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UNIVERSITE PARIS 1 – PANTHEON-SORBONNE
INSTITUT DE RECHERCHE ET D’ETUDES SUPERIEURES DU
TOURISME
Du concept de Responsabilité Sociale de
l’Entreprise à son application au secteur du
tourisme
Une comparaison entre Adagio et Citadines
Mémoire professionnel présenté pour l’obtention du
Diplôme de Paris 1 – Panthéon Sorbonne
MASTER PROFESSIONNEL « TOURISME » (2è année)
Spécialité Gestion des Activités Touristiques et Hôtelières
Par : Melle Ludivine Plancade
Directeur du mémoire : M. Michel Tiard
JURY
Membres du jury : …………………………………..
: …………………………………..
: …………………………………..
Session de septembre 2012
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L’Université n’entend donner aucune approbation ou improbation
aux opinions émises dans les mémoires et thèses. Ces opinions
doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
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Remerciements
J’adresse tout d’abord mes sincères remerciements à M. Tiard pour son
accompagnement, sa compréhension lors de mon changement tardif de sujet et pour ses
réponses éclairées durant les vacances.
Je remercie également M. Dubois pour m’avoir guidé dans la réorientation de mon
sujet de mémoire.
Je témoigne aussi ma gratitude et mon affection à Sandra pour les corrections et
conseils de relectures avisés, pour son efficacité et son esprit scientifique qui ont guidé
mon travail.
Enfin, j’adresse toute mon amitié à Léa qui des bancs de l’IEP à mon entrée dans la
vie active a accompagné chaque étape de ma vie, y compris universitaire.
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SOMMAIRE
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : L’émergence du développement durable du tourisme
Chapitre 1 LA RSE , GENESE ET DEVELOPPEMENT D’UNE PRATIQUE
A. MOUVEMENTS DES IDEES, MUTATION DES VALEURS
B. LA PRESSION INSTITUTIONNELLE : DU DEVELOPPEMENT
DURABLE A LA RSE
C. LA RSE, UN ELEMENT DE MANAGEMENT INCONTOURNABLE ?
Chapitre 2 LA NECESSAIRE INTRODUCTION DES PRINCIPES DU
DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LE TOURISME
A. LE TOURISME, PHENOMENE ECONOMIQUE ET SOCIAL
B. LES LIMITES D’UN TOURISME VERTUEUX
C. LA RECONNAISSANCE OFFICIELLE DU TOURISME ETHIQUE
SECONDE PARTIE : La RSE dans les résidences de tourisme urbaines
françaises : illustration d’une tendance par l’étude comparative de
Citadines et d’Adagio
Chapitre 1 CONTEXTE
A. L’HEBERGEMENT TOURISTIQUE URBAIN : GENERALITES ET RSE
B. PRESENTATION DES MARQUES ADAGIO ET CITADINES
C. L’HOTELLERIE, PIONNIERE EN MATIERE DE RSE – L’exemple de
l’Hôtel Fouquet’s Barrière
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Chapitre 2 ETUDE DE CAS : LES DEMARCHES RSE DE CITADINES ET
D’ADAGIO
A. METHODOLOGIE : PRESENTATION DES CRITERES DE
COMPARAISON CHOISIS
B. RESULTATS
C. DISCUSSION
CONCLUSION
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INTRODUCTION
« L’entreprise doit faire des profits, sinon elle mourra. Mais si l’on tente de faire
fonctionner une entreprise uniquement sur le profit, elle mourra aussi car elle n’aura plus
de raison d’être ». Ainsi pourrait se résumer de manière schématique les préoccupations et
les débats qui entourent la question du rôle et de l’implication de l’entreprise dans la
société aujourd’hui. Pourtant cette citation est attribuée à Henri Ford, ce qui démontre que
ces questionnements ne sont pas un phénomène récent ni un simple effet de mode. Henri
Ford, ce « patron » américain des usines du même nom qui eut l’idée avant-gardiste de
considérer chacun de ses ouvriers comme un client potentiel à l’achat de ses voitures ;
ainsi, sans être philanthrope, mais parce qu’il était conscient que ses décisions allaient
avoir diverses répercussions indirectes y compris sur sa propre entreprise, il augmenta le
salaire de ses salariés ; corollaire de cette hausse de leur pouvoir d’achat, leur niveau
social s’éleva et certains investirent dans l’achat d’une voiture, de marque Ford bien sûr,
considérée alors comme un signe extérieur de richesse.
Cet exemple illustre ainsi l’impact qu’un chef d’entreprise peut avoir, à son échelle,
sur d’autres éléments qui l’entourent. Envisager le changement également à l’échelle de
l’entreprise est en effet un point de vue sensé ; c’est celui de la Responsabilité Sociale des
Entreprises.
Le concept de la Responsabilité Sociale de l’Entreprise apparait dans les années
1950 aux Etats-Unis avec la publication en 1953 de Social Responsabilities of the
Businessman d’Howard R. Bowen, économiste protestant américain qui souligne pour la
première fois la responsabilité sociale d’un dirigeant comme un facteur de performance.
Pour Bowen, cette idée « renvoie aux obligations de l’homme d’affaires de poursuivre
telles politiques, de prendre telles décisions ou de suivre telles lignes d’actions qui sont
désirables en fonction des objectifs et des valeurs de notre société ». Ainsi, cette première
évocation projette une vision large du concept. Cependant, sa traduction française a donné
lieu à des débats encore d’actualité. En effet, le choix d'une terminologie, qui influe le sens
et le contenu même du concept, constitue un enjeu majeur.
Ainsi, traduite directement de l’anglo-américain « Corporate Social
Responsability », la formule française la plus couramment employée « Responsabilité
Sociale de l’Entreprise », suggère une conception restreinte à ce qui relève des relations
entre les personnes, ou ce qui est favorable au bien-être des individus, selon la définition
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du terme “social” considérée. C’est la raison pour laquelle certains militent pour le recours
au terme « sociétal », afin d’exprimer une dimension plus large et éviter ainsi toute
confusion. Cependant, sous l’effet de l’usage croissant de l’anglais, le terme français
« social », fruit d’un anglicisme, englobe de plus en plus souvent la dimension sociétale. Il
est donc un peu difficile de s’y retrouver. Néanmoins, dans la littérature, la locution
« Responsabilité Sociale de l’Entreprise » domine ; nous respecterons donc les usages et
utiliserons cette locution et son acronyme RSE1 pour évoquer une responsabilité globale de
l’entreprise.
Au-delà de la question sémantique, la multiplicité des définitions-même illustre la
difficulté à encadrer le concept. Par une analyse de contenu des pages web indexées sur la
référence à la responsabilité sociale ou à des concepts proches, le chercheur norvégien
Alexander Dahlsrud isole, en 2008, les 37 définitions les plus citées entre 1980 et 20032.
En réalité, la polysémie de la RSE est la conséquence des multiples conceptions de
l’entreprise et de ses fonctions, selon les courants et les clivages qui traversent de façon
permanente les sciences économiques et de gestion. Cependant, il existe un noyau commun
à toutes les définitions recensées : celui-ci inclut la participation de l’ensemble des parties
prenantes, la dimension sociale, économique, volontaire et environnementale. De plus,
l’analyse de Dahlsrud permet de dégager deux tendances relative à la fréquence de citation
des différentes définitions pendant la période observée : celle-ci décroît régulièrement pour
les définitions publiées par des auteurs individuels, et augmente symétriquement pour les
définitions établies par des institutions publiques. Ainsi, dans notre étude, nous retiendrons
la définition de 2001 de la Commission Européenne3 qui définit la RSE comme
« l’intégration volontaire des préoccupations sociales et écologiques des entreprises à leurs
activités commerciales et à leurs relations avec les parties prenantes. Le développement
durable doit être plus qu’un concept purement environnemental, il s’agit de faire cohabiter
une économie dynamique avec une société qui donnerait sa chance à tous, tout en
améliorant la productivité des ressources, en dissociant croissance et dégradation de
l’environnement ».
1 Nous utiliserons désormais l’acronyme RSE. 2 Etude How Corporate Social Responsibility is define : analysis of 37 definitions, Alexander DAHLSRUD,
Norwegian University of Science and Technology, Trondheim, Norvège, septembre 2006 3 Glossaire du Livre Vert de l’Union européenne, Commission des Communautés européennes, Promouvoir
un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises, Bruxelles, juillet 2001.
8
Ainsi, une démarche volontaire de développement durable impliquant les parties
prenantes de l’entreprise constitue l’idée directrice de la RSE. La RSE et le développement
durable sont donc deux expressions concomitantes. Plus précisément, la RSE, est la
pratique qui permet l’introduction, au niveau de l'entreprise, des principes du
développement durable. En effet, le développement durable est un concept qui peut
s’entendre à tous les niveaux et à toutes les échelles (sectorielle, sous-sectorielle, etc) ; la
RSE correspond à l'une de ces échelles, celle de l’entreprise. Le développement durable et
la RSE ne sont donc pas deux concepts semblables, mais un seul et même concept entendu
à une échelle différente. Ce point constitue l'un des postulats de ce mémoire.
Il est donc essentiel de définir le concept de développement durable. Parce qu’il a
envahi la littérature depuis une trentaine d’années, ses contours sont plus consensuels et
une définition fait maintenant loi, celle donnée par le rapport de la commission Brundtland
en 19874 : « un mode de développement qui permet aux générations présentes de satisfaire
leurs besoins sans empêcher les générations futures de faire de même ». Cependant, la
traduction française de cette notion a longtemps fait débat : bien que le terme anglais
« sustainable » se traduise littéralement par « soutenable », le terme « durable » a
finalement été adopté. Le développement durable recherche un équilibre sur le long terme
entre les hommes, mais aussi entre l’homme et la planète, alors que le développement
soutenable s’appuie sur l’idée de limitation des ressources naturelles. Après que la
polémique a fait rage, la communauté internationale a adopté le terme « durable » et le
débat s’est rapidement axé sur la question du renouvellement du modèle économique
actuel.
L’idée selon laquelle l'amélioration ou simplement le maintien des conditions de
vie ne sont pas nécessairement indéfiniment assurés, ni indépendants de la conservation
des ressources naturelles, est une préoccupation ancienne, bien antérieure à la commission
Brundtland, mais qui a longtemps été éclipsée. En effet, au début du XIXème siècle,
Malthus décèle déjà dans la croissance démographique des hommes une menace pour le
développement économique à long terme. Par la suite J. Stuart Mill envisage la nécessité
4 La Commission mondiale sur l’environnement et le développement, présidée par Gro Harlem Brundtland,
alors Premier ministre de la Norvège, a forgé le concept de « développement durable » dans son rapport aux
Nations unies « Notre avenir à tous », publié en avril 1987.
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d'atteindre un «état stationnaire» dans lequel les hommes cesseraient d'élargir leurs
transformations productives de la nature afin d'en préserver les bénéfices5.
Mais à partir de la fin du XIXème siècle, alors que le développement économique acquiert
une plus grande autonomie par rapport à la nature et à ses aléas, la question des bases
matérielles de la croissance économique est relèguée au second plan. Les problèmes de
pollution ou de gestion des ressources naturelles ne sont ainsi abordés que de façon
marginale, dans une perspective d'amélioration de l'efficacité sociale ou de maintien des
équilibres.
En 1971, le rapport Meadows (du MIT) intitulé « Limits to growth » propose plusieurs
scénarios dans lesquels la croissance économique bute successivement sur l’insuffisance de
la production alimentaire ; puis sur la pénurie des ressources naturelles en cas
d'augmentation de la production agricole ; enfin, sur le problème de l'accumulation des
pollutions si un recyclage massif est développé6.
Si les réflexions sur un nouvel ordre économique constituent un élément-clé du
contexte d’émergence de la notion de développement durable, comment s’est effectuée la
mise en place de ce concept ? Quels acteurs ont été impliqués ? Quels ont été les éléments
déclencheurs de l’introduction de nouvelles pratiques au sein de l’entreprise ?
Le développement durable recouvre trois aspects : le social, à travers la satisfaction
des besoins essentiels à l’homme, l’économie et l’environnement. Si une vision galvaudée
du concept a pu privilégier dans un premier temps l’aspect environnemental, seule la prise
en compte des trois piliers du développement durable peut constituer une démarche RSE
réussie. Ainsi le concept de Triple Bottom Line, créée en 19947, propose une évaluation de
la performance de l’entreprise sous trois angles: People (personnes), qui prend en compte
les conséquences sociales de l’activité de l’entreprise pour l’ensemble de ses parties
prenantes ; Planet (planète), soit la compatibilité entre l’activité de l’entreprise et le
maintien des écosystèmes ; et Profit (profits), c’est-à-dire la performance économique de
l’entreprise.
5 FAUCHEUX, Sylvie. Economie des ressources naturelles et de l’environnement, Paris, Armand Colin,
1999, 370 p.
6 Ibid.
7 L’expression a été créée par John Elkington, cofondateur du premier cabinet de conseil en stratégie de
développement durable britannique SustainAbility en 1994. Elle a ensuite fait l’objet d’un livre du même
auteur en 1998.
10
Le développement durable s’envisage donc comme un paradigme de
développement global qui a vocation à contrer les dérives de développement qui ont cours
depuis la révolution industrielle mais ont empiré avec la mondialisation. En effet, le
développement durable trouve ses racines dans l’émergence d’une critique de la
mondialisation économique et surtout de ses dérives. Dans ce contexte, certains secteurs
sont plus concernés que d'autres par la nécessité d’introduction des principes de
développement durable, et en particulier le tourisme. Ce point constitue le deuxième
postulat de notre étude.
Mais en quoi le tourisme a-t-il spécifiquement besoin de régulation ? Comment
s’est opérée son internationalisation ? Quelles caractéristiques de ce secteur vont influer les
pratiques de développement durable ?
Le tourisme est une activité ancienne, qui a pris au XXe siècle une dimension
planétaire. Il constitue désormais un secteur économique fondamental dans de nombreux
pays industrialisés, comme dans les pays en développement, qui en font un facteur
essentiel de leur développement.
Selon la définition établie par l’Organisation Mondiale du Tourisme8, le tourisme
« est un déplacement hors du lieu de résidence habituel pour plus de 24 heures et moins de
quatre mois, dans un but de loisirs, un but professionnel, ou un but sanitaire »
Le mot tourisme tire son origine de l’anglais « tourism», signifiant « le grand
tour ». Au XVIIIe
siècle, en Angleterre, ce « grand tour » consiste à envoyer les jeunes
hommes de familles aisées à l'étranger durant deux ou trois ans, dans le but d’en faire des
hommes du monde en éveillant la connaissance et l'esprit par le voyage. Ces pratiques
concernent non seulement les nobles dont le pouvoir politique et social déclinait, mais
aussi les bourgeois vivant de leurs rentes. Si, à cette époque, le voyage est considéré
comme un outil d'apprentissage de la vie, sa perception actuelle, qui renvoie à l'oisiveté et
à la détente, est plutôt opposée. Autre paradoxe, au XIXème siècle, le tourisme est une
activité réservée à une minorité, alors qu’il est de nos jours très démocratisé. Nous sommes
ainsi passés d’un tourisme d’élite au tourisme de masse.
8 Nous parlerons désormais de l’OMT.
11
Le terme « masse» évoque littéralement le nombre et la quantité9. Un phénomène
est qualifié « de masse» lorsqu'il concerne une grande partie de la société. C'est pendant la
période des années 1950 aux années 1970 que le terme « tourisme de masse» apparaît et se
diffuse. La fréquentation de certains lieux s'accroit alors chaque année un peu plus. Cette
consommation de masse du produit touristique constitue sans doute l'une des grandes
révolutions du siècle dernier, ce produit représentant, à certains égards, l'accès
démocratique à un privilège des classes dominantes. Plusieurs facteurs ont contribué à
l’explosion du tourisme de masse au XXème siècle : l’octroi des congés payés dans les
pays industrialisés, l’essor de la société de consommation, les modifications en profondeur
des valeurs et des habitudes de vie, mais aussi et surtout le développement sans précédent
des moyens de transport, dont l’automobile et le transport aérien.
Le tourisme constitue ainsi un objet d’étude intéressant à plusieurs niveaux :
activité majeure, elle est en développement permanent, fruit d’interactions nombreuses en
son sein mais aussi avec d’autres secteurs. Activité mondialisée, elle couvre différentes
dimensions, mais concerne tous les pays, du Nord comme du Sud. Le concept de
développement durable ayant émergé en réaction aux impacts négatifs de la
mondialisation, une activité internationalisée comme le tourisme représente un objet
d’étude incontournable lorsque l’on s’intéresse à sa mise en application. Sous quelle forme
le développement durable a-t-il émergé au sein du tourisme? Quels sont les facteurs de son
émergence ? En quoi la prise en compte de l'activité touristique à différentes échelles est-
elle essentielle à sa mise en place ? Quelles sont les modalités pratiques de sa mise en
œuvre et le sens réel de cette démarche ?
Il est impossible de réaliser dans ce mémoire une étude du tourisme à toutes les
échelles (mondiale, régionale, nationale, locale ; intersectorielle, intra-sectorielle, sous-
sectorielle ; etc). Aussi, dans la première partie, nous nous intéresserons au développement
durable dans le secteur du tourisme entendu dans sa globalité. Dans une première section,
nous introduirons l'émergence du concept de développement durable ainsi que sa
transposition à l'échelle de l'entreprise, tous secteurs économiques confondus. Dans une
seconde section, nous dresserons un état des lieux de l'activité touristique en présentant ses
effets indéniablement positifs mais aussi les dérives qui ont rendu nécessaire l’introduction
d’une dynamique de développement durable dans sa pratique.
9 Le Petit Larousse 2005, Paris, Larousse, 2004, 1784 p.
12
Dans la deuxième partie, nous nous intéresserons plus spécifiquement à la RSE qui
concrétisera les notions abordées dans la première moitié de notre étude, en l’appliquant à
l’activité des hébergements touristiques. Dans quelle mesure la RSE est-elle indispensable
à l’exercice d’une activité d’hébergement, et quelles peuvent-être les modalités et le sens
réel de cette démarche ? Les conditions d’émergence du paradigme du développement
durable du tourisme ayant été abordées dans la première partie, il s’agira d’accorder une
attention particulière aux moyens de son application concrète. Afin de ne pas limiter notre
étude à des considérations générales, et de mener une analyse critique des pratiques en
matière de RSE, nous nous concentrerons sur une activité spécifique : l’hébergement
touristique urbain, au travers d'une étude comparative de deux marques de résidences de
tourisme. Ce secteur dynamique et en expansion constitue un objet d'étude
particulièrement pertinent, et néanmoins souvent délaissé au profit de l’hôtellerie ; de plus,
les résidences de tourisme urbaines évoluent dans un environnement très concurrentiel
(entre elles mais aussi avec l’hôtellerie traditionnelle) et sont donc en recherche
permanente d’innovation et de démarche différentiante ; pour des raisons d’accès à
l’information10
, nous analyserons donc la politique RSE de Citadines et de son concurrent
direct, Adagio.
10 J’ai réalisé un apprentissage d’un an chez Citadines de septembre 2011 à août 2012.
13
Première partie : L’EMERGENCE DU DEVELOPPEMENT
DURABLE DU TOURISME
La Responsabilité Sociale de l’Entreprise est un concept récent, fruit de diverses
évolutions et influences que nous développerons dans un premier temps. Nouveau
paradigme de régulation, il peut s’appliquer à différents secteurs. Nous verrons dans un
second temps que du fait d’un secteur majeur et des impacts négatifs de leur activité à
plusieurs niveaux, les entreprises touristiques ne peuvent échapper au développement de ce
phénomène.
Chapitre 1 : La RSE, genèse et développement d’une pratique
Plusieurs facteurs ont contribué à alimenter une réflexion et un débat autour de la
responsabilité sociale des entreprises dans des milieux très divers. L’évolution des valeurs
et des mentalités, dans la société puis dans les institutions, s’est ainsi révélée un prémisse à
l’introduction de la RSE comme élément de management et de gestion des entreprises.
A. Mouvement des idées, mutation des valeurs
Les valeurs d’une société sont spécifiques à une époque, évolutives et guident les
pratiques et les usages des membres et des communautés en son sein. Les tendances
actuelles sont ainsi influencées par les réflexions autour de ces valeurs qui ont cours depuis
plusieurs décennies et qui ont permis l’émergence d’un principe fondateur : l’éthique.
1. De l’éthique et de la morale
L’éthique et la morale sont deux notions originellement distinctes, mais qui prêtent
souvent à confusion; En effet, le terme «éthique» provient du grec Ethos et le terme
«morale» du latin Mores: les deux notions ont donc la même signification étymologique,
renvoyant aux « mœurs », à « la façon de vivre et d’agir »11
.
Cependant, d'un point de vue philosophique, il y a une différence entre les deux
termes. La morale qualifie la capacité à s’imposer un comportement dans un but qui n'est
pas dicté par une sensibilité personnelle. Définie a priori, et guidée en particulier par la
religion, elle représente une dimension collective et sociale de la détermination du
11 PARAIRE Mickaël. L’Ethique [en ligne]> http://www.heraclitea.com/ethique1.htm
14
comportement humain. A l’inverse, l’éthique régit les actions que l’homme doit mener
pour bien conduire sa vie et parvenir au bonheur. L’éthique est indirectement issue de la
sensibilité personnelle de l'individu, et est construite par délibération.
Ainsi la morale renvoie à un système de normes qui s'impose aux membres d'une
collectivité ou d'un groupe donné, et incarne les valeurs implicites de ce groupe, alors que
le terme "éthique" renvoie aux motivations qui sous-tendent les actes d'un individu.
a. La Morale nietzschéenne
a.1. Quel fondement pour la morale ?
Depuis l'Antiquité, les philosophes se sont intéressés à la possibilité de définir le
bien de façon absolue. Cette question renvoie à une réalité qui transcenderait les
approches du bien et du mal présents dans les différentes sociétés et civilisations humaines,
c’est-à-dire les comportements considérés comme recommandables dans un groupe donné,
mais variables d’un groupe à l’autre. Cette recherche renvoie à la définition de l’homme
dans son essence, par delà les différences entre les valeurs sociales inhérentes à chaque
civilisation. Elle suppose la reconnaissance d’une nature humaine, commune à l'ensemble
des hommes, qui fournit le socle sur lequel s'appuie la recherche de la spécificité de la
dignité de la personne humaine et les comportements et actions compatibles avec celle-ci.
Ainsi, l’adéquation entre les actes et la dignité de l’homme, lisible dans la nature humaine,
constitue la base d'une évaluation universelle des comportements, en conformité avec la
morale naturelle. L’homme cherche, à établir des relations étroites et harmonieuses avec
les réalités matérielles et spirituelles, mais aussi avec autrui, en particulier par le biais de
la religion. Dès lors, toute action visant à pervertir l’expression d’une de ces aspirations par
lesquelles l’homme affirme et développe sa dignité, peut être considérée comme
intrinsèquement perverse et interdite par la morale naturelle. Cette idée partiellement à
l'origine d’un texte comme Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Pourtant,
malgré le caractère normatif de ce texte de référence, on constate la montée d’un
relativisme moral grandissant qui laisserait à penser qu’aucune morale naturelle ne peut
être reconnue comme valable pour tous les hommes.
Ce postulat avancerait ainsi l’idée de l’existence de plusieurs morales. Pourtant,
malgré la revendication de ce relativisme, un consensus tacite semble exister, guidant la
rédaction des codes et chartes qui défendent l’opprimé et prônent l’égalité et le respect de
15
l’autre. Cependant selon Nietzsche cet ordre des choses ne correspondrait à aucune logique
naturelle, mais serait plutôt une construction artificielle qui servirait à masquer l’instinct de
défense des « faibles ». Cette théorie est développée dans son ouvrage La généalogie de la
morale12
.
a.2. Le triomphe de la morale des faibles ou
l’émergence d’une morale consensuelle
Selon Nietzsche, deux concepts s'opposent fondamentalement dans la morale : la
morale des forts et la morale des faibles, qui correspondent à deux systèmes de valeurs
distincts.
Les forts créent une opposition bon / mauvais afin de se distinguer des faibles,
perceptible d'un point de vue étymologique. En effet, en grec et en allemand, le bon
désigne originairement la distinction, la richesse, ce qui est de bonne qualité, la noblesse.
Le bon, selon le grec, est celui qui est pleinement. Par conséquent, le mauvais désigne le
défaut d’être, l’impuissant, l’homme du commun. Selon Nietzsche, le concept de « bon »
est donc né dans l’âme des puissants et des nobles qui se sentent eux-mêmes « bons » par
rapport à tout ce qui est inférieur. Tel est le fondement de la morale des forts.
La morale des faibles, qui s’appuie sur une opposition bien / mal, sous la forme bon
/ méchant, a une origine différente. En effet cette dernière est forgée par les vaincus,
devenus humbles par nécessité, les faibles, qui ont désigné par « mal » ce qui leur était
nuisible, donc l’action des forts. Le point de départ de la morale des faibles est donc le
paralogisme : «tu es méchant ; je suis le contraire de ce que tu es ; donc je suis bon. »
L’action des forts est la cause de cette distinction forts / faibles. Animés par la
recherche de puissance, les forts vont opprimer et asservir les faibles. Ces derniers vont
alors déterminer leur action selon les conséquences de celle des forts ; l’action des faibles
représente donc davantage une réaction. Les faibles sont animés d’un ressentiment, et cette
vengeance s’exprime par des valeurs créées pour lutter contre les forts, en dévalorisant leur
puissance. Ainsi, selon Nietzsche, la pitié, l’altruisme, et plus généralement l'ensemble des
valeurs humanitaires, sont en réalité des valeurs par lesquelles l'individu se nie soi-même
pour se donner l’apparence de la bonté morale et se persuader de sa supériorité ; mais sous
12 NIETZSCHE, Friedrich. La généalogie de la morale, Paris, Flammarion, 2000, 278 p.
16
ces valeurs illusoires demeure une haine impuissante qui recherche la vengeance et la
domination.
Ainsi, le concept fondamental de la morale noble est le « bon », alors que la morale du
faible, née du ressentiment, s’appuie sur le « méchant ». Par ce terme le faible condamne le
fort pour sonc comportement de vainqueur, tandis qu’il se glorifie de se conduire en faible
et transforme son sentiment de faiblesse en vertu.
« Nous les faibles nous sommes décidément faibles ; nous ferons
donc bien de ne rien faire de tout ce pour quoi nous ne sommes pas
assez forts » - Mais cette constatation amère, cette prudence de
qualité très inférieure que possède même l’insecte […], a pris les
dehors pompeux de la vertu qui sait attendre, qui renonce et qui se
tait, comme si la faiblesse même du faible était un
accomplissement libre, quelque chose de volontairement choisi, un
acte de mérite.»
La Généalogie de la morale
Ce raisonnement, cette ruse, ont mené à l’inversion des valeurs. Ainsi, selon
Nietzsche, la morale juive a opéré ce renversement en se posant en peuple élu, aimé de
dieu, bon ; la morale chrétienne opère ce même renversement en décrétant la culpabilité de
l’homme et en plaçant la supériorité dans l’idéal imaginaire de ses adeptes.
Il existe donc un combat entre deux systèmes de valeurs : « bon et mauvais » contre « bon
et méchant ». Ce combat est symbolisé par la lutte entre Rome et la Judée [citation],
combat qui a vu émerger la morale chrétienne, prégnante à travers les siècles.
Les débats actuels font généralement référence à la morale, au singulier et sans
équivoque sur son sens. La généalogie de la morale proposée par Nietzsche reste
néanmoins pertinente dans notre étude, car elle éclaire sur l'origine des valeurs qui guident
aujourd’hui les nouvelles formes de gestions, de management et les engagements des
entreprises en matière de responsabilité. En effet le tourisme, comme nous le verrons plus
loin, est affecté par des dérives et des déséquilibres, sources d’inégalités. Le capitalisme et
son corollaire, la consommation de masse, ont vu évoluer le tourisme vers une forme
pervertie où seuls les puissants sont bénéficiaires. Le tourisme de masse reproduit ainsi la
distinction forts / faibles. Pour contrer ce déséquilibre, de nouvelles directions sont
17
proposées, en déclinaison de principes vertueux universels, et donc à même de remporter
une adhésion globale.
Ces valeurs sont réunies dans le concept d’éthique. C’est donc un tourisme plus
éthique que proposent les « faibles », et qui désormais s’impose, pour pallier aux
conséquences négatives d’un développement touristique rapide.
b. Consensus autour de l’’éthique
Actuellement, le terme éthique a supplanté celui de morale car ce dernier était trop
connoté religieusement. De plus, à la fin du XX ème siècle, l’éthique a connu un regain
d’intérêt sans précédent ; le point de départ de cette évolution des mentalités est une prise
de conscience collective d’un certain nombre de dangers inhérents au développement des
pratiques techniques, technologiques, médicales et scientifiques, mais aussi des contraintes
économiques et de l’hyper spécialisation.
b.1. L’éthique appliquée
Un point particulièrement intéressant du concept d'éthique réside dans sa volonté
affirmée d’adapter ses règles à l’évolution de la science ou des domaines concernés (ici le
tourisme et l’hébergement), et de manière plus générale, à l’évolution des mœurs dans une
société et à une époque donnée. La notion d’éthique comporte donc un paradoxe entre la
volonté de suivre l'évolution sociale tout en utilisant comme référence des principes
intangibles.
Ce paradoxe est cristallisé dans le concept d’éthique appliquée. A travers ce
concept, très en vogue depuis le siècle dernier, l’éthique perd son singulier universel pour
un pluriel singularisant ; il existe désormais plusieurs éthiques. L’éthique appliquée est
donc une forme d’éthique qui applique ses principes à un domaine déterminé, dans le
respect des critères généraux de l’Ethique13
. Cette démarche, basée sur une réelle étude des
faits, accroît la possibilité d’accord entre les parties prenantes en s’appuyant sur des codes
moraux explicites.
13 PARIZEAU, Marie-Hélène. « Ethique et éthiques appliquées : l’émergence de théories composites »,
Philosopher, n°16, 1994, p.133-142
18
b.2. Pour une éthique du futur14
Postulats de la pensée de Hans Jonas
Les différentes caractéristiques d’une éthique appliquée correspondent parfaitement à
la démarche de Hans Jonas. Hans Jonas est un philosophe allemand du XXème siècle dont
le nom demeure attaché à une œuvre majeure : Le Principe Responsabilité- Une éthique
pour la civilisation technologique, paru en 1979. Cette étude s’organise autour d’une
notion classique, celle de responsabilité, mais qui est analysée à travers le prisme de la
modernité15
. Suite à cet ouvrage, Jonas multiplie les essais, sous forme d’articles, de
conférences, etc. Il ne cesse ainsi de réactualiser les interprétations et surtout les
applications du principe Responsabilité. Hans Jonas se considère comme un philosophe,
mais également comme un praticien ; il cherche à mettre ses propositions théoriques à
l’épreuve des situations réelles, concrètes, « afin de tester la vertu opératoire [des
premières], quitte à revenir de là aux fondements initiaux qu’il s’était donnés. Accordant
toute l’importance voulue aux études de cas […]»16
.
Pour Hans Jonas, le choc d’Hiroshima et de la course aux armements nucléaires fut
le premier déclencheur d’une réflexion nouvelle sur les développements techniques dans le
monde occidental. Si ceux-ci on permit la victoire, ils conduisent également au danger
permanent d’un anéantissement collectif. Les progrès en biologie et en médecine ont ainsi
conduit à une nouvelle coopération entre philosophes et scientifiques. Bien que ces
domaines échappent le plus souvent aux combats manichéens sur les notions de bien et de
mal, les dilemmes inédits qu'ils soulèvent nécessitent un examen philosophique afin
d'apporter des solutions nuancées à des problèmes dont la complexité croît
continuellement. Comme le prône l’éthique appliquée, selon Hans Jonas philosophes et
scientifiques doivent travailler de concert.
Jonas explique également que l’humanité entière se trouve aujourd’hui poussée à
consommer non plus le revenu capable de se régénérer, mais le capital unique de
l’environnement. En ce sens que la réflexion de Hans Jonas est éclairante sur notre propos.
14 JONAS, Hans. Pour une éthique du futur, Editions Rivages poche/Petite Bibliothèque, 1998, 116 p. 15 Ibid : Présentation de Philippe Iverne 16 Ibid : p.8-9
19
Le principe de responsabilité selon Hans Jonas
« L’éthique du futur » ne désigne pas l’éthique dans l’avenir, mais une éthique
d’aujourd’hui qui se soucie de l’avenir et entend le protéger pour nos descendants des
conséquences de notre action présente. Cette définition n’est pas sans rappeler celle du
développement durable, à travers la notion d’égalité et de solidarité inter-générationnelle
qu’elle sous-tend.
Inévitablement, la responsabilité de l'éthique du futur nous incombe, en raison de la
puissance que nous exerçons quotidiennement. En effet, selon Jonas, la responsabilité est
proportionnelle à la grandeur de la puissance; or jamais une époque n’a disposé d’une telle
puissance et donc porté une telle responsabilité. De plus, selon Hans Jonas, l'éthique du
futur, qui entend préserver les générations futures par des comportements adéquats
aujourd’hui, puise ses sources dans l’essence de l’Être. En effet, La responsabilité est une
qualité essentiellement humaine, mise au service de notre action présente.
Les préoccupations formulées par Hans Jonas dans les années 1980 demeurent plus
que jamais d'actualité au début du XXIème siècle. Les besoins d'éthique et de
responsabilité comme régulateurs dans la préservation notre planète d’une part, et des
générations futures d’autre part, sont un fait communément admis aujourd’hui. Ainsi, la
pensée d’Hans Jonas nous éclaire sur cette caractéristique humaine qu’est la responsabilité
et son rôle, d’un point de vue philosophique.
Les notions d’éthique et de responsabilité semblent donc indissociables. La
responsabilité est au service de l’éthique ; et il ne peut y avoir d’éthique du futur sans
principe de responsabilité. L’émergence du principe d’éthique, notamment d’une éthique
appliquée, à la fin du XXème siècle doit donc être envisagée à travers le prisme de la
responsabilité.
Sous l’impulsion de ces mutations mais également en accompagnement de
l’émergence de ces valeurs dans un mouvement de réciprocité, on assiste depuis une
trentaine d’années au réveil de la société civile. Il s’agit là d’un des moteurs de la nouvelle
responsabilité d’entreprise.
20
2. Une société civile qui s’éveille
La faiblesse des Etats et le poids croissant d’un certain capitalisme ont amené la
société civile à prendre en main les rennes du changement.
a. La prise de conscience des consommateurs
Les relations entre consommateurs et entreprises sont marquées par une recherche
d’influence réciproque. Par le biais du marketing et de la publicité, les entreprises sont en
partie responsables des comportements des consommateurs. Mais sans ces derniers,
l’activité des entreprises n’aurait pas lieu d’être. Les consommateurs ont donc un rôle à
jouer et ont le pouvoir de passer d’un rôle passif à celui d’acteur de leur mode de
consommation.
La prise de conscience de ce pouvoir a permis l’émergence du consommateur-
citoyen. Cette notion désigne une attitude sensiblement différente de celle qui mobilise
habituellement l’action consumériste : la « consommation responsable », définie comme
une « consommation qui intègre les principes du bien-être collectif dans les critères de
choix, allant au-delà d’une définition de l’intérêt du consommateur limitée au seul rapport
qualité prix »17
. Tentant de s’affranchir de la consommation de masse, les consommateurs-
citoyens arbitrent également leurs achats en fonction de critères éthiques et relatifs au
respect de l’environnement.
A titre d'exemple, l’effet cumulé du film d’Al Gore Une vérité qui dérange18
et du
pacte écologique de Nicolas Hulot pendant la campagne présidentielle française de 2007 a
probablement contribué à éveiller les consciences auprès d'un public plus large. Ainsi en
2007, 87% des français estiment que les citoyens doivent jouer un rôle fondamental en
matière d’environnement19
. En particulier, 89% des personnes interrogées déclarent
vouloir désormais privilégier les produits des marques ou enseignes ayant pris des
dispositions en faveur de l’environnement, 73% estiment que le fait qu’un produit soit
17 Association européenne des consommateurs, « La consommation responsable », octobre 2001,
www.consumer-aec.org 18 Documentaire sorti en 2006 de Al Gore, ancien candidat démocrate à l'élection présidentielle américaine,
dans lequel il démontre les conséquences de la pollution et de la surconsommation de combustibles fossiles
sur le climat et le réchauffement des glaciers, et conséquemment sur la faune et la flore mondiale 19 Sondage Opinion Way d’octobre 2007, enquête TNS Sofres/Eco-emballages de mai 2007, sondage LH2
d’octobre 2007, cités dans Laville, E., « L’entreprise verte », ed. Pearson Village mondial, 2010, 404p.
21
fabriqué à partir de matières recyclées est une incitation à l’acheter et enfin 95% souhaitent
être mieux informées de l’impact écologique de leur consommation.
Ces chiffres élevés, basés sur de simples déclarations, doivent néanmoins être
considérés avec prudence et l’on constate souvent un écart entre intention et comportement
d’achat. Cependant, le consommateur est désormais averti et ouvre son spectre de critères
de choix. En tant qu’élément différenciant et outil marketing éventuel, la RSE apparaît
ainsi à l’entreprise comme une opportunité de succès en affaires.
b. Le poids croissant des Organisations Non
Gouvernementales (ONG)
Très longtemps, le monde des ONG et des milieux associatifs, et celui des
entreprises se sont ignorés. Cependant, la montée en puissance récente des multinationales
a eu pour corollaire le développement quantitatif et qualitatif d’Organisations Non
Gouvernementales.
A la naissance de l’Organisation mondiale des Nations Unies, on ne comptait que
41 ONG tandis qu’elles sont aujourd’hui plus de 200020
. La professionnalisation des ONG
s'accélère avec la crise économique des années 1980 et la réduction des finances
publiques. Leur présence sur le terrain leur confère une grande crédibilité et une légitimité
auprès de l’opinion publique. On assiste aujourd’hui à l’émergence de la régulation menée
par la société civile par le biais de ces nombreuses ONG et associations exprimant une
opinion politique très fortement relayée par les media21
.
Ainsi, les dernières décennies ont vu la société se transformer selon un double
mouvement: en réaction à des dérives essentiellement dues à la perte de repères liée à la
mondialisation, les valeurs d’éthique et de responsabilité ont émergé, s’imposant aux
citoyens. Parallèlement, ces derniers se sont organisés, engagés, afin de défendre un mieux
commun, provoquant l’apparition de ce qu’on a appelle la société civile internationale.
20 Laville, E., « Développement durable : le challenge du XXIè siècle pour les entreprises », Cahiers Qualité
et Management, n°7, 2001. 21 Ibid.
22
Dans la continuité de ces mutations, les pouvoirs publics et les institutions
favorisent à leur tour la responsabilisation des entreprises en élaborant des textes
fondateurs et fondamentaux.
B. La pression institutionnelle : du développement durable à la RSE
Les institutions et organisations internationales ont un rôle majeur à jouer dans le
changement des mentalités, en ce sens qu’elles permettent à des Etats de s’entendre sur des
axes d’actions communes. De plus, elles peuvent cadrer et encourager l’évolution des
pratiques, via l’élaboration de textes contraignants ou de principes.
Ainsi, en mettant depuis vingt ans les thématiques de développement durable à
l’ordre du jour, elles ont donné une visibilité et un caractère prioritaire à ces principes.
1. Le développement durable à l’agenda politique
international
Afin de faire face à la raréfaction de certaines ressources et aux inéluctables
impacts sociaux et économiques, les Etats, sous l’égide de l’ONU, mettent en place dès
1972 des rencontres entre ONG, scientifiques et économistes : les sommets de la Terre, qui
ont lieu tous les dix ans. En parallèle, le Programme des Nations Unies pour
l’environnement est lancé. Il faudra cependant attendre 1992 et le Sommet de Rio pour
l’élaboration d’un document fondateur : l’Agenda 21.
a. L’Agenda 21
L’Agenda 21 est un plan d’action pour le XXIème siècle, adopté par 173 chefs
d’Etat en 1992 ; ce programme commun global pose les trois axes fondamentaux du
développement durable : l’équité sociale, l’environnement et l’économie. Il intègre ainsi
les dimensions économiques et sociales laissées de côté dans les sommets précédents au
profit unique de l’aspect environnemental. Il formule des recommandations dans des
domaines aussi variés que la pauvreté, la santé, le logement, la pollution de l’air, la gestion
des mers, la désertification, la gestion des déchets, entre autres.
A partir de ce plan d’action, il appartient ensuite à chaque Etat signataire d’en
intégrer les principes dans ses textes règlementaires, de même que les autres acteurs
23
publics ou privés peuvent l’adapter librement pour orienter leur propre stratégie de
développement.
L'Agenda 21 est ainsi un projet global et concret, dont l'objectif est de mettre en
œuvre progressivement et de manière pérenne le développement durable à l'échelle d'un
territoire : il décline les objectifs de développement durable issus du Sommet de la Terre
de Rio (1992). Le plan d’action de 1992 a donc vocation à se décliner et s’adapter à chaque
territoire, dans une démarche de concertation. Il est porté par la collectivité et mené en
collaboration avec tous ses acteurs : élus et personnels, habitants, associations, entreprises,
structures déconcentrées de l'Etat, etc. Il se traduit par un programme d'actions visant à
améliorer la qualité de vie des habitants, économiser les ressources naturelles et renforcer
l'attractivité du territoire22
. Ce processus engage donc les acteurs d’un territoire à se
projeter dans l’avenir et à définir les grandes orientations de progrès.
Si on voit le rôle majeur joué par l’Agenda 21 du Sommet de Rio, à travers la
diffusion, d’une échelle globale à une échelle locale, de principes guidant l’action dans le
sens du développement durable, d’autres rencontres internationales ont permis d’exercer
une pression institutionnelle en ce sens.
b. Les autres grands rendez-vous internationaux.
Sans réaliser une chronologie exhaustive, deux moments forts peuvent être cités,
qui ont donné lieu à l’élaboration de déclarations et de textes dont le contenu a impulsé et
orienté les démarches de développement durable.
En 1995 à Copenhague, le Sommet pour le développement social permet de définir
formellement pour la première fois les normes universelles du travail: l’élimination du
travail forcé ou obligatoire, l’abolition du travail des enfants, la liberté d’association et la
reconnaissance du droit de négociation collective, et l’élimination de la discrimination en
matière d’emploi (cf Annexe 1).
En décembre 1997, la conférence de Kyoto donne naissance à un protocole
d’accord sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre signé par 180 états, parmi
22
AGENCE DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA MAITRISE DE L’ENERGIE. Agenda 21 local [en
ligne]
http://www2.ademe.fr/servlet/KBaseShow?catid=13350
24
lesquels seulement 38 pays industrialisés. Si les Etats-Unis refusent de ratifier le traité, les
débats autour de ce protocole, son mode de fonctionnement comme ses signataires donne
une visibilité à l’importance du phénomène et de sa régulation.
c. Des textes sectoriels
Au-delà des textes et des projets globaux de promotion et d’engagement adressés à
l’ensemble des acteurs de la société, certains textes impulsés par les pouvoirs et les
institutions publics s’adressent à des secteurs d’activité spécifiques, pour lesquels la mise
en application des principes du développement durable s'avère particulièrement nécessaire.
C’est le cas par exemple du Code d’Ethique sur le Commerce International des Produits
Chimiques ou du Code Mondial d’Ethique du Tourisme que nous développerons dans le
second chapitre.
Sur le modèle des politiques d'incitation à la prise en compte des problématiques de
développement durable menées auprès des Etats, les institutions ont plus récemment ciblé
leurs efforts directement sur les entreprises. En effet, ces dernières constituent des
interlocuteurs privilégiés, mais sont également tenues pour responsables des dérives que la
RSE vise à réduire.
2. Quand les pouvoirs publics responsabilisent l’entreprise
privée
Il existe aujourd’hui de nombreux textes de référence ayant pour ambition de
promouvoir la RSE en énonçant les principes-clés susceptibles de guider les entreprises
dans leur démarche. S'ils sont parfois considérés comme une ingérence de la part des
pouvoirs publics, il est important de rappeler que ces textes ne sont pas coercitifs et que
leurs principes ne sont adoptés par les entreprises que sur la base du volontariat.
Néanmoins, par ces propositions incitatives, les institutions internationales et étatiques
créent un climat propice aux initiatives de mise en place de la RSE.
Les textes présentés dans cette section sont à visée internationale ou mondiale. Nous
évoquerons les Principes directeurs de l’OCDE puis le Global Compact de l’ONU et enfin
le Livre vert de la Commission européenne, répondant ainsi à une logique chronologique.
25
a. Les Principes directeurs de l’OCDE
L’Organisation de Coopération et de Développement Economiques est une
organisation internationale créée en 1961 dont la mission est de promouvoir des politiques
d'amélioration du bien être économique est social dans le monde entier.
« L’OCDE offre aux gouvernements un forum où ils peuvent
conjuguer leurs efforts, partager leurs expériences et chercher
des solutions à des problèmes communs. Tous nos travaux
ont pour point commun un engagement partagé en faveur du
développement durable, de l’emploi et des échanges,
reposant sur la coopération internationale et visant le bien-
être de tous. Nous travaillons avec les gouvernements afin de
comprendre quel est le moteur du changement économique,
social et environnemental. Nous mesurons la productivité et
les flux mondiaux d’échanges et d’investissement. Nous
analysons et comparons les données afin de prédire les
tendances à venir. Nous établissons des normes
internationales dans un grand nombre de domaines, de
l'agriculture à la fiscalité en passant par la sécurité des
produits chimiques. »23
Notre mission, OCDE.
C’est dans le cadre de cette dernière mission que s’inscrit l’élaboration des Principes
directeurs.
Les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales
constituent, pour les questions touchant à la RSE, l’instrument de référence le plus
largement accepté par les gouvernements dans un cadre multilatéral. 44 gouvernements,
représentant toutes les régions du monde, adhèrent à ces principes, et formulent ensuite des
recommandations à destination de leurs entreprises. Les Principes directeurs ont été
révisés cinq fois depuis leur adoption en 1976, la dernière fois en 2011. Ces révisions
permettent de s'assurer que les Principes directeurs restent un outil pertinent de promotion
d’une conduite responsable des entreprises, en prenant en compte les changements du
paysage économique.
23 Extrait du site internet de l’OCDE, rubrique “notre mission” : http://www.oecd.org/fr/apropos/
26
Les Principes directeurs fournissent un cadre reconnu à l'échelle internationale,
favorisant l’adoption par les grandes entreprises de comportements socialement
responsables dans le contexte de la mondialisation. Dans les versions révisées de 2000 et
2011, les Principes directeurs accordent une place importante aux éléments liés à la RSE,
et la partie consacrée à la gouvernance a été adaptée pour être compatible avec les
évolutions d’un autre texte de référence de l’OCDE – les Principes de gouvernement
d’entreprise de l’OCDE.
Depuis 2000, l’OCDE publie chaque année un rapport décrivant les mesures prises
par les gouvernements pour respecter leur engagement, avec, certaines années, une
attention particulière portée à une thématique spécifique ; par exemple le rapport de 2004
se concentre sur les questions environnementales.
Le document 1 présente les grandes lignes du texte adopté le 25 mai 2011.
Document 1 : Les Principes directeurs de l’OCDE
Les Principes Directeurs de l’OCDE à l’intention des
multinationales
Ce Principes directeurs sont classés en onze rubriques :
1. Concepts et principes
2. Principes généraux
3. Publication d’informations
4. Droits de l’Homme
5. Emploi et relations professionnelles
6. Environnement
7. Lutte contre la corruption, la sollicitation de pots-de-vin et
d’autres formes d’extorsion
8. Intérêts des consommateurs
9. Science et technologie
10. Concurrence
11. Fiscalité
Ils sont complétés par des procédures de mise en œuvre et
des commentaires.
27
b. Le Global Compact de l’ONU
A la différence des Principes directeurs pour lesquels les Etats sont les signataires
et jouent ensuite un rôle de relai auprès des entreprises en traduisant ces principes en
recommandations, le Pacte Mondial (ou Global Compact) de l’ONU est une initiative qui
s’adresse directement aux dirigeants des entreprises.
Les prémisses de cette initiative remontent au Forum économique de Davos en
1999 au cours duquel Kofi Annan, alors secrétaire général des Nations-Unies, prononce un
discours à l’attention des dirigeants de grands groupes réunis à cette occasion :
« Par la manière dont vous menez vos affaires, vous pouvez
favoriser directement le respect des Droits de l'Homme, ainsi que
l'instauration de conditions de travail acceptables et de normes
écologiques minima. Vous pouvez faire de ces valeurs universelles
le ciment de vos entreprises mondiales, car chacun dans le monde
les reconnaîtra comme siennes. Vous pouvez, dans vos entreprises,
faire en sorte que les droits de l'homme soient respectés et veiller à
ne pas vous faire les complices de violations de ces droits.
N'attendez pas que tous les pays adoptent des lois garantissant la
liberté d'association et le droit aux négociations collectives : d'ores
et déjà, vous pouvez assurer l'exercice de ces droits et libertés à
tous ceux que vous employez ou qui travaillent pour vos sous-
traitants. D'ores et déjà, vous pouvez veiller à ne pas employer,
directement ou indirectement, des enfants ou des personnes
travaillant sous la contrainte. D'ores et déjà, vous pouvez veiller,
dans vos politiques de recrutement ou de licenciement, à ne pas
établir de distinctions discriminatoires fondées sur la race, le sexe,
l'origine ethnique ou les convictions. Vous pouvez aussi préconiser
la prudence face aux grandes questions touchant l'environnement et
prendre des initiatives en faveur de pratiques plus responsables
dans ce domaine. Enfin, vous pouvez encourager la mise au point
et la diffusion de technologies respectueuses de l'environnement. »
Kofi Annan, extrait du discours du 31 janvier 1999, Forum économique de Davos.
28
Lancé par Kofi Anna en juillet 2000, le Pacte mondial se donne pour ambition de
responsabiliser les entreprises afin qu’elles prennent davantage en compte les impacts
sociaux et environnementaux liés au processus de mondialisation. Le Pacte mondial
demande ainsi aux entreprises d’adopter, de soutenir et de mettre en place, au sein de leurs
sphères d’influences, un ensemble de valeurs fondamentales relatives à quatre grands
domaines : les Droits de l’Homme, les conditions de travail, la protection de
l’environnement et la lutte contre la corruption. Ces quatre domaines sont ensuite déclinés
en dix principes.
Le Pacte n’est pas un instrument de réglementation mais une initiative volontaire
des entreprises qui s’engagent à prendre des mesures pour modifier leur fonctionnement,
de façon à intégrer ces principes à leur stratégie et à leurs activités quotidiennes. Les
entreprises impliquées dans ce processus signent un accord appelé « Communication sur
le progrès », par lequel elles s'engagent à produire un rapport annuel décrivant les
modalités de leur mise en œuvre des principes du Pacte mondial, ainsi qu'un exemple de
bonne pratique rendant compte de ses progrès. Des indicateurs de performance sont
également prévus pour chaque principe, afin de permettre aux entreprises de s’auto-
évaluer.
Le Document 2 résume les points principaux du fonctionnement du Pacte mondial.
Document 2 : Caractéristiques du Pacte mondial
Le Pacte mondial est... Le Pacte mondial n’est pas...
Une initiative à caractère facultatif visant à
promouvoir le développement durable et le civisme
social
Juridiquement contraignant
Un ensemble de valeurs fondées sur des principes
universellement acceptés
Un moyen de surveiller et de
contrôler les entreprises
Un réseau d’entreprises et d’autres parties prenantes Une norme, un système de gestion ni
un code de conduite
Un forum d’apprentissage et d’échange de données
d’expérience
Un organe de réglementation ni une
agence de relations publiques
Tableau consultable sur le site officiel des Nations Unies http://www.unglobalcompact.org/languages/french/
29
Bénéficiant d’une bonne visibilité et de la forte caution des Nations Unies, le Pacte
Mondial a immédiatement été soutenu par une cinquantaine de groupes multinationaux ;
aujourd’hui ce sont près de 4700 entreprises qui adhèrent à ce Pacte, malgré la décision
prise par les Nations-Unies en 2008 d’exclure certaines entreprises participantes qui
n’avaient pas fait preuve sur de réels engagements écologiques et sociaux pendant
plusieurs années consécutives. Ainsi, l’organisation veut s’assurer du réel engagement des
entreprises en maintenant cette menace d’exclusion comme moyen de pression sur les
entreprises adhérentes.
c. Le Livre vert de la Commission européenne sur la
responsabilité des entreprises
L’Union Européenne a également développé à l'échelle régionale un outil incitant
les entreprises à s’engager volontairement dans une démarche de transparence et de
responsabilité.
Ce document, appelé Livre vert, a pour vocation de « Promouvoir un cadre
européen pour la responsabilité sociale des entreprises ». Publié dans sa première version
en juillet 2001, son but est de renforcer le débat autour de la thématique de la RSE en
insistant sur la nécessité de l'implication des entreprises, qui « doivent collaborer avec les
pouvoirs publics pour trouver des moyens innovants de faire progresser leur responsabilité
sociale »24
. Il couvre un nombre important de sujets tels que les restructurations
d’entreprises dans une optique socialement responsable, la promotion d’un bon équilibre
entre vie professionnelle et personnelle ainsi que les codes de conduite et droits sociaux au
sein de l’entreprise.
Concrètement, le Livre vert est composé de deux parties : une section "interne"
consacrée à la pratique de la RSE impliquant les employés sous l’angle de la santé et de la
sécurité entre autres ; une section "externe" traitant de la RSE du point de vue de toutes les
parties prenantes (collectivités locales, communauté internationale, partenaires
commerciaux, droits de l’homme).
24 Extrait de la synthèse sur le Livre vert de la Commission Européenne, disponible sur le site officiel Europa
[en ligne] http://europa.eu/legislation_summaries/
30
En développant la RSE sous ces différents aspects, ce document tend à démontrer
aux entreprises la nécessité de leur collaboration pour l’amélioration du bien commun. On
retrouve ainsi dans cette initiative européenne le mécanisme d’impulsion et de persuasion
institutionnelles développé dans les exemples précédents.
Cette conjugaison de pression de la part de la société civile et des pouvoirs publics
pose ainsi les bases d’une démarche responsable de l’entreprise qui semble, du moins
partiellement comme nous allons le voir, s’imposer à elle.
C. La RSE, un élément de management incontournable ?
Plusieurs éléments endogènes tendent à démontrer que les entreprises ne peuvent se
subtiliser à cette responsabilité qui leur échoie. Au-delà des pressions précédemment
évoquées, le nouveau rôle et la structure actuels des entreprises va dans le sens de
l’intégration de la RSE dans leur mode de gestion et de management.
1. Un transfert de responsabilités : la place de l’entreprise
Les entreprises sont les lieux pertinents du changement : en effet, l’entreprise a
aujourd’hui le pouvoir de faire changer les choses bien plus rapidement que la
règlementation et parfois plus efficacement que le politique. Certaines entreprises
multinationales pèsent d’ailleurs plus lourds que plusieurs Etats réunis : ainsi déjà en 1995,
le groupe américain Wal-Mart était plus riche qu’Israël, la Pologne et la Grèce, alors
qu’elle n’était que la douzième des plus puissantes entreprises mondiales. Et en 2004, les
ventes des dix plus grandes multinationales dépassaient les PNB cumulés des cent pays les
plus pauvres à la surface du globe25
. Cette évolution est relativement récente ;
originellement, la puissance était détenue par la religion, puis ce fut par les Etats et
aujourd’hui c’est l’Entreprise. Et on peut trouver les signes de cette évolution en regardant
les bâtiments des grandes villes ; on s’aperçoit en effet que les constructions les plus
imposantes et les plus anciennes sont les institutions religieuses, puis un peu plus
récemment les bâtiments des institutions gouvernementales et actuellement les immeubles
les plus grands et les plus prestigieux qui sont construits accueillent les sièges sociaux des
grandes entreprises26
. Ainsi, les multinationales sont omniprésentes et ont une influence
25 Stuart HART, Capitalism at the crossroads, Wharton School Publishing, 2005. 26 On doit cette analogie à Ben Cohen, cofondateur de Ben & Jerry’s, dans op. cité L’Entreprise Verte.
31
historique : aux Etats-Unis par exemple, elles ont un levier sur le champ politique grâce au
financement des campagnes électorales ; elles contrôlent la législation par le biais du
lobbying ; elles contrôlent les media dont elles sont propriétaires ; et enfin elles contrôlent
les citoyens qui sont à la fois leurs salariés et leurs consommateurs.
Ainsi, la passation de pouvoir à laquelle nous assistons depuis une vingtaine
d’années entre les Etats et les entreprises du secteur privé amène indiscutablement un
transfert des responsabilités.
2. Rendre des comptes, une obligation croissante. – « La
théorie des parties prenantes », R. Edward Freeman
Historiquement, l'obligation faite à une entreprise de rendre des comptes est
apparue au XIXème
siècle avec la naissance des sociétés anonymes, dont les administrateurs
étaient responsables devant les fournisseurs de capitaux. Le XXème
siècle a vu l'émergence
progressive de droits pour les salariés, qui leur ont permis, en Europe Occidentale du
moins, d’être reconnus comme une deuxième catégorie légitime d’ayants droit sur le
marché de l’entreprise. Depuis le début du XXIème
siècle une nouvelle étape se dessine, à
travers l'obligation pour les entreprises d’informer et de rendre des comptes auprès de
l’ensemble de la société civile. Ainsi, la transparence est érigée en modèle de vertu. Cette
tendance est notable en France depuis déjà plusieurs décennies sur l’aspect financier avec
la loi du 24 juillet 196627
, qui obligent les sociétés commerciales à rendre publics leurs
états financiers. De plus, les sociétés cotées doivent publier de manière annuelle,
semestrielle et trimestrielle des informations financières, sous le contrôle d’un organisme
officiel, la Commission des opérations en bourse28
.
Le champ de la responsabilité sociale apparaît, en fait, plus ou moins large selon
que l’entreprise prend en compte une gamme plus ou moins étendue de catégories de
parties prenantes. Cette prise en compte peut être strictement limitée aux actionnaires,
prêteurs et salariés, mais peut également s’étendre à toutes les parties prenantes
contractuelles, incluant les fournisseurs, les prestataires et les clients. D’autres acceptions
de la responsabilité de l’entreprise vont prendre en compte son entourage plus large : la
27 Loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068288&dateTexte=20101228 28 http://www.comptabilite-move.com/comptabilite-en-france/les-obligations-de-publication-et-daudit/
32
responsabilité peut être alors étendue aux communautés locales voire nationales, et peut
également intégrer la contribution de l’entreprise à la production et à la préservation de
biens communs mondiaux, comme le patrimoine ou l’environnement.
Cette typologie a été développée par R. Edward Freeman dès la première moitié du
XXème
siècle dans sa théorie des parties prenantes (« the stakeholder theory »).
Le cœur de ce paradigme est la notion de stakeholder définie par R. Edward
Freeman, à partir d'observations de la vie quotidienne de l’entreprise. Son approche
empirique lui a permis de mettre en avant deux éléments : tout d’abord, l’activité
principale des managers consiste à négocier avec différents partenaires internes et externes
à l’entreprise ; ensuite, ces groupes ont un droit vis-à-vis de l’entreprise, indépendamment
de son origine. En conséquence, l'environnement de l'entreprise n'est plus centré sur
l’entreprise elle-même ou sur ses actionnaires, mais sur ceux que Freeman appelle les
détenteurs d’enjeux ou stakeholders qui deviennent le point névralgique autour duquel le
management doit construire la stratégie de l’entreprise. L’objectif affiché de cette théorie
est de fournir aux managers des politiques de négociation qui exigent une véritable
compréhension des buts des stakeholders.
La cartographie présentée dans le Document 3 (page suivante) permet d’évaluer la
multiplicité des interactions entre l’entreprise et l’ensemble des parties prenantes.
L’entreprise est au centre de ce schéma qui illustre ainsi la nécessité pour cette dernière de
considérer l’intégralité de son environnement pour mener à bien son activité et intégrer
cette logique dans son mode de management.
33
Document 3 : Le modèle des Stakeholders
3. Les interrogations éthiques du milieu des affaires
Depuis le début des années 1990, un véritable éveil à la notion d’éthique des
affaires s’est produit dans les milieux managériaux : articles dans les revues de gestion,
publications de revues spécialisées, séminaires pour entreprise, cours nouveaux dans les
écoles de gestion, etc. Si ce mouvement se présente comme issu de la volonté de réduire
l’écart entre les actes et les discours, il est également le reflet d’une préoccupation visant à
donner une plus grande visibilité à l’utilité sociale de l’activité de l’entreprise. Le but de
l’entreprise ne se réduirait donc pas à la production de valeur pour ses propriétaires.
L’éthique des affaires met l’accent sur la perte de sens de l’action collective et sur le déficit
de valeurs dans la société. Les finalités de l’entreprise sont alors mises en avant comme un
exemple à suivre pour définir les nouvelles modalités de l’esprit de responsabilité et le
respect des autres.
Ces messages relatifs à l’éthique sont le fait de dirigeants qui cherchent à faire partager des
normes de comportement, non seulement à leurs salariés, mais également aux autres parties
prenantes de l'entreprise. Les nouvelles directions esquissées tendent à obliger l'entreprise
34
à mieux communiquer et à rendre davantage des comptes, se rapprochant ainsi des
objectifs de la RSE.
4. Les nuances d’une dynamique inéluctable
Les différentes pressions subies par les entreprises, ainsi que les évolutions en leur
sein, à la fois sur le plan des mentalités mais également concernant leur mode de
fonctionnement, semblent indiquer que la transition vers le développement durable est
désormais inéluctable ; certains n’hésitent pas à parler de changement de paradigme à
propos de cette tendance qui ne peut plus être considérée comme un simple mouvement
alternatif. En effet, le processus est d'ores et déjà lancé à grande échelle.
De fait, le rôle des entreprises dans la société et leur implication dans le
développement est en passe de devenir l’une des questions politiques majeures du XXIème
siècle. Quelles que soient leurs orientations en termes de politique sociale, les entreprises
sont donc au cœur de cette révolution que constitue le développement durable, et vont
devoir s’adapter en intégrant la logique de la RSE dans leur mode de fonctionnement.
Cependant, il serait biaisé de désigner les entreprises comme une entité homogène.
Leur taille, leur implantation géographique, leur secteur d’activité sont autant de critères
différenciants qui requièrent des approches distinctes afin d’intégrer la RSE dans leur
fonctionnement. Si la nécessité de la RSE s’applique à toutes les entreprises, un ordre de
priorité peut être néanmoins établi ; les cibles premières des ONG et des Etats sont les
entreprises dont l’activité a le plus fort impact sur leur environnement, entendu au sens
large, en particulier celles qui conduisent aux déséquilibres les plus graves. Par ailleurs, le
besoin de changement est d'autant plus sensible que le secteur d'activité est
économiquement puissant. C’est la raison pour laquelle nous allons maintenant nous
concentrer sur le tourisme, secteur dynamique dont les effets négatifs à différents niveaux
rendent nécessaires l’introduction d’éthique dans ses pratiques.
35
Chapitre 2 : La nécessaire introduction des principes du développement
durable dans le tourisme
Le tourisme est un secteur vigoureux de l’économie mondiale. Cette puissance
conférée rend incontournable le questionnement de l’introduction de la RSE dans sa
pratique. Nous aborderons ainsi les caractéristiques qualitatives et quantitatives du secteur
de tourisme afin d’illustrer pourquoi et comment il est nécessaire de le considérer à travers
le prisme du développement durable.
A. Le tourisme, phénomène économique et social
Au fil des dernières décennies, le tourisme n’a cessé de se développer et de se
diversifier, devenant aujourd’hui un des secteurs d’activité les plus dynamiques au monde.
Le tourisme moderne est étroitement lié au développement et il tend à s’étendre à de
nouveaux pays, de nouvelles destinations mais aussi de nouveaux émetteurs. Cette
dynamique en fait un moteur essentiel du progrès socioéconomique.
1. Un secteur majeur et dynamique
a. L’expansion continue d’un secteur29
De 1950 à 2011, les arrivées du tourisme international sont passées de 25 millions
à 980 millions, soit une progression annuelle moyenne de 6.2%.
L'activité touristique génère d'importants profits; ainsi, les recettes du tourisme
international ont dépassé les mille milliards de dollars en 2011, progressant de 3.8% par
rapport à l’année précédente.
De plus, le tourisme international, incluant les voyages mais aussi le transport de
voyageurs, représente aujourd’hui 30% des exportations mondiales de service et 6% des
exportations totales, biens et services confondus. Le tourisme est le quatrième « produit »
le plus exporté derrière les carburants, les produits chimiques et les produits alimentaires.
Il est également important de noter que toutes les régions du monde sont
concernées par ce dynamisme : l’augmentation des recettes en 2011 par rapport à l’année
29 L’ensemble des chiffres de cette section sont issus du Mémento du tourisme, édition 2011 réalisé par la
Prospective des Etudes Economiques et de l’Evaluation rattachée au Ministère de l’Economie, de l’Industrie
et de l’Emploi.
36
précédente a été de 2,2% en Afrique, de 4,3% en Asie-Pacifique, de 5,2% en Europe et
enfin de 5,7% pour la zone des Amériques. L’Europe reste cependant la région ayant
obtenu la plus grande part des recettes du tourisme international, soit 45%.
Le Document 4 présente la répartition de ces recettes par destination entre 1980 et
2010. Il met également en exergue la croissance du montant des recettes sur l’ensemble de
la période.
Document 4 : Les recettes par destination 1980-2010
Source : Mémento du tourisme, édition 2011.
b. Un secteur qui résiste aux crises
Le tourisme montre une certaine résistance aux vicissitudes internationales ; en
effet, si ponctuellement et sur une période donnée, le tourisme est fortement dépendant de
facteurs externes, il s’équilibre toujours sur le long terme. Ainsi lors de la guerre du Golfe
la croissance du tourisme fut faible (+1.2%), alors que l’année suivante en 1992 elle
avoisina les 8.2%. Au niveau mondial à la même période, les déséquilibres se compensent
également. L’exemple récent des attentats du onze septembre 2001 est à cet égard
instructif. Cet événement a eu en effet comme conséquence une baisse de trafic de 50%
37
pour l’Amérique du nord et de 20 à 70% selon les destinations, pour l’ensemble des pays
musulmans. Dans le même temps cependant, 2001 fut une année de croissance de l’activité
touristique pour d’autres pays comme la Chine, le Vietnam ou la Thaïlande. Selon un
principe de vases communicants le tourisme mondial n’a été affecté que dans une moindre
mesure. La crise économique et financière mondiale actuelle démontre encore la force et
la résistance du secteur touristique : ainsi ces deux dernières années, la demande de
tourisme international émanant de nombreux marchés a été vigoureuse, même si la reprise
économique n’est pas généralisée. C’est un phénomène important pour des Etats subissant
une pression budgétaire forte et connaissant une baisse de la consommation intérieure.
c. Le Rapport Horizon 2020
Ce rapport de l’OMT prévoit et évalue à long terme le développement du tourisme
international. Prenant comme année de référence 1995, il couvre une période de 25 ans.
Bien que l’évolution du tourisme ait été irrégulière au cours de la décennie passée, l’OMT
maintient ses pronostics pour le moment.
Selon le Rapport Horizon 2020, les arrivées internationales devraient atteindre
presque 1.6 milliards à l’année 2020 dont 1.2 milliards seraient intra régionales et les 378
autres millions seraient des voyageurs de longue distance. Malgré les disparités
géographiques, l’OMT prévoit une croissance moyenne annuelle de 4.1% du tourisme
mondiale jusqu’en 2020.
Document 5 : Perspectives d’arrivées internationales
j
Source : OMT, Rapport Horizon 2020 du tourisme mondial
38
Par son dynamisme et sa croissance, le tourisme apparaît désormais comme un des
grands acteurs du commerce international et aussi une source de développement et de
revenus pour les pays.
2. Le tourisme, moteur de croissance économique
Le 7 mai 2012, Taleb Rifai, Secrétaire général de l’OMT déclarait : « Le tourisme
international, activité d’exportation clé et à forte intensité de main d’œuvre, revêt de plus
en plus une importance stratégique […] pour combler les déficits extérieurs et donner un
coup de fouet à l’emploi. […] Nous sommes certains que les gouvernements du monde
entier, à mesure qu’ils prendront conscience de tout cela, appuieront le tourisme par des
mesures allant notamment dans le sens d’une fiscalité plus équitable et d’une facilitation
des visas et des déplacements des voyageurs, mesures ayant démontré leur efficacité pour
stimuler la croissance économique et la création d’emplois ».
Il semblerait que les prédictions de Monsieur Rifai aient été entendues à Los Cabos
les 18 et 19 juin dernier. En effet pour la première fois, le G20 alors réuni, a reconnu le
voyage et le tourisme comme un moteur de la croissance économique et s’est engagé à
travailler en faveur de la facilitation des voyages.
Ainsi, et c’est une première, le voyage et le tourisme figurent dans la Déclaration
des dirigeants du G20 ; ceci est le résultat du lobbying exercé depuis longtemps par l’OMT
et du WTTC (World Travel and Tourism Council30
) auprès des chefs d’Etat pour défendre
le potentiel du secteur du voyage et du tourisme dans la création d’emplois et dans
l'augmentation du PIB. Ainsi, selon le WTTC, la contribution économique du secteur
touristique au PIB sera de 2000 milliards et il génèrera 100 millions d’emplois en 2012. Si
l’on considère les retombées plus larges de ce secteur, 260 millions d’emplois seront
concernés pour cette même année, soit un emploi sur douze dans le monde.
Concrètement, les Etats du G20 pourraient améliorer et faciliter les procédures
d’octroi de visas et les formalités d’entrées ; ceci aurait pour conséquence selon l’OMT et
30 WTTC : le Conseil mondial du tourisme et des voyages rassemble les chefs d’entreprises et les PDG des
plus grandes entreprises mondiales su secteur des voyages et du tourisme et il a pour vocation de promouvoir
le tourisme comme activité majeure et dynamique.
39
le WTTC la réception de 122 millions de touristes supplémentaires et la création de cinq
millions de nouveaux emplois d’ici 2015.
A l'heure actuelle, l’OMT prévoit une croissance des arrivées de touristes
internationaux de 3 à 4% en 2012.
3. Les chiffres-clés du tourisme en France
C’est un fait reconnu, la France est la première destination touristique mondiale. Le
Document 6 présente le classement des destinations par nombre d’arrivées de 1980 à 2010.
On constate que la France demeure leader depuis plus de trente ans.
Document 6 : Les principaux pays récepteurs
Source : Mémento du tourisme, édition 2011.
Mais voyons plus précisément quelles sont les caractéristiques de l’activité et du
secteur au niveau national. Deux outils permettent d’évaluer plus précisément l’impact
macroéconomique du tourisme en France : les tableaux de synthèse de la comptabilité
nationale établis par l'INSEE et le Compte satellite du Tourisme (CST) établi annuellement
par la Direction du Tourisme.
40
La « production » touristique atteint en 2009 le montant de 84,7 milliards d’euros
soit 2,7% de la production totale française, ce qui la situe devant les secteurs automobile et
de l’agriculture par exemple. Plus de la moitié de cette activité est représentée par la
restauration (45,3 Mds €), le reste se répartissant entre l'hébergement (20,9 mds €), les
activités des agences de voyage et voyagistes (14,1 Mds €), les téléphériques et remontées
mécaniques (0,9 Md €) et les services d'entretien corporel (0,8 Md €).
Sa « valeur ajoutée »31
atteint en 2009 le montant de 41,6 milliards d'euros (2,41 %
du PIB), ce qui la situe avant celles des secteurs de l'énergie, de l'agriculture, des industries
agroalimentaires et bien avant celle de l'automobile (11,2 milliards d’euros).
Enfin, si l’on s’intéresse à la question de l’emploi, on observe qu’au 1er janvier
2008, le tourisme employait directement plus d’un million de personnes en France. Le
secteur des hôtels, cafés et restaurants représentait presque 90 % des effectifs salariés des
activités touristiques. De plus, depuis dix ans la croissance moyenne de l'emploi dans le
tourisme est de l'ordre de 27.000 emplois par an, ce qui fait de ce secteur un fort
contributeur à la création d'emploi.
La France apparaît donc économiquement largement bénéficiaire de l’exploitation
du secteur touristique.
Cette analyse quantitative à différentes échelles nous montre ainsi le tourisme
comme une activité dynamique dont l’essor ne semble pas s’essouffler dans le futur ; elle
est très loin d’être éphémère. Il n’est donc pas vain de s’y intéresser. Cependant, les
recettes qu’il génère et les emplois qu’elle créée ne doivent pas masquer ses impacts
négatifs, sensibles à plusieurs niveaux
B. Les limites d’un tourisme vertueux
Les effets négatifs du tourisme sont observables à plusieurs niveaux : économique,
social et culturel, et environnemental.
31 La valeur ajoutée est la somme des salaires et impôts versés, et de l’excédent brut d’exploitation des entreprises.
41
1. Qui profite du tourisme ? Une répartition inégale selon un
axe Nord / Sud
L’offre touristique s’est considérablement étoffée face à une demande qui ne cesse
de croître. Au niveau national, les pays développent quantitativement leur offre en
multipliant les lieux de villégiature et en diversifiant les régions à visiter ; au niveau
international, les Etats sont de plus en pus nombreux à s’ouvrir au tourisme, tandis que les
barrières policières et douanières s'assouplissent.
Cependant, comme nous l’avons constaté dans le Document 6, l’Europe et
l’Amérique du nord sont les principales bénéficiaires des arrivées mais aussi des recettes
du tourisme mondial.
Selon les affirmations de l’OMT, le tourisme constitue une opportunité de
développement économique pour les pays en développement dans la mesure où les
économies d’échelle sont peu importantes, ce qui permet une réelle compétitivité, y
compris à petite échelle. Il attire dans les pays du sud des consommateurs relativement
aisés qui représentent un important marché potentiel pour les chefs d’entreprises locales.
Néanmoins, il convient de nuancer ces propos.
Si le tourisme peut être un excellent moyen d’obtenir des devises, de provoquer des
transferts financiers des pays riches vers les pays pauvres et être ainsi créateur d’emplois, il
peut aussi avoir de nombreux effets négatifs. En effet, en tant que modalité de commerce
international, le tourisme implique non seulement un apport de ressources financières
étrangères mais également des sorties de ressources ou « fuites ». Lorsque celles-ci
dépassent certains seuils, elles peuvent effectivement neutraliser l’effet financier positif du
tourisme international. La fuite se définit comme le processus par lequel une partie des
revenus issus des devises étrangères apportées par le tourisme n’est pas retenue par les
pays d’accueil des touristes mais est retenue par les pays de départ du tourisme ou est
rapatriée vers eux sous forme de bénéfices, de redevances ou d’envois de fonds, de
remboursements d’emprunts étrangers, d’importations d’équipements, de matériel, de
capitaux ou de biens de consommation liés à l’accueil des touristes et aux dépenses
publicitaires à l’étranger. On parle de fuites externes (dépenses à l’achat, dépenses
publicitaires des pays du Sud, rapatriement des profits des investissements étrangers,
paiement de redevances pour l’utilisation d’enseignes), de fuites internes (salaires,
42
rapatriés, importations de biens et de services et infrastructures) et de fuites invisibles
(exonérations fiscales ou patrimoniales). Il s’agit d’un effet normal, présent à la fois dans
les pays en développement et les pays développés, mais les fuites liées aux importations
sont plus élevées là où les économies locales sont plus faibles, en raison du faible facteur
de dotation ou de la qualité inadéquate des biens et services. Le tableau présenté dans le
Document 7, adapté des données proposées par Deborah McLaren32
, illustre le déséquilibre
sur le plan des revenus touristiques entre les recettes qui reste dans la communauté
d’accueil au sens large et celles qui quittent la communauté.
Document 7 : Les revenus qui restent dans ou quittent la communauté
Quittent la communauté Restent dans la communauté
Profits aux investisseurs et aux
développeurs étrangers et locaux et aux
sociétés transnationales
Profits aux propriétaires
Dépenses à l’étranger pour le
développement, la promotion et le
transport
Rémunération des employés
Importations étrangères :
- nourriture
- énergie
- technologie
- matériaux de construction
- infrastructures
- systèmes de communication
- cadres intermédiaires et supérieurs
- une partie de la main d’œuvre
- biens manufacturés
- services
- fournitures
- Nourriture
- Fournitures locales, souvenirs
- Maintenance
Source : Adaptation du tableau de Mc Laren
Selon les estimations de la Banque mondiale, 55 % des recettes du tourisme
mondial reviennent au Nord33
, un taux qui est sous estimé selon certains opérateurs qui
évaluent à 75 % les bénéfices des compagnies aériennes, chaînes hôtelières et voyagistes
32 MAC LAREN, Déborah. Rethinking Tourism and Ecotravel : the Paving of Paradise and What you can do
to stop It, Kumarian Press Inc.1998 33 Baromètre OMT du tourisme mondial, numéro juin 2007
43
occidentaux34
. L’effet positif du tourisme ne se fait ainsi ressentir que si l’on utilise des
produits locaux non importés.
Ainsi l’inégale répartition des flux et des revenus du tourisme mondial met en
exergue les déséquilibres qu’entraîne le tourisme mondial actuel. Mais ces questions a
priori macroéconomiques ont également un impact social.
2. Déséquilibres sociaux
On constate une dépendance économique croissante des pays en voie de
développement à l’égard des entreprises émettrices du Nord, en termes de gestion, de
commercialisation mais aussi de production. Le rapport de force est inégal entre des
chaînes multinationales disposant de capitaux et des petits entrepreneurs locaux forcés de
s’insérer dans les catalogues de voyagistes reconnus pour survivre.
Cette iniquité, ainsi que l’affaiblissement de la situation financière des prestataires
locaux qu’elle entraîne, conduisent les entreprises locales à rechercher une réduction
systématique de leurs coûts, tout en compensant la baisse des bénéfices par unité par un
accroissement de la fréquentation. Par conséquent, la qualité et l’image de la destination se
détériorent ce qui conduit à attirer un tourisme de masse à la recherche de produits bon
marché.
De plus, dans de nombreux pays, les grandes multinationales exercent souvent une
pression sur les Etats pour qu’ils investissent dans la construction d’équipements publics
(autoroutes, aéroports), qui sont monopolisés par les touristes et ne bénéficient que
faiblement à la population. Le processus de désengagement des Etats vis à vis de la
propriété et de la gestion, qui se traduit par un démantèlement des sociétés publiques
d’organisation de voyages et d’hôtellerie aggrave cette dépendance.
3. L’environnement menacé
L’aspect écologique et environnemental est beaucoup plus médiatisé et s’attire
davantage les faveurs du public que l’aspect humain. Il est de notoriété que le tourisme
cause de grands dégâts sur l’environnement naturel, et malgré la sensibilité du public à
cette cause, ces nombreux dommages sont toujours à déplorer.
34 Radio France Internationale. (page consultée le 19 juillet 2012). Le tourisme solidaire, une manne pour
l’Afrique ? > http://www.rfi.fr/Fichiers/MFI/CultureSociete/172.asp
44
a. La consommation démesurée des ressources
naturelles
L’eau douce est la ressource naturelle la plus critique dans l’activité touristique. Elle
est consommée en abondance par les hôtels pour les piscines, les terrains de golf et bien
évidemment l’usage personnel des clients. La consommation peut atteindre 440 litres par
jour dans les régions méditerranéennes (soit le double de la consommation des citadins
espagnols).
Le tourisme altère aussi les minéraux, les carburants fossiles (pétrole, gaz), les sols
fertiles, les forêts, les zones humides, la faune sauvage et les paysages. L’éclaircissement
de certains massifs et la consommation de bois de feu entraîne une déforestation non
contrôlée.
b. Les pollutions multiples
Le tourisme émet les mêmes pollutions que n’importe qu’elle autre industrie :
pollution de l’air, de l’eau, bruit, déchets solides et liquides, produits pétroliers et résidus
chimiques, pollution esthétique (visuelle ou architecturale).
Le tourisme engendre des tonnes de détritus : à titre d’exemple, un seul bateau de
croisière rejette 7000 tonnes de déchets solides chaque année. Ces déchets solides sont
omniprésents dans les zones de concentration touristique, y compris dans les endroits les
plus reculés et les moins fréquentés.
La pollution esthétique résulte des difficultés d’insertion des infrastructures
touristiques, notamment des hébergements côtiers, dans les vallées et au bord des routes
pittoresques : ainsi, les immenses resorts de bord de mer, sortes de villes miniatures
contrastant avec l’architecture locale.
Les transports par route, air ou rail sont en augmentation constante. Aujourd’hui, le
tourisme, qui représente 60% du trafic aérien, est une source majeure de rejet de gaz à effet
de serre : une étude a montré qu’un trajet transatlantique émet presque la moitié du CO2
45
produit, par personne et par an, par toutes les autres sources : chauffage, éclairage,
utilisation d’un véhicule, etc.35
c. Les impacts physiques
Les milieux les plus riches en biodiversité sont aussi les milieux les plus attractifs
pour le tourisme mais les plus sensibles à ses impacts : c’est le problème de la sur-
fréquentation des aires protégées. Selon le Programme des Nations Unies pour
l’environnement (PNUE), les trois quarts des dunes de sable de la côte méditerranéenne
ont disparu en raison de l’urbanisation touristique36
.
La destruction des habitats et la rupture de continuité terre-mer, sont les
conséquences les plus visibles de la sur-construction et de la sur-fréquentation des zones
littorales. Les récifs coralliens, écosystèmes très riches mais fragiles, sont les victimes les
plus flagrantes de ces excès.
Toujours selon le PNUE (2002), sur les 109 pays qui ont des récifs coralliens, 90
d’entre eux ont des coraux endommagés par les chaînes d’ancres et les déchets, par des
touristes, plongeurs indélicats, et par la collecte pour la revente37
.
L’extraction de sable, l’érosion des plages et des dunes, la dégradation des sols
entraîne une perte de biodiversité et de qualité paysagère. Le piétinement excessif en
dehors de sentiers balisés provoquent des dégradations réelles de la végétation (tiges
brisées, pertes de matière organique) et de la qualité des sols (baisse de perméabilité,
érosion, etc).
Les pressions sur le foncier sont aussi omniprésentes dans le développement
touristique que les pressions sur les ressources : le tourisme consomme beaucoup
d’espaces, et si possible des espaces de qualité. Par exemple en Turquie, le projet du
gouvernement de vendre des centaines de milliers d’hectares de sites naturels classés, pour
renflouer les caisses de l’Etat, a fait scandale parmi les organisations de défense de
35 EVEIL-TOURISME ET LOISIRS RESPONSABLES. Les impacts du tourisme sur l’environnement [en
ligne] > http://www.eveil-tourisme-responsable.org/ 36 Ibid 37 Ibid
46
l’environnement, qui dénoncent le pillage des ressources naturelles du pays,
principalement des zones côtières, convoitées par l’industrie du tourisme.38
Les effets du tourisme sur l’environnement naturel sont donc nombreux et
complexes. Mais au-delà de l’industrie du tourisme, les comportements des visiteurs sont
en cause et mettent en avant un paradoxe.
4. Quand le citoyen responsable est en vacances
Les Européens, en particulier du Nord (Allemands, Hollandais, Scandinaves…) ont
été considérablement sensibilisés depuis une vingtaine d’années, à l’environnement et à
l’écologie. De nombreuses campagnes ont été lancées dans ce but par leurs gouvernements
respectifs, et, dans la société civile, beaucoup d’associations se mobilisent pour ces causes.
En revanche, une fois devenus touristes, ces mêmes citoyens ont des comportements
irresponsables. Parfois, l’absence de législation ou les habitudes des populations locales
leur servant d’excuse pour se laisser aller à des pratiques qui n’auraient pas cours chez eux.
Le touriste est un être décomplexé !
Ces dysfonctionnements et déséquilibres du tourisme au niveau mondial ont poussé
le niveau institutionnel à se prononcer et à encadrer le développement durable du tourisme.
C. La reconnaissance officielle du tourisme éthique
Selon Hans Jonas, le savoir, le vouloir et la puissance étant des notions collectives,
leur contrôle doit l’être également ; et seuls les pouvoirs publics sont à même d’exercer ce
contrôle qui serait par conséquent politique et rendrait nécessaire un large accord à la
base39
. Les évolutions politiques actuelles en terme d'èthique du tourisme semblent aller
dans le sens des recommandations de Jonas.
L’Organisation Mondiale du Tourisme a pour but de promouvoir et de développer
le tourisme en tant qu’important instrument de paix et de compréhension internationales,
favorisant ainsi le développement économique et le commerce international40
. Institution
38 MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES. Les raisons d’un tourisme différent [en ligne]
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/Partie_2.pdf 39 Op. cit : Pour une éthique du futur 40 Site officiel de l’OMT : www.unwto.org
47
suprême dans le domaine du tourisme, elle est à l’origine de textes de référence en matière
d’éthique du tourisme, consacrant ainsi le concept.
1. Le Code Mondial d’Ethique du Tourisme (cf annexe 2)
Le Code mondial d’éthique du tourisme est un ensemble complet de principes ayant
pour but de proposer des orientations générales aux parties prenantes au développement du
tourisme, à savoir aux gouvernements centraux et aux pouvoirs publics locaux, aux
communautés locales, au secteur du tourisme et à ses professionnels, et aux visiteurs, qu’ils
soient internationaux ou internes.
C’est en 1997 que l’Assemblée générale de l’OMT a accepté la proposition
d’élaboration du Code. Au cours des deux années suivantes, un comité spécial pour
l’élaboration du Code a préparé un projet de texte, après consultation de divers organismes
et de plus de soixante dix Etats-membres de l’OMT. Fruit de cette vaste consultation, le
Code mondial d’Ethique du tourisme a été approuvé à l’unanimité par l’Assemblée
générale réunie à Santiago en octobre 1999. En 2001
le Conseil économique et social des Nations Unies adoptait à son tour le projet de
résolution sur le Code d’éthique et recommandait à l’Assemblée générale des Nations
Unies de reconnaître ce Code, chose faite fin 200141
.
Le code comprend neuf articles définissant les "règles du jeu" pour les destinations,
les gouvernements, les promoteurs, les voyagistes, les agents de voyages, les travailleurs
du secteur et les touristes eux-mêmes. Le dixième article traite du règlement des litiges en
prévoyant un mécanisme d'application, ce qui est une première dans ce genre de code.
Lors l’Assemblée générale de Santiago le 1er octobre 1999, Francesco Frangialli, Secrétaire
générale de l’OMT s’exprimait ainsi, rappelant les enjeux d’un tel Code :
« Le Code mondial d'éthique du tourisme constitue un cadre de référence
pour le développement rationnel et durable du tourisme mondial à l'aube
du nouveau millénaire. Il s'inspire de nombreux codes professionnels et
déclarations analogues qui l'ont précédé et il y ajoute de nouvelles idées
qui reflètent notre société en mutation de la fin du XXe siècle.
41 Ibid.
48
Le tourisme international devant presque tripler, selon les prévisions, au
cours des vingt prochaines années, les Membres de l'Organisation
mondiale du tourisme sont convaincus que le Code mondial d'éthique du
tourisme est nécessaire pour essayer de réduire au minimum les effets
négatifs du tourisme sur l'environnement et le patrimoine culturel et, en
même temps, d'en maximiser les avantages pour les habitants des
destinations touristiques.
Le Code mondial d'éthique du tourisme a été conçu pour être un texte
vivant. Lisez-le. Diffusez-le largement. Veillez à sa mise en œuvre. Ce
n'est qu'avec votre coopération que nous pourrons sauvegarder l'avenir de
l'activité touristique et accroître la contribution du secteur à la prospérité
économique, à la paix et à l'entente entre toutes les nations du monde. »
Francesco Frangialli, Secrétaire général de l’OMT.
Ce code s’inscrit dans la continuité du Sommet de la Terre de Rio de 1992 et
s’inscrit dans une logique tendant à concilier durablement protection de l’environnement,
développement économique et lutte contre la pauvreté. Il est particulièrement intéressant
car il correspond à l’institutionnalisation du concept d’éthique dans le domaine du tourisme
d’une part, mais également parce qu’il inspirera d’autres textes et chartes par la suite,
comme par exemple la Charte nationale d’Ethique du Tourisme élaborée par la Direction
française du Tourisme42
.
Il ne s’agit pas ici d’établir la liste de tous les textes qui ont entériné le besoin
d’éthique dans le domaine du tourisme, mais de dégager les principaux textes de référence.
Ainsi, si le Code est essentiel du fait de son rayonnement mondial et de l’emploi du terme
éthique dans son nom, l’OMT est à l’origine d’un autre texte révélateur bien que peu
notoire : « le touriste et le voyageur responsables ».
42DIRECTION DU TOURISME. La Charte d’éthique du Tourisme [en ligne]
http://www.tourisme.gouv.fr/fr/navd/dossiers/tour_ethiqe/charte_france.jsp
49
2. Le touriste et le voyageur responsables (cf annexe 3)
Approuvé par le Conseil mondial d’éthique du tourisme en mai 2005, ce court texte
est un guide pratique des attitudes à adopter et des comportements à proscrire dans
l’activité touristique. Rédigé à l’intention du voyageur et diffusé au public par le biais des
associations ou des voyagistes, les conseils qu’il prodigue sont tirés du Code mondial
d’éthique du Tourisme. Ayant une valeur informative, il symbolise la volonté affichée des
institutions internationales de responsabiliser le touriste, en introduisant un peu d’éthique
dans ses pratiques.
Appuyé par des textes de référence de l’OMT, le concept de tourisme éthique se
propose donc de maîtriser les effets de globalisation en modifiant les pratiques et les
valeurs de cette activité.
Comme nous l'avons souligné précédemment, l’impact négatif du tourisme est
avéré sur les plans économique, social et culturel, et environnemental, appelant à une
régulation de cette activité. L’expression développement durable du tourisme s’est
démocratisée, induisant l’introduction d’éthique dans la pratique, la production et la
promotion de cette activité. Son corollaire au niveau microéconomique est donc
l’introduction, pour les entreprises de tourisme, de démarches de RSE. Mais quelles sont
les caractéristiques de leurs activités à prendre en compte dans cette démarche? Comment
se réalise la mise en pratique au sein des entreprises pionnières ? Quelles modalités peut
prendre la RSE ? Quelles sont ses limites ?
Nous allons apporter des éléments de réponse à ces questions en nous concentrant,
dans une seconde partie sur l’activité d’hébergement touristique urbain en France grâce à
l’étude comparative des deux leaders des résidences de tourisme urbaine : Adagio et
Citadines.
.
50
Deuxième partie : LA RSE DANS LES RESIDENCES DE
TOURISME URBAINES FRANCAISES : étude comparative
de Citadines et d’Adagio
Le tourisme est un secteur vaste au sein duquel de nombreuses activités et sous-
secteurs interagissent. Au-delà des généralités qui empêchent une analyse fine du
phénomène de la RSE en son sein, nous concentrerons cette deuxième partie sur les
hébergements touristiques et réduirons notre échelle au niveau national en choisissant la
France comme champ d’étude. Plus spécifiquement encore, et pour les raisons évoquées en
introduction, nous nous intéresserons aux hébergements touristiques urbains à travers
l’analyse comparative des politiques de RSE des marques Citadines et Adagio.
Chapitre 1 : Contexte
A. Les hébergements touristiques urbains : généralités et RSE
Dans cette section, nous allons présenter le contexte dans lequel s'inscrivent les
objets de notre étude de cas, afin de mieux saisir les particularités et les enjeux de l’activité
des deux marques choisies, en observant les dynamiques des hébergements touristiques
urbains, en tant que sous-secteur mais aussi dans son rapport au développement durable.
1. Le tourisme urbain : un objet d’étude de poids
a. Les caractéristiques
Les villes ont de tout temps été un lieu attractif. Dès le Moyen Age, elles
constituent des carrefours commerciaux. Elles se développent alors en particulier par le
biais des foires, qui constituent une forme primitive de tourisme d’affaire. Plus récemment,
de nombreuses villes profitent de la tenue de grands évènements commerciaux et de
congrès, tels que les expositions universelles ou les grands salons professionnels, pour
assoir leur renommée. Mais les villes constituent également un lieu d’échanges de savoir
culturels, anciennement grâce à leurs universités, et actuellement par leur patrimoine
architectural qui attire des milliers de touristes chaque année dans les grandes métropoles
du monde entier. Enfin, grâce à leurs infrastructures de transport (aéroports internationaux,
gares), les grandes villes constituent une porte d’entrée et un carrefour pour de nombreux
touristes étrangers.
51
Les villes ont bien évidemment leur activité propre, organisée autour des
administrations, des industries, des commerces et des loisirs. Citons à titre d’exemple La
Défense en région parisienne, où le tourisme d’affaire occupe une place majeure malgré sa
proximité avec la Capitale. Néanmoins, dans certaines agglomérations où le tourisme
représente une part importante de l’activité, l’ensemble de la ville est dépendante des
fluctuations de fréquentation.
Le tourisme urbain est caractérisé par sa très faible saisonnalité ; en effet, l’activité
touristique se répartit toute l’année, malgré une baisse de fréquentation lors des mois d’été
à Paris par exemple.
Autre spécificité de la ville par rapport à la station, la ville comporte de très
nombreux acteurs, dont certains n’ont pas conscience d’œuvrer pour le tourisme, et
d’autres y sont même hostiles. Ainsi, le tourisme urbain illustre tout particulièrement la
nécessité pour l’entreprise touristique de considérer l’intégralité de son environnement
dans l’exercice de son activité.
Enfin, il est à noter que le tourisme urbain est reconnu comme une forme de
tourisme à part entière. Ainsi la Conférence Nationale Permanente du Tourisme Urbain,
crée en 1989, fédère des collectivités, villes et structures communautaires qui se sont
notamment fixées pour objectif la recherche sur le tourisme urbain. Dans ce but, elle
favorise des travaux d'investigation, organise des colloques, séminaires et rencontres qui
permettent de confronter les expériences des différents intervenants43
.
Ainsi, si l'identification du tourisme urbain et le développement d'approches
adaptées sont relativement récents dans le champ touristique, il en est depuis toujours une
des composantes essentielles par l’attractivité que certaines villes, au patrimoine
historique, urbain ou culturel particulièrement riche, exercent sur une clientèle touristique
internationale, mais aussi régionale. Il convient donc de mieux cerner son poids
économique.
43 Site officiel de la Conférence Nationale Permanente du Tourisme Urbain
http://www.tourisme-urbain.com/
52
b. La réalité économique
Cerner la dimension économique du tourisme urbain n'est pas chose aisée en raison
de sa diversité et de la variété de ses composantes. Cependant selon la sous-direction du
tourisme, en 2002, la consommation touristique dans l’espace urbain aurait avoisiné les
23,6 milliards d’euros44
. Les comptes nationaux ne distinguant pas, par exemple, l’activité
hôtelière de la restauration, les données sont biaisées puisque classées dans une même
branche sous l’appellation « hébergement et restauration ». En revanche, le rapport sur le
Poids Economique et social du tourisme de 2010 ordonné par le Ministère de l’Economie,
de l’Industrie et de l’Emploi fournit quelques chiffres-clés révélateurs. Ainsi, en 2008, le
tourisme urbain assure près de 20% des nuitées des Français, et constitue la première
forme de tourisme pour les clientèles étrangères45
.
Sans surprise, les principales villes du pays sont celles qui enregistrent le plus
grand nombre de visites et de fréquentation touristique. En 2008, Paris et l’Ile de France
réalisent ainsi 54% des nuitées hôtelières de la clientèle étrangère et 16% de l’ensemble
des nuitées toute clientèle confondue. L'ile de France est alors en tête des régions pour la
fréquentation touristique en raison de sa renommée internationale.
Néanmoins, les données disponibles doivent être examinées avec vigilance. Ainsi,
les deux motifs principaux des nuitées urbaines sont la visite à la famille dans 49% des cas,
et l’agrément dans 42% des cas46
. Or ces chiffres sont à nuancer dans la mesure où ils
représentent une moyenne du tourisme urbain, notamment pour l’Ile de France où une
clientèle majoritairement étrangère laisse à penser que le motif de « visite à la famille »
doit être moins fort que dans d’autres villes de province à fréquentation essentiellement
nationale. De plus, ces chiffres traitent des nuitées marchandes et non marchandes
confondues car ils analysent le phénomène du tourisme urbain dans sa globalité ; or en
ville, seulement 45%47
des nuitées sont marchandes, selon une dynamique nationale
observées sur les autres territoires du tourisme, ce qui rejoint partiellement le motif de
« visite à la famille ». Aussi, ce type de données est moins pertinent dans notre étude où
44 DIRECTION DU TOURISME, Bureau de la stratégie. Les clientèles du tourisme urbain, septembre 2002.
[en ligne]
http://fama2.us.es:8080/turismo/turismonet1/economia%20del%20turismo/turismo%20de%20ciudades/client
elestourismurbain.PDF 45 CONSEIL NATIONAL DU TOURISME. Le poids économique et social du tourisme, 2010 [en ligne]
http://www.tourisme.gouv.fr/cnt/publications/poids-economique-social-du-tourisme.pdf 46 Ibid. 47 Ibid.
53
nous nous intéressons aux nuitées marchandes. Il est plus intéressant de noter, par
exemple, que les principales clientèles de l’hôtellerie urbaine sont la clientèle étrangère et
la clientèle d’affaires.
Ce tour d’horizon des dynamiques de l’hébergement touristique urbain nous a
permis de mieux saisir le contexte dans lequel évoluent les résidences de tourisme
urbaines.
2. Les résidences de tourisme urbaines : entre dynamisme et
enjeux
a. Données principales
a.1. Le poids économique des résidences de
tourisme
En 2011, les Résidences de Tourisme ont réalisé un chiffre d’affaires hébergement
et activités de 2,9 milliards d’euros TTC. On dénombre cette même année 15 millions de
clients. Leur taux d’occupation moyen annuel est de 65%. Selon le Syndicat national des
résidences de tourisme, « ce coefficient d’occupation élevé traduit la bonne adéquation de
ce concept à son marché »48
.
Les Résidences de Tourisme et hébergements assimilés représentent 23% du parc
de l’hébergement commercial en « dur ». Sur l’hébergement marchand global, leur nombre
de lits représente 11,4%, comme le montre le Document 8 ci-dessous.
Document 8 : Estimation du nombre de lits touristiques au 1er
janvier 2011
Source : Mémento du tourisme, édition 2011.
48 Dossier de presse de mars 2012 du Syndicat national des résidences de tourisme, 2 consultable sur le site
officiel www.snrt.fr
54
Une autre tendance des résidences de tourisme est la forte concentration du secteur.
En effet, 50% des lits sont commercialisés par 4 groupes, sous 10 enseignes différentes49
,
l’autre moitié étant constituée de chaînes moyennes et de petits exploitants.
De plus, l’activité et l’exploitation des résidences de tourisme procurent environ
28 000 emplois directs et 40 000 emplois indirects.
a.2. Les chiffres-clés des résidences de tourisme
urbaines
Les Résidences de Tourisme en France sont implantées dans quatre zones
géographiques : le long du littoral, en montagne, dans les villes (Paris en particulier) ainsi
qu’à la campagne.
Document 9 : Répartition des résidences de tourisme par zone géographique
Nombre de résidences Nombre de lits
Mer 727 249 436
Montagne 636 256 649
Ville 436 114 401
Campagne 199 84 458
Total 1 998 704 944
Source : Syndicat National des Résidences de Tourisme.
Les résidences urbaines représentent donc 21,8% du parc total mais seulement
11,9% des lits offerts par les résidences de tourisme en France. On peut donc en déduire
que les résidences urbaines ont une capacité moyenne plus restreinte que l’ensemble des
résidences.
La durée moyenne d’un séjour dans une résidence en ville est de 6,3 jours50
. La
clientèle est à 51% étrangère alors que pour l’ensemble des résidences de tourisme leur
49 Ibid. 50 La durée moyenne d’un séjour toute résidence confondue est de 7 jours. Ibid.
55
part ne représente que 26%. On retrouve ici la particularité énoncée précédemment du
tourisme urbain qui attire une part importante de clientèle internationale.
Enfin, le taux d’occupation moyen annuel est de 72%, il est donc plus élevé que sur
l’ensemble des résidences de tourisme. De plus, les résidences urbaines ne connaissent pas
de réelle période creuse.
b. Enjeux et défis
Les résidences de tourisme ne représentent encore qu’une part minoritaire de
l’hébergement touristique total. Le parc est en développement mais les résidences de
tourisme doivent continuer à développer leur image. En effet, si les résidences à la
montagne ou sur le littoral bénéficient d'une forte visibilité, le concept de la résidence de
tourisme urbaine est moins connu et souvent mal appréhendé. Pour certains
consommateurs, «l’apart’hôtel» est assimilé au très bas de gamme, et constitue un substitut
de logement pour les personnes qui n’ont pas les moyens ou la possibilité de trouver un
véritable appartement. Or, la définition du décret du 6 juillet 2010 rappelle que dans une
résidence de tourisme « les locaux d’habitation meublés sont proposés à une clientèle
touristique qui n’y élit pas domicile ». Ainsi, la perception de la résidence de tourisme
urbaine est erronée.
Inversement, certaines résidences urbaines qui développent continuellement leur
offre de services se rapprochent du fonctionnement d’un hôtel classique et brouillent les
frontières entre hôtels et résidence hôtelière aux yeux des consommateurs. Les éléments
différenciant sont donc importants pour le maintien d’un secteur en pleine expansion, qui
d’un point de vue juridique ne rentre pas dans la catégorie de l’hôtellerie-restauration
puisque la convention collective à laquelle il est rattachée est celle de l’immobilier.
Dans ce contexte, l’introduction de principes de développement durable dans la
gestion d’une résidence urbaine peut s’avérer une stratégie gagnante en termes de
compétitivité et d’attractivité auprès de clients et de salariés potentiels. Au même titre que
pour les autres dimensions du tourisme, la réduction des impacts sociaux,
environnementaux et économiques négatifs de leur activité doit rester la priorité de la
politique RSE des résidences de tourisme urbaines.
56
3. L’hôtellerie, pionnière en matière de RSE – l’exemple de
l’Hôtel Fouquet’s Barrière
En matière d’innovation, l’hôtellerie est particulièrement performante du fait d’un
secteur hyper concurrentiel. Les groupes et les indépendants doivent sans cesse se
différencier pour mieux se démarquer et gagner des parts de marché. La RSE étant
également un élément innovant et différenciant, c’est tout naturellement que l’hôtellerie
s’en est saisie. Un hôtel a particulièrement investi dans cette dynamique, se révélant
pionnier en la matière tant sa démarche RSE est aboutie et a été saluée par tous : l’Hôtel
Fouquet’s Barrière à Paris.
Conçu au XXIème siècle, l’Hôtel Fouquet’s Barrière se situe dans le triangle d’or
parisien, et c’est un palace classé 5 étoiles. Fort de ce positionnement, et afin de donner
une lisibilité supplémentaire à son processus de développement durable, l’hôtel a
conceptualisé et déposé le terme « Luxe respectable »©.
Concrètement, l’hôtel s’est appuyé sur l’obtention de certifications pour attester de
l’efficacité de sa démarche et est devenu un des rares établissements au monde à obtenir la
triple certification ISO 9001 – relative au management de la qualité -, ISO 14001 – relative
à l’environnement - et SA 8000 – relative aux conditions de travail. C’est même le seul
hôtel français urbain à être ainsi certifié. Parallèlement, l’Hôtel Fouquet’s Barrière
participe au programme international « Make a neutral carbone booking » qui vise à
responsabiliser la clientèle en lui permettant de compenser intégralement et financièrement
les émissions de carbone générées par son voyage.
Le palace a aussi mis en place une campagne de communication importante en
2010 lors de ses premiers engagements, communication reposant notamment sur la
publication d’un bilan chiffré. On pouvait y lire par exemple les effets positifs de leur
politique environnementale : 11% de diminution de leur consommation d’eau, réduction de
4,38% de la consommation de gaz, de 22,45% pour le papier et 15 % des volumes d’achats
de l’hôtel étaient « bio », issus du commerce équitable, éco citoyens ou éco conçus51
.
L’engagement de l’hôtel s’est aussi réalisé sur les plans sociaux et économiques.
Par le biais de soutien à des associations, il a ainsi ancré son aide dans le tissu local, en
favorisant notamment l’embauche en apprentissage de jeunes issus de banlieues
51 Chiffres issus du site officiel de l’hôtel www.lucienbarriere.com
57
défavorisées, ou en reversant une partie de ses recettes au Sidaction52
. De plus, le choix de
la certification SA 8000 illustre une volonté de garantie de bonnes conditions de travail et
le bien être des salariés ; choix stratégique, marketing, ou réel intérêt, la démarche est bien
là.
Enfin, afin de faire de son engagement une vitrine mais aussi de toucher une
nouvelle clientèle potentielle, le palace a développé à l’attention des clients des services
très connotés développement durable. Citons à titre d’exemple la mise à disposition de
limousines hybrides ou l’inscription à la Carte d’un champagne éco conçu et issu de
l’agriculture biologique53
.
Pour l'ensemble ces engagements et l'impulsion de bonnes pratiques qu'il a initié,
l’Hôtel Fouquet’s Barrière apparaît donc comme un pionnier, mais également un modèle,
de ce que peut être la RSE dans une entreprise d’hébergement.
B. Présentation des marques Adagio et Citadines
Dans l’étude de cas qui suit, nous avons choisi de comparer deux grandes marques
de résidences de tourisme, leaders dans le secteur urbain : Citadines et Adagio. Afin de
mieux saisir le contexte dans lequel s’inscrit cette étude comparative, il est important de
connaître leurs caractéristiques ainsi que leurs similitudes justifiant ce choix.
1. Groupes, historique, chiffres-clés
a. Citadines, pionnier des apart’hotels
La première résidence de tourisme Citadines apparaît en 1984, à Aix-en-Provence.
Le marché immobilier du début des années 1980 est favorable aux investisseurs et
Citadines exploite ce contexte en proposant un concept novateur en Europe : positionnés
entre l’hôtel et l’appartement meublé, au cœur des villes, les Citadines visent une clientèle
d’affaire comme de particuliers en recherche de flexibilité et d’indépendance. Marché de
niche à ses débuts, la marque connait un essor dans les années 1990 grâce à l’ouverture de
résidences dans des grandes villes comme Lille, Bordeaux, Lyon, Montpellier, Nice,
52
Le restaurant Fouquet’s participe chaque année à l’opération « Chefs solidaires ». Lors de cette journée,
180 restaurants reversent 10% de leur recette au Sidaction. 53
Il s’agit du champagne Pop’Earth de la maison Pommery. Son étiquette est en papier recyclé, la colle
utilisée est sans solvant et la bouteille contient 30% de verre en moins qu’une bouteille classique.
58
Toulouse, mais aussi grâce au développement du réseau parisien. ; en 1997, Citadines
comprend déjà trente-cinq établissements.
La marque favorise ensuite une croissance externe par le rachat de la concurrence ;
c’est ainsi que Orion est racheté pour ne conserver que les 15 résidences urbaines de la
marque –qui néanmoins constituaient une concurrence directe avec Citadines. Par la suite,
les deux marques fusionnent, ce qui renforce encore le concept Citadines en lui donnant
une plus grande visibilité et une implantation élargie. A l’international, Citadines s’installe
dans un premier temps à Londres, Bruxelles et Barcelone, puis plus tardivement à
Lisbonne et à Berlin ce qui lui assure une présence dans des villes qui disposent d’un fort
potentiel d’affaires mais aussi touristique.
La structure du capital a également évolué depuis l’ouverture de la première
résidence Citadines. La marque est rachetée en 1997 par Whitehall et Westmont
Hospitality Group, avant de changer de propriétaire en 2004 : elle appartient depuis à The
Ascott Group. Citadines est ainsi gérée par The Ascott Limited. Plus grand propriétaire et
opérateur international de résidences hôtelières en Asie-Pacifique, en Europe et dans la
région du Golfe, The Ascott Limited gère plus de 20 000 appartements sous 3 marques :
Ascott, Somerset et Citadines. Son activité s’étend sur une vingtaine de pays dans plus de
soixante-dix villes parmi lesquelles Londres, Paris, Bruxelles, Berlin, Tbilissi et Barcelone
en Europe ; Singapour, Bangkok, Hanoi, Kuala Lumpur, Tokyo, Seoul, Shanghai, Pékin et
Hong-Kong en Asie ; Melbourne et Perth en Australie, ainsi que Dubaï, Doha et Manama
dans la région du Golfe.Le siège d’Ascott, une filiale entièrement détenue par CapitaLand
Limited - une des compagnies immobilières les plus importantes d’Asie - se situe à
Singapour. Le siège Europe se trouve quant à lui à Levallois, en Ile-de-France.
Citadines comprend aujourd’hui 57 résidences dans le monde, dont 28 en Europe et
17 en France. Deux prochaines ouvertures sont prévues en Allemagne. De plus, Citadines
opère depuis trois ans la rénovation de l’ensemble de son parc et s’est séparé des
résidences les moins performantes. Ainsi, les résidences Marseille-Vieux Port et Aix-en-
Provence, légèrement excentrées géographiquement, ne reflétaient pas l'image de
résidences de centres-villes des grandes agglomérations véhiculée par la marque.
De plus depuis 2011, 4 résidences en France sont qualifiées de « résidence
Prestige ». Cette distinction interne à la marque reflète un niveau de qualité et de services
59
plus élevé. Néanmoins, leur faible nombre, ainsi que la diversité des résidences Citadines
dans leur globalité, ne nécessitent pas de les exclure de notre étude.
Puisque nous nous intéressons au marché européen et plus particulièrement à la
France, il est nécessaire de préciser que les résidences Citadines européennes cumulent 2
989 appartements pour un chiffre d’affaires de 66.5 millions d’euros en 201154
. Les 17
résidences françaises ont généré un chiffre d’affaires de 24.1 millions d’euros cette même
année.
b. Adagio, leader européen
Adagio City Aparthotel a été créée plus récemment que Citadines. Issue de la Joint-
Venture entre le Groupe Pierre & Vacances Center Parcs55
et Accor, Adagio City
Aparthotel voit le jour en 1997. Grace à l’expertise hôtelière du leader mondial Accor et
l’activité immobilière du n°1 du tourisme de proximité en Europe PVCP, Adagio City
Aparthotel exploite le concept de la résidence de tourisme et se développe très rapidement.
Le réseau comprend aujourd’hui 88 aparthotels soit 9710 appartements dans 7 pays
européens. Il est le leader européen des résidences de tourismes urbaines. A l’horizon
2015, la joint-venture envisage l’ouverture (effective ou en cours) de 130 résidences. Sous
la marque Adagio City Aparthotel, ce sont en réalités deux gammes de produits qui sont
commercialisées : Adagio access dans une gamme économique, et Adagio dans un milieu
de gamme supérieur comparable à Citadines. Nous nous intéresserons dans la suite de
notre propos uniquement à la chaîne Adagio. Cette dernière se compose de 33 résidences
soit plus de 4180 appartements, à Aix-en-Provence, Annecy, Bâle, Berlin, Bordeaux,
Bruxelles, Caen, Grenoble, Marseille, Monaco, Munich, Nantes, Paris, Rome, Saint-
Etienne, Strasbourg, Toulouse, Vincennes et Vienne. Les ouvertures prévues pour 2012-
2013 sont : Abu Dhabi, Liverpool, Moscou, Kaluga (Russie) et Cologne.
Les résidences Adagio génèrent un chiffre d’affaires avoisinant les 100 millions
d’euros56
.
54 Résultats issus du bilan annuel d’activité de The Ascott Residence Trust, version 2011.
http://www.ascottreit.com/contents/announcement/Ascott%20AR'11_LR.pdf 55 Désormais, Pierre & Vacances Center Parcs sera cité sous l’acronyme PVCP. 56 Données de 2007, avant l’acquisition puis le développement de la gamme Adagio Access. Depuis, les
chiffres parus sont communs à Adagio City Apart’hôtels et ne représentent donc pas un bon point de
comparaison avec Citadines. Chiffres issus d’un communiqué de presse paru au moment de cette acquisition
et consultable en ligne. http://hugin.info/143523/R/1517437/453968.pdf
60
2. Leurs similitudes : un facteur nécessaire à leur
comparaison
Afin de mener une étude comparative spécifique des politiques RSE, nous nous
sommes intéressés à deux marques proposant des services comparables, comme nous
allons l'illustrer dans cette section. Par ailleurs, ces similitudes positionnement les deux
marques comme des concurrents directs.
a. Un concept identique
Comme nous l'avons détaillé précédemment, Adagio comme Citadines sont des
résidences de tourisme urbaines. Situées dans les hyper-centres des agglomérations, elles
proposent à la location des appartements équipés, ainsi que des services en option. Les prix
sont dégressifs avec l'accroissement de la durée de séjour. L'aparthotel est un service
d'hébergement adapté aux nouvelles attentes des consommateurs : économie, autonomie,
confort. Les individus sont devenus plus mobiles, mais la formule hôtelière classique ne
permet pas de se sentir «chez soi»57
, même lors de longs séjours. Le concept de l'aparthotel
a ainsi été développé pour répondre à ce besoin d'intimité.
Le positionnement de ces deux marques est le moyen de gamme supérieur.
Citadines et Adagio s’adressent à une clientèle internationale et nationale. La répartition
entre clientèle affaires et clientèle loisirs est d'environ 60/40%.
b. Une offre semblable
Malgré quelques différences, les services proposés dans les résidences Citadines et
Adagio sont relativement similaires comme présenté dans le Document 10 en page
suivante.
57 The Ascott Limited a d’ailleurs fait du « feel at home » une de ses valeurs d’entreprises.
61
Document 10 : Tableau comparatif de l’offre Adagio et Citadines
Type de construction Nouvelle construction ou
conversion.
Bâtiment ancien, grand projet
de rénovation en cours.
Nombre min de logements 80 45
Superficie des logements 20-60 m2 20-45 m2
Type de logements Du studio au 3 pièces Studio et deux pièces
Restaurant Service de petit-déjeuner Service de petit-déjeuner
Salles de réunions Non Parfois
Salle de fitness Non Parfois
Laverie Oui Oui
Ménage hebdomadaire Oui Oui
Réception 24/24h Oui Oui
Durée min du séjour 1 nuit 1 nuit
Accueil long séjour Oui58
En cours d’élaboration59
De plus, dans les résidences Citadines comme Adagio, les appartements sont
entièrement meublés : cuisine équipée (vaisselle et ustensiles de cuisine, plaques
vitrocéramiques ou électriques, lave-vaisselle, four micro-ondes, réfrigérateur, bouilloire...)
; une salle de bains avec baignoire et sèche-cheveux ; de nombreux rangements, un bureau
avec téléphone (ligne directe), accès Internet Wi-Fi ou haut débit, une télévision écran plat,
un coffre-fort individuel et la climatisation.
58 Ce kit d’accueil s’adresse aux clients résidant plus de 28 nuits dans une résidence Adagio. Il comprend des
produits d’accueil spécifiques comme : dans la cuisine une dizaine de produits alimentaires utiles pour la
préparation des premiers repas, et dans la salle de bain un kit contenant du lait hydratant pour le corps, fleur
de bain, kit manucure, kit pour les chaussures et des chaussons. 59 Cet accueil long séjour chez Citadines s’adressera aux clients séjournant minimum un mois.
62
Précisons que chez Citadines, il existe deux catégories de logement : premier et
club. Les logements club correspondent à la catégorie supérieure, qu’ils soient studio ou
appartement ; plus grands, ils sont également mieux situés (vue comme hauteur) et dotés
d’un confort supplémentaire : plancher en bois véritable, meubles et vaisselles plus design,
chauffe-serviette, peignoirs, station iPod, entre autres. Les logements premier quant à eux
sont plus simples. Enfin, comme vu précédemment, le parc français Citadines comprend 4
résidences Prestige qui ont vocation à être des 4 étoiles ; en plus d’être toutes rénovées,
elles offrent des services supplémentaires comme un service de ménage allégé quotidien en
plus du ménage complet hebdomadaire ainsi que la présence d’un guest relation manager
(sorte de Concierge).
Néanmoins, le concept d’offre de services est identique chez Citadines et Adagio.
Le principe est une offre de services minimums gratuits et la mise à disposition d’autres
services payants comme l’accès à la laverie, le parking ou encore le pressing.
Les divers points communs que nous avons mis en évidence, relatifs au secteur, au
positionnement et à l’offre des résidences Citadines et Adagio, soulignent qu’en plus d’être
des concurrents directs, elles présentent un mode de fonctionnement semblable. Les deux
marques étant confrontées au même type de clientèle, aux mêmes défis et à des enjeux
similaires, nous allons désormais pouvoir les étudier, comparer leur positionnement et
leurs actions en termes de développement durable, et analyser la stratégie de RSE adoptée
par chacun des groupes auxquels elles appartiennent.
63
Chapitre 2 : Etude de cas : les démarches RSE de Citadines et d’Adagio
Dans cette partie, nous comparerons la démarche RSE des deux marques Citadines
et Adagio afin d’étudier les différentes modalités de mise en œuvre de cette politique mais
aussi le sens et la portée de leur engagement respectif.
A. Méthodologie : présentation des critères de comparaison choisis
Afin de comprendre la forme comme le fond des démarches RSE des deux
marques, notre étude portera sur trois critères : l’outil de RSE choisi, l’étendu des champs
abordés dans leur démarche et la communication faite à ce sujet.
1. Premier critère : le choix de l’outil RSE
Nous l’avons vu précédemment, bien qu’encouragée à plusieurs niveaux, la RSE
demeure une démarche volontaire, propre à chaque entreprise. De ce fait, même pour des
marques aux activités semblables, il n’y a pas un modèle unique d’action, mais un
ensemble de choix arbitrés par les groupes auxquels elles appartiennent.
La politique RSE de chacune des marques s’exprime à travers différentes modalités
d’application. Ainsi, l’expression de principes, l’adhésion à un label, la certification par
une norme sont autant d’éléments de reconnaissance révélateurs du degré d’investissement
de l’entreprise en matière de RSE. Le premier critère de comparaison et d’évaluation de la
démarche RSE de nos deux entreprises sera donc le choix de l’élément de reconnaissance,
de l’outil de leur politique RSE.
Ces référentiels peuvent revêtir différentes formes, plus ou moins contraignantes et
donc plus ou moins porteuses d’engagement. Il est impossible de les citer de manière
exhaustive, cependant on peut établir une topologie de ces outils.
La première catégorie, la moins contraignante, comprend les chartes et codes de
bonnes conduites. Qu’ils soient internes et autodéterminés par l’entreprise ou collectifs,
l’adhésion à ces chartes et codes ne comporte pas d’engagement formel et l’entreprise
signataire n’a aucun compte à rendre. Cependant, une entreprise peut choisir de s’imposer
de fortes contraintes.
64
La seconde catégorie comprend les labels. Un label se définit comme une marque
collective se matérialisant par des signes distinctifs (nom, logo,..) et qui peut être utilisée
par les différentes marques se conformant au cahier des charges du label. Il vise à assurer
et faciliter la reconnaissance de certaines caractéristiques d'un produit60
.
Le label peut être "privé" et géré de manière autonome par des associations de
producteurs, ou dépendre d’un organisme public. Un label, n'offre pas un gage réel de
qualité, mais seulement la garantie que le produit possède certaines caractéristiques
relatives à sa production ou à sa composition.
La dimension contraignante d’un label dépend ainsi des critères permettant son
obtention, elle varie donc fortement d'un label à l'autre. Les principaux labels de la RSE
portent essentiellement sur la question environnementale ; on peut citer le label NF-
Environnement, accordé par l’Afnor61
lorsque des améliorations ont été apportées tout au
long de la vie d’un produit afin de réduire son impact environnemental, l’Ecolabel
européen, qui fonctionne sur le même principe que le label français précité et privilégie
donc une approche « cycle de vie », et la Haute Qualité environnementale (HQE) qui
concerne les bâtiments.
La troisième catégorie comprend les normes ; les entreprises qui décident de les
adopter font l’objet d’une certification et s’engagent à améliorer leurs pratiques de manière
continue et pérenne. Ces normes ne sont accordées que pour une courte durée, à renouveler
généralement tous les 5 ans. Elles sous-tendent donc cette action continue. Les normes sont
élaborées par des organismes externes spécialisés, et celles relatives à la RSE sont de trois
types : les normes ISO62
-d’inspiration et de portée globales, la norme EMAS63
-applicable
dans l’Union Européenne- et des normes spécifiques mondiales –AA 1000, SA 8000 et
OHSAS 18001.
Les deux normes ISO les plus connues en matière de RSE sont les séries ISO 9000
et ISO 14 000 qui traitent respectivement du management de la qualité et du management
environnemental. Elles sont appliquées par plus d’un million d’organisations dans 175
60
Il s’agit de la définition marketing du terme consultable sur http://www.definitions-
marketing.com/Definition-Label 61 L’Agence française de normalisation (Afnor) est l'organisme officiel de normalisation, membre de
l'Organisation internationale de normalisation (ISO) auprès de laquelle elle représente la France. 62 L’ISO (International Standardization Organization) est une ONG formée par un réseau d’instituts
nationaux de normalisation représentant 148 pays ; son secrétariat situé à Genève assure la coordination
d’ensemble. 63 La norme EMAS (Eco-Management and Audit Scheme, c’est-à-dire système communautaire de
management environnemetal et d’audit) a été lancée en 1995 par la Commission Européenne et s’adresse aux
entreprises du secteur de l’industrie. Nous ne la développerons donc pas plus dans ce travail.
65
pays, et doivent leur succès au fait qu’il s’agit de normes génériques pouvant s’adapter à
n’importe quel secteur et quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle concernent donc en
particulier l’hébergement touristique.
Les autres normales mondiales citées touchent des aspects spécifiques de la RSE,
mais peuvent être adoptées partout dans le monde, et tout secteur confondu. La série des
normes AA 100064
met l’accent sur le dialogue engagé avec les parties prenantes et les
capacités de l’entreprise à rendre compte de ses progrès en matière sociale et éthique. La
norme SA 8000, fondée sur la Déclaration universelle des droits de l’homme et sur la
Convention internationale relative aux droits de l’enfant de l’ONU, s’assure que les
entreprises certifiées fournissent des conditions de travail décentes dans le respect la
dignité humaine. Enfin la norme OHSAS65
18001 est dédiée à la santé et à la sécurité au
travail.
Enfin, l’outil le plus complet et correspondant à la démarche la plus aboutie en
termes de RSE est la certification Qualité, Sécurité, Environnement (QSE). Il s’agit d’une
approche globale en faveur du développement durable qui assure la satisfaction de
clientèle, la sécurité des salariés et la maîtrise des impacts environnementaux, se basant sur
les trois référentiels ISO 14001, ISO 9001 et OHSAS 18001.
Ce tour d’horizon des différents outils et éléments de reconnaissance de la RSE
dans les entreprises, ainsi que leur hiérarchisation en termes d’engagement et de contrainte
nous permettra de classer et de hiérarchiser les démarches de Citadines et d’Adagio.
2. Deuxième critère : le contenu de la politique RSE et les
thèmes abordés
Si le choix d’un label ou d’une certification apporte un éclairage sur le contenu de
la politique RSE d’une entreprise, les chartes ou les engagements déclaratifs peuvent
recouvrir plusieurs réalités.
Notre deuxième critère d’étude concernera donc le contenu des politiques RSE.
Afin de l’évaluer, nous examinerons dans un premier temps les champs du développement
durable –économique, social, environnemental- couverts, ainsi que la diversité et
l’exhaustivité des thèmes abordés.
64 Les normes AA 1000 ont été crées par l’Institute of Social and Ethical Accountability en 1999. 65 OHSAS : Occupational Health and Safety Assesment Series, dont la dernière revision date de 2007.
66
3. Troisième critère : la communication sur la RSE : visibilité
et contenu des sites internet
Alors que le e-tourisme continue de s’étendre66
, les sites internet des marques
demeurent un canal de distribution à développer, une vitrine pour les groupes auxquelles
ils appartiennent, et un moyen de maîtriser leur communication.
Comme nous l’avons vu dans la première section de cette seconde partie, les
pratiques de RSE peuvent avoir de nombreux effets bénéfiques (réduction des risques,
réalisation d’économies, amélioration des performances, plus grand respect de
l’environnement, amélioration de l’image, bien-être du personnel, mais le développement
durable est souvent taxé d’argument marketing. Afin de mieux saisir comment les marques
exploitent leur démarche RSE, notre troisième angle de comparaison sera l'analyse de la
communication que Citadines et Adagio mettent en œuvre autour de cette démarche, à
partir de l'information présente sur leur site internet.
Dans ce but, nous nous intéresserons à l’évocation de la politique RSE sur le site
commercial des deux marques ainsi que sur le site institutionnel des groupes. Nous
mènerons tout d'abord une étude qualitative visant à évaluer la visibilité de cet élément :
s’agit-il d’un élément central de communication? Est-il immédiatement visible (police,
couleur, positionnement dans l’espace)? Fait-il l'objet d'un onglet spécifique? etc.
Au-delà de la forme et de la mise-en-avant de cette communication, nous
étudierons également son contenu en répondant aux questions suivantes :
L’entreprise explique-t-elle sa démarche ? (historique, choix, outils)
Fournit-elle les résultats de sa politique ? (présence de rapports)
Si oui, sont-ils chiffrés ?
L’entreprise s’engage-t-elle sur de nouveaux objectifs (notion d’amélioration
continue) ?
L’entreprise fournit-elle des preuves supplémentaires de la réussite de sa
démarche ? (awards, citations dans la presse, etc).
66 En 2011, 17,2 millions de Français ont préparé leurs séjours en ligne, soit 58% des Français partis en 2011
selon le baromètre Opodo-Raffour consultant 2012, consultable sur le site officiel de Veille Info Tourisme
www.veilleinfotourisme.fr
67
Pour Citadines, nous analyserons le site commercial www.citadines.com et le site
institutionnel de The Ascott Limited www2.the-ascott.com/.
Pour Adagio, les sites commerciaux www.adagio-city.com et
www.pierreetvacances.com/adagio, ainsi que le site institutionnel d’Accor www.accor.com
et celui du groupe PVCP www.groupepvcp.com.
B. Résultats
1. Citadines, certifiée ISO 14001 et OHSAS 18001
La démarche RSE de la marque Citadines est identique à l’ensemble du groupe The
Ascott Limited : ses deux piliers sont les programmes Go green @ Ascott et EHS.
a. Des initiatives environnementales isolées
Dans un premier temps à partir de début 2011, c’est l’aspect environnemental que
le groupe a choisi de développer en lançant le programme Go green @ Ascott, regroupant
les différentes initiatives en termes d’environnement. Ainsi citons à titre d’exemple la
participation à l’Earth day67
en 2011, journée pendant laquelle les lumières des façades et
autres éclairages superflus de l’ensemble des résidences ont été éteints pendant dix heures
à partir de 20h30 ; cette initiative s’est d’ailleurs développée puisqu’elle a maintenant lieu
tous les premiers vendredis du mois.
C’est aussi dans le cadre de ce programme que sont apparus divers affichages de
sensibilisation à une consommation restreinte des ressources : stickers au-dessus des
interrupteurs des locaux du personnel incitant à éteindre la lumière, stickers placés près des
imprimantes pour sensibiliser à restreindre l’impression de documents, affichages dans les
logements pour inciter les clients à éteindre en sortant mais aussi à proposer le non-
remplacement systématique des serviettes de bain. Le dernier projet en date correspond à la
mise en place de Centres de tri des déchets colorés et attractifs à destination des clients, en
plus des sacs déjà mis à disposition dans les logements pour effectuer le tri à la source.
b. Le programme EHS pour la certification
67 La Journée de la Terre, en français, est un évènement participatif écologiste international durant lequel
environ 500 millions de personnes dans le monde réalisent une action en faveur de l’environnement.
68
La démarche RSE du groupe repose cependant aussi et surtout sur la double
certification ISO 14001 et OHSAS 18001 qu’elle a obtenue à l’automne 2011. Le
processus de certification a été le suivant : Capitaland68
a créé au niveau mondial un
système interne intitulé EHS (Environnement, Health and Safety), reprenant les critères et
les points d’exigences des deux normes. En septembre 2011, six résidences pilotes dont
cinq en Europe ont été auditées ; au terme de cet audit, Citadines S.A. a été double certifiée
pour une durée d’un an, le temps que toutes les résidences du groupe se mettent à niveau.
Un nouvel audit sera conduit à l’automne 2012 auprès de 8 résidences européennes qui
seront désignées quinze jours à l’avance.
En septembre 2011, 6 résidences pilotes, dont 5 en Europe, subissent un audit au
terme duquel Citadines S.A. obtient la double certification pour une durée d’un an, laissant
le temps à toutes les résidences du groupe d'effectuer les changements nécessaires pour
satisfaire aux critères de la certification. Un nouvel audit sera conduit à l’automne 2012
auprès de 8 résidences européennes qui seront désignées quinze jours à l’avance.
Concrètement, comment se traduit la certification ISO 14001 et OHSAS 18001 en
termes de développement durable ?
La norme ISO 14001 repose sur le principe d'amélioration continue de la
performance environnementale par la maîtrise des impacts liés à l'activité de l'entreprise.
Citadines prend ainsi un double engagement de progrès continu et de conformité aux règles
de la norme.
La norme OHSAS 18001 sous-tend un engagement important en termes de
conformité avec la législation, de prévention des accidents, de promotion d'une bonne
santé et d'amélioration continue.
Le système EHS existant chez Citadines est un système de gestion intégré
regroupant des notions environnementales et de santé et sécurité au travail. Cette démarche
comprend plusieurs niveaux d'application.
Définition d’une politique relative à l’environnement, la santé et la sécurité
Cette politique édictée par Capitaland, qui fait l'objet d'un affichage dans les
différentes résidences, comporte les engagements suivants :
68 Groupe immobilier détenteur de The Ascott Limited.
69
• garantir des pratiques exemplaires en matière d’environnement, de santé et de
sécurité en vue de réduire la pollution et les risques sanitaires.
• assurer une amélioration continue des performances en matière d’environnement,
de santé et de sécurité.
• respecter la législation et les exigences applicables.
• mettre en œuvre les lignes directrices de Capitaland pour des bâtiments plus verts,
ainsi que les programmes de santé et de sécurité au travail.
• Inciter les collaborateurs, fournisseurs, prestataires de services et prestataires à se
conformer à cette politique.
Détermination d’objectifs annuels
Il s’agit d’objectifs chiffrés qui s’appliquent à l’ensemble des résidences Citadines :
pour 2012, une réduction de 9% de la consommation d’énergie et de 7% de la
consommation d’eau par rapport à 2008, et aucun accident entrainant un handicap
permanent ou le décès d’un membre du personnel.
Chaque résidence fixe ensuite pour l’année un programme d’actions visant à
atteindre ces objectifs et détermine une personne responsable et un calendrier pour la mise
en place de ces actions.
Identification des aspects et risques de l’activité en matière d’environnement, de santé et
de sécurité
Citadines base ainsi sa démarche RSE sur la connaissance de son activité et de ses
impacts sur les hommes et l’environnement. Ce faisant, elle identifie les risques qu’elle
hiérarchise par ordre de priorité avant de mettre en place des mesure destinées à les limiter
ou de les combattre.
Identification des exigences légales applicables
Citadines fait certifier la conformité de ses pratiques avec les réglementations en
vigueur, et en cas de manquements aux règles légales, met en place un plan d'action pour y
remédier.
Formations et sensibilisation
70
Citadines assure la sensibilisation à sa démarche RSE auprès de tous ses salariés,
mais également auprès de ses fournisseurs, prestataires et clients dans le but de les inciter à
respecter les principes de la RSE.
De plus, Citadines a élaboré un plan de formation spécifique à chaque service,
couvrant l’ensemble des tâches ayant potentiellement un impact sur l’environnement ou
pouvant atteindre à la santé et à la sécurité du personnel. Le suivi et la mise à jour de ce
plan de formation fait partie des engagements sociaux du groupe.
Evaluation régulière de la conformité
Afin de respecter son engagement d’amélioration continue, des inspections
opérationnelles et administratives sont régulièrement menées (certaines mensuellement,
d’autres de façon trimestrielle) au niveau de la résidence. Chaque non-conformité relevée
fait l’objet d’un plan d’action avec édiction d’un délai et d’un responsable. De plus, le
groupe s’engage à réaliser des audits généraux internes pour évaluer l’engagement et le
suivi réel des résidences dans cette démarche RSE.
La pertinence de l’ensemble de ce système EHS avec les logiques
environnementales, de santé et de sécurité au travail des normes ISO 14001 et OHSAS
18001 a été contrôlée et reconnue lors de la certification.
c. La communication
Sur le site commercial, ni la politique RSE de Citadines ni son engagement en
faveur du développement durable ne sont évoqués. Il n’existe a fortiori pas d’onglet
spécifique à ce sujet.
En revanche, parmi les liens rapides proposés en bas de page, la mention « Go
Green @ Ascott » dirige directement l'internaute vers la partie du site institutionnel
consacrée à la démarche environnementale du groupe.
Document 11 : Capture du site commercial de Citadines
71
Extrait du site commercial www.citadines.com
Le site institutionnel de The Ascott Limited est uniquement en anglais. Parmi les
différents onglets, on retrouve le programme Go Green @ Ascott ; sur la page d’accueil de
l’onglet, sont évoqués la volonté et les raisons de l’engagement du groupe en faveur de
l’environnement, l’impact des activités hôtelières en termes de nuisances et de pollutions.
Le contenu de cet engagement n’est cependant pas précisé.
Comme on peut le voir sur le Document 12 (page suivante), les sous-onglets –
parmi lesquels un est consacré à EHS- sont vides, cette partie du site semblant en
construction69
.
Document 12 : Capture du site institutionnel de The Ascott Limited
69 Ceci a été constaté systématiquement et à de nombreuses reprises entre juin et août 2012.
Go Green @ Ascott
72
Extrait du site internet institutionnel de The Ascott Limited : www2.theascottlimited.com
Un autre des onglets intitulé «Ascott Residence trust » est un lien rapide vers le site
internet de cette filiale de Capitaland spécialisée dans l’acquisition immobilière et qui
possède presque tous les bâtiments dans lesquels les résidences Citadines européennes sont
installées. Sur la page d’accueil de ce site, on trouve son Rapport annuel 2011 qui
comprend 4 pages (sur 188) relatives à la responsabilité d’entreprise et qui reprennent les
initiatives des différentes propriétés de la filiale auprès des communautés et en matière
environnementale ; sont ainsi cités l’Earth day et la double certification ISO 14001 et
OHSAS 18001.
Enfin, il est à noter que sur le site institutionnel de The Ascott Limited, seul le
Rapport annuel de 2007 est disponible ; dans ce rapport les seuls éléments relatifs à la
RSE cités sont les initiatives locales de rapprochement interculturel entre clients et
communautés locales, et un rappel du rôle-clé du personnel et de son bien être dans la
réussite de l’activité de l’entreprise. Les résidences citées ne sont pas européennes et ne
concernent donc pas notre étude.
2. Adagio : la RSE de deux groupes
73
La politique RSE d’Adagio repose sur deux piliers : l’obtention d’un label d’une
part et les programmes en faveur du développement durable créés par les deux groupes70
pour l’ensemble de leurs marques et sites, d’autre part.
a. Forme et fond de la RSE chez Adagio
a.1. Adagio : vers une certification Ecolabel
européen généralisée
Actuellement, 14 résidences Adagio sont certifiées Ecolabel européen dans la
catégorie « services d’hébergements touristiques »71
. L’objectif affiché de la marque est la
certification pour l’ensemble du parc Adagio d’ici fin 2013.
L’Ecolabel européen est un label écologique communautaire reposant sur le
principe d'une approche globale. La démarche d’Adagio consiste ainsi à mettre en avant le
faible impact environnemental de son activité d’hébergement comparé aux autres
entreprises d’hébergement touristique, pour une efficacité et une performance égales.
De plus, la RSE d’Adagio s’entend sur l’intégralité du cycle de vie de son activité
(toutes les phases de la prestation du service). Les audits d'Adagio portent, par exemple,
sur les éléments suivants : limitation de la consommation d’eau et d’électricité, tri et
revalorisation des déchets, utilisation de substances moins dangereuses pour
l’environnement, formation du personnel à la démarche environnementale, informations
environnementales et de sécurité auprès des clients, recours à la consommation de produits
locaux, respect de la qualité de l’air intérieur, entre autres. Il s’agit d’une approche
multicritères.
a.2. Le groupe Pierre&Vacances Center Parc :
un plan d’actions 2008-2011
Au-delà de la certification, Adagio est codétenu par le groupe PVCP dont la
politique globale en faveur du développement durable fait partie de la démarche RSE
d’Adagio.
70 Comme vu précédemment, Adagio est une filiale codétenue par les groupes Accor et Pierre & Vacances
Center Parcs. 71 14 résidences certifiées en décembre 2011, selon le Rapport financier annuel 2010-2011 de Pierre &
Vacances Central Parcs consultable sur le site institutionnel www.groupepvcp.com
74
L’outil de RSE choisi par le groupe est la détermination en interne d’objectifs en
matière sociale et environnementale. Dans ce but, le groupe a mis en place un plan d’action
2008-2011 pour la tenue d’engagements dans plusieurs domaines.
Politique sociale
PVCP s’engage à développer la formation de son personnel, à favoriser l’embauche de
jeunes salariés tout en protégeant les seniors, à agir en faveur de l’insertion des personnes
handicapées et à contribuer au développement local.
Formation / sensibilisation
PVCP s’engage à former l’ensemble de ses collaborateurs aux enjeux du développement
durable et aux bonnes pratiques en matière environnementale.
Energie / climat
Dans ce domaine, PVCP vise l’excellence énergétique, le suivi et la réduction de la
consommation d’énergie ainsi que le développement d’utilisation des énergies
renouvelables.
Ressources naturelles
Le groupe s’engage à favoriser le tri sélectif, à choisir plus de matériaux et produits
écologiques et à développer une démarche de gestion écologique des espaces verts.
Management et reporting
Le groupe base enfin sa démarche RSE sur l’évaluation des performances de ses sites par
la mise en place un système interne de management de développement durable, basé sur
l’auto-évaluation des sites.
La politique RSE du groupe est donc basée sur ces engagements pour lesquels il a
construit 33 indicateurs de performance parmi lesquels 772
ont été vérifiés par un cabinet
indépendant73
. Le prochain plan d’actions 2012-2015 est en cours d’élaboration.
72 Les 7 indicateurs audités sont : Effectif total de fin de période, Répartition de l'effectif par genre,
Pourcentage de femmes dans l'encadrement, Taux de fréquence des accidents du travail avec arrêts, Taux de
Turnover, Consommation totale d'eau et Consommation totale d'énergie. 73 Il s’agit du cabinet Ernst & Young en février 2012.
75
a.3. Le groupe Accor : le programme Planet-21
à l’horizon 2015
Tout comme PVCP, le groupe Accor a mis en place depuis longtemps une
politique en faveur du développement durable. Par le passé, Accor a été le premier groupe
à créer un département Environnement, puis une charte Environnement de l’hôtelier.
Le programme actuel a été déterminé en interne et se nomme Planet-21, en
référence à l’Agenda 21. Il se compose de 21 engagements regroupés en 7 piliers
présentés dans le Document 13.
Document 13 : Les piliers de l’engagement RSE d’Accor
Source : site internet d’Accor www.accor.com
Tout comme pour PVCP, des indicateurs de performance permettent de quantifier
les avancées, et d'évaluer le caractère réaliste des objectifs fixés pour 2015.
b. La communication
Sur le site commercial www.adagio.com , il n’est pas fait mention de la politique
RSE de l’entreprise, ni du terme « développement durable ». Le site commercial
76
www.pierreetvacances.com/adagio rattaché à PVCP, ne comporte pas d’onglet dédié sur la
page d’accueil, ni d’évocation de la démarche. En revanche, grâce à un lien situé en bas de
page, il est possible de rejoindre les deux sites institutionnels.
Sur le site du groupe Accor comme celui de PVCP, un onglet « développement
durable » est présent dès la page d’accueil. Il est au côté de 3 ou 5 autres onglets selon le
site et visible immédiatement.
De manière similaire, les deux sites proposent une présentation détaillée de leur
politique et de leur programme en faveur du développement durable. L’historique et le sens
de leur engagement est exprimé. Le contenu de leur politique est également détaillé :
chaque pilier et chaque engagement est développé, assorti d’objectifs chiffrés et
d’indicateurs de performances.
Les deux groupes communiquent également sur leurs résultats en termes de
développement durable. Tout d’abord, leurs rapports annuels, mis en ligne, présentent
leurs efforts en matière de RSE et les résultats obtenus. Ces points sont détaillés à travers
des documents de reporting.
Les objectifs chiffrés d’Accor ont pour horizon 2015, et sont donc toujours
d’actualité. Pour PVCP, le futur programme 2012-2015 n’est pas encore en ligne au milieu
de l’année 2012, mais un « mot » du Directeur Général Adjoint donne des indications sur
la vision du prochain plan triennal.
De plus, notons que le site Accor met en avant les récompenses reçues par le
groupe pour sa politique de développement durable.
Enfin, les deux sites sont mis à jour régulièrement ; le site Accor dispose, sur la
page « développement durable », d’une section « Actualités » fréquemment alimentée ; le
site PVCP fournit chaque jour le cours de l’action Pierre et Vacances.
C. Discussion
1. La multiplicité des outils de RSE
Alors que les entreprises sont relativement semblables, nous avons pu observer le
recours à des outils de la RSE différents : normes, label et engagements internes. Citadines
77
recourt à deux normes internationales (ISO 14001 et OHSAS 18001) afin d’être certifiée
par un organisme externe. Ce choix est contraignant et entraîne, par ailleurs, une obligation
d’amélioration continue ; il s’agit donc d’un engagement sur le long terme. Adagio étend la
certification Ecolabel européen à l’ensemble des résidences de la chaîne ; il fait le choix
d’un label communautaire dont le cahier des charges est défini par secteur, Adagio étant
concerné par le secteur « services d’hébergement touristique ».
Cependant, la multiplication des outils de la RSE concourant à un même objectif de
promotion du développement durable nuit à la lisibilité de la démarche. Ce phénomène est
encore plus évident lorsque la politique RSE d’une entreprise réside en des engagements
pris de manière interne, basée sur des indicateurs de performance déterminés par
l’entreprise elle-même, comme c’est partiellement le cas pour PVCP et Accor. Notre étude
de cas porte uniquement sur deux groupes, mais dans le cadre d'une étude plus large, la
diversité des engagements et des actions à examiner rendrait l'analyse particulièrement
complexe.
2. Choix de l’outil et efficacité
La typologie et la hiérarchisation des outils de la RSE énoncée dans la
méthodologie, et correspondant à une distinction classique, a été partiellement infirmée par
notre étude de cas. En effet, si une norme est plus contraignante qu’un label, qui est lui-
même plus contraignant qu’un programme d’engagements définis en interne, ce classement
ne se reflète pas en termes d’efficacité et de performance; les outils les plus contraignants
ne correspondent pas nécessairement aux objectifs les plus élevés. Ainsi, l’Ecolabel
européen identifie les produits ou les services les plus performants d’un point de vue
environnemental ; la révision des critères écologiques, tous les 3 à 5 ans, permet de prendre
en compte les évolutions technologiques et de maintenir une sélectivité. Il se base
également sur des objectifs de performances environnementales quantifiées spécifiques au
secteur et faisant l'objet de référentiels. Pour leur part, les normes se basent sur une
obligation de moyens et de respect des objectifs que l’entreprise s’est elle-même fixée ;
Citadines est donc impliquée dans un système global de connaissance et de maitrise des
risques de son activité, et dans une dynamique d’amélioration continue.
Cependant, si la notion d’amélioration continue et de prise en compte globale de
l’activité comme du site sont des éléments contraignants, caractéristiques de la norme, rien
78
ne prouve que Citadines soit plus performante environnementalement que Adagio,
puisqu’il s’agit de la pertinence d’un processus et non d’un référentiel comme c’est le cas
pour Adagio.
De même, les engagements et les objectifs fixés en interne sans contrôle d’un
organisme interne ne sont pas nécessairement du greenwashing74
. Selon les objectifs fixés
et les indicateurs choisis, ils peuvent être source de réelles performances. Il n’existe donc
pas de règle absolue.
3. Le triomphe des piliers environnemental et social
Historiquement, les premières initiatives en faveur du développement durable
concernent l'environnement. En effet, l’aspect écologique a été le premier à atteindre les
consciences en s’appuyant, de manière pertinente, sur l’image d’une planète en danger.
Mais le développement durable est une notion plus large qui s’appuie sur trois piliers :
social, économique et environnemental.
Dans notre étude, nous constatons que seuls les domaines social et
environnemental sont pris en compte. Nous n’avons pas noté d’engagements en matière
économique ; cette tendance est d’ailleurs représentative de l’ensemble des démarches
RSE existantes, tout secteur confondu.
4. La RSE des groupes : confusion des marques
Le cas d’Adagio a permis d’illustrer la difficulté à différencier la démarche RSE
d’un groupe des engagements réels d’une marque voire d’un site en particulier. En effet,
sur le site internet d’Accor comme de PVCP, la communication en termes de RSE est
essentiellement faite au niveau du groupe. A l'exception de la certification Ecolabel
européen, tous les autres outils RSE sont énoncés à l’échelle des groupes. Or l’on peut se
demander s’il est pertinent d’avoir une même politique et les mêmes objectifs chiffrés pour
des produits différents, pour l’hôtellerie économique ou haut de gamme, pour des sites en
74 Greenwashing est un anglicisme qui sert à désigner les pratiques consistant à utiliser abusivement un
positionnement ou des pratiques écologiques à des fins marketing.
79
ville ou à la campagne, pour des petits et gros porteurs, pour une résidence de tourisme et
pour un hôtel, etc.
Ce constat soulève deux problèmes. D’une part, les grands groupes semblent
manquer d’adaptabilité et de subtilité dans leur démarche RSE. D’autre part le client peut
se sentir dupé ; en effet, les résultats sont énoncés de manière globale et ne traduisent
nullement les écarts entre les différentes marques. Si un client souhaite baser le choix de
son hébergement sur la qualité environnementale de la résidence qu’il vise, il ne dispose
pas, sur le site internet, des informations sur les performances de cette dernière ni même
de la chaîne en général.
5. Le sens de la démarche RSE : au-delà du marketing
Il est souvent reproché à la RSE de n’être qu’un argument marketing ayant pour
but d’attirer plus de clients. L’étude des sites internet tendrait à démontrer le contraire :
ainsi, les sites commerciaux de Citadines comme d’Adagio, sur lesquels l’acte d’achat se
réalise, ne mentionnent pas la certification des résidences dans leur descriptif. En revanche,
l’engagement d’Accor et de PVCP en faveur du développement durable est mis en avant
dans la communication des deux groupes ; cette observation laisse à penser que la stratégie
des entreprises n’est pas de déclencher plus de ventes immédiates, mais d’utiliser leur
démarche RSE dans le développement leur image.
Au delà de ce constat, qui va à l'encontre des idées reçues, le débat d'ordre moral
sur la motivation des entreprises et le sens réel de leur engagement est-il réellement
nécessaire? On peut en effet estimer que les objectifs fondamentaux d'une démarche de
développement durable sont ses performances et son efficacité, quelles que soit les
motivations profondes de l'entreprise qui la met en place.
6. Limites de l’étude de cas
a. L’accès aux données
Ayant travaillé un an chez Citadines sur le projet de double-certification en
résidence et au siège, je disposais d’un accès privilégié aux informations relatives à la
politique RSE de la marque.
80
En revanche, je n’ai malheureusement pu rencontrer personne travaillant chez
Adagio qui aurait pu compléter ma connaissance de leurs engagements en matière de RSE.
Les directeurs de résidence que j’ai contactés ne m’ont pas répondu, tout comme le siège
de PVCP. Le département Développement durable d’Accor m’a répondu mais n’a pas pu
m’accorder de rendez-vous ni répondre à un questionnaire, ils m’ont redirigée vers leur site
internet. L’accès aux données a donc été très difficile et le manque de diversité des sources
concernant Adagio constitue l'une des limites de mon étude.
b. La confusion des informations
Comme nous l'avons évoqué précédemment, il est difficile de distinguer la
politique RSE des groupes Accor et PVCP des engagements réels pris dans les résidences
Adagio. L’absence de distinction m’a obligée à considérer que les démarches des
résidences en matière de RSE étaient conformes aux engagements des groupes pris à
échelle globale. L’absence de clarté dans l’information a donc été source d’approximation.
81
CONCLUSION
Au travers de ce travail, nous avons mis en évidence les besoins d’introduction des
principes de développement durable dans la gestion et le management du secteur
touristique. Secteur dynamique et international, le tourisme génère de nombreux effets
positifs -sur la croissance économique notamment-, mais contrebalancés par des impacts
négatifs croissants sur l’environnement. De plus, il est toujours sources d’inégalités
notamment selon un axe Nord/Sud. Nous avons également analysé l’émergence
progressive du concept de développement durable, selon plusieurs modèles de diffusion :
selon un principe top-down, les organisations internationales puis les Etats ont incité les
entreprises et les citoyens à prendre leurs responsabilités ; dans le même temps, la société
civile, dont les valeurs ont évolué face à un capitalisme débridé, a pris conscience de
l’urgence de la situation. Cette pression a fini par atteindre l’entreprise dont on attend
désormais qu’elle rende des comptes et qu’elle adapte son fonctionnement afin d’être
moins impactante et plus durable.
Cependant, le secteur touristique est caractérisé par son étendue et sa diversité,
aussi nous nous sommes concentrés sur l’activité d’hébergement, et plus spécifiquement
sur les résidences urbaines de tourisme. Malgré leur croissance rapide, elles représentent
un sujet d’étude peu développé, aussi est-il particulièrement pertinent de s’y intéresser.
Notre étude comparative entre Adagio et Citadines a permis d’appréhender de manière
concrète les différentes modalités de la RSE ainsi que la communication des deux marques
à ce sujet. La diversité des initiatives, des outils de RSE, la disparité des degrés
d’engagement ainsi qu’une communication web inégale a mis en exergue la complexité à
analyser le concept et sa mise en oeuvre dans sa globalité.
Mon étude de cas a donc permis d’illustrer un phénomène plus global. Ainsi, si une
conception plus éthique et plus durable du tourisme est nécessaire, cette tendance semblant
inéluctable, la mise en pratique demeure confuse. Les interrogations sur le fond, la forme
et le sens de cette démarche sont encore nombreuses, et les initiatives trop rares.
Comme nous l’avons évoqué au cours de ce travail, le développement durable a ses
détracteurs. Parce qu’il a aussi profité d’une vague altermondialiste pour se développer, il
porte parfois l’image révolutionnaire, incarnant la lutte contre le capitalisme. Or, le
82
développement durable ne doit pas être confondu avec la décroissance75
. Le
développement durable n’a pas vocation à combattre le libéralisme et le capitalisme, il
remet simplement en cause leurs dérives. Il s’agit plutôt de permettre une croissance qui
profite à tous.
Pratiquer le développement durable, c’est agir de manière responsable, conscient de
ses impacts et de son environnement, entendu au sens large. Néanmoins, la notion de
développement durable ne doit pas être assimilée à de l'angélisme. Du fait de leur rôle
central dans la société, les entreprises constituent un incontournable vecteur du
changement ; on peut difficilement attendre d'une entreprise, confrontée aux réalités du
marché, qu'elle s’engage dans une démarche RSE par simple philanthropie. Pour pouvoir
se développer, la démarche doit être financièrement viable. L’entrepreneur doit y trouver
un intérêt ; ce dernier est parfois marketing.
En effet, certaines entreprises pratiquent une politique en faveur du développement
durable afin d’améliorer leur image. On peut considérer que cette motivation d'ordre
commercial n'est pas un problème dans la mesure où la démarche est efficace. Néanmoins,
deux écueils se profilent dans l'utilisation de la RSE dans la politique de communication
des entreprises. Le premier est le problème du greenwashing précédemment évoqué. En
effet, ce détournement constitue un frein au comportement responsable des touristes ; ainsi
selon une étude Atout France parue en 201176
, 79% des français estiment que les
entreprises mettant en avant des arguments citoyens ou éthiques le font surtout pour des
raisons commerciales ; et seuls 48% d’entre eux font confiance aux entreprises pour la
préservation de l’environnement.
Le second obstacle à la prise en compte plus étendue des principes de
développement durable est la course à la différenciation. En effet, résumer l’intérêt d’une
politique RSE à un gain d’image n’assurera pas la pérennité de l’engagement, car une fois
l’effet différenciant estompé -lorsque les autres entreprises seront au même niveau- la
politique RSE deviendra obsolète, et ne sera plus source de gain de compétitivité. Il
faudrait donc donner à l’entreprise des raisons de s’engager, en lui donnant l’envie et les
moyens de s’impliquer.
75 La décroissance : mouvement qui prône une diminution générale de la consommation et qui s'oppose aux
théories économiques libérales, fondées sur la recherche d'une augmentation continue de la production. 76 Etude Tourisme et développement durable – De la connaissance des marchés à l’action marketing,
Editions Atout France, 2011, 108p.
83
Les difficultés soulignées plus haut pourraient être combattues par une évolution de
l'approche politique du développement durable, en opérant une transition d'un système de
recommandations et d'incitations vers un encadrement législatif. Aujourd’hui, la RSE est
une démarche volontaire accompagnée par les pouvoirs publics. Ces derniers pourraient
encadrer plus étroitement les pratiques de la RSE en introduisant des mesures coercitives
comme c’est déjà le cas avec la taxe carbone77
.
Notre cas d’étude a illustré la disparité des formes que peuvent prendre les
démarches de RSE et souligné la nécessité d’uniformiser les outils et les éléments de
reconnaissances de cette politique. Une meilleure visibilité pour le consommateur, la mise
en place d’indicateurs et de critères maitrisés sont les divers atouts d’une uniformisation.
Cependant, l’exemple d’Adagio et de Citadines met en exergue l'un des enjeux majeurs de
la RSE : la difficulté à évaluer clairement la politique de RSE d'une entreprise, et à imposer
les mêmes objectifs à des entreprises différentes, y compris lorsque leurs activités et le
public visé sont similaires. Par ailleurs, certains groupes couvrent plusieurs secteurs
d’activité, ce qui renforce la complexité de l’élaboration de principes directeurs ou
d’objectifs par les pouvoirs publics.
Néanmoins, si la responsabilité des Etats ou des organisations internationales ne
peut pas se substituer intégralement à celle des entreprises, ceux-ci ont un rôle important à
jouer; il s’agit de promouvoir une véritable gouvernance touristique, capable de mobiliser
et d'impliquer les acteurs du secteur. Au delà de simples chartes comme le Code mondial
d’Ethique du tourisme, qui représentent une première étape dans la prise en compte des
problématiques de développement durable, une implication plus forte des Etats, basée sur
des outils législatifs, semble nécessaire pour généraliser les pratiques de la RSE. Le
passage de la prise de conscience aux mesures coercitives a déjà été amorcée dans d'autres
domaines, comme pour la question de la parité hommes-femmes dans certains pays
industrialisés
Par ailleurs, la notion de développement durable, loin de représenter une question
anecdotique, recouvre une grande partie des problématiques politiques fondamentales de
notre époque (les droits sociaux des travailleurs, la santé, la préservation des ressources et
77 La taxe carbone est une taxation sur les émissions de gaz à effets de serre visant à réduire les émissions des
entreprises et fonctionnant selon le système pollueur-payeur.
84
de l'environnement dans son ensemble, les relations Nord-Sud), en les intégrant aux
questions économiques. Ainsi, le développement durable pourrait constituer une cause
prioritaire pour les pouvoirs publics dans les années à venir.
Alors que le monde traverse une crise économique sans précédent depuis 2009 et
que certaines destinations très touristiques comme la Grèce ou l’Espagne sont en récession,
certains pourraient arguer de l'existence de problèmes plus urgents que les questions
environnementales ou sociales. Mais paradoxalement, les conséquences désastreuses de la
crise illustrent les dangers d'une approche économique tournée vers le profit à court terme,
et soulignent la nécessité d'une vision politique à long terme. Dans cette optique, le
concept de développement durable semble offrir les clés d'une transition vers un système
de gestion global, qui intègre le respect de l'homme et de la planète à une économie
performante.
85
Bibliographie
OUVRAGES
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ETUDES
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http://www.iso.org/iso/fr
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http://lexpansion.lexpress.fr/economie/taxe-carbone-mode-d-emploi_199453.html
RSE PRO, RSE et luxe : exemple dans l’hôtellerie [en ligne]
http://rse-pro.com/rse-hotel-luxe-127
SYNDICAT NATIONAL DES RESIDENCES DE TOURISME, site officiel
www.snrt.fr
THE ASCOTT LIMITED, site institutionnel
www2.the-ascott.com
VEILLE INFO TOURISME
www.veilleinfotourisme.fr
89
Table des annexes
Annexe 1 : Déclaration de Copenhague sur le développement social
Annexe 2 : Code mondial d’éthique du tourisme
Annexe 3 : Le touriste et le voyageur responsables
90
Annexe 1 : Déclaration de Copenhague sur le développement social, énoncée lors de la clôture du Sommet pour le développement social de 1995.
DÉCLARATION DE COPENHAGUE SUR LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL
1. Pour la première fois dans l'histoire, nous, chefs d'État et de gouvernement, sommes réunis sur l'invitation de l'Organisation des Nations Unies pour reconnaître l'importance universelle du développement social et de l'amélioration de la condition humaine et pour œuvrer d'urgence à la réalisation de ces objectifs, dès à présent et pour le XXIe siècle.
2. Nous constatons que partout dans le monde se manifeste de diverses manières l'urgente nécessité de s'attaquer aux problèmes sociaux les plus graves, en particulier la pauvreté, le chômage et l'exclusion sociale, qui touchent tous les pays. Nous avons pour tâche de nous attaquer à la fois aux causes profondes des problèmes et à leurs conséquences déplorables, afin de réduire l'incertitude et l'insécurité qu'ils engendrent dans la vie des individus.
3. Nous constatons que, dans tous les pays et régions du monde, nos sociétés doivent mieux répondre aux besoins matériels et spirituels des individus, de leurs familles et des communautés dans lesquelles ils vivent. Nous devons agir sans plus attendre et, aussi, prendre un engagement durable et inébranlable pour les années à venir.
4. Nous sommes convaincus que la démocratie, la transparence et la responsabilité dans la conduite des affaires publiques et l'administration dans tous les secteurs de la société sont les bases indispensables à la réalisation d'un développement social durable et centré sur l'être humain.
5. Nous partageons la conviction que le développement social et la justice sociale sont indispensables à l'établissement et au maintien de la paix et de la sécurité entre les nations et en leur sein même. Inversement, il ne saurait y avoir de développement social et de justice sociale sans la paix et la sécurité et si tous les droits de l'homme et ses libertés fondamentales ne sont pas respectés. Cette interdépendance fondamentale consacrée il y a
50 ans dans la Charte des Nations Unies s'est encore renforcée depuis lors.
6. Nous sommes profondément convaincus que le développement économique, le développement social et la protection de l'environnement constituent des éléments interdépendants et qui se renforcent mutuellement dans le processus de développement durable, qui est le cadre de nos efforts pour assurer à tous une vie meilleure. Un développement social équitable mettant l'accent sur le renforcement de la capacité des pauvres d'utiliser d'une manière viable les ressources de l'environnement est un fondement essentiel du développement durable. Nous reconnaissons en outre qu'une croissance économique générale et soutenue, dans le contexte d'un développement durable, est indispensable à la continuité du développement social et de la justice sociale.
7. Nous reconnaissons donc que le développement social est au coeur des besoins et des aspirations des individus partout dans le monde et constitue pour les gouvernements et tous les secteurs de la société civile une responsabilité cruciale. Nous affirmons qu'en matière économique aussi bien que sociale, les politiques et les investissements les plus productifs sont ceux qui permettent aux gens de tirer le meilleur parti de leurs capacités, de leurs
91
ressources et des possibilités qui leur sont offertes. Nous reconnaissons que le développement économique et social ne peut être assuré d'une manière durable sans la pleine participation des femmes; l'égalité et l'équité entre hommes et femmes sont pour la communauté internationale un objectif prioritaire qui doit, en tant que tel, se situer au coeur du développement économique et social.
8. Les êtres humains ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec l'environnement, et ce sont eux qui sont au coeur de nos efforts pour un développement durable.
9. Nous sommes réunis ici pour nous engager, nous, nos gouvernements et nos nations, à oeuvrer au développement social dans le monde entier, de telle sorte que tous, hommes et femmes, en particulier ceux et celles qui vivent dans la pauvreté, puissent exercer les droits, utiliser les ressources et partager les responsabilités qui leur permettent de vivre une vie satisfaisante et de contribuer au bien-être de leur famille, de leur communauté et de l'humanité. Ce doit être un objectif primordial pour la communauté internationale que de soutenir et d'encourager ces efforts, s'agissant spécialement des personnes qui souffrent de la pauvreté, du chômage et de l'exclusion sociale.
10. Nous prenons cet engagement solennel à la veille du cinquantième anniversaire de l'Organisation des Nations Unies, avec la volonté de tirer parti des possibilités uniques qu'offre la fin de la guerre froide pour promouvoir le développement social et la justice sociale. Nous réaffirmons les principes de la Charte des Nations Unies dont nous nous inspirons ainsi que des accords auxquels ont abouti les conférences internationales pertinentes, dont le Sommet mondial pour les enfants, tenu à New York, en 1990 1/; la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, tenue à Rio, en janvier 1992 2/; la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne, en 1993 3/; la Conférence mondiale sur le développement durable des petits États insulaires en développement, tenue à Bridgetown (Barbade) en 1994 4/; et la Conférence internationale sur la population et le développement, tenue au Caire, en 1994 5/. À ce sommet, nous prenons l'initiative d'un nouvel engagement de chacun de nos pays en faveur du développement social, marquant ainsi le début d'une ère nouvelle de coopération internationale entre les gouvernements et entre les peuples, fondée sur un esprit de partenariat qui place les besoins, les droits et les aspirations des individus au centre de nos décisions et de nos actions communes.
11. Le Sommet qui nous réunit ici, à Copenhague, est celui de l'espoir, de l'engagement et de l'action. Nous sommes pleinement conscients de la difficulté des tâches qui nous attendent, mais convaincus que des progrès considérables peuvent être réalisés, doivent l'être et le seront.
12. Nous souscrivons à cette Déclaration et à ce Programme d'action, qui visent à promouvoir le développement social et à assurer le bien-être de tous, partout dans le monde, dès à présent et pour le XXIe siècle. Nous invitons les citoyens de tous les pays, et de toute condition, ainsi que la communauté internationale, à se rallier à cette cause commune.
97
Table des documents
Document 1 : Les Principes directeurs de l’OCDE 28
Document 2 : Caractéristiques du Pacte mondial 31
Document 3 : Le modèle des Stakeholders 35
Document 4 : Les recettes par destination 1980-2010 38
Document 5 : Perspectives d’arrivées internationales 40
Document 6 : Les principaux pays récepteurs 41
Document 7 : Les revenus qui restent dans ou quittent la communauté 44
Document 8 : Estimation du nombre de lits touristiques au 1er
janvier 2011 56
Document 9 : Répartition des résidences de tourisme par zone géographique 57
Document 10 : Tableau comparatif de l’offre Adagio et Citadines 64
Document 11 : Capture du site commercial de Citadines 74
Document 12 : Capture du site institutionnel de The Ascott Limited 75
Document 13 : Les piliers de l’engagement RSE d’Accor 78
98
Liste des acronymes
AFNOR Agence Française de Normalisation
EHS Environnement, Health and Safety
INSEE Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques
ISO International Standardization Organization
MIT Massachusetts Institute of Technology
OCDE Organisation de Coopération et de Développement
OHSAS Occupational Health and Safety Assessment Services
OMT Organisation Mondiale du Tourisme
ONG Organisation Non Gouvernementale
ONU Organisation des Nations Unies
PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement
PVCP Pierre & Vacances Central Parcs
RSE Responsabilité Sociale de l’Entreprise
SNRT Syndicat National des Résidences de Tourisme
99
Remerciements ...................................................................................................................3
SOMMAIRE......................................................................................................................4
INTRODUCTION .............................................................................................................6
Première partie : L’EMERGENCE DU DEVELOPPEMENT DURABLE DU
TOURISME..................................................................................................................... 13
Chapitre 1 : La RSE, genèse et développement d’une pratique ..................................... 13
A. Mouvement des idées, mutation des valeurs...................................................... 13
1. De l’éthique et de la morale .......................................................................... 13
a. La Morale nietzschéenne ......................................................................... 14
a.1. Quel fondement pour la morale ? ........................................................... 14
a.2. Le triomphe de la morale des faibles ou l’émergence d’une morale
consensuelle ................................................................................................. 15
b. Consensus autour de l’’éthique ................................................................ 17
b.1. L’éthique appliquée ............................................................................... 17
b.2. Pour une éthique du futur ....................................................................... 18
2. Une société civile qui s’éveille ...................................................................... 20
a. La prise de conscience des consommateurs ............................................. 20
b. Le poids croissant des Organisations Non Gouvernementales (ONG) ...... 21
B. La pression institutionnelle : du développement durable à la RSE ..................... 22
1. Le développement durable à l’agenda politique international ........................ 22
a. L’Agenda 21 ........................................................................................... 22
b. Les autres grands rendez-vous internationaux. ......................................... 23
c. Des textes sectoriels ................................................................................ 24
2. Quand les pouvoirs publics responsabilisent l’entreprise privée .................... 24
a. Les Principes directeurs de l’OCDE ........................................................ 25
b. Le Global Compact de l’ONU ................................................................. 27
c. Le Livre vert de la Commission européenne sur la responsabilité des
entreprises ........................................................................................................ 29
C. La RSE, un élément de management incontournable ? ...................................... 30
1. Un transfert de responsabilités : la place de l’entreprise ................................ 30
2. Rendre des comptes, une obligation croissante. – « La théorie des parties
prenantes », R. Edward Freeman .......................................................................... 31
3. Les interrogations éthiques du milieu des affaires ......................................... 33
4. Les nuances d’une dynamique inéluctable..................................................... 34
Chapitre 2 : La nécessaire introduction des principes du développement durable dans le
tourisme ....................................................................................................................... 35
A. Le tourisme, phénomène économique et social ................................................. 35
1. Un secteur majeur et dynamique ................................................................... 35
100
a. L’expansion continue d’un secteur .......................................................... 35
b. Un secteur qui résiste aux crises .............................................................. 36
c. Le Rapport Horizon 2020 ........................................................................ 37
2. Le tourisme, moteur de croissance économique ............................................ 38
3. Les chiffres-clés du tourisme en France ........................................................ 39
B. Les limites d’un tourisme vertueux ................................................................... 40
1. Qui profite du tourisme ? Une répartition inégale selon un axe Nord / Sud .... 41
2. Déséquilibres sociaux ................................................................................... 43
3. L’environnement menacé .............................................................................. 43
a. La consommation démesurée des ressources naturelles............................ 44
b. Les pollutions multiples .......................................................................... 44
c. Les impacts physiques ............................................................................. 45
4. Quand le citoyen responsable est en vacances ............................................... 46
C. La reconnaissance officielle du tourisme éthique .............................................. 46
1. Le Code Mondial d’Ethique du Tourisme (cf annexe 2) ................................ 47
2. Le touriste et le voyageur responsables (cf annexe 3) .................................... 49
Deuxième partie : LA RSE DANS LES RESIDENCES DE TOURISME URBAINES
FRANCAISES : étude comparative de Citadines et d’Adagio .......................................... 50
Chapitre 1 : Contexte ................................................................................................... 50
A. Les hébergements touristiques urbains : généralités et RSE .............................. 50
1. Le tourisme urbain : un objet d’étude de poids .............................................. 50
a. Les caractéristiques ................................................................................. 50
b. La réalité économique ............................................................................. 52
2. Les résidences de tourisme urbaines : entre dynamisme et enjeux ................. 53
a. Données principales ................................................................................ 53
a.1. Le poids économique des résidences de tourisme ................................... 53
a.2. Les chiffres-clés des résidences de tourisme urbaines ............................. 54
b. Enjeux et défis ........................................................................................ 55
3. L’hôtellerie, pionnière en matière de RSE – l’exemple de l’Hôtel Fouquet’s
Barrière ................................................................................................................ 56
B. Présentation des marques Adagio et Citadines .................................................. 57
1. Groupes, historique, chiffres-clés .................................................................. 57
a. Citadines, pionnier des apart’hotels ......................................................... 57
b. Adagio, leader européen .......................................................................... 59
2. Leurs similitudes : un facteur nécessaire à leur comparaison ......................... 60
a. Un concept identique ............................................................................... 60
b. Une offre semblable ................................................................................ 60
Chapitre 2 : Etude de cas : les démarches RSE de Citadines et d’Adagio ...................... 63
101
A. Méthodologie : présentation des critères de comparaison choisis ...................... 63
1. Premier critère : le choix de l’outil RSE ........................................................ 63
2. Deuxième critère : le contenu de la politique RSE et les thèmes abordés ....... 65
3. Troisième critère : la communication sur la RSE : visibilité et contenu des
sites internet ......................................................................................................... 66
B. Résultats ........................................................................................................... 67
1. Citadines, certifiée ISO 14001 et OHSAS 18001 .......................................... 67
a. Des initiatives environnementales isolées ................................................ 67
b. Le programme EHS pour la certification ................................................. 67
c. La communication ................................................................................... 70
2. Adagio : la RSE de deux groupes .................................................................. 72
a. Forme et fond de la RSE chez Adagio ..................................................... 73
a.1. Adagio : vers une certification Ecolabel européen généralisée ................ 73
a.2. Le groupe Pierre&Vacances Center Parc : un plan d’actions 2008-2011 . 73
a.3. Le groupe Accor : le programme Planet-21 à l’horizon 2015 .................. 75
b. La communication ................................................................................... 75
C. Discussion ........................................................................................................ 76
1. La multiplicité des outils de RSE .................................................................. 76
2. Choix de l’outil et efficacité .......................................................................... 77
3. Le triomphe des piliers environnemental et social ......................................... 78
4. La RSE des groupes : confusion des marques ............................................... 78
5. Le sens de la démarche RSE : au-delà du marketing ..................................... 79
6. Limites de l’étude de cas............................................................................... 79
a. L’accès aux données................................................................................ 79
b. La confusion des informations ................................................................. 80
CONCLUSION ............................................................................................................... 81
Bibliographie ................................................................................................................... 85
Table des annexes ............................................................................................................ 89
Table des documents ........................................................................................................ 97
Liste des acronymes ......................................................................................................... 98
102
Mots-clés :
tourisme, développement durable, responsabilité sociale de l’entreprise, résidence de
tourisme.
Résumé :
Le point de départ de notre réflexion est le constat que le développement durable a
fortement émergé ces dernières années, sous les effets conjugués d’une prise de conscience
collective et de l’action incitatrice des organisations internationales et des Etats. Sa
diffusion pour contrer les dérives de notre modèle économique et de notre mode
consommation actuels se réalise à toutes les échelles, et les entreprises ont un rôle majeur à
jouer. Le concept de Responsabilité Sociale de l’Entreprise (RSE) est ainsi apparu,
traduisant l’engagement des entreprises en faveur des principes du développement durable.
En parallèle, le tourisme n’a eu de cesse de se développer et il est un secteur très
dynamique ; cependant, il est aussi pointé du doigt pour l’impact négatif de ses activités à
plusieurs niveaux. Le tourisme commence donc à être pensé autrement et les entreprises de
tourisme à développer leur politique de RSE. L’étude de cas portant sur la mise en
application et la communication de ces politiques à l’échelle des résidences de tourisme
urbaines françaises, met en exergue la polymorphie des engagements des entreprises et la
difficulté à comprendre et à interpréter le sens et la portée de la RSE, démarche
aujourd’hui volontaire. Néanmoins, pour plus d’efficacité et de lisibilité, l’impulsion des
démarches en matière de RSE pourraient se penser de façon plus coercitive.
Abstract :
This thesis takes its origin in the observation of the large expansion of sustainable
development in the past decades, due to a more accurate awareness of the citizens on the
one hand, and to actions from international organizations and States in order to encourage
its principles on the other hand. Sustainable development is promoted at all scales in order
to compensate the slides of our economic system and consumption habits. In this context,
firms have a major part to play, and their involvement gave birth to the concept of
Corporate Social Responsibility (CSR). Besides, tourism is a very dynamic business in
constant expansion, but its negative impacts at several levels are also pointed out.
However, this sector starts to be considered from a different point of view, and tourism
firms gradually develop a CSR policy.
Our case study focuses on the implementation of CSR policy on two french serviced
apartments companies. We demonstrate how the involvement in terms of CSR varies from
one company to the other, and we underline the difficulties in the interpretation of CSR,
which is nowadays exclusively based on a voluntary engagement. Nevertheless, a more
efficient and clear implementation could be achieved by developing more coercitive
approach.