Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. ·...

8
Dimanche 1 Dimanche 1 Dimanche 1 Dimanche 1 er er er er juin juin juin juin : Hébergés dans la maison de l’Opération Mato Grosso à San Jerónimo – faubourg de Cuzco - où Marco et Benedetta, un couple de bénévoles italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y célébrons la messe tous ensemble puis les parents, don Carmelo et moi découvrons Cuzco à la lumière des fêtes jubilaires ; après l’octave de la fête de Corpus Christi, on rapporte en procession les dernières statues dans les églises dont elles ont été sorties pour être réunies toute une semaine dans la cathédrale. Ainsi Maman et Papa découvrent-ils des danses tout à fait similaires à celles pratiquées de l’autre côté de la Cordillère, bien que nous soyons ici en pays quechua. Une station de la Vierge de la Nativité dans l’église conventuelle du Carmel donne toutefois lieu à une danse votive plus originale. Costumes traditionnels et bonnets à perles blanches sont de mise dans cet étourdissant mariage de processions et de défilés. Sans avoir été prévenue de notre arrivée, la foule est au rendez-vous, qui criera même lors d’une apparition de la mairesse corrompue un « Rends-nous l’argent du Peuple ! » que la fanfare municipale ne parviendra pas à masquer… Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008

Transcript of Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. ·...

Page 1: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

Dimanche 1Dimanche 1Dimanche 1Dimanche 1erererer

juin juin juin juin :::: Hébergés dans la maison de l’Opération Mato Grosso à San Jerónimo – faubourg de Cuzco - où Marco et Benedetta, un couple de bénévoles italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y célébrons la messe tous ensemble puis les parents, don Carmelo et moi découvrons Cuzco à la lumière des fêtes jubilaires ; après l’octave de la fête de Corpus Christi, on rapporte en procession les dernières statues dans les églises dont elles ont été sorties pour être réunies toute une semaine dans la cathédrale. Ainsi Maman et Papa découvrent-ils des danses tout à fait similaires à celles pratiquées de l’autre côté de la Cordillère, bien que nous soyons ici en pays quechua. Une station de la Vierge de la Nativité dans l’église conventuelle du Carmel donne toutefois lieu à une danse votive plus originale.

Costumes traditionnels et bonnets à perles blanches sont de mise dans cet étourdissant mariage de processions et de défilés. Sans avoir été prévenue de notre arrivée, la foule est au rendez-vous, qui criera même lors d’une apparition de la mairesse corrompue un « Rends-nous l’argent du Peuple ! » que la fanfare municipale ne parviendra pas à masquer…

Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008

Page 2: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

Mardi 3 juinMardi 3 juinMardi 3 juinMardi 3 juin :::: Hier, après une matinée passée à arpenter les prodigieux sites incas de Saqsaywamán (temple à Illapa, dieu de l’éclair), du Q’enqo, de Pukapukara et de Tambomachay (lieu de repos dérobé, doté de sources canalisées), nous découvrions parmi les merveilles de Cuzco l’église et le couvent des dominicains, construits directe-ment sur les massives fondations incaïques de Coricancha, le temple à Inti (dieu du Soleil). Dans l’église où reposent encore les restes de l’inca Tupac Amaru, on encadrait alors des portraits d’anges du peintre contemporain Richard PERALTA. Au bout d’un moment nous rejoignit Carmelo ; ayant la tchatche, il parvint à entrer gratis, sans être prêtre… Sacré Carmelo !

En fin d’après-midi, à la croisée de deux ruelles, nous devinions la majestueuse entrée du palais épiscopal. Cette fois, toute la troupe accéda gratuitement aux patios ombragés dont elle ne manqua pas d’admirer les galeries ornées d’azulejos avant de s’attarder devant les toiles coloniales et les meubles anciens de la collection privée de l’archevêché.

Aujourd’hui, Cuzco continue de nous livrer des mer-veilles les unes après les autres, si bien que nous ne regrettons aucunement d’avoir renoncé à la visite de Machu Picchu hélas devenue un véritable piège à touristes. Il faut dire que, déjà pour la compagnie ferroviaire anglaise qui est la seule y acheminer, il s’agit d’un condor aux œufs d’or ! Si pour sa part elle ne pond pas d’or, la collection du Musée de l’Inca (céramiques précolombiennes, textiles traditionnels et peintures coloniales) est à vous couper le souffle.

Page 3: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

Jeudi 5 juinJeudi 5 juinJeudi 5 juinJeudi 5 juin :::: Après avoir remercié Marco et Benedetta de la chaleur de leur accueil, nous partions de Cuzco hier matin, désireux de visiter au passage le village de Raqchi, aux confins des mondes quechuas et aymaras. Là, au pied d’un amoncellement de roches volcaniques dû à l’éruption du Kinsachata se dresse une modeste église aux allures de miniature de terre cuite comme on sait encore les faire au Pérou, avec en arrière-plan un vaste site incaïque ; sur quelques mille hectares s’étendent la gigantesque muraille du temple de Viracocha (dieu créateur), la maison des messagers (chasquis), des places, des silos à grains, des ateliers de tissage et de céramique, une réserve d’eau, des aque-

ducs et des tombes souterraines. La plupart de ces constructions sont édifiées en adobes – briques de terre séchée – sur la base d’un magnifique appareillage de pierres taillées typique de l’architecture impériale du Tawantinsuyo (1450-1532).

Un détour par une mauvaise piste poussiéreuse nous conduit à Lampa, cité de caractère dont l’église recèle moult trésors. Outre une prodigieuse collection de cadres de bois sculpté qui sertissent des scènes des vies de Jésus et de saint Jacques, ainsi qu’un exceptionnel tableau de l’Agonie au mont des Oliviers, ce qui attire le plus l’attention des visiteurs que nous sommes est encore la magnifique copie de la Piéta de Michel-Ange qu’un bienfaiteur local obtint du bienheureux Jean XXIII l’autorisation de faire sculpter. Á partir d’un moule de plâtre qui devait lui-même disparaître mais dont le village s’est toujours opposé à la destruction…

Après une nouvelle nuit chez les filles de la Charité de Puno, nous célébrons la messe dans leur oratoire. Là, ne cherchez pas le tabernacle ; il s’agit du globe terrestre que tient la statue de Notre Dame de la rue du Bac. Marie tenant présentant Jésus au cœur du monde ! Ensuite nos hôtes acceptent que je les prenne en photo sur leur lieu de travail, pour le site internet des sœurs de saint Vincent de PAUL. Au collège lycée « L’Immaculée », c’est une classe différente qui anime chaque matin le temps de prière commun, à tour de rôle. Après cela, nous allons voir les 150 kuis (cochons d’Inde) qu’élèvent les sœurs autant pour la consommation de leurs pensionnaires que pour la vente. Nous revient alors à

Page 4: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

l’esprit un tableau de la cathédrale de Cuzco : La Cène de Marcos ZAPATA, élève des jésuites, où le plat de résistance n’est pas du pain, mais bel et bien une viscache (cf. les Clichés d’octobre 2007), bestiole considérée dans la cosmovision andine comme la gardienne des lacs des montagnes sacrées de l’Altiplano, et non un kui comme on le dit parfois à tort. Avant de reprendre la route, l’une des sœurs nous mène au port. L’occasion de nouvelles pitreries pour Carmelo... Qui dirait, à le voir ainsi, qu’il fut jadis n° 2 des services secrets boliviens ?

Cet après-midi, en passant par Chucuito, village dont le lac Majeur du Titicaca tire son nom, nous nous arrêtons à la petite abbaye bénédictine où, les parents profitant d’une ballade sur le lac, je fais connaissance du frère Simon-Pierre qui connaît la culture aymara comme personne et que l’évêque Opus Dei de Juli a hélas interdit d’enseignement.

Lundi 9 juinLundi 9 juinLundi 9 juinLundi 9 juin :::: Hier matin, messe avec baptême intégré en la chapelle du Kenko, à El Alto. L’après-midi, ballade sous le soleil autour du lac d’Achocalla.

Aujourd’hui, grèves et manifestations para-lysent El Alto ; des milliers de personnes

marchent jusqu’à l’ambassade des États-Unis à La Paz, protestant contre les évènements politiques qui se-couèrent Sucre il y a deux semaines – les citadins prirent à parti les indigènes payés par le gouvernement – et contre la possibilité que les États-Unis acceptent l’asile politique de l’ex-président SÁNCHEZ de LOZADA – considéré comme l’auteur des massacres d’octobre 2003 –.

Ce soir avant le dîner, nous nous réunissons chez doña Violeta où je donne une nouvelle formation biblique aux animateurs de la catéchèse familiale. Le texte qui offre manifestement le plus de découvertes est sans nul doute la parabole du bon Samaritain (Lc 10, 29-37). D’une interprétation un peu littérale, mes interlocuteurs passent peu à peu à autre un niveau de lecture qui leur permet d’expliquer le recours à l’huile et au vin comme remèdes pour soigner les plaies de l’homme laissé à demi-mort par les voleurs ; ce dernier représente l’humanité tombée sous le joug du mal, relevée par le Christ et enfin guérie par les sacrements. Mercredi 11 juinMercredi 11 juinMercredi 11 juinMercredi 11 juin :::: Hier, les parents et moi visitions les filles de la Charité d’El Alto. Après le déjeuner, elles nous donnaient accès au collège, au centre de santé et enfin à la garderie dont elles s’occupent. Nouvelle occasion de mitrailler pour le site des filles de la Charité.

Hier soir, après plusieurs heures de piste et plusieurs milliers de mètres de dénivelé (nous sommes passés de près de 5000m à 1320m en une heure et demi), nous arrivions à Chulumani, dans les Yungas. Le bistrot où nous dînions était tenu par des descendants des esclaves noirs qui, des mines de Potosi, furent jadis déplacés aux plantations de café, de thé et de cacao.

Ce matin, les parents découvrent à quoi ressemblent les plants de café, de papaye et autres fruits tropicaux. Ensuite, nous confondons tous le vol majestueux de l’uruburu avec celui de l’aigle. Seulement, une fois au sol, le vautour d’Amérique n’a plus rien du panache de son congénère de plus haute altitude.

Sur le chemin de Coroico, Maman pousse des cris au fur et à mesure que la voiture s’approche du ravin – imaginez ce que ça donne quand en plus il faut doubler un camion par la droite sur une épingle à cheveux – tandis que Papa s’agenouille à tout bout de champ

Page 5: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

pour prendre des photos des cultures de coca, sans crainte aucune d’être pris pour l’observateur d’une brigade anti-narco-tique étasunienne.

Vendredi 13 juinVendredi 13 juinVendredi 13 juinVendredi 13 juin :::: Levés avant l’aube, nous arrivions hier matin à Umanata en temps voulu pour que je pusse y célébrer la messe du marché, avant de bénir Joël, mort avant-hier à huit mois. Et nous reprenions ensuite le chemin d’Italaque.

Ce matin, une visite sous le soleil de Tamampaya s’avère pratiquement vaine, malgré une bonne dose de patience déployée... Tout d’abord, les quatre caté-chumènes préparés en mars-avril et leurs parrains se font attendre de longues heures. Ensuite, deux des catéchumènes les plus âgés m’apportent enfin – et ce n’est pas faute de le leur avoir demandé plus tôt – leurs certificats de naissance. Résultat des courses : le premier comporte une différence de 8 ans par rapport à la date figurant sur la carte d’identité et le second une de 48 ans… Á voir l’efficacité des fonctionnaires boliviens, on comprend mieux qu’ici les curés aient rang d’officiers d’État-civil ! Mais, dans le doute, je ne peux guère administrer tous ces baptêmes. Certes, je suis prêt à fermer les yeux sur le cas d’Atanasio car de toute évidence l’acte qu’on lui a fourni concerne quelqu’un d’autre. Mais la nonchalance de son fils José Luís va tout compromettre ; s’étant lui-même préparé et devant être baptisé, il retourne chez lui chercher le certificat de mariage de son vieux père – ce qui permettra peut-être de sortir du doute –, pendant que nous commençons la célébration. Ce que nous ne savons pas, c’est qu’il n’a nullement l’intention de revenir. La célébration entamée et l’eau de la rivière bénie, nous finissons donc par lever le camp.

Dimanche 15 juinDimanche 15 juinDimanche 15 juinDimanche 15 juin :::: La préparation des fêtes de San Miguel provisoirement bouclée, nous prenons enfin la route d’El Alto. Chemin faisant, nous traversons Ancoraimes en liesse, qui vient d’accueillir Evo pour un beau festival de danses autochtones. Nul besoin de Photoshop ; ici, au moins, on ne craint pas la couleur ! Les ailes garnies de plumes de perroquets des flûtistes qui dansent la Qhena Qhena virevoltent presque autant que les multiples polleras de laine de brebis teintée qu’exhibent fièrement leurs cholitas qui tournoient sans jamais se défaire de leurs bidons d’alcool.

De leur côté, se déplaçant par sauts saccadés, les danseurs d’Awki Awki se menacent les uns les autres en brandissant des bâtons noueux du plus bel effet satyrique. Quant aux danseurs de T’int’i Wakita, ils tourbillonnent à qui mieux mieux, ne faisant plus qu’un

Page 6: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

avec les harnachements de vachettes sur lesquels on a pris soin d’épingler préalable-ment une multitude de billets verts ici aussi dévalués. De la monnaie de singe sur des centaures à plumes : curieux bestiaire ! Lundi 16 juinLundi 16 juinLundi 16 juinLundi 16 juin :::: Comme les meilleures choses ont une fin, les parents ont repris l’avion tôt ce matin. Je rends encore grâce à Dieu de la facilité avec laquelle ils ont non seulement laissé derrière eux confort et habitudes pour effectuer un tel voyage mais aussi supporté le brutal changement d’altitude que supposait une arrivée directe à La Paz.

Un peu plus tard, je célèbre la messe dans une école d’éducatrices spécialisées d’El Alto, dont une proportion anormale se trouve touchée par de sérieux problèmes de couples et autres maladies graves. J’ai choisi les textes en fonction ; la première lecture ayant rappelé que le mal qui nous affecte ainsi que la création tout entière est une réalité étrangère à Dieu (Rm 8, 14-27), l’Évangile ouvre les consciences à l’action silencieuse de ce dernier là même où Il paraît être absent (Mc 4, 35-41). Dans leurs répliques du récit de la tempête apaisée, Matthieu et Luc oublient la position straté-gique que Marc attribue à Jésus dans la barque : Il dort à la poupe.

La poupe, c’est-à-dire le côté du gou-vernail, le lieu d’où l’on oriente. Autrement dit, ne laissons pas les tempêtes qui secouent nos vies nous donner l’impression que le Seigneur dort mais faisons Lui plutôt confiance car, présent dans le secret, Il est bien là comme Celui qui guide. Jeudi 19 juinJeudi 19 juinJeudi 19 juinJeudi 19 juin :::: Depuis hier, je prêche une retraite aux catéchistes d’Italaque à Chuquiñapi, sur la presqu’île de Huata. Seuls quatre d’entre eux sont au rendez-

vous. Au fil de la journée, nous ne nous en laissons pas moins mener par le récit des aventures des deux frères Esaü et Jacob (Gn 25-36). Bien que Jacob ait truandé pour extorquer d’une part le droit d’aînesse de son frère et d’autre part la bénédiction que son père destinait à son frère aîné, et bien qu’il ait ensuite dû fuir la colère d’Esaü, le Seigneur lui parle en songe, renouvelant en sa faveur l’Alliance faite à son grand-père Abraham (Gn 28, 10-22), l’assurant qu’il est à ses côtés et ne l’abandonnera pas jusqu’à ce que se réalise sa promesse. Histoire de nous rappeler que c’est avec les pécheurs que Dieu choisit de faire alliance et non avec les purs ou les parfaits.

Quatorze longues années de séparation après ces mésaventures et voilà que l’aîné abusé et lésé court à la rencontre de Jacob, le prend dans ses bras, se jette à son cou et l’embrasse en pleurant (Gn 33, 4). Jacob dit alors à Esaü qu’en voyant son visage disposé au pardon, il a vu le visage de Dieu Lui-même. Et Esaü d’accepter les nombreux présents destinés à faire passer la pilule. Mes catéchistes ne pleurent pas comme Esaü mais ils se confessent tout de même avec cœur. Dimanche 22 Dimanche 22 Dimanche 22 Dimanche 22 juinjuinjuinjuin :::: Le soleil pointant par-delà les cimes qui sertissent Italaque, trois catéchistes m’accom-pagnent à Huyu Huyu où nous célébrons la messe en aymara dans l’étroit local qui sert de siège à Radio Belén. Une fois sur place, je m’aperçois avec stupeur que j’ai oublié mon aube… Pas le temps de revenir ; puisqu’il ne s’agit pas de passer à la télé, le poncho rose flash qu’on me prête fera l’affaire. C’est la première fois que je célèbre une messe entrecoupée de messages radio-phoniques. Du moins ne sont-ils pas publicitaires... Mais le jeu en vaut la chandelle car Radio Belén est écoutée jusque dans le sud des Yungas. Mardi 23 juinMardi 23 juinMardi 23 juinMardi 23 juin :::: Ce matin, durant la messe à Tuntunani, je baptise don Antonio et doña Pascuala, les parents de Cruz – le catéchiste – qui se sont conscien-cieusement préparés au prix de longues heures de marche à pied jusqu’à Tamampaya en mars et en avril.

Cet après-midi, à Saphía, deux des trois couples avec lesquels j’avais pris rendez-vous pour poursuivre une préparation au mariage personnalisée sont absents. J’en profiterais bien pour partir plus tôt que prévu pour El Alto car je dois participer demain au conseil presbytéral. Mais Ángel et Roberta, le dernier couple avec lequel j’avais pris date, sont présents...

Du coup, après avoir démêlé leurs problèmes adminis-tratifs – les deux furent baptisés mais les registres parois-siaux n’en portent pas trace –, je tente de les faire parler de leur couple. Au départ, rien à faire. Le catéchiste m’ayant dit qu’Ángel avait débarqué saoul dans une réunion de préparation au baptême en criant que Dieu n’existait pas et lui-même me disant sans ambages qu’il se marie parce que son parrain l’y oblige, je finis par lui

Page 7: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

demander s’il croit en Dieu. « Oui – répond-il –, depuis un mois et demi ! »…

Alors qu’il avait jusque là tant de mal à s’exprimer autrement que par oui ou par non, Ángel se met alors à me raconter avec force détails le songe qu’il a fait à plusieurs reprises : comme il marchait, le chemin se faisait de plus en plus étroit, jusqu’à se changer en ravin. Se sentant désespé-rément entraîné par le vide, en dépit de ses efforts, Ángel demandait alors aux « acha-chilas » – les esprits des ancêtres – de le sortir de là. En vain. Dans un second temps, il demandait à Dieu de l’en sortir. D’un coup d’un seul, il était alors tiré d’affaire. Chez un homme aussi concret et maté-rialiste, une telle confession étonne. C’est qu’après avoir fait partie d’une secte d’origine protestante qui interdisait aussi bien l’alcool que le foot et la danse, tout en opposant les purs aux mondains, Ángel s’était tourné vers les croyances ancestrales du monde aymara, adoptant sans modé-ration le discours disponible selon lequel le christianisme serait la religion imposée par les conquistadors, etc. Comme si Jésus était né en Espagne et comme si l’Évangile n’était pas de nature à révéler le meilleur de toute culture ! Á entendre Ángel me raconter son expérience spirituelle, ce qui me réjouit encore le plus – outre le fait même qu’il la partage –, c’est que tout cela sent à plein nez l’action de Dieu. Autrement dit, là où je serais bien impuissant à faire avancer quoi que ce soit, le Seigneur est bien là qui travaille les cœurs… Samedi 28 juinSamedi 28 juinSamedi 28 juinSamedi 28 juin :::: Avant-hier matin arrivait de Slovénie Martina, une amie du père Francis, lazariste slovène qui fut curé d’Italaque jusqu’à sa mort, il y a trois ans. Altitude ou intoxication, toujours est-il que la pauvre Martina a rendu plus en deux jours que durant toute sa vie.

Ce matin, à Italaque, mariage d’Eduardo et de Flora. Certes, ils mirent autant de con-science à se préparer qu’ils en mettent maintenant à s’enivrer, mais leur générosité et leur simplicité sont en elles-mêmes un témoignage de foi. L’absence des jeunes du village – tous partis récolter la coca dans les Yungas pendant les vacances d’hiver – se fait cruellement sentir sur l’ambiance de la célébration. Mais, sur l’invitation des mariés, doña Violeta est venue chanter et jouer de la guitare. Pendant que, de mon côté, je vais à Jutilaya pour une nouvelle

session de préparation au mariage destinée à cette partie de la paroisse qui se trouve sur les Hauts Plateaux, les invités de la noce continuent de boire et de danser.

Dimanche 29 Dimanche 29 Dimanche 29 Dimanche 29 juinjuinjuinjuin :::: Hier, fêtes patronales à Lambra-mani et Punama. Violeta et Martina m’accompagnaient sur place. C’était l’occasion de soutirer des pacéniens venus danser la morenada des fonds pour la réfection des deux chapelles respectives, l’une étant bien avancée et l’autre seulement projetée. Dans les deux cas, la messe faisait partie de la fête. L’occasion de faire passer une invitation à fonder nos vies sur Celui dont saint Pierre dit qu’Il a les paroles de la Vie éternelle et dont saint Paul annonça l’Évangile aux païens.

Ce matin, huit baptêmes et une « rotucha » : Violeta et Martina m’accompagnent à Pantini où, au cours de la messe, nous célébrons les baptêmes de huit enfants consciencieusement préparés par Pedro, qui – béni soit Dieu – prend enfin son rôle de catéchiste au sérieux. Après la célébration, nous partageons l’apthapi devant la petite école qui sert de chapelle puis sont distribuées avec beaucoup de cérémonie les feuilles de coca. Vient ensuite la rotucha de Maritza. La première coupe de cheveux d’un enfant constitue dans la culture aymara un véritable rite de passage, au point que celui qui est choisi pour réaliser la coupe a rang de parrain. En l’occurrence, il s’agira d’une marraine car c’est à Violeta qu’on demande de remplir ce rôle. Elle qui ignorait tout de cette tradition.

Padre CPadre CPadre CPadre Cyrille de Nanteuil, cmyrille de Nanteuil, cmyrille de Nanteuil, cmyrille de Nanteuil, cm

Page 8: Clichés de l’Altiplano XX Juin 2008nanteuil.eu/cyrille/altiplano_20.pdf · 2008. 10. 10. · italiens à la sympathie communicative, reçoit surtout pauvres et malades, nous y

« Les vagues se jetaient dans la barque, de sorte que déjà elle se remplissait.

Et Jésus était à la poupe, dormant sur le coussin.

S’étant réveillé, il menaça le vent et dit à la mer : "Silence ! Tais-toi !" Et le vent tomba... »

Mc

4, 3

6M

c 4,

36

Mc

4, 3

6M

c 4,

36 bb bb

-- -- 3939 3939

aa aa

Ils le réveillent et lui disent : "Maître, tu ne te soucies pas de ce que nous périssons ?"

Mc

4, 3

6bM

c 4,

36b

Mc

4, 3

6bM

c 4,

36b

-- -- 39a39

a39

a39

a