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Anthropologie & Santé 12 (2016) Incertitude médicale, prise de décision et accompagnement en fin de vie ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Pauline Launay Du “tabou de la mort” à l’accompagnement de fin de vie. La mise en scène du mourir dans une Unité de Soins Palliatifs française ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Pauline Launay, « Du “tabou de la mort” à l’accompagnement de fin de vie. », Anthropologie & Santé [En ligne], 12 | 2016, mis en ligne le 30 mai 2016, consulté le 31 mai 2016. URL : http://anthropologiesante.revues.org/2094 ; DOI : 10.4000/anthropologiesante.2094 Éditeur : Association Amades http://anthropologiesante.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://anthropologiesante.revues.org/2094 Document généré automatiquement le 31 mai 2016. Anthropologie & Santé est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Anthropologie & Santé12  (2016)Incertitude médicale, prise de décision et accompagnement en fin de vie

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Pauline Launay

Du “tabou de la mort” àl’accompagnement de fin de vie.La mise en scène du mourir dans une Unité de SoinsPalliatifs française................................................................................................................................................................................................................................................................................................

AvertissementLe contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive del'éditeur.Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sousréserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue,l'auteur et la référence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législationen vigueur en France.

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Référence électroniquePauline Launay, « Du “tabou de la mort” à l’accompagnement de fin de vie. », Anthropologie & Santé [En ligne],12 | 2016, mis en ligne le 30 mai 2016, consulté le 31 mai 2016. URL : http://anthropologiesante.revues.org/2094 ;DOI : 10.4000/anthropologiesante.2094

Éditeur : Association Amadeshttp://anthropologiesante.revues.orghttp://www.revues.org

Document accessible en ligne sur :http://anthropologiesante.revues.org/2094Document généré automatiquement le 31 mai 2016.Anthropologie & Santé est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pasd'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Du “tabou de la mort” à l’accompagnementde fin de vie.La mise en scène du mourir dans une Unité de Soins Palliatifs française

Introduction1 Depuis son institutionnalisation en 1986, la médecine palliative française trouble le rapport

dialectique du soin et de la guérison au sein du champ médical contemporain. Née d’unecritique de la gestion médicale du mourir qui avait alors cours, elle confronte nouvellementl’art de guérir aux “incurables” et aux “mourants”, jusqu’alors signes de l’impuissancemédicale. Les Unités de Soins Palliatifs (USP) sont les premières structures palliatives àémerger. Depuis, plusieurs plans de développement nationaux1 ont entraîné une hétérogénéitédu palliatif  : la médecine palliative, les phases palliatives d’une maladie, les soins à viséepalliative et les institutions palliatives ne recouvrent pas les mêmes réalités. Malgré cetéclatement du champ, les USP y conservent une place caractéristique : elles sont le seul lieuclos qui accueille spécifiquement des patients en phases avancées et terminales de maladiesgraves, évolutives et incurables (c’est-à-dire lors de la période d’évolution d’une maladie oùla qualité de la survie a plus d’importance que sa durée).

2 À travers l’étude spatiale (architecture, topographie et ambiance) d’une USP2, il s’agitd’analyser la manière dont ce dispositif suppose une épistémè médicale particulière et révèleun certain rapport à la mort, faisant nôtre le postulat foucaldien selon lequel l’architecture

«  constitue uniquement un élément de soutien, qui assure une certaine distribution des gensdans l’espace, une canalisation de leur circulation, ainsi que la codification des rapports qu’ilsentretiennent entre eux. L’architecture ne constitue donc pas seulement un élément de l’espace :elle est précisément pensée comme inscrite dans un champ de rapports sociaux, au sein duquelelle introduit un certain nombre d’effets spécifiques » (Foucault, 1994).

3 Dès l’origine du mouvement, les acteurs du champ palliatif et architectes sollicités dansla création de lieux dédiés à la fin de vie se heurtent à des difficultés, ou plutôt à desvides  (Genyk, 2006). Sans modèle institué, ces unités «  se sont souvent adaptées auxdifférentes caractéristiques existantes, donnant lieu à une certaine diversité tant en termed’architecture, que de situation au sein de l’infrastructure hospitalière » (Castra, 2003 : 125)3.Derrière une apparente hétérogénéité, elles présentent cependant une situation topographiquecommune  : construites à la marge des structures hospitalières, proches des services depsychiatrie, des parcs d’ambulances ou des morgues. Cette relégation vis-à-vis des servicescuratifs et technologiques révèle les hiérarchies entre secteurs médicaux (Castra, 2003).

4 L’USP étudiée a ouvert ses portes en 2008 et constitue une extension architecturale d’un Centrede Soins de Suite et de Réadaptation (CSSR). À l’instar des 140 USP en France, elle assure parune équipe pluridisciplinaire une triple mission de recherche, de formation et de soin, et réservesa capacité d’admission de douze patients aux situations les plus complexes ou difficiles4. LesUSP sont dès lors appréhendées comme l’institution dans laquelle on entre pour y mourir. Cequi va dans le sens des faits : entre 2009 et 2011, l’unité a accueilli environ 232 patients par anpour une durée moyenne de 16 jours. Atteints à 83,5 % de cancer, ils y ont été admis à environ50 % pour un » accompagnement de fin de vie », à 25 % pour une « adaptation du traitementsymptomatique » et à 25 % pour un « séjour de répit ». Environ 65 % des hospitalisations sesont conclues par un décès au sein de l’unité5.

5 À sa construction, l’administration a réservé au CSSR l’entrée principale située sur unboulevard assez fréquenté et à l’USP l’entrée secondaire, positionnée en contrebas à l’écartde la ville.

6 Davantage qu’une clarification de la fonction de chacun des services cliniques, l’absence designalétique dans la ville et l’éloignement de l’entrée de l’USP des axes de circulation et del’accès au site occultent son existence et provoquent au contraire nombre de malentendus chez

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les usagers. Ces obstacles à une meilleure intégration se traduisent dans les relations épineusesqu’entretiennent les deux services.

7 Les tensions se cristallisent spatialement autour du couloir vitré, baptisé par des soignants desdeux services le « couloir de la mort », qui les relie et les sépare, sans introduire véritablementd’espace d’accueil commun :

«  [Avec le CSSR], il y a cette proximité avec cette espèce de méfiance, de défiance, dès qu’onest arrivé. [Ici], c’est les “presque morts”... ça fait trois ans et il n’y en a pas une [soignante] quiessaie juste de savoir ce que c’est, ce qu’on y fait et comment on travaille : “Les soins palliatifs, jene sais pas, je ne veux pas. Je ne sais pas ce que c’est, mais je ne veux pas y aller”. C’est commesi quand on traverse le couloir, on est mort. Le couloir de la mort. Tu passes du côté obscur. Onpasse du côté obscur » (Infirmier de l’USP).

Google map 2016Vue aérienne du site de l’USP et du CSSR

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Didier SalonVue aérienne du site de l’USP et du CSSR

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Didier SalonCouloir d’entrée de l’USP la reliant au CSSR

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Antoine CardiCouloir d’entrée de l’USP la reliant au CSSR

8 Côté obscur de la vie, côté obscur de la médecine, le franchissement du seuil d’une USP estloin d’être anodin ; il signe le double passage ambivalent du curatif au palliatif et de la vie à lamort, tant pour les patients et leur entourage que pour les intervenants eux-mêmes. En ce sens,les USP se matérialisent dans une conception et un aménagement de l’espace en liaison avecla perspective de la mort comme événement, et donc en rupture avec l’hôpital moderne dontla construction s’est, en partie, établie sur l’intégration du cadavre comme support de savoir,objet d’expérimentation et matériau thérapeutique, dans un combat contre le vieillissement etle mourir (Genyk, 2006 ; Violeau, 2004).

9 En effet, dès les débuts de leur contestation, les pionniers de la médecine palliative vonts’emparer du «  tabou de la mort  », lequel sera réinterprété et extirpé des cadres premiersd’analyses6 pour se répandre tel un leitmotiv. L’usage fréquent de ce vocable révèle en creuxles représentations que les acteurs de la médecine palliative se font de la « mort familièred’autrefois » : prise en charge communautaire du mourant et des endeuillés, acceptation dela mort, symbolisation et ritualisation assurées par les institutions religieuses, événement“naturel” de la vie. Tel un mythe fondateur, cette « mort familière » viendra se heurter au« tabou de la mort » qui, à leur sens, se propage dans nos sociétés occidentales modernes,constituant le socle négatif de leur discipline  : abandon social du mourant, déni psychiquede la mort et perte de son sens collectif, artificialisation et non-respect du cycle “naturel” dela vie. Reprenant une à une les dimensions plurielles de la souffrance7 induite par le « taboude la mort », la médecine palliative tente de mettre en place des processus pour y remédier.C’est donc en écho à la «  mort familière d’autrefois  » et en résistance à l’avènement dela « mort taboue » que se dessine une configuration palliative du mourir par des processusde socialisation, subjectivisation, symbolisation et naturalisation. Devenue synonyme despratiques palliatives, la notion d’accompagnement de fin de vie signe le passage vers uneconstruction positive, et non plus en creux, d’une nouvelle médicalisation du mourir.

Socialiser la mort : façonnage des relations sociales autourdu mourant

10 Les acteurs de la médecine palliative se sont, en premier lieu, élevés contre l’abandon socialet l’isolement médical des mourants et des incurables :

«  En France comme dans d’autres pays, il y a très longtemps, on s’occupait des morts, desmourants, chez soi. On accompagnait ses parents, on les gardait chez soi jusqu’à la fin. Là [àl’unité], ce n’est pas les garder chez soi, mais par contre, c’est revenir quand même à s’accorder, à

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accepter que la fin de vie doive être accompagnée et... ne pas mourir tout seul dans son coin. À unmoment donné, on mourait beaucoup à l’hôpital, mais seul et branché » (Cadre de santé de l’USP).

11 Les pionniers se sont alors retrouvés autour de la volonté de « resocialiser la mort », en écho àleur représentation d’une mort « entourée et familière d’autrefois », par « la promotion d’uneattitude active et solidaire face au déroulement des trajectoires de fin de vie, visant à inscrireles mourants dans la communauté des vivants » (Castra, 2010 : 14).

12 Les quatre types d’acteurs de l’accompagnement de fin de vie –  patient, entourage,professionnel et bénévole – ont chacun un espace défini qui leur est attribué au sein des unitéset qu’ils sont encouragés à investir. Ces lieux dédiés s’articulent à des espaces collectifs,dont la surface allouée est largement prédominante dans les unités françaises comme dansles hospices anglo-saxons (Genyk, 2004). Ces différents types d’espace sont marqués par deséléments architecturaux et techniques (piliers, sols, couleurs, vitrages, etc.) qui les ouvrent etles ferment, permettant ainsi de réguler leurs investissements.

Pauline LaunayPlan de l’USP : usage de l’espace en fonctions des statuts

13 D’emblée, on remarque une asymétrie dans la répartition et l’accessibilité des différentslocaux. Placés au cœur de leur propre accompagnement, les patients ont chacun leur chambreet une salle d’eau. Spacieuses, elles sont disposées autour de l’espace central, le long descirculations. Si leurs portes sont souvent entrouvertes, elles n’offrent cependant pas d’accèsdirect et indépendant avec l’extérieur, uniquement accessible au regard par la médiation deslarges fenêtres :

« Assez rapidement, on s’est convaincu de faire bénéficier les personnes de ces trois vues. C’estce qui a aussi déterminé la forme du bâtiment : quelqu’un qui voudra un rapport à du végétal, il vaêtre côté parc ; une vision plutôt lointaine, on va le mettre face au canal avec une vue très dégagée ;une vision un peu plus intimiste, on la mettra plutôt sur la cour [basse] » (Architecte de l’USP).

14 Chaque patient est invité à s’approprier cet espace en y accrochant « photos, dessins… Il y ades patients, c’est arrivé qu’ils viennent avec leurs petits meubles, style un petit guéridon ouune petite plante » (aide-soignante de l’USP).

15 Les locaux destinés aux proches (principalement le coin des familles et la salle du départ) sont,eux, situés aux deux extrémités de l’unité. Le personnel les invite régulièrement à investir leslocaux qui leur sont accessibles à toute heure. Les proches ont ici un statut intermédiaire :accompagnants du patient, ils sont aussi accompagnés par les intervenants dans leur processusde deuil déjà engagé. Bien souvent, certains deviennent des interlocuteurs privilégiés parqui passent les préconisations médicales ou psychologiques auprès des autres membres del’entourage :

« [On explique à certains] l’attitude à avoir par rapport aux autres membres de la famille : parrapport aux enfants, par rapport aux membres plus âgés. Il y a toujours cette peur : par rapport

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aux gens plus âgés, c’est : “Ohlala ! Elle ne va jamais supporter !”, ou par rapport aux plus jeunes,c’est : “Oh bah non ! Il faut les épargner, ils auront bien le temps de...” Le tabou, je le perçoisdans ces aspects-là » (Médecin de l’USP).

16 Bien que principalement utilisé par les proches et les patients, l’espace central, la « placette duvillage » (architecte de l’USP), n’a pas de statut particulier et croise les différents groupes pourconstituer un lieu collectif d’échanges. Mais il est surtout placé sous le regard des soignants,assuré par l’aspect panoptique de la salle de transmission entièrement vitrée.

Antoine CardiVue du « salon central » de l’USP placé sous le regard du poste de soins

17 Dans cette optique de “resocialisation”, la médecine palliative a également dès le départintégré dans ses équipes des bénévoles d’accompagnement, dont les associations continuentlargement d’influencer le développement. Par le caractère non marchand et non professionnelde leurs interventions, il s’agit de signifier avec eux la présence de la “communauté” autourdu mourant :

«  Pour moi, les bénévoles d’accompagnement représentent la société civile. Ça peut êtreimportant, ça peut avoir sa place parce qu’on a plein de gens qui sont isolés, et on sait que ce quipermet de vivre un événement comme ça, c’est aussi d’avoir la société qui ne nous abandonnepas complètement » (Psychologue de l’USP).

18 Les bénévoles ont accès à la salle polyvalente et assez régulièrement à la salle de transmission(au moment de l’enquête, ils participaient au staff hebdomadaire, ce qui n’est plus lecas aujourd’hui sur demande d’un grand nombre de professionnels). S’ils sont reconnuscomme légitimes lorsqu’ils entrent dans la chambre d’un patient ou s’arrêtent quelque tempsdans le coin des familles, il n’en reste pas moins que les bénévoles sont surveillés parl’équipe professionnelle dans leur déambulation et dans l’accès qu’ils ont aux personnes etinformations8.

19 Si les proches et les patients ont des espaces qui leur sont attribués, les intervenants –professionnels et bénévoles – y ont accès, sauf en cas de refus explicite de leur part (très rare).À l’inverse, les bureaux du personnel, s’ils sont ouverts aux patients, proches et bénévoles,ne leur sont accessibles que sur leur demande explicite ou sur invitation des professionnels.Ces derniers sont donc les seuls à avoir d’une part un accès légitime à l’ensemble des espaceset d’autre part des locaux dédiés, situés aux entrées et répartis de façon homogène, venantconstituer des balises, des présences récurrentes, une occupation continue. Par ce quadrillagede l’espace, « on peut savoir qui tourne dans le service, qui arrive. On voit tout, les patients

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qui arrivent, la famille qui frappe aux portes » (Infirmière de l’USP). Ainsi que l’a constatéMichel Castra :

« On incite la famille à ne pas se replier sur elle-même dans une relation purement privée avec lemalade, mais on l’engage plutôt à adopter un comportement ouvert face à l’équipe avec qui elle estinvitée à parler, se confier, partager l’intimité de la relation au patient dont la vie s’achève. Maisc’est principalement le cadre des échanges entre la famille et son proche que les professionnelsentendent réorganiser » (Castra, 2003 : 208).

20 Au-delà de l’aspect “solidaire”, les acteurs de la médecine palliative défendent une conceptionparticulière du lien social : si le patient est placé au cœur de la prise en charge, la présencede l’Autre est nécessaire9. L’autonomie et la dépendance se conçoivent ici dialectiquement :loin d’être la négation de toute forme d’obligation, l’autonomie s’articule doublement auxlimites du sujet lui-même et aux liens qu’il entretient à autrui. En ce sens, il ne s’agit pastant d’une privatisation dans le rapport à la mort, que d’une recomposition du cadre normatifdes formes de relations sociales qui s’opèrent autour du mourant. À travers l’encadrementlégislatif et la délégation de son application au champ médical, l’État français intervientde manière croissante là où, jusqu’ici, il était absent : il définit l’autonomie10 des individusjusque dans les sphères les plus intimes en l’articulant avec les responsabilités et l’autoritédu corps médical et soignant, et avec le statut et la hiérarchisation des avis et demandes desmembres de l’entourage11. Malgré la volonté de définir un espace différent des institutionshospitalières classiques, on retrouve ici la continuité du schéma spatial institutionnel quia présidé à la construction de ces dernières (Eynard & Salon, 2006), et non une rupturecomme l’intention première pouvait laisser présager. Ce modelage des relations socialessuppose une investigation des histoires familiales et relationnelles propres à chaque patient, etnécessite donc un fort investissement de l’intime, des affects et du psychisme des différentsprotagonistes.

Subjectiver la mort : travail sur l’intimité et les affects21 Les intervenants du palliatif évoquent quasiment tous le « déni psychique de la mort » qui

frappe notre société. N’étant plus « préparée socialement », sa survenue met les individus endifficulté : « déni », « deuil pathologique », effets de paralysie, sidération face à un mourantou à un cadavre, incapacité de dire, de faire quelque chose ou d’être là simplement, « commesi ça brûlait, qu’il ne fallait pas trop s’y pencher... » (Médecin de l’USP). Ces phénomènessont quasiment toujours analysés – à l’exception des psychologues – comme la marque d’untabou autour de la mort contre lequel il faut lutter :

« Je pense qu’il y a eu une évolution, il fut un temps où quand la personne décédait il y avait laveillée, il y avait les gens qui venaient, il y avait un travail vraiment sur la mort… c’était toutun processus. Maintenant, il n’y a plus tout ça en fait… tout est cassé […] Les gens ne sont paspréparés à ça et il n’y a pas tellement le processus de deuil. [Avec les soins palliatifs,] il y a toutun cheminement, pour la personne et pour l’entourage. En tout cas, on y travaille tous les joursnous, ça fait partie de notre travail… tout ça en fait, tout ce qui manque maintenant. [Remettre]les choses à leur place : par exemple, il y a des enfants qui viennent voir leurs proches qui vontmourir et ils sont incapables de leur prendre la main, ils sont complètement paralysés, ils ne saventmême pas quoi leur dire, ils sont complètement… sidérés » (Aide-soignante de l’USP).

22 L’enjeu de l’accompagnement va alors être de « redonner du sens à la fin de vie » par la mise enplace des différentes relations accompagné/accompagnant qui nécessite, ainsi que l’a analyséMichel Castra :

« une investigation de la sphère privée et intime de la personne, un travail sur son vécu, sonhistoire, ses sentiments, son rapport à la maladie et à la mort. L’émergence revendiquée etsouhaitée du sujet rend ainsi possible un remodelage actif de l’expérience de la personne  : lapacification de la mort trouve son prolongement dans la subjectivité de l’individu mourant quidevient l’ultime point d’application de la normativité médicale » (Castra, 2003 : 187).

23 L’investigation de la subjectivité des différents acteurs suppose un lieu rassurant et familier.Sans pour autant en gommer l’image institutionnelle, Isabelle Genyk remarque qu’un

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«  environnement ressemblant de près au cadre familial est certainement la réponse la pluscommunément rencontrée dans les structures qui assurent une prise en charge palliative. […] Lamaison […], lieu naturel de la vie avant la maladie, rassure par ses repères qu’elle apporte, parl’image chaleureuse du foyer, de la famille » (Genyk, 2004 : 502).

24 En ce sens, la forme triangulaire de l’unité étudiée permet une déambulation circulaireet continue, proche de celle qui est possible dans une maison, contrairement aux allers-retours imposés par les couloirs fermés des institutions hospitalières classiques. Dans lemême esprit, l’architecte a réfléchi à la transition entre les chambres et l’espace communde circulation : afin d’éviter une sortie trop brutale, l’entrée des chambres est légèrement enretrait par rapport au couloir, cassant leur linéarité. Ce petit recoin, conçu comme un espace-tampon pour « retrouver ses esprits, et avoir le temps de sortir son mouchoir et puis d’allers’asseoir » (Architecte de l’USP), crée des lieux intermédiaires entre l’intime et le collectif.

25 L’architecte a également conçu le « coin des familles » sur le modèle domestique d’un salon,d’une cuisine et de sanitaires. Lieu propice à la quiétude, il doit permettre à l’entouragede se retrouver, mais également de s’isoler, de réfléchir, de s’épancher, de pleurer. Hormisquelques prospectus et affichettes qui rappellent leur dimension institutionnelle, rien nedistingue particulièrement ces pièces d’une maison habitée. Cette ambiance a été recréée grâceà des meubles anciens, mêlés à d’autres, plus contemporains. Ces lieux, théâtre de rencontresinformelles entre proches de patients ou avec des membres de l’équipe, permettent, « autourd’un café, de libérer la parole  » (Infirmière de l’USP). Les imposants meubles anciens,présents dans la cuisine et le salon, ont été récupérés par des membres de l’équipe dans uncouvent de religieuses, et ils sont quasiment vides. Au contraire des lieux hospitaliers, où biensouvent l’espace manque et est utilisé de manière exclusivement fonctionnelle, la symboliqueportée par le mobilier a pris le pas sur une conception rationnelle des espaces. Marquer l’unitéd’une ambiance familiale et familière peut être analysé comme une tentative de masquerl’artificialisation du mourir par la médecine et la technique, et ainsi de le domestiquer.

Antoine CardiVue du « salon des familles » destiné aux proches des patients de l’USP

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Antoine CardiVue du « salon des familles » destiné aux proches des patients de l’USP

26 Par une écoute compréhensive, il s’agit de promouvoir une approche expressive etcathartique des sentiments pour permettre une communication des angoisses, inquiétudes etquestionnements, et d’en comprendre les répercussions globales. Cette approche ne marquepas tant un glissement du somatique vers le psychique qu’un englobement de l’individu et deson entourage, et qui prend sans doute le risque d’être « totalisante » (Moulin, 2000), de fairede l’accompagnement une « toute-puissance de l’aide », un désir d’emprise et de maîtrise de laviolence : écouter la souffrance, apaiser les tensions, juguler les crises12 (Dabouis & Derzelle,2004). La communication verbale et non verbale (attitudes, postures, gestes, respirations,regards sont des signes à interpréter) devient l’interface de captation des formes de souffranceet la modalité de leur expulsion cathartique. Les figures du “mauvais mourant” rejoignentdonc les situations variées dans lesquelles un patient ne partage pas le sens subjectif de sasituation : celui qui ne se dévoile pas et laisse les intervenants bien démunis (par exemple lesrefus de traitement ou de soins sont plutôt bien acceptés à condition qu’ils aient fait l’objetd’une discussion et que le patient ou son entourage en aient exprimé le sens) ; celui qui souhaitepoursuivre ses traitements curatifs jusqu’au bout, déniant ainsi l’inéluctable de sa situation ;celui qui maintient sa demande d’euthanasie malgré les soins, soulagements et attentionsapportés. Au-delà du patient, ce modèle performatif de la parole est également appliqué auxmembres de l’entourage et aux intervenants eux-mêmes qui participent à différents suivis,groupes de paroles et supervisions.

27 Nombre d’auteurs ont pointé les risques de dérives de cette approche psychologisante dumourir, laquelle dépasse largement la psychologie du mourir et la place du psychologue et sesinterventions dans l’équipe palliative (Higgins, 2011). Cette psychologisation pousse à une« idéalisation cathartique de la parole conduisant à une attente plus ou moins érotisée, voirefétichisée, vis-à-vis du mourant invité à parler de sa mort » (Amar, 2009 : 36). Robert WilliamHiggins la met en lien avec le « déficit contemporain de représentations collectives – commeformes rituelles véritablement “vivantes”, qui en permettraient le partage – de la mort, de notrefinitude et de notre vulnérabilité commune » (Higgins, 2011 : 38). Distinguant « institution » et« pratique », Higgins souligne néanmoins comment les pratiques palliatives, comme « contre-culture du Care  », nous invitent à «  soigner notre culture et son culte de l’autonomie, samort scientiste et sa misère symbolique  » (Higgins, 2013  : 72, souligné par l’auteur). Sinous partageons ses doutes quant aux «  inventions rituelles » dont la personnalisation descérémonies aurait le même pouvoir de mise en sens que les rituels collectifs proprement dits,il est indéniable que, dans le déploiement des pratiques palliatives effectives, s’élaborent des

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mises en scène et des significations de la mort qui dépassent la subjectivité et l’intersubjectivitédes protagonistes.

Signifier la mort : symbolisation et spiritualité28 Le vide spirituel dénoncé par les acteurs du champ palliatif fait écho aux processus de

déritualisation et de sécularisation qui marquent la société moderne. S’il n’y a pas de nostalgiedes rites « trop contraignants » imposés à l’individu, le manque de repères et de cadre collectifest fréquemment souligné par les intervenants du palliatif. En ce sens, il s’agit plutôt pour euxd’imaginer un « nouveau rapport spirituel » à la mort, qui dépasse le cadre strict des religionsinstitutionnalisées, de créer du sens collectif, cette fois, autour de cette période particulièreque constitue l’entre-deux de la fin de vie.

29 En unité, le contact avec la mort, comme réalité immédiate ou horizon inéluctable, estquotidien. De là émerge la volonté de symboliser, au-delà de la sécheresse de l’écrituremédicale, le passage et la disparition d’un être. D’autant que la grande majorité des prisesen charge en USP correspondent à la phase oblative des rituels funéraires, moment charnièredu rite de passage de la vie à la destinée post-mortem, laquelle réunit, selon Louis-VincentThomas,

« l’accompagnement du mourant et la retenue du mort. Au regard de l’imaginaire, le premier estdéjà un peu dans la mort et le second n’a pas tout à fait quitté la vie. Car seule la raison peutdistinguer un avant et un après de la mort tandis que l’inconscient, dont Freud a montré qu’il seveut immortel, refuse d’intégrer la rupture vie-mort et vivant-défunt13 » (Thomas, 1985 : 131).

30 Ainsi au moment de la phase agonique, il arrive que des massages spécifiques soient effectuésavec «  des huiles essentielles qui ont un côté spirituel. On masse les personnes vraimenten fin de vie, quand on a repéré que c’était les derniers instants, avec des huiles typeencens pour aider au passage... » (Aide-soignante de l’USP). Puis, après la constatation d’undécès, l’équipe soignante effectue une première toilette post-mortem14. Les proches du défuntsont invités à prendre place au salon des familles, accompagnés s’ils le souhaitent par unprofessionnel. Tandis qu’un soignant prépare le versant administratif relatif au décès, quelquesautres, souvent ceux qui ont réalisé l’accompagnement de la personne, s’affairent dans lachambre du défunt15  : le corps est entièrement dénudé, libéré du matériel médical invasifpuis débarrassé de ses souillures visibles par de l’eau savonneuse. Les orifices naturels sontobstrués et les pansements changés. L’attention au visage termine la toilette proprement dite :les prothèses dentaires sont replacées et la bouche maintenue fermée à l’aide d’une minerve.Méticuleusement, les yeux sont refermés, les cheveux sont coiffés comme à l’habitude, levisage est éventuellement maquillé. Parfois, «  pour qu’il ait l’air serein, on triche... onessaie de leur faire un petit sourire... » (Infirmière de l’USP). Selon un manuel de règles etrecommandations à l’usage des professionnels : « il doit être procédé de telle sorte que le visagedu défunt présente l’aspect du sommeil et donne une image apaisée, celle que ses prochespourront ainsi garder en mémoire » (Dupont & Macrez, 2012 : 24). Puis, les soignants changentla literie, et le corps parfumé quitte la chemise d’hôpital pour revêtir ses habits quotidiens. Lachambre du patient est alors rangée : les soignants sortent tout le matériel médical, rassemblentet préparent les affaires personnelles du défunt. Les rideaux sont tirés, la température baissée,les fleurs réajustées et la lumière tamisée émanant des lampes de chevet vient éclairer la scène.Pendant tout ce temps, il est expliqué au défunt les gestes qui sont réalisés sur son corps ouautour de lui :

« Je préfère que ce soit un moment de plénitude, de petites lumières, tout en ordre… qu’il n’yait pas trop de brouhaha, je n’aime pas si on parle trop fort dans une chambre d’une personnedécédée sous prétexte qu’elle est morte. De toute façon, je lui parle encore, je la considère toujourscomme une personne vivante. Il y a un certain respect… même si la personne est morte » (Aide-soignante de l’USP).

31 Dans cette phase de retenue du mort, le patient n’a pas encore tout à fait quitté la vie et lesintervenants l’évoquent en utilisant des qualificatifs habituellement employés pour caractériserles vivants. Cette pratique est vécue par beaucoup de soignants comme la manifestation deségards dus à la personne. Acte fondamental de séparation, elle constitue le dernier contact

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physique qu’ils ont avec le patient. Être présent au moment du décès, effectuer la toilette post-mortem, se recueillir auprès du défunt, accompagner le corps jusqu’à son départ de l’unité(certains ont même quelques fois assisté à l’enterrement) sont pour les membres de l’équipedes actes visant à rendre un dernier hommage, à clore une relation et à assurer « la dignité dela personne jusqu’au bout » :

« [Dernièrement], plusieurs patients sont décédés la nuit avec le pool de nuit, pas l’équipe titulaire,et en fait, ils n’ont pas les mêmes repères, ils ne font pas comme ça en médecine, donc…Habituellement, je vais toujours voir le défunt avant de faire rentrer la famille, et puis là, je ne saispas pourquoi, je n’ai pas été le voir, j’ai fait entrer la famille et j’étais en colère parce que le patient,il était… sous son drap blanc recouvert jusque-là [elle montre en haut du cou], ils avaient tout vidédans la chambre, tout ce qui évoquait la vie, etc., tout avait été retiré, table de nuit… tout avait étémis dans la salle de bain… il n’y avait plus que le lit et je trouve ça... Alors que quand c’est lessoignants de l’équipe, il y a toujours un petit bouquet de fleurs, ils ont toujours l’idée de faire unlien entre l’avant et le… mettre un foulard de telle ou telle manière… découvrir les bras, enfin il ya toujours une intention particulière pour que ce visuel soit moins difficile » (Médecin de l’USP).

32 Ces derniers hommages rendus, les soignants quittent la chambre et partent chercher lesproches du défunt en passant par la salle de transmission pour allumer une bougie, laquelle estplacée sur le bord d’une fenêtre de la salle de transmission, visible de tous.

Antoine CardiVue de la bougie symbolisant le décès d’un patient à l’USP depuis le poste central de soins

33 Cet acte, d’abord décrit comme un système d’information pour prévenir d’un décès, est aussipour eux une manière de signifier la mort au-delà de sa dimension tangible, signifier le décèsautrement que par l’écriture médicale, souvent réduite à un dossier de décès et à l’inscriptionphonétique « DC » sur les cahiers de transmission (manifestation d’attention et de respect,témoignage du passage d’un patient et le deuil qu’engendre son départ, manière de ne pasmasquer la mort au sein de l’unité). La bougie restera allumée durant la période de vacuitéde la chambre qui se prolonge 48 heures après le constat du décès. Que la levée du corpss’effectue pendant ou à la fin de cette période, la chambre ne sera pas réinvestie avant. Pourles soignants, ce délai est primordial ; beaucoup soulignent que les accompagnements de finde vie ne peuvent s’effectuer de manière mécanique :

« Quand une personne est décédée et reste dans la chambre, j’aime bien qu’elle y reste quelquetemps, avant qu’on la transfère… parce que, bien que je ne sois croyante qu’à 60 %, on dit quel’âme reste dans la chambre pendant quelques heures et que le corps a besoin de rester dans lachambre pour que l’âme puisse s’en aller tranquillement, et le fait de les bouger très rapidement,ça peut perturber… alors au cas où... » (Aide-soignante de l’USP).

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34 Ce « au cas où… » se retrouve également dans la numérotation des chambres, au nombre detreize pour l’unité en question : les intervenants ont tenu à ce que les deux dernières chambressoient numérotées « 12 » et « 14 » afin de « ne pas heurter les superstitieux… et puis, onne sait jamais… » (Infirmière de l’USP). Le rapport symbolique à « un ailleurs » est aussimarqué par la lumière qui imprègne le lieu. Les blocs de l’unité sont exposés selon les troisorientations : est, nord et ouest. Le sud n’est pas utilisé. C’est la lumière zénithale au-dessusde l’espace central qui apporte et marque la verticalité du lieu. L’importance de la lumière etde la transparence obtenues par de larges ouvertures est un point commun à de nombreusesUSP (Sâles, 2005) : symboliquement, il s’agit d’éclaircir l’obscur de la mort, de lutter contrel’ombre et son effet morbide, mais également de marquer la temporalité par les variationslumineuses.

Didier SalonOrientation et verticalité de l’USP

35 Pour autant, la médecine, en tant que science et champ professionnel, peut-elle répondrevéritablement aux exigences de la symbolisation16 ? Le sentiment d’un maniement artificiel dela nécessaire symbolisation de la mort interroge, et Higgins met en garde contre une nécessitésymbolique « médicalement prescrite » :

« Certains médecins sont parfois tentés de se charger de la ritualité et du deuil, non seulementdans un but prophylactique (éviter la survenue d’un cancer chez les survivants par exemple), maispour “pallier” ces “carences symboliques et rituelles”, et “prescrivent” des cérémonies, des messesanniversaires pour les morts de leur service » (Higgins, 2003 : 164).

36 Il y a effectivement ici quelque chose de troublant dans le volontarisme de « trouver ensembledes symboles qui fassent sens », de « se mettre d’accord » sur l’efficacité symbolique d’undispositif à créer de toute pièce. Surtout, cette volonté d’affirmer la nécessité des rituels et dessymboles dans le rapport de l’humain à la mort entre en collision avec celle de présenter lamort comme un événement naturel de la vie.

Naturaliser la mort : mourir « à son heure »37 La «  mort taboue  » désigne ici la mort réifiée par la technique médicale et la vision

mécaniste du corps malade, et certaines dérives sont particulièrement redoutées : acharnementthérapeutique, mensonge, abandon, euthanasie, agonie douloureuse. Lorsque la médecinecurative a épuisé ses possibilités et que le corps ne peut plus lutter, ces conduites sont vuescomme une incapacité à accepter la mort, alors même qu’elle est inéluctable. Les modifications

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des conditions et des conceptions du mourir, largement dues aux progrès techniques etthérapeutiques, rendent cruciale la question de savoir ce que signifie désormais «  mourirà son heure »  : les critères physiologiques posés par la médecine ne suffisent plus pour yrépondre (Thomas, 2010). Les acteurs du palliatif opposent alors le « mourir artificiellement »au « mourir naturellement ». Le premier correspond doublement à l’agonie prolongée par latechnique médicale qui retarde le décès, et à l’euthanasie qui le hâte. Par opposition, le « mourirnaturellement » dessine une troisième voie quant à la prise en charge du mourant, ainsi quemontre la définition de l’accompagnement palliatif donnée par la SFAP en 199617 :

«  Les soins palliatifs et l’accompagnement considèrent le malade comme un être vivant, etla mort comme un processus naturel. Ceux qui dispensent des soins palliatifs cherchent àéviter les investigations et les traitements déraisonnables (communément appelés acharnementthérapeutique). Ils se refusent à provoquer intentionnellement la mort. »

38 Cette perception naturalisante de la vie et de la mort fait écho à l’idéal perdu de la « mortfamilière » selon lequel la mort était « acceptée » dans une forme de « naturalité », et aveclequel il faudrait renouer :

« [Autrefois] dans l’accompagnement des gens malades […], il y avait une prise en compte de lamort qui était beaucoup plus socialement admise et beaucoup plus naturelle […] Moi j’ai acceptél’idée que la mort fait partie de la vie et que ça fait partie des choses naturelles » (Assistante-sociale de l’USP).

39 Les propos du professeur Herbert Geschwind, qui a introduit les soins palliatifs à l’hôpitalHenri-Mondor de Paris, en sont également une bonne illustration :

« [Les soins palliatifs comblent] un vide creusé depuis le moment où la mort a cessé d’être uneétape naturelle de la vie pour devenir le déni d’une société qui en avait oublié la signification. Cettedirection des soins compense les tendances à marginaliser la mort dans la médecine traditionnellequi traite sans soigner et soigne sans accompagner » (Cité in Châtel, 2004 : 71).

40 La volonté de présenter le mourir comme une étape naturelle du cycle de la vie transparaîtdans les unités avec l’intégration d’éléments forts de symbolisation de la nature : les jeux declarté à l’intérieur des bâtiments abritant l’unité (puits de lumière naturelle et grandes vitresqui entourent le bâtiment), la présence d’un parc, de fleurs et de plantes naturelles appuientleur volonté d’inscrire la mort dans “l’ordre naturel du cycle de vie”.

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Antoine CardiVue du parc entourant l’USP

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Antoine CardiVue du parc entourant l’USP

41 L’évocation de cet “ordre naturel du vivant” ouvre souvent sur des analogies avec le cycle ducosmos, des saisons, du jour et de la nuit, du temps qui passe, et qui rappellent à l’humain saplace dans le passage du temps et son inéluctable finitude :

«  Les vues donnent sur des soleils couchants, avec des lumières qui sont extrêmementchangeantes ; il y a vraiment là une perception du jeu des saisons, des choses qui existent. Lapersonne en fin de vie, par la fenêtre, voit des choses qui bougent, elle voit des feuilles qui tombent,des rayons de soleil qui passent » (Architecte de l’USP).

42 Après la lutte que le patient a menée contre sa maladie par l’intermédiaire d’une médecinetechnique, l’unité est supposée lui offrir un lieu pour accepter l’“ordre des choses” :

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« L’unité a un sens symbolique fort… Je crois à l’impact de ce retour à la nature… quitter la tourtechnique, pour revenir dans un parc… on va pouvoir être attentif aux saisons, aux oiseaux… Jecrois à ça, pour le processus d’accompagnement » (Médecin de l’USP).

43 En ce sens, « mourir à son heure » signifie respecter le rythme de l’entre-deux que constituedésormais la fin de vie : ne pas prolonger la vie, mais ne pas l’arrêter intentionnellement ; lemalade mourra ainsi « naturellement » de sa maladie ou de son vieillissement : « donner àla mort sa juste place dans la vie » (Infirmière de l’USP). Mais il s’agit là d’un « naturel »bien socialisé (par la forme et la prévalence des pathologies, les conditions de vie, la place desinstitutions et leur inscription dans l’espace social) et bien médicalisé (institutionnellementévidemment, mais aussi dans les décisions et définitions de ce qui constitue le caractère“raisonnable” ou “déraisonnable” d’un traitement ou d’un soin, le “trop tôt” ou le “trop tard”qui restent les prérogatives du corps médical).

44 On peut noter ici des glissements entre une critique de la médecine moderne qui maintient envie des corps par des supports techniques, et une médecine qui tente de « redonner du sens »à l’usage de ces maintiens « trop artificiels » de la vie : glissement entre la perception de lamort comme processus naturel propre à toute forme de vie sur terre, et la banalisation de lamort humaine comme un événement “naturel” de la vie individuelle ; glissement du regardmédical qui tente de rationaliser l’irrationnel de la mort et de naturaliser sa surnaturalité. Envoulant s’attaquer si triomphalement au « tabou de la mort » dans notre société et à son cortègede souffrances, la médecine palliative œuvre – souvent malgré elle – à une « pacification »du mourir  (Higgins, 2003  ; Derzelle, 1999)  : mourir sans souffrance, offrir une fin de vieréparatrice, réconcilier ou rapprocher l’entourage.

45 La construction du rapport culturel à la mort, loin de reposer sur une acceptation de celle-ci, se structure à partir du refus, essentiel à la culture, d’intégrer la mort (Baudry, 1999). Ceque l’humain accepte, ce n’est pas la mort, mais une négociation culturellement construiteface à la finitude humaine. Faire du déni de la mort une particularité de la société moderne,c’est oublier que celui-ci est universel (Baudry, 2013). Ce qui ne signifie pas que le déni dela mort dans les sociétés occidentales modernes et contemporaines n’a pas de spécificité, bienau contraire. C’est plutôt souligner le sens curieux que porte cette volonté de « combattre letabou de la mort », d’inscrire cette dernière dans « l’ordre des choses » qu’il faudrait bien«  naturellement accepter  », vision largement fantasmée et esthétisée, voire exotisante desrapports que les sociétés “de l’ailleurs” ou de “l’autrefois” entretenaient à la mort. En faisant« comme si la mort appartenait à l’ordre de la vie alors qu’elle en est plutôt le désordre ouplutôt comme si l’ordre de la vie pouvait comprendre la mort et la gérer » (Derzelle, 1999 :9), les gestes oblatifs – effectués plus ou moins spontanément par les équipes – échouent àdevenir plus qu’une attention qui fait sens à l’intérieur de l’unité, à devenir pleinement rituel.Si l’accompagnement de fin de vie éprouve la violence des alentours du mourir (symptômesréfractaires, douleurs, conséquences pour les survivants qui devront apprendre à vivre avecl’absence de leur proche décédé…), il peine à reconnaître la violence fondamentale de la morten tant que telle, comme destinée individuelle et condition anthropologique. Apaiser, adoucirces circonstances, être là, accompagner, prendre en charge, si nécessaires soient ces gestes, ilsne feront jamais disparaître le traumatisme fondamental de la mort et sa surnaturalité.

Conclusion46 Au sein de ces lieux particuliers que dessinent les USP, l’accompagnement palliatif prend une

forme spécifique par son inscription dans l’espace, doublement révélatrice de la configurationthéorique, éthique et empirique portée par la médecine palliative et de la prise en chargedes mourants dans notre société. En s’élevant contre le « tabou de la mort » et son cortègede souffrances, les acteurs de la médecine palliative ont forgé une nouvelle médicalisationdu mourir qui répond à sa forme contemporaine  : la fin de vie. Basée sur une conceptionglobale de la souffrance, elle se déploie autour de quatre piliers (sociale, psychique, spirituelet physiologique). Les souffrances de la fin de vie deviennent les lieux d’intervention del’accompagnement palliatif  : ici, la mort n’est alors plus un échec de la médecine en tantque telle dans la mesure où les pratiques médicales concentrent leur effort sur le mourir que

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condense chaque mourant, et non plus sur la mort qu’il faudrait repousser (Carol, 2004). Nédu combat contre le « tabou de la mort » et de la construction mythique d’une « mort familièred’autrefois », l’accompagnement palliatif de la fin de vie tente de mettre en place des processusde réappropriation de la mort par la médecine et par la société contemporaine : de l’abandonsocial et médical au façonnage médical des relations sociales autour du mourant  ; du dénipsychique à l’investigation de la subjectivité ; de la carence spirituelle à la symbolisation ;de l’artificialisation du corps et de la vie par la biomédecine à la naturalisation du mourir etde la mort.

47 Cette configuration théorique heurte d’emblée le patient et, par ricochet, les membres de sonentourage et ceux qui interviennent – professionnels ou bénévoles – auprès d’eux. Mais ici,les corps souffrants sont pénétrés par le temps qui les traverse : le fait pathologique se situemoins dans l’espace tangible du corps ou dans le siège de l’affection, que dans le temps.Pour la médecine palliative, le symptôme ne se « constitue ni autour d’un organe ou d’unemaladie, mais autour d’un temps de la vie » (Dabouis & Derzelle, 2004 : 254). Cette dimensiontemporelle des maladies mobilise les notions de période, de phase, de chronicisation, de tempsintérieur du malade et de la mise en récit qu’il produit. L’apparition de ce nouveau regardmédical, concomitant à l’analyse des troubles fonctionnels et chroniques (Baszanger, 1995),amorce une médecine qui cherche à réunifier le corps segmenté du patient réduit à une étenduebiophysiologique. Cette médecine globale modifie ainsi par écho l’organisation du champprofessionnel soignant  : se mettent en place des équipes pluridisciplinaires qui interrogentles relations entre spécialités médicales, la hiérarchie médicale classique, ainsi que la placedes intervenants non soignants (psychologue, assistant social, etc.) et non professionnels(bénévoles). L’analyse spatiale d’une Unité de Soins Palliatifs révèle en creux la configurationthéorique qui a présidé à sa construction et à son usage, mais également la manière dont cettedernière s’articule aux pratiques effectives de soins appliqués aux acteurs concernés. Au-delà,elle distribue les corps et les fait circuler en fonction de leur statut et de leur rôle pour organiserl’aménagement des temporalités hétérogènes de la fin de vie : façonner les relations sociales,investir la subjectivité, amorcer et suivre les processus du mourir et des deuils, les mettre ensens et en scène.

48 Premières structures créées lors de l’institutionnalisation de la médecine palliative, les USPsont pourtant, dès le départ, vouées à être limitées en nombre, ayant pour mission la diffusionde la démarche palliative dans l’ensemble du champ médical  : « à terme, tous les serviceshospitaliers prenant en charge des malades lourds doivent être en mesure de pratiquer lessoins palliatifs »18. C’est pourquoi, plus qu’une forme de démédicalisation du mourir, il s’agitplutôt d’une reconfiguration des rapports de la médecine à la mort (Higgins, 2003 ; Moulin,2000). Les pionniers de la médecine palliative se sont d’ailleurs insurgés contre les excès de lamédecine curative, et non contre la légitimité de la médecine à avoir quelque chose à dire de lamort et du mourir. De même, le débat public français sur la mort montre une remise en cause,voire des méfiances à l’égard du pouvoir médical, mais il ne s’agit pas d’une remise en causede la médecine en tant que telle, puisque c’est à elle que s’adressent tout autant les demandesd’euthanasie que celles de soins palliatifs. L’avènement de la médecine palliative fait partied’un ensemble plus vaste de transformation radicale du champ médical qui se transforme,depuis la seconde moitié du XXe siècle, d’une médecine de la maladie à une médecine de lasanté (Golse, 2001), redéfinissant par-là les formes du processus de médicalisation des corpset de la société (Aïach & Delanoë, 1998). Ce nouveau cadre médical se caractérise surtoutpar une nouvelle configuration de prise en charge, dans laquelle il ne s’agit pas tant d’unnouvel humanisme médical que d’une médecine qui fait face aux changements des conditionscontemporaines de la maladie et aux rapports que la société entretient à la mort (Armstrong,1984 ; Arney & Bergen, 1984).

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Notes

1 Source  : <  http://social-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/soins-palliatifs/  >Page consultée le 15 mai 2016. S’il existe des institutions palliatives proprement dites(Equipes Mobiles [EMSP] ou Territoriale [ETSP] et réseaux, pratiquant en institutions et à domicile,Lits Identifiés de Soins Palliatifs [LISP] au sein de services curatifs et Unités de Soins Palliatifs [USP]),des soins palliatifs sont réalisés dans d’autres services médicaux.2 Ce travail de terrain, réalisé dans le cadre d’un master 2 de sociologie, est actuellement poursuivi dansle cadre d’une recherche doctorale qui vise à comparer différentes structures palliatives (USP, EMSP,LISP, ETSP). La recherche empirique dans l’USP étudiée était encadrée par une convention de stageentre l’établissement et l’université sans contrepartie financière. Elle a consisté en une observation desintervenants (professionnels et bénévoles : suivi des activités quotidiennes propres à chaque fonction etdes différents temps collectifs) sur une période de trois mois, puis en la réalisation d’entretiens semi-directifs auprès d’une quinzaine d’entre eux, ainsi qu’avec l’architecte du lieu. L’équipe est composéed’une trentaine de personnes  : une médecin-responsable, deux médecins, une cadre de santé, unedizaine d’infirmiers, une dizaine d’aides-soignants – dont une également esthéticienne –, un agent desservices hospitaliers, une secrétaire, une kinésithérapeute, une psychologue, une assistante-sociale etquatre bénévoles d’accompagnement. Cette contribution a été nourrie d’une réflexion commune avecl’architecte Didier Salon que je tiens ici à remercier pour ses éclairages (Eynard & Salon, 2006).3 En 2013, 32 % des USP étaient implantées dans des locaux neufs spécialement conçus et 68 % dans deslocaux hospitaliers (dont plus de 90 % ont été réaménagés à cet effet). Source : Observatoire National dela Fin de Vie, « Unités de Soins Palliatifs », 2013. < http://www.onfv.org/les-unites-de-soins-palliatifs/ >.Page consultée le 15 mai 2016.4 Source : Société Française d’Accompagnement et de soins Palliatifs (SFAP), Annuaire des structures desoins palliatifs et des associations de bénévoles d’accompagnement de la SFAP – Janvier 2016. < http://www.sfap.org/annuaire >. Page consultée le 15 mai 2016. L’unité regroupe treize chambres (la moyennenationale est de douze lits par USP), mais sa capacité d’accueil est de douze patients afin de respecterune vacuité de 48 h suite à un décès et de garder une chambre libre en cas d’urgence (c’est le cas de21 % des USP françaises). Source : Observatoire National de la Fin de Vie, « Unités de Soins Palliatifs »,2013. < http://www.onfv.org/les-unites-de-soins-palliatifs/ >. Page consultée le 15 mai 2016.5 Nationalement, en 2012, 67 % des séjours en USP se concluent par un décès dont 12 % surviennent dansles 48 premières heures ; la durée moyenne de séjour est de 17 jours. Source : Observatoire National de laFin de Vie, « Unités de Soins Palliatifs », 2013. < http://www.onfv.org/les-unites-de-soins-palliatifs/ >.Page consultée le 15 mai 2016.

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6 Leur contestation plonge ses racines dans les thèses relatives au tabou de la mort qui émergent entre lesannées 1950 et 1970 en philosophie et en sciences humaines et sociales : Ariès (1975), Baudrillard (1976),Gorer (1955), Jankélévitch (1966), Morin (1951), Thomas (1975), Vovelle (1974), Ziegler (1975).7 On retrouve ici la conception globale de l’individu défendue par la médecine palliative dès sonorigine. De l’observation des malades en fin de vie, Cicely Saunders, pionnière de la médecine palliative,développe dans les années 1960 la notion de total pain (souffrance globale) qui définit l’humain commeun tout complexe, au sein duquel sont imbriquées des souffrances à la fois biophysiologiques, sociales,psychiques et spirituelles (Saunders, 1967). Ces quatre dimensions prennent leurs sources dans les quatregrands domaines d’influence de la médecine palliative  : la médecine de la douleur et des troubleschroniques (Baszanger, 1995), les sciences humaines et sociales autour des thèses du «  tabou de lamort », la psychanalyse et la psychiatrie entre autres relatives au deuil (Hanus, 1977  ; Kübler-Ross,1969 ; De M’Uzan, 1977) et les institutions religieuses – notamment celles ressortissant du catholicisme(Verspieren, 1984).8 Ce qui explique certaines tensions contemporaines internes au champ palliatif entre les bénévoles,pionniers de la médecine palliative et de la structuration de la SFAP, et les professionnels du palliatif.9 Depuis les années  1980, au-delà du champ palliatif, l’accompagnement est devenu une notiontransversale qui caractérise une nouvelle configuration de la relation d’aide. Sa diffusion n’est pasanodine  : elle se développe dans un cadre socio-psychologique construit à partir d’une analyse de larupture des liens sociaux, une “crise du lien social”, au regard de laquelle nombre d’institutions tendentd’y remédier (Foucart, 2008). L’enjeu n’est pas tant d’intégrer la personne accompagnée au mondesocial – au sens où on lui assigne un rôle auquel elle doit se conformer –, mais de lui permettre dedonner elle-même un sens à sa situation et de construire une relation subjective au monde par lesrelations établies (Gagnon et al., 2011). Le néologisme « accompagnant », forgé au sein de la médecinepalliative, connaîtra un succès extramédical pour désigner « celui qui accompagne ». Le terme existantd’« accompagnateur » marque sans doute trop explicitement par son champ lexical les aspects directif etasymétrique de la relation accompagné/accompagnateur, ainsi que l’idée d’une destination préexistanteà l’accompagnement. Au contraire, le mot « accompagnant », forme substantivée du participe présent duverbe « accompagner », marque plutôt, par l’aspect inaccompli, le procès en cours de déroulement.10 Sur les différentes acceptions et applications de la notion d’autonomie en médecine (sphèresclinique, éthique et juridique) et particulièrement sur les liens entre autonomie, maladies chroniques etnormalisation, voir Ménoret, 2015.11 La régulation des relations sociales entre les différents acteurs de la scène du mourir va jusqu’àhiérarchiser, parfois sans fondement juridique, les avis des différents proches sur la situation ou lessupposées volontés du patient. Si la « personne de confiance » (introduite par la loi no 2005-370 du22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie) hiérarchise juridiquement les avis desdifférents proches sur les souhaits – supposés ou émis du vivant – du patient quant à sa situation, sonrôle est d’une part encore peu connu, et d’autre part, même lorsqu’elle existe, les situations entourantles fins de vie demandent un travail relationnel et d’accompagnement vis-à-vis des proches qui dépassele cadre strictement juridique.12 On peut noter ici la vision parfois idyllique qu’ont les équipes de « la famille » ou de « l’entourage »qui est perçu a priori, voire en soi, comme bienfaiteur, et dont les tensions internes doivent supposéments’apaiser au long de l’accompagnement. Si cette représentation de l’entourage et sa régulation seretrouvent dans beaucoup de structures palliatives, elles sont d’autant plus fortes dans les USP du fait deleur caractère clos, du relai central que prend l’équipe dans la prise en charge et de l’incitation faite auxproches à investir fortement la prise en charge et les locaux.13 Ce flottement tient à une même situation liminale du corps : le mourant est un vivant déjà absent,le cadavre un mort encore présent. Les rituels funéraires connaissent un dédoublement de la structureternaire classique des rites de passage (Van Gennep, 1991). En effet, c’est avec l’annonce de l’agonie, quidésigne un individu comme mourant, que les rites du mourir débutent : première séparation avec le mondequotidien des vivants qui amorce la période liminale de l’accompagnement (il quitte le monde des vivantssans être pour autant être encore agrégé au monde des morts). Le décès va déclencher doublement ladernière phase d’agrégation des rites du mourir (l’agrégation qui clôt le passage du mourant au cadavre)et la première des rites de l’après-mort (la séparation), amorçant une nouvelle période liminale jusqu’àl’agrégation finale du mort au monde des morts et de l’invisible, un au-delà du monde quotidien desvivants (actualisation de la mutation du corps mort en défunt : ancêtre, esprit, fantôme, etc.). La phaseoblative correspond donc au jeu opposé et complémentaire de séparation du mourant avec le mondequotidien des vivants et de retenue du cadavre dans celui-ci.14 Celle-ci est à différencier des toilettes mortuaires et soins thanatopraxiques, lesquels sont réalisésultérieurement dans une salle dédiée et par des professionnels spécifiques, souvent après le départ ducorps de l’unité.15 La salle de présentation n’est utilisée que sur demande des familles, habituellement lorsque des rituelsreligieux seront effectués par la suite. La majorité des professionnels préfèrent que le corps reste dans la

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chambre du patient afin que l’événement du décès ne soit pas une rupture brutale, mais le prolongementde l’accompagnement de fin de vie.16 On peut noter l’apparition concomitante d’une tentative paradoxale de (re)ritualisation et de(dé)médicalisation de la naissance par certains mouvements soignants, et qui suscite des interrogationssimilaires (Memmi, 2011).17 Source  : SFAP. <  http://www.sfap.org/rubrique/definition-et-organisation-des-soins-palliatifs-en-france >. Consultée le 15 mai 2016.18 Circulaire, dite Laroque, du 26 août 1986 relative à l’organisation des soins et à l’accompagnementdes malades en phase terminale.

Pour citer cet article

Référence électronique

Pauline Launay, « Du “tabou de la mort” à l’accompagnement de fin de vie. », Anthropologie &Santé [En ligne], 12 | 2016, mis en ligne le 30 mai 2016, consulté le 31 mai 2016. URL : http://anthropologiesante.revues.org/2094 ; DOI : 10.4000/anthropologiesante.2094

À propos de l’auteur

Pauline LaunayDoctorante en sociologie, Laboratoire CERReV, Université de Caen Normandie – MRSH, CAMPUS1, Esplanade de la Paix CS 14032, 14032 CAEN cedex 5, France, [email protected]

Droits d’auteur

Anthropologie & Santé est mis à disposition selon les termes de la licence Creative CommonsAttribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

Résumés

 Dans la seconde moitié du XXe siècle, la médecine palliative a pris corps avec le sentimentd’un nécessaire renouvellement de la prise en charge des incurables, qui contraste aveccelle pratiquée dans les hôpitaux jusqu’alors. Son institutionnalisation en France dans lesannées 1980 débouche sur la création d’un lieu spécifique, l’Unité de Soins Palliatifs (USP),particulièrement révélateur de la configuration théorique, éthique et empirique de la médecinepalliative. Devenue synonyme des pratiques palliatives, la notion d’accompagnement defin de vie signe le passage d’une négativité – combattre le “tabou de la mort” – à unepositivité dans la configuration d’une nouvelle médicalisation du mourir. À travers l’étude dela disposition spatiale (architecture, topographie et ambiance) d’une Unité de Soins Palliatifs,nous souhaitons montrer en quoi ce lieu particulier peut être un révélateur de cette nouvelleconfiguration médicale.

From the “taboo of death” to the end-of-life accompaniment. Thespatial arrangement of dying process into a French Palliative CareUnitIn the middle of the twentieth century, the growing need to provide a new type of care topatients suffering from incurable diseases, distinct from the care given until then in hospitals,resulted in the emergence of palliative medicine. Thus, palliative medicine allows to questionthe meaning of care issues within the contemporary medical field. Its institutionalization inFrance in the 1980s led to the creation of a specific place, the Palliative Care Unit, especially

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revealing of the theoretical, ethical and empirical configuration of palliative medicine.Synonym of palliative care, the notion of end-of-life accompaniment characterizes a transitionin the medicalization of the dying process : from negativity – fighting the “taboo of death”– to positivity. Through the study of the spatial arrangement (architecture, topography andambience) of a Palliative Care Unit, we want to show how this particular place can illustratethis new medical configuration.

Entrées d’index

Mots-clés : architecture thérapeutique, épistémologie médicale, accompagnement defin de vie, unité de soins palliatifs, médecine palliativeKeywords :  therapeutic architecture, medical epistemology, end of life support,palliative care unit, palliative medicine