Du sourire intérieur à la joie imprenable UNE PRISE...

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Du sourire intérieur à la joie imprenable 1 S’il est un domaine qui échappe à la science contemporaine, c’est celui du sens à donner à la vie, à notre vie. Rien ne peut nous indiquer où situer le sourire intérieur ou la joie imprenable. Au mieux, et faute de mieux, nous déclarons que c’est une affaire personnelle, mais cela ne règle pas grand-chose. Où peut-on néanmoins raisonnablement chercher ? UNE PRISE DE CONSCIENCE NÉCESSAIRE Notre mental fonctionne, souvent sans même que nous le remarquions, au moyen de prédictions qui se réalisent d’elles-mêmes, du fait de notre adaptation au monde et aux autres, par nos attentes, accords, convenances ou adaptations réciproques. Nous construisons fondamentalement le système, la réalité qu’ensuite nous subissons ! Ces projections émanent aussi bien de notre mémoire déclarative, consciente, que de la mémoire non-déclarative, donc implicite et inconsciente. Toutes deux sont sollicitées pour appréhender le quotidien et nous permettre de nous y adapter au mieux. C’est dire que nous décodons la réalité de manière très subjective et personnelle, en fonction de nos réussites et de nos échecs, de nos capacités et de nos doutes, etc. La mémoire « inconsciente » nous fait chercher instinctivement le contentement, elle cherche à éviter la douleur. En cas de traumatisme grave, elle peut basculer dans l’hypervigilance, exagérer toute situation par crainte d’échouer ou de revivre une situation traumatique déjà vécue. La mémoire déclarative ordonne et classe ce qui se présente dans une sorte de rêve éveillé qui met en perspective des dangers potentiels : il va encore m’arriver ceci…Je vais encore me faire avoir…De toute façon, ca ne peut pas marcher, etc. Il y a projection de dangers potentiels, de craintes et d’échecs plus ou moins imaginaires sur une personne, sur soi-même ou sur une situation, accompagnée de stratégies imaginaires développées au cas où. Nos prédictions sont un mécanisme naturel, instinctif de défense et d’adaptation, mais il n’en est pas moins un maître tyrannique qui contient une très grande part d’auto-conditionnement qui peut s’emballer, aller jusqu’au conflit imaginaire ou encore se réfugier dans la fuite et l’évitement prudents. C’est une réalité dont il est bon de se dégager, un mécanisme à ne pas suivre à la lettre. Donc un apprentissage essentiel à faire pour quiconque aspire à vivre de manière spirituelle. Une secondarité est nécessaire. Philippe Guillemant écrivait à ce sujet sur son site (http://www.doublecause.net/index.php?page=pratique.htm): « A ce sujet, j'ai de plus en plus tendance à croire que l'amour peut être puisé dans un immense réservoir d'énergie qui se trouve tout autour de nous et je me demande même s'il ne s'agirait pas de l'énergie du vide, en tout cas je le ressens comme une source de lumière intérieure. Pour accéder à ce réservoir, je suis certain qu'il faut passer par le canal de l'être intérieur ou âme, ce qui nécessite tout d'abord une prise de conscience que nous sommes des machines organiques et que nous sommes à ce titre perpétuellement conditionnés par nos pensées, nos émotions et nos sensations. Notre ego essaie de gérer seul toute cette mécanique, et en le laissant faire continuellement nous faisons une erreur, car ainsi l'ego ne fait que se renforcer et empêcher l'esprit de parvenir à la conscience. Cela ne veut pas dire que l'ego est nuisible, mais simplement qu'il faut le considérer comme un pilote automatique pouvant être très utile. Il faut le voir comme un programme, le mieux étant d'en prendre conscience. Pour cela, il faut élever son niveau de conscience et c'est le principal objectif de la méditation. Le problème est que la pratique de la méditation ne s'inscrit pas aisément dans notre mode de vie social. On peut cependant, et c'est ce que je préconise, essayer de prendre conscience à tout moment que nous sommes en fonctionnement automatique. Dès que l'on n’est pas complètement occupé à une tâche qui monopolise toute notre attention, on peut utiliser une partie de cette attention pour s'observer soi-même. »

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Du sourire intérieur à la joie imprenable

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S’il est un domaine qui échappe à la science contemporaine, c’est celui du sens à donner à la vie, à notre vie. Rien ne peut nous indiquer où situer le sourire intérieur ou la joie imprenable. Au mieux, et faute de mieux, nous déclarons que c’est une affaire personnelle, mais cela ne règle pas grand-chose. Où peut-on néanmoins raisonnablement chercher ? UNE PRISE DE CONSCIENCE NÉCESSAIRE Notre mental fonctionne, souvent sans même que nous le remarquions, au moyen de prédictions qui se réalisent d’elles-mêmes, du fait de notre adaptation au monde et aux autres, par nos attentes, accords, convenances ou adaptations réciproques. Nous construisons fondamentalement le système, la réalité qu’ensuite nous subissons ! Ces projections émanent aussi bien de notre mémoire déclarative, consciente, que de la mémoire non-déclarative, donc implicite et inconsciente. Toutes deux sont sollicitées pour appréhender le quotidien et nous permettre de nous y adapter au mieux. C’est dire que nous décodons la réalité de manière très subjective et personnelle, en fonction de nos réussites et de nos échecs, de nos capacités et de nos doutes, etc. La mémoire « inconsciente » nous fait chercher instinctivement le contentement, elle cherche à éviter la douleur. En cas de traumatisme grave, elle peut basculer dans l’hypervigilance, exagérer toute situation par crainte d’échouer ou de revivre une situation traumatique déjà vécue. La mémoire déclarative ordonne et classe ce qui se présente dans une sorte de rêve éveillé qui met en perspective des dangers potentiels : il va encore m’arriver ceci…Je vais encore me faire avoir…De toute façon, ca ne peut pas marcher, etc. Il y a projection de dangers potentiels, de craintes et d’échecs plus ou moins imaginaires sur une personne, sur soi-même ou sur une situation, accompagnée de stratégies imaginaires développées au cas où. Nos prédictions sont un mécanisme naturel, instinctif de défense et d’adaptation, mais il n’en est pas moins un maître tyrannique qui contient une très grande part d’auto-conditionnement qui peut s’emballer, aller jusqu’au conflit imaginaire ou encore se réfugier dans la fuite et l’évitement prudents. C’est une réalité dont il est bon de se dégager, un mécanisme à ne pas suivre à la lettre. Donc un apprentissage essentiel à faire pour quiconque aspire à vivre de manière spirituelle. Une secondarité est nécessaire. Philippe Guillemant écrivait à ce sujet sur son site (http://www.doublecause.net/index.php?page=pratique.htm):

« A ce sujet, j'ai de plus en plus tendance à croire que l'amour peut être puisé dans un

immense réservoir d'énergie qui se trouve tout autour de nous et je me demande même

s'il ne s'agirait pas de l'énergie du vide, en tout cas je le ressens comme une source de

lumière intérieure. Pour accéder à ce réservoir, je suis certain qu'il faut passer par le

canal de l'être intérieur ou âme, ce qui nécessite tout d'abord une prise de conscience

que nous sommes des machines organiques et que nous sommes à ce titre

perpétuellement conditionnés par nos pensées, nos émotions et nos sensations. Notre

ego essaie de gérer seul toute cette mécanique, et en le laissant faire continuellement

nous faisons une erreur, car ainsi l'ego ne fait que se renforcer et empêcher l'esprit de parvenir à la conscience.

Cela ne veut pas dire que l'ego est nuisible, mais simplement qu'il faut le considérer

comme un pilote automatique pouvant être très utile. Il faut le voir comme un

programme, le mieux étant d'en prendre conscience. Pour cela, il faut élever son niveau

de conscience et c'est le principal objectif de la méditation. Le problème est que la

pratique de la méditation ne s'inscrit pas aisément dans notre mode de vie social. On

peut cependant, et c'est ce que je préconise, essayer de prendre conscience à tout

moment que nous sommes en fonctionnement automatique. Dès que l'on n’est pas

complètement occupé à une tâche qui monopolise toute notre attention, on peut utiliser

une partie de cette attention pour s'observer soi-même. »

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Notre réalité de machine biologique sophistiquée n’a guère de chance de nous mener au

sourire intérieur, encore moins à la joie imprenable. En fonctionnant de manière

automatique ou en laissant notre égo mener notre barque, nous risquons fort de passer notre

temps à équilibrer le conditionnement né de nos pensées, de nos sentiments et de nos

émotions. Rappelons qu’en dehors de la joie, la plupart du temps positive, les trois autres

seront vécues comme réajustement qui peut être positif ou négatif : il s’agit de la peur, de la

tristesse et de la colère. Nous pouvons tout autant les vivre comme frustrations et

ressentiments, en des boucles de rétro-actions négatives qui disent simplement l’écart entre

ce qui est et ce que nous souhaiterions qui soit. Le mode du pilotage automatique nous

suggère alors des solutions toutes faites (du genre il suffit d’insister) et fonctionne dans une

tension volontariste souvent agressive ou conquérante. Cela ne peut pas nous conduire là où

il serait si bon d’aller, vers le sourire intérieur ou la joie imprenable. C’est une voie barrée !

Pour y arriver, une prise de conscience est nécessaire, qui à son tour réclame un lâcher-prise :

nous ne sommes pas uniquement nos pensées, nos sensations ou nos émotions, nous sommes

bien plus que tout cela. Il faut indubitablement desserrer le nœud qui nous identifiait si

fortement à elles, prendre du recul, utiliser une partie de notre attention pour observer ce que

tente de faire notre égo. Nous verrons – et de mieux en mieux – à quel point nous

fonctionnons de manière réactive-adaptative, voire même en fonction de nos traumatismes

personnels. Il se trouve que nous en avons tous un en commun dont il est bon d’avoir

conscience, même si la Double Causalité n’en parle pas vraiment.

L’AMOUR INCONDITIONNEL : MYTHE OU RÉALITÉ ?

Comme l’a bien montré Paul Tillich, nous avons tous fait l’expérience du rejet et de l’hostilité

du monde : nous nous sentons rejetés dans un univers implacable, dangereux et hostile. Nous

y faisons l’expérience du manque et de la fragilité. A cela, il faut ajouter encore des

sentiments ambivalents au sujet de l’amour. Nous l’avons peut-être reçu gracieusement

comme enfant, mais par la suite cet amour est devenu conditionnel, se déclinant en autant de

récompenses et privations. Depuis, nous savons pertinemment devoir le mériter, le gagner ;

nous l’échangeons volontiers si nous sommes sûrs d’être gagnants. Cela fait de nous tous des

mendiants d’amour. Il en est même qui y ont renoncé faute de pouvoir en recevoir ou en

donner ! Or, comme l’avait si bien vu Louis Evely, on ne grandit que si on est aimé ; on ne

grandit que pour ceux qui nous aiment. Chacun de nous a grandi dans la mesure où il a été

aimé et s’est arrêté de croître quand l’amour faisait défaut. Ainsi va la vie. L’amour, au sens

large du terme, est conditionnel et peut aussi devenir une dette imposée, un chantage affectif,

ou ressortir du mécanisme de la convoitise décrit par René Girard, une stratégie pour avoir,

pour être par procuration ce qui nous fait défaut. Il devait être normalement simple

pétillement, une affirmation gratuite et libre disant : « Tu comptes pour moi, je t’apprécie, je

t’estime, etc. » Se décliner en simple accueil, en amitié ou en passion amoureuse dans la

réciprocité garantie, ou dans une complémentarité choisie. Nous savons d’expériences

pourtant que se glissent dans l’amour des quêtes assassines, des besoins inassouvis, souvent

indicibles, auxquels s’ajoute encore l’usure du temps qui banalise tout. Rude épreuve en

vérité ! Qui nous fait douter de la durabilité de l’amour. Alors quand c’est usé, on jette et on

passe à autre chose, par nécessité ou par cynisme. Si le simple amour « intéressé » est déjà

fragile et compliqué, qu’en est-il de l’amour inconditionnel ? Une gageure, très certainement.

Au mieux un rêve, un idéal prométhéen ? Tout va dépendre ici de la manière de le définir.

S’il est ouverture radicale, absolue, inconditionnelle et sans partage à l’autre, à Dieu, à la vie, alors oui, clairement, la tâche est prométhéenne. Dieu seul en a la capacité.

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S’il est accueil compatissant dans le non-jugement et la non-violence, il devient déjà plus accessible tout en restant une aventure exigeante. Il n’est pas dit ainsi que nous ayons toujours les moyens de nos ambitions ou l’énergie d’un tel don. Et s’il était plus simplement ce qu’en disait Gilbert Cesbron : « Il y a deux sortes d’amour et le seul qui mérite un A majuscule est celui qui donne plus qu’il ne reçoit. » Serait-il encore un mythe, ou une utopie ? Non, assurément ! Nous connaissons tous des gens qui donnent plus qu’ils ne reçoivent, et peut-être en sommes-nous. C’est humainement possible, et même divinement réaliste : Dieu ne donne-t-il pas plus qu’Il ne reçoit ? Dans cet Amour-là, nous donnons simplement et sans calcul parce que c’est tellement mieux ainsi. Non pour en quêter une jouissance narcissique, mais par fidélité à la Source : comme disait Jésus « vous avez reçu gratuitement, alors donnez gratuitement (Mt 10,8). » Nous pouvons entrer dans cet Amour inconditionnel pour autant qu’il découle d’un libre-choix, d’un libre-don garantis et toujours possibles. Le système devient intenable, impossible, dès qu’on lui donne une exigence absolue du genre : quand on n’a pas tout donné, on n’a rien donné ! L’infini relève de Dieu, or nous ne sommes pas Dieu ! Nous avons en toute intelligence à œuvrer dans le relatif, sans pour autant bien sûr nous complaire dans la paresse déguisée en vertu ni dans la négligence. Toutefois, cela ne devrait pas conduire à la relativisation minimaliste : l’Amour qui donne plus qu’il ne reçoit ne l’est pas, car il renvoie à cet Amour-Lumière universel et impersonnel qui qualifie le divin. Il ne saurait être en conséquence un mythe, il est une réalité que nous appréhendons toutefois dans le respect du libre-arbitre à travers la Seconde Causalité décrite par Philippe Guillemant. Mais pour cela, encore faut-il faire la distinction entre l’égo, la conscience et l’esprit. DU BON USAGE DE LA « CONSCIENCE » Comment nous est-il donné, permis d’appréhender cet Amour-Lumière intérieure ? Comment s’y prendre en vérité ? Il est utile d’abord de faire le point avec l’auteur de la Route du Temps (in http://www.doublecause.net/index.php?page=conscience.htm).

« La conscience semble donc nous servir principalement à deux choses: d'une part à

nous laisser une chance d'évoluer au temps présent vers plus de maitrise de soi, ce qui

est nécessaire lorsque nous confondons trop souvent le véritable maître de notre

machine avec le pilote automatique que constitue notre égo. D'autre part à faire des

choix authentiquement libres c'est à dire qui modifient réellement notre ligne de vie hors

du temps présent, lorsqu'enfin notre être intérieur parvient à ranger l'égo à sa place pour prendre lui-même les commandes. Nous devenons alors le réel acteur de notre vie.

Cette prise de commande par notre être intérieur associe donc les deux fonctions

distinctes de la conscience que sont l'observateur et l'acteur. La première fonction

d'observation opère au temps présent, la conscience permettant à notre organisme de

devenir un observateur voire un capteur du monde qui l'environne, intérieur comme

extérieur. La seconde fonction d'acteur, donc de création, opère hors du temps présent

en modifiant notre ligne temporelle de vie dans le sens voulu par la conscience. Elle est

donc liée à l'intention. Cette dernière fonction étant cependant intemporelle, je préfère

parler de l'action de l'esprit plutôt que de la conscience, car nous avons l'habitude de

relier la conscience au temps présent. C'est pourquoi je préfère dire que notre conscience

possède une extension hors du temps présent que je nomme l'être intérieur ou encore

l'esprit, qui réalise la fonction de l'acteur, celle du libre arbitre.

Pour réaliser cette seconde fonction essentielle, il nous faut donc tout d'abord identifier le

pilote automatique que constitue l'égo pour le désactiver, ou tout au moins, puisqu'il est

utile, faire en sorte que notre conscience fasse autre chose que de l'observer pour

l'astiquer ou l'entretenir comme s'il était notre vraie personnalité, alors que ce pilote

automatique n'est en réalité qu'un instrument sans âme. Si nous n'avons plus besoin

d'observer ce faux miroir de nous-mêmes et que nous devenons alors capables de nous

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observer réellement nous-mêmes, c'est à dire d'observer nos actes et surtout nos

pensées (comme si nous étions quelqu'un d'autre), nous pouvons alors vivre en toute

conscience au temps présent, puis découvrir enfin l'existence de notre véritable être

intérieur. Dans un second stade, ce dernier pourra alors nous instruire sur le sens de

notre vie, qu'il est seul à connaître, et faire ainsi émerger nos intentions authentiques.

Toutes les techniques de développement personnel ont pour but de parvenir au moins au

premier stade, celui qui nous fait déjà découvrir le bonheur inconditionnel de vivre en

toute conscience au temps présent. Au second stade, nous pouvons alors commencer à

réaliser notre raison d'être, une oeuvre qui se construit hors du temps et qui se réalise

dans le futur avant même que ne se forment les voies qui nous y mènent. Nous

remarquerons alors que l'univers nous facilite la tâche, car ces voies se forment au fur et

à mesure où l'on avance en toute confiance vers elles (voir la théorie de la double

causalité pour en comprendre le mécanisme).

Bien entendu, nous sommes la plupart du temps contraints par différents facteurs

sociétaux de réaliser dans le présent des choses qui nous sont imposées, en résultante

de notre vie passée (ou karma), choses que l'on ne peut abandonner facilement afin de

consacrer notre présent à vivre en conscience. Et aujourd'hui plus que jamais, force est

de constater que nous vivons dans une société qui restreint de plus en plus nos possibilités de dégager du temps pour vivre réellement dans le présent.

A ce stade, j'espère avoir éclairé le lecteur sur la seconde fonction la plus créative de la

conscience, celle qui se trouve en lien étroit avec notre libre arbitre, celle qui a le pouvoir

de créer notre réalité hors du temps, dans notre futur, le pouvoir de générer par voie de

conséquence des synchronicités qui témoignent de la magie du fonctionnement de l'univers.

Voila donc à mon avis le véritable rapport entre la conscience et la réalité quantique du

monde dont les physiciens nous instruisent, au travers de la confirmation que chaque

observateur que nous sommes sélectionne une réalité unique parmi d'infinis potentiels de

réalisation. D'après le modèle le plus couramment admis en physique, cette sélection se

fait par hasard, l'observateur ne faisant que faire rentrer dans la réalité le résultat de

cette sélection, rien d'autre. Or une sélection par hasard de la réalité revient à penser

que Dieu joue aux dés, idée que ne supportait pas Einstein, et je pense qu'il a raison.

Selon la théorie de la double causalité, notre conscience sert effectivement à

l'observation d'une sélection unique, mais cette sélection ne se fait pas du tout par

hasard, ni même dans le présent: elle se prépare en fonction de nos états de conscience

passés qui ont directement modelé notre futur. Son entrée dans le présent est donc déjà

préparée. Mais il faut comprendre que cette préparation est commune à toutes les

consciences d'un même monde, voila pourquoi les choses ne sont pas aussi simples. Une

première recommandation donc: sortez des sentiers battus ! (bien d'autres dans mon livre). »

La lumière intérieure conduit ainsi d’abord à prendre distance d’avec l’égo pour découvrir le bonheur de vivre en toute conscience le moment présent. C’est une condition impérative, seule à même de laisser surgir notre être intérieur véritable. C’est lui qui doit pouvoir prendre les commandes de notre vie, nous sortir de nos adaptations réactives conquérantes ou plutôt désabusées. L’enjeu majeur demeure celui de quitter nos peurs, nos tristesses et nos colères qui toutes annulent l’Amour. Il y a donc d’abord un passage obligé, un lâcher-prise à consentir si bien résumé par Khalil Gibran : « Les gens fatigués nous disent que la vie est obscurité, et dans nos fatigues nous répétons ce qu’ils disent. La vie est réellement obscurité, sauf là où il y a élan. Et tout élan est aveugle, sauf là où il y a savoir. Et tout savoir est vain, sauf là où il y a travail. Et tout travail est vain, sauf là où il y a amour. Et lorsque vous travaillez avec amour, vous vous liez à vous-mêmes, l’un à l’autre et à Dieu aussi. » Dans nos obscurités, nous avons de bonnes raisons de douter de la lumière-amour, mais si nous en restons là, alors notre quotidien devient ténèbres et chaos. C’est une conséquence obligée pas assez soulignée par Philippe Guillemant. Nous referons sans cesse

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l’expérience d’être jetés dans un monde absurde, calculateur, froid et cruel qui nous pousse à être aux aguets, à tirer notre épingle du jeu. Nous postulerons à l’infini la réalité du non-amour, ce maître exigeant qui nous incite à nous méfier de tout et de tous. Nous deviendrons alors les maîtres du soupçon pontifiant : l’homme n’est-il pas définitivement un loup pour l’homme ? La vie n’est-elle pas une lutte qui sanctifie les plus forts et les plus adaptés ? Ne sommes-nous pas naturellement égoïstes ? La morsure de la lucidité nous met aux aguets, sur le qui-vive et la défensive, et notre lumière intérieure faiblit considérablement, au point d’étouffer notre être intérieur. A terme, il y a risque majeur de dessèchement avec pour conséquence l’impossibilité de goûter au bonheur de vivre en toute conscience le moment présent. C’est une privation que nous nous infligeons à nous-mêmes en réalité. Notre « instinct », par notre corps, nous fait rechercher le contentement et la sécurité, il tend à faire émerger un équilibre dans le chaos de ce monde hostile, et nos réponses sont sensées ne pas engendrer encore plus de chaos. Nous savons d’expérience aussi combien l’usage de la force et celui de la violence créent le désordre et l’insécurité. Cela devrait nous conduire naturellement à préférer l’amour comme sentiment qui nous conduit le plus sûrement à l’équilibre recherché. Seulement voilà : il y aussi nos blessures narcissiques et affectives dont notre corps garde la trace. Lui nous suggère la prudence et la méfiance. Il est notre sonnerie d’alarme, un acteur vigilant qui nous incite à l’évitement de la douleur. Si nous laissons notre égo gérer tout ça, il fera au mieux des circonstances. Mais nous ferons toujours plus de la même chose en passant d’une quête à l’autre, d’un besoin à un autre, du chaos à un équilibre précaire, dans une adaptation permanente réactive ou conquérante. Pour goûter au bonheur de vivre en toute conscience le moment présent, il n’y a qu’une seule issue : il faut sortir de ce cadre étroit. La solution se trouve hors du système, comme dans cette énigme bien connue :

Relier les 9 points à l'aide de 4 droites, sans jamais lever le crayon. L’unique manière d’y arriver consiste à sortir du cadre.

L’amour comme intuition d’un équilibre harmonieux est à chercher principalement en

dehors de nous-mêmes, comme l’avaient bien pressentis les mystiques, en ce lieu où les

besoins sont comblés et apaisés, où l’équilibre est possible. Cela nous renvoie invariablement

à ce Dieu saint et juste, bon et détestant le mal ou la violence dont Jésus s’est fait l’écho. C’est

en Lui qui nous pourrons trouver l’équilibre recherché dans la suspension de nos adaptations

réactives ou conquérantes générées par notre corps-conscience. Par cet effet suspensif, notre

être intérieur peut alors prendre le relais. Il ne va pas décider pour nous ni même nous

imposer quoi que ce soit. Il rend possible le passage à une supra-conscience, à une

compréhension ténue d’un au-delà à l’immanence, d’un lieu d’équilibre où les désirs et les

besoins sont apaisés ; il nous permet des instants fugaces d’extase ou de grande clairvoyance,

autant d’expériences fortes qui nous permettent de changer nos valeurs, et par voie de

conséquence nos styles de vie. Il nous emmène au niveau des énergies subtiles de cet amour-

lumière universel et impersonnel à qui nous pouvons confier nos intentions, nos désirs, nos

souhaits, nos recherches d’équilibre dans l’attente confiante et sereine d’une réponse adaptée

qui va se matérialiser si nous décidons de l’accueillir quand elle se présente. Ici tout se fait

dans le respect divin absolu du libre-arbitre et de la non-imposition. Nous restons

fondamentalement les observateurs- acteurs - capteurs de cette énergie subtile qui ne pourra

se concrétiser que si l’environnement le permet, en nous et autour de nous. Cet amour-

lumière exclut tout interventionnisme, toute imposition ou punition. Nous en avons la

conscience et la certitude. Et c’est en cette conviction intime, renforcée encore par des

sensations nouvelles, des intuitions créatives, des heureuses coïncidences ou des

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synchronicités, que nous pouvons laisser notre être intérieur prendre les commandes de

notre vie. Nous le ferons même avec un sourire intérieur en sachant combien nous avons un

allié précieux, fidèle et respectueux. Il nous suffit de nous laisser tomber en Lui,

d’abandonner l’égo, comme nos volontés de maîtrise et de puissance : ne plus vouloir en

somme rechercher en notre identité biologique l’équilibre désirable. Nos peurs ataviques, nos

tristesses et nos colères réactives sont alors grandement apaisées : nous savons que nous

souffrons de nous y être attachés faute de mieux, et nous savons quoi leur opposer. Alors

Dieu peut vraiment nous être favorable doublement même : comme source d’inspiration en la

Première Causalité et comme source d’exhaussement en la Seconde Causalité.

SORTIR DES SENTIERS BATTUS

Globalement, l’abandon de l’égo nous a conduits au sourire intérieur, au bonheur de vivre en

toute conscience le moment présent. Il nous a permis d’accéder à notre être intérieur. Nous

aurons néanmoins à interagir avec le monde et les autres. Comment le faire au mieux sans

risquer de nous y perdre ou de retomber sous la coupe de notre corps-conscience limité ?

Deux attitudes vont être ici essentielles, résumées par Philippe Guillemant :

1. sortir des habitudes et sentiers battus au moment de la demande (ou

s'apprêter à le faire): voici un élément fondamental. Voyez vous, nous avons un

arbre de vie qui contient toutes nos possibilités de réalisation, encore faut-il les

activer par l'action. Elles peuvent être immenses si on inclut tout ce que le hasard

pourrait nous apporter, encore faut-il ne pas se retrouver aveugles face au hasard

des opportunités. Nos habitudes nous en empêchent, elles nous positionnent sur

un seul et même rail où l'on ne voit même plus les aiguillages encore présents,

même dans ce cas, autour de nous. 2. se positionner dans le don de soi et en ressentir l'amour qui

l'accompagne: c'est le plus important. L'amour authentique, l'amour de la vie,

est l'essence même du moteur de notre libre arbitre et il se réactive par le don de

soi. On pourrait aussi puiser dans l'amour donné par autrui, mais cette dernière

essence a tendance à nourrir plutôt l'ego. L'amour-essence est en liaison directe

avec les probabilités que nous sommes capables de faire se mouvoir dans notre

futur. C'est lui qui donne de l'énergie à la forme du "rêve éveillé", énergie qui

peut alors grossir les voies non causales qui en sont issues. Ne pas oublier que

l'esprit est la forme, l'adresse de destination, le contenant du rêve éveillé.

L'amour est son contenu, son amplitude, son volume, son intensité. C'est ce qui

en fait toute la puissance en matière d'augmentation des probabilités des hasards

qui mènent à destination.

Dès lors que nous avons trouvé la juste distance d’avec l’égo, nous vivons dans le sourire

intérieur, dans le bonheur de vivre en toute conscience le moment présent. Mais cela veut

dire en somme que nous recherchons l’Amour comme équilibre – ou l’équilibre de l’Amour -,

ce qui nous fait sortir des sentiers battus, tout particulièrement des fonctions adaptatives-

réactives de notre corps-conscience. Notre être intérieur est alors sollicité doublement : par

nos rêves éveillés aspirant à vivre d’autres opportunités. Cela se fera par notre Esprit et notre

Âme que nous pouvons accompagner en étant généreux, désintéressés, et d’autre part dans

le don de soi accompagné de cet amour de la vie qui équilibre tout. Nous pouvons aussi, ne

l’oublions pas, œuvrer dans la Première Causalité, celle qui dépend de nous, de nos choix,

tout simplement en faisant le bien, en vivant de cet Amour qui donne plus qu’il ne reçoit. Là

aussi, il convient de le faire de manière généreuse et désintéressée. Par l’attention et

l’observation, nous saurons où nous souhaitons mettre de l’équilibre, ou comment nous

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allons refuser d’alimenter le chaos engendré par les fureurs et passions humaines qui

s’affrontent inlassablement. Notre positionnement n’est pas anodin : d’abord, c’est ainsi que

nous guérissons notre passé de ses errances chaotiques, ensuite, en osant donner, sans

contrainte ni chagrin, plus que nous recevons, nous fortifions cette distance nécessaire d’avec

notre corps-conscience, ce qui revient à renforcer notre être intérieur. Ici comme partout, le

chemin est le but. Nous cherchons à vivre, à expérimenter l’équilibre de l’Amour. Cela suscite

une boucle de rétroaction positive, car notre être intérieur est autorisé à nous aider, ce qu’il

pourra faire d’autant plus si sommes attentifs à cette petite voix intérieure qui nous conseille,

ou encore si nous savons accueillir des sensations, des intuitions nouvelles. Nous gardons

assurément notre libre-arbitre : rien ne nous sera imposé ! Au contraire, tout est suggéré. Il

nous incombe de saisir les opportunités matérialisées par l’Univers ou celles qui se

présentent comme don à faire. L’Amour en sa fonction d’équilibre restauré coïncide avec

l’Amour-lumière qui nous régénère et nous sanctifie. Nous savons alors que nous sommes sur

la bonne voie. Notre corps-conscience s’en trouve peu à peu apaisé ; nous savons désormais

beaucoup mieux où chercher le contentement et l’apaisement ; nos actions sont orientées

vers ces lieux, ces moments – comme disait Maurice Bellet – où il est bon d’être né, où il fait

bon vivre, où l’on peut s’accueillir et partager dans le respect, la non-violence et le non-

jugement. Cela contribue nécessairement à soigner nos blessures d’amour-propre et nos

traumatismes antérieurs.

Le mécanisme semble clair. Y a-t-il une faille, un non-dit ou encore une référence implicite

dont il faudrait tenir compte ? Il y a je crois un arrière-fond oriental implicite dans la Double

Causalité dont il est bon d’avoir conscience. En fait, l’approche décrite du rapport entre l’être

intérieur et l’Amour-lumière semble, comme dans les pensées orientales, s’autosuffire au

point d’abolir quasiment toutes les obligations vis-à-vis du monde. En exagérant à peine la

démarche, je dirais que l’Éveillé possède un grand abandon, une grande sérénité et un grand

amour qui lui permettent – comme par magie - de se dégager de la pesanteur de la mort, de

l’absurde ou de la cruauté du monde. Il peut goûter tranquillement au bonheur de vivre le

moment présent. Qu’en est-il pour celles et ceux parmi les moins favorisés qui trient les

poubelles dans les bidonvilles, souffrent de maladie douloureuse, peinent à pouvoir survivre

tout simplement ? Peuvent-ils goûter sans autre au bonheur de vivre en toute conscience le

moment présent ? Ou faut-il alors comme dans la pensée orientale annoncer que tout

bonheur ou toute souffrance, toute santé ou tout mal-être sera ou non accentué par notre

soumission à notre corps-conscience biologique, et par nos attachements démesurés qui en

découlent ? Les recommandations de Philippe Guillemant semblent aller dans ce sens quand

il écrit sur son site : « Contrairement à son but, l’attachement à un être ou à une chose

n’est pas la meilleure façon de rendre sa présence durable. En recherchant la sécurité ou

la permanence, l’attachement finit par dévoiler des liens qui par cette mise en évidence

demandent au futur à être défaits. Le détachement est la plus puissante des valeurs, car

pour commencer il rend l’amour éternel (à ne pas confondre avec la séparation). » En

réalité, l’attachement véhicule implicitement une demande de sécurité et de permanence en

violation avec le principe du libre-arbitre ; le détachement au contraire dit une préférence en

respectant la liberté de l’autre en le laissant se déterminer par lui-même. Cela fait toute la

différence. Peut-on néanmoins s’être vidé de toute quête de permanence et de sécurité ? Les

avoir confiés de manière détachée à l’Univers par exemple en sachant qu’il nous sera

favorable pour autant que notre environnement immédiat le permette ? Et s’il ne l’est pas ? Il

nous faudrait alors en tirer les conséquences et changer d’environnement, en demandant

bien sûr à notre être intérieur de nous éclairer et de nous y aider ! C’est aussi cela sortir des

sentiers battus ! Mais cela risque de ne guère être évident pour les deux tiers de l’humanité

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qui vivent dans une extrême pauvreté ! Tout comme la difficulté sera réelle pour les plus

démunis de chez nous qui n’ont guère de possibilité de changer leur environnement…Je ne

peux quant à moi me sentir détaché de la pesanteur du mortifère, de l’absurde ou de la

cruauté humaine sans me sentir interpellé, et donc invité à agir contre l’exploitation de

l’homme par l’homme sous toutes ses formes.

Cela étant, sur un plan personnel cette fois, l’invitation à oser l’impermanence et l’insécurité

est cohérente, car bon nombre de nos choix, y compris les plus malheureux, sont maintenus

pour ne pas devoir changer nos repères, nos valeurs ou nos habitudes. Nous souffrons en

réalité paradoxalement de nos attachements mondains sensés nous aider à moins souffrir, ou

pire destinés à lutter contre la crainte de souffrir, d’être déçu, d’échouer, etc. En réalité, notre

corps-conscience, en mode automatique, est « programmé » pour rechercher la sécurité et

l’attachement. Nous aurons à le tranquilliser tout en le débordant, à faire preuve envers lui,

comme envers toute personne, d’une grande empathie ou compassion, car nous savons, en

partie confusément mais de mieux en mieux, que notre attachement comme notre sécurité

sont dans cet amour-lumière auquel nous accédons par notre être intérieur. Mais nous ne

pouvons y accéder ou le laisser agir qu’en quittant les fausses sécurités et les faux

attachements du monde. C’est la porte étroite qui mène au salut.

LA COMPASSION : UN CHEMIN THÉRAPEUTIQUE

La quête de l’Amour est quête d’équilibre, et il ne peut y avoir d’équilibre sans Amour. Il est

notre seule sécurité, la seule permanence à rechercher. La quête de soi ou du monde est

déséquilibre et chaos, source de luttes, de souffrances et d’inadaptations malheureuses qui

ont conditionné notre corps-conscience. Par analogie avec la compassion bouddhiste, nous

pouvons ainsi dire une solidarité profonde avec celles et ceux qui souffrent de cette

inadaptation, car nous en ressentons aussi les effets ou les traces passées encore vivantes en

nos peurs, tristesses et colères ressassées. Si le non-Amour engendre bien le déséquilibre et le

chaos, et si la quête de soi et du monde y contribuent largement, alors il convient à mon sens

d’entrer en thérapie en le disant clairement : de laisser venir à la lumière nos obscurités en les

laissant s’exprimer sans les juger, pour ensuite les embrasser, les couvrir de cet amour-

lumière afin qu’elles puissent s’en aller. Ce « toilettage » est une nécessité, probablement une

tâche permanente à accomplir. Ne pas y consentir serait prétentieux et peu indiqué compte

tenu de tout ce que nous avons mémorisé en notre corps-conscience.

La compassion se dessine alors comme chemin de thérapie individuel. Peut-on s’en contenter? Faut-il, et doit –on, aller plus loin en imaginant par exemple un chemin vers l’autre ? Sommes-nous dans ce cas porteurs de compassion, des témoins qui revendiquons l’équilibre dans l’Amour comme seule alternative au chaos engendré par nos attachements mondains ? Ces questions ne sont pas abordées par Philippe Guillemant. Elles me semblent pourtant essentielles, car il en va de l’articulation entre le pour soi et le pour tous. Si individuellement nous sommes en mesure de goûter en pleine conscience au bonheur du moment présent, nous n’en aurons pas moins à rencontrer d’autres personnes, sauf bien sûr à faire le choix de vivre en ermite. Nous aurons donc à interagir avec elles et par la force des choses à rechercher cet équilibre de l’Amour, ce qui n’est justement –et de loin – pas toujours facile. Qu’est-ce qui va être alors déterminant ? Le principe du libre-arbitre se réclame de la non-imposition d’une part, puisque chacun doit pouvoir en toute liberté s’auto-déterminer, mais il est aussi d’autre part ouverture consciente à l’être intérieur. Nous ne saurions dès lors imposer quoi que ce soit à qui que ce soit ni même vouloir convaincre, tout comme à l’inverse, nous ne saurions laisser les autres nous imposer leurs volontés ou leurs idées chaotiques : nous pouvons au mieux, comme le faisait le psychologue américain Carl Rogers,

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dire un « venez, voyez et goûtez… » Nous serons donc interpellés – et peut-être interpellant – en tant que créateur d’équilibre et / ou par un refus peu conventionnel de souscrire au chaos engendré par la quête de soi et du monde qui se traduit, la plupart du temps, par une dialectique du passage en force ou du refus revendicateurs. Nous restons sur ce point des observateurs – capteurs – acteurs de l’Amour-lumière, des gens peu enclins à entrer dans ce genre de pratiques souvent jubilatoires, défoulatoires ou narcissiques. Pourrons-nous en rester là ? Ne pas être touchés, émus par la pesanteur du chaos si réel en chacun de nous et si destructeur plus largement dans nos sociétés ? Nous aurons à illustrer inévitablement autour de nous l’invitation divine à lâcher-prise, à quitter cette propension humaine à générer du chaos par le non-Amour en lui préférant ouvertement l’Amour qui donne plus qu’il ne reçoit. C’est une première étape incontournable, un témoignage rendu à la Vérité d’En-Haut, qui peut se faire et se traduire en toute liberté et en toute créativité même, pourvu qu’il n’use pas de la force ni du refus agressif. Il se fera avant tout bien entendu là où nous vivons, en famille, en sociétés, au travail, toujours comme une invitation à lâcher le mortifère qui engendre invariablement le chaos en nous et autour de nous. Nous ne pourrons ni le cautionner ni le minimiser – et certainement pas le justifier ! Nous devrons donc, après avoir identifié ce qui potentiellement ou réellement est porteur de chaos, nous en distancer autant que faire se peut notamment par la métacommunication, le recours à d’autres valeurs et références dites ou non-dites. Elle peut être symbolique, poétique, toute en franchise, drôle ou ferme, c’est selon, mais elle devra s’interdire d’être jugeante ou méprisante, au nom même de l’amour-lumière dont nous nous réclamons. Jésus, sur ce point, nous invite à nous poser la question essentielle : Que serait, que dirait et que ferait l’Amour ? A nous d’y répondre en toute liberté à condition de la traduire en actes. Lytta Basset écrivait fort justement : « Une compassion agissante, telle est bien la fine fleur de notre héritage juif. La Bible hébraïque, et le judaïsme dans son ensemble se méfient des belles déclarations : la compassion, comme la justice, la vérité, etc., n’a tout simplement aucun contenu sans les actes qu’elle génère ou inspire. Elle est inséparable du respect pour autrui, de la lutte pour sa dignité et ses droits. C’est à ses fruits que l’on voit son origine divine. Dans le Talmud, on la voit émerger du terreau fertile du combat pour la justice (Source : http://www.lachairetlesouffle.org/spip.php?article22). » Nourri de ma tradition chrétienne, je suis enclin à dire que l’équilibre de l’Amour – ou l’Amour comme principe d’équilibre – n’est véridique que dans les actes qu’il inspire à tous les niveaux individuels ou collectifs. Il est à la jonction du pour moi et du pour tous, sans réduction possible à l’un des pôles, ce qui nous réclame quotidiennement même si rien n’est garanti : cette recherche de l’équilibre dans et par l’Amour, même si les actes qu’elle inspire ou génère échouent, nous mène à une joie imprenable dont la nature, par définition prophétique, annonce pour soi et pour tous des changements nécessaires. Nous ne recherchons plus en notre corps-conscience un équilibre dans le chaos, dans la crainte ou le cynisme du non-Amour, nous le trouvons en notre être intérieur, dans l’équilibre de l’Amour. C’est un renversement radical basé sur l’énergie de l’Amour-lumière qui fait contrepoids, nous fait sortir des sentiers battus, en nous suggérant d’autres approches de vie. En voici un écho (Prière dite de Saint François D’Assise) : Seigneur, fais de nous des instruments de ta paix: Là où il y a la haine, que nous mettions l'amour. Là où il y a l'offense, que nous mettions le pardon. Là où il y a la discorde, que nous mettions l'union. Là où il y a l'erreur, que nous mettions la vérité. Là où il y a le doute, que nous mettions la foi. Là où il y a le désespoir, que nous mettions l'espérance. Là où il y a les ténèbres, que nous mettions la lumière.

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Là où il y a la tristesse, que nous mettions la joie. O Maître, donne-nous de ne pas tant chercher à être consolés qu'à consoler, à être compris qu'à comprendre, à être aimés qu'à aimer. Car c'est en donnant qu'on reçoit, c'est en s'oubliant qu'on se retrouve, c'est en pardonnant qu'on est pardonné, c'est en mourant qu'on ressuscite à l'éternelle vie. Amen.

L’ajustement réactionnel et oppositionnel de notre corps-conscience est désormais vécu dans

le passage du chaos à l’équilibre de l’Amour qui reste, et demeure, le but recherché sur un

plan individuel et collectif. Plus notre conviction intime sera forte et mieux nous y

parviendrons. C’est là que se trouve notre dignité et notre joie véritable.

LA JOIE IMPRENABLE

Du sourire intérieur qui nous permettait de goûter au bonheur de vivre en toute conscience le moment présent, nous sommes invités à sortir des sentiers battus en laissant l’équilibre de l’Amour générer et inspirer des actes prophétiques en rupture permanente avec le chaos. C’est une tâche qui nous met en phase, en harmonie avec l’Univers : n’est-il pas le résultat d’une explosion d’Amour, un équilibre incroyable né entre des forces titanesques ajustées avec une précision inouïe pour qu’elles ne suscitent pas le chaos ? Passer du chaos à l’équilibre de l’Amour est une joie, une émotion agréable et profonde qui s’accompagne de surcroît d’un sentiment de paix. Nous la retrouvons bien présente dans l’héritage judéo-chrétien. Nos dictionnaires nous disent ainsi que dans la Bible, les mots hébreux rendus en français par joie sont gil (= sauter, bondir de joie), simHah ou sameaH (nom et verbe) qui signifient littéralement briller ou être lumineux. Les termes grecs correspondants agalliasis et chara désignent une joie intense. Chara est de la même famille que charis: la grâce; la joie est fille de la grâce. Elle découle naturellement de la relation du croyant avec Dieu (Ps 43,4), qui est source de joie (Ps 16,11) et prend plaisir au bonheur de l’homme (Dt 30,9). Dans le Nouveau Testament, la joie est liée à l’annonce de la Bonne Nouvelle du royaume: elle accompagne la naissance de Jésus (Lc 1.47; 2.10), son entrée triomphale à Jérusalem (Mc 11.9; Lc 19.37) et sa résurrection (Mt 28.8; Lc 24.41). Dans l’évangile de Jean, Jésus est venu afin que les hommes aient sa joie en eux (Jn 17.13), il la leur donne (Jn 15.11; 16.24). L’apôtre Paul dira en Galates 5 : 22 23 « Quant au fruit de l’Esprit, c’est : amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maîtrise de soi ; aucune loi n’est contre de telles choses. » Nous pourrions tout aussi bien démontrer avec force détails comment Jésus, que j’appelle le Génie de l’Amour, a lutté sans répit contre le chaos, en le nommant ouvertement ou en le transgressant. Il s’en prend à tout: à l’hypocrisie des Pharisiens (cf. Mt 23), aux comportements religieux, aux autorités, etc. Au nom de cet Amour-lumière, Jésus va renoncer à tout ce qui nous fascine: le pouvoir, l'argent, le sexe, la gloire. Il va oser l'extrême liberté de ne dépendre de rien ni de personne, et se détacher de tout ce qui est chaotique, de la pesanteur de sa tradition juive campée dans son identité nationale, sa terre, son Temple, son Dieu, sa royauté, ses rites. Il va transgresser tous ces tabous au nom de l'Amour qui devient la seule règle de pureté...C'est en ce sens précis qu'il abolit la Loi tout en l'accomplissant. Ce qui est à aimer – comme il dira de tout son cœur, de toute son âme et de toute son intelligence (Mt 22,37), en Dieu, en soi-même et dans les autres, c’est l’équilibre de l’Amour agissant et rien d’autre. C’est ce qui est à susciter et à ressusciter. Pour comprendre le mode de vie que Dieu désire pour nous, nous devons distinguer la joie du bonheur. Les deux mots peuvent être définis comme un contentement, un délice et un plaisir en quelque chose, mais le bonheur dépend très souvent de causes extérieures. Quand les

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circonstances sont favorables et agréables, nous sommes naturellement heureux, mais quand elles se détériorent, notre humeur s’en ressent. Dans la foi chrétienne, la joie est intérieure et ne dépend pas des conditions extérieures. En tant que croyants, nous pouvons rester joyeux dans les mauvais moments comme dans les bons parce que nous trouvons notre force dans le Seigneur et dans l’équilibre de l’Amour et non dans les circonstances changeantes du monde. Nous croyons profondément que l’obscurité est avant tout, et surtout, absence de lumière intérieure qui génère le déséquilibre et le chaos. Un défi donc à relever en permanence, par des moyens spirituels (méditation, prière, vide mental, etc.) Il se pourrait même que nous ayons, à travers le sourire, une réponse biologique efficace pour amener de la lumière dans nos obscurités. Le Dr Lechler (http://www.rosee.org/page3.html) l’évoque en ces termes:

« Evoquons un moyen de détendre les nerfs qui s'est avéré pour moi étonnamment efficace. Face aux tensions constantes qui entraînent l'usure nerveuse, la question se pose : la puissance du sourire

notre organisme ne disposerait-il pas d'un dispositif qui, tout au long de la journée, sans effort particulier, pourrait réduire la tension nerveuse, comme le fait, la nuit un sommeil réparateur ? Des

pensées négatives de tristesse, d'angoisse, de haine, d'amertume, produisent une crispation des

nerfs. Celle-ci disparaît sous l'influence de pensées heureuses. On peut en déduire que la joie est indispensable pour la santé de nos nerfs, qu'elle est le meilleur moyen de les détendre. Nous ne

pouvons guère vivre sans joie : chacun le ressent instinctivement.

Chacun peut constater que la joie déclenche dans la bouche une sécrétion de salive. En effet, la salivation se produit non seulement à la perspective d'un bon repas, mais à chaque pensée heureuse.

En même temps, les nerfs qui desservent les organes internes et tout le système glandulaire se détendent. A l'inverse, la salivation est vite arrêtée, ainsi que l'activité des autres nerfs du système

autonome par des tensions psychologiques de toute sorte. N'avons-nous pas observé, à la suite de certaines émotions, que notre langue colle au palais et que nous n'avons plus d'appétit ? Cela nous

permet de comprendre les termes dans lesquels David, désespéré par sa faute, s'exprime au Psaume

32 : " La nuit, le jour, ta main pesait sur moi si bien que ma sève se desséchait comme en été le chaume ".

La sécrétion des glandes salivaires est donc un bon indice de l'état de tension de tout le système

nerveux autonome. De ce fait on conçoit aisément la joie comme moyen efficace de détente nerveuse et on peut de cette façon-là soumettre à la volonté consciente le processus de sécrétion de la salive.

La joie se trouve être un remarquable remède et tonifiant des nerfs. Il nous suffit d'une chose

agréable, comme la contemplation d'un tableau qui nous séduit (et de façon générale tout spectacle qui nous plaît), la belle musique que nous écoutons, l'attente de quelque chose d'heureux…. Puisqu'un

tel état d'esprit fait naître spontanément un sourire sur le visage, j'aimerais appeler cette méthode " l'exercice du sourire ".

Le sourire est le signe visible de la détente. La méthode est simple à concevoir et l'apprentissage en

est facile pour tous ceux qui sont capables de s'abandonner à des pensées agréables. On peut la

pratiquer à n'importe quel moment, et aussi longtemps qu'on veut, sans qu'un temps de repos soit nécessaire comme dans les autres exercices de détente. Et son effet sur le système nerveux

autonome est, le plus souvent, rapidement observable. Maux de tête, pertes d'appétit, palpitations, fatigue - lorsqu'ils sont d'origine nerveuse - ainsi que bien d'autres troubles nerveux, disparaissent dès

que nous nous mettons à sourire. La tension artérielle d'origine nerveuse baisse, le sommeil devient meilleur. Des affections psychosomatiques se ressentent de ses vertus curatives. Qui s'adonne tous

les jours à cette méthode peut constater une rapide amélioration de son état d'épuisement nerveux.

S'il prend des vacances, tout peut apparemment bien se passer, si la joie lui manque elles ne lui apporteront pas le rétablissement escompté. Mais dès que la joie emplit le cœur, les nerfs

commencent à récupérer et cela même si l'hébergement, le temps et l'environnement laissent à désirer. Certes, celui qui vit constamment dans l'angoisse et le souci, qui s'irrite et s'énerve à tout

propos, qui travaille toujours sous pression, ne sera pas capable de sourire et n'arrivera pas à

détendre ses nerfs.

Mais si l'évocation de pensées heureuses est essentielle lorsqu'on veut s'exercer au sourire, le chrétien est le mieux en mesure de procurer à ses nerfs une détente. Car il peut être reconnaissant pour tout,

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puisqu'il sait que tout lui vient de la main de son Dieu. Il peut se réjouir de tout, même des petites

choses, d'une fleur, d'un oiseau, puisqu'il les regarde comme des créatures de son Dieu et qu'il lui est

permis de Le prier sans cesse (1 Thess. 5/16,18). Et savoir qu'il est enfant de Dieu, quel motif quotidien de joie ! Il expérimente que la joie dans le Seigneur et Sa force (Néhémie 8/10) et que son

Père Céleste l'aime, prend soin de lui et le conduit sur la bonne voie.

Cette joie en Dieu est supérieure aux diverses joies du monde en ce qu'elle ne passe pas, même si les circonstances sont pénibles. Paul en avait fait l'expérience, sinon il n'aurait pu écrire alors qu'il était en

prison : " réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ", toujours, c'est à dire en toutes circonstances.

Remettez donc au Seigneur vos nerfs fatigués et vos heures d'insomnie. Ce qui revient à dire :

employez, tout en ayant recours à Dieu, les moyens naturels de fortifier vos nerfs. Mais surtout cherchez à apporter par la joie que Jésus veut donner (Jean 15/11) une vigueur nouvelle à vos nerfs

affaiblis. Vous connaîtrez alors la vérité des paroles du Psalmiste : " Il rend ta bouche joyeuse, et comme l'aigle tu seras toujours jeune " (Psaume 103/5). »

Si l’approche théologique est un peu simpliste dans ce texte, elle n’est pas pour autant

inexacte et nous pouvons sans autre l’enrichir à l’aide de la Double Causalité, par l’évocation

de notre être intérieur : c’est par lui, par notre Esprit-Âme que nous sommes en contact avec

cet amour-lumière par qui le sourire intérieur, et pour les chrétiens la joie imprenable

deviennent possibles, avec même les effets positifs sur notre santé évoqués par le Dr.Lechler.

Il n’est pas le seul scientifique à l’avoir réalisé. D’autres affirment par exemple :

"Nous croyons que l'évolution...a favorisé les aptitudes à la religion du cerveau religieux

parce que les croyances et les comportements religieux se sont révélés être bons pour nous

de façon profonde et pragmatique. Le Dr Harold Koenig écrivait "qu'une absence

d'engagement religieux a un effet sur la mortalité équivalent à quarante ans passés à fumer

un paquet de cigarettes par jour." (Extraits de Pourquoi "Dieu" ne disparaîtra pas paru aux

éd. Sully). A noter ici la mention de l’engagement religieux : ce n’est pas juste le fait de

nourrir des convictions spirituelles ou religieuses qui font effet, mais bien plutôt

l’engagement concret, ce qui est inspiré et généré par le croyant dans sa pratique de

l’équilibre dans l’Amour et son éloignement de tout ce qui engendre le chaos. La spécificité

chrétienne met l’Autre (Dieu, mon prochain, la vie) au centre de cette quête et de cette

effectuation, comme cela nous est dit dans le texte ci-après :

"LES DIX COMMANDEMENTS DE LA JOIE" : Chaque matin, fidèlement, tu demanderas la joie à Dieu.

Même en cas de désagrément, tu montreras calme et sourire. En ton cœur, tu te rediras : "Dieu qui m'aime, est toujours présent".

Sans cesse tu t'appliqueras à voir le bon côté des gens.

Tu banniras de toi la tristesse, impitoyablement. Tu éviteras plainte et critique, car il n'est rien de plus déprimant.

A ton travail tu t'emploieras, d'un cœur joyeux, allègrement. Aux visiteurs tu réserveras un accueil toujours bienveillant.

Les souffrants, tu les réconforteras, en t'oubliant totalement. En répandant partout la joie, tu l'auras pour toi, sûrement… Amen.

Source : La Tente de la Compassion

Si personnellement je ne crois guère aux commandements qui génèrent implicitement une

normalisation et une soumission discutables au divin, je peux parfaitement en revanche

entendre le contenu et y reconnaître une double invitation parfaitement sensée : à intégrer

dans la Première Causalité – celle qui dépend de nous - comme cet Amour qui donne plus

qu’il ne reçoit, et dans la Seconde Causalité comme cette joie qui coule de l’Univers pour nous

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aider à préférer l’équilibre de l’Amour au chaos de nos colères, tristesses et peurs relayées par

l’égo. Nous pouvons même y ajouter une troisième certitude : cette joie sera aussi bonne pour

notre santé morale et physique. Tout ne sera pourtant pas rose. Une quatrième certitude

vient nous dire que notre sourire intérieur ou notre joie imprenable ne vont pas plaire à tout

le monde. Nous aurons, en réactions, à faire face aux forces du chaos qui vont se déclarer

sous forme de jalousies, mesquineries, sabotages, railleries, allergies, dénigrements,

agressivités, etc. La formule de Georges Brassens reste pertinente : « Non, les braves gens

n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux… » La Double Causalité n’en dit rien, mais

nous en avons tous fait l’expérience, et nous savons qu’il nous faudra compter avec de telles

réactions. Sans doute même qu’elles seront d’autant plus vives si nos convictions intimes sont

fortes et claires. Cela n’a rien à voir avec une réponse automatique de l’Univers ; rien à faire

avec une logique de l’Amour : c’est plus simplement le résultat de l’attachement humain à

l’obscurité et aux chaos. Nous voilà avertis.

(Janvier 2012, Philippe Nussbaum, pasteur)