sustainable land-use in the Argentine Inland-Pampa." Agriculture, Ecosystems & Environment 93(1-3): 279-293.

Grove, T. and C. Edwards (1992). Agroecological Perspective on Agricultural Research and Development. Sustainable Crop-Livestock Systems for the Bolivian Highlands. C. Valverde. Missouri-Columbia, University of Missouri.

Page 51: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ?

Bibliographie

44

Guilbert, M.-L. (2005). "Environnement et migration: Les difficultés d'une communauté rurale andine (El terrado, Potosi, Bolivie)." La revue en sciences de l'environnement Vertigo 6 (3).

Landais, E. (1992). Principes de modélisation des systèmes d'élevage. Approches graphiques. Les cahiers de la recherche développement. 32: 82-95.

León-Velarde, C., R. Quiroz, et al. (2000). Sustainability concerns of livestock-based livelihoods in the Andes. Contribution of livestock to mountain livelihoods: Research and development issues. P. M. S. Tulachan, M.A.M.; Maki-Hokkonen, J.; Partap,T. Kathmandu, ICIMOD-SLP-FAO-CIP (International Institute for Integrated Mountain Development-Systemwide Livestock Program-Food and Agriculture Organization of the United Nations-International Potato Center): 183-202.

Masakure, O. and S. Henson (2005). "Why do small-scale producers choose to produce under contract? Lessons from nontraditional vegetable exports from Zimbabwe." World Development 33(10): 1721-1733.

McIntire, J. and G. Gryseels (1987). Crop-livestock Interactions in sub-Saharan Africa and their implications for farming systems research. Experimental Agriculture. 23(3): 235-243.

Milner-Gulland, E. J., R. Mace, et al. (1996). "A model of household decisions in dryland agropastoral systems." Agricultural Systems 51(4): 407-430.

Morlon, P. (1989). Du climat à la commercialisation: l'exemple de l'Altiplano péruvien. Le risque en Agriculture. M. M. Eldin, Pierre. Paris, ORSTOM: 187-224.

Moulin, C. H. (2005). L'analyse systémique des activités d'élevage. Montpellier, Document de cours. ENSAM.: 110.

Mujica, A. (2001). Quinua. Ancestral cultivo andino, alimento del presente y del futuro. Cultivos andinos. FAO.

Norman, D. W. (1992). Household economics ans community dynamics. Sustainable Crop-Livestock Systems for the Bolivian Highlands. C. Valverde. Missouri-Columbia, University of Missouri: 39-70.

Osty, P. L. and E. Landais (1991). Fonctionnement des systèmes d'exploitation pastorale. 4eme congrès international des terres de parcours. Montpellier, CIRAD.

PADD (2006). Présentation complète du projet EQUECO. Parnaudeau, J. (2006). Pluriactivité, logiques familiales et durabilité des systèmes de

production agricole. CIHEAM-IAMM. Montpellier, Institut Agronomique méditerranéen de Montpellier Master of sciences "Développement rural et projets": 194.

Paul, J. L., A. Bory, et al. (1994). "Quel système de référence pour la prise en compte de la rationalité de l'agriculteur : du système de production agricole au système d'activité." Les Cahiers de la recherche-développement 39: 7-19.

Perreol, D. (2000). Le Quinoa. A la découverte de la graine sacrée. Paris, Les presses du management.

Reardon, T. (1995). "Sustainability issues for agricultural research strategies in the semi-arid tropics: Focus on the Sahel." Agricultural Systems 48(3): 345-359.

Riviere, G. (1982). Sabaya: Structures socio-économiques et représentations symboliques dans le carangas - Bolivie. Ethnologie. Paris, Ecole des hautes Etudes en Sciences Sociales. Doctorat d'Ethnologie: 405.

Sammells, C. and L. Markowitz (1995). Carne de llama: alta viabilidad, baja visibilidad. Waira pampa. Un sistema pastoril camélidos - ovinos del altiplano arido boliviano. D. P. H.-J. L. Genin, Rodolfo; Rodriguez, Tito. 1995, ORSTOM/IBTA: 195-206.

Sautier, D. (1989). Risques agricoles et risques alimentaires: remarques sur un exemple andin. Le risque en agriculture. M. M. Eldin, Pierre. Paris ORSTOM.

Page 52: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Acosta ,2007. Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud bolivien. Quels équilibres entre élevage et agriculture ?

Bibliographie

45

Schiere, J., M. Ibrahim, et al. (2002). "The role of livestock for sustainability in mixed farming: criteria and scenario studies under varying resource allocation." Agriculture, Ecosystems & Environment 90(2): 139-153.

Sciences, N. A. o., Ed. (1989). Lost crops of the incas. National research council board on sciences and technology for international developement, National Academy press.

Tichit, M. (1998). Cheptels multi-espèces et stratégies d'élevage en milieu aride: Analyse de viabilité des systèmes agropastoraux camélidés-ovins sur les hauts plateaux boliviens Sciences animales. Paris Institut national agronomique Paris-Grignon. Docteur en sciences Animales: 253.

Vallerand, F. (1988). Pour étudier les activités d'élevage comment définir des unités élementaires d'élevage? Eleveur, troupeau et espace fourrager. A. R. Gibon, Marc; Vallerand, François, INRA. 11: 27-33.

Page 53: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Table des figures Figure 1 Evolution de la production de quinoa en Bolivie des années 70 aux années 2000 Figure 2 Photos des principales formations végétales naturelles disponibles pour le pâturage Figure 3 Localisation de la zone d’études en Bolivie Figure 4 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza (Pachecho Zamorano, 2004 cité par Felix, 2004) Figure 5 Synthèse des communautés étudiées Figure 6 Typologie des systèmes d’activités (modifié d’après Parnaudeau, 2006) Figure 7 Systèmes d’activités des familles enquêtées dans les communautés étudiées Figure 8 Possibilité de succession sur l’exploitation Figure 9 Systèmes d’activités par étape du cycle de vie des familles enquêtées. Figure 10 Composition du revenu annuel des ménagés enquêtés en pourcentage Figure 11 Chenopodium quinoa Figure 12 Calendrier cultural du quinoa et coûts Figure 13 Mode de culture selon le milieu Figure 14 Surfaces et rendements selon le type du milieu cultivé et l’itinéraire technique Figure 15 Types de producteurs selon les surfaces cultivées Figure 16 Taille des surfaces cultivées par les familles enquêtées Figure 17 Différence de coûts sans et avec ajout de matière organique. Figure 18 Type de stratégie de répartition de risques choisie par les producteurs. Détail des producteurs cultivant des variétés risquées à prix élevé. Figure 19 Revenus annexes et étape de cycle de vie des producteurs qui ont choisi la variété risquée Figure 20 Composition des troupeaux des familles enquêtées. Figure 21 Photos des lamas k’ara et t’ampulli Figure 22 Evolution des troupeaux lors des dernières dix années Figure 23 Dynamiques des effectifs totaux des troupeaux des années 70 à 2007. Figure 24 Calendrier du système d’élevage Figure 25 Exploitation des troupeaux par rapport aux effectifs totaux Figure 26 Pourcentage de la consommation familiale des effectifs exploités Figure 27 Pourcentage des producteurs possédant la certification biologique Figure 28 Destination des ventes en pourcentage Figure 29 Comparaison des revenus annuels provenant du quinoa et de l’élevage. Figure 30 Représentation du modèle de l’altiplano sud bolivien Figure 31 Schéma représentant les composants de l’unité décisionnelle Figure 32 Détail des attributs des entités qui composent l’unité décisionnelle Figure 33 Représentation du projet agricole Figure 34 Détail des entités qui composent le projet agricole Figure 35 Composition du capital et relation entre les entités : produits, consommation et revenus

Page 54: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 1 Evolution de la production de quinoa en Bolivie des années 70 aux années 2000 L’augmentation de la production du quinoa stimulé par la hausse des prix est flagrante lors de ces trente dernières années. La baisse des rendements est aussi évidente ce qui inquiète les chercheurs et les producteurs vu la fragilité des sols altiplaniques.

Page 55: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci

Mendoza (Pacheco Zamorano, 2004 cité par Félix, 2004)

Gramadal Pajonal Tholar Begal ou bofedal

Figure 3 Photos des principales formations végétales naturelles disponibles pour le pâturage dans la zone d’études

Page 56: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 4 Localisation de la zone d’études en Bolivie

Page 57: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Communauté

District Nombre de

familles résidant

à l’année

Nombre de

familles enquêtées

Topographie de la

communauté

Topographie des zones de

culture

Présence élevage

Distance au

centre urbain le plus proche

Tracteurs dans la

communauté

Institutions présentes

Année du début de

production quinoa pour l’exportation

** Jirira Salinas de

G.M. 35 4 mixte Pampa, 2 mantos

6 troupeaux 30 km 1 1986

Chilalo Salinas de G.M. 11 7 ladera

Ladera et pampas pas de mantos

8 troupeaux 35 km 0

Ecole, maternelle, poste santé

1990

Buena vista Llica 3 6 mixte Pampa, 2

mantos 1

troupeau* 18 km 0 1998

Playa verde

Murmuntani

Llica 4 6 mixte Ladera et pampa

6 troupeaux 60 km 0

2006

Chacoma

Llica 40 8 pampa Pampa, 4 mantos

10 troupeaux 40 km 6

Ecole, lycée technique, poste de

santé

1988

San Agustín Enrique

Baldiviezo Nor Lipez

120 5 ladera Ladera pas de mantos 80 km 1

Anapqui, école, lycée, mairie

1989

Figure 5 Synthèse des communautés étudiées

* Dans la communauté même il n’y plus qu’un troupeau mais un producteurs possède des animaux qui sont en gardiennage à 30 km à Empexa. ** Les dates dont approximatives et toujours basées sur les entretiens effectués à cause du manque de registres

Page 58: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 6 Typologie des systèmes d’activités (modifié d’après Parnaudeau, 2006)

Page 59: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

N=36

Figure 7 Systèmes d’activités des familles enquêtées dans les communautés étudiées

En jaune les monoactifs agricoles, en bleu les producteurs pluriactifs intra communauté, en vert les producteurs pluriactifs en dehors de la communauté et vert foncé les producteurs émigrés. Dans les communautés qui offrent des sources d’emploi non agricoles, il y a moins de migration vers l’extérieur.

Figure 8 Possibilité de succession sur l’exploitation La possibilité de succession sur l’exploitation est majeure dans les communautés où existent des opportunités en dehors de l’agriculture pour diversifier son système d’activités.

Page 60: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Etape 3

Etape 2

Etape 1

Figure 9 Systèmes d’activités par étape du cycle de vie des familles enquêtées. En rose les systèmes diversifiés hors la communauté et en bleu ceux qui diversifiés dans la communauté. A fur et à mesure que le ménage avance dans les étapes du cycle de vie, les activités prennent place dans la communauté.

Page 61: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 10 Composition du revenu annuel des ménagés enquêtés en pourcentage Le revenu annuel du quinoa en vert, proportionne des revenus importants comparés à ceux qui procurent le bétail (en violet). Les producteurs qui n’ont pas d’activités annexes salariés « sûres » ont tous du bétail. Ceci est un des rôles de l’élevage, il est un capital sur pied en cas de problème.

Page 62: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

National Academy of Sciences, 1989.

Figure 11 Chenopodium quinoa En haut, dessin représentant l’appareil aérien du quinoa. En bas, grains du quinoa après le battage.

Page 63: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 12 Calendrier cultural du quinoa et coûts

août septembre octobre novembre décembre janvier février mars avril mai juin juillet semis soins aux cultures labour récolte Post récolte

100 mm3 et 13°C 0 mm3 et 8°C 0 mm3 et 5°C

Qui

noa

méc

anis

é Q

uino

a Se

mi

méc

anis

é Q

uino

a m

anue

l

Hommes jour/ha 10 5 10 5 33

semences 5,76 Pièges 5 Intrants/ha

($) guano 22 Fumigation 5

août septembre octobre novembre décembre janvier février mars avril mai juin juillet semis soins aux cultures labour récolte Post récolte

Hommes jour/ha 10 5 5 33

Tracteur (USD$)/ha 20

semences 5,76 Pièges 5 Intrants/ha

($) Fumigation 5 guano 22

août septembre octobre novembre décembre janvier février mars avril mai juin juillet semis soins aux cultures labour récolte Post récolte

Hommes jour/ha 5 5 33

Tracteur (USD$)/ha 25 20

semences 5,76 Pièges 5 Intrants/ha

($) Fumigation 5 guano 22

Page 64: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 13 Mode de culture selon le milieu Pampa Ladera PAMPA

Degré de mécanisation

Surface moyenne

(ha)

Max (ha)

Min (ha)

Rendement moyen

(ton/ha)

Max (ton/ha)

Min (ton/ha)

Numéro d’observations

Manuel 0,64 1,07 1 Semi mécanisé

5,00 12 1 0,4 0,95 0,09 9

Mécanisé 11,9 30 7,81 0,6 1,79 0,009 18 LADERA

Degré de mécanisation

Surface moyenne

(ha)

Max (ha)

Min (ha)

Rendement moyen

(ton/ha)

Max (ton/ha)

Min (ton/ha)

Numéro d’observations

Manuel 2,96 5,76 0,34 1,00 2,58 0,14 8 Semi mécanisé

3,23 10 0,32 0,77 1,19 0,04 5

Figure 14 Surfaces et rendements selon le type du milieu cultivé et l’itinéraire technique

Page 65: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 15 Taille des surfaces cultivées par les familles enquêtées

Sans ajout de matière organique Total intrants

(USD$) Total main œuvre

(USD$) Total (USD$)

Quinoa manuelle 15,76 114,60 130,36 Quinoa semi mécanisé

35,76 74,60 110,36

Quinoa mécanisé 60,76 38,2 98,96 Ajout de matière organique Total intrants

(USD$) Total main œuvre

(USD$) Total (USD$)

Quinoa manuelle 37,76 114,6 152,36 Quinoa semi mécanisé*

57,76 57,76 115,52

Quinoa mécanisé* 82,76 82,76 165,52 * Pour l’ajout de la matière organique il faut compter en 5hj/ha en plus.

Figure 16 Différence de coûts sans et avec ajout de matière organique.

Page 66: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 17 Composition des troupeaux des familles enquêtées.

Figure 18 Photos des lamas k’ara et t’ampulli A gauche un lama type de k’ara (à poils courts). A droite, un lama de type t’ampulli (à poils longs).

Page 67: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 19 Evolution des troupeaux lors des dernières dix années

Page 68: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

0 mm3 et 8°C 100 mm3 et 13°C 0 mm3 et 5°C

aout septemb octobre Novemb Décemb janvier février mars avril mai juin juillet

Lama

Complémentation Mise bas Gardiennage

Hommes/jour à l’année : 135

Mise bas Mise bas ComplémentationComplémentationOvin

Gardiennage

Hommes/jour à l’ année : 365

aout septemb octobre Novemb Décemb janvier février mars avril mai juin juillet

Lieux de Pâturage

Figure 20 Calendrier du système d’élevage

Bofedal Cerro Cerro

Page 69: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Ovins Lama

Figure 21 Dynamiques des effectifs totaux des troupeaux des années 70 à 2007.

Page 70: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Lamas Ovins

Figure 22 Exploitation des troupeaux par rapport aux effectifs totaux Lamas Ovins

Figure 23 Pourcentage de la consommation familiale des effectifs exploités

Page 71: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 24 Pourcentage des producteurs possédant la certification biologique

Page 72: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 25 Destination des ventes en pourcentage Il existe trois différents types de marché de destination. Les organisations de producteurs, les entreprises privées et le marché commun où on vend sa récolte directement au consommateur ou à un intermédiaire.

Page 73: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 26 Type de stratégie de répartition de risques choisie par les producteurs.

Détail des producteurs cultivant des variétés risquées à prix élevé.

Figure 27 Revenus annexes et étape de cycle de vie des producteurs qui ont choisi la variété risquée

Page 74: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 28 Comparaison des revenus annuels provenant du quinoa et de l’élevage.

Page 75: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 29 Représentation du modèle de l’altiplano sud bolivien

Figure 30 Schéma représentant les composants de l’unité décisionnelle

Page 76: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 31 Détail des attributs des entités qui composent l’unité décisionnelle

Figure 32 Représentation du projet agricole

Page 77: Durabilité des systèmes de production de l’altiplano sud ... Quinoa vs Elevage ... Figure 2 Diagramme ombrothermique de la station météorologique de Salinas Garci Mendoza ...

Figure 33 Détail des entités qui composent le projet agricole Figure 34 Composition du capital et relation entre les entités : produits, consommation

et revenus