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Les « têtes chercheuses » du général Challe Infanterie légère Unités opérationnelles de renseignement des troupes de choc et de secteur, en Algérie Avertissement : Toutes les ressemblances entre les histoires rapportées dans le présent ouvrage et des faits réels ne sont pas une simple coïncidence, mais ont été voulues par l’auteur car elles sont le reflet de la réalité. Seuls, certains noms ont été changés afin de ne pas risquer de porter atteinte aux droits des personnes qui y sont citées, encore en vie à la date de la rédaction.

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Les « têtes chercheuses »

du général Challe

Infanterie légère

Unités opérationnelles de renseignement

des troupes de choc et de secteur, en Algérie

Avertissement : Toutes les ressemblances entre les histoires rapportées dans le présent ouvrage et des faits réels ne sont pas une simple coïncidence, mais ont été voulues par l’auteur car elles sont le reflet de la réalité. Seuls, certains noms ont été changés afin de ne pas risquer de porter atteinte aux droits des personnes qui y sont citées, encore en vie à la date de la rédaction.

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Les « têtes chercheuses » du général Challe

Unités opérationnelles de renseignement des troupes de choc et de secteur en Algérie

- Introduction Les têtes chercheuses - Origines de la rébellion algérienne

- Création des commandos de chasse - La doctrine militaire - La mission - Les effectifs - L’armement - L’équipement vestimentaire - La formation - Les chiens de guerre - L’état d’esprit Récits de combats et anecdotes - Baptême du feu - Danger, mines - Le djoundi solitaire - Déserter ou mourir - Comptes rendus d’opérations - Les évènements d’Alger - La mort d’Ahcène - A bout portant - Méprise fatale - Une blessure bénigne - Dernière opération

Bilan des commandos

- Le bilan des opérations - Le temps de la haine - Le temps de l’espoir

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Introduction Ces pages sont dédiées aux jeunes hommes, qui de 1954 à 1962, sont partis combattre en Algérie, non point contre leur gré comme ce fut le cas de nombreux jeunes Français, mais au contraire, à l'image des volontaires de 1792 courant aux frontières afin de repousser les armées coalisées qui menaçaient l'existence de la jeune république française. Dans leur esprit, "aller faire la guerre" ne signifiait point participer à un conflit visant à soumettre un pays étranger à la domination de la France, car on leur avait enseigné que l'Algérie, c'était la France. Il s'agissait pour eux, simplement, de porter les armes pour leur pays, d'apporter un soutien à des populations menacées et de remplir ainsi leur devoir d'homme. Ces volontaires, qu'ils fussent engagés, réservistes ou appelés, ne se destinaient pas à devenir des soldats de métier, encore que certains d'entre eux, par la suite, firent une carrière parfois brillante sous l'uniforme. Dès leur tendre enfance, ils avaient connu la terrible humiliation de 1940 et l'occupation de leur pays durant quatre longues années. Ils acceptaient librement d'offrir leurs jeunes vies pour une certaine idée de la France reçue de leurs pères et de leurs aînés, combattants des deux guerres mondiales et de celles de Corée et d'Indochine. Ils ne recherchaient ni avantage matériel, ni honneurs, mais plus simplement l'estime d'eux-mêmes et celle de leurs pairs. Isolés, souvent mal appréciés par leur hiérarchie, incompris de nombre de leurs camarades, ils furent affectés aux secteurs les plus durs et aux tâches les plus difficiles, et ne furent pas rares à verser leur sang. La plupart des autres, de retour à leur foyer, se détachèrent de l'armée et, tournant définitivement cette page de leur vie, se consacrèrent à leur famille et à leur métier, sans esprit de retour. Ils avaient fait leur devoir, et plus que leur devoir...

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Les « Têtes chercheuses »

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Origines de la rébellion en Algérie

La guerre d’Algérie, qui se déroule de Novembre 1954 à Juillet 1962, a pour théâtre un très vaste territoire qui avait été conquis par la France entre 1830, année de la prise d’Alger, et l’année 1843, marquée par la prise de la smala de l’émir Abd el Kader.

Au cours des périodes qui suivirent cette conquête, la

France hésita toujours entre les différentes politiques à adopter: colonisation, régime de l’indigénat, assimilation, semi autonomie, départementalisation.

Toujours est-il qu’un siècle plus tard, à l’issue de la

deuxième guerre mondiale, l’Algérie restait encore très dépendante de la métropole tant sur le plan économique que politique ; plusieurs soulèvements, durement réprimés, se produisirent, notamment à Sétif et à Guelma.

La rébellion s’organisait…

Section de djounoud au maniement d'armes, destinée à rejoindre les rangs de la rébellion Photo ECA

La population algérienne était composée d’autochtones

arabes et berbères de religion musulmane, et de colons originaires de divers pays d’Europe pour la plupart de religion chrétienne ou judaïque. L’administration était assurée majoritairement par des cadres français.

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La différence des coutumes et des niveaux de vie entre colons et indigènes ne pouvait naturellement qu’élargir le fossé séparant les deux communautés.

Après le retour au pays des combattants algériens ayant participé dans le cadre des Forces Françaises Libres à la deuxième guerre mondiale, et de ceux qui, ayant connu la guerre d’Indochine, n’acceptaient plus de rester des citoyens de seconde catégorie dans leur propre pays, les conditions se trouvèrent réunies pour que le mouvement nationaliste existant à l’état latent se renforçât et en vint à passer à l’action violente.

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La rébellion commença le 1er Novembre 1954, par des

attentats commis contre des civils européens, que le Front de Libération Nationale (FLN) désignait comme symboles de l’occupation, et se poursuivit en s’amplifiant au cours des huit années suivantes.

Soutenu par plusieurs pays voisins qui lui servaient de

sanctuaires, approvisionné en armes et munitions, le FLN créa une organisation secrète, puis, employant la persuasion ou la terreur, rallia ou élimina ses rivaux politiques, constitua son armée, l’ALN, et engagea des actions militaires d’une certaine envergure contre les forces françaises qui se trouvaient sur le territoire algérien.

Une section de l’ALN l’arme au pied

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Mais contrairement aux prévisions du FLN, le gouvernement français fit alors preuve de détermination et donna à son armée les moyens de faire face à cette situation difficile.

Certains officiers et sous-officiers aguerris rapatriés d’Indochine formèrent une partie de l’encadrement. La durée du service militaire obligatoire effectif passa de 18 à 28 mois, des réservistes furent rappelés, et les matériels, équipements et armements nécessaires furent acheminés sur le territoire algérien.

Les images illustrant le mieux ce conflit sont celles des

attentats auxquels répondaient pour les besoins de la protection des populations civiles, la lutte anti-subversive, les ralliements et la pacification.

Aux embuscades et accrochages, l’armée française

ripostait par des opérations militaires de bouclage et de ratissage ainsi que par la contre-guérilla menée au moyen de ses unités opérationnelles, légionnaires et parachutistes, utilisant souvent l’hélicoptère comme moyen de transport ou comme appui-feu direct.

Le paroxysme de la guerre se situe entre 1957 et 1959,

années au cours desquelles les combats violents, opposant les troupes opérationnelles de l’armée française à de grandes unités rebelles, entraînèrent la perte de plusieurs milliers de combattants de l’ALN, et aussi de nombreux morts dans le camp français.

Février 1958 – Le 2/30e Dragons au cours d’un accrochage

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A cette même époque, l’organisation secrète fut éradiquée

des grandes villes et les frontières furent équipées de barrages s’opposant aux tentatives d’infiltration de nouveaux combattants venant des pays voisins.

L’armée française avait alors rempli une partie importante

de sa mission, mais les rebelles, sévèrement instruits par les revers subis, vont modifier leur stratégie et se disperser en petits groupes très mobiles et insaisissables.

C’est à cette époque et pour s’adapter à cette nouvelle

forme de conflit, que les commandos de chasse vont être créés afin de devenir les « têtes chercheuses » des troupes de choc et des troupes de secteur.

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Création des commandos de chasse

Au début de l’année 1959, la guerre d’Algérie, qui dure depuis plusieurs années, a vu l’armée française remporter d’importants succès, dans ce qu’il était alors politiquement correct d’appeler sa mission de « maintien de l’ordre ».

Les grandes unités fellagha ont été anéanties, au cours

d’opérations militaires d’envergure ; les faïlek (bataillons légers), ont pratiquement disparu et les frontières avec le Maroc et la Tunisie, pays sanctuaires pour les rebelles, sont équipées de barrages, afin de réduire les infiltrations en provenance de ces deux pays.

Pour autant, la guerre est loin d’être terminée.

Les troupes rebelles qui se trouvent face à une armée moderne, supérieure en nombre et en moyens, adoptent à présent une stratégie de dispersion : ses djounoud (soldats) se répartissent désormais en bandes autonomes, dont les effectifs varient de la fasila (section), à la compagnie d’infanterie légère (katiba).

Une fasila (section) de djounoud du FLN présentant les armes.

On remarque la puissance de feu de leur armement qui n'a rien à envier à celui des troupes françaises : pistolet-mitrailleur MAT 49, fusil-mitrailleur 24/29 et même une

mitrailleuse légère AA52.

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Dès lors, le conflit risque de s’enliser, car :

- la majeure partie des effectifs de l’armée française est concentrée dans les grandes villes et les bourgades de moyenne importance, où elles assurent les missions de maintien de l’ordre, de regroupement, et d’assistance aux populations.

1958, Algérie

Blindé du 3/12e Dragons armé d’une mitrailleuse lourde 12,7 en mission de protection

- les unités isolées sont souvent postées sur des

pitons, dans des fortins d’où elles surveillent les environs, ce qui crée très vite un mental d’assiégés.

-

Sentinelle en plein cagnard

Au sommet d'un piton, au pied d'une tour de guet, un soldat de secteur monte la garde. On note le classicisme réglementaire de la tenue du fantassin: casque métallique bien astiqué et luisant, lourde capote, cartouchières et brêlages de cuir, fusil en bandoulière. L'ombre projetée de la sentinelle qui « pitonne » selon l'expression consacrée de l'époque, révèle que le soleil est exactement au zénith.

Source ECPAD Source ECPAD

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Saisissant contraste avec les combattants volontaires des unités opérationnelles !

Au cours d'une opération dans les djebels, un groupe de combat fait une courte halte. On observe, au premier plan, la détermination et la vigilance du jeune voltigeur,

tête nue, chargé du chouf, ainsi que la légèreté de son armement : PM MAT 49, grenades OF et poignard à la ceinture, ainsi que sa tenue camouflée seyante

,et les rangers, parfaitement adaptés à la contre guérilla.

Les opérations de choc, sur le terrain, sont généralement réalisées dans le cadre de vastes opérations de bouclage et de ratissage, confiées le plus souvent à des unités de parachutistes et de la légion.

Mais les rebelles, dont les effectifs ont été fragmentés, ont appris à mieux se dissimuler, à se fondre dans le paysage. Aussi, les grandes opérations combinées n’apportent-elles plus de résultats en rapport avec les puissants moyens mis en

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œuvre ; ceci est particulièrement observé dans les régions montagneuses, boisées, et difficiles d’accès.

Par ailleurs, les unités de secteur, stationnées dans les

villes, organisent, et c’est naturel, leur propre sécurité défensive en même temps que celle des civils qu’elles ont à protéger.

Un tel mode d’organisation est de nature à créer un

esprit d’armée d’occupation, défaitiste et au mieux, attentiste (« vivement la quille ! »). Il ne faut pas perdre de vue que l’armée française en Algérie est composée de cadres d’active, mais aussi d’appelés, de rappelés et de maintenus au-dessus de la durée légale, qui sont nombreux à se trouver là contre leur gré, sans compter les cas de conscience que pose ce conflit anti-subversif qui ne veut pas encore s’avouer une guerre.

Cette situation pourrait durer indéfiniment, entrecoupée d’attentats, embuscades et escarmouches, et de rares opérations d’envergure, coûteuses en moyens mais aux bilans relativement médiocres.

Le général Challe, nommé commandant en chef de l’armée d’Algérie à la fin de l’année 1958, en remplacement du général Raoul Salan, a pris conscience de ce risque.

Général CHALLE Général SALAN

Pour y pallier, il importe de réduire les sanctuaires rebelles qui se sont créés naturellement, aux confins des différents secteurs qui ont été tracés sur les cartes d’état-major, et que les fellaghas ont appris à connaître, dans les

Source ECPAD Source ECPAD

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zones accidentées, difficiles d’accès, où aucun véhicule ne peut être utilisé, et dans les forêts où la progression d’éléments armés est très difficile à repérer.

Il convient donc d’adapter les moyens dont dispose l’armée française à ce type de combat et notamment de développer les techniques de la contre-guérilla. Le général de Gaulle, consulté par le général Challe, donne son accord sur ces dispositions.

Août 1959 – Saïda – Le général de Gaulle a rendu visite au Commando « Georges » - A l’arrière-plan, le général Bigeard

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La doctrine militaire

L’efficacité maximum ne pouvant plus être obtenue par des opérations à l’échelle de la division, ni même à celle du régiment, l’idée s’impose qu’il faut créer des unités plus petites, autonomes, adaptées à l’organisation militaire rebelle. Le général Challe puise ses références, entre autres, dans les commandos mixtes, qui ont obtenu des résultats remarquables, durant la guerre d’Indochine, au nord Vietnam.

Le général de Lattre de Tassigny, devant l'adjudant Vandenberghe,

chef du Commando « Les Tigres noirs ».

Les Cambodgiens et les Annamites de l'adjudant Perera vivent comme les Bo-doï qu'ils traquent.

Source ECPAD

Source J PERERA

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Ces commandos, composés de partisans du Vietminh ralliés à l’armée française, et de cadres européens, étaient chargés d’opérer sur les arrières des lignes ennemies. L’une des difficultés majeures est qu’en Algérie, il n’y a pas de lignes ennemies, aussi on ne saurait y transposer l’expérience indochinoise sans l’adapter. A cet effet, le haut commandement militaire a créé des centres de regroupement et d’autodéfense, où il est plus aisé de protéger, et bien entendu, de surveiller les populations rurales, ainsi que de vastes zones interdites, où il est interdit de se trouver. Ce sont celles-ci qu’il faut contrôler. Après une période d’expérimentation, il est décidé que, dans le cadre du quadrillage du territoire qui a été mis en place, chaque « quartier » aura son commando et que cette unité dépendra d’un bataillon du secteur. A raison d’un commando de chasse de 100 hommes en moyenne par secteur militaire, voire d’un commando par « quartier », les effectifs à dégager sont au total de 15.000 à 20.000 hommes ; à cet effet, le recrutement sera assuré, pour une partie, dans les compagnies mobiles (harkas), et pour l’autre partie, dans les unités de secteur, où l’on fera appel au volontariat. Ces effectifs seront complétés par des rebelles ralliés.

Harka montée

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Le rôle de ces commandos est défini : - créer une insécurité permanente chez les rebelles,

- localiser les bandes armées, - fixer celles-ci, et, si les effectifs et moyens sont favorables, les réduire, - renseigner le commandement et, si nécessaire, appeler en renfort les compagnies opérationnelles du secteur, les parachutistes, ou la légion pour neutraliser les bandes importantes.

Et puisqu’il s’agit de faire la chasse aux fellaghas, ces petites unités combattantes seront appelées « commandos de chasse ».

Une patrouille du commando L120 dans le Constantinois Collection Ange Fileti Mais encore faut-il trouver des personnels pour constituer les effectifs de telles unités. Aux yeux de bien des Français, la guerre d’Algérie n’est pas une « bonne guerre » si tant est qu’il y en eut. Pour une bonne partie de l’opinion publique, l’Algérie ne saurait être, ni devenir, une partie intégrante du territoire national et par conséquent, le conflit qui s’y déroule n’est qu’une guerre coloniale de plus, à laquelle il faut mettre un terme au plus vite, quel que soit le prix à payer pour ce renoncement.

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Le colonel Bigeard apportera une contribution essentielle à la création des commandos. Ceux–ci seront mixtes et composés, en majorité, de combattants d’origine locale, car ils doivent bien connaître le pays, et pouvoir se faire passer lorsque cela sera utile, pour des HLL. (Hors La Loi, selon la terminologie de l’époque). Ces effectifs d’origine locale sont d’abord recrutés parmi les harkis, et encadrés par des Européens. Tous doivent être volontaires et suffisamment motivés.

Groupe de harkis au « Présentez, armes » Car la vie d’un commando est particulièrement rude, rustique, souvent plus difficile, au quotidien, que celle d’un parachutiste ou même d’un légionnaire, qui ne sont pourtant pas réputés eux non plus, vivre « dans du coton ».

Le colonel Bigeard et le lieutenant Grillot, chef du Commando « Georges », à l'aéroport de Philippeville.

Source ECPAD

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Le Commando de chasse « Griffon » du 23e Spahis

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La mission Tout d’abord, chaque commando doit avoir sa « base arrière », ce qui est une vue de l’esprit, une habitude de langage héritée d’une époque révolue, où l’on se battait face à un ennemi connu, vêtu d’un uniforme reconnaissable, chacun se trouvant de part et d’autre d’une ligne de front bien évidente.

En Petite Kabylie : trois gourbis, quelques tentes, une bande de terrain dégagée en lisière d'une forêt et aucune fortification ; voilà une base arrière pour le

commando L124. Collection Pierre Cerutti Ici, il n’y a rien de tel : la base arrière d’un commando de chasse ne peut se trouver à l’arrière puisqu’il n’y a pas de front, et par conséquent, ni avant, ni arrière. En fait, son cantonnement se situe, soit dans une mechta (village minuscule) isolée, choisie dans le territoire de chasse qui lui a été attribué, soit dans le djebel où l’on aménage un campement, à un emplacement judicieusement choisi pour pouvoir y aménager des défenses légères mais efficaces, et non loin d’un oued, afin de satisfaire aux besoins élémentaires en eau. Chaque « base arrière » ne sera utilisée en principe qu’une seule fois et durant quelques semaines, tout au plus quelques mois, afin que les commandos ne puissent s’engourdir et prendre des habitudes douillettes de micro-garnison.

Source PC

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Vivant ainsi, dans la précarité, tout comme le djoundi (combattant) qu’il doit traquer, le commando de chasse se trouve placé, lui aussi, dans un état d’insécurité permanente, ayant, de jour comme de nuit, une main sur son arme. De nuit, le commando sait qu’il ne peut compter que sur ses propres forces, qui sont limitées, et qu’il n’a aucun renfort ni secours immédiat à espérer, en cas d’accrochage. C’est, paradoxalement, cette faiblesse qui, en décuplant sa vigilance et son aptitude au combat, fera aussi sa force.

1961 : Le Commando L 120, 2e section, dans le Constantinois Collection Ange Fileti, ancien du 18e RCP et du L 120

A partir de sa base arrière, le commando doit mener, constamment, des actions « offensives », contre l’ennemi invisible qu’il est chargé de débusquer. Ces actions consistent, d’abord, à effectuer des « choufs » (guets), qui sont des missions de surveillance et de renseignement. Le chouf est réalisé par une escouade réduite : souvent, un groupe de combat allant d’une douzaine à une

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vingtaine d’hommes, aux ordres d’un sous-officier ou d’un sous- lieutenant, car il convient de ne pas donner l’éveil et il faut optimiser l’emploi d’effectifs peu nombreux et très sollicités.

Durant un chouf, qui est réalisé exclusivement à pied, par impératif de discrétion, et peut durer plusieurs jours, le commando dort à la belle étoile, revêt la djellaba dont le commandement l’a doté, ne fume pas ou en cachette, prend uniquement des repas froids, cause utile, très peu, et le plus souvent à voix basse.

Au cours d'un chouf, le commando fume parfois en cachette, une main masquant, même de jour, le rougeoiement de la cigarette.

Collection Pierre Cerutti FNCV

Source PC

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Sentinelle au cours d’un chouf – Collection Ange Fileti – L120

Les renseignements obtenus par le commando sont transmis au chef du bataillon dont il dépend. Cette transmission ne peut se faire en radiophonie, dans la mesure où les communications réalisées ainsi pourraient être interceptées. Le moyen généralement utilisé par les sous-officiers, pour les transmissions au niveau des groupes de combat est le léger poste radio TRPP 8, dit PP8, d’une très modeste portée de 2 à 3 kilomètres.

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Chef de groupe en communication avec son talkie-walkie TRPP8

Le chef de section utilise l’ANPRC 10, dit C10, d’un poids de 11 kilos et qui permet des transmissions en phonie d’une portée de l’ordre de 10 kilomètres, si la topographie est favorable. Cet appareil moderne vient remplacer l’antique SCR 300 pesant 17 kilos, utilisé par l’armée américaine au cours de la deuxième guerre mondiale, appareil fort mal équilibré sur le plan ergonomique et qui au bout de 10 kilomètres, vous tuait de fatigue le radio le plus coriace, aussi sûrement qu’une balle de fusil. Un tel fardeau n’était guère compatible avec les missions des commandos, amenés à franchir des distances de 20, 30 parfois 40 kilomètres en terrain accidenté, franchir des oueds, tantôt courant, tantôt marchant, le tout en moins de 24 heures.

A l’échelon de la base arrière, le capitaine a, à sa disposition, un puissant poste ANGRC 9, dit C9, qui permet de correspondre en radiographie et en langage codé. Cet émetteur fixe, ou monté sur jeep, permet d’assurer des transmissions en graphie à une distance de l’ordre de 120 kilomètres en terrain dégagé.

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Jeep de commandement équipée d’un émetteur-récepteur ANGRC9

Assurer cette chaîne d’information constitue la deuxième mission du commando.

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Les actions consistent ensuite en des fouilles de villages suspectés de servir de relais ou de caches d’armes et de vivres pour les bandes rebelles. Ici encore, les opérations sont menées par un simple groupe de combat ou tout au plus, l’effectif d’une section, qui assure à la fois le bouclage et la fouille du village. Ces missions sont particulièrement délicates, dans la mesure où, à tout instant et de chaque ouverture de porte, peut jaillir la mort. Il n’est pas d’usage dans l’armée française, de lancer des grenades à titre préventif, dans le moindre gourbi dont le seul tort est de se trouver dans un village soupçonné de sympathie pour les rebelles.

Source ECPAD

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1961 – Commando L120 – Ange Fileti maîtrisant à mains nues un collecteur de fonds récalcitrant.

Les suspects sont interpellés et remis « manu militari » entre les mains du 2e Bureau pour interrogatoire.

********** Une autre mission des commandos de chasse est de tendre des embuscades aux unités rebelles.

Petite Kabylie - Octobre 1960 En opération, un commando en embuscade, ajuste son fusil Mas 56.

– Collection Pierre Cerutti

Source PC

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Chouf et embuscade en Petite Kabylie

Co.llection Pierre Cerutti L’approche du lieu choisi pour l’embuscade se fait à pied et de nuit. Les commandos font mouvement en colonne, rarement en ligne ou en essaim, en raison du risque de déclencher une mine, les hommes observant scrupuleusement un intervalle de cinq mètres, afin de limiter les dégâts si par malheur, l’embuscade vient de l’adversaire. De nuit, par temps couvert, cette distance de cinq mètres suffit à peine pour entrevoir la silhouette fantomatique du camarade qui précède, aussi la vigilance est à son maximum. Quant aux éclaireurs de pointe, comment font-ils pour trouver leur route dans une obscurité quasi-totale: c’est encore une toute autre affaire ; ils ont été choisis parmi des combattants ayant développé des qualités particulières qui ne sont pas celles du fantassin ordinaire.

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Enfin, le commando est appelé à réaliser ou à participer à des coups de main et autres attaques contre les bandes rebelles qui ont été localisées. L’approche, lorsqu’elle doit être rapide mais pas nécessairement discrète, peut se faire par voie aérienne, les

Source PC

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commandos étant répartis en sticks de 7 à 8 hommes dans les hélicoptères Vertol (les bananes) ou Sikorsky,

Hélicoptères Sikorsky en approche

largués sur les points clefs et déployés sur le terrain en fonction de l’évolution de la situation et des forces en présence.

Hélicoptères Sikorsky H19 larguant leurs sticks.

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Les effectifs Un commando de chasse compte généralement, au grand complet, un effectif correspondant à celui d’une compagnie d’infanterie légère, soit environ 100 à 150 hommes, aux ordres d’un capitaine ou d’un lieutenant. Ce commando, lorsqu’il évolue sur le terrain, peut être éclaté et redéployé en unités plus réduites, dont les effectifs, selon le type de mission, correspondent à des groupes de combat ou des sections. Certains commandos, comme « Georges » ou « Cobra », comptent des effectifs plus élevés, mais organisés en katibas d’une centaine d’hommes chacune, tout comme les unités rebelles, ce qui leur conférait une mobilité et une souplesse exceptionnelles.

Le Commando « Georges » : un stick prêt à l'action. L’encadrement est constitué de jeunes européens, militaires d’active, engagés volontaires et appelés volontaires. A leurs côtés, certains harkis deviennent sous-officiers et même, officiers, pour les plus valeureux. Les appelés effectuent à cette époque un service militaire obligatoire de dix-huit mois, et sont ensuite

Source GAGET

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maintenus sous les drapeaux durant neuf mois, certains même durant douze mois supplémentaires. Leur séjour en Algérie peut être entrecoupé d’une permission de quinze jours en métropole.

Le commando L 120 fait mouvement dans le Constantinois. Collection Ange Fileti

En ce qui concerne les harkis, l’effectif de ces derniers sera peu à peu grossi par le renfort de rebelles ralliés. Il faut préciser que si certains de ces ralliements sont spontanés, d’autres sont obtenus de rebelles capturés ayant été soumis à un questionnement d’usage, parfois sévère. C’est la loi de cette guerre.

Mais, dès lors que les renseignements fournis sont exploitables et que, grâce à ceux-ci, les forces françaises obtiennent des résultats fructueux, le prisonnier, dans la mesure où il est convaincu de n’avoir commis aucun acte de barbarie, se voit offrir, non seulement le pardon, mais aussi un statut de supplétif et une solde, qu’il accepte avec reconnaissance, n’ayant guère d’alternative… Il faut souligner à quel point l’apport de ces combattants aura été précieux pour les commandos de chasse. Endurants aux épreuves physiques, courageux et connaissant particulièrement bien leur secteur, leur loyauté est totale, sachant qu’ils ne peuvent plus retourner dans le

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camp adverse où ils sont considérés comme traîtres, sans aller à une mort certaine. Et puis, il y a le discours officiel, dans lequel on leur explique que l’Algérie c’est la France, et que par conséquent, ils ne se battent pas contre leur pays, mais pour leur pays, et que, « de Dunkerque à Tamanrasset, on restera tous Français »…

Le général de Gaulle lançant son fameux « Je vous ai compris »

Le général Massu

ne semble pas entièrement convaincu…

Les futures recrues ne demandent qu’à croire un tel discours: pour les musulmans, particulièrement en Algérie, l’autorité du chef est très forte, la parole donnée est sacrée, et en outre, sur le terrain, ils sont bien placés pour constater

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que l’armée française a gagné l’essentiel: les grandes unités rebelles sont décimées.

Deux moudjahiddin tués au combat derrière leur mitrailleuse. Il faut dire aussi à quel point une réelle fraternité d’armes, et le respect, existent alors entre jeunes musulmans et chrétiens, partageant au coude à coude les mêmes épreuves et affrontant les mêmes dangers. Pourquoi faut-il que ce soit dans la guerre, que les hommes redécouvrent au-delà des races et des religions, certaines valeurs essentielles, que la paix revenue, beaucoup s’empressent d’oublier !

La flamme du Commando « Georges ».

Source PC

Source GAGET

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L’armement L’armement des commandos de chasse est celui de l’infanterie légère. Il comprend essentiellement des pistolets-mitrailleurs MAT 49 calibre 9 mm, des fusils semi-automatiques MAS 56, calibre 7,62 des fusils lance-grenade MAS 49, quelques redoutables mitrailleuses légères AA 52, qui ont remplacé les fusils-mitrailleurs 24-29, ainsi que des grenades à main, offensives et défensives.

Pistolet mitrailleur MAT 49, l'une des

armes préférées des commandos de chasse pour le combat rapproché.

Calibre 9 mm

Longueur totale: 720 mm, 460 mm crosse repliée.

Capacité du chargeur : 32 cartouches. Vitesse pratique de tir :

150 coups/minute. Poids: 3,5 kg

Collection Ange Fileti, commando L 120 .

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Fusil lance - grenades MAS 49, utilisé ici à l'entraînement

Les chefs de section et les opérateurs radio sont dotés de carabines US et de pistolets automatiques MAC 50. Les unités disposent aussi de mitrailleuses lourdes 12,7mm et de mortiers mais cet armement lourd et encombrant, long à mettre en batterie, est très rarement utilisé, n’étant pas adapté au type de missions des commandos.

Mitrailleuse 12,7 montée sur half- track Ajoutons pour mémoire qu’un commando de chasse est également doté d’une « poêle à frire » : c’est l’expression consacrée pour désigner familièrement les détecteurs de mines, qui ne sont pas à proprement parler des armes, mais des instruments précieux grâce auxquels bien des vies seront épargnées.

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Détecteur de mines, surnommé la « poêle à frire ».

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L’équipement vestimentaire

L’équipement vestimentaire des commandos est assez spécifique. A cette époque, le fantassin, appelé parfois biffin ou même, avec une pointe de dérision « bidasse », par les parachutistes, est équipé d’un treillis vert olive, de brêlages en cuir, et doté d’un casque ainsi que d’un chapeau de brousse, qui sont souvent des surplus de la guerre d’Indochine. Sa tenue de sortie est classique : blouson et pantalon de drap, calot, chaussures basses. Rien de très original.

Soldats du contingent en treillis et casque lourd

Soldats du contingent en uniforme de sortie

Le para, quant à lui, est fringant dans sa tenue léopard.

Bigeard et le fanion du 3e RPC

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La silhouette avantageuse avec de larges poches de poitrine, et des manches raglan, la taille bien prise dans une large ceinture toilée, le chef couvert d’un coquet béret rouge, ou de la fameuse casquette Bigeard, arborant fièrement sa « plaque à vélo» -le brevet de parachutiste -, il a été élevé au rang de demi-dieu par la population « pied noir ». Il est le symbole de la bravoure et il faut reconnaître que le para se bat bien. Ne dit-on pas de ceux du 3e RPC : « chez Bigeard, on meurt rasé de frais ».

Voltigeur du 3ème RPC

On doit noter que l’adulation des paras porte en elle des effets négatifs pour les troupiers ordinaires qui ne font pas partie de cette caste et son considérés comme des parents pauvres, alors qu’ils constituent, tout bien considéré, l’essentiel des effectifs de l’armée. Les tâches qu’ils accomplissent, souvent ingrates, ne sont pas pour autant sans noblesse ni efficacité. Il faut donc réussir à susciter chez les commandos de chasse un état d’esprit voisin de celui des paras. La tenue que l’on porte y contribuant pour une part importante, le commando peut porter au choix une veste camouflée, une veste vert olive, un parka ou une djellaba, se chausser de pataugas ou de rangers et être coiffé de la casquette Bigeard voire d’un chèche.

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1961 - Ange Fileti du Commando L120

Il ne porte jamais le casque, car ce type de couvre-chef n’offre qu’une protection relativement peu efficace : il ne peut épargner une blessure à la tête qu’en cas d’impact ayant une certaine obliquité ; une balle de fusil tirée perpendiculairement à sa paroi le perfore. Le casque est indispensable à des soldats soumis à des bombardements ou à des tirs d’artillerie, mais les soldats français ne sont pas exposés à ce type de risque en Algérie, excepté sur les barrages des frontières. En outre, le casque n’est pas adapté aux opérations de contre-guérilla : le casque crée une contrainte et une gêne considérables en réduisant le champ de vision, brinqueballe lors des déplacements rapides du voltigeur et constitue au total une charge supplémentaire non seulement encombrante, mais aussi pesante. Enfin, le casque tend à créer chez celui qui le porte, un sentiment de danger latent et donc un état d’esprit défensif. C’est pourquoi, dans les unités opérationnelles, il sera systématiquement remplacé par la casquette Bigeard, qui vous donne un profil de lézard.

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Les pantalons de treillis du commando sont le plus souvent retaillés de la cheville à la cuisse, afin de supprimer les bruits de frottement qui peuvent être gênants lors de ses mouvements nocturnes qui sont les plus fréquents ; cela lui donne en outre une sorte d’élégance féline, notamment lors des défilés ; c’est excellent pour le moral.

Insignes de béret des commandos de chasse

Défilé du commando Cobra Pour les sorties, il a droit au port du béret noir, et à l’écusson des commandos sur le haut du bras, ce qui lui permet de bien marquer à son tour, sa différence avec le fantassin de base et son appartenance à une élite.

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Le Totem

En outre, il est doté d’une djellaba afin que sur le terrain, il puisse être, lorsque les circonstances l’exigent, confondu avec un feddaï (commando de l’ALN) ou un moussebel (auxiliaire).

Petite Kabylie, Novembre 1960 : Commando de chasse au cours d'un chouf (guet). La djellaba, qui fait partie du paquetage réglementaire, est souvent utilisée dans ce type de mission, car elle permet de passer inaperçu, ou tout au moins de créer une confusion profitable, en cas de rencontre inopinée. Collection Pierre Cerutti

Lorsqu’ils partent pour un chouf, ou pour tendre une embuscade, les commandos d’un même groupe sont parfois vêtus de manière quelque peu disparate, à l’image des bandes rebelles, auxquelles ils doivent ressembler.

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Le sous-lieutenant Youcef Ben Brahim du commando Georges.

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La formation Les premiers commandos de chasse ont commencé à opérer en Algérie sans disposer d’une autre formation que celle dispensée à un bon grenadier voltigeur traditionnel, ce qui n’était pas suffisant, eu égard au type d’action qu’il leur était demandé de mener à bien. Sous l’impulsion du général Challe, et avec l’expérience, les directives et recommandations du colonel Bigeard, il fut décidé que la formation des commandos serait organisée et dispensée dans des écoles spécialisées, comme celles de Philippeville ou de Saïda, où les jeunes cadres bénéficièrent d’un entraînement complémentaire tout en apprenant les principes de la lutte contre guérilla, durant des stages d’une durée de deux mois.

La « Jeanne d'Arc » : l'Ecole de contre guérilla de Philippeville

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En ce qui concerne les harkis, ceux-ci pouvaient être incorporés directement dans les unités, de même que les rebelles ralliés, qui étaient jugés déjà suffisamment aguerris et combatifs.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici les conseils que donnait en 1959 le commandant Chaume, chef de l’école des commandos de chasse d’Oued Fodda :

« Nous voulons d’abord donner les conseils techniques qui permettront un meilleur emploi des moyens physiques et de l’armement. » « Les commandos auront un rôle délicat qui les amènera à vivre dans des conditions difficiles et assez voisines de celles des Hors-la Loi. » « L’idéal serait que chacun d’eux ait en face de lui son ennemi personnel. C’est un match qu’il faut gagner. » « Le nom de « commando » ne veut pas dire que vous risquerez davantage mais qu’étant donné l’emploi complet de tous vos moyens, vous risquerez au contraire beaucoup moins, pour des résultats nettement supérieurs. »

« Psychologiquement, il vous faut, dans l’ordre :

- Créer des équipes. - Faire connaître le nom de votre Commando. - Créer une vie propre à votre Commando et

lui donner déjà des traditions. - Ne jamais oublier qu’être commando, ce

n’est pas être « un casseur », bien au contraire, mais c’est être posé, conscient de sa force, imbu d’un esprit de camaraderie intégral et parfaitement discipliné en toutes circonstances. »

« Ce que nous voudrions atteindre comme résultat, c’est que chacun d’entre vous, dès qu’il sort en opération, soit absolument persuadé qu’il est individuellement supérieur à n’importe quel « gars d’en face ». Alors, conscients de cette supériorité, vous

rechercherez le combat, certains de vaincre. »

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Cela peut paraître étonnant à un non-initié, mais une telle recette se révèle d’une incroyable efficacité, car un commando est un volontaire, et tout comme un légionnaire ou un parachutiste, il ne saurait par définition avoir peur. Les uns et les autres exercent donc leur mental à refuser toute notion de peur, et y parviennent le plus souvent.

Les jeunes garçons embarqués dans l’aventure vont amplement le démontrer, parfois jusqu’au sacrifice de leur vie.

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Les chiens de guerre

Lors des guerres qu’elle connut au cours de son histoire, l'armée française fut amenée à employer des chiens sur les théâtres des combats.

1870 – Tambour major de la garde impériale et son chien

1917 – Diane, chienne du groupe de 320

Durant la guerre d’Algérie, l'expérience récemment acquise dans ce domaine, notamment en Indochine par les troupes

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aéroportées, fut naturellement exploitée pour les besoins de certaines unités opérationnelles. Les chiens, souvent des bergers allemands dressés et entraînés par les maîtres-chiens des pelotons cynophiles, étaient fort appréciés des commandos de chasse lors de certaines missions particulièrement dangereuses. La principale difficulté résida dans la rareté des effectifs canins, lesquels, de quarante en 1950, furent multipliés par cent en moins de dix ans. Ces 4.000 chiens furent répartis en une centaine de pelotons cynophiles répartis sur l’ensemble du territoire de l’Algérie. La collaboration des chiens éclaireurs fut particulièrement précieuse pour notre commando. Mais, en raison du déficit de leurs effectifs, nous ne les vîmes guère apparaître avant l'année 1961. Grâce à leurs qualités naturelles, ces animaux, insensibles à la peur et doués de certains sens hyper-développés propres à leur espèce, se révélèrent d'extraordinaires éclaireurs de pointe qui permirent d'épargner bien des vies humaines. Ces chiens qui progressaient en avant-garde de nos voltigeurs de pointe, pouvaient déceler toute présence à une distance de près de cent mètres mieux que n'aurait pu le faire un humain. C’est en silence qu’ils donnaient l'alerte à leur maître qui les suivait en retrait. L'emploi des chiens éclaireurs constituait un avantage sans pareil dans les zones difficiles où nous avions à nous déplacer, notamment dans les secteurs à relief accidenté et à végétation dense, propices à de meurtrières embuscades. Certains chiens avaient été dressés pour attaquer et poursuivre l’ennemi sur ordre. D'autres pouvaient même être chargés d'accompagner les commandos chargés de missions nocturnes, ce qui intervenait presque quotidiennement. Les chiens permettaient également d'éviter d'exposer inutilement des vies humaines lors des explorations de grottes ou de fouilles de mechtas suspectes. Après que les occupants aient été évacués, c'est le chien qui effectuait le premier contrôle du gîte. L’efficacité du binôme maître-chien et chien éclaireur avait en outre un certain impact dans le

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cadre de l'action psychologique que l'armée était chargée de mener auprès des populations.

Binôme commando de chasse et berger allemand

Plus rarement, nous eûmes à utiliser les chiens pisteurs, qui opéraient à partir d'habitations ou de caches où des djounoud avaient séjourné. Dès lors que l’on proposait au flair du chien un morceau d'habit ou de linge ayant été au contact d'un rebelle, l’animal se mettait en piste et suivait la trace laissée au sol par le fuyard. J'ai pu remarquer, lors de nos opérations dans la région de Redjas vers la fin de l’année 1961, que ce pistage ne pouvait aboutir à un succès que dans la mesure où certaines conditions étaient réunies: intervention rapide, pas de brouillage de piste, absence de substances irritantes, telles que le poivre, qui auraient pu avoir été saupoudrées par les rebelles, et pas d’odeur d’essence ou autres liquides inflammables qui furent parfois employés pour le débroussaillage de l’entrée de certaines caches ou grottes.

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Débroussaillage d’une entrée de grotte dissimulée sous une dense végétation

Et enfin, le trajet à parcourir en chasse devait être aussi court que possible: un pisteur perdait une bonne partie de ses performances au bout de quelques kilomètres et c’est pourquoi il était transporté au plus près du point de départ de la traque. Certains chiens reçurent par ailleurs des missions de garde, ou de détection de mines, mais dans notre secteur, nous n'eûmes pas à ma connaissance recours aux chiens pour ce type d'intervention.

*** Au cours de la guerre d'Algérie, plus de 150 chiens de guerre furent tués au combat et leur sacrifice a sans doute sauvé beaucoup plus de nos camarades de la mort qui les attendait au détour de la piste...

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L’état d’esprit Evoquer l’état d’esprit, c’est aborder la question du moral des troupes. Au cours de la guerre d’Algérie, les soldats professionnels des troupes de choc, paras, légionnaires ou marsouins, voulaient, comme dit la chanson, « en découdre, par le poignard et par la poudre ». Mais en ce qui concerne les appelés, les rappelés et les maintenus sous les drapeaux, nombre d’entre eux n’éprouvaient pas ce genre de motivation et tout au contraire, comptaient les jours qui les séparaient de « la quille ». Dans les commandos de chasse, faisant appel au volontariat, et dont les effectifs venaient d’horizons très variés (infanterie, cavaliers, troupes coloniales, paras, harkis rebelles ralliés…), le moral, d’abord enthousiaste, devint de plus en plus difficile à maintenir, au fur et à mesure que la rumeur d’un prochain abandon de l’Algérie s’enflait, et, avec elle, son cortège d’incertitudes, puis d’inquiétudes et d’angoisse. Parmi les moyens de maintenir le moral des troupes à un niveau élevé, l’armée utilisait des méthodes éprouvées, tirées d’une expérience séculaire. Il y avait d’abord la fierté de l’uniforme, la casquette Bigeard, le béret noir, ainsi qu’un armement et un équipement de qualité ; parfois des défilés et des chants.

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Un commando de « Georges », sa mitrailleuse légère AA 52 à la hanche, au cours d'une opération.

Et puis, il y avait les harangues et les discours, qui se voulaient exaltants, administrés avec plus ou moins de talent et de conviction par des hommes politiques ou des chefs militaires, sur l’honneur que représentait le fait d’appartenir à l’armée française et à une troupe d’élite. Il convient de citer ici le discours du général Challe, rappelé dans l’ouvrage de Jean Mabire, ancien chef du commando 81, paru aux Presses de la Cité sous le titre Commando de chasse : « A ceux des Commandos de chasse, On a comparé les commandos de chasse à des « têtes chercheuses ». Je n’aime pas cette comparaison technique, car, justement, vous n’êtes pas des machines. Vous êtes des hommes au sens plein et noble du terme. C’est là que résident votre efficacité et votre force. Si vous avez avez du souffle, du muscle, un œil perçant, une riposte prompte et foudroyante, vous êtes aussi un élément de contact humain avec les populations de cette province. Vous rassurez ces hommes et ces femmes, terrorisés par les bandes rebelles et vous ramenez l’espoir dans leur cœur. Vous créez dans les djebels les plus reculés, pour le fellagha, un élément d’insécurité, pour la population, un élément de confiance.

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Jeunes soldats de Métropole et jeunes Musulmans au coude à coude dans les commandos de chasse, et dans un même élan, vous faites partie de notre chance ; de la vraie chance de notre Patrie. Vous êtes de jeunes hommes purs et droits. Je suis content de ce que vous avez déjà fait, je vous demande de nouveaux efforts, je vous en demanderai encore. Je sais que vous avez la foi tranquille de ceux qui se battent pour un idéal juste et grand et que nous parviendrons tous ensemble à la victoire. »

Général d’armée aérienne Challe, commandant en chef.

Le colonel Bigeard inspectant le commando Cobra à Saïda

Et enfin, il y avait le « repos du guerrier ».

Depuis bien des siècles, les chefs militaires ont pris conscience de ce que le moral des troupes constitue un facteur extrêmement important, et parfois décisif, lors des engagements. Au cours de conflits très sévères et meurtriers comme la première guerre mondiale, bien des assauts aussi terriblement meurtriers qu’inutiles n’auraient pu avoir lieu, sans une généreuse rasade d’alcool distribuée au moment crucial, grâce à laquelle, dans l’esprit du fantassin, la pensée

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des balles qui l’attendaient derrière le parapet, s’embrumait. Cette « eau de vie » là était, en vérité, une eau de mort.

Soldats français prêts à l’assaut – Guerre 1914-1918 Il y a vingt siècles, les armées romaines entretenaient déjà soigneusement et avec méthode le moral de leurs légionnaires, à qui l’on concédait après les conquêtes, certains droits dont les armées et les populations conquises faisaient les frais.

******* Quant à eux, les commandos de chasse menaient une existence très dure, vivant comme des renards, pendant des mois, sans être entourés de l’affection de leurs familles, privés de l’amour de leurs femmes, et avec des principes moraux particuliers, qui sont ceux de la guerre, où tuer et blesser les gens que l’on vous désigne comme ennemis peut vous procurer noblesse et gloire. Transformer de jeunes hommes, parfois à peine sortis de l’adolescence, en guerriers farouches et en coureurs de djebels infatigables était le but recherché par l’autorité militaire et tout le système était fort bien organisé pour y parvenir.

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Toutefois, il n’était pas souhaitable que certaines limites mentales et physiques fussent dépassées et que les guerriers devenus totalement insensibles à un quelconque sentiment d’humanité, en arrivent à se transformer en bêtes féroces ou en bourreaux. C’est pourquoi de courtes permissions étaient accordées, avec parcimonie, afin qu’ils puissent de temps à autre se rendre en ville, et y redécouvrir, un court instant, la vie civile. Ces sorties étaient appelées des « dégagements ». A cette époque, madame Marthe Richard une fort belle âme, avait fait adopter une loi qui avait supprimé les maisons closes en métropole, mais qui n’avait eu encore aucune prise sur l’organisation des plaisirs existant depuis des générations sur le sol algérien. Une cité importante comme Constantine comptait entre autres, parmi les « lieux de mauvaise vie », un bordel militaire contrôlé, dénommé sans la moindre poésie « le BMC 50 ».

1960 – Constantine Collection PC FNCV

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La ville d’Alger, noblesse oblige, en était elle aussi abondamment pourvue et l’on pouvait y trouver, dans la basse Casbah, des établissements d’une certaine qualité comme « le Sphinx », « le Chat noir » ou « le Chabanais » dont la réputation était connue des centaines de kilomètres à la ronde.

Fileti, Pennel, Goubert, Sacco, 4 copains du commando L 120, cherchent fortune…Collection Ange Fileti

A cette époque, le sida n’existait pas ; le risque encouru par le consommateur d’étreintes tarifées était d’attraper une « bonne » blennorragie ou au pire, la syphil is.

Mais la pénicilline avait déjà été découverte, et du reste, à y bien réfléchir, l’innocuité d’une étreinte non tarifée n’est jamais, elle non plus, garantie. En outre, les maisons closes étaient parfaitement contrôlées et encadrées militairement, et enfin, inch’Allah, un guerrier est fait pour affronter des dangers bien pires et des situations moins agréables.

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Il est raisonnable d’admettre qu’un tel raisonnement était largement partagé car tout ce qui portait uniforme ou presque, finissait par se retrouver, un jour ou l’autre, dans ces accueillantes maisons qui, si l’on ose dire, jouissaient d’un franc succès.

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Les rues des grandes villes d’Algérie étaient, le soir et spécialement dans les quartiers chauds, sillonnées de patrouilles de la police militaire (la PM), qui faisaient régner une discipline redoutée ; les débordements d’une soldatesque ivre et braillarde, les tenues débraillées, les comportements agressifs étaient rares.

Ensuite, l’entrée de tout bordel militaire digne de ce nom était à nouveau filtrée par la police militaire, qui contrôlait la bonne tenue du candidat et sa sobriété apparente, avant de l’autoriser à pénétrer dans les lieux.

Les maisons closes privées étaient souvent disposées en riyad, dans des immeubles de deux ou trois étages, chaque niveau étant accessible par une coursive, elle-même desservie par un escalier, le tout donnant sur un patio. La prise de contact s’effectuait là, dans une ambiance de caravansérail bon enfant, et les couples disparaissaient comme par enchantement, dans les chambrettes disposées autour des coursives.

Au B.M.C., l’impétrant qui avait franchi le seuil était accueilli dans un bar salon agréable, où officiaient des professionnelles, d’âge et d’aspect divers, mais dont aucune n’était repoussante, certaines ayant même la « beauté du diable ».

Le nouvel arrivant pouvait s’installer, soit au bar, soit à une table, et y commander une consommation, comme s’il se trouvait dans un bistrot parisien.

Naturellement, ses regards se portaient sur les pensionnaires qui se trouvaient présentes ; celles-ci pouvaient être vêtues très différemment : certaines étaient

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habillées en bourgeoises coquettes et d’autres, dévêtues de manière canaille, avec des dessous plus que suggestifs.

Bien entendu, le résultat ne se faisait guère attendre : lorsque le regard du garçon s’attardait particulièrement sur l’une des belles, celle-ci, fine mouche, le remarquait aussitôt et si le prétendant lui convenait, elle s’approchait et venait lui faire la conversation, « et plus si affinités », selon la formule désormais consacrée. Ce point mérite d’être souligné : les pensionnaires n’étaient pas tenues d’accepter le premier venu ; il fallait un minimum de sympathie et d’attirance réciproque pour que l’acte puisse s’accomplir… Lorsque l’on voit de nos jours, l’esclavage auquel sont soumises les filles contraintes de faire le trottoir, et ce, jusque dans les rues de Paris, on mesure à quel point les bons sentiments comme ceux de madame Marthe Richard, lorsqu’ils ne sont pas éclairés par une solide expérience, aboutissent souvent à un résultat complètement inverse à celui qui est recherché. Pour garder toute leur pureté, et ne faire que le bien autour d’eux, les anges devraient ne jamais se mêler de politique, et laisser cette affaire aux bons petits diables, qui y excellent. Mais pour en revenir au stade du « plus si affinités », évoqué plus avant, celui-ci se déroulait selon un rite bien défini : la pensionnaire prenait par la main le godichon de son choix et le conduisait à l’étage. Au pied de l’escalier se trouvait ce que l’on pourrait appeler le poste de l’octroi où un caporal d’infanterie, en tenue réglementaire, prélevait le montant de la frasque, relevait sur un registre l’identité du garçon, et lui délivrait un petit billet intitulé « bon de saillie ». On mesure ici le soin, à défaut de poésie, avec lequel l’autorité militaire avait poussé l’organisation du repos du guerrier dans les moindres détails administratifs, puis le

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caporal annonçait les fiançailles à haute et intelligible voix, ce qui donnait à peu près ceci : « Le maréchal des logis Duval, avec Lolita, chambre 312. »

Et ledit maréchal des logis de monter l’escalier, le regard fixé à la hauteur idéale, sur la croupe ondulante de sa promise court-vêtue, qui, fine mouche, le précédait. Georges Clemenceau qui était un expert, ne disait-il pas que le meilleur moment de l’amour est celui que l’on passe dans l’escalier… Il nous faut avouer que la vue d’aussi gracieux balancements dont l’impact sur la libido masculine a pu être mesuré depuis bien des lunes, avait pour effet de transformer cette escalade, qui aurait pu être fastidieuse, en ascension prometteuse vers le septième ciel. Et là, dans la chambre douillette et précieusement décorée, après la toilette intime d’usage pratiquée par les mains expertes de mademoiselle Lolita, ou celles de Suzanne, ou encore de mademoiselle Aïcha, de délicieuses turpitudes s’accomplissaient. Quelques-unes des demoiselles en question étaient de véritables beautés, très sensuelles, avec un corps magnifique et un visage d’ange. Certaines avaient, malgré leur métier, gardé une certaine innocence et un immense désir de tendresse. Parfois, quelques sentiments naissaient de ces relations et avec eux, de petits béguins et des idylles, trop vite interrompus par le hasard des affectations et autres servitudes de la vie militaire. Mais le plus souvent, les étreintes étaient brèves ; les jeunes soldats, sevrés de toute tendresse depuis des semaines ou même des mois, étaient comme des ressorts tendus à l’extrême. A trop placer chaque jour, et chaque nuit, leurs forces et leurs pensées viriles dans leurs armes, à trop dormir avec

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elles, s’identifier à elles, toujours sur le qui-vive, il leur était devenu impossible de se laisser aller à la douceur d’un moment de tendresse. Ils agissaient à la hâte, ainsi que des prédateurs qui, l’espace d’un instant, usent de leur viril ité comme d’une lame pour pénétrer le corps de leur adversaire : pour eux, l’accouplement fugitif était encore un combat rapide et brutal.

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Récits de combats et anecdotes

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Août 1960 ; Baptême du feu

Le Djebel Dira, transport de troupes Collection Pierre Cerutti

Le 22 Août 1960, je prends place dans un camion à destination de Constantine, où je passe la nuit dans un cantonnement militaire. Le lendemain, après des heures de route et de pistes parcourus en camion puis en half-track, j’arrive à la mechta Taoulili, minuscule hameau accroché aux contreforts sud du massif montagneux Sidi M’Cid Aïcha, en Petite Kabylie.

A cet endroit, se trouve ce qu’il est pompeusement convenu d’appeler la base arrière du commando L 124, 4e compagnie du 2e bataillon, aux ordres du commandant Taddeus, lequel a son Q.G. à Grarem, une bourgade distante d’une trentaine de kilomètres.

Cette base est composée de quelques gourbis abandonnés de leurs habitants, de quelques tentes et de bâtisses en torchis. Aucune palissade, aucune enceinte, c’est la règle des commandos de chasse : vivre comme le fellagha, dans la rusticité, avec comme environnement, le djebel et une insécurité permanente.

Le commando au sein duquel je vais servir durant près d’un an et demi est une unité mixte de 150 hommes environ,

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dont l’effectif est réparti en une section de commandement et quatre sections de combat.

Cet effectif est constitué, pour la plus grande part, de harkis et de fellaghas ralliés, et pour l’encadrement, de militaires de carrière, engagés ou appelés volontaires. J’appartiens à cette dernière catégorie.

La mission qui nous est assignée est de « faire la chasse » aux rebelles, c'est-à-dire de procéder à des choufs (guets), d’interpeller les suspects, de les interroger, ou de les confier au Deuxième Bureau, d’obtenir d’eux des renseignements, puis, à partir de ceux-ci, de monter des embuscades et des « coups de main ».

Le chouf : se confondre avec le paysage Collection Pierre Cerutti

Nous sommes dotés de vêtements camouflés et de la casquette Bigeard qui nous donnent fière allure, et aussi de vêtements locaux traditionnels, comme la djellaba et le chèche afin de créer si besoin est, un doute, voire une confusion dans l’esprit des rebelles que nous rencontrons et de leurs espions.

Le soir même de mon arrivée, l’adjudant-chef Forestier, un Breton, décide de m’emmener en mission d’embuscade, avec sa section. Je vais alors connaître mon premier accrochage nocturne avec un convoi de ravitaillement fellagha.

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Je conserve un souvenir étonnamment net de cette petite péripétie :

Nous sommes quinze hommes, marchant en colonne, dans une forêt de chênes-lièges, observant rigoureusement un espace de cinq mètres, éclairés parcimonieusement par la faible clarté lunaire qui filtre dans le sous-bois.

L’éclaireur de pointe, un caporal harki expérimenté, connaît particulièrement bien le secteur.

Notre progression est totalement silencieuse : nos treillis sont retaillés en fuseau au niveau des mollets, afin d’éviter tout bruit de frottement de tissu et aussi, il faut l’avouer, par un étrange désir d’élégance !

A un certain moment, nous arrivons à une sorte de clairière, dominant un thalweg, dans laquelle le commando commence à se regrouper.

Alors que nous sommes encore en mouvement, le silence et le calme nocturne se transforment tout à coup en fureur et en vacarme assourdissant où se mêlent le staccato des armes automatiques et les détonations plus sourdes des fusils, bientôt suivis d’explosions de grenades.

Les rebelles sont là, tout proches. Aucune possibilité d’évaluer sérieusement les forces adverses. Eclairs. Miaulement des balles sur les rochers. Odeur de la poudre. Conscience du danger, qui vient aussi des camarades postés derrière et qui tirent au jugé vers les lueurs des coups de feu venus du versant de colline, en face de notre position.

Sentiment d’inefficacité lié aux conditions quelque peu imprévues de l’engagement où les deux groupes ennemis se sont mutuellement surpris.

Après un intense échange de coups de feu, les tirs s’estompent. Nous décrochons, soulagés de nous tirer à bon compte d’une situation que nous ne maîtrisons pas. Nous n’avons aucun blessé.

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Le retour s’effectue par un autre cheminement ; la nuit est plus dense ; les nuages cachent la lune et nous avons du mal à distinguer le camarade qui précède.

Pour la première fois, j’ai entendu des balles siffler à mes oreilles ; je me sens léger et j’éprouve la curieuse sérénité de ceux qui ont reçu le baptême du feu. Baptême assez modeste, mais c’est le mien.

******** Quelques semaines plus tard, nous capturons Larbi, un moussebel (auxiliaire) de l’ALN. Son interrogatoire est fructueux : il parle sans trop se faire prier et ses confidences nous permettent de découvrir des caches d’armes et de vivres. Ayant ainsi donné des gages appréciables, il se voit offrir un statut de rallié qu’il accepte. Il est aussitôt incorporé dans notre commando. On lui attribue un fusil MAS 36 à répétition, des brêlages et des cartouchières en cuir. Le treillis lui va plutôt mal ; il a les pieds plats et marche comme un canard. Aucune allure de guerrier. Il ne ressemble ni à un commando, ni à un para. Inutile de compter sur lui si un jour on doit défiler dans les rues de Mila, on se foutrait de notre gueule. Mais dans le djebel, il fait plus vrai que nature, et c’est le principal. Au fond, c’est un brave type de fellah du genre dévoué, qui ne comprend pas au juste pourquoi il est là et qui cherche simplement à survivre. Après quelques jours de vie commune, Larbi nous livrera le récit d’une aventure qu’il a vécue. La date correspond à celle de notre accrochage avec le convoi de ravitaillement. Larbi nous raconte qu’à l’issue de notre échange de coups de feu, nos adversaires se sont enfuis, faisant halte quelques kilomètres plus loin, estimant la distance parcourue suffisante pour être hors d’atteinte. Il leur fallait aussi attendre le petit jour pour récupérer

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quelques mulets effrayés, égayés dans la nature, et ils s’étaient arrêtés précisément sur l’itinéraire de retour que nous avions nous-mêmes choisi. La discrétion de notre approche leur a laissé à peine le temps de se fondre dans la végétation bordant la piste. Ils étaient vingt-cinq et nous étions quinze. Nous n’avions pas de peloton cynophile à cette époque et n’avons pas décelé leur présence. Il faisait très sombre. Aucun d’eux n’a osé déclencher l’attaque alors que nous passions l’un après l’autre, à moins de dix mètres de leur ligne. Ils ne connaissaient pas notre effectif. Il faut dire que, durant notre bref engagement, nos tirs avaient été nourris et, avec notre technique de déplacement, notre maigre colonne était échelonnée sur près de quatre-vingt mètres. Cela faisait du volume. Nous croyant beaucoup plus nombreux qu’eux, ils n’ont pas ouvert le feu…

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Danger, mines

Automne 1960, secteur de Mila De nombreux soldats de l’ALN ont été repoussés vers la Tunisie et le Maroc ; ils sont le plus souvent contenus par les barrages électrifiés et peu d’entre eux parviennent à s’infiltrer. Ceux qui restent sur le sol algérien sont contraints de compenser leur infériorité par le fractionnement de leurs unités et la mobilité. Ils vont concentrer leurs effectifs en des endroits choisis par eux pour y lancer des attaques contre les troupes françaises, ou encore, en commettant des attentats. Certains de leurs officiers sont des sous-officiers de l’armée française en Indochine, ils ont été fait prisonniers et sont rentrés en Algérie nantis d’une solide formation politique mais aussi de guérilla. Ici pas de pièges en bambous ou de trous à tigres bardés de bambous acérés. L’arme idéale c’est la mine ou la bombe, comme ce fut le cas pendant la bataille d’Alger. L’arme psychologique tant prônée et éprouvée par l’oncle Ho. Elle frappait aveuglément les civils et les militaires. Les mines étaient placées sur les trajets de déplacement fréquents des troupes françaises. Peu avant de partir pour l’Algérie, j’avais eu la très grande tristesse d’apprendre que Jean Pierre Sigrist, mon copain d’enfance et meilleur ami, venait d’être tué. Il servait comme appelé, sergent démineur. Il se trouvait sur le barrage de la frontière tunisienne lorsque la mine qu’il était chargé de désamorcer avait explosé entre ses mains. Mort pour la France à vingt et un ans… J’eus durant mon séjour, l’occasion de faire la connaissance de ce type d’engins à deux reprises.

Mission : détecter les mines Ce matin là, le lieutenant Prohom est chargé d’une mission de reconnaissance dans un secteur signalé comme dangereux. Fringant, bel homme, âgé de 28 ans, impeccablement sanglé dans sa tenue camouflée, arborant son brevet de parachutiste même en opération, casquette Bigeard crânement

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posée sur le crâne, gueule de guerrier, regard d’acier, c’est un baroudeur. C’est un « pêchu » et cette guerre, souvent faite de menus accrochages, le laisse sur sa faim. Il avance au milieu de la piste, avec comme à son habitude, sa carabine US munie de deux chargeurs de rechange dans leur étui de toile, fixé contre la crosse. Chargé de la détection des mines - cela fait partie de mes spécialités - je progresse en tête devant lui, immédiatement suivi des deux voltigeurs de pointe. Je suis chargé de l’ouverture de la piste au moyen de la « poêle à frire », qui fait partie du matériel que l’on m’a confié. Cinquante hommes nous suivent. La reconnaissance s’effectue avec une certaine lenteur, car il me faut balayer la largeur de la voie; j’avance à peu près à deux kilomètres-heure. Trop lentement au goût du lieutenant qui peu à peu, gagne du terrain et finit par me dépasser. Les deux voltigeurs et moi échangeons un regard surpris mais n’osons pas le faire remarquer à notre lieutenant; il pourrait mal le prendre. Il n’a pas dû se rendre compte de la situation, ou alors, aurions-nous dépassé l’endroit jugé dangereux ? Il devient ridicule de chercher à détecter des mines derrière l’officier qui avance à présent à pas normaux… A ce moment, la poêle à frire émet un fort signal. L’effet est saisissant. Le lieutenant Prohom s’arrête instantanément, un pied en l’air, qu’il repose délicatement à l’endroit qu’il vient de quitter. Je suis derrière lui à cinq mètres ; les deux éclaireurs sont à leur poste, dix mètres derrière moi, de chaque côté de la zone déjà reconnue. Toute la colonne s’est arrêtée en silence et placée en position de combat. Echange de signes, attente d’ordres, les armes prêtes. La mécanique est bien huilée. Du coup, je deviens l’homme le plus important du commando et m’avance très lentement, précédé de mon appareil, vers le lieutenant immobile. Devant moi, le sol

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semble intact mais le détecteur sonne de plus belle. Regards perplexes. A l’examen, nous découvrons que la piste est jonchée d’un semis de particules métalliques sur une longueur de plusieurs dizaines de mètres. Bouts de fil de fer, clous. Où est la mine ? Y en a-t-il une ? Avec prudence, je contourne la zone et trouve un petit cheminement vierge par lequel le lieutenant peut se faufiler hors du piège dans lequel il s’est fourré. Un peu plus loin, nous voyons que le sol a été fraîchement remué, puis compacté et recouvert de feuilles. La mine est bien là. Assurément, nous ne l’aurions pas vue sans le détecteur. Elle est dégagée. Elle est de type artisanal classique dans ce conflit. Il s’agit d’un tube en fonte grise d’adduction d’eau, enterré en travers de la piste. Rempli de poudre et scellé au ciment à ses deux extrémités. A l’intérieur, une petite lampe électrique dont le verre a été retiré, ses filaments mis à nu, reliée par deux fils gainés à une pile électrique plate de 4,5 volts. Les contacteurs sont fixés à deux planches superposées placées au dessus du tube métallique, juste sous la surface du sol de la piste. La mise à feu peut être déclenchée par le poids d’un pied qui rapproche les planches et les contacteurs, allumant ainsi les filaments de la lampe au milieu de la charge de poudre. Explosion meurtrière. Ingénieux, simple, efficace. Durant cette guerre, de tels engins coûteront la vie à beaucoup des nôtres, sans grand risque pour ceux d’en face qui n’ont pas même besoin d’être là pour déclencher l’explosion. Quelques semaines plus tôt, un de nos caporaux a déclenché un de ces engins au cours d’une patrouille. La partie inférieure du

corps transformée en bouillie sanglante, il n’est mort qu’au bout de dix longues et terribles minutes.

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Notre véhicule déclenche l’explosion… Le 14 novembre 1960, nous revenons de Mila, où se trouve le PC du secteur, et roulons en direction de la mechta Taoulili où nous avons notre base arrière, complètement isolée dans le bled. Nous suivons l’itinéraire que nous avons déjà emprunté le matin, à l’aller. Plusieurs dizaines de kilomètres à parcourir sur cette piste qui devient habituelle, à bord du half-track que nous utilisons pour cette mission de ravitaillement. Nous sommes quatre: le chauffeur, à côté de lui le sous-officier chef de bord, derrière eux le tireur servant la mitrailleuse 12,7. J’assure les fonctions de transmetteur radio. A peu près à mi-parcours, nous arrivons sur un plateau assez dégagé. Sur le côté droit, se trouve un léger promontoire recouvert d’une abondante végétation. A cet instant, nous entendons une énorme déflagration: nous nous retournons comme un seul homme – excepté le chauffeur – et nous voyons s’élever de la piste vers le ciel, une belle colonne de fumée blanche, haute de plus de trente mètres. Nous réalisons que nous venons de passer sur une mine de forte puissance, qui a été enterrée à cet endroit, après notre passage du matin. Mais fort heureusement, son système d’allumage a eu du retard. Les quelques secondes ainsi gagnées nous ont sauvé la vie. La mine a explosé derrière notre véhicule au lieu de sauter sous celui-ci et de le renverser… Nous ne sommes vraiment pas en position de rechercher l’accrochage ; nous ne sommes que quatre et notre flanc droit est dominé par le relief, ce qui nous rend particulièrement vulnérables pour des tireurs au fusil ou un lanceur de grenade. Dans cette configuration, notre mitrailleuse ne peut guère nous être utile. Nous poursuivons notre route à bonne allure sur la piste cahoteuse, nous éloignant du comité d’accueil des fells qui nous attendait pour achever les survivants et s’emparer des armes, de

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la radio et du ravitaillement que nous rapportons. L’endroit a été bien choisi et si l’engin avait fonctionné comme prévu, nous n’aurions eu aucune chance. Notre journal des marches et opérations relatera ce fait avec une extrême sobriété : « lundi 14 11 1960 : Patrouille. Une mine explose après passage d’un véhicule. » Pour le rédacteur du JMO, c’était un incident banal. Pour nous quatre, ce fut un évènement majeur car nous avions neuf chances sur dix d’y laisser la vie. Lorsque j’y repense, je me dis que nous n’avons pas eu seulement la baraka, mais aussi l’ange aux ailes dorées qui veillait sur nous ce jour là…

Un half- track détruit par une mine.

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Déserter ou mourir

4 mars 1961. Nord Constantinois. A cette époque particulièrement tourmentée, les harkis, pressentant l’abandon de l’Algérie par la France, se sentent terriblement menacés. L’alternative qui s’offre à eux est soit d’attendre une hypothétique invitation à un éventuel « rapatriement » en France, qui équivaudrait en fait pour eux à un exil, soit de faire confiance aux promesses du FLN, se laisser désarmer et démobiliser, et être ainsi promis ainsi à une mort que certains d’entre eux se verront infliger dans des conditions de barbarie indescriptible… Cependant, une troisième issue pour eux consiste à déserter, en accomplissant un acte offensif contre les forces françaises, afin de bien marquer leur nouvelle appartenance à la cause de l’Algérie indépendante, et obtenir ainsi le pardon de leur passé de harki ayant combattu pour la France. C’est pourquoi les désertions se multiplient: on nous rapporte que les soldats français d’un poste isolé ont tous été massacrés par leurs compagnons de la veille, qui ont rejoint le maquis, emportant avec eux les armes et les munitions du poste. Dans notre propre secteur, un drame de même nature va se produire. Le caporal Chauvat, appelé du contingent, a été affecté au commando de chasse, sans en avoir, semble-t-il, expressément manifesté la volonté. Son père, en métropole, ayant appris que son fils servait dans une unité réputée dangereuse composée de volontaires, et craignant pour la vie de celui-ci, fait spécialement le voyage en Algérie et demande à rencontrer le chef de corps auquel il exprime une demande de mutation, ce qu’il obtient. Le caporal est aussitôt muté dans une compagnie de secteur stationnée à Sidi Mérouane, une bourgade assez calme. Le 4 mars 1961 à 7 heures 45, ce caporal est de service au poste de garde. Les armes sont réglementairement enchaînées au

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râtelier. Mais l’un des harkis, nommé Karaouet, qui a réussi à se procurer une clef, ouvre le cadenas et s’empare d’un pistolet mitrailleur et de deux fusils de guerre. Plusieurs militaires s’interposent à mains nues ; le harki déserteur pointe aussitôt son pistolet-mitrailleur sur le sergent-chef Saïdi qu’il abat, puis dirige l’arme sur le caporal Chauvat, qui reçoit une rafale mortelle à bout portant, et enfin tire sur le soldat Adrien, qui est blessé. Karaouet prend aussitôt la fuite. Une poursuite s’engage. Peu de temps après, le déserteur est abattu et les armes récupérées par le sergent Mokhtar. On imagine la douleur des familles des victimes, et tout particulièrement celle du père du caporal Chauvat, qui en voulant préserver la vie de son fils en l’écartant d’une unité de commando, n’a fait que précipiter son tragique destin. *********

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Le djoundi solitaire Printemps 1961. Petite Kabylie. Au petit matin, un groupe d’une dizaine de djounoud est signalé par un chouf du commando L 124. Le lieutenant Prudhomme prend la tête d’un détachement d’une cinquantaine d’hommes, quitte la base arrière de Taoulili et fait mouvement vers la zone où le groupe suspect a été localisé. La progression se fait à pied, à marche forcée. La mechta suspecte est en fait, une sorte de ferme isolée avec ses dépendances. Murs en torchis et couvertures en végétaux coupés. Une vaste pente dégagée entoure l’ensemble des bâtisses. A peine les commandos ont-ils quitté l’abri des chênes-lièges que leur approche est accueillie par un tir nourri. Fusils de guerre. Les assaillants se replient derrière les arbres. La mechta est complètement bouclée. Le lieutenant réfléchit rapidement : donner l’assaut coûterait cher, beaucoup trop cher : courir 200 mètres sous le feu d’une demi-douzaine de tireurs embusqués nécessiterait plus de 30 secondes ; de quoi voir mis hors de combat cinquante pour cent de l’effectif avant d’atteindre l’objectif. Décision est prise de demander un appui aérien, qui est aussitôt accordé. Changement de fréquence radio, channel 16 aviation. Deux chasseurs North American T6 Texan de l’Escadron d’Aviation Légère d’Appui (EALA) décollent de leur base de Telergma. Ce type d’appareil est particulièrement adapté à l’appui-feu rapproché en région montagneuse. Afin de baliser leurs positions et éviter toute méprise, les commandos déploient au sol de larges bandes de tissu rouge et noir aux couleurs de l’unité : L124. Le ballet aérien peut commencer. Les T6 fondent en piqué sur la mechta, crachant le feu de leurs deux mitrailleuses légères de 7,62 et de leurs deux lance-roquettes. Un silence complet

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s’installe au-dessus de la mechta. Mission accomplie, les deux avions repartent vers leur base.

Secteur de Taher – T6 en appui-feu du commando L120 Collection Ange Fileti

Quelques commandos s’avancent alors sur le glacis entourant la ferme. Une série de coups de fusil les accueille. L’opérateur radio qui accompagne le lieutenant Bélier reçoit au-dessus de l’épaule, une balle qui tranche net la sangle de son appareil ANPRC10. Pas de blessure, pas de dégât, le poste fonctionne toujours. Nouveau repli en bon ordre sous le couvert des arbres. Nouvel appel radio à l’EALA. Nouveau passage des T6, straffing, lancement des roquettes. Toitures totalement détruites, les avions retournent à Telergma.

Deux T6 en patrouille

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Cette fois, vu l’importance des dégâts, la partie semble gagnée. Il n’en est rien : nouveaux tirs en provenance de la ferme. Réplique des commandos vers les fenêtres, au moyen des fusils MAS 56 et de la mitrailleuse légère AA 52, positionnée en FM. La nuit tombe. Un caporal harki se glisse en rampant en direction de la mechta. Son approche passe inaperçue des djounoud. Arrivé contre un mur à demi écroulé, il hèle les occupants et leur propose de se rendre. Un rebelle lui répond. Les palabres s’engagent. Cela va durer des heures. Que se disent-ils exactement ? Eux seuls le savent. Finalement, la reddition est acceptée. Surprise, le rebelle est seul. En fait, c’est un lieutenant de l’ALN resté dans la place, armé d’un fusil Mauser à répétition cal. 7,92. Arme très précise à 200 mètres. Tandis que ses hommes s’échappaient de la nasse, il est resté seul en couverture. Lors des attaques des T6, il descendait dans une cache aménagée sous le refuge et remontait à la surface tirer quelques coups de feu aussitôt le danger aérien éloigné. Il est fait prisonnier et part pour l’interrogatoire. Respect.

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Comptes rendus d’opérations Le commando L 124 chargé d’opérer dans le Nord Constantinois, avait à sa tête, au début de l’année 1961, le capitaine Noir, qui était un officier particulièrement minutieux, notamment au niveau administratif. Ce capitaine tenait à jour son propre JMO – Journal de Marche et d’Opérations – tout comme si le commando avait été un régiment, ou tout au moins un bataillon. C’est grâce à ce souci de rigueur administrative que toutes les opérations de chasse, que l’on peut qualifier de « routine » du commando, ont été consignées à cette époque, au rythme d’un accrochage par semaine. En dépit de leur sécheresse toute militaire, les comptes rendus reflètent bien le rythme qui était imposé à cette petite unité, qui ne chômait guère… 30 mars 1961 Après-midi. Coup de main héliporté sur la mechta Dar Bou Messaoud 17 E 24 par le demi-commando d’Ouaziz, aux ordres du commandant d’unité, à la suite d’une intervention d’un H34 « Pirate ». Résultats pour le commando L 124 : deux rebelles mis hors de combat par la 1e section. 1 PM MAT 49 avec 6 chargeurs, une grenade F1, un récepteur à transistors et de nombreux documents saisis. 4 suspects arrêtés. 5 avril 1961 Bouclage entre 26 A 92, 27 D 25, cote 984 et 27 E /2, puis après-midi, fouille des ravins menant à l’oued.

1 HLL tué – 6 prisonniers. 1 adjoint RP de Kasma.

1 chef de centre de Grarem. 2 Mescals.

2 hébergeurs.

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1 MAS 56 – 2 PA, des grenades et de nombreux documents saisis.

11 avril 1961 Action de BC1 et BC3 aux ordres de Brun PC dans la zone 16,D, E4/, 5/, 6/ NB : BC = Boudeur Carmin, indicatif radio d’unité. A 12heures, départ en opération du demi-commando dans la région de Sidi Krennenou. BC 2 rejoint par la route des crêtes dominant à l’est l’oued Bou Irkouk, à hauteur de la cote 385, tandis que BCA se porte sur la mechta Kenaza. Action héliportée de la harka sur une cache en 25D73. Mitraillage du Pirate. Bilan : 1 HLL tué – 3 HLL prisonniers – 1 PA- 1 FC saisis. A 14 heures, le demi-commando se porte en véhicules jusqu’aux mechtas Ouled Kaïm. Action héliportée de la harka en 14L51. Mitraillage du Pirate sur deux caches situées en terrain labouré. Bilan : 10 HLL tués – 1 blessé. 6 FC – 1 PA – 1 PM P43 saisis. A 21 h, retour du demi-commando à Grarem. 13 avril 1961 Contrôle de population. 10h00 – BC2 part en exploitation de caches dans la région de Hacham (26K83). Bilan : 3 caches vides, arrestation d’un suspect aussitôt dirigé sur le PC de Grarem. BC4 s’est installé en bouclage en 26H63, A 16h, 1 groupe de BC2 et une équipe du DOP restent sur le terrain, cachés dans les oliviers, tandis que le reliquat monte à Grarem. Exploitation d’une cache par BC4 dans la mechta Segdal. Une femme suspecte est dirigée sur le PC. A 21h, déclenchement d’une action de BC2, sur la merkez de Hacham. Le lieutenant Rivière du DOP est immédiatement blessé. Son évacuation se fera difficilement vers 1h du matin.

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Bilan : le caïd du douar Abdelmelek, un chef de groupe, le chef du Merkez sont tués. Un 4e HLL réussit à s’enfuir avec les armes. BC2 reste sur le terrain. 25 avril 1961 Coup de main héliporté sur mechta Bou Ata (26L90) Embarquement à Redjas des 3e et 4e sections aux ordres du capitaine. Arrivée sur l’objectif à 19h. Accrochage immédiat du groupe rebelle recherché. Bilan : 5 HLL mis hors de combat – 1 FC – 3 grenades – Documents – Retour à Grarem à 21h15. Ces quelques brefs comptes-rendus officiels, consignés par le capitaine Noir dans le Journal de Marche et d’Opérations du commando L 124, ont le mérite d’apporter un triple éclairage sur ce qu’est devenu à cette époque, la guerre d’Algérie. En premier lieu, les forces rebelles sont aux abois. Les barrages aux frontières, dont l’efficacité est remarquable, ont considérablement réduit les approvisionnements en armes. Les formations les plus importantes ont été annihilées par les bataillons et régiments de choc de l’armée française. Les petits groupes rebelles disséminés ne tiennent plus eux-mêmes le terrain. Ils sont affrontés aux commandos de chasse qui leur ressemblent, et leur opposent des techniques de contre-guérilla les contraignant à se terrer jour et nuit dans leurs caches, les empêchant ainsi de se livrer à des embuscades ou à des attentats.

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Les conditions sont alors réunies pour qu’une issue politique équilibrée soit trouvée à ce conflit fratricide qui dure depuis sept longues années. Il n’en ira malheureusement pas ainsi et l’armée française qui a beaucoup donné, et qui commence à comprendre que l’indépendance va être accordée, se sent meurtrie, et dépouillée des succès qu’elle a remportés au prix du sang. Ses hauts responsables vont se voir contraints de renier les engagements qu’ils ont pris auprès des populations et surtout, auprès des harkis qui ont cru en la parole qui leur était donnée. L’annonce de l’indépendance, et toutes les conséquences que cet abandon va entraîner, place ces hommes d’honneur, qui ont personnellement engagé leur parole, devant une situation inacceptable qui ne peut que provoquer leur révolte.

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Les évènements d’Alger 22 avril 1961 – Survient le putsch militaire. Salan, Challe, Jouhaud, Zeller, « un quarteron de généraux en retraite » selon l’expression du général de Gaulle, se rebellent contre l’abandon programmé et précipité de l’Algérie, entraînant dans leur mouvement plusieurs régiments d’élite de l’armée. Une crise très grave éclate.

22 avril 1961 – Alger Les généraux Zeller, Jouhaud, Salan, Challe,

devant la Délégation Générale

Je me trouve alors en France dans ma famille, pour une permission de quinze jours. Informé de l’évènement par la radio, je me rends aussitôt à la gendarmerie d’ Héricourt (Haute Saône) où l’on me conseille de me rendre au quartier Hatry de Belfort. J’y suis reçu par un brave homme de capitaine du 35e RI qui me déclare en substance : « Mon gars, tu as de la chance. Comme c’est parti, il est peu probable que tu doives repartir en Algérie. En attendant, retourne chez toi et profites-en… ». L’officier se trompait : quelques jours plus tard, les quatre généraux, devant l’échec politique évident de leur mouvement dans l’opinion publique française et face à l’extrême fermeté affichée par le général de Gaulle, se voyaient contraints de demander que les armes fussent déposées, évitant ainsi que des

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combats fratricides ne s’engagent. Ce renoncement rapide fut à leur honneur. Le putsch était terminé ; je repris donc le train pour Marseille, puis le bateau pour Philippeville, et très vite, je retrouvai le commando L124 dans le Nord Constantinois. L’armée traverse alors une période tourmentée. Le putsch des généraux ayant tourné court, de fameux régiments, l’élite des troupes de choc, sont en cours de dissolution : le 1er REP, le 1er RCP, le 14e RCP et quelques autres splendides unités, sont rayées des rôles tandis que de prestigieux officiers sont mis aux arrêts ou emprisonnés. Il faut reclasser les hommes, leur donner une nouvelle affectation. C’est ainsi que le commando L124 reçoit le renfort d’un contingent de chasseurs parachutistes du 14e RCP qui troquent aussitôt leur béret rouge pour notre béret noir.

Débriefing au commando L124 – Collection : Sgt JP Brouillet Peu de temps après, 111 hommes de notre commando, dont 3 officiers et 8 sous-officiers, sont choisis pour une mission spéciale, à accomplir au sein du bataillon de marche n°4 qui vient d’être constitué. Le reste de notre unité demeure à Grarem, aux ordres du lieutenant Prohom, afin de ne pas laisser le champ entièrement libre aux forces de la rébellion. Nous recevons l’ordre de faire mouvement par la route, en direction de la capitale. C’est ainsi qu’après avoir traversé successivement Setif, Borj Bou Arreridj et Bouira, nous arrivons

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le 2 mai 1961 à Zeralda, où cantonnait l’ex 1er REP. Nous y campons en plein air. Le lendemain 2 mai, notre campement se déplace à Maison Carrée, où nous restons jusqu’au 12 mai, effectuant essentiellement des patrouilles de nuit à Alger durant cette période. Du 12 au 16 mai, nous cantonnons à la ferme Bernabé.

Mai 1961 – Ferme Bernabé à Maison Carrée Collection PC FNCV

Enfin, le 16 mai, nous établissons notre base dans l’enceinte du stade Marcel Cerdan à Bab El Oued, dans la partie ouest de la capitale, où nous plantons nos tentes et parquons nos jeeps, half-tracks et camions. Au cours des semaines suivantes, nous sommes chargés d’effectuer des missions statiques dans le jardin Marengo, au cinéma Majestic de Bab El Oued, des patrouilles dans le quartier des Tagarins, des patrouilles et des barrages dans le quartier de Mustapha. Notre séjour à Alger durera deux mois, période qui sera pour nous une véritable aubaine, comparée aux épreuves que nous avons endurées dans les montagnes de petite Kabylie. Cette vie de garnison est pour nous une vraie vie de château, agrémentée au surplus d’agréables baignades sur les plages d’Alger et de Fort de l’Eau.

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Mai 1961 – Une escouade du commando L124 en civil sur la plage d’Alger. Mais les rangers bien rangés au premier plan trahissent leur incognito… Collection Pierre Cerutti Les unités parachutistes jugées « factieuses » selon le vocabulaire politico-médiatique de l’époque, viennent de quitter Alger dans leurs véhicules, entonnant à pleine voix la célèbre chanson d’Edith Piaf « Je ne regrette rien ». En quelques jours, elles disparaissent à jamais, balayées au souffle de l’histoire…. Il faut donc rétablir une présence militaire et maintenir l’ordre dans la capitale. Etant donné le ralentissement des opérations sur le terrain, nous avons été choisis pour participer à cette mission à contre-emploi. C’est pour notre unité du djebel, mâtinée de « sauvageons », une expérience nouvelle.

Mai 1961 - Les Hauts d'ALGER - Patrouilles de maintien de l'ordre. Le commando de chasse chargé de cette mission est partiellement composé de paras du 14eme R.C.P.,

régiment dissous.Collection Sgt Jean Paul BROUILLET - Commando L 124 –

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Les effectifs de notre commando sont bigarrés, basanés, d’allure farouche. Nous ressemblons davantage aux fellaghas que nous combattons, qu’aux troupes d’élite de l’armée française. Cela ne manque pas d’inquiéter, et ceux de l’OAS nous font très vite comprendre qu’ils ne nous aiment pas : comme cadeaux de bienvenue, nous recevons entre autres, par-dessus la clôture du stade Marcel Cerdan de Bab El Oued où nous campons, quelques jets de grenades offensives qui n’ont rien de particulièrement amical, bien que ne représentant pas un danger très sérieux.

Mai 1961 - Le stade Marcel Cerdan de Bab El Oued. Collection Pierre Cerutti Nous sommes l’objet d’autres taquineries similaires. Un soir, je suis chargé de contrôler le carrefour du cinéma le Majestic de Bab El Oued. Je me poste, vers minuit, dans la rue, au pied de l’établissement, en compagnie de mon camarade Serge, un type solide, à la gueule de gitan, originaire de Villeneuve sur Lot. Le cinéma est fermé au public. Nous sommes, en une fraction de seconde, jetés à terre par une explosion assourdissante : une charge de plastic vient d’être lancée de l’un des immeubles qui forment autour de nous une double muraille, de part et d’autre du carrefour. Plus de peur que de mal, heureusement.

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Indemnes, mais quelque peu « sonnés » nous braquons nos pistolets-mitrailleurs vers les façades environnantes et les fenêtres, mais au moment d’appuyer sur la détente, nous prenons conscience du caractère dérisoire d’une telle réaction, et retenons notre geste. A quoi pourrait servir de tirer sur les têtes que l’on aperçoit aux fenêtres, si ce n’est pour risquer de tuer ou blesser des civils innocents, tant il paraît évident que ceux qui nous ont réservé cette délicate attention ne font pas partie des badauds, et se sont au contraire, empressés de disparaître.

Mai 1961 – Alger, Bab El Oued Chouf depuis la terrasse du cinéma Majestic-

Collection PC FNCV Notre mode de surveillance et nos postes d’observation sont aussitôt modifiés pour nous prémunir contre ce type d’action particulièrement désagréable et déstabilisant, au niveau du mental. ********

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Bravade Un jour de mai, à la suite d’un pari avec mes camarades, je me présente au poste Redon, au pied de la Casbah d’Alger ; les soldats du 9e Zouaves qui gardent l’entrée, bien qu’un peu étonnés, me laissent passer. Je suis en uniforme de sortie, arborant l’écusson des commandos de chasse. Pour toute arme, un poignard dans son étui. Seul, j’entreprends de remonter, lentement, rue après rue, escalier après escalier, toute la médina. C’est une provocation insensée, qui s’apparente à la roulette russe. Chemin faisant, je suis accosté, à plusieurs reprises par des marchands ambulants, proposant des souvenirs, des montres et autres colifichets, mais ils sont plutôt rares. Je ne fixe pas les personnes que je croise, mais conserve, durant toute cette randonnée, la vision circulaire qui permet de déceler le danger. Je ne rencontre aucun soldat, ni aucune patrouille : je suis seul dans la ville arabe, et le sentiment de mon isolement me procure une sensation subtile, plutôt agréable, tous mes sens exacerbés. Finalement, je débouche à El Biar, sur les hauts d’Alger, après un long périple chargé de mystère, dont je garde encore aujourd’hui la saveur, tant il fut vécu intensément. J’eus certainement de la chance, mais pourquoi avoir pris un tel risque sans raison ? Il ne s’agissait point d’inconscience, car mes camarades et moi étions devenus des soldats aguerris, et comme le voulait Bigeard, fiers d’être des combattants souples, félins et manœuvriers. Nous avions vécu comme des renards, durant des mois, sans être entourés de l’affection de nos familles, sans l’amour de nos femmes, et imprégnés des critères moraux très spéciaux qui sont ceux de la guerre, où tuer et blesser des ennemis qui sont

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aussi des êtres humains, peut vous procurer noblesse et gloire, et pour certains, un plaisir pervers. Je crois qu’à force d’ascèse, nous nous moquions de la mort, tout simplement : en dépit des quelques semaines de répit passées à Alger, nous n’étions pas encore revenus chez les vivants. ***********

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La mort d’Ahcène 10 août 1961. Désertion Le putsch des généraux est terminé depuis quatre mois et nous sommes revenus dans le Nord Constantinois où un nouveau territoire de chasse nous a été attribué. Notre commando compte dans ses effectifs deux jeunes harkis âgés de dix sept ans. Ils ont été affectés à la section de commandement. Ali est un grand gars dégingandé, au teint basané originaire de Tebessa, tandis que Ahcène, un Kabyle, est un garçon de taille moyenne aux cheveux châtain clair et aux traits fins. Tous deux sont en permanence d’humeur joyeuse et contribuent à l’ambiance de la section de commandement. Lors des opérations, ils font partie de notre petit groupe de deux à trois hommes accompagnant le chef du commando, à savoir : le caporal-radio, le garde du corps, et pour les déplacements en jeep, un chauffeur. Exposés aux mêmes dangers de jour comme de nuit, endurant les mêmes épreuves lors de nos marches longues parfois de plusieurs dizaines de kilomètres, partageant les mêmes moments de répit et de détente, nous avons noué des liens d’amitié solides, faits d’estime réciproque. Une réelle fraternité d’armes s’est créée entre nous. Je me souviens que ce jour là, c’était le 10 août 1961 en fin d’après-midi, nous avons fait halte dans une ferme abandonnée qui nous servait de cantonnement improvisé. Il fait une chaleur d’enfer et par jeu, mon camarade Serge et moi attrapons Ahcène par les aisselles et les jambes pour le tremper dans l’eau fraîche de l’abreuvoir, avant de nous y plonger nous-mêmes avec délices, au milieu des éclats de rire. Mais trois heures plus tard, à la nuit tombée, nous apprenons avec stupeur qu’Ahcène vient de déserter, emportant son armement individuel : fusil semi automatique MAS 49 avec huit chargeurs et des grenades, pour rejoindre les forces de la rébellion.

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Nous ne le reverrons plus jamais vivant.

Embuscade Le lendemain soir vers 20 heures, notre chef de bataillon, le commandant Taddeus, fait mouvement en jeep sur la route Grarem-Mila. La voie comporte de nombreux passages montagneux très sinueux, propices aux embuscades. Au détour d’un virage, à hauteur du douar Kanaza, le véhicule léger isolé est pris sous le feu d’une bande d’une vingtaine de djounoud qui l’attendait. Par une chance inouïe, aucun des quatre occupants n’est atteint. Taddeus a servi en Indochine. Officier aguerri, il n’est pas homme à s’affoler. Les réflexes vont jouer. Contrairement à l’attente du groupe rebelle, le commandant décide, non point de tenter de battre en retraite, mais au contraire de se placer dans une position favorable et de riposter.

Jeep armée d’une mitrailleuse en Kabylie

Le chauffeur de la jeep effectue une habile manœuvre et les quatre hommes, adossés à une paroi rocheuse, protégés par la jeep qui leur tient lieu de rempart, ouvrent le feu avec leurs armes individuelles, MAS 56 et MAT 49.

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Le combat est bref mais intense. Les balles pleuvent de part et d’autre. La mitrailleuse légère AA52 sur affût, armant le véhicule, crache ses rafales meurtrières en direction des assaillants. Ceux-ci, malgré leur supériorité numérique, se trouvent en difficulté et échouent dans leur attaque. Ils se voient finalement contraints de décrocher et disparaissent entre les rochers, en direction du djebel tout proche. L’un d’eux qui a été abattu est identifié grâce à ses papiers. Il s’agit d’Ahcène… Moins d’une journée après sa désertion, on nous a ramené son corps. Sa poitrine hachée par une rafale de balles de 7,62, il avait encore les yeux grands ouverts, que personne n’avait clos. La veille, c’était un jeune garçon plein de vie, tout juste sorti de l’adolescence, et il gisait là, froid comme la pierre, les yeux vitreux, figé dans sa raideur cadavérique. J’avoue m’être recueilli un long instant devant sa dépouille, comme s’il était encore l’un des nôtres. Désormais, la légitimité de cette guerre nous échappait. L’indépendance annoncée privait d’une partie de leur sens tant d’efforts et d’actes de courage. Le sort de ce jeune harki sacrifié sur l’autel de la politique, transformé ainsi en oppresseur dans son propre pays, aurait pu être encore bien pire que cette mort rapide et propre au combat. Adieu Ahcène, adieu ami, Même si tu as retourné tes armes contre la France, qui pourrait t’en vouloir…

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Commando de chasse lors d’un accrochage – Source Jean Mabire

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A bout portant La guérilla est un conflit fait le plus souvent d’embuscades, escarmouches et accrochages, mettant en présence de petits groupes de combattants, dans des circonstances parfois inattendues. Daniel, un de mes camarades, parachutiste originaire de Belfort, me raconta un jour une aventure qui lui était arrivée en 1958, au cours d’une opération dans le massif des Aurès, et dont le souvenir était resté gravé dans sa mémoire. Ce jour là, son escouade gravissait le flanc abrupt d’un oued, les voltigeurs déployés observant un espacement latéral de plusieurs dizaines de mètres, afin de ratisser au mieux la zone qui leur était impartie. Au terme de son ascension silencieuse, Daniel parvient sur la crête, et, au moyen d’un rétablissement athlétique, franchit le dernier obstacle qui l’amène entre deux grands blocs rocheux. Il se retrouve alors nez à nez avec un djoundi armé d’un fusil de guerre. Lui-même a son PM en batterie sur la poitrine. Les deux hommes sont à deux mètres l’un de l’autre et leur surprise est totale. A aucun moment, Daniel ne pense à faire usage de son arme, et le jeune rebelle, en face de lui, le fixe intensément, sans esquisser le moindre mouvement, comme paralysé. La rencontre a été si soudaine qu’aucun d’eux n’a son arme pointée sur l’autre. Très vite, un étrange sentiment envahit Daniel : ouvrir le feu serait se condamner soi-même, et dans l’échange de regards, il y a une chose étrange, comme un sourire, une sorte de fraternisation, un sentiment humain qui leur interdit de chercher à donner la mort à l’autre. Ce n’est pas la peur de mourir qui l’empêche de faire usage de son arme, car à cette distance, la MAT 49 employée en tir instinctif est d’une efficacité bien supérieure à celle d’un fusil qui est plus lent à pointer, mais c’est ce visage, ce

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regard, juste en face de lui, qui est trop proche, trop présent, trop vivant, pour vouloir l’éteindre. Au bout d’un laps de temps qui paraît infini, Daniel fait un signe explicite de la main : moi, je vais par là, et toi, tu pars par là. D’un signe de tête, l’autre acquiesce; il a compris. En évitant tout geste équivoque, l’un et l’autre font marche arrière et chacun repart silencieusement dans la direction d’où il est venu. Ce jour là, la compagnie à laquelle appartient Daniel accrochera une katiba et plusieurs rebelles seront tués au cours du combat. Mais le garçon rencontré le matin ne figure pas au nombre de ceux-ci et Daniel en éprouve un irrationnel soulagement, comme si l’autre était presque devenu son ami. Ce n’est que beaucoup plus tard, une fois rentré au pays, qu’il pourra raconter cette petite histoire : sur place, ni ses camarades, ni ses chefs n’auraient compris comment un chasseur parachutiste avait pu laisser échapper sa proie.

********** D’autres curieuses rencontres se sont déroulées dans des conditions analogues, comme en 1960, celle que fit un petit élément du commando V24/51e RI dans le secteur de Fedj M’Zala. L’adjudant Pélissier accompagné de deux harkis est parti de la base arrière du commando pour une mission de chouf, traduisez « repérage ». Ils sont habillés et équipés comme les rebelles : tenue non réglementaire et djellaba. Le terrain est très irrégulier et la visibilité limitée, si bien qu’au détour d’un relief, le petit groupe se trouve brusquement face à une section « fell ». Le caporal harki de pointe engage le dialogue avec l’officier de l’ALN qui la commande. Qui êtes-vous ? D’où venez-vous ? Où allez-vous ?

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Le harki explique qu’ils sont un petit groupe parti voir de la famille, et rejoignant à présent leur unité située dans une autre willaya. Les questions n’ont guère d’importance, de même que les réponses. Durant la conversation, l’adjudant Pelissier se t ient en retrait avec le deuxième harki. Les trois commandos ont devant eux quinze rebelles armés et savent que tout peut arriver. Les armes sont prêtes à lâcher leurs mortelles rafales. L’officier fell est-il dupe ? Pas sûr. Mais un combat engagé dans de telles conditions, se traduirait par un massacre de part et d’autre. Personne ne tient à prendre un tel risque et du reste, lors de ce type de rencontre, il naît très vite un sentiment de fraternité entre les combattants des deux camps qui sont soumis à la même vie rude. Après un signe d’adieu, la section rebelle reprend la piste, les commandos leur chemin, et les deux groupes se fondent dans la nature sans avoir tiré un coup de feu. ***********

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Duel à mort Toutes les rencontres inopinées ne se terminent pas aussi paisiblement. Au début de l’année 1961, dans le secteur de Grarem, un groupe de notre commando qui fait mouvement dans la zone interdite, a fait halte pour prendre un peu de repos. Il s’installe sur un promontoire favorable à l’observation et où aucune mauvaise surprise n’est à craindre. Une sentinelle est postée. Les gourdes sont vides et le harki Mourad est désigné pour descendre jusqu’à l’oued refaire la provision d’eau. Mourad est l’un des deux lanceurs de grenades du groupe. Plusieurs gourdes vides à chaque main, il emprunte un sentier qui descend vers le fond du vallon. Il a en bandoulière son fusil MAS 49, sur le canon duquel est emmanchée en permanence une grenade à ailettes anti-personnel de 34 mm. Arrivé au bord de l’oued, il pose ses bidons à terre, lorsqu’il découvre soudain qu’il n’est pas seul : un rebelle est là, faisant lui aussi, sa provision d’eau. Au même instant, celui-ci l’aperçoit. Surprise des deux combattants. Comprenant qu’il a devant lui un ennemi, le rebelle bondit sur son arme posée à terre. Mourad n’a pas le choix. Dans ce duel à mort, seul le plus rapide survivra. Il se saisit de son fusil. Mais un lance-grenade anti-personnel est conçu pour le tir courbe à une distance de 100 à 400 mètres, et non pour le combat au corps à corps. Dans un réflexe désespéré, il fonce en hurlant sur l’ennemi l’arme pointée

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comme une baïonnette, et à bout portant, appuie sur la détente. Le rebelle, qui a ramassé son arme une seconde trop tard, reçoit, sur le côté gauche de la tête, la grenade qui explose à l’impact. Le reste du commando a vite rejoint Mourad dans l’oued ; l’arme et le corps sont récupérés. L’effet de la grenade est terrible : la moitié gauche de la tête de l’infortuné a disparu, des cheveux au menton, tandis que la moitié droite est demeurée intacte. Au cours des jours suivants, le cadavre, placé sur l’avant d’un half-track, sera exposé à Grarem en place publique pour les besoins de l’action psychologique, afin de bien montrer aux populations, le sort funeste qui attend ceux qui osent affronter l’armée française. *********

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Méprise fatale Les combattants de certaines unités opérationnelles de l’armée française servant en Algérie, et notamment les commandos de chasse, étaient équipés de djellabas en laine. Ce vêtement berbère traditionnel, très chaud et confortable, offrait en outre, en cas de rencontre inopinée, de créer chez l’adversaire une incertitude quant au camp auquel appartenait celui qui la portait, et de bénéficier ainsi de l’effet de surprise. Mais une telle incertitude portait en elle le risque d’une méprise fatale et c’est ce qu’il advint le 3 février 1962, comme le rapporte le JMO de l’unité dans un compte rendu très détaillé.

****** L’indépendance de l’Algérie devant être proclamée quelques semaines plus tard, l’unité était cantonnée au bordj de Kef Bou Derga. Le caporal Alain Rabenne, gradé de quart, se tenait dans le bureau du secrétariat. A 21h40, il décide d’effectuer une ronde et se dirige vers la sentinelle du poste 3. Celle-ci, le deuxième classe Michel Fabre, de la section de commandement, se trouve à l’entrée du bordj, poste fixé pour la nuit, la seconde sentinelle se tenant dans une tour à l’entrée du dispositif, au sud du poste. Contournant un GMC garé devant le PC de l’unité, le caporal Rabenne se présente de face devant le deuxième classe Fabre, à moins de 40 mètres. Une violente tempête de neige, rendant la visibilité et l’ouïe difficiles, fait que le deuxième classe Fabre entrevoyant une forme s’avancer dans sa direction, crie les sommations réglementaires. Le caporal Rabenne ne les

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entend point et continuant d’avancer, reçoit une rafale de PM tirée par la sentinelle. Atteint de cinq balles de PM, deux au bras gauche, deux à la hauteur de la clavicule gauche et une sous l’œil droit, le caporal Rabenne, mortellement blessé, est relevé à une dizaine de mètres du poste de garde par deux sergents accourus aussitôt. Sur les conseils du médecin contacté par radio, une piqûre de solucamphre lui est administrée par l’infirmier, qui ne peut que constater le décès de son camarade. Transporté à l’infirmerie de l’unité, son corps est veillé toute la nuit et évacué le lendemain par hélicoptère. Cet accident eut des répercussions certaines sur le moral de la section de commandement dont faisait partie le caporal Rabenne justement apprécié par ses camarades. Le deuxième classe Fabre, très affecté, fut très bien entourée, et remis assez vite en confiance. La conclusion du rapport est la suivante : « Des éléments de l’enquête effectuée, il apparaît que cet accident, survenu à une période exceptionnelle de mauvais temps, n’est pas de la responsabilité du 2e classe Fabre. Ce dernier, récemment affecté à l’unité, bien que sujet émotif, et n’ayant jamais reçu le baptême du feu, affirme avoir fait les sommations réglementaires à son gradé, qu’il n’avait pas reconnu, ce dernier ayant revêtu pour effectuer sa ronde, sa djellaba, effet en dotation à l’unité. En conséquence, la mort du caporal Rabenne Alain, survenue dans les circonstances décrites ci-dessus, est imputable au service et peut se classer dans les accidents dus à une méprise »

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Une blessure bénigne

Petite Kabylie, 1er octobre 1961. Nous sommes dans le secteur répertorié BC2 sur les cartes d’état-major.

Une bande rebelle ayant été signalée par l’un de nos choufs, l’alerte a été donnée. Le commando L124 ainsi qu’un élément du commando V24 sont appelés à intervenir.

Partis de notre base arrière, nous nous répartissons par sticks de 7 et embarquons dans les « bananes », hélicoptères Vertol H21 qui ont été mis à notre disposition; étant donné l’urgence d’effectuer le bouclage de la zone où les rebelles ont été repérés, la discrétion de l’approche est sacrifiée au profit de la rapidité.

Hélicoptère Vertol H 21, la « banane ».

Un stick du 18e RCC

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En qualité d’opérateur–radio, j’accompagne le lieutenant Prohom, le patron du commando. Après un vol d’une vingtaine de minutes, notre stick est largué sur une petite colline dégagée et notre groupe fait aussitôt mouvement.

Un stick du commando Cobra héliporté sur la cote 1641 au cours d'un accrochage dans le secteur de Saïda.

Le terrain est accidenté. De nombreuses haies et massifs de figuiers de Barbarie gênent l’observation. Autour, des forêts de chênes-lièges.

Les commandos se dirigent vers une mechta suspecte, où des rebelles ont fait halte pour se restaurer et se reposer.

Notre unité s’articule en petits groupes de combat, se déplaçant pratiquement à vue, et tous en relation radio, au moyen des PP8 et des C10.

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Les commandos qui progressent en fond de thalweg deviennent inaudibles ; le lieutenant décide de s’écarter des groupes de combat et de se porter vers un promontoire rocheux d’où l’observation sera plus aisée et la communication radio meilleure. Un seul harki, Ali, et moi, l’accompagnons.

Alors que nous progressons sur le flanc de l’escarpement, nous entendons plusieurs coups de feu - fusil de guerre - tirés à plus de 200 mètres, venant d’une zone boisée, sur notre droite et un peu en arrière de notre position ; nous entendons les balles miauler.

Je ressens un choc à la cheville droite, et une petite douleur. Etant donné les circonstances, je ne dis rien dans l’instant et nous continuons notre course jusqu’à un endroit moins exposé.

Je fais brièvement part de cet incident à notre chef, mais celui-ci regarde à peine ma chaussure et, ayant des soucis immédiats plus importants, conclut autoritairement que puisque je suis capable de marcher, c’est qu’il n’y a rien de sérieux.

Inutile d’insister. Un commando en opération obéit aux ordres « sans discussion ni murmure », et puis, je dois dire que ce « diagnostic » optimiste et péremptoire me convient : dans notre petite unité, que l’on soit militaire de carrière, harki ou appelé, nous sommes tous des volontaires dont l’instinct de chasseur a été développé au plus haut point ; le reste est secondaire, l’important, c’est la chasse. Seules comptent les armes prises à l’ennemi, c’est la règle.

Au niveau de la mechta, la fouille n’a rien donné, notre gibier a quitté son terrier ; nous entendons plus au loin, de nouveaux coups de feu échangés entre la petite troupe rebelle qui se disperse en s’enfuyant et l’un des sticks du commando.

Un hélicoptère Sikorsky vient rôder au-dessus de nous, puis se déplace en direction du point d’accrochage, vers

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lequel nous nous sommes nous-mêmes dirigés ; l’appareil décrit des boucles de plus en plus serrées.

Nous voyons et entendons le mitrailleur tirer plusieurs rafales très courtes de son canon de 20 millimètres.

Un tireur au canon de 20 mm appuyant les troupes au sol

depuis un hélicoptère HSS Sikorsky. ECPAD

Nous débouchons sur le plateau rocheux où trois djounoud ont été stoppés dans leur fuite ; ils ont tenté de se protéger en se dissimulant contre les rochers mais en vain : les obus de 20 mm ne leur ont laissé aucune chance.

Leurs blessures sont affreuses. J’observe, avec une curiosité mêlée de pitié, que les petits obus de 20, tirés verticalement, ont produit des lacérations torsadées très longues, taillant littéralement le corps des malheureux en lanières, de haut en bas.

Au total, six djounoud ont été abattus mais leurs camarades ont pu s’exfiltrer du bouclage; nous décrochons, à pied, en direction de notre base arrière, emmenant avec nous un prisonnier et trois suspects qui se voient chargés de porter les armes récupérées...

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Il faut dire que, si nous avons droit à l’hélicoptère, c’est uniquement lorsqu’il faut aller au contact, en mission d’urgence, sans avoir d’impératifs de discrétion.

Mais pour le retour, même si nous sommes exténués, l’armée est moins généreuse. Les hélicoptères coûtent cher et les sentiers que nous empruntons sont impraticables aux véhicules. Notre chemin de retour est donc accompli à pied. Un commando de chasse doit rester capable de parcourir à pied avec 15 ou 20 kg sur le dos, 30 à 40 kilomètres dans une seule journée, avec des dénivelées incessantes et des traversées d’oued, parfois avec de l’eau jusqu’à la poitrine.

Arrivés à notre base, nous nous écroulons sur nos lits de camp, saouls de fatigue.

Ma cheville ne me fait plus mal. Je verse un peu de poudre sulfamide sur l’égratignure et m’endors aussitôt.

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Le lendemain matin, impossible de me mettre debout ; ma cheville a gonflé et ne me porte plus.

L’infirmier du commando décide de me faire transporter à l’hôpital le plus proche, celui de Redjas. Cet établissement est en fait un hôpital civil, requis par l’armée. Les soins qu’on y dispense sont ceux d’une infirmerie plutôt que d’un hôpital.

J’explique mon cas au médecin en chef qui fait la moue; j’ai droit à une exploration et à un nettoyage de la petite plaie ronde de 8 mm de diamètre peu profonde que je porte au niveau de la malléole et à une injection, comme seuls les militaires en ont le secret : un cheval de labour tomberait raide évanoui avec un tel traitement.

Au cours des jours suivants, ma cheville prend un volume énorme et devient extrêmement sensible et douloureuse. Impossible de marcher.

Gâterie supplémentaire. Une septicémie se déclenche et il me vient plusieurs foyers infectieux. Je ne peux plus ni m’asseoir, ni me coucher sur le dos, ni me mettre debout. J’ai droit à un traitement antibiotique renforcé.

Après plusieurs jours de cette existence grabataire, je vois le médecin arriver, flanqué de deux solides infirmiers, afin d’ouvrir la cheville, foyer primaire de l’infection, et la purger.

On me conseille d’agripper solidement les barreaux du lit. J’obtempère et le médecin (excusez moi, vous avez dit chirurgien ?) procède au scalpel, puis exerce plusieurs pressions énergiques et prolongées sur la cheville blessée. Celle-ci se dégonfle en partie après avoir expurgé ses humeurs.

Je suis parvenu – on a sa fierté – à ne pousser aucun cri, mais les infirmiers me montrent deux barreaux métalliques du lit que j’ai tordus sous l’effet de mes vigoureuses tractions. Encore heureux que l’on ne me colle pas huit pains pour détérioration du matériel de l’armée…

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Après ces péripéties, la guérison arrive en quelques jours. Un médecin m’explique que la balle ne m’a frappé que par ricochet, provoquant une fracture latérale de la malléole, mais n’interdisant pas le fonctionnement de l’articulation –en cas d’impact direct, ma cheville aurait été détruite – Seul, un petit éclat est resté dans la plaie, provoquant l’infection en raison de la tardiveté du curetage.

Fort heureusement, ma robuste et jeune constitution, ainsi que les traitements antibiotiques de choc dont j’ai bénéficié, ont permis d’éviter que les métastases ne gagnent les organes vitaux…

Au bout de quinze jours, encore claudiquant, je quitte l’hôpital, pour accomplir les deux derniers mois de mon séjour dans la section du sous-lieutenant Dupied, à Bou Hamma. Il ne me restera aucune séquelle de cette blessure, excepté une petite douleur lors des changements de temps, et selon les médecins militaires, un risque d’arthrose lorsque je serai vieux ; mais comme j’ai la ferme intention de rester jeune jusqu’au bout, cela n’a guère d’importance…

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Dernière opération 3 décembre 1961 Au cours des semaines qui suivent, les jours et les nuits de notre micro-garnison de 25 hommes installée dans une ferme isolée, dominant le village de Bou Hamma, vont être faits d’une succession de moments calmes, choufs, sorties en embuscades nocturnes souvent infructueuses, menus accrochages, coups de main, fouilles de mechtas. Pour moi, la quille approche : pour Noël, je serai de retour chez moi, ce que j’ai du mal à réaliser. Le 3 décembre 1961, grâce à des renseignements obtenus à l’issue d’un interrogatoire de prisonniers, un assez fort élément rebelle est signalé dans les environs de la bourgade de Sidi Krenennou. Nous sommes mis en alerte afin de participer à une opération sur les premiers contreforts ouest du djebel Sidi M’Cid Aïcha.

1961 – Secteur Taher – Nord Constantinois Embarquement d’un stick du commando L120 à bord d’un Sikorsky Collection Ange Fileti Ma cheville étant guérie, je suis à nouveau apte au crapahut et j’embarque dans un Vertol H21, la banane volante » avec le groupe du sergent Brouillet. Pour la circonstance, je suis redevenu caporal voltigeur, armé de ma MAT 49 et de quelques chargeurs.

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Hélicoptère Vertol H21, la « banane volante »

Nous sommes rapidement largués à un mètre du sol sur une hauteur qui constitue l’un des verrous du dispositif d’encerclement qui se met en place. Dans le même temps, plusieurs sticks de commandos sont héliportés sur les autres points-clef. Que dire de ces deux journées... Difficile, à mon modeste niveau, d’avoir une vision parfaitement claire de l’opération de guérilla qui s’engage sur un terrain très accidenté où les mouvements d’ensemble échappent. Je comprends toutefois qu’après la mise en place des commandos héliportés chargés de boucler les issues, une compagnie, articulée en groupes de combat a été chargée de ratisser la zone. Les rebelles réfugiés dans plusieurs grottes sont finalement localisés et leur réduction est confiée à une section spécialisée. La traque des autres HLL qui cherchent désespérément à sortir de la nasse se poursuit jusque dans les fonds d’oueds avec les groupes chargés du bouclage, dont le nôtre fait partie. Des engagements sporadiques ont lieu avec des résultats divers.

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Opération du 3 décembre 1961 :

deux commandos en position, prêts à bondir. Collection Pierre Cerutti

Au terme de cet épisode assez confus, les pertes amies se limitent à deux blessés, fort heureusement pour nous. Mais nos adversaires paient un tribut beaucoup plus lourd, laissant sur le terrain onze tués, tandis que six des leurs sont faits prisonniers. L’armement récupéré, dûment consigné sur le J.M.O. officiel, se compose de un pistolet mitrailleur MAT 49, sept fusils de guerre, trois fusils de chasse, un pistolet automatique et des grenades. Nous rentrons à notre base, au cours d’une longue marche crépusculaire que nous parcourons avec une étonnante légèreté, après ces épuisantes péripéties. Pour moi, ce fut la dernière journée d’aventures guerrières. Quinze jours plus tard, je pris congé des copains qui restaient, avec la sobriété qui convient à ce type d’adieu où l’on se dit tout, dans un seul regard. J’empruntai la piste pour Mila, puis la route de Philippeville, cette jolie cité méditerranéenne qui ne savait pas encore qu’elle s’appellerait bientôt Skikda.

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Après la Méditerranée : Le retour au pays Collection Pierre Cerutti Arrivé au port de Philippeville, avec ceux de la 59/2/A, ce fut enfin l’embarquement sur le Djebel Dira pour un retour au pays que je croyais définitif. *********

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Retour en Algérie

Je n’imaginais pas qu’à peine deux ans après la proclamation de l’indépendance, je serais de retour en Algérie. Cette fois, sans armes, j’ai pu sillonner toutes les routes, de Tlemcen à Tebessa et d’Alger à Hassi Messaoud, en passant par les gorges d’El Kantara au cœur des Aurès, et tout au long de la frontière tunisienne, de La Calle jusqu’à Negrine.

1960 – Une automitrailleuse du 2/ 9e RCA en patrouille dans les gorges d’El Kantara au cœur des Aurès

Avril 1965 – La palmeraie de Bou Saada, la paix revenue Collection Pierre Cerutti

Fraîchement promu chef de chantier de l’entreprise Boussiron, on m’attribua pour adjoints deux anciens lieutenants de l’ALN. C’est ainsi que je me retrouvai à la tête

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d’un effectif correspondant à celui d’une petite katiba armée de pelles, de pioches, de truelles et de marteaux, coopérant pacifiquement, je dois même dire fraternellement, avec ceux là mêmes que nous avions combattus deux ans plus tôt. Mais cette fois, c’était pour y construire des ponts, des barrages et des routes avec à la main des outils, et non des armes. L’ambiance était excellente. Chacun voulait tourner la page et ne plus penser à la guerre. Le fondamentalisme musulman n’avait pas encore droit de cité. Personne ne perdait au change… Je restai en Algérie jusqu’en 1968. En mai de cette année là, tandis que Paris s’embrasait et voyait ses chaussées pavées chargées d’histoire aux mains de groupes d’étudiants en mal d’école buissonnière et de révolution, s’envoler vers les casques des forces de l’ordre, c’est dans un calme relatif qu’à Alger, Houari Boumedienne reprenait le pouvoir à Ahmed Ben Bella. Je quittai l’Algérie le mois suivant pour n’y plus revenir. ********

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Le bilan des commandos

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Le bilan des opérations

Durant la guerre d’Algérie, les commandos de chasse n’avaient pas pour vocation première de faire des bilans. Leur rôle était d’abord de surveiller, collecter des informations utiles, transmettre celles-ci à l’échelon du bataillon ou du régiment, afin de permettre aux grandes unités de choc de réaliser les opérations d’envergure.

Certes, les commandos de chasse pouvaient exploiter eux-mêmes les informations relatives aux groupes armés d’importance présumée limitée, qu’ils pouvaient traiter avec un maximum de chances de succès et un risque minimum de pertes; en revanche, affrontés à des unités de l’ALN plus conséquentes, ils ne devaient rechercher l’accrochage que pour tenter de fixer l’adversaire en attendant un appui et des renforts aériens.

Cette formule avait le mérite d’économiser les hommes et le matériel. En outre, eu égard à la combativité des volontaires des commandos de chasse, les actions de choc qui leur étaient concédées évitaient de créer des sentiments de frustration qui auraient pu être préjudiciables à leur allant.

C’est pourquoi il ne peut être dressé de bilan précis et global de l’action de ces petites unités, « têtes chercheuses » au service des troupes de choc, qui opéraient généralement dans la discrétion, excepté quelques-unes d’entre elles qui ont connu une grande notoriété, comme les commandos Cobra, Georges, Yatagan, Griffon, pour ne citer qu’eux…

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Le Commando « Tempête »

A titre d’exemple, nous pouvons citer les chiffres fournis par le général Robert Gaget, dans son ouvrage « Commando Cobra - les ceinturons noirs en Algérie », présenté par le général Bigeard, et paru aux Editions « Trésor du Patrimoine ».

En trois années, avec ses 200 hommes venus de toutes les unités du secteur de Saïda, le commando Cobra affiche le bilan suivant :

Commando Cobra Combattants F.L.N.

Tués : 10 265 Blessés : 25 78 En ce qui concerne l’armement pris à l’ennemi, les résultats sont encore plus éloquents : Armes récupérées par Cobra par l’ALN Mitrailleuses : 5 - Fusils-mitrailleurs : 5 - Fusils : 167 - Pistolets-mitrailleurs : 32 1 Carabines : 4 - Pistolets automatiques : 4 - Certes, tous les commandos de chasse n’ont pas obtenu des résultats aussi remarquables que Cobra ou Georges, et ce pour diverses raisons, notamment celles liées

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à la situation géographique et au contexte particulier dans lesquels chaque unité se trouvait.

Le capitaine Georges Grillot donnant ses instructions à ses hommes

Mais au bout du compte, il apparaît clairement que si au cours des années 1955 à 1958, ce sont les unités de choc, au premier rang desquelles se trouvaient mobilisés les régiments parachutistes et les légionnaires qui ont été mises à contribution afin de réduire les plus importants bataillons de l’ALN, en revanche, à partir de l’année 1959, c’est l’action des commandos de chasse qui a été déterminante dans la poursuite de cette mission. Durant trois années, les commandos ont su découvrir les caches d’armes et de vivres, traquer sans relâche des groupes armés aux effectifs plus réduits, difficiles à localiser et qui s’étaient alors organisés, puis, avec ou sans appui aérien et renforts, les détruire ou obtenir leur reddition.

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Le temps de la haine Avec le recul du temps, il convient de s’interroger sur la question de savoir comment, à l’heure de l’indépendance algérienne, des haines aussi féroces se sont révélées, des crimes abominables ont été commis, et de tenter d’avancer quelques explications sur un malheur qui a empoisonné les relations franco-algériennes durant tant et tant d’années. La guerre d’Algérie a vu s’affronter :

- d’une part, des indépendantistes musulmans, hors-la-loi pour l’Etat français, qui avaient le sentiment de combattre pour libérer leur pays d’une puissance occupante et infidèle, aux yeux de leur religion,

- d’autre part, l’armée de la France, c'est-à-dire

d’une nation chrétienne, ayant une longue tradition républicaine, mais aussi coloniale, chargée de se battre pour sa patrie en luttant contre une rébellion commettant des actes de terrorisme meurtriers et aveugles ainsi que de multiples exactions sur les populations civiles, européennes ou musulmanes.

Ainsi, dès 1954, les conditions étaient déjà créées pour qu’une issue modérée et raisonnable de ce conflit devienne introuvable.

En outre, les dirigeants du FLN, qui étaient extrêmement déterminés, n’hésitèrent pas à avoir recours à tous les moyens pour parvenir à leurs fins, notamment :

- l’élimination physique de leurs adversaires

politiques directs, - Un terrorisme inhumain, frappant sans pitié

hommes, femmes et enfants innocents, sans distinction de religion,

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- Une propagande haineuse à l’égard de la France, afin de gagner à leur cause le maximum de populations.

Enfin, la mission de l’armée française n’était pas de la même nature que celles qui sont traditionnellement confiées à des militaires. L’armée devait d’abord assurer la protection des populations civiles pied-noir, et aussi musulmanes, contre les actes de terrorisme.

1959, Est Constantinois – Char du 6e Cuirassiers en protection de travaux agricoles

Elle devait ensuite faire de l’action psychologique dans le cadre de la politique de pacification et ramener les hésitants dans le camp de la France. Et puis, il fallait éradiquer les bandes rebelles et ramener la sécurité dans le pays. Mais le métier du militaire ordinaire, qui est de faire la guerre et non la police, lui permet rarement de faire de la philosophie ; le respect, sans discussion, de la hiérarchie et des règlements, qui est la force principale des armées, entraîne inévitablement une certaine rigidité dans les comportements et c’est pourquoi la mise en œuvre d’un plan trop subtil ne pouvait que se heurter à des difficultés. *******

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Sur le premier point de sa mission, l’armée française ne pouvait, à l’évidence, lutter contre le terrorisme ni avec des avions ou avec des chars et moins encore en pratiquant l’angélisme. On réussit à vaincre le terrorisme avec des moyens appropriés: il faut infiltrer les réseaux rebelles, faire de l’intoxication, retourner certains adversaires, obtenir des informations par divers moyens que la logique bourgeoise et civile réprouve. Il y a là un sujet d’étonnement qui n’est pas près d’être épuisé : Pour un « pékin » douillettement installé dans son salon, et qui prend régulièrement des nouvelles de la guerre devant son poste de télévision à l’heure de l’apéritif, il existe certains critères qu’il connaît parfaitement, et dont il doit être tenu compte scrupuleusement quand on est, selon son point de vue, un guerrier qui se respecte. La règle essentielle est qu’un ennemi peut et doit être tué dans des formes jugées convenables selon les critères du moment, à savoir, avec des obus, des bombes, des grenades, des roquettes, des missiles, ou à coups de fusil ; jusqu’ici, il n’y a pour le pékin rien que de très honorable. Même les bombes à fragmentation ou le napalm ne soulèvent que peu de protestations dans la mesure où on ne sait pas au juste de quoi il retourne, et si aucun journaliste connu ne s’en émeut, c’est qu’il n’y a pas lieu de s’en indigner vraiment.

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Commando en progression dans une zone traitée au napalm

En revanche, que l’on parle, à notre époque, d’utiliser encore des outils barbares ou archaïques comme le poignard, la baïonnette, ou pis encore, de procéder à un interrogatoire de prisonnier un peu poussé, même si l’on sait qu’il connaît des informations vitales qui peuvent permettre de déjouer un attentat meurtrier dans lequel vont périr des populations innocentes, là est le mal. Tous les guerriers de salon vous apprendront, du ton convaincu de ceux qui, avec la bonne conscience que leur procure l’ignorance des réalités de la guerre, qu’utiliser de tels moyens constitue un acte de barbarie pure et simple qui peut vous conduire tout droit devant un tribunal international pour crime de guerre. Mais sur la question de savoir comment on peut dans ces conditions, mener à bien une guerre anti-subversive et éliminer le terrorisme urbain qui ne respecte rien et cherche à tuer le maximum de gens, tout en vous demandant de respecter des règles faites à une autre époque lorsqu’il s’agissait de combattre des gens d’honneur aux sentiments chevaleresques, aucun d’entre eux ne vous apportera jamais de solution, car il s’agit en vérité d’une mission impossible. Tous ceux qui prétendent le contraire ne sont que des ignorants, ou pire, des manipulateurs de l’opinion publique qui conduisent sciemment à des aveuglements désastreux.

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Sans faire de prosélytisme, il convient d’observer que le général Massu a accompli cette mission impossible à Alger, en 1958, avec les 5.000 hommes des quatre régiments parachutistes de la 10e D.P. et l’assistance du 2e Bureau.

Le général Massu

******* En ce qui concerne sa deuxième mission d’action psychologique et de pacification, l’armée française a su se doter de moyens spécifiques, les Sections Administratives Spéciales (S.A.S.) pour le bled et les Sections Administratives Urbaines (S.A.U.) pour les villes. Dans une Algérie encore sous-administrée, et où le F.L.N. avait ses propres structures, il fallait tout réorganiser et ce sont les officiers des affaires indigènes, assistés par des moghaznis, qui furent chargés de cette mission pacifique. A ce titre, ils avaient à s’occuper du logement ou du relogement de certaines populations déplacées provenant des bidonvilles rasés, et aussi de distribution de vivres, de

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services médicaux, de la scolarisation et de la justice civile, matérialisée par les bureaux des chikayas. Ces missions de paix reçurent naturellement un accueil très favorable des populations les plus défavorisées dont personne ne s’était guère occupé auparavant, pas même au niveau du recensement. Les Sections Administratives étaient respectées non seulement par la population mais aussi par l’organisation rebelle, du moins dans les premiers temps.

1961 en Kabylie – Lieutenant S.A.S. en action psychologique

C’est pourquoi par la suite, le F.L.N., prenant conscience de l’effet négatif pour elle sur le terrain politique, du travail des Sections Administratives, organisa des attentats dont le but était à l’évidence, de susciter la haine et de briser les liens d’amitié qui se créaient ainsi et qui étaient considérés dans sa logique de terreur, comme une collaboration avec la puissance occupante, c'est-à-dire, un crime. *******

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Enfin, pour ce qui concerne l’éradication des bandes rebelles, et le retour de la sécurité dans le pays, l’armée française a su faire preuve d’une remarquable efficacité. Mais cette efficacité s’est mesurée au prix du sang versé et avec les humiliations inévitables infligées à des populations qui ne parlaient pas la même langue, n’avaient pas les mêmes coutumes et ne partageaient pas les mêmes croyances. Dès 1959, du fait de l’émiettement des forces rebelles, sur lesquelles se sont naturellement calqués les commandos de chasse qui avaient vocation à leur ressembler pour mieux les marquer et les anéantir, la guerre d’Algérie devint une guerre de lieutenants et de capitaines, qui incarnaient, chacun dans son fief isolé, le pouvoir suprême. Malheureusement les militaires, qu’ils soient officiers ou simples soldats, même s’ils portent le même uniforme et servent la même cause, ne sont égaux ni en courage, ni en qualité de jugement, ni en humanisme. En période de paix, ils se ressemblent et adoptent souvent les mêmes comportements. Mais dans les situations de danger mortel et les combats, les véritables caractères se révèlent, pour le pire et le meilleur. Etre en situation de guerre n’est pas un état normal pour la grande majorité des gens qui aspirent plutôt à la paix, à l’amitié et sont heureux de mener une vie calme et douce. Mais il y a les extrêmes. En Algérie, parmi les combattants, il y avait de preux chevaliers, capables de générosité et d’humanité. Mais à l’opposé, il faut admettre qu’il y avait aussi quelques des hommes à l’âme moins noble qui, parfois livrés à eux-mêmes, et ne disposant point de repères moraux dans la situation particulière qui était devenue la leur, étaient susceptibles de laisser se déchaîner leurs instincts et leurs pulsions, particulièrement après avoir vu les conséquences d’un acte de sauvagerie commis par ceux d’en face.

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Comme le disait le commandant Hélie Denoix de Saint Marc dont nul ne saurait mettre en doute les profondes qualités d’humaniste :

« On ne peut juger le comportement de soldats sur le terrain lorsqu’on ne sait pas ce que c’est que de retrouver des camarades prisonniers égorgés ou émasculés, des femmes et des enfants déchiquetés… »

Les officiers n’étaient pas tous de la même trempe, ni de la même formation et c’est pourquoi certains d’entre eux ont pu laisser se commettre des brimades, parfois même certaines exactions, au nom de la souveraineté française ou pour venger la mort d’un camarade. Il va de soi que ce type de comportement était particulièrement apprécié par le FLN, dans la mesure où lesdites exactions, aussi mineures fussent-elles, étaient aussitôt exploitées politiquement et venaient, dans l’esprit des populations, renforcer la légitimité de la lutte pour l’indépendance. ******* A la décharge des combattants des deux camps, il faut dire que les rebelles menaient une vie extrêmement rude, faite de privations et de fatigues incessantes, et constamment exposés au risque de mort.

Les hommes des commandos avaient eux aussi, à vivre dans des conditions similaires, mais il faut le reconnaître, avec quelques avantages: ils étaient mieux

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équipés, mieux nourris et soutenus en cas d’accrochage de jour, car ils pouvaient alors compter sur un appui aérien ou sur des renforts.

Courte halte dans le massif de l’Ouarsenis

La différence s’arrêtait là car ils devaient endurer eux aussi, les risques, la chaleur ou le froid, la fatigue intense, la soif, et la privation de tout ce qui fait la joie de vivre, la compagnie d’une femme aimante, des parents, une famille.

Il ne leur restait que le réconfort d’appartenir à une petite collectivité d’hommes affrontant solidairement les mêmes épreuves, les mêmes dangers, et dans lequel l’instinct de meute venu du fond des âges, se substituait lors des coups de main et des combats, à la pensée individuelle.

Tout cela ne pouvait qu’endurcir ces hommes et les rendre moins sensibles aux sentiments humanitaires de pitié ou de compassion. Pour eux, la vie, ce n’était plus que cela, les rochers et la piste sans fin, la chasse, la fatigue, le danger et la présence de la mort devenue si familière qu’elle était devenue indifférente. ******* La bataille d’Alger a été un succès et la tête de l’organisation FLN, anéantie.

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Les frontières ont été sécurisées, faisant échec à la plupart des tentatives de pénétration de nouveaux renforts et de nouvelles armes. Les opérations militaires combinées ont détruit les bataillons rebelles, les troupes des frontières ont verrouillé les accès, et les commandos de chasse ont traqué jusque dans les moindres retranchements les restes des katibas rescapées. L’indépendance de l’Algérie, intervenant sur une telle toile de fond, plaçait la France dans une situation très favorable lors des négociations avec le FLN.

1961 – Commando 51 du 9e RCA sur la DZ de Ramka Malheureusement, les conditions précipitées dans lesquelles les négociations se sont déroulées et les accords d’Evian leur fruit empoisonné, ont eu pour conséquence de transformer une victoire militaire indiscutable en exode, contraignant la population d’origine européenne à choisir « la valise ou le cercueil » et condamnant les malheureux harkis et supplétifs de l’armée française restés sur place, à une mort certaine, dans des conditions parfois terribles.

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Sous lieutenant Riguet

Pour nos frères d’armes, qui avaient tout donné à la France, il n’y eut point de paix des braves.

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Le temps de l’espoir La mission des commandos de chasse en Algérie a été bien accomplie et il serait légitime que ceux qui ont participé à cette épopée puissent en éprouver quelque fierté.

Retour de mission pour le commando L 120 Collection Ange Fileti Mais cette fierté a la couleur de notre béret, qui est celle du deuil. Tous les combattants qui comme nous sont venus de la métropole, et ont partagé durant de longs mois la vie quotidienne de nos frères d’armes musulmans, affronté au coude à coude les mêmes épreuves et encouru les mêmes dangers, ne peuvent oublier l’abandon précipité d’un territoire où nous avons mené ensemble des combats victorieux. Nous le pouvons d’autant moins que cet abandon a eu des conséquences funestes pour beaucoup de ceux qui, confiants jusqu’au bout dans les promesses de la France, sont demeurés en Algérie à l’heure de l’indépendance.

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Il nous restera à jamais au cœur une blessure inguérissable.

1961 - Commando L 120 – Ange Fileti, entouré de son escouade de harkis,

tous disparus…

Certains se demandent quelle sorte de fierté ils peuvent éprouver d’avoir combattu pour sauvegarder la sécurité des populations civiles et préserver l’héritage de la France, combat qui, par une triste ironie du sort résultant des choix politiques qui ont été faits, s’est transformé en conflit colonial d’arrière-garde …

Les combattants de 1914-1918, puis ceux de 1939-1945, sans oublier les Forces Françaises Libres et ceux de la Résistance, ont été généralement honorés pour leurs faits d’armes, comme ils le méritaient. Ils avaient résisté à l’oppresseur, défendu ou libéré par les armes, le territoire national dont l’intégrité était menacée par une invasion étrangère. Aussi, le pays leur en éprouva-t-il aussitôt une reconnaissance unanime et sans arrière-pensée.

En revanche, les conflits qui par la suite, se sont déroulés hors métropole, comme la guerre d’Indochine et la guerre d’Algérie, ont pris pour des raisons orchestrées par certains partis politiques un caractère colonial, et ont été ressentis par une partie de l’opinion, comme des guerres inutiles.

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La métropole se sentit moins concernée par ces conflits extérieurs, qui soulevaient diverses interrogations sur le plan moral. Certains esprits allaient jusqu’à considérer qu’avoir combattu en Indochine ou en Algérie était moins glorieux que d’avoir défendu le sol national. Il advint ainsi que nombre de combattants rendus à la vie civile, se détachèrent de l’armée et des valeurs qu’elle représentait.

Et pourtant: nul n’a choisi sa génération, son âge et son combat. Les volontaires ont choisi de servir leur pays chaque fois que la France a fait appel à eux. Beaucoup sont ainsi morts pour elle; ils sont égaux dans leur sacrifice.

C’est pourquoi, les générations de combattants d’outre-mer, dont certains sont rentrés atteints dans leur âme et dans leur chair, et qui étaient eux aussi au service de la France, n’ont pas à en rougir: ce qui reste en définitive, c’est la noblesse de leur idéal, de leurs motivations et de leur engagement.

Premier maître fusilier commando Montjaux, Commando « Tempête » ECPAD

Nous avons rapporté avec nous des souvenirs, dont certains sont certes cruels, mais nous y avons gagné aussi une incomparable maturité, et une réelle connaissance des autres.

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Par un étrange paradoxe, ceux que l’on a parfois accusés d’être le bras armé du colonialisme, portent aujourd’hui un regard bien meilleur et plus réaliste, sur les difficultés d’intégration que rencontrent les nombreuses populations étrangères arrivant sur le sol français. Ils en connaissent mieux que d’autres, les causes profondes.

Capitaine Grillot, dit « Georges »

Pour avoir partagé longtemps la vie quotidienne des Vietnamiens ou des Berbères, nous savons qu’il existe des différences, et que le fait de les reconnaître et de les respecter est, au contraire de l’égalitarisme forcené qui ne veut voir aucune différence car il n’entend rien partager de vrai, la marque d’un intérêt certain, d’une amitié sincère, et d’un esprit fraternel.

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Sergent Bottier, sergent chef Hadj, caporal Boukerche Avec les années, on gagne en sagesse, et en lucidité : A chacun d’entre nous qui a vécu cette aventure, et qui a agi selon ce que lui dictait sa conscience, il reste au fond du coeur le sentiment du devoir accompli, le souvenir et la fraternité des compagnons d’armes et des épreuves vécues ensemble, qui l’accompagneront et le soutiendront jusqu’au bout de sa vie. Je laisserai le mot de la fin au général Bigeard qui, arrivé au soir de sa vie, m’écrivait ces mots touchants qui sont le reflet de l’homme, et restent un exemple pour nous tous. Toul, le 19 septembre 2003 Cher ami, A 87 ans, je tourne à 3.000 tours.

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A 87 ans, je suis dans les « vieillards », ce qui m’oblige de crier : le passé on s’y réfère, mais ce qui compte, c’est demain et de gueuler : Demain j’aurai 20 ans. Un pas, encore un pas La Vie : un combat, Jusqu’au dernier souffle. Votre vieux para Reçu 5 sur 5 fort et clair, mon général ! Pierre Cerutti Bibliographie

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Commando de chasse - Jean Mabire - Presses de la Cité Commando Cobra - Général Gaget - Trésor du Patrimoine Commando Georges - Général Gaget -Trésor du Patrimoine Les guérilleros du V44 - Marcel Bury -Auteur éditeur

Le devoir, et plus que le devoir…