DÉSARME-MOI

[DélicieuseVictoire]

CarolineTillman

DÉSARME-MOI

[DélicieuseVictoire]

Roman

CollectionFire

©2015,CarolineTillman.©2015,AngelsEditions

Tousdroitsréservés.

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Illustration:©VirginieWernert

ISBNnumérique:979-10-94920-15-2

AngelsÉditions

11rueFrançoisCoppée37100Tours

E-mail:contact@angels-editions.com

SiteInternet:www.angels-editions.com

Celivreestuneœuvredefiction.

Lesnoms,lespersonnages,

leslieuxetlesévènementssontlefruit

del’imaginationdel’auteurouutilisés

fictivement,ettouteressemblanceavec

despersonnesréelles,vivantesoumortes,

desétablissementsd’affaires,desévènements

oudeslieuxneseraitquepurecoïncidence.

ÀEmilie,monamietrèschère,

Quin’amalheureusementpaseuletemps

Dedécouvrirlasuitedecettebellehistoire.

1«CherPapa,

Petitefille,j’étaislapersonnequetuchérissaisleplusaumondeaprèsMaman.Tum’appelaiscrevette,chatonouencorepoussin.Cequejepréféraispar-dessustout,c’étaitêtretontrésor.Ainsidésignée,jemesentaisimportantepourtoi,j’étaissifièred’êtretapetitefille.

Engrandissant,cesentiments’estamplifié.J’étaiscellequetuembrassaisenpremierenrentrantàlamaison.Cellequinerefusaitjamaisuncâlindetapartoud’êtretraînéeàtonbureaulesamediparcequeMamanavaitd’autreschatsàfouetterquedem’avoirdanssespattes.Etj’aimaistoutça.Jevoulaisfairepartiedetavieplusquetout,êtrecellequetuaimeraisleplusfort.

Aujourd’hui,j’aibeaunepast’avoirvuniparlédepuisplusdedixans,jerêveencoredenosretrouvailles.Jenecessedem’accrocheràcetespoirsimincequ’unjourtufinirasparmepardonneretmetendrelamain.

Oùsontdoncpasséslessouvenirsdecesjoursheureux?Lesas-tuoubliésenmêmetempsquemoi?

Jen’aiaucunreprocheàtefaire,Papa,c’estmoiquiaitoutgâchéentrenousaudépart.Jeveuxsimplementtedirequejet’aime,quejepenseàtoi.Dansmoncœur,tuserastoujoursmonpetitPapachéri.Qu’importenoserreurspassées,jenesouhaiteplusquepouvoirteretrouveretteserrerdansmesbras.Tumemanques,Papa.J’aibesoindetoi.

Jet’aime,

Rina.»

Elleconnaissaitparcœurchaquemotdecettelettre.Ellel’avaitlueunebonnecentainedefoisavantdesedécideràlaglisserdansl’enveloppe.Elleavaitapposélenomdesonpèreetl’adressedesaplusbelleécriturepuisportéeàlaboîteauxlettresdusitedeuxjoursavantsondépart.Devantlaboîteinstalléeentrelecafégrilletlebowling,elleavaitmarquéuntempsd’arrêtets’étaitfinalementravisé,troplâcheettropangoisséeàl’idéedenejamaisobtenirderéponse.Detoutefaçon,c’étaitforcémentcequil’attendaitvenantdesonpère.S’ilavaiteul’intentiondesemanifesterunjour,ill’auraitfaitdepuislongtemps,non?

Ellereposaitl’enveloppesursonsacquandelleentenditJanebougersursonlitdecampetgémirdanssonsommeil.Lajeunefemmeavaitfaittomberlacouverturedelainequ’ellerajoutaitparfoislanuitau-dessusdesonduvet.Silesjoursétaientsouventtorridesdansledésert,lesnuitsétaientrigoureuses.Rinadormaitd’ailleursavecdeuxpairesdechaussettes.

Ellesortitdesonpropreemmaillotageetselevapourramperjusqu’àsacamaradequitremblaitsursacouchette.Elleramassalacouvertureetlareposasursesépaules.Janegémitdeplusbelleenrefermantsonpoingsurletissuépaisetrêche.Sescauchemarsétaientdeplusenplusfréquentsetrienneparvenaitàlesatténuer.Elleseréveillaitchaquematinavecdespochessouslesyeuxtoujours

plusfoncées,d’unbleutirantsurleviolet,quelefonddeteintauraitbieneudumalàdissimulersielleenavaiteudanssonpaquetage.

Quandelleretrouvasonlitdefortune,Rinavitsatablettedépasserdesonsac.Sil’absencederéseaudanscettepartiedumondel’empêchaitdegarderunœilsurcequisepassaitau-dehors,elleluirappelaitcependantqu’elleavaitquittéFortHolabirdaprèsunedisputemémorableavecLucy.

Ellesnes’étaientplusadressélaparoledepuislaveilledesondépart,jouroùLucyavaitdécouvertsonsecret.QuandJaneavaitracontélaméprisedelavisitemédicaled’avantleurdépart,Lucyn’avaitpastardéàcomprendrequ’elleavaitinversélesprélèvementsparmégarde.C’enétaitsuiviunealtercationdontRinan’étaitpasfière.Pardéfietsurtoutparcolère,elleavaitdécidédemonterdansl’avioncommeconvenuetdetoutlaisserderrièreellepourprendredureculetréfléchirtouteneffectuantleboulotqu’onattendaitd’elle.

Lucyprenaitdesnouvellesd’elledetempsentempsparl’intermédiairedeJanelorsquecettedernièreappelaitsonamiegrâceautéléphonedisponiblesurlecampement.Reliéausatellite,ilétaitleurseulmoyendecommunicationaveclesÉtats-Unis.Desoncôté,Rinan’écrivaitninetéléphonait.L’oragen’étaitpasencorepassé.Ellen’étaitpasdutoutprêteàl’affronter.Elleavaitfaitsonchoix,elletenaitàcequ’ellelerespecte.Siellen’enétaitpascapable,ellen’étaitpasunevraieamie.Peut-êtrefaisait-elleuneconnerie–c’étaitmêmesûr–,maisc’étaitsaconnerie,seserreurs.

Ellesecouchasursonlitdecamp,lessensàl’affut.Elleentenditl’agitationquirégnaitdanslecampement,sansdouteàcausedudeuxièmetourdegardequicommençait.Lesiennedébuteraitqu’àsixheures,elleavaitdoncquelquesheuresdevantellepoursereposer.

Allongéesurledos,unbraspassésoussatête,ellesavaitdéjàqu’ellen’yparviendraitpas.Ellesongeaàsespilulescachéesdanssonsac,produitsmiraclesdelascience.Elleétaittentée,cependantellen’avaitpasencoreprisdedécisiondéfinitivequantàsaprétenduegrossesse.Nonseulementcettenouvelleétaittotalementinattendue,maiségalementimpossibleàcroire.Luiaurait-onmenti?S’était-ontrompéàcepoint?

Ellefermalesyeuxetserevitquelquesannéesplustôtdanslecabinetmédicaldesonmédecindel’Oklahoma.Àl’époque,sesparolessidures,sibrutales,l’avaientanéantie.Ellerenifladoucementetchassalalarmequiavaitglissédesonœil.Elleseretournaensuitesursonlit,entraînantsonduvetetenfouitsatêtedanssonoreillertropplat.Auboutdequelquesminutes,lesbattementsdesoncœurs’étaientcalmés,ellecommençaàsomnoler,bercéeparlarespirationdeJanequiétaitplusrégulière.

Alorsqu’elledormaitdepuisquelquesminutesàpeine,ellesortitbrusquementdusommeilquandelleentenditJanebougerànouveau.

—Tudors?soufflalavoixdesacamarade.

—Non,plusmaintenant.

—Est-cequeçava?

—Oui,ettoi?

—J’aiencorefaituncauchemar.

Elledevinaqu’elleseglissaithorsdesonlitetenfilaitsesbottes.

—Jevaisfumer,tum’accompagnes?

—Pourquoipas?Jesuisréveillée,àprésent.

EllequittasonlitàsontourpourlacerseschaussuresetrevêtirsonblousondoubléavantderejoindreJanepostéedevantleurtente.LeurcampementétaitinstallédanslaprovincedeParwânprèsdelavilledeTchârikârquiétaitlacapitaledecetterégion.Entremontagnesetétenduesdésertes,ildisposaitd’uncertainconfort–rudimentairecertes–quileurpermettraitdevivrelàplusieursmois.D’autresavantellesyavaientséjournépluslongtempsqueladuréetrèscourtedeleurmission.Ellesdevaientsecontenterdecequileurétaitproposé.Ellesapprécieraientd’autantplusleurretourchezelles.

Mais,songeaRina,ellenepourraitsansdoutepasrestertrèslongtempssiellesedécidaitenfinàadmettrequesonétatnepouvaitpasleluipermettre.D’iciquelquessemaines,ellenepourraitplusriencacher.Janeavaitdéjàdesdoutesetnemanquaitpasluilancerquelquespiqueschaquefoisqu’ellerepoussaitsarationouqu’elleavaitlestraitstirés.

Bordel,quellefemmesenséeetmédecindesurcroîtprendraitladécisiond’accepterunetellemission?Parcequ’elleavaitbesoindechangerd’airaprèsavoirtoutfoiréavecuntypesuper?Elles’injuriatoutbasenregardantavecenviesacamaradetirersursacigarette.

—Lapremièrechosequejeferaienrentrant,annonçaJane,c’estmeréinscrireauxcoursdedanse.Çamemanque.

Rinaacquiesçaenungrognementettournasonregardverslecield’unnoird’encre.Ici,iln’étaitnipolluénientravéparleslumièresdelacivilisation.Lesconstellationsétaientvivantes,envoûtantes.Ellesesentitcommeaspiréeparcettecontemplationmagiquequiluirappelalaseulefoispeubanaleoùsonpèreetelleétaientalléscamper.Lecitadinpursouchequ’ilétaitavaitacceptélestravauxpratiquesdesoncoursdeSciencessansrechigner.Enfinaudébut.Ellesouritenrepensantàsonpèrelasuppliantderepartirunejournéeplustôt,couvertdepiqûresdemoustiquesqu’iltentaitdechasseravecunevieilleraquettedetennislaisséeàl’abandonprèsdelarivière.Iln’avaitjamaissuqueleurescapadefarfelueluiavaitvaluunetrèsbonnenote.Nonpaspoursesobservationsavisées,maispoursesanecdotes.

Desbruitsdepasquiapprochaientlesfirentsursauterdeconcert.

—SoldatsJamesetMarquèz,tiens,tiens!

Janelaissaéchappersacigarettequirougeoyadanslapénombreetl’écrasaprécipitammentavecsontalon.Lenouvelarrivantbraquaunelampeagressiveverselles.

—Lerespectducouvre-feu,çavousditquelquechose?aboya-t-il.

Éblouieparlefaisceau,Rinanepouvaitdistinguerl’expressionducolonelTrump,leresponsabledelamissiondanslaquelleellesavaientembarqué.Impitoyableetsévère,lesdeuxjeunesfemmes

n’avaientpascachéleurinimitiépourcethommedèsleurarrivée.Lui-mêmesemblaitavoirdesgriefsréciproquesenverselles–sansdouteparcequ’ellesn’avaientpasdepairesdecouillesdansleurspantalons–,cequilesarrangeaitfinalementtrèsbien.

—Oui,colonel,réponditJane.Jesuisdésolée,colonel.Jesouffred’insomnie.

Ilgardalalamperivéesurellescommes’ilsouhaitaitgarderunavantagesurelles:celuidelesdiscernerdanslanuit.Ilcrachasurlesol.

—Sivousavezdesproblèmesdesommeil,prenezdessomnifères,soldats,leurordonna-t-il.Jeneveuxpasd’hommesfatiguéssurleterrain.Manqueraitplusqu’onsefassetirercommedeslapinsàcausedevous!C’estladernièrefoisquejevoussurprendsàtraînerdehorslanuit!

—Bien,colonel,acquiescèrentlesjeunesfemmes.

Ilcoupasalampeets’éloignapourcontinuersaronde.Rinarelâchasesépauleslorsqu’ilfuthorsdeportéedevoix.Trumpneluiinspiraitriendebon.Ilavaitunefaçonparticulièrementbrusqueetméprisabledes’exprimer.Avecunebonnedosedesuffisancedansletimbrequiluihérissaitlespoils.

Ellesregagnèrentleursquartierssansbruit,àtâtonsdanslatentepourretrouverleurslitsrespectifs.

Cettenuit-là,Rinarêvadesang.Ellesebaignadansunemarechaudeetpoisseusequilaissaitdegrossestraînéessursapeaunue.Chaquevaguetentaitdelanoyer,del’entraînerversunfondquisemblaitnepasexister.Sespiedsnerencontraientqueleliquidegluant.L’odeurfortel’indisposaetlaréveillaquelquesminutesavantl’horaireprévu.

Elleperdaitpied,pensa-t-elleensepréparantavantl’aubepourprendresontourdegarde.Cerêveétaitlerefletdesescraintesdevoirressurgirundouloureuxsouvenir.Etsurtoutdesespenséesquis’entremêlaientsansréellementsavoiroùellesdevaientaller.Ellesesentaitsiseule,siperdue.Latensiondanssesmusclesetdanssoncœurétaitàsoncomble.Ici,ellen’avaitpersonneàquiparler.

Ellerejoignitlessoldatsquis’étaientrassemblésenattendantlarelève.Dansl’aurorequipointait,elleregardalestroishommesquiportaientleurarmeàl’épaule,canondufusilverslesol.Leplusâgé,lesergentPierce,ladétailladiscrètementensouriant.Ilétaitencoreàl’écoledemédecinemilitairequ’ilavaitrejointesurletardetl’assistaitdansleursmissionsmédicales.C’étaitunbonélève–ilétaitapparemmentlemeilleurdesapromotion–bienquetropdistraitparsaprésence.Elleétaitaussiaveuglequ’ilétaitdouépourcachersesintentions.

—James?l’appelaleréférentdelamissiondumatin.

—Présente!

—TupatrouillesavecPierce.

—Àvosordres!acceptalesergent.

IladressaàRinaunpetitsignedetêteassortid’unclind’œil.Lajeunefemmesoupiraetregardalesolpoussiéreux.Àpiedsjoints,elleavaitànouveausautédanslesemmerdes.Ellesesentaitenlisée,

leschevillessolidementliéesparunecordetresséederonces.Sabonneétoilefaisaitgrève.Non,elleavaitcarrémentdésertélejouroùelleétaitvenueaumonde.Elleavaitdûvoiràsagueuled’angequ’elleluidonneraitdufilàretordre.

Quandlesgroupesfurentforméspourcommencerleurpatrouillequidureraittroisheures,ilsseséparèrent.Siletimingétaitbon,ilssecroiseraientàmi-cheminduparcours.Quandsonestomacgrogna,ellesedemandasiellearriveraitseulementàleboucler.

—Tuasfaim?luidemandaPierceenréajustantsoncasque.

Ils’appelaitJustinetavaitunlégeraccentcajuntrèssexy.Sapeauhâléel’auraitfaitpasserfacilementpourunséducteurméditerranéen,cequ’iln’étaitpas.Méditerranéen,carduséducteur,ilavaittout.L’airsûrdelui,lesourireravageur,l’accentchaudetlejoliminois.Toutefois,iln’étaitpaslourdetn’avaitriententédeconcret,cequilasoulageait.S’ilavaitessayé,saréactionauraitétésansappel.Elleétaitabonnéeauxmauvaischoix,elleavaitnéanmoinsencoreunpeudesaraison.Selaisserdraguerparuntypealorsqu’elleétaitenceinted’unautre,c’étaitlecomportementd’unegarce.Elleétaitpaumée,pasmantereligieuse.Ellenesavaitjustepasquoifairedesavie,àcemomentprécis.

—Unpeu,affirma-t-elleenpassantfurtivementsamainsursonestomac.

Ilsmarchèrentl’unàcôtédel’autretoutenscrutantlesflancsdelacollineetleshabitationscivilesdésertées.Cellesquirestaientétaientpresquetoutesdétruites.Ilfallaitserapprocherdelavillepourvoirlesfamillestenterdereconstruireleurshabitations.Ici,lepaysageétaitceluideladésolation,del’abandon.Lesrarescivilesqu’ilscroisaientétaientdevieillespersonnesinfirmesquivivaientseulesetn’avaientsansdoutepaspusuivrelerestedelafamille.Rinaeutunpincementaucœur.Laviesemblaitprendreunmalinplaisiràfairesouffrirlaplupartdesgens.Ellen’avaitpasétéépargnéenonplus.

Justinseraclalagorge,commes’ilcherchaituneentréeenmatière.

—Oui?s’impatientalajeunefemme.

—Jemedemandais...Quelqu’unattendtonretour?

Ah...Onyétait.Iln’avaitpasperdudetemps.Sitôtseuls,ilenprofitaitpourtentersachance.

—Oui,pasmaldemonde.Pastoi?

—Cen’estpascequejevoulaisdire.Tuasunhommedanstavie?

—Oui,préféra-t-elleluimentir.Oui,j’aiquelqu’undansmavie.

Danssonesprit,Aidann’étaitjamaisparti.Etelleétaitmalheureusementsincèrequandelledisaitqu’ellenesavaitpasquoifairedelui.Elleportaitsonfuturbébésanspourautantavoirunequelconqueidéedecequ’ilconvenaitdefaireenpareilcas.Luiannoncer,certes.Maisensuite?

Quandellerentradepatrouille,elleavaitenvied’unebonnedouche.Ellepritquelquesaffairesavantd’allers’enfermerdansl’espacesanitaireinstalléàquelquesmètresdelatente.Elleaimaitcet

horairequiluigarantissaitlatranquillité.Lesquelquesfillesquiétaientégalementprésentessurlesiteétaientcopinesaveclescommérages.Nulbesoindelesanimeraveclanuditédesoncorpschangeant.

Devantlemiroirquitenaitparuneficelle,ellesetintdeprofil.Unepetitebossecommençaitàseformersursonbasventre.Ellecontractasesmusclesabdominauxpourcréerl’illusionqu’ilnesepassaitrienendessouspuislesrelâcha.Pourunefois,ellepouvaitremerciersagourmandisequiavaitnaturellementpourvusonabdomen,cachetteidéaledesonembryon.

Elles’aspergealevisaged’eautièdeetseregardadanslesyeux.D’elle-même,elledevaitserendreàl’évidencequ’elles’étaitmisedansunesituationàréglerauplusvite.Ellerisquaitàtoutmomentdemettresavieendangeravecsesconneries,etcelledel’embryon,futurbébésansdéfense.

Iln’étaitpasquestiondelaisserlepasséserépéter,cettefois-ci.Elleavaitréagicommen’importequellefemmepaniquéeetavaitchoisilafuite.Aujourd’hui,ilétaittempsd’affronterl’avenirs’ilétaitseulementpossibled’enconstruireun.Etd’affronterAidan.

Elleallaitrentrer.Celan’enchantaitpasdutoutTrumpaudemeurant.Elleavaittoutdéballéaurisquedesefairelyncherethumilierenévitanttoutefoisdeluirévélerqu’elleétaitaucourantavantdepartir.Ilhurla,grogna,latraitadetouslesnoms,jurantentresesdents.Ledégoûtquis’étaitpeintsursonvisagetrahissaitsonaversionpourlesfemmesenuniforme.Était-ceparcequ’ellesabandonnaientleurcarrièrecarellesvoulaientunjouréleverdesenfants?Outoutsimplementparcequ’ilétaitmisogyne?Ellenelesauraitjamaisetn’étaitpascertainedevouloirlesavoir.Deuxsemainessoussoncommandementtyranniqueluiavaientsuffi.

Lesurlendemain,elleseraitdansl’avionquilaramèneraitauxÉtats-Unis.Elleallaitenfinpouvoirseposeretréfléchiràleuravenir,àcettesecondechancequelavieluioffraitsurunplateaud’argent.

Installéesursonlitdecamp,ellemassalapetitebouledesonventrequiétaitplusprononcéequandelleétaitaureposetbientranquillementallongée.Lui–ouelle–luidonneraitl’occasiondeprouverqu’elleferaitunebonnemère.Ilnerestaitplusqu’àtrouvercommentrevenirdanslavied’Aidansansfairedeheurts.Elleavaitconsciencedesdégâtsqu’elleavaitpucauserenlelarguantavantdepartir.

Cetévénementinattenduchangeaittout.Ilrendaitpossiblelesprojetsqu’elleavaitchassésdesaviedesannéesplustôt.Elleallaitpouvoirtomberamoureuse,fonderunfoyeravecuntypesolide.Aidanluidonneraitpeut-êtreunesecondechance...

Ellesouriaitbêtementdepuisqu’elleavaitquittélatentedeTrump.Elleavaithâtedesauterdanscetavion.

—Qu’est-cequit’arrive?demandaJanequilisaitsursonlit.

Sacamaradeposasonlivreouvertsursonventreettournalatêteverselle.

—Jenet’avaispasvuesourirecommeçadepuisdeslustres,remarqualajeunefemme.

Rinaselevabrusquementets’assitentailleurfaceàJane.Ellenetenaitplusenplace,soncœurbattaittropviteetsapoitrineallaitexplosersousl’effetdel’euphorie.

—Jevaisrentrer,lâcha-t-elle.Jeprendsl’avionpourWashingtonaprès-demain.

—C’estsérieux?s’étonnaJane.

Sacamaradeaffichaalorsuneminedéconfiteetsemblaréellementbouleverséeparcettenouvelle.

—JevaismeretrouveravecLeonaetl’autre,là,quiaunnomquiressembleàceluidelapubpourlaverleschiottes.

—Wippee.

—Ouais,c’estça.C’estpastrèscooldetapart.

Rinas’envoulaitdeluifairececoup-là,delalaisserseuleici.EllesavaitqueJanesesentaitmaldepuisl’annoncedesamobilisation,pourtantellen’avaitpaslechoix.Aucuneraisonvalable–àpartgrossesseoumaladiegrave–nepourraitluipermettredes’ysoustraire.Sionlaprenaitàétablirunfauxdocument,ellepourraitdireadieuàsacarrièreetelleseretrouveraitcertainementradiéedel’ordredesmédecinsenuntournemain.

—Jesuisdésolée,s’excusa-t-elle.J’aibienpensét’inventerunemaladiemaistum’asdittoi-mêmequetun’attrapaisjamaisrien,pasmêmeunrhume.Etçaparaîtraittropsuspect.

Janehaussalesépaules.

—Ettoi,tureparspourquoi?NemedispasquetubaisesavecTrump,sinontudorsdehors!

—Plutôtmangerdusablependantunmois.Non,rienàvoir.Jesuisenceinte.

Sacamaradeécarquillalesyeuxdesurprise.

—Alors,c’étaittoi!

Rinaacquiesçaetportainstinctivementlamainàsonventre.Ellesentitsesdoigtsfrémir,impatientsd’êtrechahutésparlescoupsdepiedsquelebébéluidonneraitdansquelquessemaines.

—Etlefuturpapa,illeprendcomment?

—Jedoisrentrerlemettreaucourant.

—C’estforcémentuntypedecheznous,non?

Elleneputcacherlarougeurquivenaitdegagnersonvisage.Lesmainssursesjoues,ellehocha

latête.

—TuconnaisAidanFields?

Janeparutbondirdesonlit.Sonlivretouchalesoldansunbruitmatetlestraitsdesacamaradesefirentplussombresencorequesonannoncededépart.

—Jeleconnais,oui.Maisqu’est-cequet’asfoutu?

Saréactionlafroissa.Ellelisaitdanssonregardqu’elleneluireprochaitpasd’avoirenfreintlerèglement,maispourautrechose.Elleouvritlabouchepourlaquestionnerquandunesonneriehurlaàtraverslecampement.

—Qu’est-cequec’est?interrogeaJane.

Rinaselevabrusquement,lecœurbattantlachamade.Ellepassasonbrasautourdesépaulesdesacamarade.Déjà,ellespouvaiententendrelesappelsaurassemblementdesofficiers.

—C’estunealerte,confirmaRina.Etcen’estpasunexercice…

2Enmoinsdedeuxminutes,lesdeuxjeunesfemmesavaientenfilélespiècesquiconstituaientleur

uniformedecombatagrémentéd’ungiletpare-ballesetd’uncasque.Àl’extérieurdelatente,ellesseséparèrent.Janerejoignitsonunitéd’interventiontandisqueRinaprenaitlechemindestentesoùétaientinstallésleséquipementsmédicaux.Têtebaissée,elletenaitsoncasquecommes’ilétaitlaseulechosequipouvaitlaprotégerdestirsdeprojectiles.

Enarrivantàdestination,ellesavaitexactementquoifaire.Malgrélesbattementsdesoncœuretl’adrénalinequifaisaitsoneffet,ellegardaitentêtequ’elledevaitsesoucieruniquementdesblessésqu’onluiamènerait.Elledevraitlestrierparordredepriorité,stopperleshémorragiesetordonnerl’évacuationdeceuxdontl’étatlenécessitait.Elleentendaitd’ailleurslesvrombissementsdeshélicoptèrespréparésàfairelesallersetretoursentrelecampementetl’hôpitalleplusproche.

Peuimportaitlestremblementsdesesjambesoulapeurquicontractaitsonestomac.Peuimportaitlesdétonationsetlessifflementsdesballesquirésonnaiententrelesflancsdelamontagne.Professionnel,lepersonnelmédicalprésentfaisaitsonboulot,mêmesichacunsursautaitchaquefoisqu’unebombetombaittropprèsousedemandaits’ilsallaientéchapperaumassacre.

Cen’étaitpassonrôledepredrelesarmesetdedéfendrelecampaucoursdecettemission,cependantellen’étaitpasindifférenteàcequipouvaitarriver.EllesongeaàJane,sifortemaisterroriséeparlaguerredepuisdesannées.Etellepriaalorsquecen’étaithabituellementpassongenre.

Onseraccrocheàcequ’onpeutquandlescirconstancesl’exigent,songea-t-elleenrassemblantlespremiersnécessairesdontelleauraitbesoin.Ellelesavaitmieuxquepersonne.L’espoiroulafrayeurfaisaientfairedeschosesquinevenaientpasàl’idéeentempsnormal,mêmequandonaunespritrationnel.

Soncasquelagênaitdemêmequelegiletpare-ballesqu’elleauraitvouluretirerpourêtreplusàl’aisedanssesmouvements.Ellen’avaitpluspratiquélamédecinedanscesconditionsdepuisuneéternité.Lesentraînementsn’étaientpasaussirévélateursquelesvraisassauts.

—Pierce!appela-t-elleenvoyantlejeunehommearriverpresquetranquillement.Qu’est-cequetufoutais,bordel?

Elleleregardas’affairertoutpenaud,renversantunchariotprèsd’ellequ’ilremitsurrouesdanslaprécipitation.

—Désolé,s’excusa-t-ilenserapprochant.

Ilsseplacèrentdepartetd’autredupremierhommedontilsavaientlachargecesoir-là.Ilgémissaitdedouleur,allongésurunlitdefortune.Cequiluirestaitdesonbrasgauchependaitàcôtédeluietrépandaitunerivièredesangdiscontinue.Legarrotquiavaitétéfaitàlava-viteétaitinefficace.Lepauvreétaitenétatdechocetcherchaitàseleversansréellementcomprendrecequiluiarrivait.

—Jedoisyretourner!Murray!Leslaissepasmegarder!

PiercetentaitdemaintenirsesépaulescolléesaumatelastandisqueRinasortaituneseringue.Elleyfitglisserleliquidetransparentquilecalmeraitquelquetemps.Lamorphineétaitleurmeilleurealliéepourlesblessureslesplustraumatiques.Elleresserraensuitelegarrotetnettoyalaplaiedéchiréependantquesonassistantfaisaitétatdesautrespartiesdesoncorps.Ils’assuraensuitequesesvoiesaériennesétaientbiendégagéespourrendresontransportpossible.D’autresmédecinssechargeraientdeluidanslevecteurd’évacuation.Ici,àl’avant,ilsdevaientsimplementlesmaintenirenvieautantquepossible.

Aprèsunlapsdetempsquiluiparutinterminable,lesoldatfutembarquéetilspassèrentausuivant.Toutelanuit,alorsquelesbombespleuvaientsurlecampement,ilstentèrentdemaîtriserleshémorragiesqueprésentaientcertainsdeleurscompagnons.Rapidement,ellepritconsciencequ’ilyavaitbientropdemondeàsoignerpourlepeuqu’ilsétaient.L’étatdestressdanslequelellesetrouvaitluidonnalamigraine.Bienquepréparéeàintervenirdanscetenvironnementaustèreauxmoyenstrèslimités,lafatiguepritviteledessus.

—Çava?luidemandaPiercealorsquesesyeuxlatrahissaient.

Ellehochalatêtepourlerassurermêmesiellesentaitqu’ellenetiendraitpaslongtemps.

—Dégagez!criaunevoix.

Ellesetournaverslesnouveauxarrivantsquis’engouffraientdanslatente.Deuxsoldatstransportaientlecorpsdel’undeleurscamarades.Rinavitd’abordlecasquepuislamassedecheveuxchâtainsfamiliers.EllelesregardaposerlecorpsinanimédeJanesurunetableetsecouvritlabouchepournepascrier.Sajambesemblaitluiavoirétéarrachée.Souslechoc,lajeunefemmeavaitperduconnaissance.

Letempsparuts’arrêterpendantqu’ellegardaitl’œilfixésursescollèguesquilaprenaientencharge.Unemaredesangs’accumulaitsouslebrancard,lesgestesétaientrapidesmaispasassez,ellelevoyaitbien.Pourtantellen’arrivaitpasàallerverseux.Lesoufflecoupé,ellesuffoqua.Piercelapritparlataillepourl’empêcherdeseprécipiterverselle,gesteridiculecarellen’entrouvaitpaslaforce.

Pierceposaitsesmainssurlessiennesparintermittencealorsqu’elles’acharnaitàvouloirréanimersonamie.Janegisaitdepuisplusieursminutessurcettefoutuetable,inerte.Ildevaitforcémentyavoirquelquechoseàfaire.Ilsavaientmanquéuneétape,ilnepouvaitpasenêtreautrement.

Elleavaitdumalàréfléchirdanscechaos.Lesbombardementss’étaientintensifiés,lesblesséss’accumulaient,elleavaitladésagréableimpressionqu’ilsallaienttousypasser.Lessuccessionsdedétonationsetdéflagrationsavaientrenduinsensiblessesoreillesquisifflaient.Piercehurlaitpourse

faireentendre.

—Rina,tunepeuxplusrienpourelle!Laisse-la,elleestdéjàpartie!

—Continueàlaventileroufous-moilecamp!Jel’évacueraitouteseulesitun’espascapabledem’aider!

Ellenepouvaitplusretenirleslarmes.Lapeineluifittournerlatête.EllenevoyaitplusquesesmainssanguinolentesquiaffaissaientlacagethoraciquedeJanedansl’espoirdeluiinsufflerunnouveausouffle.

Elleavaitperdutropdesang,Pierceavaitraison.Elleretardaitl’inévitableencontinuantdefairefonctionnerartificiellementcequesoncorpsmutilénesavaitplusfaire.Ellelâchaprise.Unsanglotlafitvacillersurlatable.Ellepritlamaindesacamaradeetpleurajusqu’àretrouverlecontrôledesesémotions.Ladouleurdecetteperteluivrillaitlesreins.Sonventresecontractaitenmêmetempsquesonabdomen.

—Rina?s’inquiétaPierce.

Satêtetournait,elleavaitladésagréableimpressiond’êtrepriseaupiègedansuntourbillon.Ellevoulaitjustesemettreàl’abri,neplusavoiràfixerlecorpssansviedeJane,grimperdansunhélicoptèreetrentrerchezelle.

—Rina!insistaPierce.Tuesblessée!

Ellesereculadelatablepourpalpersesmembressupérieurs,ellenesentitrien.Sursesmains,lesangdeJanecommençaitàsécher.Ilcraquelaitsapeaurougie.Ellesetournaverslui,ilavaitlesyeuxfixéssursesjambes.

—Tu…Tusaignes…Enbas…

Alertée,ellebaissalatête,sentantalorspourlapremièrefoisleliquidechaudetvisqueuxquicoulaitentresesjambes.Ladouleurqu’ellesentaitn’étaitpaslefruitdesonchagrin.Non.Quandunecontractionluifitperdrel’usagedesesjambes,elles’écroulasurlesolenpassantsesbrasautourdesonventre.Qu’avait-ellefait?

Elleplaçasesmainsentresescuisses,n’ytrouvantquedusang.Cesang,leleur,quiluiindiquaitquetoutétaitterminé,quesonrêvepartaitenfumée.Elleessayaitdereprendresarespiration,maiselleavaitjusteenviedemouriraveclui.DerejoindreJaneetcepetitêtresansdéfensequ’elleavaitemmenéavecelledanscetenfer.Pourquoiseserreurss’acharnaient-ellesàserépéter?Pourquoinepouvait-onpasluiaccorderdedeuxièmechance?

Ellen’arrivaitmêmepasàpleurer.Commesisesyeuxnecomprenaientpascettepeinetropintense.

RinavomitdelabilealorsquePiercelasoulevaitdanssesbraspourluivenirenaide.Ilcompritsansluiposerdequestionetlafitsortirdelatente.Ilcourutaussivitequ’illeputenlaserranttoujourspluscontrelui.

Ellevitenfinl’hélicoptèreseprofilerdevanteuxetperçutauloinlevrombissementdespales.

—Onyestpresque,gémitPierce.

Illuisouritetcontinuasonchemin.Maisavantmêmed’yparvenir,ellesentitunsoufflechaudlesbalayersursonpassage.

Aidanruminait,commechaquejourdepuislaclaquemonumentalequ’ilavaitreçue.Depuiscejouroùilavaitvouluavoueràunefille–LAfille–qu’ill’avaitdanslapeau.Ilavaittellementcruquesessentimentsétaientpartagésqu’ilavaitfoncétêtebaisséesansprendreletempsderéfléchiràsaconnerie.Maisonnel’yreprendraitplus.Leshistoiresdecœur,c’étaitterminé.Tropcompliquées.Entrelesfemmesàmoitiéfollesetcellesimpossiblesàcerner,ilavaitbeaucoupdonnédesapersonnepourseretrouver,enfindecompte,seuletanéanti.Bordel,l’amourfaisaitmal!Etlacolèrequiaccompagnaitladouleurluirongeaitlecœuretlesautresorganesquil’aidaientàlemaintenirenvie.

Ilpouvaitmêmedirequ’ildéclinaitdejourenjour.Ilétaitpaumé,comprit-ilenrepoussantsonassiettesursonplateau-repas.

Nonseulementilavaitperdul’appétit,maisiln’arrivaitmêmeplusàparticiperauxdiscussionsaniméesquepartageaientlestypesdesonunité.L’und’eux,pourtant,provoquaitl’hilaritédesautresavecuneboutadedesoninvention.Toutessespenséesétaientpourcellequil’avaitquittésiabruptementavantdepartirpourl’Afghanistandeuxsemainesplustôt.Avecunpeudechance,àsonretourdanstroismoisetdemi,ilseraitenfinpasséàautrechose.

Lesportesduréfectoirepousséesbrusquementlesortirentdesespenséesmoroses.L’undeleurscamarades,essoufflé,slalomaentrelestablespourallerrécupérerlatélécommandedelatélévisionsuspendueaumur.Ilmodifialachaîneetaugmentalevolumesonore.

—Flashinfodedernièreminute.Onnousannoncequ’unpeuplustôtdanslajournéedestroupesbaséesenAfghanistanauraientsubiuneattaque.Nousvoustiendronsbienentenduinformésdèsquenousauronsplusd’informations.

LegénériquedeCNNselança.Aidanselevaenrenversantsachaisedanslaprécipitation.IlcherchaLucydesyeux.Songrouped’amiesétaitdéjàdebout,inquietpourleurscamaradesquiétaientsurplace.Illesrejoignitenquelquespas,àl’affûtd’informationsquelconques.Ilvoulaitsavoirsiellesavaienteudesnouvellesrécemment.Ilmitdecôtésonressentiment,posantsamainsurl’épauledeLucyquisursautaàcecontact.

—Jepeuxteparleruneminute?luidemanda-t-il.

Lucyl’entraînaunpeuàl’écart,sespenséeséchouéesquelquepartenAfghanistan.Elleétaitinquièteelleaussimêmes’iln’avaitpasétéconfirméqu’ils’agissaitducampoùétaientinstallées

JaneetRina.Commentpourrait-ilenêtreautrement?Satêtedemuled’amieétaitpartielà-basalorsqu’elleétaitenceinte.Dutypeàlasilhouetteamaigriequiluiservaitdemeilleurami.Cemêmetypequin’étaitpluslui-mêmedepuisqu’ilavaitétélargué.Elleavaitvraimentdumalàlessuivre,cesdeux-là.

—Tuaseudesnouvellesdesfilles,récemment?

Elleacquiesça.

—DeJane,hier,toutallaitbienapparemment.Jemedemandecommentellesfontpoursesupporter,maisàpartça,toutbaigne.

Elledétestaitluimentir.MaisaprèssadisputeavecRina,elleavaiteuletempsderéfléchiretdeprendreconsciencequecettehistoirenelaconcernaitpas.SonchoixdepartiretdeneriendireàAidanluirevenait,mêmesiellenelecomprenaitpas.Elleavaiteubeaucrieretlasupplierdenepasprendrecefoutubus,ellen’avaitrienvoulusavoir.Elleespéraitjustequ’ellefiniraitparrentrer.Etquecetteattaqueavaiteulieuàdescentainesdekilomètresdeleurralliement.

Ilsoufflaenfourrantsesdoigtsdanssescheveuxquidevenaienttroplongs.Ellen’étaitmêmepascertainequ’ilavaitprisunedouchecesjours-ci.Ilétaitencolère,souffraitetellenepouvaitrienfairepourapaisercela.Siseulement…

—Jenesaisplustropoùj’ensuis,avoua-t-ileninterrompantlefildesespensées.

Avecsabarbed’unesemainequiaccentuaitsesjouesamaigries,ilparaissaitplusvulnérablequejamais.Elleavaitenviedeleprendredanssesbraspourlerassurer,luidirequeRinaseraitbientôtlàetqu’ilsvivraientbientôtheureuxavecleurbébé.Elleauraitaimépouvoirluidire.Cesecretsilourdluipesaitpeuàpeusurlesviscères.Ellesentitlesmotsremonterdanssagorge.Ellesoupira.Ellen’étaitpasconvaincuequ’elledécideraitderentrer.Pourtantellenetrahiraitpassonamie,sipéniblesoit-elle.

—Sors,vat’amuser,luiconseilla-t-elle.Nerestepasàtemorfondredanstoncoin.Unbeaumeccommetoivautmieuxqueça.

Elleréussitàluidécrocherunsourire.Satisfaite,elleluitapotalebrasetrejoignitlesautresfilles,lelaissantnoyédanssafrustration.Ellesemêlaàl’inquiétudelorsquesesyeuxrencontrèrentànouveaul’écrandelatélé.Ildétestaitcesentimentdepeurqu’iléprouvait.Ilauraitpréférélahaïrmaisiln’yarrivaitpasencore.L’airabattu,ilrentrachezluipourfairecequ’ilferaitdemieuxundimancheaprès-midi:dormir.

Unemigrainetambourinaitdanssatête,imperturbable.Lescoupsdemarteauqu’elleluiinfligeaitétaientlaconséquenced’unetropgrossesieste.Aidanouvritlesyeux,ilfaisaitnuit.Ils’aperçutquelescoupsétaientdonnésàlaportedesonappartement.

—Capitaine!Vousêteslà?

Ill’étaitetiln’avaitpasdutoutenvied’ensortir.Néanmoins,ilselevaettitubajusqu’àseretrouverdevantlejeunesoldatquiétaitvenuinterrompresasieste.Illesaluaavantdereprendre:

—Jesuisdésolédevousdéranger,capitaine.LegénéralGordonnousatousrassemblés,ilauneannonceàfaire.

Àlaminequefaisaitlesoldat,ildevinaquecelaavaitunrapportavecl’assautsubiparleurstroupes.Sonestomacserévulsaenimaginantqu’ilavaitpuarrivermalheuràleurscamarades.OuàRina.

Ilenfilaunpulletdeschaussurespuissuivitlejeunesoldatjusqu’auréfectoirequiétaitlaseulepiècedelarésidenceassezgrandepourlesaccueillirtous.

Gordonétaitinstallésouslatélévisionquidiffusaitencontinulesdernièresnouvellesetimagesdel’attaquequin’étaitvraisemblablementpasencorerevendiquée.AidansepostaàcôtédeLucyquinecachaitplusriendesonappréhension.Elledansaitd’unpiedàl’autreetfourraitsesmainsdanssespochestouteslestrentesecondes.

—Nostroupesontsubidenombreusespertesaucoursdecettemission.Malheureusementfigurentsurcettelistedespersonnesquevousconnaissez.

Ilfitunepausealorsquelessoldatsréunisréagissaient.Lucyluipritlamainparréflexe,commesiellecompatissaitavantmêmedesavoirsiRinacomptaitparmilesvictimes.

L’énumérationdesnomsétaitl’étapelaplusdifficile.Certainsperdaientdescamarades,d’autresdesamisetmêmedesfrères.AidanauraitvouluarrachercefoutuboutdepapierdesmainsdeGordonpourenfinytrouverdesréponses.

—SoldatJaneMarquèz.

IlsentitlamaindeLucyserrerlasienneàcetteannoncecruelleetàlalimitedel’indifférence.Unnomparmitantd’autres,maisquicomptaittellementpourelle.Leuramie,ladiscrètemaisjolieJane,étaitmortecettenuit-là.Elleauraitdroitàunebellecérémonierendanthommageàceshérosmaisquineremplaceraitévidemmentpassaprésence.Ellemanqueraitàsafamille,àsonpetitcopainsielleenavaitun.

Entournantlatêteverslesfilles,illesvittoutespleurerensilenceensetenantlamain.

Rinanefiguraitpassurlalistefatale.Toutefois,ilyavaitaussil’autrelistequilaisseraitplanerledoutequelquetempsquantàlasurviedeceuxquiyétaientinscrits.

—Lespersonnessuivantessontdansunétatgravenécessitantunrapatriementd’urgencelorsqu’ellesserontenétatd’êtretransportées.

Ilprituneinspirationetentamalasecondeliste:

—LieutenantArianaJames…

LamaindeLucytressaillitdanslasienne.Ilsentitsonamietendueàcôtédelui.Luiavaitdumalàréalisercetteannonce.Ilnesavaitpasquoifaire.Ellen’étaitplussacopine,ellen’étaitplusrien.Pourtantilavaitcommeuntrouàlaplaceducœur.Béant,véritablecratèresuintanttoussessentiments:tristesse,colèreetpeurdelaperdre.Ohoui,ilcrevaitdepeuràl’idéequ’ellelequitteàtoutjamais.

QuandGordonquittaleslieux,lesrésidentsseretrouvèrentseulsdansunesortederegroupementsinistre.Cesévénementsquifaisaientpartiedesrisquesdeleurmétieravaientôtélavieàceuxqu’ilscôtoyaientchaquejour.Etilsprendraientencorecelledeceuxquiétaientblesséslà-bass’ilsn’étaientpassuffisammentrésistants.Rinan’étaitpasencoresauvée.

—Aidan…

Lucyledévisageait,lesjouesmouillées.Illapritdanssesbraspourlaréconforter,sachantàquelpointleurgroupeétaitsoudédepuisdesannées.Lesfillestenaientàunecohésionautantquepossiblepoursesoutenirdanslesépreuvescommecelle-ci.

Contresonépaule,sonamiepleuraitetgémissait.Savoixchevrotanteexpulsaitdesmotsincompréhensibles.

—Jeluiavaisditdenepaspartir…Ellen’apasvoulum’écouter…

—Jesuisdésolé,Lucy.Tusaiscommemoiquecesontlesrisques.Janelesconnaissaitetadonnésaviepoursauvercellesdesautres.

Ellereniflaets’écartapours’essuyerlesyeuxavecsesmanches.

—JeparlaisdeRina,lâcha-t-elle.

Ilnecompritpasoùellevoulaitenvenir.Pourquoiluiaurait-elledemandédenepasacceptercettemission?Pourlui?L’aurait-ellequittépourcela?Ilsecoualatête.C’étaitridicule.Ilsétaienthabituésàcessituations.

—Explique-toi,luiintima-t-ildoucementpourlapousseràparler.

—Elle…Elleest…

Ils’impatienta.LessanglotsdeLucyétaientcompréhensibles,maisilbrûlaitdesavoircequilatracassaitàcepoint.

—Elleestenceinte.

3Aidanconduisaitensilence.Laradiodesonantiquevoiturequibeuglaitentempsnormalavaitété

brutalementéteinteparcequ’ellel’empêchaitderéfléchir.Àcôtédelui,Lucygigotaitsansoserouvrirlabouche.Ilsnes’étaientpasadressélaparoledepuisqu’elleavaitrévélésatrahison.Iln’arrivaitpasàluipardonner.Ilsétaientamisdepuisdixansetelleavaitpréférégarderlesilencepourunefillequ’elleconnaissaitdepuisdixminutes.Soncomportementlemettaithorsdelui.

Ilconduisaittropvite,illesavait.Maisiln’enavaitstrictementrienàfoutre.Aucontraire,voirLucyessayerdes’accrocheràlaportièreluiarrachaunrictus.Ellen’appréciaitpassaconduiteuntantinetbrutale.

—Tupeuxralentirunpeu,s’ilteplait?Tuvasfinirparnoustuer!

—J’aibesoindesentirlemoteurronronnersousmoncapot.Çamepermetdenepenseràrien.Etsurtoutpasàl’endroitoùnousallons.

Ellehaussalesépaulesetfinitparregarderparlavitreenserrantsespoingsautourdesaceinturedesécurité.Plusleskilomètresdéfilaient,plusellecraignaitlaréactionqu’ilauraitenarrivant.Illuienvoulaitdéjàtellement!Ellelesavaitcapabled’exploser.IlneluiavaitrienditquandelleavaitfiniparavouerlagrossessedeRina.Ill’avaitmaudited’unmillierdefaçonsrienqu’avecsesyeux.Illuiavaitjusteproposédel’accompagneràl’hôpitalquandRinaseraitrapatriée.Etcommepersonnenecommuniquaitlesétatsdesantépartéléphone,ilsavaientdécidédeserendredirectementsurplace.

Sielleavaitététransportée,c’estqu’elledevaitaumoinsêtrestabilisée.Ilavaitpeud’espoirpourleurbébémaisunepetiteétincellesubsistaitnéanmoinsdansuncoindesatête.Celanepouvaitpasseterminerdecettefaçon.

Devantl’hôpitalmilitairedeWashington,Aidansentitsonestomacfaireuntriplesaltoquandilposasonregardsurlebâtiment.Iln’étaitpluscertaindepouvoirnimêmevouloiryentrer.Ilprittoutefoisunegranderespirationpoursedonnerducourage,garafinalementsavoitureleplusprèspossibledel’entréeetcoupalecontact.

—TutefaispasserpoursasœurLydia,luiindiquaAidan.EtjeseraiMatthew.

—Okay,tuessûrqueçavamarcher?

—Tuasunemeilleureidée?

EllesecoualatêteetsortitdelaCadillac.Danslehalld’hôpital,Aidanlasuivittandisqu’elleseprésentaitàl’accueil.

—NousvenonsvoirRinaJames.Elleesthospitaliséeicidepuishier.

—Etvousêtes?questionnalasecrétaireencoulantunregardcurieuxverslesdeuxintrus.

—Euh…jesuissasœur,luiappritLucy.LydiaJames.Etvoici…sonfiancé.

HeureusementpourLucy,l’hôtessenevitpasAidanlafusillerduregard.Elleleurfitsignerunbondevisiteetleurindiquaàquelétageserendre.Ilsprirentl’ascenseurjusqu’auquatrièmeréservéàlaréanimation.Rienquelenomduserviceneluiinspiraitriendebon.Ils’attendaitaupire.

—Jenecomprendstoujourspaspourquoitum’ascachéuntruccommeça,luireprochaAidanalorsquelesportesdel’ascenseurs’ouvraientlargementdevanteux.

Ilensortitlepremierets’avançad’unpasfermejusqu’aucomptoirdelaréception.Àcetétage,ilremarquatoutdesuitequel’ambianceétaitangoissante.Lesinfirmièresavaientl’airtriste,elleschuchotaiententreellesetsemblaientavoiroubliécommentsourire.

—Bonjour,lessalua-t-il.NousvenonsvoirRinaJames.

—Chambre414,aufondducouloiràdroite.

—Commentva-t-elle?serisqua-t-ilàdemander.

—Commequelqu’unquiauntraumatismecrânienetquiestdanslecoma.Lemédecindegardeviendravousendireplus,jelepréviensdevotrevisite.

Surce,ellepritsontéléphoneetseconcentraànouveausurledossiersurlequelelletravaillait.Aidanfourrasesmainsdanssespoches,hésitant.QuandLucytentauncontact,ilsedégageabrusquementetcommençasalongueprocessionjusqu’àlachambreoùsetrouvaitRina.Chaquepasqu’ilfaisaitétaitpluslourdqueleprécédent.Devantlaporteclose,ileutl’impressionquedespoidsavaientétéaccrochésàsespieds,l’empêchantd’allerplusloin.

—Aidan,prononçaLucydansunmurmure.

—Lâche-moi,bordel!Toiquinemanquesjamaisuneoccasiond’ouvrirtagueule,ilafalluquetulafermescettefois-ci!

Lucysavaitqu’ilétaitmalheureux,toutefoiscelaneluidonnaitpasledroitdeluiparlerainsi.Elleouvritlabouchepourrépliquermaisseravisa.Ellechoisitdefermersagueuleànouveau,puisquec’étaitcequ’illuireprochait.Elletournalestalonsetchoisitdelelaisserseulavecsonressentiment.Unecigaretteluiferaitleplusgrandbien.

Aidanétiralesmusclesdesoncouetsedécidaenfinàtournerlapoignée.Ilgardalesyeuxbaisséspourselaisserletempsdesefaireàl’idéedel’endroitoùilsetrouvait.Quandilfinitparlesriververselle,soncœurs’arrêtadebattre.Ilenlâchalapoignéequiglissaentresesdoigts.Ilsemauditd’avoirfaittantdebruitpuisserappelaqu’ellenepouvaitpasl’entendre.Elleétaitdanslecoma.S’ilavaitdéjàentenduparlerdecetraumatisme,ilignoraitcependantl’ampleurdusien.Ilsavaitbienqu’onpouvaitnejamaiss’enremettreetcelafitnaîtreunfrissondefrayeurdanssondos.

Rinasemblaitdormir,installéesurlelitmédicalisé.Lachambreétaitplutôtpetitemaislablancheurdesmursatténuaitcettesensation.Ilcompritvitequ’ellenerespiraitpasseuleenvisualisantletuyauquisortaitdesabouche,reliéàlamachinequifaisaitlemêmebruitquelarespirationdeDarkVador.Ilregardamonteretdescendrelerespirateurenaccordéonpuiss’avançaentraînantl’uniquefauteuiljusqu’aulit.Là,ildétaillasonapparencecadavériqueavectristesse.Sursapeaupresquetransparente,

ilpouvaittracersesveinesfinesetseslèvresétaientbleuiescommesielleavaitfroid.Sonfrontmasquéàmoitiéparunlargebandageétaitmarquépardescoupuresetdesecchymosesquiseprolongeaientsursonvisage,soncou,sesbras.Ilsecalasurlesmouvementsdesapoitrinepours’obligeràrespirer.Cettevisionl’empêchadeladétester.Aucontraire,elleexacerbasonenviedelaprotégeretd’êtreprèsd’elle.

Ilfitcourirsesdoigtssurlacouverture,s’arrêtaetpritfinalementsamain.Douce,unpeufraîche,illafrottaentrelessiennes.

—Qu’est-cequit’apris?chuchota-t-il.Pourquoitun’asriendit?

Ilresserralapressionsursamain,espérantsansdouteunsignedesapart.Pendantplusieursminutes,iloubliaqu’ellel’avaitblesséethumilié.Ilseconcentrasurleurssouvenirs.Ilserappelasonrireetsonsourirequis’immiscèrentdanssatêtecommeunechansonquirevientenboucleetqu’onnepeutplusdéloger.Sanss’enrendrecompte,ilpleura.Quandils’étranglapresqueavecsonsoufflecoincédanslagorge,ilrepoussalefauteuiletseleva.

Ilnedevaitpaspleurerpourelle.Ellenevoulaitpasdelui.Elleavaitpréféréluitournerledosets’étaitenfuieavecleurbébédansleventre.Lebébé...

Iltrouvaledossiermédicalaccrochéauboutdulitetleparcourutmachinalementsanssavoircequesignifiaientlesinscriptions.Ilcompritjustequ’elleétaitsurveilléedeprès.

Uncoupàlaportelefitsursauteretremettreenplacecequ’iltenaitentrelesmains.Ilaccueillitalorscequiressemblaitleplusàunmédecin.Ilenportaitlablouseetlestéthoscopeautourducou.

—Bonjour,Monsieur,jesuisleDrBridges,seprésentalenouvelarrivant,unépaisdossiersouslebras.

Ilséchangèrentunefranchepoignéedemain.

—AidanFields,jesuis...sonfiancé.

Ilavaiteudumalàledire.D’unepart,parcequ’iln’étaitplussitentéparcerôleetd’autrepartparcequ’iln’étaitpasprêtdeledevenir.Ledocteursesaisitdudossiermédicaldesapatientequ’ilparcourut.

—Jesuisdésolépourvotrecompagne.Asseyez-vous,jevaistenterdevousexpliquerlasituation.

Rinaétaitdanscequ’ilappelaituncomamodéréconsécutifautraumatismecrâniensubipendantsachutecauséeparuneexplosion.Ellerépondaitàcertainsstimuli,decefaitsonscoredeGlasgowétaitcorrectmaisillesurveillaitrégulièrementdanslajournée.

—Combiendetempsva-t-elleresterdanscetétat?

—Nousl’ignorons.Uncomadecetypepeutentraînerdesséquellesplusoumoinsréversibles.Moinsdetempselleyreste,pluselleadechancedebiens’enremettre.Labonnenouvelle,c’estqu’àpartunecoupurefranchesurlehautducrâneetsadoublefracturetibia-péroné,elles’ensortplutôtbien.

—Etpourlebébé?

Ilvitlesyeuxdumédecins’assombrir.Ilcompritavantmêmequ’iln’ouvrelabouche.

—Jesuisdésolé,nousn’avonsrienpufaire.D’aprèslesergentPiercequiétaitavecelleaumomentdudrame,lafaussecoucheestantérieureàl’explosion.

—Etcetype,commentva-t-il?

—Ilestgravementbrûlé.Votrefiancéeaeudelachance.Illaportaitpourl’évacuer,c’estluiquiafaitbarrage.

—Est-cequejepeuxluiparler?

LeDrBridgessecoualatête.

—Jeregrette,seulelafamilleoulesprochessontautorisésàvoirlesmalades.

Illecomprenaitetavaitdéjàenfreintlerèglementunefoisensefaisantpasserpourceluiqu’iln’étaitpas,inutiled’enrajouter.

—Unedernièrechose,conclutlemédecinavantdesortir.Nousavonsretrouvéuneenveloppecachetéedanslapocheintérieuredesonblouson.Jel’aiglisséedanssondossier.

Illadétachadutrombonequil’avaitmaintenueàl’intérieur.Aidanavaitlesmainsmoites.Qu’avait-ellebienpuluiécrire?Desregrets?Unevolontédesefairepardonner?

Ilsaisitl’enveloppeduboutdesdoigtsetfaillitlafairetomberenvoyantqu’elleneluiétaitpasadressée.Ilauraitdûs’endouter.

Aprèsledépartdudocteur,ilsemitàréfléchir,àfairedesplanstoutenlaregardant.Ilétaitcertesdéçuqu’ellel’aitécartédesavie,maispouvait-onseulementchoisirdequiontombaitamoureux?Illuienvoulaitsurtoutd’avoirmissavieendangerainsiquecelledubébéquiauraitpuvivresiellen’avaitpasétéaussiinconsciente.

Peut-êtreétait-ceencoreunmauvaiscoupdusort.Iln’étaitpasfaitpourêtrepère...Pourtantquandilregardaitlesphotosdesonneveu,ilsesentaittoujoursgagnéparuneboufféederemords.Ilenviaitsonfrèrequiavaittrouvélebonheur.Aurait-ildroitàcettevieluiaussi?Est-cequerecollerlesmorceauxaveccellequ’ilaimaittantétaitencorepossible?

Laportes’ouvritavantqu’iln’aitréponduàsonproprequestionnement.Lucyentradanslapiècetoutdoucement,sansdouteensedemandants’iln’allaitpasencoreluihurlerdessus.

—Est-cequeçava?s’enquit-elleens’approchantdelui.

Aidanfitouidelatêteetrangealalettredanssonblouson.

—Excuse-moipourtoutàl’heure,j’airéagicommeuncon.

Lucychoisitdenepasl’interrompre.Ellelelaissaparleretdéversertouslessentimentscontradictoiresquelasituationluiinspirait.Ellenel’avaitjamaisvusifragilenisidéboussolé.Ilavaitl’airencorepluséprisd’ellequecequ’illuiavaitmontrélesoiroùellel’avaitjeté.

Sansdouteavait-ileuraisonausujetdesestorts.C’étaitellequiavaitpousséRinaàlaruptureàcausedufouturèglementdeFortHolabirdmaisaussi,elledevaitl’avouer,parcequ’elleétaitunpeujalousedeleurrelation...

—Qu’est-cequetuvasfaire,maintenant?luidemanda-t-elle.

—J’yréfléchisencoremaisjepensevraimentpartir.

—Okay,onpeutrentrersituveux.Jereviendraiuneautrefois.

—Quandjedispartir,c’estdemanderuntransfert,m’enalleretnejamaisrevenir.J’enaimaclaque,jesuisfatigué.Entrel’autrefolleetRinaquijoueavecsavie,jedeviensfou.Bordel,elleaperdunotreenfantlà-bas!Ellepensaitàquoi?C’étaitunjeupourelle,c’estça?

Lucyleregardas’effondrerpeuàpeu.Mêmesisondépartluiferaitdelapeine,ellesavaitqu’ilétaitàboutdeforceetnepouvaitpasluienvouloir.Ellesedemandaitmêmesicen’étaitpassameilleureidéedepuisdixans.

Rinaouvritlesyeuxtoutdoucement,maiséblouieparunrayonnementaveuglantquiallaitetvenaitentresesdeuxyeux,ellelesreferma.Outrecettefichuelumièrequilafaisaitpleurer,lapremièrechosedontelleserenditcomptefutqu’elleavaitmalàlagorge.Unmalsemblableàuneanginequ’ellen’auraitpassoignéedepuisdesjours.

—Rina,vousm’entendez?

Ellepercevaitbienlavoixlointaine,elleétaitpourtantincapabled’ouvrirlabouche.Ellerouvritlesyeuxprudemmentaucasoùlalumièreseraittoujourslà.Savueétaitfloue,commesidesinsectesenmouvementsétaientcollésàsesverresdecontact.Saufqu’ellen’enportaitpas.

Enbougeantlamain,ellerencontradesdoigtsaccrochésauxsiens.Ellelesserra,ilsétaientchauds.

—Elleseréveille,entendit-elle.

Lavoixdouceluifittournerlatêteparréflexe.

—Rina,jesuisleDrBridges,ditunhomme.Restezcalme,concentrez-voussurmavoix.

Peuàpeu,ellerecouvraitlavueetcroisaleregardpenchésurelle.LeDrBridges,sansdoute.Elle

eneutlaconfirmationquandelleglissalesyeuxverssapochedeblouse.

—Bonretourparminous,Ariana.Vousêtesàl’hôpitalmilitairedeWashington.

Ellen’arrivaitpasàparler.Saboucheformaitlesmotsmaisaucunsonnevoulaitensortir.Commesisescordesvocalesbrûlaientdanssagorgeetl’empêchaientdes’exprimer.

—Prenezvotretemps,larassuralemédecin.Vousrisquezd’avoirunpeumalàcausedel’intubation.Vouspourrezbientôtboireunpeud’eau.

Ilvenaitdeparlerd’intubation?Unevaguedepaniquenaquitdanssonabdomenets’ajoutaàsaconfusion.Ellesesentaitprêteàtournerdel’œil.

—Rina,restezavecnous.Votreréactionesttoutàfaitnormale,jesuislàpourvousaccompagnerdansvotreréveil.

Sonréveil.Ilparlaitcommesicelafaisaitdesmoisqu’elledormait.Ellevoulutseleverpourluiprouverqu’elleallaitbienmaisforcefutdeconstaterqu’elleenétaitincapable.Satêtedouloureusenesedécollaqued’unmillimètredesonoreiller.

Ellefermalesyeuxpourcalmerlamigrainelancinantequinaissaitàsestempes.EllesentitleDrBridgess’éloigneretchuchoterquelquesmotsinaudiblesàlapersonnequiétaitdanslapièceaveceux.Uneportes’ouvritpuisserefermaetlemédecinrepritplaceauprèsd’elle.Illuisourit.Ilaffichaitunairbienveillantquiauraitpupassercommeétantexagérémaissesyeuxd’unvertsoutenu–presquedelamêmecouleurquel’herbeausoleil–larassuraient.

—Jevaisvousposerquelquesquestions,vousaurezjustebesoinderépondred’unmouvementdetête,d’accord?

Rinaacquiesça.Detoutefaçon,elleauraitétéincapabledeluirépondre.Elleespéraitqu’aprèscetinterrogatoireàsensuniqueilpourraitenfinluidonnerunpeud’eau.Sagorgeétaitàvif,ellen’arrivaitmêmepasàavalersasalive.

—Voussouvenez-vousdel’événementquivousaamenéici?

Elleplissalesyeux,àlarecherchedeladernièreimagequ’elleavaitenmémoire.Aulieudeluirépondre,ellesentitleslarmesaffluer.Nonpasparcequ’ellenesesouvenaitpas,non.Maisparcequ’elleauraitpréférénepasserappelerqu’elleavaitfaillimourir–ànouveau–etqu’elleavaittuésonbébé–ànouveau.

Enseréveillantlelendemainmatin,ellecrutd’abordavoirdormipendantdesjoursjusqu’àseremémorerqueleDrBridgesluiavaitadministréunsomnifèrelaveille.Cequiexpliquaitlabouchepâteuseetsonespritembrouillé.Ellevitunverred’eauposésurlepetitmeubleprèsdesonlit.La

sensationdel’eaufutdésagréable,surtoutquandellefaillits’étoufferavec.Ladéglutitionétaitdifficileaprèsceshuitjourssansavalerunegoutte.Ellesesentaitcommeuneinfirmequidevaittoutréapprendreetellen’aimaitpasceladutout.Elledégagealedrapetlafinecouverture.Commeleluiavaitexpliquélemédecinlaveille,elleavaiteneffetunsacréplâtrequirecouvraitsajambedudessusdugenoujusqu’aupieddontellen’apercevaitquelesorteils.Ilétaitlourd,constata-t-elleenessayantdebouger.Etellen’avaitaucunsouvenirdelachutequiluiavaitcausécettefractureainsiquesamauvaisebosse.

ElleserappelaitjustedusergentPierceluidisantqu’ilsétaienttoutprèsdel’hélicoptère.Ensuite,lenéant.EllesoupiraenespérantquePierces’enétaitsorti.Ilavaitétéchevaleresqueavecelle.Iln’avaitpashésitéàtoutabandonnerpourlamettreàl’abri.

Commeladernièrefois,illuifaudraitunpeudetempspourseremettredesesblessures.Cellesensurfaceguériraienttrèsviteàforcedeménagementetderééducation.Enrevanche,cellesqu’elleaccumulaitensonseinnedisparaîtraientpasenunclaquementdedoigts.Assumer,enfouir,avancer.Cestroisverbesdécrivaientsavied’avant,celleduprésentetincontestablementcelledufuturquineferaitpasexception.Elleétaitàelleseulelapiresuccessiondemauvaischoix.

Elletentades’asseoirsurleborddulitenfaisantglissersesmembresankylosés.C’estcemomentdélicatquechoisituneinfirmièrepourentrerdanssachambre.

—Vouscomptieznousfaussercompagnie?

—Siseulement…

—Vouspourrezrentreraprès-demainsivotrescannerdecematinestbonetsivousgardezcequevousmangez.

Elleétaitencorecoincéelàdeuxjours,quelleplaie!Etellen’avaitpasfaim.Elleétaitmédecinetsavaitquelleconduiteadopterenpareilcas.Ellenepourraitd’ailleurspasfairegrand-choseavecunejambeimmobilisée.Elleenavaitpourunmoisminimum,sixsemainesdanslepiredescassiellenetenaitpasenplace.Maispuisqu’elleavaitjusteenviederentrernoyersonchagrin,elleallaitsûrements’enremettretrèsvite.

Était-elleuniquementfaitepourperdrelespersonnesquiluiétaientchères?Tousceuxquil’approchaientdetropprèsfinissaientparlaquitter.Parents,amis,enfant…Sadécisiondenes’attacheràpersonneprenaitlàtoutsonsens…

—Est-cequ’onm’aamenéeiciavecquelques-unesdemesaffaires?demanda-t-ellepourmodifierlecoursdesespensées.

—Jenecroispas.Jevaisvoiravecmescollèguesquiétaientlàlejourdevotrearrivée.

Ellelaremerciaetlaregardas’affairerdanslapetitechambre.L’infirmièreremontalestore,pliasesdrapsauboutdulitets’appliquaàretirersaperfusiontoutendouceuraprèsavoirrincésesmainsavecdugelhydroalcoolique.

—Vousvoulezquejevousapporteunepairedebéquilles?

—Ceseraitsuper.Jen’aipasl’habitudederestersansrienfaire,j’aimeraisaumoinsmarcherunpeu.Ilyauntéléphonedansl’hôpital?

—Ouidanslehallmaiscetrucmarcheencoreàpièces.Sivousavezbesoindetéléphoner,allezaucomptoirdesinfirmières.

—Merciinfiniment…Maggie,lut-ellesursablouse.

—Derien,majolie.Jevousapportevosbéquilles.

Cequ’ellefitdanslaminutequisuivit.Ellel’aidaégalementàlescalersoussesbras.Sapremièretentativedesemettreàlaverticalefaillitluicoûterunmembresupplémentaire.Ellen’avaitjamaiseuàsedéplaceravecceschosesbrinquebalantes.Celan’étaitpasaussiaiséqu’ellel’avaitcru.

—Jedoisvouslaisser,annonçaMaggie.Àtoutàl’heure.

Rinalasuccédadanslelongcouloirqu’elledécouvraitpourlapremièrefois.Elleclaudiquajusqu’aucomptoirindiquéparl’infirmière.Elleytrouvaunejeunefemmepeuamènequinecédapasfacilementsoncombiné.Ellefinitparluilaissercomposerlenuméroaprèsunelonguenégociation.Àforcedel’avoirfait,sesdoigtsavaientapprislenumérodelacompagniedetaxipourlaquelletravaillaitAlparcœur.

—Bonjour,jeviensvoirArianaJames,indiquasoudainunevoixmasculine.

Elleraccrochasouslasurprisedecetteannonceettournalatêtetoutensetenantaucomptoirpournepastomber.Lorsqu’ellecroisasonregardgris,elleseretrouvalabouchesèche.

—Rina…

Ellerêvait.Elleallaitforcémentseréveiller.Siellevoyaitflou,cen’étaitpasvraimentl’effetdeslarmes.Ellefermalesyeuxetlesrouvrit,ilétaittoujourslà.

—Papa…

4Rinaécoutaitdistraitementlasage-femmeetsamèrequidiscutaientdel’évolutiondesagrossesse.

Ellenesaisissaitpastouslestermesqu’ellesévoquaient,maistantquelaspécialisteluidisaitquetoutallaitbien,ellenecherchaitpasàensavoirdavantage.

Elleavaitdeplusenplusdemalàseleveretàsemouvoirdanslamaisonqu’ellenequittaitplusdepuisdesmois.Elleavaitdûrenonceràsescours,àsesamis,àsonaccèsInternetetsonportable.Àsalibertéentière,ensomme.Sesparentsavaientinventéunehistoiredemononucléosefoudroyantequilamaintenaitaulitavecdelafièvre.Mouais,pensa-t-elle.CommesiEmilypouvaitselaisserberner!Sonamieavaitappeléàlamaisonplusieursfois,maisn’avaitjamaiseuledroitdeluiparler.

Samaisonétaitdevenuepirequ’uneprison.Ajoutéàcela,sonpèreneluiadressaitpluslaparole.Sicelaluiévitaitlesconfrontationstonitruantesdudébut,elleenétaittoutdemêmetrèsmalheureuse.Leursconversationsetleurstaquineriesluimanquaient.

Elletentadefaireroulersonventreimposantenmêmetempsqu’ellesemettaitdeboutpourregagnersachambre.Ellearrivaitencoreàgrimperlesmarches,Dieumerci!

—Oùvas-tu?questionnasamère.Çanet’intéressepas?

—J’yconnaisrien,Maman.SiJaniceditqueçava,çamesuffit.

Ellevitsamèresepeindreendéception.Ellecommençaitàavoirl’habitude.Aufond,ellesavaitqu’elletentaitdemontrerdel’intérêtfaceàlasituation,maisellen’arrivaitpasàlaregarderenface.Commentpouvait-ellefairesemblantalorsqu’elleserangeaitducôtédesonmariconcernantl’adoptiondubébé?

Rinaavaitl’impressiond’avoirgrandienmêmetempsquelebébédanssonventre.Ellevoyaitleschosesdifféremment,décidantdeneplusvoirsonarrivéecommeunemalédiction.Oui,elleavaitfaitunebêtise.Unetrèsgrossemême,maisellesesentaitdetailleàenaffronterlesconséquences.Pourquoisesparentsrefusaient-ilsdelaprendreausérieux?Elleneleurdemandaitpasd’argentpoursubvenirauxbesoinsdesonenfant,justedel’aiderdanslesdémarchespourtrouverunlogement.S’illuifallaitquitterlaFloride,elleétaitprêteàlefaire.

Encaressantsonventrerebondi,ellesedemandas’ils’agissaitd’ungarçonoud’unefille.Elleavaitsecrètementchoisiunprénomdansuncascommedansl’autre.Lasage-femme,unpeutropducôtédesesparents–maispayéepourcela,aprèstout–n’avaitpassouhaitéluirévélerlesexedubébé.Danssonintérêtaucasoùelleaccepteraitl’adoption.

Elleespéraitunefille.Unejoliepetitefillequ’elleélèveraitcommeellel’entendraitetquineladécevraitjamais,quoiqu’ellefasse.Elleseraittoujourssonenfant,enversetcontretout.

Plustarddansl’après-midi,tandisqu’elleétaitallongéesursonlit,grignotantetécoutantunecompilationdesmeilleuresmusiquesdumoment,elleretirasoncasquebrusquement.Sonpèrevenaitderentrer,etiln’étaitpasseul.

Elleselevaaussivitequ’ellelepouvaitetsetraînajusqu’àlaportequ’elleentrebâillasansbruit.Ellen’avaitpasrêvé.Alanétaitbienlà.Saprésencelamittoutdesuitemalàl’aise.Sesgenouxtremblaientetsonestomaclabrûlait.Unebarreincandescentesemblatranspercersonabdomendepartenpart.Lasensation,plusdésagréablequedouloureuse,nel’empêchaheureusementpasdesortirsurlepalierpoursavoircequ’ilsetramait.D’autantplusqu’Alann’étaitpasaucourantdecettegrossessesoigneusementdissimulée.Alorspourquoisonpèreacceptait-ilmaintenantdeleconvierchezeux?

—CommentvaLydia?demandasamèreàleurinvité.

—Trèsbien,ellesereposeenattendantl’arrivéedubébé.Lasage-femmepensequec’estpourcesjours-ci.J’aihâtedeserrercebébédansmesbras.

Non,maisvoilàqu’ilfaisaitsonmielleux!

—Pfffmariprévenant,moncul!persiflaRinaentresesdents.

Elles’assitsurladernièremarchedel’escalierenselaissanttomberlourdementsurlesfesses.Ellen’avaitplusaucunéquilibreavecceventreimposant.Elleneputtoutefoiss’empêcherdelecaresser.Parréflexe,maisaussiparcequ’ellesentaitlebébés’agiter.Ildonnauncoupsoussacôte,elleserralesdentspournepassefaireentendre.

—Sivousaviezbesoindequoiquecesoit,n’hésitezpasàmetéléphoner.

—Jevousremercie,Nancy.Jepensequ’elleapprécieraitsurtoutunpeudecompagnie.

—J’irailavoirdemain,décidasamère.J’aiachetéquelquesaffairespourlebébé.

—Jevousremercie,c’esttrèsgentil.

Samèreavaitachetédesaffairespourlebébédesasœur…Cetteannonceluidonnaenviedepleurer.Sesparentsattendaientimpatiemmentl’arrivéedecebébé-là,maismouraientd’enviedesedébarrasserdusien.Cen’étaitpasjuste.Ellen’étaitmêmepassûredemériterautantdemépris.S’ilssavaientcommenttoutcelaavaitcommencé,leschosesneseraientpascequ’ellesétaient.Elleavaitétéstupide,maiselledevaitassumerqu’ilétaitdésormaistroptardpourfairemarchearrière.

Leslarmesnecessaientpasdecouler.Lafauteauxhormones,sansdoute.Elletentadesereleverquandunecrampeaubasdesonventresefitsentir.EllerespiracommeleluiavaitapprisJaniceetladouleurpassa.Unenouvellelasurpritquelquessecondesplustardetluifitpousserunlonggémissementplaintif.

—Qu’est-cequec’est?interrogeaAlandepuislesalon.

Sansdoutealertésparsoncri,sesparentsapparurentdanslehall,bientôtsuivisparAlandontlesyeuxserévulsèrentàsavue.Ilavaitcompris.

—Clay,Nancy,pourquoinem’avez-vousriendit?leurdemandasonbourreau.

—Parcequ’ilétaitinutiledecauserplusdeproblèmes,réponditsonpèred’untonsec.Nousnous

occuperonsdeplacercetenfant.PasquestionqueLydian’apprenneça.Vousl’avezsuffisammenttourmentée.

—J’vousdéteste!criaRinaàl’attentiondesesparents.Vousnemeséparerezpasdemonbébé!

—Ariana,nefaispasl’enfant!grondasonpère.Tunepeuxpasassumercebébétouteseule.Nousenavonsdéjàdiscuté,nousluitrouveronsunefamillerespectable.

—Jamais!Plutôtpartird’iciquedevouslaissermeleprendre.J’aidesdroits,mêmesijesuismineureetsansfric!

Elleretournadanssachambreoùelles’enfermaàdoubletourletempsderassemblerquelquesaffaires.Heureusement,elleavaitunpeud’économiesdanssatirelireetunpetitcompteàlabanqueouvertparsagrand-mèrequesesparentsnepouvaientpasbloquer.

Ellefourralavacheenporcelaineaumilieudesessous-vêtementsetsesT-shirts.Ellevoyaitgrand,lavalisen’étaitpaslégèreàlabase,maisc’étaitlaseulequ’elleavait.

—Ariana,sorsd’ici!luiordonnasonpère.

Ellel’entendaitàpeine,tropabsorbéeparsespensées.Ellenedevaitrienoublier.Elleavaitaumoinssonpermisdeconduire,laseulechosequesesparentsneluiavaientpasconfisquée.

Aprèsundernierregardcirculairesurlapièce,ellerécapitulatoutcequ’elleemportait.Celasuffirait.Illuirestaitencorequatresemainesdevantellepourpréparerlavenuedubébé.Unflotangoissanttiraillaitsonestomacdéjàmalmenéparlebébé.Ildisparaîtraitsûrementlorsqu’elleauraitenfinquittétoutecettemerde.

ElledéverrouillalaportefermementettentadesefrayeruncheminentresesparentsetAlanquisecriaientmutuellementdessus.Elleprofitadeleuraltercationpoursefaufilersurlepalieravecsesaffaires,suivienéanmoinsparlapetitetroupemenaçante.

—Rina,jet’enprie!suppliaitsamèrequicherchaitàluiprendresavalise.Tuvasalleroù?

—Leplusloinpossibledecettefamilledemerde!

Ellesaisitlavaliseàdeuxmainspourdescendrelaflopéedemarches.Ellevoulaitenfinirauplusvite,trouversonportableetappeleruntaxipourfuiràtoutprix.

Elleétaitaumilieudesmarchesquandellesentitunecontractionaffluerdanssonventreetsediffuserdanssesreins.Elleinspiraàfond,souffla,maisladouleurétaittoujourslà.Quandelles’intensifiadanssondos,ellelâchalavalisequitombalourdementaubasdesmarches.

—Maman...gémit-elle.

Ellenesutpassisamèreétaitvenueauprèsd’elle.Samainnetrouvapaslarampeaumomentoùsesjambessedérobèrent.Ellesentitjustesoncorpsrouleretheurterlesmarchesdel’escalier...

—Papa...répétaRinaquin’arrivaitpasàcroirequ’ellelevoyaitenfin.

Luiqu’elleavaittantespéréretrouveraprèstoutescesannéesétaitenfinlà.Toujoursaussiimpressionnantetintimidant.Ilnesouriaitpas.Ilnedisaitrien.Illaregardaquelquesinstantscommes’ilnelareconnaissaitplus.

Elleeutsoudainpeurqu’ilprenneconsciencequ’ilfaisaituneerreurenvenantlavoirets’enaille.Ellecompritqu’ellenelesupporteraitpas.Pasaprèstoutcetemps.Pasmaintenant.Elleavaittellementbesoindelui.Sonpapa.Ilétaitlà,devantelle.

—Tunedisrien?demanda-t-elleens’approchantd’unpasavecsesbéquilles.

Ellechancela,maisfutrattrapéeparlamainàlafoisfermeetdoucedesonpère.Sonréflexesemblaluicoûterbeaucoup.Ilreplaçaaussitôtsesmainsdanslespochesdesonlongmanteau,l’airunpeuconfus.

—Euh...Nouspouvonsallerdansmachambre,situveux.

Ilfitunsignedetêteetlasuivitàsonrythme.Illuitintlaportependantqu’elleentrait.Toutcecérémonialcourtoisluinoualeventre.Ellen’étaitdécidémentpasfichued’avoirdesretrouvaillesnormalesavecsafamille.Ellesondasonpèredontlecalmenerveuxluidonnaitlachairdepoule.Illuiavaittoujoursinspirélapeur,d’unecertainefaçon,mêmesiellel’aimaitd’unamourinconditionnelquiluifaisaitplusdemalquedebien.

—J’imaginequeMamanettoiavezreçuunappeldugénéralGordon,supposa-t-elle.

—Oui,confirmasonpère.Lejourmêmeoùtuas...étéblessée.Maiscen’estpascequim’amène.J’aireçutalettre.

Rinasesentitrougir.Lafameuselettrequ’elleavaitrefuséed’envoyeravantdepartir.Ellesesouvenaitl’avoirgardéedanssonuniforme,ellel’avaitdoncsurellequandelleavaitététransportéeici.Etquelqu’unl’avaitfaitpartiraucourrieràsaplace.Restaitàsavoirsic’étaitplutôtunebonnechoseoul’inverse.

Elles’assitsursonlitavecl’impressiondenerienavoiràluidire.Etcen’étaitpasdutoutainsiqu’elleavaitenvisagéleschosess’ilrecevaitsalettreetsedécidaitàvenirlavoir.

—TuesvenuavecMaman?s’enquit-ellepourmeublerlesilence.

—Oui,elleétaitàtonchevetquandtut’esréveillée.

Illuisemblaitbienavoirentendusavoix,maiscroyaitavoirsimplementrêvé,commesielleavaitjusteétéuneenfantperduedemandantsamaman.

Ellenetiendraitpaslongtempsfaceàtoutescesémotionscontradictoiresquisubmergeaientson

cœurtropsollicité.Confusion,chagrin,bonheurd’êtreenfinentouréedesesparents.Elleignoraitquoifairedetoutcela.Leplusdifficileétantd’admettrequ’elleavaitenviedeseretrouverseulepourserecentrersurelleetfairesondeuil.Ellesejugeaégoïste,peut-êtresévèrement,toutefoissesparentstombaientmal.D’oùcesentimentdemalaisequilagrignotaitpeuàpeudepuisl’arrivéedesonpère.Ellesoupira.

—C’estellequim’apousséàvenir,avoua-t-ilsansuneoncederemordsdanslavoix.Jenemesentaispasprêtjusqu’àmaintenant,pourtouttedire.Etjenecroispasl’êtreplusaujourd’hui.

Detouteévidence,safemmeneluiavaitpaslaissélechoixdecetteentrevue.Étantdonnéelatournuredecetteconversation,ellen’avaitpasévoquéleurentrevueendécembredernier,cequilarassuraunpeu.Ilavaitmisdecôtéleursgriefsavantderentrerdanscethôpital.

—Recevoirtalettreaétéletrop-plein.

Ellepritcelacommeunegiflequilafitsursauter.Iln’avaitrienperdudesonaplombaveclesannées.

—Ettuviensmedireçaalorsquejesuisconscientedepuismoinsdevingt-quatreheures?

Ilparutnepascomprendreoùellevoulaitenvenir.Ilretirasonmanteauetlelaissasurledossierdufauteuil.

—Jemesuismalexprimé,excuse-moi.Cequejevoulaisdire,c’estquel’appeldugénéralMachinsuividetalettre,çam’afaitquelquechose.J’aieupeurdenejamaisterevoir.

Ildisaitenfindesmotsgentils.Ellelessavoura,lesréécoutadanssatêtequelquessecondes.Mêmes’iln’étaitpassûrd’êtreàsaplaceaujourd’hui,ilavaiteupeur.Celasignifiaitqu’ilavaitencoreunpeud’amourpourelleenlui,non?

—Ilmefaudraencoredutemps,Rina,luidit-ilalorsqu’elletentaitdeselever.

Ilavaitdûpressentirlecâlindontelleauraittanteubesoin.Tantpis.

—Maisjesuiscontentd’avoirfaitcepasverstoietdevoirquetuvasbien.

Bienn’étaitpasapproprié,maisilignoraitceparquoiellevenaitdepasser,alorsellenepouvaitpasluienvouloir.Pourtant,ellearrivaitàsedétendre.Saprésenceluiréchauffantlecœur,ellesesentaitpresquemieux.Ilnemanquaitplusqu’uneseulechosepourlaréconforterautantqueceseraitpossible.

—TupeuxappelerMaman?J’aimeraisvousavoirtouslesdeuxprèsdemoi.

Ellepassalajournéeenleurcompagnieetmêmes’ilsdevaientréapprendreàsefaireconfiance,leurprésenceluifitl’effetd’unantidotelongtempsespéré,injectéunesecondeavantdetomber.

Biensûrleursdiscussionsétaientplates,biensûrsonpèreétaitincapabledesourire,biensûrilsneseraientpasunevraiefamilleavantunlongmoment,maiselleavaitaumoinspugoûteraubonheurdelesrevoirtouslesdeuxensemble.Sanscrinilarme.Celavalaittouslestrésorsdumonde.

Lesoirtombé,unefoisseuledanssachambreetcertainequepersonneneviendraitladéranger,elles’autorisaàpleurer.Elleavaitbesoind’évacuertouteslestensionscontenues,lesémotionséprouvantesdecesderniersmois,decesdernièresannées.Ellesouritnéanmoinsenrepensantàsonpèrequiavaitenfinfaitledéplacement.

EllerentradeuxjoursplustardcommeannoncéparleDrBridges.ElledemandaàAldevenirlachercheràl’hôpitalafindelaraccompagner.Elleappréhendaitceretour.Depuisl’annoncedesamobilisation,beaucoupdechosesavaientchangé.EntrelafindesarelationavecAidan,lapertedeleurbébéenpassantparledécèsdeJaneetledébutdesaréconciliationavecsesparents,ellenesavaitpresqueplusquielleétait.Pourajouteràsonétatd’espritendéroute,sagrandecopineluirenditvisitelematindesasortie.Plusgrossequejamais,sabouled’angoisseétaitaccrochéeàsonestomac,soussacôte,làoùelleétaitcertainedeluifairemal.Lagarce!

Àplusieursreprises,alorsqu’ellerassemblaitlepeud’affairesqu’elleavait,ladouleurluicoupalesouffleetlaforçaàs’asseoir.Traînersajambehandicapéecommençaitsérieusementàlagonfler.

—Toctoctoc,fitsoudainunevoixentapantàlaporteouverte.Prêtepourlegranddépart,majolie?

Alluisouriait.Ilavaitapportélefauteuilroulantqu’onl’obligeaitàlouerpouréviterleschutesetattendaitqu’elleyposesesfesses.Apparemmentsontraumatismecrânienpouvaitencorecauserdesvertigespendantquelquetemps,touteslesprécautionsétaientdoncàprendre.Siellesesentaitbiendececôté-làmalgrélesmigrainespassagères,ellepréféranepascontrariersonmédecin.Elleréussiraitsansdouteàlefairechangerd’avisàlavisitemédicaledelasemainesuivante.

—Mercidemeramener,Al.J’espèrequetonpatronnem’enveutpasdenepasavoirputepayerhier,maisj’avaisvraimentbesoindecesquelquesaffairesquetum’asapportées.Jerépareçadèsquejeserairentrée.

—Pasdesouci,majolie,larassuraAl.Noussavonsquevousêtesréglo.

Elles’installasurlefauteuilavecl’aidedesonamiquiluidéposaensuitesonsacsurlehautdescuisses.

—Ilmefautaussilesbéquilles.

Ellequittasachambred’hôpitalnonsansjeterunderniercoupd’œilderrièreelle,considérantlelitfroissédésormaisvide.Cetteimagelarenvoyaitdirectementchezelle,àFortHolabird,oùelleallaitdevoirreprendresavieenmain.Ellen’étaitpasprête,sedit-elleensentantsoncœurseserrer,maisellen’avaitpaslechoix.Ilétaittempsd’affronterseserreurs.EtAidan...

Aprèsunebrèvediscussionavecl’officierWilliamsaupostedecontrôle,letaxis’avançadansFortHolabirdsousunepluieverglaçante.Lesgouttesmartelaientlacarrosserieaumêmerythmequelespalpitationsquisecouaientsoncorpstoutentier.ElledéglutittantbienquemalquandAlgaralevéhiculeauplusprèsdelarésidence.Ilsortitlepremier,ouvritlefauteuilroulantetcalalaportièrepourl’aideràs’installer.Illaguidaàl’intérieursansriendire.Lehallétaitdésert.Pourunsamedimatin,cen’étaitpassiétonnant.

—Vousvoulezquejevousaideàmonterchezvous?

—Çavaaller,jevaisprendreunpetit-déjeuneretj’iraiensuitetrouvermonsupérieurpourl’avertirdemonretour.Mercipourtout,Al.

—Àvotreservice,commetoujours,majolie!Appelez-moisivousavezbesoindequoiquecesoit.

—Sijepouvaismelever,jet’embrasserai.

—Vousnepouvezpas,maismoijepeuxmebaisser.

Joignantlegesteàlaparole,ilsepenchaverselle,surprisd’êtreenlacéentresesbras.Ilserralessiensautourdelajeunefemmetristequ’ilavaitretrouvée.Ilauraittellementvouluapaisersestourments!

—Jesuissoulagéquevoussoyezsaineetsauve.

Rinanevoulaitpaspleurer.Elleprofitadecetteétreintequiluifitunbienfou.C’étaitlecâlintantattenduquesonpèren’avaitpaspuluidonner.

Ellen’osapasluiavouerqu’elleregrettaitpresqued’êtreencoreenvie,iln’auraitpascompris.Cettepenséemorbidel’avaiteffleuréelaveilleets’insinuaitdetempsentempsdanssatête,sournoisecommelesondulationslentesd’unserpent.Ellefrissonna.

—Vousavezfroid?l’interrogeaAlenserelevant.

—Unboldecaféetçapassera.

Elleleregardaquitterlarésidence.Illalaissadésespérémentseule,sanssavoirquoifaire.Elleneseraitpascapabledemonterparsespropresmoyensalorsqu’ellemouraitd’enviedeseterrerlà-haut.

Calantlesbéquillescommeellepouvaitentraversdesescuisses,ellefittournerlesrouesdufauteuilentresesdoigtsetroulajusqu’auréfectoirequin’étaitfinalementpassivide.Néanmoinslesilencedemortquiyrégnaitfaisaitfroiddansledos.

Quandelleentra,lesregardsconvergèrentverselle.Elleexaminalesrésidentscurieuxqui

prolongeaientleurobservationuniquementparcequ’ilsavaientsouslesyeuxunerescapée.Entempsnormal,saprésencenecréaitpasdemalaise.

EllevitapprocherlasilhouettemassivedeLizdanssonuniforme.Cellequ’ellecraignaitleplusaffichaituneminesombre,presquesévère.Sielleavaitétéenpleinepossessiondesesmouvements,elleseseraitenfuie.

—Salut,luiditlajeunemétisse.Lucynenousapasditqueturentraisaujourd’hui.

Commentaurait-ellepulesavoir?Elleneluiavaitpasparlédepuisleurdisputeunmoisplustôt.MaisLiznesemblaitpasêtreinforméedecedétail.

—Jenel’aisuquecematin,luimentitRina.

—Commenttutesens?

—Demieuxenmieux.

Àcerythme-là,sonnezferaitunmètredelongavantlafindelamatinée.

—Situasfaim,tupeuxtejoindreàmoi.

Elles’étaitattendueàdesquestionssursonétatdesanté,ellepensaitenavoiraussisurJaneetsurlesdernièresminutesdesaviecarLizn’étaitpasconnuecommeétantlaplusdiscrètedugroupeetellenemâchaitpassesmots.Sonsilencel’étonna.

Sacamaradeluipréparaunplateauselonsesgoûts:cafénoir,omeletteetdeuxpancakesbienépais.Cettesollicitudelatoucha.Elleseretintdepleurerpourlatroisièmefoisdepuissonréveil.Ellen’étaitpassortied’affaire.

—Tuenaspourcombiendetempsaveccetruc?luidemandaLizendésignantsajambedumenton.

—Cinqsemainesminimum.

—Ahmerde!Çacraint!

—Oui.Jenevaismêmepaspouvoirsquatterlaclinique...

—Voisleboncôtédeschoses.Tuasencorecinqsemainesdevacances,loindeBurton!

Elleluisouritmalgréelle.Aufond,elleauraitbienaiméreprendrel’entraînementquiauraitpuladistraireunpeu.Aulieudecela,elleallaitpassersesjournéesseuleàruminer.

Ellesfinirentleurpetit-déjeuner,Lizfaisantsemblantdenepasremarquerquel’assiettedesacamaraderestaitpleine.

—JevaisenvilleavecLucycetaprès-midi,tuveuxvenir?

—Nonmerci,jesuisfatiguée.Jevaismontermereposer.

Lizdéposasonplateausurletapisroulantmenantauxcuisinesets’enallavaqueràsesoccupations.Rinafutsoulagéedecedépart,sansvraimentcomprendrepourquoi.

Ellesortitduréfectoireensongeantqu’elleavaithâtedesedébarrasserdecefauteuil.Nonseulementelleavaitdumalàlemanœuvrer,maiselleavaitmalauxfessessurcetrucinconfortable.

Aumomentdequitterlapièce,elleseretrouvafaceàunepairedejambesetdesbottesméticuleusemententretenuesau-dessusd’ununiformed’homme.Ellefitglissersesyeuxsurcecorpstoutenmuscles,sentantsesjouess’empourpreretsoncœurbattreàtoutrompre.Déjà,elleavaitdumalàrespirer.

—A...Aidan...

5Ilétaitdevantelle,lesmainsdanslespoches,plusbeauetplusintimidantqu’ilnel’avaitjamaisété.

Mêmesiellevoyaitàsesyeuxqu’illuienvoulaitterriblement,elleneputempêchersoncorpsderéagiràsavue.Sonmal-êtrenesemblaitpasencoreassezfortpourannihilerlessentimentsambivalentsqu’illuiinspirait.Ilétaitleseulàréussircetexploitdeluifairetoutoublierlorsqu’ilétaitprèsd’elle.

Àsonexpressionsombrequipesaitsurelle,elledevinaqu’iln’étaitpasprêtàdigérerlafaçondontelleavaitmisuntermeàleurrelation.Illafusilladuregard,impassible.

—Tuesaumilieudupassage,lâcha-t-il.

Ellesesentitcommepriseenfaute.Letondesavoix,lourddereproches,latoucha.Ellereculamaladroitementaveclefauteuilpourlelaisserpasser.Sansunautreregardverselle,illacontournaetpoursuivitsarouteenl’ignorant.Ellel’avaitmérité.Àquoipensait-elledonc?Iln’allaitpasluisauterdanslesbrasaprèsl’humiliationqu’elleluiavaitfaitsubir.

Pourtantelleenmouraitd’envie,comprit-elleenregardantpar-dessussonépaule.Ellerêvaitd’êtrebercéedanssonétreintetoutechaudeetsiréconfortante.Iln’avaitpassonpareilpourlamaintenirserréedanssesbras,bienensécurité.

Ellesesecoualatête.Elleavaitd’autreschosesàpenser.S’iln’étaitpasdécidéàvouloirluiparler,iln’étaitpasquestiondequémander.Cen’étaitpassongenre,d’ailleurs.

Rinadécidadoncdegrimperlesmarchesparelle-même.Ellelaissasonsacparterre,coinçalesbéquillessurlesmarchesetselevaenfin.Aprèss’êtredébattuepourfermerlefauteuil,ellelelaissadansuncoinduhalletrécupérerasacetbéquillesqu’elleglissasoussesbras,prêtepoursonascension.

—Tucomptesmontertouteseule?

Lavoixd’Aidandanssondoslafitsursauter.Ellesetournaverslui,ilavaitlesbrascroiséssursontorseetlafixait,furieux.

—Oui,confirmaRina.Jen’aipaspeur.

—Tuveuxtecasserunedeuxièmejambe?Oupire?

—Écoute...

—Non,toiécoute,dit-ilenbaissantd’unton.Arrêtedejouerlestêtesbrûlées,tuesdéjàsuffisammentamochée.

Ellebaissalesyeuxverssajambe,seuleblessureapparentedesonséjourenAfghanistan.Ilignoraittoutescellesenfouiesaufondd’elle,maisfinalement,ilavaitraison.Ellelesavaitbien.Elleavaitjouéavecsavieetcelledeleurbébé.Unêtresansdéfensequ’elleavaitprécipitéverslamort,

commeellel’avaitfaitavecsonaînéonzeplustôt.Leflotdeculpabilitéquilasubmergealaforçaàs’asseoirsurunemarche.Ill’embrasa,irradiantsonpoisondanssesveines.

—Jesuisdésolée,s’excusa-t-elle,lavoixétranglée.

Cesexcusesprononcéesàmi-voixluifirentplisserlesyeux.Aidanrestaensuspens,leregardpresquevideplongédanslesien.Elles’excusait.Dequoiexactement?Choisissait-ellecemomentplutôtinapproprié–sansparlerdulieu–pourluiannoncerlapertedeleurbébé?

Lescoudesposéssursescuisses,sonvisagecachéparsamainetsescheveux,elleluiparutperdue.Ilconnaissaitcesentimentdeneplussavoiroùaller.Allaient-ilspouvoirsereleverchacundeleurcôté?Ouensemble?

Ellerepoussasalonguechevelureenmêmetempsqu’unelarme.Satristesseaccéléralesbattementsdesoncœur.Àforcedeluienvouloir,ilavaitomisuneéventualité:qu’ellepuissesouffrirelleaussi.

—Jevaist’aider,finit-ilpardire.

—Tun’espasobligé.Enplusc’estridiculepuisqu’ilfautquej’aillevoirGordon.Jedoisluidirequejesuisrevenue.

—Quelqu’uns’enchargerapourtoi,tranchaAidansansluidemandersonavis.

Sesyeuxglacésluiimposèrentlesilence.Ellenesemblaitpasavoirlechoixetellen’avaitpasenviedelecontrarier.Elleluitenditlamaintimidementensepréparantpsychologiquementàleurpremiercontactdepuisdessemaines.Illarecouvritdelasienneetl’aidaàseremettredebout.Ilserrasamainplusfortlorsqu’ellefutsurpiedpourluiéviterlachute.Elleavaitlevertige.Impossibledesavoirs’ils’agissaitd’uneréactiondesoncorpsquitremblaitousisonfoutucrânerefaisaitdessiennes.

Elleréfléchissaitencoreàsessymptômesquandellesesentitsoudainsoulevéeparlesbrasmusclésdesonex-amant.Elles’accrochadetoutessesforcesaucoud’Aidanaurisquedel’étouffer.Elleallaitsecalercontresonépaulequandelleserappelaquelasituationnelepermettaitplus.Ellerencontrasesyeuxens’écartant,tropprochestoutàcoup.Ellesentitsonodeursiparticulière,mélangedouxetbrutàlafoisquiemplitsesnarinespuissepropagealentement.

Letempss’arrêta.Elleétaittellementbiendanssesbras!Elleavaitenviedejoueravecsescheveuxàlabasedesanuque.Unevéritabletorture.

—Qu’est-cequetufais?luidemanda-t-ellepouréviterdetroppenseràcetteproximitéintime.

—Jet’aide,répondit-ilengardantsonsérieux.

Sanss’enrendrecompte,leregardd’Aidanglissasurseslèvresrosesqu’ellevenaitd’humecterparréflexe.Cettevisionquis’accrochaitàsespenséeslefitpresquebondir.Commentpouvait-ilsongeràcettebouchealorsqu’ilnedécoléraittoujourspas?Soncorpsétait-ilàcepointdroguépourquesonespritneluiobéissemêmeplus?Iln’yarriveraitpas.Elleletentaitetsoncœurn’avaitpasencorecomprisquecettepageétaittournée.

LafaçondontillatenaitcontreluirappelaittropàRinalesmerveilleuxmomentspassésensemble,combienelleavaitétéheureuseaveclui.Pourquoiavait-ilfalluqu’ellesoitsistupide?Pourquoileuravait-ellefaittantdemalàtouslesdeux?

Sapeaulapicotaitlorsquesesyeuxseposèrentsursabouche.Sipleine,douceetsauvage.

—Repose-moi,luiintima-t-ellepouréviterdefaireuneconnerie.

—Non.

Ilmontalespremièresmarchesavecassurance,sentantlajeunefemmesefondreplusprèsdeluiàchaquepas.Iladmitavoireutort.Ainsi,vulnérableentresesbras,sesmerveilleuxseinsplaquéscontrelui,ilétaitparcourud’unechaleurenivrante.Elles’accentuaplusencorealorsqueleparfumdesescheveuxdétachéss’entremêlaitavecceluidesapeau.Elleétaitunsupplicepoursoncorpsquineraisonnaitpasdutoutcommesatête.Letraîtrenepensaitqu’auxsouvenirsqu’ilavaitd’elleetdesoncorpssoupletoutencourbes.Iljuraintérieurementensentantsonsexegonflerdanssonpantalon.Mêmeenrespirantàfond,iln’arrivapasàleréfréner.Etdirequ’illuirestaitencoreunétage...

Unpeuplusetillacouchaitsursonlitenarrivantaudeuxième.

—Turisquesunlumbago,insistalajeunefemme.Allez,repose-moi!

Ilétaithabituéàporterettraînerdeschargespluslourdesqu’elle.Ellen’allaitdoncpasl’arrêterensibonchemin.

Illafitdescendredoucementdevantlaportedesonappartement.Ilseprécipitaensuitepourrécupérersesaffairestandisqu’elleextirpaitsaclédesonblouson.Unsoupirdesoulagements’échappadesabouchelorsqu’elleouvritsaporte.Rassuréed’êtreenfinchezelle,àl’abri,ellen’aspiraitplusqu’àsemettreaulitetàattendrequelessemainespassent.Letemps,commetoujours,seraitsonmeilleuralliédanscesépreuves.

Leraclementdegorged’Aidanlasortitdesesrêveries

—Tun’avaisqueça?s’enquit-il,lessourcilsfroncés.

—Oui,confirma-t-elle.J’aitoutperdu,là-bas...

Ilhochalatête,comprenanttoutcequecesmotssignifiaient.Parcequ’elleignoraitqu’ilétaitaucourant,cetaveuquinevenaitpasletuaitàpetitfeu.Ilavaitenviedelasecouer,del’obligeràleregarderenface.Cesecretcreusaitunfosséentreeux.

—Dequoituasbesoin?luidemanda-t-il.

Ellefutsurprisedesaquestionaupointdeselaisserchoirsursonlit.

—Derien,pourl’instant.J’iraimeracheteruntéléphonequandj’enaurailecourage.Merci,Aidan.

Ilhaussalesépaules.Ilallaits’enallerquandilsurpritRinaentraindebatailleraveclafermeturedesonblouson.Celaneluiressemblaitpasdeperdrepatience.Ilvitalorsqu’ellepleuraitetqu’elles’acharnaitdessus.Ils’agenouilladevantelleetstoppasamain.

—Eh,doucement!Toutvabiensepasser,okay?

Ellereniflaetlelaissaprendresesmainsdanslessiennes.

—Tuesensécuritéici.

Elleavaitenviedecrier,deluidirequ’ellen’étaitpassûredel’êtretantquecela.Maisàquoibons’attardersurdesdétailssansimportance?Ellesavaitquesonretourseraitdifficile.Elleavaitpassésajournéedelaveilleàs’ypréparer.

Etcommeellen’étaitfinalementapaiséequeparcequ’ilétaitdanssonsillage,elleétaitcontrariée.Illuimanquaittellement!Lui,toujoursprésentpourellequandelleenavaitbesoin.Mêmeblesséilétaitlàettentaitdelarassurer.C’étaitcequ’elleaimaitchezlui.

—Aidan...

—Oui?

—Tuveuxbien...meprendredanstesbras?

Ilseremitdeboutbrusquementensedemandants’ilavaitbiencomprissasupplique.Ilavaitpresqueenvied’yaccéder.Néanmoins,ilenfonçasesmainsdanssespochesets’éloignaencore.

—Jenepensepasquecesoitunebonneidée.Rina...Tuoubliesquetum’asplaqué?Jeté,même.

—Jesuisdésolée.

—C’estladeuxièmefoisquetut’excusesdepuisquenoussommesfaceàfacecommedescons.Merde,qu’est-cequetuveux?Dis-le-moi,qu’onenfinisse!

Ellelevalatêteversluienessuyantseslarmesavecsesmanches.

—Rien,tuasraison.Jen’auraispasdût’emmerderavectoutça.Bonnejournée,Aidan.

—Bordel,t’esvraiment...

—Vraimentquoi?

—Agaçante!

Elleneputs’empêcherdesourire.Etilsetransformaenunéclatderirequ’ilpartageaavecelle.Àlafin,ellepleuraitànouveau,maispasdutoutpourlesmêmesraisons.

—C’estexactementcequej’aipensédetoiaprèst’avoirrencontré,luiavoua-t-elle.

—Etmoiquetu...

Ils’arrêtaavantquesalanguenesoitpluslimpidequelefildesesréflexions.

—Jevaisyaller,luiannonçaAidan.Jesuisattenduchezmesparentspourledéjeuner.

Àcontrecœur,ellelelaissapartiretluisouhaitaànouveauunebellejournéeenfamille.Aprèssondépart,elletentadechasserlatristessequiavaitremplacéAidan.Elleétaitseuledésormais.Elleallaitfaireface,commeellel’avaittoujoursfait.Mêmes’illuifallaitdelonguesannéespourtournerlapage.

Rinapassalerestedelajournéeprostréeaulit,sonordinateurportableposéàcôtéd’elle,àleregarderd’unairabsent.Illuirenvoyaitenbouclelesimagesflouesdesesfilmspréférésquin’avaientpluslamêmesaveurcejour-là.

Saviecraignait-ellevraimentàcepoint?Elleavaitenvied’appelersamère,maiselleavaitpeurdelabrusquer.C’étaittroptôtaprèsleurvisite.

Ellesoupiraenselaissanttomberàlarenversesursescoussins.Elleétaitseule.Vide.Mêmeplussûred’avoirderéelleamiesurlesite.Etellen’étaitpascapabled’allerfairepipiseule.Sanscompterquelesdouchesluiétaientinterdites.Saletédevie!

Elleplaquasoncaracosursonventre.Enl’effleurant,ellesongeaqu’ilyavaitpirequ’unedouchedifféréed’unmois.Cemal-làseraittoujourslapartieimmergéedel’iceberg.Ellen’auraitjamaislecouraged’enreparleretencoremoinsavecAidan.Àquoibon?Cequ’ilignoraitnepouvaitpasluifairedemal.Peut-êtremêmequ’ilenauraitétésoulagé.

Elleavaitbesoindetéléphoner.Samdevaitêtremisaucourant.Ilétaitsansdoutesoucieuxdepuisletempsoùilétaitsansnouvellesdesapart.Ildevaitmêmeêtremortd’inquiétude.ElledevraitdoncdemanderàAldel’accompagnerpourtrouverunnouveautéléphonesanstarder.

Quandl’heuredudînerapprocha,ellesedemandasielleferaitl’effortdedescendre.Ellen’avaitriendansleventredepuislematinmême.Alorsqu’elletendaitlamainverssonpantalondejoggingpourl’enfiler,elleentenditfrapperàsaporte.

—Quiestlà?

—Clarissa!s’annonçasacamaradeduboutducouloir.

Surpriseparcettevisiteaussiinattenduequ’inespérée,elleessayaderassemblersescheveuxpourlesnouergrossièrementetrabattitlescouverturessursesjambes.Elleétaitenhautdepyjamaetshortymaistantpis.

—Tupeuxentrer,luiditRina,c’estouvert.

Elleregardalapoignées’abaisseretlaportes’ouvritlargementsurClarissaaccompagnéedeLiz,LucyetAmy.

—C’estnous!

Lesquatrejeunesfemmesvêtuesdeleurspyjamascolorésétaientchargées:deuxd’entreellesportaientunetéléàécranplat,uneautrepoussaitunmeubleàroulettesdanslapièceetladernièreavaitunsacenpapierKraftdanslesbrasquidébordaitdepaquetsdechips.

Tellementheureusedelesvoirdébarqueralorsqu’elles’étaitimaginéqu’ellesluienvoudraientd’êtrerevenuesansJane,ellesesurpritàsourire,lalarmeàl’œil.

—Edwinaestchezsonmec,luiappritAmy,maisellet’embrasse.Tulaverrasdemainànotredîner.

Ledînerdudimanchesoir,latraditiondesfilles.Celasonnaitcommeunretouràunevienormale.

Lesjeunesfemmesparlaientfortcommeàleurhabitudeetnepouvaients’empêcherdesetaquinercommeleferaientdessœursentreelles.Lesobserverainsiluiredonnalemoral.Êtreentourée,voilàcedontelleavaitbesoin,enfindecompte.Deplus,c’étaitlapremièrefoisqu’onprenaitsoind’elledecettefaçon.LizetClarissas’occupaientdesbranchementsetdel’installationdumeubleaupieddulitpendantqueLucyetAmysebattaientavecleursdenréescaloriques.Rinapenchalatêteetaperçuttoutcequ’ellesavaientapporté.C’étaittoutsaufsain,c’étaitparfait.Sucre,graisse,leréconfortultimedesfemmesquinepeuventpassedéfoulerdansunesalledegym.

—J’aichoisiçaspécialementpourtoi,ditAmyenluitendantunepoignéedechocolatsaucœurfondantaucaramel.

—Merci,lesfilles,c’étaitexactementcedontj’avaisbesoin.

—Ahtuvois,jetel’avaisdit!soufflaClarissaàl’attentiondeLucy.

Cettedernièrerestaitsilencieusedepuissonarrivéeetfuyaitsonregard.Avait-elleencoredelarancuneàsonintention?Siquelqu’undevaitsesentirmal,c’étaitbienelle.Rinal’avaitcontrainteàgarderunsecretets’étaitenfuiemalgrésesconseilsderenonceràcettefolie.Uneconneriequiluicoûtaitcher.

—J’aimêmepenséauxfeutres,renchéritAmyengrimpantprèsd’ellesurlelit.

—Lesfeutres?s’étonnaRina.

—Pourtonplâtre,ditlajeunefemmeendégageantleplaidetlacouette.

Ellesifflaendécouvrantlajambedesonamie.

—J’auraispeut-êtredûenprendredeuxpochettes.

—Çairacommeça,Amy,l’arrêtaLucy.C’estpascommesitusavaisdessiner.

AmyserenfrognaetsecalacontrelescoussinsprèsdeRinaenchipantunchocolatenveloppé.

—Oncommenceparquoi?demandaLizquiémergeaitenfindesesinstallations.

—Rinan’aqu’àchoisir,décidaClarissa.Dessin,DVDouorgiedemalbouffe?

—Pourquoipastoutenmêmetemps?proposal’intéressée.

—Enfinquelqu’unquimecomprend,alléluia!gémitClarissa.

Cettedernièrerampajusqu’ausacoùelleavaitglissélesDVD.

—LeshautsdeHurlechatteouNuitstorridesàSeattle?

—Clarissa...larabrouaLiz.

—Quoi?Sionnepeutmêmeplusmaterunpornoentrecopines.

—Jet’aimebeaucoup,Clarissa,luiditRina,maisjenepartageraipasçaavectoi.

Lucypouffaettiraunechaisepours’installeràcôtéd’Amy.LizinséraleDVDdeNuitsblanchesàSeattle–laversionoriginale–danslelecteur,puisappuyasurleboutonquienclenchalalecture.Pendantcetemps-là,lesfillesouvraientleursfriandises.Certainespréféraientlesalé,lesautreslesucré.Rina,elle,étaitunegueuleàsucre.Ellesecalalepaquetdeguimauvessurlescuissesetfixasonattentionsurlefilm.Elleneputs’empêcherdesourireensongeantqu’elleassistaitàsapremièresoiréepyjama.

Rinas’étaitendormieavantlafindufilm.Lafatiguecumuléeaustressduretouravaiteuraisond’elle.Quandelleouvritlesyeux,lesfillesavaientenchaînéaveclesecondfilmqu’ellesavaientapporté.

—Qu’est-cequ’ilétaitbeau,cetype!chuchotaitClarissa.

—Ill’esttoujours,ditLucy.C’estjustequesonimageaététernieparsonrôledansHarryPotter.

—Moijel’aibienaimédanslefilmavecJenniferLopezcommefemmedechambre,ajoutaLiz.

—Depuisquandturegardescegenredetrucs?s’étonnaLucy.

—Oh,c’étaitpasséàlatélé,jesuistombéedessusparhasard...

—Janeadoraitcefilm,prononçaAmyàmi-voix.Elleauraitappréciécettesoirée.

Lesautresfillesacquiescèrent.Lesouvenirdouloureuxdelajeunefemmeemplitl’appartement.Rinapouvaitpalperleurchagrinpourcellequiavaitétéleuramiependantplusieursannées.

—Jesuisdésolée,crut-ellebondes’excuser.Jen’airienpufairepourlasauver...

Ellessetournèrentverselledeconcert,étonnéesdelavoirréveillée.

—Onlesait,larassuraLiz.C’estunrisquequenousprenonsenfranchissantlesportesdubureauderecrutement.Tulesaisaussibienquenous.

Rinahochalatête.Laviecontinuait.Ellesétaientlàcesoirpourleluirappeler.Ellen’étaitcependantpassoulagéedupoidsdelaculpabilitépourautant.

—Clarissa?interpelaAmy.Rinan’apasencorevutesgraffitis.Tuattendsquoipourlesluimontrer?

Étantdonnéletondelavoixdesacamarade,Rinacompritquelaplusexubérantedesfillesavaitdûlaisserexprimersonartàsamanière.Toutefois,ellenes’étaitpasattendueàytrouverdespetitsnomsdesonacabit.

—P’titeCochonneVicieuse,lutRina.

Clarissaavaitréussiàornerlesmotsd’arabesquesetdefleurscoloréesqu’undesignertatoueurauraitpuluienvier.C’étaitsuperbe–sionfaisaitabstractiondusurnomdontellel’affublait.

—Sérieusement,Clarissa?Jevaisavoirl’airbienquandjevaispassermaradiolasemaineprochaine!

—Tulaisserasmonnumérosiontedemandequiafaitça.J’adoretoutcequiconcernelestravauxmanuels.

—Inutiledenouslerappeler,grognaLizenlevantlesyeuxauciel.

Lucycommençaitàrangerleurdésordre.Danslesacenpapier,ellejetaitlespapiersdebonbonsetautresvestigesdeleurgourmandise.

—Ilvaêtretempsdelaissernotrehôtessesereposer,lesfilles,dit-elleauxautres.

—Okay,concédaAmyavecunemoueboudeuse.Detoutefaçon,onsevoitdemain.

Rinaacquiesça.Elleétaitravied’avoirdesprojets–mêmeàcourtterme–pourl’aideràallerdel’avant.L’ennuiétaitsonpireennemi.

Amyl’embrassasurlesdeuxjouesetquittal’appartementlapremière,bientôtimitéeparClarissa.Liz,plusdistante,lasaluadelamain.

—Jedébrancheraitoutçademain.Jen’aipastroplecouragedelefairemaintenant.

—Pasdesouci,larassuraRina.Tupassesquandtuveux.

Là-dessus,Lizrefermalaportederrièreelle,lalaissantseuleavecLucy.Rinasepréparaitdepuisdessemainesàleuraffrontementenfaceàface.Elleauraitvoululuidiretellementdechosesquinevenaientpas.Elless’étaientditdeshorreursqu’elleregrettait.

Lucys’assitsoudainsurlelit,unpeuhésitante.

—Clarissanet’apasloupée,dit-ellepourdétendrel’atmosphère.Rienn’auraitpul’empêcherdelefaire,tulaconnais!

—Jevaism’yfaire.C’estassezamusant.

—Tusais...commençaLucyenosantlaregarderdanslesyeux.Jesuisvraimentdésolée.Jememêlaisdecequinemeregardaitpas.

—J’aicompristroptardquetuavaisraison.

Elleparutsurprisedel’entendrereconnaîtresestortssivite.C’étaitpourtantunfaitavéré.Elleavaitmerdé.

—Jel’aipayécher.J’aiperdulebébélà-bas,unpeuavantl’explosion.

Sonamieposaunemainsurlasienne.Aucunmotn’auraitpuvraimentlaréconforter,aussichoisit-elledes’abstenir.Enplus,ellesesentaitmalàl’aisefaceàladétressequeRinaressentait.N’étantpasdecelleàjeteràlafigurequ’elleavaiteuraisondelamettreengarde,ellevoulaitjusteluifairecomprendrequ’elleétaitlàpourelle.Commeuneamiesedevaitdelefaire.

—Quevas-tufairemaintenant?

—Jenesaispas,réponditRinad’unevoixtriste.Jedoisavancer,regarderdevantmoi.Jecroisquej’aimeraisessayerderecollerlesmorceauxavecAidan.

—Jecroyaisquetunevoulaispast’engager?Quetunepouvaispastomberamoureuse?

—Aidanm’afaitvoirlavieautrement,s’expliquaRina.Ilm’arendueheureuse,nousétionsbienensemble.Jenevoulaispasderelationsérieuseparcequejenemecroyaispascapable,àterme,defonderunefamille.Lamienneavoléenéclatsparmafaute.Etsurtout,onm’avaitassuréequej’étaisstérile...

Rinasoupira.Detouteévidence,lesmédecinss’étaienttrompésàcesujet.Toutespoird’avoirsapartdebonheurn’étaitpeut-êtrepasperdu.IlluirestaitjusteàsavoirsiAidanvoudraitfaireunboutdececheminavecelle,mêmesielleignoraitoùcelalesmènerait.

—Jesaisquetuescontreàcausedurèglement,enchaînaRinatandisqueLucygardaitlesilence.Maisc’estplusfortquemoi,jenesuispasloind’êtreamoureuse...

—Rina...Aidanademandéunemobilité.Ilsauramercredioùilestaffecté,puisilquitteraFortHolabirdséancetenante…

6—Rina?Tum’écoutes?

Lajeunefemmetentadeseconcentrersursoninterlocutricealorsquesespenséesdemeuraientailleurs.Ellen’avaitpastouchésonassiette,lanourritureauraitpuavoirungoûtdecendrequ’ellenes’enseraitmêmepasaperçue.Onétaitmercredietellenetenaitplusenplace.

—Tudisais?

—Unesortiesamedi,çatedirait?luiproposaAmy.Letempsseradoucit,ilvafairebeau.

DepuislanouvelleannoncéeparLucy,RinaavaitbiendumalàresterfixéesurautrechosequesurAidanetcequil’avaitpousséàformulersademandedetransfert.Àn’enpasdouter,toutétaitsafaute.Lucyl’avaitmêmesubtilementsous-entendu.

—Pourquoipas?

Enréalité,ellen’enavaitstrictementrienàfairedesprojetsduweek-end.Seulleverdictdelacommissionluiimportait.

Lucynedéjeunaitpasavecelles.ElleavaitdécidédecamperdevantlesbureauxdeGordonpourêtrecertainedenepasmanquerAidanlorsqu’ilsortiraitdesonentretien.

Était-ceégoïstedenepasvouloirsondépart?Sansdoute.Ellen’étaitsimplementpasprêteàlelaisserpartirdecettefaçon.Elleauraittantvoululuiparler,lefairechangerd’avis,oudumoinsavoirunediscussionfrancheaveclui.S’ils’avéraitquelapagelaconcernantétaittournée,elles’efforceraitderespectersonchoix.Ets’ilyavaitunespoir,mêmemince,aprèssesrévélations,qu’iléprouveencorequelquechosepourelle,elleaviserait.Ellenevoulaitpasleperdre.Decela,aumoins,elleétaitsûre.

Elleregardaitl’heuresursonnouveautéléphonetouteslesminutes.Cetteattenteétaitinsoutenable.Elleavaitenviedecourir,derechargersespoumonsetsoncorpstoutentierdegrandesboufféesd’airfrais.Depuisqu’elleétaitbloquée,ellesesentaitinutileetnepouvaitrienfaireàpartattendrequesesosseressoudent.Ellen’étaitpascapabled’allersepromenerseuledansleparcnimêmedeparcourirlescouloirsdelaclinique.Ellevoulaitdespatients,s’enoccuper.Letempspassaittroplentement.

—Pourquoicroyez-vousqu’Aidanveuilles’enaller?interrogeaClarissaentredeuxbouchéesdepouletrôti.

—Aucuneidée,réponditAmyquiétaitplusabsorbéeparsapommequeparlaconversation.Tuasunavissurlaquestion?

—Àmonavis,commençaEdwina,ilyaunefillelà-dessous.Çanem’étonneraitpasvenantdelui.

—Ons’enfout,tranchaLiz.Finissezdemanger,onaduboulot.

Laquestionsemblal’irriter.Rinacompritqu’ellesavaitquelquechose.Maisquoi,aujuste?

Elleselevabrusquementdetableetramassasesbéquilles.Toutecettetensionluiavaitcoupél’appétit.

—Tuvasoù?luidemandaLiz.

—J’aibesoind’air.

Ellen’entendaitmêmepluslesprotestationsdesescamarades,elles’enfuitaussirapidementqu’ellelepouvait,sebalançantd’avantenarrièresursesappuis.Ellevoulaitenavoirlecœurnet.Elleaussiavaitledroitdepasseràautrechoseaussivitequepossible,non?

Ellearrivaépuiséedevantlebâtimentprincipalquelquesminutesplustard.ElletrouvaAidanetLucyassissurunbanc.Ilsriaienttouslesdeux.Impossibledesavoirs’ilavaitobtenuletransfertqu’ilsouhaitait.Elleauraitvoulus’approcheretluidemanderd’abrégersessouffrances.Ilavaitl’airheureux.L’était-ildequitterFortHolabirdpourdebon?

Ellesetrouvaitnulle.Pourquoiréagirainsi?Elleallaitfairedemi-tour,rentrerchezelleetrongersonfrein.Quandelleseretournaavecconviction,ellesentitl’unedesesbéquillesglissersurlegoudrongelé.Avantdepouvoirtrouverunsemblantd’équilibre,elletombalourdementsurlesfesses,entraînantlesbéquillesavecelledansunbruitmat.

—Merde!

Elleavaitmal.Ladouleur,lancinante,sediffusadesonpostérieurjusqu’aumilieudesondos.Leslarmesaffluèrent,ellesemorditlajouepournepassombrer.Alorsqu’elleréfléchissaitàlamanièredontelledevraits’yprendrepourserelever,elleentenditdesbruitsdepasseprécipiterdanssondosetsentitdesbrasquitentaientdelaremettredebout.

—Çava?s’enquitlavoixaffoléedeLucy.Qu’est-cequetufaislà?

—J’aimal...

—Oùça?

—Euh...auxfesses.

EllevitLucysepincerfermementleslèvrespourretenirsonrire.Rinaauraitpufairedemêmesiellen’avaitpaseusimal.Lasituationétaiteffectivementcomique.D’unridiculeaffligeant,même.

—Ondevraitl’emmeneràlaclinique,fitAidan.Onnesaitjamais...

Elleneprotestapas,laissantAidanlasouleverdeterreetlapressercontrelui.C’étaitsiagréable…Quandellerouvritlesyeux,ellecroisaleregardinquietdeLucyquilessuivait.Illamenajusqu’àlacliniqueoùilsentrèrentparleservicedesurgences.Là,ellevitl’interneAtkinspâlirquandillesaperçut.

—Rina!Qu’est-cequivousarrive?

—Riendegrave,jesuisjustetombée.Jecommencedéjààmesentirmieux.

Faisantfidecequ’ellevenaitdeluidire,ildemandaàsescompagnonsdelatransporterjusqu’auxadmissionsoùelleremplitsondossieravecuneinfirmière.Atkinsrevintquelquesminutesplustard.

—Jevaisvousinstallerensalled’examens.

—Jetedisquejevaisbien!

Leregardd’AtkinspassadeLucyàAidansansmêmecroiserlesien.Rinavitcederniersecouerlatête.QuantàLucy,ellerestaitmuette.Ellenesemblaitpasavoird’autreschoixquedeselaisserexaminer.Bien.Plusviteceseraitfait,plusviteellepourraitretournerseréfugierdanssonlit,làoùellevoulaitfinircettejournéecatastrophique.

Lejeuneinternel’installadanslasalled’examensàl’aidedeLucypendantqu’Aidanrestaitdeboutàl’entréedelapièce,lesmainsdanslespoches.Quandellevouluts’asseoir,Rinagémitetpréférarestersurunpied.

—Jevaispeut-êtreattendreunpeu,reconnutRina.

—Jeprévienslaradio,luiappritAtkinsensortant.

ElleseretrouvaseuleavecLucyquinesavaitvisiblementpasquoiluidireetévitaitsonregard.QuantàAidan,ilsemblaitmaintenuhorsdelasalleparunevitreinvisible.Dequoiavait-ilpeur?

—Alors?s’enquitRina.Quelestleverdict?

LucysetournaversAidan.Rinaseconcentrasurlessensationsdésagréablesquifourmillaientdanssonventreenespérantqu’ellesnefaisaientquepasser.

—JequitteFortHolabirdbientôt,lâchaAidan.J’attendsladatedemontransfert.

—Jevaisvouslaisser,décidaLucyenluitournantledos.

Ellepassaprèsd’Aidanets’engouffradanslecouloiràtoutesjambes.Ellenesemblaitpasvouloirtraînerparici.Avait-ellepeurqu’ilsn’enviennentàs’écharper?

—Jenevaispastemordre,finitpardireRinaàAidanquidemeuraitimpassible.

Rinasavaitsemaîtriserquandelleledevait.Elleavaitbeauavoirenviedeluitordrelecouautantquedesefondredanssesbras,ellegardaitentêtequ’ilchoisissaitlafuite.Ellequiétaitpasséemaîtredanscetartnepouvaitpasluienvouloir.

—Jen’arrivepasàresterlàenfaisantcommesiriennes’étaitpassé,prononça-t-ildoucementenosantlaregarderenfin.Jetenaisvraimentàtoi.

Ellelesavait.Maiscommentluiexpliquerqu’elleavaitrefusédesaisircettepartdebonheurenpensantleprotégerd’elle-même?

—Tum’asblessé,Rina.Detouteslesmanièrespossibles.J’aibesoindepartir,dechangerdevie.Avectoidanslesparages,j’aidumalàfairetablerase.

C’étaithonnête,duAidantoutcraché.

—Jelecomprends,avoua-t-elle.Jesuisdésolée.

—Tunesaisdirequeça,luireprocha-t-il.

—Jeregrettedet’avoirfaitdumal,s’excusa-t-elleencore.Jepeuxt’expliquer…

—C’esttroptard,Rina.J’auraisvoulutouttedonner,jemeseraisbattupourtoi,jusqu’àobtenirdeGordonqu’ilnousfoutelapaix.J’étaisdéterminéàteprouverquetuétaiscellequejevoulais.Tun’aspasvouludemoi,jel’accepte.Jenepeuxpasforcerlessentiments…

—Aidan…

Illevalamainpourl’arrêterdanssonélan.

—Cequej’essaiedetedire,c’estquetuespasséeàautrechose,c’estdoncàmontour.

—Ettuvasalleroù?

—FortMonroe.

—Oh…Ilparaîtqueleurprogrammed’entraînementestlemeilleur.Tuvasteplairelà-bas.

—Onmeveutcommeinstructeur.

Ellecapitula.C’étaitunesacréeopportunitépoursacarrièrequiseprésentait.Ets’ilnevoulaitpasêtreretenu,ellen’allaitpasallercontresonsouhait.Elleétaitmalheureuse,maisellel’avaitbiencherché.C’étaitlereversdelamédailleaprèsl’avoirblessé.

—Toctoctoc,lesinterrompitunenouvellearrivanteenblouseblanche.

Lejeunemédecinluiétaitinconnu.Sonairétaitenjouéetteintéd’unfrancsourire.Elleserralamaind’Aidanpuisentradanslasalled’examenspourvenirseprésenteràelle.

—Bonjour,Rina,jesuisleDrCassidyClark.

Elleavaitunevoixtrèsdoucequiallaitavecsonvisagedepoupéemétisse.Sescheveuxbrunscoupésenuncarrésoyeuxl’encadraientsansluidonnerlaraideurquecettecoiffureconféraitsouvent.

—Jevousremplacependantvotreabsence,annonçalajeunefemme.Aprèsvotreconvalescencenousseronsamenéesàtravaillerensemble,j’aiprislepostepourquatremois.

Ainsielleétaitsaremplaçante.EllesedemandacommentLucypercevaitcettenouvelletête,etsurtoutsielleétaitàlahauteur.

—Votreamipeutentrer,jen’yvoispasd’inconvénient,lesrassuraleDrClark.

Rinaregardapar-dessusl’épauledesaconsœur.Aidanlesdévisageaitsanssavoirquoifaire.Sielleavaitd’abordeuenviequ’ilresteprèsd’elle,ellenelesouhaitaitmaintenantplus.Pasaprèscequ’ilsvenaientdeconclure.Leurbrève,maisjoliehistoireseterminait.Ilétaitclairqu’Aidanneluidonneraitaucuneautrechancedeseracheter.Ilavaitsimplementbesoindemettreautantdedistancequepossibleentreeuxdeux.

—Nousenavionsterminé,déclaraainsiAidan.Bonnecontinuation.

Ilfermalaportederrièrelui.Rinarestainterloquéequelquessecondesàlafixer,laboucheouverte.«Bonnecontinuation»?Sesderniersmotspourelleétaientbienimpersonnels.Maisàquois’était-elleattendue?

—Ànous!s’exclamaensuiteCassidyClark.Oùavez-vousmal,lieutenantJames?

Rinanel’écoutaitpas,tropremuéeparlapetitescènequivenaitdesedérouler.Elleserepassaitlefildesévénementsdesderniersmois.Ledésespoirluidonnaenviedevomir.Elleavaitfinalementperduleseulhommedontelleétaittombéeamoureuse...

Deuxheuresplustard,elleétaitderetourchezelleavecunbelhématome.Ellen’avaitriendegrave,maisdevaitsetenirtranquilleselonlesrecommandationsduDrClark,unefemmeaussigentillequ’énervante.Rinalatrouvaittropmaternelleàsongoût.

Elleavaitungrandbesoindesechangerlesidées,devoirdumonde.Pendantquelesfillesétaientréquisitionnéesparleurstâches,elleseretrouvaitdésespérémentcoincéedanscettepièce.Lizavaiteulagénérositédeluilaissersasuperbetélégrandformatpourladistraire,pourtantelledevaitserendreàl’évidencequecen’étaitpassuffisant.Ellesaisitsontéléphoneportabletoutneufetcomposalenumérod’unecompagniedetaxi.

—Bonjour,c’estRinaJames.Alestdeserviceaujourd’hui?

—Oui,réponditlastandardiste.Ilpeutpasservousprendredansunedemi-heure,c’estbonpourvous?

C’étaitparfait.Celaluilaisseraitletempsd’enfileruntrucdécentetconfortableavantsonarrivée.Ellerêvaitd’unebelleprojectiondansunesallesombreavecuncartongéantremplidepopcornsucrésurlesgenoux.

Elleréussitàdescendrelesmarchesseule–bienquecenesoitpasl’idéedel’année–,etattenditAldanslehalldelarésidence,biencaléedansunfauteuil.Dansleréfectoire,unepetitefêtesemblaitsepréparer.Plusieursrésidentsyentrèrentlesbraschargésdecartonsd’oùdépassaientdesdécorationsenpapieretdesgobelets.Lepersonneldecuisines’occupaitmêmedelamiseenplacedestableset

deschaises.Ellesedemandaitquelévénementseraitàl’honneurquandelleentenditlavoixd’Aidanserapprocher.

—Ouipourcesoir,merci.Cesontdesplateauxdecombien?Okay,ilm’enfaudrasix.Vousfaitesaussidesfruitsdemer?

Soncœurseserraquandellecompritqu’ilétaitl’organisateurdelapetitesauterie.Ilvoulaitfêtersondépart,heureuxdechangerd’horizon.

—Dix-huitheuresceseraitparfait,conclut-ilenapparaissantdanslehall.

Leursregardsserivèrentl’unàl’autreinstantanément.Pouruneraisonétrange,ilsemblapeinédelatrouverlàalorsqu’ilétaitautéléphoneavecsontraiteur.Ilraccrochaprécipitamment.

—Tuaseuladatedetondépart?luidemandalajeunefemmeavantdeluilaisserletempsdedisparaître.

—Samedi.Jeparsàlapremièreheure.

Dansmoinsdetroisjours,ilsortiraitdesavieàtoutjamais.Ilyavaitpeudechancequ’ellelecroiseànouveauunjour.D’autantplusqu’ilétaitpeuprobablequ’ilsseretrouventconviésàlamêmeréuniondefamille.Malgrésonrapprochement–mince,certes–avecsesparents,sasœurnes’étaitpasmanifestéedepuis.Lydiaavaitlatêtedure.

—Jetesouhaitebonnechancepourlasuite,Aidan.Tulemérites.

Sesyeuxbleusn’arrêtaientpasdelafixer.Sespupillessedilataientets’étrécissaientcommesielleslaphotographiaient.Intimidée,bienqueconquiseparceregardintense,Rinasentitsesjouesrougir.Mêmelecœurenvracetsesémotionsincertainesnepouvaientempêchersoncorpsderéagir.

—Merci.Jetesouhaitelemeilleuràtoiaussi.

Ilavaitremissesmainsdanssespoches,commechaquefoisqu’ilnesavaitpasquoienfaireouqu’ilavaitpeurdelatoucher.Cetaprès-midi-là,elleétaitplusjoliequ’ellenel’avaitjamaisété.Sescheveuxramenéssuruneépauleluidonnaientunairfaussementnégligéqu’ilaimaitretrouverlematinausautdulit,quandilavaitprisplaisiràlamalmenerdurantlanuit.

Savoirqu’illavoyaitsansdoutepourladernièrefoisluidonnaunefurieuseenviedelaprendredanssesbras,delaporterjusqu’àunendroitcalmeoùilpourraitserepaîtred’elleautantquepossible.Unedernièrefois.Luifairel’amourlongtempsetintensément.L’aimerpourmieuxlaquitter,pourapaiserlatensiondesesregrets.

Elles’humidifialeslèvres.Cepetitacte,siinsignifiantfaitpartantd’autres,lerenditfou.Ils’approchadufauteuildanslequelelleétaitassise,sepenchaverselleetattrapalescheveuxdanssanuquepourlaforceràtendreleslèvresverslui.Pendantquelquessecondes,illadévoradesyeux.Illutdel’incompréhensiondanslessiens,desdoutes,maisaussilesentimentqu’elleenavaitenvieautantquelui.

Ilnedevaitpasl’embrasser,ilsavaitqu’ilallaitleregretter.Maisensentantsajouefraîchecontre

sapaumeetsescheveuxsidouxdansl’autre,ilseretrouvaassaillipardesfourmillementsdanssonventrequifirenttairetoutepenséerationnelle.Légère,lasensationglissajusqu’àsoncœur.Dupouce,ilfitletourdeseslèvresgonfléesethumides.Sentirlesoufflechauddelajeunefemmeeutraisondelui.Ilcomblaenfinlamincedistancequ’ilavaitmaintenueentreleursbouchesetleurssoufflessemêlèrentinstinctivement.Tropheureuxderetrouverseslèvresfermesetdoucescontrelui,illestraçalentementduboutdelalanguepourl’agacer.Satisfaitdel’entendreprotesterd’impatience,ilrecueillitsongémissementetapprofonditcebaiser.

Toutavaitcommencéparunbaiser.Unpetitbaiserquil’avaitrendufoud’elleaupointdetomberamoureuxdesabouche,desoncorpsetd’elletouteentière.Aujourd’huiencore,seslèvresluifaisaienttoutoublier.Ilneressentaitplusdecolère,plusdedéception,plusdetristesse.Ilgoûtaitjusteaubonheurdel’avoirdanssesbras.

Toutavaitcommencéparunbaiserchastedevenuintense,quelquesmoisplustôt.Toutseterminaitdésormaisparunbaiserdésespéréetbrûlantdontilnevoulaitpluss’arracher.

Ilauraitfacilementpuvivreensenourrissantd’elleetdecequ’ilressentaitenlatouchant.Lafaçondontellerépondaitsanshésitationàsonintrusionnel’aidaitpasdutout.LalanguedeRina,suaveettaquine,caressaitlasiennejusqu’àlefairegeindreàsontour.Ellel’aspirait,luivolaitl’essencemêmedesonêtrechaquefoisqueleursbouchesserencontraient.Voilàpourquoiilétaitvulnérablequandilétaitprèsd’elle.Etpourquoiilmettaitsoncœurendanger.

Unklaxonlointainlesinterrompitpourtant.Lesdoigtsencorecrispéssurlesbrasd’Aidan,Rinas’écartalapremièrepourdécouvrirqueletaxid’Alétaitgarédevantlarésidence.

Tropviteàsongoût,ellepassaleboutdesesdoigtssurseslèvresquileréclamaientencore.Aidanetsesbaisersavaientréveilléundésirfulgurantetramollisesjambesenquelquessecondes.Était-ceunadieuoulapromessedenepasl’oublier,ellen’auraitsuledire.Mêmesonsoupirétaitchargédedoute.

Ilseredressaets’écartabrutalementafinderesteràunedistancecorrecte.Ilétaitextrêmementtendu.

—Jen’auraispasdût’embrasser.

C’étaitdit.Aumoinsilnetournaitpasautourdupot.Elleétaitdéçuebiensûr,maisavait-ellevraimentenvied’ajouterunenouvellecomplicationàsonquotidiendéjàsuffisammentsecoué?

—Alorspourquoil’avoirfait?voulut-ellesavoir.

Ilsoupiraàsontourenpassantsesdeuxmainsdanssescheveux.LemouvementfitlégèrementremontersonpullàcolVpourdévoilersafinetoison.Ellecouraitsursonventreplatjusqu’àlanaissancedesonboxerquesonjeannecouvraitpasentièrement.L’estomacdeRinafitunbond.

—C’étaitplusfortquemoi,jesuppose...Jesuisdésolé.

—Nelesoispas.C’étaitunadieudélicieux.

Ilsemblasurprisparl’aveuqu’ellevenaitdeluifaire.Ellevitsedessinerunpetitsouriresatisfait

qu’ileffaçatrèsvitedesonvisage.

—Alt’attend,luiannonça-t-il.

Ill’aidaàsemettredeboutetgardasamaindanslasiennepluslongtempsquenécessaire.Cedernierinstantparaissaitlourd,empreintdetousleurssentimentsinavoués.Rinatremblait.Parcequ’elleavaitpeurdesemettreàpleurer,ellebaissalesyeux.

—Aurevoir,Aidan.

—Aurevoir,Rina...

Aumilieudelanuitsuivante,alorsqu’ilavaitposésatêtesursonoreillerdepuisuneheureàpeine,Aidansetrouvatirailléparunevisionérotique.Celle-cimettaitenscèneunefemme,blondeettouteencourbes,nuesousuneblouseblanche.Elleneportaitrienàl’exceptiondebasnoirsensoie.Satenuedévoilaitàpeinelesrondeursdesoncorps,lespanscachaientsesseinsrondsdontilavaitenviedes’approcher.Ellearqualesreinspourluiprésenterleprofild’ellequ’ilpréférait.Maisalorsqu’ilétaitsurlepointdecéderàsonenvie,lesommeilluijouaunemauvaisefarce,leforçantàsortirdesonrêve.

Ilrepoussasesdrapspourdécouvrirsalourdeérectionemprisonnéeparsonboxer.Sonsexeétaitdouloureux,commeauborddel’agonie,ilfrottaitcontreletissuquilemaintenaitenplace.Ildécidadel’enextirperpourluipermettredeprendresesaisesletempsderetrouversoncalme.Celaneluiressemblaitplusd’êtreréveilléenpleinenuit,surtoutlorsquelafatigueauraitdûl’emportersurl’excitation.IlnepouvaitcependantpasniersifacilementquelebaiseréchangéavecRinaunpeuplustôtdanslajournéel’avaitchamboulé.Ill’avaitmêmeexcitéaupointd’ypensertoutelasoiréeetdeguettersonentréeaucoursdelapetitefête.Ellen’étaitpasvenue,avait-ilconstaté,déçu,avantdesemettreaulit.Mêmes’ilnel’avaitpasinvitée,ilpensaitqu’ellevoudraitlevoirunedernièrefois.Commeluienavaitenvie.

Ilouvritlesyeuxdanslenoir.Iln’avaitpasprévuquelaperspectivedequitterFortHolabirdseraitsidifficile.Àcetteidée,l’airluimanquadanslespoumons.Ilseredressasurlelitetcherchal’interrupteuràtâtons.

Quandlapièces’éclaira,ilsursautaenconstatantqu’iln’étaitpasseul.Surprisdanssonintimité,ilcherchaledrapets’encouvritmaladroitement.

—Bordel,qu’est-cequetufouslà?

—Jeteregardaisdormir,luiappritsavisiteuse.

Agacé,maisterriblementgauche–étantdonnélasituationdélicatedanslaquelleilsetrouvait–,ilallaitchercheràlachasseravectouteladiplomatiedontilétaitcapable.

—Tunedevraispasêtrelà.Commentas-tueulaclé,cettefois?

Lajeunefemmericanaetselevadufauteuilpourlerejoindreaulit.Sansgêne,elleygrimpaàquatrepattespourseglisserjusqu’àAidan.

—Jesaisêtretrèspersuasiveavecmonpère,tusais.Etpuis…ilaunedentcontretoi.Iln’apasbeaucoupappréciétademandedetransfert.

IlauraitdûsedouterqueGordonyverraituninconvénient.Pourquoinepasluiavoirditnonaulieud’envoyersafille?Espérait-ilquesoncharmeopèresurlui?Ouencorequ’ilfiniraitparl’épouseraprèstoutescesannées?Ilsoupira.Iln’étaitpasencoretiréd’affaire,soustoutevraisemblance.

—Qu’est-cequetuveux?luidemanda-t-il.

Ellesepenchapourfrôlerseslèvresdessiennes.Cegestelemitmalàl’aisealorsqu’ill’avaitembrasséedesmilliersdefois.Depuislabanquettearrièredesavoiturejusqu’àcelit.L’attractionn’étaitpluslàdepuislongtemps.Àquoibonfaireencoresemblantmaintenant?

Illarepoussadelamainetluiindiquadequitterlelit.

—Tun’aspourtantpasl’airindifférent,constata-t-elleendésignantsonérectionquandilfutsurpieds.

—Cen’estpasàtoiquejepensais.Tupeuxdéguerpiretmelaisserdormir?

Ellerepoussaseslongscheveuxsursesépaulesets’assitsurleborddulitencroisantlesjambes.

—Jesavaisbienquesonarrivéenousseraitnéfaste.Tun’asjamaisvoulum’écouter.Unefillequidonnesonculàn’importequinepeutapporterquedesproblèmes.Pourquoicrois-tuqu’elleaitétéaffectéeicienurgence?Ilsl’ontquasimentviréeparcequ’elleacouchéaveclamoitiédeFortSill!

Aidannepouvaitensupporterdavantage.Ellementait.Mensongeoufictiondesonimagination,peuluiimportait.Toutesceshistoiresseraientbientôtderrièrelui.

—Nousavonsunaccord,Aidan,luirappela-t-elle.Situnel’honorespas,jereviendraisurmesdéclarations.Pourcecrime,iln’yaaucuneprescription…

—Qu’est-cequetuattendsdemoi,exactement?

—Queturestesici.Jeveuxrecommenceràzéro.Laisse-moiteprouverquejesuiscellequ’iltefaut.Touslescouplesconnaissentdemauvaisespasses.Etpuisquetuvoulaist’enallerpourt’éloignerdeRina,jeserailàpourtechangerlesidées.

Sonsourirefaussementmielleuxnelerassuraitpas.Ilavaitl’impressiondevoirfumersesoreilles.Ilétaitcertainqu’elleréfléchissaitdéjààtoutevitesseàsonnouveauplan.Ilespéraitjustequ’ellenes’enprendraitpasàRina.Ellen’avaitcertespasétéhonnêteaveclui,maisellen’étaitpasdutoutconcernéeparleurshistoirespassées.

Elleluitenditlamainpourscellerleurnouvelaccord.Ilétaittenté.Pasdereprendreunevieàdeuxavecelle,c’étaitau-dessusdesesforces.Cequ’ilvoulaitcependant,c’étaitnégocier.

—Sijereste,ceseraàuneseulecondition.

—Jenepensepasquetusoisenpositionderéclamerquoiquecesoit,Aidan.

—Jecroisquesi,aucontraire.Puisquejepréfèrepasserquelquesannéesenprisonplutôtquedefairemavieavectoi.

Ellecroisalesbrassursapoitrinemenueetselevapourl’affronter,lesyeuxdanslesyeux.Ilsedoutaitqu’elleétaitcontrariéeparsarequête.Ildisaitvrai.Mêmes’iln’avaitpaspourambitiond’êtremisàl’ombrepourlesprochainesannées,celaluisemblaitplusdouxqu’unaveniràsescôtés.Ilsentitunfrissonluiremonterlelongdudosensongeantàcequil’attendait:manipulation,mensongesetfauxsemblantstapisseraientsonhorizon.Sicelaavaitconstituésonpassé,ilnesevoyaitpassubirànouveaucelaàl’avenir.

—Tusaisquelesflicscherchenttoujoursmonagresseur?

—Qu’est-cequeçaaàvoiravecmoi?

IlémitunpetitrireenenfilantunT-shirtposéauboutdesonlit.

—Jesaisquec’esttoi,luirévéla-t-il.J’aireconnutesbottesquandj’étaissouslajeep.J’aimêmesentitonparfum.

Quandillavitrougirdecolère,ilcompritqu’elleleprendraitdésormaisausérieux.Quiauraitpufairecelaàpartelle?Jalouseetmauvaise,illasavaitprêteàtoutpourluirendrelemalqu’illuiavaitinfligéenlaquittant.Mêmeàl’atteindreautraversdeRina.L’attirancequ’ilavaitpourcettedernière,ellel’avaitperçuetoutdesuite.Sasécuritéluiétaitbienégale.Lasienne,enrevanche…

—Net’approcheplusdeRina,luiimposa-t-il.

—Tul’aimes.

Cen’étaitpasunequestion.Ilvoyaitqu’elleétaitentraindelireenlui.Ils’envoulait,maiscommentéchapperàcelaalorsqu’ilnerespiraitplusquepourelle?

—J’aimeraisjustequetulalaissestranquille.Ellen’arienàvoirlà-dedans.

Ellehaussalesépaulesets’approchaànouveaudelui.Sesyeuxs’étaientassombris,ellepinçaitseslèvresfines.

—Aufond,vousiriezbienensemble,elleettoi.Vousavezaumoinsunpointcommunpuisquevousaveztouslesdeuxtuéunbébé…

7Aidanserraitlesdentsetlespoings.Ellenemanquaitjamaisuneoccasiondeleprovoqueroude

raviverlaculpabilitéquil’habitaitdepuisdesannées.Leurfilsauraiteudouzeanscetteannée.Leursviesauraient-ellesétédifférentess’ilétaitencoredecemonde?Ilinspiraprofondément,chassantl’imagedesonpetitcorpsinaniméreposantdanssesbras.

—Va-t’en,luiordonna-t-il.Tunecroispasavoirfaitassezdedégâtsdansnosviescommeça?Jeneveuxplustevoir.

Lajeunefemmeluisouritsanspourautantaffirmerêtred’accord.Iln’avaitmêmeplusenviedenégocier.Elleluiavaitrappeléàquelpointelleétaitdenatureàjoueravecsesémotions.Ellesavaitsurquellecordesensibleappuyer.

—Réfléchisbien,Aidan.Tuasjusqu’àdemain.Situnefaispastoutcequejedemande,jerévélerailesvéritablescirconstancesdelamortdeNoah.

Surcesmots,elleenfilasonmanteauetsortitsansbruit,telleuneombrefurtivequiauraitsimplementtroublélasérénitédesonsommeil.

Rinaréussitàseglisserdanslacliniquelelendemainmatin.Sûred’arriveraumomentdeschangementsdeservices,elles’engouffradansl’ascenseurnivuniconnuetarrivaàl’étagedesoncabinetsanscroiserpersonne.Là,elleentraavecassurancepourdécouvrirqu’ilavaitétéinvestiparsaremplaçante.CassidyClarkétaitpenchéeau-dessusdesonbureauetparcouraitundossier.

—Rina!s’exclama-t-elleenladécouvrantsurlepasdelaporte.Bonjour!Jepeuxfairequelquechosepourvous?

Assomméeparsonsourireradieuxetsurtoutétonnéedelavoirlà,Rinabégaya.

—Je…Jenem’attendaispasàvoustrouverlà.

—Jevousremplaceetiln’yavaitpasd’autrecabinetdisponible.Jemesuispermisdemettrevosaffairesdecôtéetd’arrangerlapièceàmonidée,j’espèrequecelanevousdérangepas.

Rinasentitlacolèreluimonteraunez.Sicelaladérangeait?Incontestablement.Ilnefallaitpasêtreungéniepourcomprendrequ’ellesesentaitécartéeparcetteétrangère.

—Pasdutout.Faitescommechezvous,DrClark.

Ellesesentitridiculedejouerleshypocritesalorsqu’elleavaitjusteenviedeluidemanderde

quitterleslieux.Maiselleavaitraisonsurunpoint:ellen’étaitpascenséereprendreletravailavantplusieurssemaines.

—Cassidy,rectifialajeunefemme.

Rinaacceptad’unsignedetêteetseretournaitpours’enallerquandelleseretrouvafaceàAidanquidéboulaitducouloir.Ilsemblaembarrasséquandleursregardssecroisèrent.Ilnes’attendaitvisiblementpasàlavoirici.

—JepensaisvoirleDrClark,luiapprit-il.

—Elleestici,jem’enallaisjustement.Tuvienspourlavisiteavantletransfert?

—Pasexactement.

Ellearquaunsourcil,l’interrogeantensilence.Illuifitcomprendred’ungestequ’ilnesouhaitaitpasenparlertoutdesuite,sibienqu’ellechoisitdel’attendresurunechaiseprèsducomptoirdesinfirmières.Cetteattitudemystérieuseméritaitqu’elles’yattarde.Combiendetempsluirestait-ilàpassericietfaudrait-ilàsoncœurpourdésapprendreàs’emballerchaquefoisqu’ellepensaitàlui?

Elleavaitlesmainsmoites.Ellelesfrottasursonpantalondejogging,sedemandantsiellenefaisaitpasuneerreur.Vouloirs’accrocheràunbateauquicoule,c’étaitlanoyadeassurée.Leurrelationétaittoutefoisuntrèsbeaunaufrage.

Elleallaitfinalementrepartirquandlaporteducabinets’ouvrit.Entournantlatête,ellevitCassidyremettresacarteàAidanetajouterdoucement:

—Appelez-moi.

Rinaselevabrusquement,oubliantqu’elleavaitbesoind’unappui.Voircettefillefairedurentre-dedansàAidanluiinsufflaunedosed’énergie.Elleavaitdéjàmisdecôtéladouleurquisepropageajusquedanssacuissequandelleposalepiedparterre.Ellebouillaitintérieurement.Lajalousieétaitunsentimentpeufamilierquiluifitaussipeurquelessentimentsqu’elleéprouvaitquandelleétaitenprésenced’Aidan.Ellegrignotaitsesentrailleslentement,troppourquecesoitunevolontédel’épargner.Etcelalarendaitfolle.

AidannesemblaitpasindifférentàCassidyqui,ilfallaitl’avouer,étaitunetrèsbellefemme,pluspetiteetplusfinequ’ellenel’était.Rinabaissalesyeuxsursesvêtementsinformesetternes.Lacomparaisonétaitvitefaite.

—Aidan…l’appela-t-elleensetenantaumur.

Quandilentenditsavoix,ilréagitimmédiatement.Sesyeuxlimpidess’accrochèrentàsonregard.IlpritmachinalementcongédeCassidypours’approcherd’elle.

—Qu’est-cequetufaislà?luidemanda-t-il,plusheureuxquemalàl’aisedelatrouverlà.

—Tusemblaisplutôtpressédefairecettevisite,çam’aintriguée.Ondiraitbienquenosadieuxvonts’éterniser,finalement.Bonoumauvaissigne,àtonavis?

Illapritparlesépaulessanscesserdeladévisager.S’ilsavaitqu’encetinstantellerêvaitjustedel’enleverpourlaisserlibrecoursàsapropreversiondesadieuxparfaits,ilseseraitsansdouteenfui.

—Jenesaispas.

—Aidan…Ilfautquejeteparledequelquechoseavantquetut’enailles,c’esttrèsimportant.

Ilsoupiracommes’ilenavaitassezderessassertoutcelaetqu’ils’apprêtaitàl’envoyerbalader.Pourtant,ilsaisitl’unedesesbéquillesetl’aidaàgagnerl’ascenseur.Jusqu’àcequelesportesneserefermentsureux,ilneditpasunmot.Aulieud’appuyersurleboutondurez-de-chaussée,ilbloqualemécanisme.

—Qu’est-cequetufais?s’étonnaRina.

—Tuesclaustrophobe?

—Non,pourquoi?

—Parcequenousallonsresterlàunpetitmoment.

Elledéglutitdifficilementencroisantsonregardblesséposésurelle.Deuxmoisplustôt,cettesituationl’auraitamuséevoiremêmeexcitée.Touslesdeuxcoincésdansunascenseur,ouielleyavaitpensé,maispasvraimentdecettefaçon.Était-cesaseuleprésencequilebouleversait?Ouautrechose?

Elleseretrouvapriseaupiège,adosséeàlaparoi,lecorpsd’Aidantoujoursplusprèsdusien.Ilsepenchaalorsqu’ellesetenaitàlabarremétalliquequimeurtrissaitlebasdesesreins.Lalueurassassinedesonregardsemêlaitàcelledudésiret,illuisemblait,àcelledesentimentsplusprofonds.CeuxdeRinaéchappaientàsoncontrôle.Ellenesavaitplusdutoutdequoielleavaitenvie.Vidersonsac?Oufairetombersonpantalonpourl’accueillirenfinoùellelevoulaitardemment?

—Qu’est-cequetuattends?s’enquit-elleenpressantunemainsurl’unedesesjouesrugueuses.

—Jeréfléchis,avoua-t-ilenfixantsabouche.Parcequejesaisparavancequejen’auraiplusenviedet’embrasserlorsquetuaurasparlé.

Piquéeauvif,ellesereculaautantqu’ellelepouvaitpourleregarder.Pendantunebrèveseconde,ellecrutlirequ’ilsavaitquelsujetellevoulaitaborder.Elleallaittenterd’ensavoirplusquandilécartabrusquementsesjambespourlacalercontrelaparoimétallique.

—Aidan…

—Chuuuut,murmura-t-ilcontresabouchealorsqu’ilprenaitplaceentresescuisses.Situenasenvieautantquemoi,nedisrien.Negâchepasça.

Loind’ellel’idéedegâchercedontellerêvaitdepuisdesjours.Riend’autrenecomptaitquelamaind’Aidanquicouraitsoussonsweat-shirt.Lefeucouvaitsoussapeau,necherchantqu’àsefrayeruncheminpourexulter.

Quandleursbouchesseretrouvèrentenfin,ellesoupiracontresalangue.Humide,délicieuse.Sabouchel’apprivoisaitcommeaucunhommen’avaitsulefaireavantlui.Ellelafitplier,lafitfondreentresesbrasalorsmêmequ’elleessayaitdes’accrocheràsoncou.Ilneleurenfallutpasplus.D’unemain,Rinadesserraleliendesonpantalonetfitglisserlaceinturesurseshanches.Sonpiedvalideposéausolcommençaitàfatiguer,maiscen’étaitriencomparéàladouleurquiirradiaitsonsexe.Sonenviedeluiétaitfurieuse.Impatiented’êtrecomblée.

Lorsqu’ellesentitenfinsondoigtentrerdanssamoiteur,illafithoqueterdeplaisirendécrivantdepetitscercles.Avecsonpouce,ilagaçasonclitorisquiréclamaitsescaresses.Elleallaitjouir.Ceseraitrapide,désespéré.Ellesentitlajouissanceveniràelleetl’accompagnaenbougeantleshanchescontrelamaind’Aidanquiintensifiaitsongeste.Sansjamaiss’écarterdesabouche,illamenaàl’orgasmeavecprécision.

Lechoclasurpritetéclatadanssatêtecommedanssonventre.Sonsexesecontractaitautourdesesdoigtsquis’activaientencore.C’étaitinsupportable.Ilsemblaitvouloirl’emmenerencoreplusloinalorsqu’elleavaittoutdonné.Elleavaitdumalàreprendresarespiration.

Pourtant,ellesentitqu’elleétaitauborddelajouissanceànouveau.C’étaitdouloureusementintense.

Aidandétachasabouchedelasienneaumomentoùelleperdaitpied.Ellelesentitquiselibéraitdesonjeanetprenaitquelquechosedanssapoche.Desonportefeuillequ’illaissatomberilavaitextraitunepochetted’aluminium.Unpréservatif?Ellerougissaitencorequandils’introduisitenfinenelle.

Ilvoulaitvoirsonregardsetroubler,devinerl’effetquecelaavaitsurelle.Bordel,elleétaittrempée!Etsichaude…Chaquecentimètreétaitunsupplice.Ilrepritsabouchepouréviterdeluimontrerqu’ellelerendaitfaible.Unefoisenelle,ilpouvaittoutluiarriverqu’iln’enauraitrieneuàfaire.Seulcomptaitcetinstant,sonmouvementdereinsquilafaisaitsesouleveretredescendresursonsexe.Iltirasescheveuxenarrièrepourquittersaboucheetallertrouversoncou.Ilylaissaunetraînéedebaisersetdepetitesmorsures,conscientquec’étaitsafaçonàluidelamarquer.Ellelerendaitfou,ellefaisaitdeluicetypeunpeubrusquequinepouvaitplussepasserd’elle.

Ellejouitencoreunefois,satêteposéecontresonépaule,serréecontrelui.Lescontractionsdesonsexelepropulsèrentverssaproprejouissance.Ils’abandonnaenserrantsescuissesfermesdanssesmains.Lesoufflecoupé,iltrouvalaforcedelaregarderetdeposersabouchesurlasienne,làoùilvoulaitqu’ellesoitunedernièrefois.

Ill’aidaensuiteàremettredel’ordredanssescheveuxetsatenue,maisaucunsonneréussissaitàforcerseslèvres.Ilétaitbouleverséetamoureux.Quantàelle,difficiledemettreunmotsursonétat.Ellerajustaitsonpantalondontelleserraitleliensansménagement.

—Est-cequeçava?serisqua-t-il.

Ellehochalatête,pasvraimentcertainequecesoitvrai.Elleétaitbouleverséeetamoureuse.Etellenesavaitpasquoifairedetoutcela.D’autantqu’ilsemblaitladétesterencoreplusdepuisqu’ilsavaientcédéàleurenvie.

Elleleregardasedébarrasserdupréservatifqu’ilremitdanssapochette.Sesjoueslabrûlaient.Il

étaitévidentqu’ilsavait…

—Depuisquand?luidemanda-t-elle.

—Depuisquandquoi?

—Depuisquandtusais?

—Jesaisquoi?

Ellesemorditl’intérieurdelajoue.Iln’allaitpasluifaciliterlatâche.Elleselaissaallercontrelaparoidel’ascenseuretfrottasesmainscontresonvisage.Cetenchaînementd’événementsn’étaitpascequ’elleavaitprévu.

—Depuiscombiendetempssais-tuque…

Lasonneriestridenteémanantdel’ascenseurlacoupadanssonélan.Ellejuraentresesdents.Elleauraitdûsedouterquelaisserlacabinebloquéesilongtempsdéclencheraitl’alarme.

Aidandébloqualemécanismeetlacabineentamasadescente.Quelquessecondesplustard,lesportess’ouvrirentsurplusieursmembresdel’équipemédicale,dontLucyquifronçalesyeuxenlesdécouvranttouslesdeuxàl’intérieur.

—Qu’est-cequis’estpassé?lesinterrogea-t-elleenaidantRinaàs’extrairedelà.

—Nousavionsencoreunpetitdifférendàrégler,énonçaAidanens’éloignant.

Rinaleregardatristementprendrelafuite.EllelaissaLucyl’emmeneràl’écartdel’agitation,elleavaitbesoindeseremettredesesémotions.Tantdechosessebousculaient,elleétaitauborddelanausée.

—Aidansaitquej’aiétéenceinte,lâcha-t-elleàsonamie.Etjeneluiairiendit…

EllelevalesyeuxversLucyquirougissaitetévitaitsoigneusementdelaregarder.Elleauraitdûsedouterquecelavenaitd’elle.Restaitàsavoirpourquoielleavaittrahisonsecret.

—Pourquoi?

—QuandGordonnousaannoncéquetuétaisgrièvementblessée,j’aipaniqué.J’avaispeurpourtoietlebébé,j’aidonc…avouétagrossesseàAidan.

Elleauraitdûluienvouloir,pourtantellen’yarrivaitpas.Ellecomprenaitlaraisonquil’avaitpousséeàselivreràlui.Elleluienavaitsansdoutedemandétrop.Aprèstout,Lucyétaitavanttoutl’amied’Aidan.

Ilsavaitqu’elleavaitétéenceinte.C’étaittrèsclair:ilattendaitqu’ellevienneversluipourluienparler.Soit.Ilétaitgrandtempsdecreverl’abcès.Ellesortitsontéléphonedesapocheetpianota.

«Notreconversationn’estpasterminée.LunaDelSeaà20h?»

Elleavaitchoisicepetitrestaurantoùilsaimaientalleretsedemandasic’étaitfinalementlecadreidéalpourunrèglementdecompte.Elleverraitbien.Ilrefuseraitpeut-être.Laballeétaitdanssoncamp.

Nonseulementilneréponditpasàsontexto,maisnevintpasaurestaurant.Ilétaitévidentqu’illuiavaitbeletbienposéunlapin.Ellel’attenditjusqu’àvingt-troisheurespassées,sirotantuncocktailduboutdeslèvresavantdepasseràdujusdefruits.Elleavaitmêmeessayédel’appeler,elletombaitdirectementsursamessagerie.

Passéledélaid’attentedetroisheures,lasséed’êtrereluquéecommeunebêtecurieuseetconscientequ’ellel’avaittropattendu,elledécidades’enaller.Durestaurant,deBaltimore,etpluslargementduMarylandquicommençaitàluisortirparlesyeux.Qu’avait-ellerécoltédepuisqu’elleyétaitàpartdesennuissupplémentaires,aprèstout?

Alladéposadevantsarésidencepeuavantminuit.

—Merci,Al,luidit-elleendéposantunbilletdevingtdollarsdanssamain.

—Jesuisdésolé.Jepensaissincèrementqu’ilviendrait.

—Moiaussi.Tantpis.Ilnepourrapasdirequejen’aipasessayéd’instaurerledialogue.

Alluipritlamainetdéposaunbaisertendresurledessus.Sonsourirevalaittouslesréconfortsdumonde.Ill’aidaensuiteàs’extirperduvéhicule.Etdirequ’elleavaitfaituneffortmonumentalpourcachersonplâtresousunerobe!Ellesecoualatête.Luiaussil’avaitblesséecesoir.Ilsétaientquittes.

Unefoisdanslebâtiment,elleavisalesfauteuilsetdécidadeselaissertombersurl’und’eux.Siellerentraitchezelleets’enfermaitàdoubletour,ellesavaitdéjàcequil’attendait:unétatdedéprimequ’ellen’avaitpasenvied’affronter.Nimaintenantnijamais.

Sontéléphonevibrasoudaindanssonsacàmain.Unmessage?Ilvibraunenouvellefois.Non,unappel.Aidan…Ellehésita.Peut-êtreavait-ilunebonneexcuse.Oubien…

Ellereniflaetfourraletéléphonedanslefonddesonsac.Ilétaittempsdefairecommeluietdepasseràautrechose.C’étaitmieuxpourtoutlemonde.Ilsavaientfailliavoiruneviemerveilleuseensemble,siellen’avaitpasétésibête.Maisellen’yauraitjamaisdroit,ilétaittempsdel’admettre.

Elleéteignitletéléphoned’Aidanetlelançasansménagementsurlatabledechevetàcôtéd’elle.

—Objectifatteint,elletedétesteetneveutpasterépondre.

—Çat’amuse,n’est-cepas?

—Tucroisvraimentquej’auraisdutempsàperdrepourunjeu?Jeveuxjustequ’ellesouffrecommej’aisouffert.

—Notrerelationétaitperdued’avance.Ellem’ajusteaidéàyvoirplusclair.

—Menteur!Tum’aimais!

—Jet’aiaimé,maisc’étaitterminédepuislongtemps…

Ilavaitpresquepitiéd’elles’accrochantàunradeauquiprenaitl’eau.C’étaitmalheureuxqu’elleensoitvenueàlemenacerd’unearmeaprèstoutcequ’ilsavaienttraverséensemble.

—Lâchecerevolver,tunesaismêmepast’enservir.

—Biensûrquesi!Papam’aappris.

—Combiendetempstupensesmegarderici?Lesgensvontfinirparmechercher.Jesuiscensépartirsamedimatin.

Illavitsemétamorphosersoussesyeux,commechaquefoisqu’elleétaitassaillieparsesdémonsintérieurs.Elleétaitnerveuse,elletremblait.Illaprenaitausérieux,surtoutavecunearmeàlamain,pointéeàhauteurdesesdeuxyeux.Gordonluiavaitsansdouteditqu’uncoupàcetendroitluiassuraitdenepasmanquersacible.

Ilétaitterrifiésansluimontrerpourautantqu’illacraignait.Pourtant,lapeurfaisaitbattresoncœurplusviteetcouvraitsoncorpsd’unefinepelliculedesueur.Elleauraittoutefoisputirerbienplustôt.Qu’attendait-elle?Sonbutest-ild’exacerbersonétatdestress?

—Tunepartiraspas.Tumel’aspromis.

—Trèsbien,jereste.Maisjen’aiencoreriendit.Laisse-moiallervoirtonpère.Ilarrangeratout,commetoujours.

—Tuneparspas?Vraiment?s’enquit-elle,lavoixbriséeparunsanglot.

Ilfitnondelatêteets’approchadoucementdelajeunefemme.Ilvoulaitluiprendrelerevolverdesmainsetl’accompagnerchezsonpère.Ilétaittempsderéglercelaunebonnefoispourtoutes.

—S’ilteplait,donne-moitonarme.

Elleleconsidérauninstantenfixantsamaintendue.Aulieudeluidonner,ellerenforçasaprisesurlacrossequ’elletenaitmaintenantàdeuxmains.Celanesentaitpasbon…

—Jet’enprie,lasupplia-t-il.Nefaispasdebêtise,Ashley…

8Rienoupresquen’auraitpulefairechangerd’avis.Ilauraitvoulutouttenterpourenfins’extirper

dubourbierdanslequelils’étaitenliséavantmêmed’êtreadulte.Etpourtant,ildevaitserendreàl’évidence:Ashleyetsonpèreletenaient.Gordonavaitreconnuquesafilleavaitbesoind’êtrepriseencharge,maisiln’étaitpaspourautantdisposéàlelaisserpartir.Aidanavaitunedetteenversluiqu’ilnemanquaitjamaisderappeler.

AprèsladisparitionbrutaledeNoah,ilavaitlaisséGordonprendreleschosesenmain,faisantpassercelapouruntragiqueaccident.Àl’époque,choquéettellementmal,iln’avaitpassongéauxconséquences.Ilavaittrouvél’hommedepouvoirbienveillantetcompréhensif.Quelquesmoisplustard,quandill’avaitobligéàfairesonserviceetintégrerl’armée,ilavaitvitecomprisqu’ilavaitbienmanœuvré.Luiquin’avaitjamaiseucommeambitionpremièredesuivrelestracesdesonpèreavaitfinalementfaitpassercelacommetel.

Aujourd’hui,ilseretrouvaitàmarchersurunbrasier,piedsnusetsansrienpourleprotéger.Ilnesavaitpluscommentfairepoursedébarrasserdecequipendaitau-dessusdesatête.Peut-êtrequ’avouersafauteetfaireunséjourenprisonluipermettraientdesesoustraireaugénéral.

—J’aiconsciencequ’Ashleyestfragile,luiditGordon.Jeluitrouverailemeilleurdescentrespourqu’elleseremette.Enattendant,assumelesconséquencesdetesactes.Ellesouffreencoredelapertedevotrefils.Etj’aibesoindetoiici.

Sesresponsabilités,illesassumaitdepuisdouzeans.Douzeansdepuislesquelsilnevivaitpresqueplus.SeuleRinaluiavaitfaitespérerqu’ilpuisseenfinpasseràautrechose,avoiruneautrechanced’avoiruneviesimplerempliedejoies.

—Reconnaissezaumoinsquevotrefilleatoujoursétéinconstante.

—ÀlanaissancedeNoah,elleachangé,ettuluiasprissonéquilibre.Partafaute,mafilleneseraplusjamaisbiendanssatête.Tuasdétruitlemeilleurd’elle-même.

Iln’étaitpascertaindecela,maisàquoiboncontinuerdediscuteraveclui?Gordonavaittoujourslederniermot.

IljetaundernierregardàAshleyendormiesursonlitd’hôpital.Depuislaveille,ellen’avaitpasrouvertlesyeux.Elleportaitlesmarquesdesgriffuresqu’elles’étaitinfligéessurlevisageetsurlesbras.Toutcelaparcequ’ilavaitréussiàluiprendrelerevolverdesmains.Àcroirequ’iltenaitquandmêmeàsavie.Ilavaitréussiàpuisersuffisammentdecourageetdeforcepourladésarmer.

IlpensaàRinaqu’ilavaitéperdumentenvied’allerretrouver.Seretrouveravecunrevolverpointédanssadirectionl’avaitaidéàsedécider.Ilsavaitdésormaisquellevoieemprunter.Gordonpouvaitpeut-êtrel’obligeràrester,maisilnepouvaitpaslecontraindreàaimerunefemmedontilnevoulaitpas.

DeretouràFortHolabird,ilgrimpalesmarchesquatreàquatrejusqu’àl’appartementdeRinaoù

iltambourinaquelquessecondes.Peuluiimportaitqu’onlesurprenne.Ilsavaientdeschosesàsedireetilétaitbiendécidéàl’écouter,mêmes’ilignoraits’ilétaitprêtàlesaccepter.

Ilentenditlaported’àcôtésedéverrouilleretLucysortirdesonappartement.

—Qu’est-cequetufais?s’étonna-t-elle.

—J’aideschosesàluidire.

—C’estunpeutard.

—Qu’est-cequetuveuxdire?

—Elleestpartiecematin.

TropoccupéàréglersesproblèmesavecAshley,ilenavaitoubliédelarappeler,delarassurer.Ilneluiavaitpasposédelapin.Ilétaitjustedanslamerde.

Touscesmanquementsetcesratésétaientpeut-êtreunefaçondeluifairecomprendrequ’ilsn’étaientpasfaitsl’unpourl’autre.

—Ellerevientquand?

—Jenesaispas,ellenem’amêmepasprévenue.C’estClarissaquil’acroiséeenbasavecsesbagages.

Elleétaitdécidémentdouéepourprendrelafuite.C’étaitsansdoutemieuxainsi.Ils’enretournaversl’escalierpourallercogiterdanssoncoin.Savieétaitungouffresansfin.

Aumomentoùilallaitmettrelepiedsurladernièremarche,ilpercutadepleinfouetlenouveaumédecin.Unpeugênédel’avoirsecouée,ilbafouilla.

—Excusez-moi,je…jen’aipasregardéoùjemettaislespieds.

—Vous,vousavezlatêtedequelqu’unquiabesoind’ungrandcafé.Jevousl’offre?

Rinaregardaitparlabaievitréeenprenantsoncafédumatin.Ellesepenchaitsurlescoussinsducanapépourtenterd’apercevoirlesfleuvesformésparlesvoituresdanslarueencontrebas.

NewYorkl’avaittoujoursfascinéeparsatailleetsesgratte-cieldémesurés.Mêmesiellen’envisageaitpasuneminutedes’yinstallerdéfinitivement,elleallaitappréciersesvacances.

ElleentenditlespashésitantsdeSamdansl’escalier.Mêmefraîchementlavéetdrapédanssoncostumetrois-pièces,iln’étaitpasdumatin.Aprèsavoirdormideuxheuresoubiendix,lerituelétait

difficilepourlui.

—Lecaféestprêt,annonça-t-elleensouriantetentendantunetasseverslui.

Ils’ensaisitetsejetadessuscommes’iln’avaitpaseusadosedecaféinedepuisdesmois.

—Tumesauveslavie,soupira-t-il.

Elleleregardaboirejusqu’àladernièregouttedubreuvage.Ilrepritdescouleurs,commesilecaféredonnaitdesonéclatàsapeaucaramel.

Elleallaitpasserunepetitesemainechezluiànerienfaire.PartiedeWashingtonsameditoutdesuiteaprèssonrendez-vousavecleDrBridges,All’avaitaccompagnéejusqu’ici.PuisqueCourtneyetlesjumeauxétaientchezlamèredeSampourlesvacances,ilavaitproposédel’hébergerquelquesjoursquandellel’avaitappeléausecours.

Ellecraignaitdefaireunebêtiseetcelafaisaittellementlongtempsqu’ellen’avaitpasappeléleDrHarrisqu’ellehésitaitàdécrocherletéléphone.Illuienvoudraitdenepasl’avoircontactéplustôt.Etpourtant,ellesavaitqu’elleavaitbesoindelui.

Enseperdantànouveaudanslacontemplationdupaysageurbain,ellesutqu’elleavaittrouvélabonnealternativeenlapersonnedeSam.

—Tuvasfairequoidetajournée?luidemanda-t-il.

—Desmotscroisés?Oupeut-êtredelabroderie.

Ilpouffaetluitenditlatélécommandeduhomecinémasurlaquelleilavaitcollédesgommettesdecouleurenguisedemoyenmnémotechnique.Avecellesaumoinselleétaitcertainedes’yretrouver.Outoutaumoinsdediscernerleboutonoffduboutonon.

—J’aiquelquesnouveautésquidevraientteplaire.Amuse-toi,beauté.

Ildéposaunbaisersurlehautdesatêteetdisparutenlaissantderrièreluiuncourantd’air.

S’amusern’étaitpeut-êtrepaslemotquiconvenait.Elleallaitsimplementprofiterd’êtreloindel’agitationdelabasemilitaire.Ellen’avaitavertipersonnedesondépartàpartGordon,c’étaitaussibien.

Àpeinelefilmeût-ilcommencé,quelebruitdelaclédanslaserruredelaported’entréelafaisaitsursauter.Ellevitapparaîtreunegrandefemmeauxcheveuxtrèsnoircoupécourt,lacinquantainebientassée.

—BonjourRose,lasalua-t-elleensecalantànouveaudanslescoussinsmoelleux.

Roseétaitsababy-sitter.Commesicelanelagênaitpasassezd’avoirappeléàl’aide,Samlafaisaitsurveillerpendantsesabsences.

—Bonjourrr,mademoiselleRrrina.Vousallezbienaujourrrd’hui?

—Bien,merci,Rose.

Elleétaitl’aide-ménagèredufoyer.Ellefaisaitpartiedelafamille,engagéeparSampours’occuperdesonappartementdecélibataireetgardéeplusrécemmentpourlesaiderluietsafemmeavecl’arrivéedesjumeaux.

Rinasereplongeadanssonfilmetenchaînabientôtaveclesuivant.Régléecommeunehorloge,Roseluiapportaunplateau-télépoursondéjeuneràmiditapant.Elleluiavaitconcoctélerepasderéconfortabsolu:deuxtranchesdepaintartinéesdebeurredecacao,ungrandverredelaitetdescookiesauxnoixdemacadamia,sespréférés.

Dansl’après-midicependant,untextolasortitdelabullecinématographiquedanslaquelleelles’étaitinstallée.

«Salut,oùes-tu?Tureviensquand?Lucy.»

Ellenel’avaitpasprévenudesondépart,maiselledevaitbiensedouterquelasituationl’obligeraitàfairelepointdesoncôtéunjouroul’autre.Illuiavaitd’ailleursfalludeuxjourspourlacontacter.

«JesuisàNewYork,jereviensàlafindelasemaine.Çava?»

Ellereçutuneréponsedanslafoulée,commesilespenséesdeLucyavaientvolédirectementsursonécran.

«Aidanestresté,ilademandéaprèstoi.»

Cesquelquesmotsluisoulevèrentlecœur.Qu’était-cecensésignifier?Lucyétaitcontreleurrelationqu’ellejugeaittroprisquée.Alorspourquoiluidire?Pourtant,lasituationl’intriguait.Aidanétaitresté.Parchoix?Oubienavait-ilétécontraintdelefairepouruneraisonoupouruneautre?

«Okay.Mercidem’avoirprévenue.»,luiécrivit-elle.

Elleéteignitsontéléphoneaprèscela,préférantseconcentrercommeellepouvaitsurlesimagesquisedéroulaientdevantsesyeux.Saconcentrationétaitcependantmalmenéeparlespenséesquitroublaientsonesprit.

Lesoirmême,Samrentralesmainschargéesdeplatsqu’ilavaitprischezletraiteurvietnamienensortantdutravail.IltrouvaRinaassiseaucomptoirdelacuisinesuruntabourethaut,savaliseàsespieds.

—Tut’envas?s’étonna-t-il.

—J’attendaisqueturentres.

—Çamesembleêtrelemoinsquevouspuissiezfaire,mademoiselleJames.

Quandilprenaitcetoncontrarié,l’avocatintraitablequiétaitenluiseréveillait.Elleleconnaissaitsuffisammentpoursavoirqu’illalaisseraitpartirsansriendire.Ilétaithabituéàsesalléesetvenues,

àsesdépartssuruncoupdetête.

—AidanesttoujoursàBaltimore,luiapprit-elle.

—Jesuissurprisdetetrouverencorelà,alors.

Sielleavaitpu,elleluiauraitsautédanslesbras.Pasbesoindegrandsdiscoursaveclui,ilsavaittoujoursoùellevoulaitenvenir.Ellelechérissaitpourcela.Sileschosestournaientmal,ilseraitlàpourl’aideràrecollerlesmorceaux.

—Jepeuxmangeravantdepartir?Alneserapaslàavantuneheure.

Ilacquiesçaendéposantlesboîtesencartonsurlebar.

—J’espèrequ’ilvautvraimentlecoupd’écourtertavisite.

—Jen’aijamais…Enfin,tuvois.Tusaisbienquejenesuispasdouéepourça.

—S’ilaréussiàtefaireéprouvercequejecrois,c’estqu’ilnedoitpasêtremal.Aprèstout,tuneseraispasstupideaupointdeteréserverpourunconnard!

Rinasourit.DepuissesdéboiresavecleSalaudSuprême,elleavaittoujourssoigneusementfaitletridanssesrelations.SisoninstinctlapoussaitversAidan,elleétaitpersuadéequ’ils’agissaitd’unsigne.Untrèsbonsigne…

Enarrivantchezellecesoir-là,unefinepluieglacées’acharnaitàrecouvrirlesiteenluiconférantunaspectsinistre.L’atmosphèreétrangementsilencieuseyétaitsûrementpourquelquechose.

Elleclaqualaportièrependantqu’Aldéchargeaitsesbagages.

—Vousvoulezdel’aidepourmontervosaffaires?

—Jeteremercie.

Ildéposalavalisedanslehalletretournaprèsdelavoiturepourrécupérerlesacrestantqu’ilchargeasursondos.

Rinarestaplantéedevantlesmarchesensedemandantsielleavaitfaitlebonchoixderevenir.Ellen’étaitpartiequetroisjours,maisilsluiavaientpermisdefairelepointsursesenviesetsesprojets.RestaitàsavoirsiAidanavaitlesmêmes.

—Jevaism’arrêteraupremier,dit-elleàAlenluitendantsesclés.Premièreporteàdroiteenarrivantaudeuxièmeétage.

Ellegravitlesmarcheslentementavecsesbéquilles,Alsursestalons.Ilcontinuasoncheminpendantqu’elleremontaitlecouloirenclaudiquant.Devantsaporte,elleretintsonsouffleettapafinalementsanssavoirsielleespéraitqu’ilsoitlàounon.

Quandilouvritlaportetorsenu,ellecompritquesonapparitionnel’aideraitpasàrespirer.IltenaitunT-shirtqu’ilavaitsansdoutel’intentiondepasser,toutefoisilrestaitimmobile,visiblementsurprisdelatrouverlà.Elleneputarrêterlesourirequisefixaàseslèvres.Elleétaitheureusedelevoiretsemoquaitd’enfreindreencoreunefoislerèglement.

—Salut…

—Rina,je…

—Nedisrien,s’ilteplait,lepria-t-elleenlevantlamainverslui.J’aitantdechosesàtedire…

—Rina,tuchoisismaltonmoment,lacoupa-t-ilbrusquement.Tunedevraispasêtrelà.

—Aidan,jet’enprie…continua-t-ellequandmême.Jesuistellementdésoléepourtout.D’unepartpourt’avoirlaissétomber.Cen’estpascequejesouhaitaisréellement.C’étaitlasolutiondefacilitéplutôtqued’affrontertoutcequej’éprouvaispourtoi.Etjesuisdésoléed’avoirmisnotrebébéendanger.J’étaisperdue,c’étaitinattenduetjen’aipasréfléchi.Jevoulaispartirloinpourprendredurecul.Lejouroùl’assautaeulieu,jevenaisd’avoirl’autorisationderevenir.Jedevaisprendrel’avionetrentrerteretrouver,c’estcequej’avaisdécidé.Jecroyaisenunavenirpossibleensemble,Aidan.Jesuisdésoléequ’ilm’aitfallutantdetempspourlecomprendre.Aujourd’huijesaiscequejeressens.C’esttoiquejeveuxetpersonned’autre.

Ilparaissaitchambouléparsonaveu.Elles’étaitmiseànuepourlapremièrefoisdesavieetsesentaittotalementdésarméefaceàcethommequiavaitdésormaissondestinentresesmains.Cen’étaitpasunesensationagréableaupremierabordpourunefemmedesatrempe.Elleétaitnéanmoinsprêteàcesacrificepourluietelleespéraitquecelapèseraitensafaveurdanslabalance.

—Rina…murmura-t-il.

—Aidan?l’interpelaunevoixfémininedepuisl’appartement.Turevienstecoucher?

Rinatentadefairefaceàl’apparitionsetenantmaintenantsurleseuilprèsd’Aidan.Enrouléedansundrapfroissé,CassidyClarkparutétonnéedelatrouversurlepasdelaporte.Maiscen’étaitriencomparéàlasurpriseetlaprofondedéceptionquis’emparèrentdeRina.AidanetCassidy…Iln’avaitpasperdudetemps.

—Jecomprendsmaintenantlaraisonsupplémentairequim’empêchaitdem’engageravecuntype.Aufinal,vousfinissezparnousblesserdèsqu’onestprêtesàvoussuivren’importeoù.Onestquittes,Aidan.

Sansattendrederéponseoudegestedesapart,ellerepritlechemininversepourregagnersonpropreappartement.Ellegardabonnecontenancejusqu’àlaporte,refoulantchaquevaguedouloureusequil’ensevelissaitpeuàpeu.Lorsqu’elleeutreferméàsasuite,ellelaissas’échapperlesbéquillesquis’effondrèrentsurlesolenmêmetempsqu’elle.Sajambeblesséeglissaetellese

retrouvabientôtassiseledoscontrelaporte,prêteàsombrer.

Encoreunefois,ellepayaitcherseserreurs.Lelourdpoidsdelaculpabilitéécrasaitsesdernièresforces.Sesfoutusmauvaischoix.Unesuccessiondeconneriesquin’enfinissaientpas.Pourquoielle?Pourquoilavies’acharnait-elleàcepoint?Alanavaitraison.Elleallaitpayertoutesavie.

Ellen’arrivaitplusàretenirsonchagrin.C’étaittroppoursoncœurquinetenaitplusàgrand-chose.Latêtedanslesgenoux,elleselaissanoyerparleslarmes.

—Unejambetouteneuve!s’exclamaleDrBridges.

Rinaobservalemembrequiétaitrestéprèsdesixsemainesenfermédansleplâtre.Elleavaitdemandéàsonmédecindelescieravecprécaution,nonpasparpeurd’êtreblessée,maisparcequ’ellesouhaitaitleconserver.Ilyavaittantdejolisdessinsetdemotsgentilsdesfillesqu’elleytenait.Elles’étaitmêmeattachéeàsesbéquilles,àsetraînerd’unpointàunautre.

—Touteneuve,maispoilue,ironisalajeunefemme.

—Touteneuveetjolie,renchérit-il.

Ellerougitquandilposasamainsursacuissedénudée.Cesdernièressemaines,JackBridgesétaitdevenuplusquesonmédecin.Ilétaitletypeaveclequelellesortaitdepuistroissemainesetquinemanquaitjamaisuneoccasiondelarassurersursonpouvoirdeséduction.Celacrevaitlesyeuxqu’ilétaitfoud’elle.

—Merci,luirépondit-elleenreplaçantunemèchederrièresonoreille.

—Allez,debout!Vas-ydoucementquandmême,tuvasavoirl’impressionquec’estunpeuraide.Neforcesurtoutpas.

Ensemettantdeboutsursesdeuxjambes,Rinasesentitretrouversesmoyens.Elleétaitvivante.Sursespiedsetenbonnesanté.Etelleavaitunpetitamifantastiquequitenaitàelle.C’étaitplusquecequepossédaientlaplupartdesfemmes.Alorspourquoiavait-ellecetroubéantàlaplaceducœur?Cecœurbrutalementarrachéparlavieàplusieursreprisesn’étaitpluslà.Elleétaitvide.Àlaplace,sacarapaceétaitrevenue,plussolidequejamais.

Laseulefissuredesonaciertrempéconstatéeaucoursdesdernièressemainesétaitdueàlaseuleprésenced’Aidan.Elleavaitvoulusedébarrasserdecesmauvaisessensations,maisellen’yarrivaitpas.ElleytravaillaittoutefoisavecleDrHarrisquiconstituaitsonseulespoirdeguérison.

—Rina,çava?Tuasl’airailleurs.

Lajeunefemmeluiadressaunsourireparréflexe.Ilslecalmaienttoujours.

—Çava,jevaisrentrer.Jepeuxreprendrel’entraînement,docteur?

EllesependitàsoncouetdéposaunlégerbaisersurleslèvresdeJack.Quandilentourasataille,ellefitsemblantdenepasremarquerqu’elleavaittressailli.Celaallaitforcémentpasser,cen’étaitpassiimportant.

—Tupeuxdèsdemain,maispasd’imprudence.

Ellelequittaenluipromettantdenepasannulerleurrendez-vousdusamedisuivant.Elleavaitlafâcheusetendanceàserétracterauderniermomenteninvoquantunemauvaiseexcuse.Néanmoins,elledevaitreconnaîtrequ’ill’avaitsortied’unenouvelledépression,etiln’étaitpasnonplusdésagréableàregarder.

SurlechemindeWashingtonjusqu’àBaltimore,Als’empiffrad’unpaquetdechips.Illuienproposa,maisellen’avaitpasdutoutd’appétit.

—Vousaveztort,cesontvospréférées.Crèmed’oignon.

Ellesepenchaverslepaquetouvertetenchipafinalementune.

—Çafaitplaisirdevousvoirenmeilleureforme,luidit-ilsincèrement.

—Merci.C’estvraiquemeretrouveràlaverticalem’avaitmanqué.

—Etsinon…Vousavezdesnouvellesde…

—Situveuxquejeconservemaforme,lecoupasèchementRina,mieuxvautnepass’aventurerlà-dessus.

Ellelevithausserlesépaulesetseconcentrerànouveausurlaroute.Ellel’avaitenvoyébaladersansraison.Elles’envoulaitterriblement,maispourquois’évertuait-ilàparlerd’eux?AidanetCassidysemblaientfilerleparfaitamour.Tantmieuxpoureux.Elleaussiavaitrefaitsavie.

—Jesuisdésolée,Al.C’estjusteque…jen’aimepasenparler.Demainjevaisdevoirbosseravecelleàlaclinique.

Elleappréhendaitcemomentplusqu’aucunautredepuisleurentrevuechezAidan.Ellesavaitd’avancequeceseraitdifficiledegérerlasituation.Cesoir-là,elleavaitvudanslesyeuxdeCassidyqu’elleavaitdevinéqu’ilsepassaitous’étaitpasséquelquechoseentreeux.Ellen’avaitpaspourautantabandonnélapartie.Ilssemblaientd’ailleurss’entendreàmerveilleetsarivalenemanquaitjamaisuneoccasiondesefaireremarqueraubrasd’Aidan.Elleavaitdeuxavantagesparrapportàelle,etnonpasdesmoindres.Premièrement,ellenel’avaitjamaisblessé.Deuxièmement,nefaisantpaspartiedeseffectifsdeFortHolabird,leurrelationétaitlégitimedèsl’instantoùelleneperturbaitpasleurstâches.

—Vousn’avezpasenviedelerécupérer?

—Àquoibon?IlaCassidy,j’aiJack.Laviecontinue.

Alsecoualatêtetoutencontinuantsaroute.Ilétaitperplexeetnecomprendraitjamaiscesdeux-là.Ilsneprenaientpasletempsd’analysercequisetramaitsousleursyeux.Aveclereculetl’âgeavançant,ilsavaitqu’ilnefallaitjamaisrienlâcher.Ilspouvaientencorepasseroutreleurserreursetréécrireleuravenir.Siseulementilsn’étaientpassibornés!

Rinaessayaitdesepersuaderqu’elleétaitenbonnecompagnieavecceJack.C’étaitpeut-êtrevrai,ildevaitcertainementêtreuntypebien.Maisquandellel’évoquait,savoixseperdaitdanssonmensonge.Mêmesonregardétaitdifférent,ilavaitperdusavivacitéetsabrillance.Ilnecomprenaitpasnonpluscetypequilamettaitàrudeépreuvealorsqu’elleavaitbalayétoutessescraintespourluiouvrirenfinsoncœur.

MaisAln’arrivaitpasàluienvouloir.S’ilavaitétéblessécommeAidanl’avaitété,ilauraitsansdouteémisdesréservesluiaussi.

—Vousvoulezprofiterdemonservicepourfairedescourses?

Iltournalatêtepourladécouvrirleregardvague,lepoingsouslementonpourretenirsatête.Elleavaitlestraitsfatigués.

—Rina?Vousvoulezfairedescoursesavantderentrer?

Ellesecoualatêtetristement.

—J’aienviederentrer,demechangeretd’allernager.Avecunpeudechance,legymnaseseraencoreouvert.

Ilnecherchapasàlacontrarier.C’étaitunesituationsuffisammentpénible.

Alorsqu’ilsapprochaientdusite,ilsfurentbrusquementcontraintsdes’arrêter.Unevoituremalstationnéelesempêchaitdepoursuivreleurroute.Ils’agissaitd’unevieilleCadillac.AllareconnutavantRina,toujoursperduedanssespensées.Quandelles’aperçutqu’ilsétaientarrêtés,ellelevaenfinlatête.

—Qu’est-cequisepasse?

—Jenepeuxpasavancer,lavoiturede…euh…

—J’yvais.

Ellesortitduvéhicule,prêteàporterassistanceàAidanencasdeproblème.Commechaquefoisqu’elleétaitsusceptibledelecroiser,sonestomacanxieuxsecontracta.EllearrivacôtéconducteurenquelquesenjambéesetsursautaendécouvrantAidanassailliparlecorpsdeCassidy.Lajeunefemmeétaitàcalifourchonsurlui,saboucheluidévorantlevisagedemanièrepresqueobscène.

Ellefrappaàlavitre,cequilesfitbondirdeconcert.VoirCassidysecognerlatêtelafitpresquesourire.Lajeunefemmeaffichad’ailleursuneminefaussementgênéetandisqu’Aidanparaissaitétonné.Ildescenditlavitre.

—Dégagezlepassage!leurditRina.Certainsaimeraientrentrerchezeux.Etsoyezgentilsde

réservervoscochonneriesàdeslieuxprivés.Onn’apasbesoind’assisteràça.

Ellerepartitversletaxi,lecœurdisloqué.Ellecroyaitl’avoirperdu,maisilétaitfinalementtoujourslà.Dansunsaleétat.Ilfrappaitàgrandscoupsdanssapoitrinedémolie,pluslourdàchaqueenjambée.Alavaitraison.Quelquechosenetournaitpasrond.Celanedevraitpasl’affecteretpourtant…

—Rina!entendit-ellealorsqu’elleouvraitlaportièrepourserasseoiràcôtédesonchauffeur.

ElletournalatêtepourdécouvrirAidanhorsdelavoiture.Sasangsues’étaitassisesurlesiègepassager.Sesyeuxbleusbrillaientdanslesoleilcouchant.Lesoufflecoupé,ellesentitleslarmesaffluerpendantqu’ellesedisaitqu’iln’avaitjamaisétéaussibeauetattirant.Ellefermalesyeuxets’imaginacourirverslui,leserrerdanssesbrasetl’embrasserpourretrouversonair,commesiluiseulétaitsonoxygène,commes’ilétaitindispensableàsasurvie.

Elleauraitpresquepucroirequ’iltentaitdeluifairepasserunmessage.Maislesseulesémotionsqu’ellelisaitétaienttendresseetamour.Cen’étaitqu’unrêve.

Elleclaqualaportièreetattenditqu’ilsdégagentenfinlaroute.Allessuivitjusqu’àlarésidenceoùilladéposa.Aprèsunbaisersurlajoue,elles’extirpadelavoitureaupasdecourse.Bienquesajambeluifassecrisperlamâchoire,ellepréféraladouleurphysiqueàcellequisurgiraitd’unenouvelleconfrontation.

Enrentrant,ellesecalmeraitdevantlatéléetrépondraitsansconvictionauxéventuelssextosqueJackluienverrait.

Ellepoussalaportedesarésidenceetrencontraunepaired’yeuxpresquetransparentsluirappelantceuxd’Aidan.Ilsappartenaientcependantàunhommeplusvieuxetplusbronzébienquefortséduisant.Larged’épaules,plusgrandquelamoyenne,ilsecouaitdoucementunepoussetted’oùunbébéémettaitdepetitsgémissementsplaintifs.

—Jepeuxvousaider?luidemanda-t-elle.Vousattendezquelqu’un?

—Mafemmes’estabsentéeauxtoilettes.Nousattendonsdelafamille.

—Trèsbien.Bonnesoirée.

Elles’apprêtaitàs’enaller,maisneputserésoudreàdécampersansjeterunœilaupetitboutfatiguéquicriaitsondésarroi.Ellesepenchasurlapoussetteoùlepetitgarçonagitaitlesbrasetlesjambes.

—Ilesttrèsbeau,lefélicitaRina.

—Merci.Beau,maisbruyant.

Ellesouritaubébéparréflexe.Lesenfantsluifaisaienttoujoursceteffet.Elleétaitattendrie,envieusedesjeunesparentsquidécouvraientlesjoiesd’unprivilègequiluiavaitétéretiréàdeuxreprises.Àcesouvenir,ellesentitsabouled’angoisses’alimenterdesesnouvellespenséesmorosespourgrossirdanssatrachéeetgênersarespiration.

—Ariana?s’écriasoudainunevoix.

Ellelevalesyeuxendirectiondesoninterlocutriceetreculainstinctivementlorsqu’elledécouvritlanouvellearrivante.

—Dégagedelà,net’avisepasdeposerlesmainssurmonbébé!

—Lydia,s’ilteplait…

9Auprixd’uneffortconsidérable,elleréussitàsortirdubrouillarddanslequelelleétaitplongée

depuisplusieursminutes.Rinasesentaitenmouvement,commesionlatraînait,lapoussaitàviveallure.Enouvrantlesyeux,elleaperçutdesombresflotter.Discernantvaguementunmédecinoucequis’enapprochait,ellen’arrivapasàalignerdeuxpenséescohérentesniàseremémorerlesderniersévénements.Lorsqu’elleentenditlavoixdesamèreetsentitsamainquil’agrippait,ellesutqu’ellesetrouvaitàl’hôpital.Uneéquipes’affairaitauprèsd’elle.Ellesentitqu’onluisoulevaitsatuniquepourserrerunebandeélastiqueautourdesonventre.Quelquessecondesplustard,lamaindesamèrelaserraplusfort.

—Nousavonsunpouls,leurappritlemédecin.Ilestvif,lebébévabien.

Rinalaissalesoulagementlatransporter.Elleallaitbien,lebébéétaitenpleineforme.Sachuteneseraitbientôtplusqu’unemauvaisefrayeur.

—Parcontre,ajouta-t-il,letravailacommencé.Lescontractionssontlonguesetrapprochées.

—Jenesensrien,protestaRina.

—Sansdouteàcauseducalmantqu’onvousaadministré.Lasage-femmedegardevavenirvousexaminer.

Ilsortitetelleleretrouvaquelquesheuresplustardensalled’accouchement.Lapositionétaitpeuagréableetplutôtintimidantemaiselles’enfichait.Elleallaitenfinrencontrersonbébé.Illuitardaitdeleprendredanssesbras,del’embrasser,deleréchaufferaucreuxdesonépaule.Sesparentsn’avaientpasledroitdeleluienlever.Elleyveilleraitavecl’aidedesmédecins.Aprèstoutcequ’elleavaittraversé,ellevoulaitsapartdebonheur.

—Vousallezcommenceràpousserlorsquejevousledirai,mabelle,c’estd’accord?

Àcausedesonventreproéminent,ellevoyaitàpeinelafemmedepetitetaillequil’accompagnaitpourmettreaumondesonenfant.Elleluifitouidelatêtetoutenseconcentrantsurlacontractionquinaissaitànouveaudanssesreins.Elleirradiajusqu’àcontracterdouloureusementsonventre.

—Allez-y,preneztoutl’airquevouspouvezetpoussezfort!

Rinasuivitlesconseilsdelasage-femmetoutensetenantauxbarresmétalliquesdulitmédical.Lesmainsagrippéesdetoutessesforces,ellecontractatoussesmuscles,enparticulierceuxdesonventre,sesoulevaautantqu’ellepouvaitetpoussalonguementenexpulsantl’airdesapoitrinejusqu’àl’instantprécisoùellesentitenfinlebébésefrayerunpassage.Elleyétaitpresque.

—Nepoussezplus!luiordonnasoudainlasage-femme.Lebébéalecordonombilicalautourducou.

Lapaniquelapritdecourt.Ellenesavaitpastrèsbiencequecelasignifiaitmaisdanslabouche

delasage-femme,celasemblagrave.Ellearrêtadepousser,seretintalorsqu’ellen’avaitqu’uneenvie:recommencercommeleluiimprimaitlacontractionsuivante.Lasage-femmemanipulalebébé,luidemandadepousserunedernièrefoisetbientôtelleputenfinvoirlecrânedubébé.Elleaperçutaussivaguementsapeaurougietandisqueletempssemblaitsuspendutoutautourd’elle.

—C’estunepetitefille,annonçalasage-femme.

Ellelapritvitedanssesbraspendantqu’ellel’essuyaitetladéposasurunesortedelitsurélevéplacéprèsdelajeunemaman.Elleavaitunefille…Enuneseconde,elleoublialadouleuretlesmoisdesouffrance.Cepetitêtreallaitlaréconcilieraveclavie.

—Nousdevonsl’emmener…

—Maisc’estmonbébé!protestaRina.

Sansluirépondre,lasage-femmeemmenasafillehorsdelapièce.

—Nevousenfaitespas,larassural’infirmièrequiétaitavecelles,celaarrivedetempsentemps.Certainspetitsboutsfontdesblaguesenarrivant.Vousaurezbientôtdesesnouvelles.

Quelquesminutesplustard,lasage-femmeentraànouveaudanslasallemaiselleétaitdésespérémentseule.

—Votrepetitefilleestaveclepédiatre,ilviendravousdonnerdesnouvelles.Vousavezchoisiunprénom?

—Hayleigh.

—C’esttrèsjoli.Joanval’inscriresursonbracelet.Elleestdoncnéeàquatreheuresdix-sept.Unepetitebienmatinale.

Rinasouritauxdeuxfemmes.ElleavaithâtederetrouverHayleighetdeluidirecombiensamamanétaitfièrequ’ellesoitsafille.Àtoutjustedix-septans,ellesesentaitplusfortequejamais.Ellen’étaitplusseule.Lesheuresqu’illuiavaitfallupourlamettreaumondecombinéesàlafatigueétaientenvolées.Ellesesentaitforteaupointdetenirtêteàsonpèreetmêmed’affrontertoutesafamille.

Elleexpulsaensuiteleplacenta,cequimettaitfinàsonaccouchement.Ellepoussaànouveaupendantquelafemmeappuyaitenmêmetempssursonventre.Plusdouloureuxencorequelanaissancedesafille,elleserralesdentsetselaissafaireensachantqueceseraitbientôtterminé.

—Bipel’obstétriciendegarde,demandalasage-femmeàsoninfirmière.Coderouge.

Ausondesavoix,Rinacompritquecen’étaitpasbonsigne.

—Qu’est-cequisepasse?s’enquit-elle.

—Çavaaller,mabelle,onvas’occuperdevous.

Elledisparutensuite,cequinelarassurapasdutout.Lorsqu’ellerevintcequiluisemblaêtreuneéternitéplustard,elleétaitaccompagnéed’uneéquipeaucomplet.Rinasesentitencoreplusnauséeuse.Elles’allongeasurlelitalorsquesesyeuxcommençaientàsefermertousseuls.

—CommentvaHayleigh?interrogea-t-elledansunmurmure.

Ellen’obtintenguisederéponsequ’unmasqueàl’odeurdésagréableflanquébrutalementsursonnezetsabouche.

Ellerouvritlesyeuxdifficilementquelquesheuresplustard.Latêtelourde,ellen’arrivaitquasimentpasàbougeretavaitlebasducorpstotalementimmobilisé.Pourquoisesentait-elleaussigroggy?Quelquechosedegraves’était-ilproduit?

Ellen’entendaitninevoyaitHayleigh.Rinaavaithâtededécouvrirsafrimoussed’angeetdes’occuperd’elle.Dansuneminute,lorsqu’elleauraitreprisunpeudeforces.

—Ariana?l’appeladoucementunevoixmasculine.

Elletournalatêteverslemédecinquiapprochaitdesonlit.Samèreétaitàcôtédelui,lesyeuxbaignésdelarmessèches.Elleavaitdûpleurerpendantdesheuresetn’avaitpasprislapeinedeseremaquiller,cequineluiressemblaitpas.Elleavaitdûavoirvraimentpeurpourelle.

—Jevaisbien,Maman,tenta-t-elledelarassurer.Jevaisbien.

—Vousavezfaitunehémorragietrèsimportante,mademoiselleJames.Nousallonsvoussurveillerdeprès.

—Jepeuxvoirmafille?

Elleavaitenviedevoirsonpetitvisage,desentirsonodeurdebébébienàelle.Àcetteidée,soncœurtambourinad’excitation.

—Votrepetitefille…nerespiraitpas.Nousavonsfaittoutnotrepossiblepourlaréanimer,maisnousn’ysommesmalheureusementpasparvenus.Jesuisdésolé.

Rinacherchauneréponseclairedanslesyeuxdesamèrequisedécomposaitdevantelle.Avait-ellebiencompriscequelesmotsdumédecinsignifiaient?

—Jenecomprendspas,dit-elle.OùestHayleigh?

—Votreenfantétaitmort-né.Jesuisdésolé.

Ilyavaitforcémentuneerreur.Onluiavaitditquetoutallaitbienaprèslachute.EllesentaitencoreHayleighdanssonventrequelquesminutesavantdelamettreaumonde.

Safilledevaitvivre,celafaisaitpartiedesesprojets.Ellesauraientuneviemerveilleusetouteslesdeux,pleinedejoieetd’amour.C’étaitsonplan.Sonrêve.

—Jesuisdésolé,répétaencorelemédecin.Nousavonsfaittoutcequenouspouvions.

Ellen’écoutaitplus.Ellereposasatêtesurl’oreillertoutententantdeseraccrocherauderniersouvenirqu’elleavaitdelapetitechosesansdéfensequiavaitgrandidanssonventre.Elleseberçaenréécoutantlebruitrégulierdesbattementsdesoncœurretransmisparlemonitoringquelquesheuresplustôt.Elles’endormitenpensantàl’illusionquivenaitdepartirenfuméeavecHayleigh…

—Partons,Matthew,ordonnaLydia.C’étaitunetrèsmauvaiseidéedevenir.Nousaurionsdûallercheztesparentsdirectement.

—Lydia…répétaRinaquiosafaireunpasverssagrandesœur.

Celle-cisereculapourresterderrièresoncompagnon,commes’ilétaitleseulàpouvoirlaprotéger.Lydialaprenaitpourunmonstre,ellelevoyaitàsonexpressionetàsesyeuxquibrûlaientdehaine.Commentunsibeauvisagepouvait-iléructerautantdemépris?Sielleavaitpul’éradiquerd’unregard,ellel’auraitsansdoutefaitsanshésiter.

Dixansavaientbeaus’êtreécoulés,certaineschosesn’avaientpaschangé.Soninimitiéenverselleenfaisaitpartie.Pourtantlacolèrenelarendaitpasmoinsjolie.Mêmeavecquelqueskilosdeplus–aprèsavoireucinqenfants–Rinarestaitfascinéeparsabeautéinsaisissable.Àtrente-cinqans,elledemeuraitlemodèleauquelRinaseréféraitquandelleétaitplusjeune.

—Tuexagères,Lydia,lasermonnaMatthew.Ellenel’amêmepastouché.

—Tuprendssadéfenseaulieudemesoutenir?

—Oui.

Rinaétaitchoquéeparlespropostenusparlecouple.Ellen’avaitjamaisvupersonnetenirtêteàsasœurdecettefaçon.ElleauraitvolontiersembrasséMatthews’iln’étaitpassouslabonnegardedutyranLydia.

—Ilseraitpeut-êtretempsdediscuter,touteslesdeux,enchaîna-t-il.C’esttasœur,Lydia.Mêmetonpèreafaitceteffort.Ettuleconnais,cen’étaitpasgagné.Donne-luiunechancedes’expliquer.

Rinarefoulaleslarmesquimontaienttropvite.Lydialaregardaittoujoursavecdédainmaislestraitsdesamâchoiresedécrispaientpeuàpeu.EllefinitparcontournerMatthewetseposterdevantelle,lepoingsurlahanche.

—Matthewacettecapacitéincroyablequejen’aipasdevoirlebonenchacun.Mêmesijedoutequecelachangequoiquecesoit,nousallonsdiscuter,maispasicinimaintenant.

RinaauraitpresquesourifaceàcettebonnenouvellesiLydian’avaitpasétésiinflexible.Accepterdeluiparlerétaitdéjàunevictoirequ’elleattribuaitàsoncompagnon.Elleacquiesçatandisquesasœurprenaitsonfilsdanslesbras.Âgédeseptmois,Calvinétaitunbeaubébéavecdejoliesjoues

bienrosesetlesmembresbienpotelés.Àenjugerparlapoitrinerebondiedelamère,lacantinedelamaisonétaitbonne.

Ellesetournaversl’entréedelarésidencequandelleentenditlaportes’ouvrir.Aidanentraseulsansluiprêterlamoindreattention.Illabousculapresquepourprendresongrandfrèredanssesbras.

—Matt!Commec’estbondetevoir!

S’ensuivitunéchangesansfind’accoladesfraternellesqueRinaetLydialorgnèrentd’unœilgêné.Cen’étaitpasmonnaiecouranteencequilesconcernait,mêmequandellesétaientenfants.Lesannéesquiséparaientleursnaissancesavaientcreuséunfosséquin’existaitpasentrelesdeuxfrères.

—ArianaestlasœurdeLydia,annonçaMatthewàAidan.

—Nousnousconnaissons.J’avaisdéjàfaitlerapprochement.

Rinaressentitdelégerspicotementsremonterlelongdesondos.Letondétachéd’Aidanneluiplaisaitpas.Ilsseconnaissaientunpeuplusquecequ’ilsous-entendait.ÀcroirequeCassidyluiavaitfaitsubirunlavagedecerveau.

—JepensaisinviterRinachezPapaetMamandemainsoir,indiquaMatthew.Histoirequelesdeuxsœursrattrapentletempsperdu.Unepersonnedeplusoudemoins…Tusaisbienquenosparentsadorentrecevoir.

—C’estque…protestaAidan.Rinan’estpeut-êtrepaslibre.

—Rinaestlibre,confirmal’intéressée.C’estplutôtunebonnecoïncidence,non?

SiMatthewcompritqu’ilssecomportaientcommedesgamins,iln’enlaissarien.

—Àdemain,Rina.

—Mercipourl’invitation,Matthew.Àdemain,Lydia.

Sasœurl’ignoraetinstallasoigneusementCalvindanssapoussetteavantdesortiravecsoncompagnon.

—Jevousrejoins,annonçaAidan.Partezdevant.

Quandilsfurentsuffisammentéloignés,ilsetournaversRina.Ilavaitl’airconsterné,voirecarrémentfurieux,cequilerendaitterriblementsexy.Rinaavaitjusteenviedeleplaquercontrelemurpourluimontrerqueleursretrouvaillesétaientforcémentinévitables.Elledemeuraitpersuadéequ’ilnes’agissaitqued’unequestiondetempsavantqu’ilsnesuccombentànouveauàlatentation.Commelorsqu’ilsavaientfinalementlaissélecoursdeschosesprendrepossessiondeleurscorpsquelquessemainesplustôt,dansuncertainascenseur…

—Àquoitujoues?s’enquit-il.

—Jevaisessayerdemeréconcilieravecmasœurettonfrères’estgentimentportévolontaire

pourm’aider.C’estunchictype.

—Ouais,ilfaitceteffetàtouteslesnanas.Maisjeparlaisdetacrisedetoutàl’heure.

—Maquoi?

Elleeutunmouvementderecul.Cettefois,c’étaitellelaplusencolère.Lesavoirsiaveugleàsadouleurlarendaitfolle.Elleauraitaiméluiouvrirlesyeuxetpointerdudoigtcequ’ils’évertuaitànepasvouloirregarderenface.MaistantqueCassidyétaitdanslesparages,celasemblaitpeineperdue.

—Jen’aipasfaitdecrise.Jesuisfatiguée,j’avaisenviederentreretnondetrouverdeuxobsédésentraversdemonchemin.

Ilsegrattalementonenréfléchissant.Ellevoyaitbienqu’ilcherchaitàcomprendre.Peut-êtrequecelaferaitenfinlumièredanssatêtesielleyclouaitlessentimentsrévélésquelquessemainesplustôt.Pourluirafraîchirlamémoire.

—Sijemesouviensbien,quandc’étaittoiquejepelotaisdansmavoiture,celanetedérangeaitpas.Tuétaismêmelapremièreàfairecettesuggestion.

Elleeutdumalàdéglutirpendantqu’ilapprochaitsonfrontdusien.Lesyeuxdanslesyeux,ellesemitàprierqu’ilsedécideenfinàl’embrasser,sonpasse-tempsfavoriiln’yavaitpassilongtemps.

—Tun’étaispascontrenonplus.Etd’aprèscequej’aivu,jetefaisaisplusd’effetquecettepseudobombasse.Maisavecelle,tuasl’avantagedepouvoirlabaiserenpublicsansqueçagênequiquecesoit.C’estsansdoutecequiteplaîtchezelleaupointdelalaissert’exhibercommeunsacàmain.

Ilserralesdentsetattrapasescheveuxdansungestefurieusementsensuel.C’étaitexactementcequ’ellecherchait:lepousseràbout,fairemonterlacolèreetlapassionquicouvaientenlui.Cettedernièreétaitlàquelquepart,prêteàjaillir.Ellelesentaitàlachaleurdesamainposéecontresanuque.

Ilfinitnéanmoinsparlalâcheretremettresesmainsdanssespoches,commes’ils’interdisaitdelatoucherencore.

—Ellem’accompagnerademainsoir.S’ilteplait,tiens-toitranquille.Ellen’arienàvoiravecnoshistoires.

—Trèsbien,concédalajeunefemme.Jeseraiavecquelqu’unaussi,detoutefaçon.

—Ahoui?Jeleconnais?

—JackBridges,del’hôpitalmilitairedeWashington.Çateditquelquechose?

Oui,celaluiparlait.Unpeutrop,même.C’étaitletypequil’avaitsoignéeàsonretourd’Afghanistan.Ilavaitleculotdesortiravecunenanaquiétaitfiancéeetquiavaitperdul’enfantd’unautreunmoisetdemiplustôt!Mêmesicen’étaitpastoutàfaitexact,Aidanluiavaitprésentéleschosesdecettemanière.

Ilserralepoingdanssapochedeblousonsansvraimentcomprendrepourquoi.Était-celesouvenirdelatrahisondeRina?OusarelationavecceJackquilemettaithorsdelui?Ildécidaqu’ilchercheraitàanalyserlasituationplustard.Cesoir,ilallaitretrouversonfrèreetprofiterdesavisite.Lasoiréesuivanteseraitsansdouteintéressante.Restaitàsavoirquelletournureelleallaitprendre.

—Jedoisyaller,lâcha-t-ilsoudain.Bonnesoirée.

—Okay,àdemain.

Elleleregardapartirsansrienajouter.Quandilfutàl’extérieur,ellecommençaàmonterlesmarchesaveclassitude.Lasituationlarongeait.Illuisemblafinalementqueplusrienn’étaitpossiblepourl’arranger.Ellesesentaitcondamnéeàrestermalheureuseetsanslui.Elleavaitpourtantbesoindeseraccrocheràl’espoirquelarouetourneraitenfinàsonavantage.Elleétaitfatiguéedelutterpourquelquechosequineviendraitjamais.

—Rina,attends!

Ellefitvolte-faceet,avecétonnement,découvritAidanquivenaitàsarencontre.Ils’arrêtaàsahauteur,àquelquescentimètresàpeinedesaboucheaupointqu’ellepouvaitsentirsonsoufflecontreseslèvres.Unevéritabletorture.Oserait-elleglissersesdoigtsdanssescheveuxpourl’attirerplusprès?

—Jevoudraisjustesavoirunechoseavantdem’enaller…Cequetum’asdit,lesoiroùtum’astrouvéchezmoiavecCassidy,c’étaitvraimentsincère?Oubienjusteunemanœuvreparcequetuavaisenviedebaiser?

Ellelevalamainpourlegiflermaisill’arrêtaenchemin.Apparemment,ilavaitconsciencedecequesaquestionsusciterait.Alorspourquoi?

Ellebouillaitintérieurement.Commentosait-il?Ellen’avaitjamaisrienconfiédesavied’aussiintimeàunhommeàpartluietvoilàqueceluiquesoncœuravaitchoisisecomportaitcommeunabruti!

Rinatentadesedégagerdesonemprisemaisillaretenaitfermement.

—Lâche-moi,lesupplia-t-elle,auborddeslarmes.Tun’asdécidémentriencompris!

—Alorsexplique-moi,bordel!Çafaitdessemainesqu’onestincapablesdeseparler,qu’ontourneautourdupot.J’enaimaclaque!Pourquoicrois-tuquejesoisavecCassidy?Elleaumoinsestunefillesimple,ellesaitcequ’elleveut.Contrairementàtoiquiprendslafuitetoutletempsetquinem’incluspasdanstavie.Tum’asbrisélecœur,Rina.

—Jemesuisdéjàexcuséemillefois,tuveuxquoideplus?Unereconnaissancededette?

Ilnesavaitmêmepascequiluiavaitprisdeluicouriraprès.Alorssavoircequ’ilvoulaitlàmaintenant,c’étaittropluidemander.Ilavaiteubesoind’elleaumomentoùelleluiavaitànouveautournéledos.Commentsavoirsielleétaitdignedeconfianceous’ilpourraitcomptersurelledanslesmomentsdifficiles?Iln’étaitsûrderienlaconcernant.Pouvait-ildéciderderemettresoncœur

entrelesmainsd’unefemmequil’avaitdéjàbousilléunefois?

—Jenesaispascequejeveux.Quandjesuisprèsdetoi,jeperdslespédales.Mesmainsteréclament,maboucheselanguitdelatienneetjen’arriveplusàalignerdeuxmotssansavoirenviedetediredeschosesinsensées.J’aiterriblementmaldet’aimer…

10MalgrélesomnifèreavaléetladiscussionàrallongeavecJackavantdesecoucher,Rinan’avait

pasréussiàtrouverlesommeil.TropbouleverséeparsadernièreconversationavecAidan,elles’étaittournéeetretournéedanssonlitpendantdesheures.Surlacouette,endessous,enpyjamaetmêmesans,rienn’avaitcalmésonespritendéroute.Leslongueursbienfaisantesdanslebassincematin-làneparvenaientmêmepasàchassersestourments.ElleserepassaitsanscesselascèneoùAidanselivraitàelletristementavantdelalaisserplusseuleetdévastéequejamais.

«J’aiterriblementmaldet’aimer».Savoircelaauraitpuluiredonnergoûtàlavie,maiscetaveusonnaitcommeunemalédictiondanssabouche.Quivoudraitd’unamourquifaisaittantsouffrir?Aidanentoutcasavaitchoisidel’exorciserenfaisantentrerdanssavieuneautrefemme.

Pourlemoment,Rinadevraits’enremettreàJackquil’attendaitdepuisdixbonnesminutesaurez-de-chaussée.Ellen’enétaitpasencoreàl’étapeoùellel’autorisaitàmonter.Nonpasquecelanesoitpasdansseshabitudes,maisellen’avaitpasdutoutenviequesarelationavecluiprennecevirage.

Elles’étaitsoigneusementpomponnéepourattirerlesregardsdesonnouvelamantenespérantqu’ilssusciteraientlajalousiedel’ancien.Sarobebleunuitauprofonddécolletéetéchancréedansledosferaitl’affaire.Elleavaitaussidégagésanuqueetrassemblésescheveuxenunejolietorsadeàl’arrièredesatête,dequoiavoirl’airapprêtéesansenavoirtropfait.Ellepritensuitesapochettedesoiréeetplaçaunlongchâlesursesépaules.

Alorsqu’ellefermaitlaportedesonappartement,Lucysortitdusien,habilléed’unensemblebleupétrolequiélançaitsasilhouette.Composéd’unpantalonfluideetd’untopassortinouéàl’arrièredesoncou,lacouleurétaittypiquedelajeunefemme.Tape-à-l’œiletamusante,elleattirait.Lucyétaitsublime.

—Tuesmagnifique,luiditRinalorsqu’ellelevaenfinlesyeuxverselle.

—Merci,tuesplutôtbiensapéetoiaussi.JesuisinvitéechezlesparentsdeLukeetAidan,cesoir.

—Ah,toiaussi?

Lucyfronçalessourcilsencomprenantcequecelavoulaitdiremaisn’enexprimapaslefonddesapensée.Aucoursdesdernièressemaines,lesdeuxamiesavaientpréférééviterlessujetsfâcheux.EllepensaitquelapageAidanétaittournée.

—J’aiétéinvitéeparMatthew,sejustifiaRina.

—Okay,c’estcool.Onseverralà-bas.JedoispasserauGetUpavantd’yaller.Lukem’ademandédel’aidepourtransporterlesboissons.

Elleluifitunpetitsignedelamainetpassaprécipitammentdevantelleenfaisantclaquerlespetitstalonsdesesbottines.Ayantchoisidesescarpinsbienplushauts,Rinapréféranepasluiemboiterlepas.ElleaccrochasesgrandsanneauxenoràsesoreillesetsepréparaàaffronterJack.

Commeelles’yattendait,ilétaitassisdansl’undesfauteuilsduhalletpianotaitsesdoigtssurl’accoudoir.Ellesoufflasonprénompours’annoncer.Quandillavit,ilouvritlabouchepuislarefermasansqu’aucunsonn’ensoitsorti.Illuifallutquelquessecondespoursedécideràselever.

—Désoléed’êtreenretard,s’excusalajeunefemme.C’esttoutmoi.

—Tuesdéjàpardonnée.Rina,tues…éblouissante!Vraiment,jesuissouslecharme,avoua-t-il,unemainsurlecœur.

Elleluisouritnonpasparcequ’elleétaitflattée,maisparcequesonstratagèmefonctionnait.SiJackn’étaitpasinsensibleàsoncharme,ilyavaitdeforteschancespourqu’Aidannelesoitpasnonplus.

Elles’approchadeluipourl’embrasserduboutdeslèvres.Ilcherchaimmédiatementàapprofondirsonbaiser,maisellelerepoussadoucement.

—J’espèrequetuaccepterasenfindeterminerlasoiréechezmoi,lapriaJack.Tuvasmerendredingue.

Sonexpressionluifitcomprendrequecesoir-là,ellenepourraitpaséchapperàsesdésirs.Ellen’avaitfaitquerepousserl’échéance,ilétaitsansdoutetempsderendosserlecostumedefemmefatalequ’elleportaitavantd’arriverici.

—C’estpeut-êtrelebut,justement.

Elleillustrasesparolesd’unclind’œiletl’entraînaverslasortie.

—Nousallonsvraimentêtreenretard.

Illuiouvritlaporteetlalaissapasserdevantlui.Àquelquesmètresàpeine,ellevitCassidys’installerdanslavoitured’Aidantandisquecedernierouvraitlaportièrecôtéconducteur.Ildutlesentendrecarilsetournaverseux.Rinasesentitrougirquandleregardpénétrantd’Aidanseposasurelle.Sesyeuxnelalâchaientplus,ilslacaressaientetépousaientsesmoindrescontoursdepuissesépaulesjusqu’àlacourbedesesmolletsgalbésdesoie.Sielleavaitconsciencequ’ilnepouvaitpassedétacherd’elle,Jacks’enaperçutaussi.Ilsepenchaversellepourl’interroger.Ellelesavaitlourddereprochesetdequestions.Commentnepass’enposeralorsqueleurcomportementétaitsiéloquent?

Ilresserrasonempriseautourdesesépauleslorsqu’ilsfurentdevantlui.

—Salut,ditRinaàsonintention.

—Euh…Salut.

AidanneserenditpastoutdesuitecomptequeJackluitendaitlamainenguisedesalut.Perdudanslacontemplationdelafemmedesespensées,merveilleusedanssarobeauxrefletsdenuit,ilsesentitbête.Rappeléàl’ordreparunesortedegrognementémisparJack,ilseretrouvacontraintàsaisirlamaintendue.Ildécidad’yimposertoutelaforcedontilétaitcapable.MaisceJackavaiteulamêmeidéederapportdeforce.C’étaitridicule,puéril,toutefoisplusfortquelui.LevoirtripoterRinale

faisaitbouillonner.Sonsangchauffaitdanssesveinesetl’obligeaitàsedépasser.

—Onvousdépose?leurdemanda-t-il,biendécidéàgarderunœilsureux.

—Non,çaira,merci,refusapolimentJack.Mavoitureestjustelà.

Aidanacquiesçaets’installaauvolant.

—Suivez-nous,alors,dit-ilavantderefermerlaportière.

Quelquesmètresplusloin,Jackouvritlaportièredesaproprevoitureàlajeunefemme.Ilsecomportaittoujoursenparfaitgentleman,bienquecettequaliténepèsepaslourdfaceàAidan.Aufond,ellenevoulaitpasluifairedemal.Iln’étaitpasunmauvaistype,aucontraire.Illuiprouvaitsonattachementdepuisdessemaines,attendantqu’ellesoitprêteàluitomberdanslesbras.Peud’hommesaujourd’huiétaientcompréhensifs.Non,sonbutn’étaitpasdutoutdeluifairedelapeine,mêmesielleétaitcertaineparavancedeluienfaire.

S’ensuivitunlongsilencependantqu’ilsfilaientverslapetitebourgadedePleasantHills,petitcoindecampagnetranquilleaunorddeBaltimore.Plusilss’enapprochaient,plusellepeinaitàrespirer.

Unedemi-heureaprèsleurdépart,Aidanavançasavoituredansl’alléegoudronnéequimenaitàunejoliemaisonauxpierresapparentes.Ils’arrêtadevantl’undesgaragessurlecôtédelamaisontypiqueduMaryland.Pluslargequehaute,ellerespiraitl’opulencedelafamilleFieldsquiavaitlesensdudétail.Petitsarbustesbientaillés,piscinesécurisée,drapeaudelanationdéployéetvieuxpanierdebasketinstallédanslapetitecour,Rinaseseraitcruedansunesitcom.Néanmoins,elledevaitreconnaîtrequel’ensemblenichéaucreuxdelaforêt,bienàl’abri,valaitledétour.

—Bienvenuedansl’antiquedemeuredesFields!s’exclamaAidanquandilsfurentsortistouslesquatre.

Postéeprèsd’Aidan,Cassidysemblaittendue.C’étaitvraisemblablementsapremièreprésentationofficielleàlafamille.Rinal’enviaitunpeucaraucoursdessemainespasséesauprèsd’Aidan,l’occasionnes’étaitpasprésentée.Àcetteépoque,sonobjectifn’étaitpasdutoutderesterdanssavie.

Aidancontournalamaisonets’avançajusqu’àlaporte,samainbienserréeautourdecelledeCassidy.RinarestaenretraitprèsdeJacktoutenlessuivant.Ilentradanslamaisonsansfrapper,ilsemblaitdetouteévidenceencorechezlui.

—Maman?Papa?

Illaissasacopineàl’entréedelasalledeséjourpendantqu’ilsillonnaitlespiècesàleurrecherche.Décoréesavecgoût,bienquechargées,ellesétaientspacieusesetassurémentchaleureuses.Lesalonétaitparexempleagrémentédedeuxsofasàl’assisebienlargeetauxcoussinsépaisquidonnaientenviedes’yposersansensortir.Lapiècedonnaitsuruneterrassed’oùprovenaientdeséclatsderire.

—Aidanamèneunefille,cesoir,annonçaitlavoixenthousiastedeCaitlin.Çaal’airsérieux.

—Ahoui?s’étonnaMatthew.Ilfautcroirequ’ilyaundébutàtout.

Delàoùellesetrouvait,Rinavitl’aînédesFieldsdresserlatableavecsamèrependantquelechefdefamillerassemblaitlenécessairepoursonbarbecue.

Aidanleurfitsigned’approcheraveclui.QuandMatthewlesvittouslesquatre,ilseprécipitapourlesaccueillir.Aucunsignedesafemmedanssonsillage,constataRina.C’estalorsqueCaitlinseretournaetémituneexclamationjoyeuseencroisantsonregard.

—Ariana!Quellebonnesurprise!

Elles’approchapourlaprendredanssesbrasetlaserrercontreellecommeunemèreleferaitavecsonenfant.

—Jemedoutaisbienqu’ilsepassaitquelquechoseentrevousetmonfils.Ilyadespetitesétincellesqu’unemèrenepeutignorer...

Rinacherchaleregardd’Aidanqui,malàl’aise,saisitlamaindesacavalière.

—Maman...Arianaestjusteuneamie.JesuisvenuaccompagnédeCassidy.

Gênéeparlaméprise,samèrefixalonguementlesdeuxjeunesfemmestouràtour,commesielleavaitbesoindelescompareravantd’émettreunavissurlanouvellefemmedesavie.

Lerestedesprésentationsfutbref,Caitlinretournants’occuperàlacuisine.

Matthewlesguidasurlaterrasseoùilsretrouvèrentlepèredefamilledéjààl’ouvragederrièrelebarbecueetDiana,lajumelled’Aidan.Elleexhibaitsesjambesdénudéesparlemini-shortqu’elleportaitpourl’occasion.Satenueétaitcomplétéeparundébardeurnoirquinesemblaitpasassezgrandpourmaintenirsapoitrineetcelanelagênaitpasoutremesure.

Cettedernièreembêtaitsonfrèreaînésursesperformancescataclysmiquesenmatièredegrill.Elleracontaitàtousl’anecdotequiavaitconduitàfaireconstruirecebarbecueenpierrealorsqu’ilavaitmislefeuàceluieninoxquelquesannéesplustôt.

PatrickémitunriretonitruantquandilprécisaqueMatthewavaittoujourssumanierlesmotsplutôtquelesbrochettes.Rinaappritalorsqu’ilétaitavocat.Cequiexpliquaitsonbesoindeprendreladéfensedeceuxquiétaientattaqués.

Lydiaapparutalorsavecsonfilsquipleuraitdanssesbras.Ildevaitavoirungroschagrincardegrosseslarmescoulaientsursesjoues.Ilneluifallutpasplusdequelquessecondespourcomprendrequ’ilavaitfaim.

Peuàpeu,lesinvitéss’assirentauxplacesdésignéesparlachefdefamille.ElleplaçaLydiaetlepetitenboutdetable,MatthewàcôtédesacompagneetRinaàcôtédeCalvin,cequifitserrerlesdentsdesasœurquil’ignoraitdélibérémentdepuisqu’elleétaitàquelquesmètresd’elle.Lasoiréeseraitlongue.SurtoutavecJackassisàsagaucheetCassidyjusteenface.Elleavaitenviedeglissersouslatableetd’attendrequelesminutespuislesheurespassent.

Audébutdurepas,presquepersonnen’ouvritlabouche.PasmêmeLukeetLucyquiavaientpourtantl’habitudedesechamaillerpourunouioupourunnon.RinaobservalesmembresdelafamilleFields,toussilencieux.Caitlincoupaitsaviande,Patrickmastiquaitensoulevantsonverredevinetenjetantdesœilladesperplexesàsonépousequihaussalesépaules.Cequivoulaitdirequecen’étaitpashabituel.Était-cesaprésencequirendaitl’événementmoinsfestif?

—Rina,peux-tumepasserlesépicesàgrillade?luidemandaMatthew,aussitôtfrappéparleregardnoirdeLydia.

—Quoi?fit-il.Ellessontjustedevantelle.

Lydiasoupiraetreportasonattentionsurlepetitquirefusaitlescuilléréesdepuréequ’elleluiprésentait.Ilétaitunpeugrognon,sûrementfatiguéparsajournée.

—Çafaitcombiendetempsquevoussortezavecmonfrère,Cassidy?s’enquitDiana.

L’interpelées’essuyasursaservietteavantderépondre,commesiellecherchaitàgagnerdutemps.

—Quelquessemaines.

—Etvousvenezdequelcoin?enchaînalajumelled’Aidanquilorgnaitsonfrère.

—DeCalifornie.JesuisenposteàFortIrwinetactuellementenremplacementdanslarégion.

Ellenementionnapaslefaitqu’elleoccupaitlaplacedeRinaletempsdesaconvalescence,maiscelanel’empêchapasdecroiserleregarddelajeunefemme.

—J’imaginequeceseratrèsdurdequitterFortHolabird,maintenantquevousêtesavecmonfrère.

Dianatressautasoudainsursonsiègecommesiellevenaitdeprendreuncoup.Àsonairfâchéquandellecroisaleregarddesonjumeau,Rinasupposaqu’illuiavaitécrasélepiedsouslatableouuntrucdugenre.Sibienqu’ellearrêtasesquestionsetregardalefonddesonverrevide,cequireplongeal’assembléedansunsilencedemort.Ellen’osaitmêmeplustoucheràsonassiettealorsquelesgrilladesdePatrickluidonnaientl’eauàlabouche.

—Toutvabien?luidemandaJackquis’étaitpenchéàsonoreille.

Ilposasamainsursacuissequ’ilcaressaduboutdesdoigts.Commeilinsistait,elledutprendresamainetladéplacerverssaproprecuissepourêtretranquille.Ellen’avaitpasdutoutenviedesedonnerenspectacle,cesoir.

—Çava,tenta-t-elledelerassurer.Tupourrasmeramenerpastroptard?Jesuisfatiguée.

Déçu,ilacquiesçaetseconcentraànouveausurlacôtedeporcquitrônaitdanssonassiette.QuantàRina,ellereportasonattentionsurCalvinquis’amusaitentapantsacuillèresursonassietteenplastique.Lejeufavoridesbébés,àenjugerparlesourirequiilluminaitsonpetitvisagejoufflu.Maisilabandonnavitesonjeupourunautrebienplusdrôle:trempersesdoigtsdanslapuréefroidequirestait.Ilfrappaensuitesesmainsentreelles,éclaboussantsatanteaupassage.Cettedernièreprit

uneservietteenpapiersurlatableets’approchadupetitpourluiessuyerlesmains.

—Net’avisepasdeletoucher!tonnalamamanenrepoussantbrusquementsachaise.

Secouée,Rinasuspenditsongesteetregardasasœurs’activerpournettoyerunpeusonbébégesticulantsursachaise.Touslesconvivesavaientlesyeuxrivéssurelles,visiblementsurprisparlaviolencedesmotsdeLydia.

—Commentpeux-tuavoirleculotdet’enapprocher?sifflal’aînéedessœursJames.

—Lydia…S’ilteplait,allonsàl’intérieur,conseillaMatthew.

—Non,refusalajeunefemmequiextirpaitlebébédesachaisepourletenircontreelle.Jen’airienàcacher.IlesttempspourRinad’assumercequ’elleafaitparlepassé.

Bousculéeainsiparsasœur,ellenetrouvapaslesmotspoursedéfendre.Pasdevantcesgensqu’elleconnaissaitàpeineetsurtoutpasconcernésparleurshistoiresdefamille.Lerougeauxjoues,ellereposasaserviettesurlatableetselevapourfairefaceàLydia.Prendrelafuiteetnejamaisrevenirauraientdonnétropdesatisfactionàsasœuraînée,aussidécida-t-ellederassemblertoutsoncouragepours’expliquerenfinavecelle.Maispasdevanttoutlemonde.Ellen’étaitpasdugenreàlaversonlingesaleenpublic.

Ellelasuivitàl’intérieurdelamaison,Matthewsursestalons.D’office,ilseglissaentreellesetpritCalvindanssesbras.

—Vouspouvezvousécharpertantquevousvoulezmaispasdevantlepetit.Jevaislemettreaulit.

Ellesattendirentqu’ilsoitàl’étage,horsdeportée,pourserapprocherl’unedel’autre.Lesyeuxdanslesyeux,lespoingsserrésetlesépaulesbienraides,ellesauraientpuparaîtresurlepointdegrimpersurunring.

—Jen’auraijamaisfaitdemalàCalvin,commençaRina.

—TuenasbienfaitàFaith!

—Jeneluiaifaitaucunmal.Tuasdûlirelesrapportsdepolice,ledossiermédical,ilneluiapasétéfaitdesévices,jemesuisbienoccupéed’elle.Jen’étaispasdansmonétatnormal!Jemesuisexcusée.

—Parcequetucroisqueçapeutracheterlefaitquetuaiesenlevémafille?Monpetitbébésansdéfense!Tucrevaisdejalousiequ’Alanm’aitpréféréeàtoiettunousasprisnotrebébé!

Bienmalgréelle,Rinasentitleslarmesmonter.Sesnarinesseplissèrentpourrefoulerlavaguedechagrinquimenaçaitd’exploser.Elleattenditensuitequelquessecondespourquesavoixnevacillepasquandelles’expliquerait.

—Tunet’endéfendsmêmepas!criaLydia,àboutdenerfs.Tuespitoyable,mapauvreAriana!Tucroyaisvraimentqu’ilt’auraitchoisietoi?

Ellefaisaitfausserouteetmouraitd’enviedetoutluidéballer.Seulementellecraignaitquedanscetétat,elleneprennemêmepaslapeinedel’écouter.Àlavoirsiinflexibleetlestraitstirés,ellesemblaitavoirrendusonjugementdepuisdesannéessanspouvoirleréviser.

Lydiaricanaetcroisalesbrassoussapoitrine.Siellen’avaitpasétésasœur,ellen’auraitpashésitéàluiassénerunegiflepourl’obligeràlaprendreausérieux.

—Pourquoiaurais-jevouluêtrechoisieparl’hommequim’aviolée?prononçatoutdoucementRina.

Horrifiéeparlesmotsdesasœur,Lydiareculad’unpas.Unelueurassassineéclairad’abordsespupilles,éclairquisechangeaviteenincompréhensionetensuiteendéni.

—Commentoses-tumentirdecettefaçon?Tuespèresquejetepardonneavecdescalomniespareilles?Alann’estpasunenfantdechœurmaistuvastroploin!

—Tun’asjamaisvouluvoirquec’étaituneordure!C’esttoiquejeplainsd’avoirvécuavecunmenteurdoubléd’unmonstre!

QuandelleentenditMatthewredescendre,Lydiaseréfugiadanssesbras.

—Tuterendscompte?seplaignit-elle.Elleestmêmecapabled’inventerunehistoiredeviolpouravoirmaclémence!

MatthewsondaalorsleregarddeRina.Lagorgenouée,ellen’arrivaitmêmeplusàparler.Detoutefaçon,Lydianelacroiraitjamais.Elleétaitdanssonmonde,danssabulledebien-êtredepuistoujours.Pourelle,sasœurcadetteseraitpourtoujoursunecriminelle.

—Alanm’afaitchanterpendantdessemaines,continua-t-elled’expliqueràsasœuretMatthew.Quelquesmoisaprèsleviol,ilm’aobligéeàluicéder.J’étaisunegamine,jecroyaisqu’ilmeferaitdumaletqu’ilt’enferaitaussi.Jepensaisteprotéger.Ildisaitqu’ilraconteraitlespireshorreursànosparents,qu’iltevioleraitaussi.Etpuistuasfiniparsurprendrecequiétaitunesituationcommunedemesvacancescheztoi.

Lydiacouvritseslèvresavecsesmains,soudainpâle,commesielleallaittournerdel’œil.Lacroyait-elle,oubienétait-elleécœuréeparcequ’ellepensaitêtredesmensonges?

—Elleditlavérité,énonçaMatthewenresserrantsesbrasautourdeLydia.

Sasœurouvritlabouchepuislareferma.Unefois,deuxfois.C’étaitbienlapremièrefoisqu’elleperdaitl’usagedesalangue.

—Je…hésitaLydia.Ilavraimentfaitça?

SavoixsebrisaalorsqueRinahochaitlatête.Leursjouesétaientàprésentruisselantes.Chacunesouslecoupdel’émotionquil’assaillait.

—C’estarrivéquand?s’enquitLydia.

Rinanesesentaitpascapabledeluiavoueretdebalayerlesbonssouvenirsdesasœur–sielleenavaitaveclui.Ellepréférachercherdesyeuxdequoiseredonnerfigurehumaine.MatthewsedétachadeLydiapourluitendreunmouchoirentissu.

—C’estgentil,leremerciaRinaavecunsouriregêné.

—Jeveuxsavoir,repritLydia.Tumedoisbiença.

Rinaavaladifficilementsasalive.Ellecroyaitdéjàvoirdenouvellesatrocitéssepeindresurlevisagedéjàtristedesagrandesœur.Elleneméritaitpascela,mêmeaprèstoutlemalqu’elless’étaientfait.

—Lejourdevotremariage,révéla-t-elle.

Ellehoquetadesurpriseetouvritdegrandsyeux.Ellenehurlapas,nelatraitapasdetouslesnoms.Non.Ellecherchajusteunsiègepours’asseoir.Elletiraunfauteuiletselaissatomberlourdementdessus.Celavalaittouteslesexcusesdumondedelasavoiraussibouleversée.

—Je…jesuisdésolée,s’excusaRina.Jen’aipaspumedéfendre.J’étaisauxtoilettes,ilm’asurprisepar-derrièreetila…

—Tun’aspasàt’excuser!lançasoudainlavoixfamilièred’Aidan.

Ellefitvolte-faceetdécouvritsonex-amantsurlepasdelaporte-fenêtre,lespoucesenfoncésdanslespassantsdesonjean.Ils’approchadoucement.Sespasluisemblaientdésespérémentlentsalorsqu’elleavaitenviequ’illaprennedanssesbras.

—Tueslàdepuislongtemps?luidemanda-t-elle.

—Assezpoursavoircequ’ilyaàsavoir.Pourquoitunem’enasjamaisparlé?J’auraiscompriscertainesdetesréactions.Notammentcelleoùjet’aifaitsipeuraprèst’avoirsurprisederrièrelehangar.

—Jenevoulaispast’ennuyeravecmeshistoires.

—Tuauraisdûmeledire!Jet’auraivolontiersaidéeàboxerceminable.Tunel’aspascognéassezfort.

Elleneputs’empêcherdesourire.Illuifaisaitdubien.Àsafaçon,ill’avaitréconfortéerienqu’aveccespetitsmots.Etellemouraitd’enviequ’ill’enveloppedanssachaleurpouruncâlindontluiseulavaitlesecret.

—Onvavouslaisser,leurditalorsMatthew.Àtoutàl’heure.

IlpritLydiaencoresouslechocparlamainetl’emmenaàl’étage,làoùilallaitprobablementlalaisserépanchersatristesse.

Quandilsfurentenhautdesmarches,Aidanattiradelui-mêmeRinacontresontorse.Là,ill’encercladanssesbrasetcalasatêtecontresonépaule.Lementonappuyésurlesommetdesa

chevelure,ilsoupirad’aise.

—Tuasdécidémentlatêtedure,énonça-t-il.Jemedemandecequetumecachesencore.

S’ilsavait!EtdirequeLydian’ensavaitpaslamoitié!Quandellesauraitqu’Alanl’avaitengrossée,aucundoutequ’elleauraitdumalàs’enrelever.

Elleselibéradoucementdesonétreintepourleregarderdanslesyeux.Seplongerdanssesirislimpidesétaitunefolie,commesilanoyadeassuréeétaitplusdoucequetouteautrechose.Elleglissasurseslèvres,àquelquesmillimètresàpeine.Sonsoufflecaressaitlacommissuredesabouche,commeunappelàl’ivresse.

Unraclementdegorgelesfitsetournerbrusquement,làoùCassidyetJacklesdévisageaient.

—Ondérange?

11Rinas’écartabrusquementd’Aidansouslasurprise.Sil’hommedesespenséestentadelaretenir

parlamain,elleréussitàluiéchapperpouralleràlarencontredeJacketCassidyquilesdétaillaientd’unœilréprobateur.

—Ohmaisnevousgênezpaspournous!s’exclamaJack.Quelleétrangesensation…

—Laquelle?interrogeaRina.

—Celledeserendrecomptequej’aiétéprispouruncon.Quenousavonsétépristouslesdeuxpourdesidiots,devrais-jedire.Jel’aicomprisquandjet’aivuetejetersurlui.

Ellereculad’unpas.Jackn’avaitjamaisétésifurieux.Etpourtant,elleluiavaitdéjàdonnél’occasiondel’être.

—Pardon?Jenemesuispasjetéesurlui,ilétaitsimplementlàaprèsmadisputeavecLydia.Ilavuàquelpointçam’abouleversée.Noussommesamis,c’esttout.

—Pourquoicontinuercettecomédie?renchéritCassidyquisemblaitraviedes’êtretrouvéeunallié.Tun’aspasdigérévotrerupture.Maispuisquetul’asdécidée,tudoisl’assumer.

Aidanseraclalagorgeetapprocha.Ilplaçaunemainchaleureusesurl’épauledénudéedeRinapourluiapportersonsoutien.

—Jack,Cassidy,lelieuetlemomentsontmalchoisispourparlerdetoutça.Mesparentsn’ontpasbesoindevoirleurmaisontransforméeenchampdebataille.Profitonsdelasoirée.

Ilavaitréussiàcanaliserl’énergieassassinedeJack,cequiétaitunexploit.Lejeunemédecinbouillaitenfaced’elle.Surlesderniersmotsd’Aidan,ilsaisitfermementlepoignetdelajeunefemmeetletiraavecrudesse,cequilafitgémir.EllesedégageaavecforcequandCassidyetAidaneurentdisparusurlaterrasseetmassasapeaurougiequ’ilavaitmalmenée.

—Qu’est-cequiteprend?tonnaRina.

—Excuse-moi,jenesaispascequim’apris.Tevoiraveclui...çamerendfou!

—Jenesuispastachose,luidit-elle.

Alorsqu’elleallaitimiterAidanetsacompagne,elleentenditlespasdeMatthewdansl’escalier.Ilavaitl’airtriste.

—Lydiavabien?

—Unpeusecouée.Elletéléphoneàvosparentspourqu’ilsaillentchercherlesenfantschezAlan.

Àl’évocationdesonnom,unfrissonangoissantlaparcourutdelatêteauxpieds.Lesenfants

confiésàAlan...Celaluifaisaitfroiddansledos.

EllefitcomprendreàJackderetournerauprèsdesautres,cequiluipermettraitdes’entretenirseuleàseulavecMatthew.

—Commentsavais-tuquejedisaisvrai,toutàl’heure?

—Jesuisavocat,c’estmonboulotdesavoir.EnarrivantdanslaviedeLydia,j’aifaitmapetiteenquêtecarpersonnenesemblaitvouloircomblerlesvides.

—Mais...tuasdûfouillerloin,mondossierestinaccessibleetmoncasieraétéannulé.

—J’aitoujourssuoùchercher,j’aidesrelationssolides.Maisrassure-toi,cequej’aidécouvertestsousbonnegarde.

—Tun’asriendit,alors?

—Pasunmot.

Rinasedemandapourquoiils’étaitdonnétantdemalalorsqu’ilconservaitlesinformationspoursonproprecompte.Cetypedevenaitmystérieux.

—Cen’étaitpasàmoideleverlevoilesurcettehistoire,maisàtoi,lorsquelemomentseraitvenu.

Ilavaitraison,biensûr.Ellesavaitqu’unjourlavéritééclateraitetmêmesicesévénementsdataientdeplusieursannées,Rinanesesentaitpasencoreprêteàtoutrévéler.

—Merci,Matthew.Sanstoi,Lydianem’auraitjamaiscrue.

—Ohsi,maisc’étaittropduràencaisser.Cefutunnouveauchocpourelle.

Elleallaittoutdemêmeleremercierànouveauquandlestermes«nouveauchoc»s’imposèrentàsonesprit.

—Décidément,ilseraittempsquevousvousparliezentoutesincérité,touteslesdeux.

SiRinan’étaitplusprochedesasœurdepuissarencontreavecAlan,ilétaitsansdoutetempsd’yremédier.Ellesauraientsûrementdesconcessionsàfairemaiselleavaitconfiance.Rinasavaitqu’ellevoulaitretrouversasœuraînée.Elleavaitbesoind’unefamille.Delasienne,enpriorité.

SansattendreleretourdeLydiadontellevoulaitlaisserletempsdedigérerlesévénementsdelasoirée,ellerejoignitlesconvivesàl’extérieurdelamaison.LucyetLukeavaientreprisleurshabitudesetsedisputaientpoursavoirlequeldesdeuxorganiseraitl’anniversaired’Aidanlasemainesuivante.

Enlesobservantsedonnerdespetitscoupsetsedéfiercommeilslefaisaient,RinasedemandacommentsonamiepouvaitignoreràquelpointLukeétaitéprisd’elle.C’étaitsiévident!Illaregardaitcommesielleétaitsonunivers.Pourtant,elledemeuraitinsensibleàcequ’iléprouvait.

Était-ceparcequ’elleétaitencoreobnubiléeparlepetitfrère?Àenjugerparlafaçondontelleluijetaitdesœillades,c’étaitfortpossible.Sitôtleregardd’AidanposésurLucy,Rinasentitlajalousies’emparerd’elle.Illerivaausienquelquessecondes,commes’ilcherchaitàlarassurer.

C’étaitridicule!serappela-t-elleàl’ordreenretournants’asseoirprèsdeJack.Illuiavaitbienfaitcomprendrelaveillequ’ilétaitavecCassidyparcequ’elleétaitplussimpleàcomprendre.Etc’étaitlégitime.Siellen’avaitpasagidemanièreaussistupide,ellenel’auraitpeut-êtrepasperdu.Avouerenfinsessentimentsn’avaitfinalementserviàrien…

Jacks’éclipsa,cequipermitàDianadesefrayeruncheminjusqu’àelle.Lajeunefemmerepoussasacheveluresursesépaulesetcroisasesjambesfuseléestoutenseraclantlagorge.

—Alors?s’enquit-elle.

Rinasourit.Dianaétaitdécidémenttropcurieuse.

—Queveux-tusavoir,Diana?

—Oh…troisfoisrien.Juste…tucompteslaissermonfrèreàcettesangsue?

Ellesoupira.Ellen’avaitpasdutoutenvied’abordercesujetavecelle.Mêmesilajumelled’Aidanétaitsympathique,animersasoifdepotinsnefaisaitpaspartiedesesintentionsdelasoirée.

—Diana!l’interpelasamère.LaissedoncRinatranquille.Occupe-toidetetrouverunhommeetnousreparleronsdeschoixdetonfrère.

—Mouais.JetrouvaisjustequeRinaestmieuxpourlui,simplequestiondepointdevue.Qu’est-cequisepasseavecmonfrère?Çanecollepas?

Prisedecourt,Rinaravalasesprincipes,mêmesiellesetrouvaitenprésencedelamatriarche.

—Commejetel’aidéjàdit,cequisepasseavecAidanneregardequenous.

—Doncilsepasseencorequelquechose!Jelesavais!

—Diana,çasuffit,tum’épuises!pestaCaitlin.

Lajeunefemmeluitiralalanguepours’amuseretselevaendandinantdeshanchesjusqu’àlapiscine.Ellefitglissersondébardeuretsonshortàsespieds.Elleportaitunminusculebikinirosefuchsiasoussatenue.Leboutdetissuajustérévélauntatouageenformedepapillonsursesreins.

—Ilnefaitpasunpeufroidpourunebaignade?commentaRinaàl’intentiondeCaitlin.

—Lapiscineestchauffée,sicelavoustente.Jetrouveraibienquelquechoseàvousprêterdanslesaffairesdemafille.

Rinasecoualatête,peudésireusedesedonnerenspectacle.Elleenavaitdéjàassezfaitpouraujourd’hui.

—Voussavez,larassuraCaitlin,ellecherchejusteàprotégersonfrère.Etpuisc’estlaseulefilledelafamille,elleaimefaireenragersesfrères.

Rinalecomprenait.Elleavaitconsciencequ’ildevaitêtredifficiledesefaireuneplacedanscettefratrie.Maisellen’aimaitpastellementsesquestionsindiscrètes,surtoutqu’elleavaitledondeluidonnerenviedeparler.Ellesavaitqu’ellen’étaitpasmauvaise,bienaucontraire.

ElleregardaDianaévoluertelleunenaïadedansl’eauclaire.CettedernièreréussitàpersuaderLucydebarboteravecelle.Lukelesrejoignitvite,ilsemblaitvouloirprofiterdecetteoccasionpourleurfaireboirelatassetouràtour.Leurpetitescèneluiarrachaunsourire.Lukenageasouplementjusqu’àLucyquibavardaitavecDiana.Illasurprit,lasoulevanthorsdel’eausursesépaules.Lajeunefemmeéclataderireets’accrochafermementàlui.Commentpouvaient-ilsignorercequisetramait?Celasemblaitévidentpourtoutlemonde,àenjugerparlesregardsbrillantsqueleurjetaientlesautres,enparticulierCaitlin.

—Rina!l’appelaJack.Nousyallons?

Ellen’avaitpasdutoutenviedepartir.Lydian’étaitpasencoreredescendueetellesesentaitbienici.Maisàsonregard,ellecompritquecetteévasionavaitunsensbienparticulier.Siellepartaitmaintenant,ils’attendraitàlaramenerchezluipourdonnerunenouvelledimensionàleurrelation.Cedontellen’avaitpasdutoutenvie.

Ducoindel’œil,ellevitCassidys’envelopperdesbrasd’Aidan.Lajalousieenflammasesjoues,soncou,sesmains.Elleserracesdernièrespours’empêcherdefaireunebêtise.

Jackluitenditalorslamain.Ellelafixasansenvieetdéglutitpoursedonnerbonnecontenance.

—Nousnesommespasobligésdepartirtoutdesuite,tusais.Lasoiréen’estpasterminée.

—Rina…souffla-t-ilensepenchantverselle.Jecroyaisquenousdevionsterminerlasoiréetouslesdeux…Chezmoi…

Sagorgeseserra.Ellenevoulaitpasluifairedemaletencoremoinsprovoquerunescèneici.Alorsquefaire?

—Ilesttôt,Jack,insistaRina.JevaisattendrequeLydiaredescende,jenedoispaslabrusquer.

Ilétaitàdeuxdoigtsdeperdresesmoyens.Ilnes’attendaitvisiblementpasàunrefus.Illuiagrippafermementlebras,espérantqu’ellechangeraitd’aviss’illatouchait,maisilnefitqu’exacerbersondégoûtfaceàcegestedéplacé.

—Laisse-moi…murmura-t-elle.S’ilteplait…

—Ellet’aditdelalaissertranquille!s’interposaAidanquiavaitlâchéCassidypourseposteràcôtéd’elle.

Jackeutunmouvementdereculetaffrontaleregardmenaçantdesonrival.

—J’auraisdûmedouterquetuviendraisjouerlessauveurs.Maiselleestassezgrandepourse

débrouillerseule,n’est-cepasRina?

AlorsqueCaitlinselevaitpourdébarrassercequirestaitsurlatable–sansdoutepouréviterl’altercation–,elleseretrouvaentrelesdeuxhommesquitranspiraientleurtestostérone.

—Aidan…prononçadoucementRina.C’estinutile,nousallonspartir.Çavautmieux.

—Ouais,c’estça,marmonna-t-il.Amuse-toibien!

Furieuxcontreelle,contreJack,Aidans’éloignatandisqu’elleselevait.Iln’arrivaitpasàgérerlacolèrequimontaitenlui.S’illalaissaitpartiraveccetype,ilavaitl’étrangesensationdel’abandonneràtoutjamais.Repensantàsesparoles,àcettesijoliedéclarationqu’ilavaitécoutée,entendue,maisdontiln’avaitrienfait,ils’injuria.Elles’étaitmiseànueetiln’avaitrientrouvéd’autreàfairequelarepousser.Bordel,cequ’ilétaitcon!Ilavaitmisdecôtésespropressentimentsparpeurd’êtreànouveaublesséalorsquesesmotssonnaientenréalitécommeunepromessedelendemainàdeux.

—Qu’est-cequetuattends?luidemandasasœur,accoudéeaureborddelapiscine.

—Je…jenesuispassûr…

—Ehbienrépondsàcettesimplequestion:tuesamoureuxdelaquelle?Cassidy?OubienRina?

—Aidan,ditCassidyens’approchantdelui.Tudoisprendreunedécisionavantqu’ilnesoittroptard.

Savoixétaitanormalementdoucepourunefemmequipouvaitàtoutmomentsefaireplaquerpouruneautre.Oubienavait-ellecomprisqu’ellenefaisaitpaslepoids.

—Jesuisdésolé,Cassidy,s’excusa-t-il.Jen’auraispasdûtefaireperdretontemps.

—Etmoijesuisdésoléedenepasavoircomprisplustôtquecen’étaitpasfiniavecelle.

—Ramène-lavite,Aidan!luiintimaDiana.Ouilseravraimenttroptard.

IldéposaunbaisersurlajouedeCassidypourlaremercieretsautalabarrièredujardinpourseretrouverdanslacourgoudronnée.Là,prèsdesonvieuxpanierdebasket,ilregardaRinaavancersansconvictiondansl’alléejusqu’àlavoituredeJack.Cetypeétaitsisuffisantetsûrdeluiqu’ilavaitenviedeluidonnerunebonneleçondontilsesouviendraittoutesavie.

—Jack?cria-t-ilàsonintention.

Rinaetl’interpelésetournèrentverslui.Elleavaitcepetitsouriregênéquilacaractérisaitquandellenesavaitpasquoifaire.Bien,ilallaitluimontrerqu’ilsebattraitpourelle,maisàsafaçon.

Ilramassaleballondebasketquiavaitétéoubliédansl’herbeetlelançaendirectiondeJack.Ilrebonditdeuxfoisavantquecederniercomprenneoùilvoulaitenvenir.Ilétaitlongàladétentemaislerattrapa.

—Unepartie?proposaAidan.Legagnantrepartaveclafille.

IlvitRinatiquerdevantlui.Ellemitsonpoingsursahanche,visiblementtracassée.

—Charmant,dit-elle.Merci,maissansfaçon!Jenesuispasunerécompense!

—Oh,allez!Pourlefun,madouce.

Ellesentitlaracinedesescheveuxprendrefeuenentendantlepetitnomdontill’affublaitquandilsétaientencouple.Quecherchait-ilàluifairecomprendre?Qu’illuidonnaitunesecondechance?

—Etvous,Jack?Vousêtesjoueur?

—Quandjesuissûrdegagner,oui.

Jackdribblaetmenaleballonjusqu’àAidanquilevaunsourcil.Celapromettaitd’êtreamusant.

Dianaapparutdrapéedansuneserviette,bientôtrejointeparlerestedelafamille,ycomprisLydiaaucôtédesonfiancé.RinavintseposteràcôtédeDianapendantqueCassidylesrejoignait.Mince,ellel’avaitoubliée,celle-là!Maiselleneparaissaitpascontrariéeoutremesureparcequisepassaitentrelesdeuxhommes.

—Aidanluiaditadieu,chuchotaDianaàsonoreille.

Ellesursautapresquequandellecompritcequecelavoulaitdire.L’adieuàCassidy,cematchimprovisépourgagnerlafille…

Illachoisissait.Ilmettaitenfinsarancœurdecôtépourluidonnerunenouvellechance.Elleétaitsurlepointdesemettreàpleurer,c’étaitsibond’avoirunesecondechance,aumoinsunefoisdanssavie.Surtoutcelledefairepartiedelaviedecethommeformidablequ’elleaimait.Soncœurgonfladanssapoitrine.Ilrépanditsachaleuràtraverstoutsoncorpsetlefitfrissonnerd’impatience.

—DixdollarsqueBridgeslebat,pariaLuke.

—Tuyvasunpeufort!exultaDiana.IlssedisputentRina.

—Oh…alorsj’enrajoutedixdeplus!

Commesasœurluiflanquaituncoupdecoudedanslescôtes,ils’amusaàprendrelesparisdesautresconvives.CelasemblaamusertoutlemondesaufCaitlinquisermonnaLukesursesmanières.Rinaneputs’empêcherdesourire.Finalement,Aidanavaitraison.Celarendaitlachoseplusexcitanteencore.Quandilauraitgagné,ellel’accueilleraitenhéros.Danslecascontraire,ellesavaitdéjàqu’ellefausseraitcompagnieàJack.Cen’étaitpasàluiqu’ellepensaitens’endormantouenprenantsadouche.Nimêmequandellefaisaitdesprojetsd’avenir.Sadécisionétaitprise,mêmesicelaimpliquaitdesemettreendanger.

Etpuisquesoncorpsétaitmiraculeusementguéri,ilspourraientmêmeenvisagerderegardertrèsloindevanteux…Ellevoulaittenterl’aventuredelavieàsescôtés.

—Ettoi,Rina?l’interrogeaLuke.Tupariessurlequel?

—Àtonavis?réponditDianaàsaplace.

Ellenepariaitpas,entempsnormal.Maiselleétaitquasimentsûrequ’Aidanferaittoutpourgagner,neserait-cequepoursoignersonégomalmené.Pourtant,elleavaitbienenviedejouer,elleaussi.

—CinquantedollarssurJack.

Lukesifflaentresesdents.

—Tuentendsça,frérot?Rinaapariécinquantedollarsquetuallaistefairemassacrerparledocteur!

Aidanseretournaetluiadressalesourirededéfilepluscraquantquisoit.Illuifitunclind’œilpuisdésignasonfrèreMatthewdumenton.

—Tunousarbitres?

—Pourquoipasmoi?demandaLuke.

—Peut-êtreparcequetuasdeuxcentsdollarsentrelesmainsetquetuaspariécontremoi!

—Okay,bienenvoyé!

Matthewseplaçaentrelesdeuxjoueurs,leballonàlamain.Jacks’étaitdélestédesavesteetregardaitAidancommes’ils’apprêtaitàl’écarteler.

—Soyezfair-play,lesgars,okay?

—Comptelà-dessus!aboyaAidan.Tupeuxdéjàappelerlessecourspourcebondocteur.

—Jeneseraipassisûrdemoi,Fields,renchéritJack.JenevaispaslaisserRinaentrelesmainsd’unploucquiaunepetitebite.Çasevoitqu’elledemandebienplusentreses…

Aidanl’arrêtaenluisautantpresquedessusetl’attrapaparlecoldesachemise.Ilétaitàdeuxdoigtsderéglersoncompteàceséducteurdepacotille.Ilneluienfaudraitpasbeaucouppluspourexplosercettemâchoireausourireinsupportable.

Matthewlesséparaetseraclalagorge,embarrasséparlatournurequeprenaientlesévénements.

—Gardezvotrecalme,lesmecs.Jevousrappellequevousn’êtespasseuls.Soitvousjouez,soitonarrêtetoutdesuite.

AidanavaitlâchéJackàcontrecœur.IlméritaitunedéfaiteécrasantepouravoirinsultésadouceRina.

—J’aisoixantedollarsenjeu,Aidan,continuaMatthew.Nemedéçoispas.

Ilattenditquelesdeuxprotagonistesprennentpositionettenditleballonàboutdebrasentreeux.

—Lepremierarrivéàonzeremporteleduel.Prêts?

Illançaleballonets’écartarapidementcommelesdeuxhommessautaientpourlerécupérer.Sonfrèreréussitàs’ensaisirmaisleperditquelquessecondesplustard.Jackétaitrapideetavaitlahargne.Ilmarqualepremierpanierenjubilant.

—Alors,toujoursaussiconfiant,Fields?

Aulieudeluirépondre,ilbaissalatête.Maisl’assembléen’étaitpasdupe.Ilavaitunsouriretriomphantquiendisaitlongsursamanœuvre.

Puisqu’ilavaitl’avantagepourl’instant,Jackconservaitleballon.Pourcombiendetemps?

Aidanlecontraalorsqu’ils’approchaitànouveaudupanier.Mêmesisonattaquen’auraitpasétéréglementairedansunvraimatch,illatentaets’approprialaballepourlahisserdirectementdanslecercleenmétal.Ilyrestaaccroché,pourfrimer,etbonditensuitesurlegoudron.

Lesminutessuivantesfurentunesuccessiondesautsetdecoudesàcoudesquilesvirentmeneurstouràtour.Presséparlesacclamationsdesafamille,Aidans’amusaitplusqu’ilnemettaitJackendanger.C’étaitgrisantdelelaisserprendrel’avantageetleluivolerlaminuted’après.Parcontre,ilétaitdécidéànepaslelaissergagnernimêmetoucherlaballejusqu’àsavictoire.Delàoùilsetrouvait,ilmarquaunpaniersansbouger.QuandilvitlaveineducoudeJackpalpiterdefureur,ilrattrapaleballonetrenouvelal’opérationjusqu’àcequeMatthewleursignalelafindeleurmatch.

Aidans’approchaalorsdesonrivalpourluitendrelamainensigned’apaisement.

—Sansrancune?

Jacklaconsidéraetchoisitdélibérémentdel’ignorer.IlseflanquadevantRinaavantdeprendrelecheminduretour.

—Jesaisquetuavaisdéjàfaittonchoix,avoua-t-ilàlajeunefemme.J’auraisjustepréféréquetumeledisesavant.

Rinadéposaunbaisersursajoueenprononçantuntimide«pardon».IlsetournaensuiteversCassidy.

—Jevousdépose?Jepensequenivousnimoinedevrionsêtreici…

CassidysuivitlejeunemédecinaprèsavoirsaluélafamilleFields,ilsdisparurentensuiteenlaissantderrièreeuxunrugissementdemoteur.

Rinan’avaitd’yeuxquepourAidanrestéenretrait.Ilfaisaitrebondirsonvieuxballon,l’airderien,pendantquesafamillecommentaitencorelasoirée.MêmeLydiaavaitretrouvésavoix.

—Aidan!appelasoudainDiana.Tuattendsquoipourvenirrécupérertonlot?

Illevalesyeuxverscellequin’attendaitplusqu’ungestedeluipourêtresienneàjamais.Letraclaclouaitsurplace,ellen’osaitmêmepasessuyersesmainsmoitesquirévélaientsontrouble.Était-cevraimentréel?Ouallait-elleencoreêtredéçue?

—Onvouslaisse,ditCaitlin.Vousavezsûrementdeschosesàvousdire.

Elleentraînalescurieuxdanssonsillageetpersonneneprotesta.Rinalaremerciaintérieurement.Lespectacledesesémotionsmisesànu,ellenevoulaitlemontrerqu’àAidanquidemeuraitimmobile,leballonàsespieds,lespoucesdanslespassantsdesonjean.

—Aidan?osa-t-elledansunsouffle.

Lesyeuxdanslesyeux,lui-mêmen’arrivaitpasàcroirequ’ilsétaientenfinréunis.Enfin,presque.Ilvoulaitcroireenelle,eneux.Ilétaitprêtàprendrecerisquemalgrélesépreuvesdéjàtraversées.Ilneluirestaitplusqu’àluifairecomprendrequ’ilnejouaitplusetqu’ils’impliquaittotalement.Alorsilformalestroismotsavecseslèvres,commeunerépétitionàtouslesjoursquilesattendaientpourlesdireetlesentendre:«Jet’aime».

Saréellerécompensefutdelaregardersourireetverserunelarme.Solitaire,elledévalasajoueetseposasursalèvresupérieure,commepourrappeleràAidanl’attraitpremierqu’ilavaiteupourelle.Ilallaitpouvoirs’yconsacrerautantquepossibleàl’avenir,cequeRinaconfirmaens’avançantdoucementverslui,sansquittersonregard.

Quandelleeutcombléladistancequilesséparait,ellepritsesmainsdanslessiennestoutenprononçantdoucementàsontoursaréponse:«Moiaussi».

12Frontcontrefront,seulementéclairésparlelampadaireàl’extérieurdelamaison,ilsrestaient

enlacéspoursavourercetinstantdeplénitude.Cesretrouvaillesencoreinespéréesquelquessemainesplustôtétaientenfinarrivées.Humectantseslèvres,Rinaserraencoreplusfortlesdoigtsd’Aidancroisésaveclessiens.Elles’enivraitdesonodeurquiravissaitautantsoncorpsquesonesprit.

—Tunedisrien?murmura-t-elleensourianttoujours.

—Jeprofite.J’aipeurdemeréveilleretdemeretrouverdésespérémentseuletloindetoi.

—Aidan...Jedoutequeresterlà,danslefroidetdanslenoir,nousaideàyvoirplusclair.

Ill’embrassadoucementduboutdeslèvresetluisourit.

—Tuasraison,rentronssaluertoutlemondeetensuite...jet’enlève!

—Oh…Etpuis-jesavoiroùtuasl’intentiondemeséquestrer?

Ilémitunrirefrancpendantqu’illaguidaitjusqu’àlamaisondesesparents.

—Situsavaiscequej’aientête…Jedoutequetumesuivrais.

Ilavaittort.Àcetinstantprécis,ellel’auraitsuivijusqu’auboutdumonde.Deplus,lalueurmaligneetirrésistiblementcoquinedanssesyeuxéchauffaitdéjàsapeauenmanquedelui.Elleespéraitsecrètementqu’ilspourraientenfinlaisserlibrecoursàleurdésirpourleresteduweek-end.Ainsiquelesmoisetannéesàvenir.

DanslesalondesFields,lesinvitésdiscutaientautourd’uncaféfumantquiembaumaitl’airambiant.Caitlindisposaitdespetitsgâteauxetdesserviettessurlelargeplateauposésurlatablebasse.Tousseretournèrentlorsqu’ilsfranchirentlepasdelaporte.

—Jesavaisquetuétaisunrapide,ricanaLuke,maispasàcepoint!

—Laferme,Luke!l’envoya-t-ilpromener.Nouspartons.

Caitlins’avançaverssonfilsetsehissaversluipourl’embrasser.

—Soyezprudents.

ElleembrassaégalementRinaetlaserracontreellequelquessecondes.Elleneluiditrien,maislajeunefemmecompritlesensdesonregardaffectueuxquivalaittouslesmots.

Touràtour,lesconvivesrassemblésselevèrentpourlessaluer,ycomprisLydia.Ellen’embrassapassasœur–ellesn’enétaientpasencoreàcestade–maissonaînéeluiadressaunsouriregênéavantdedire:

—Àbientôt,sûrement.

Rinaacquiesça,sedemandantsiunesoiréeavaitunjourétéaussiparfaitequecelle-ci.MêmeLucynesemblapass’opposeràleurdépart.ElledemeuraitauxcôtésdeLukequinelalâchaitpasdepuisledébutdelapetitesauterie.

QuandAidanrefermalaportièrelorsqu’ellefutinstalléesurlesiègepassager,elleretintsarespiration.Elleétaitvaguementtendue,sanspourautantenconnaîtrelavéritableraison.Ils’assitenfinderrièrelevolantetfrôlasacuisseduboutdesdoigts.

—Aucunregret?serisqualajeunefemme.

Iltournasonvisagerayonnantverselle,uniquementéclairéparlelampadaireetparsonsourire.

—Absolumentaucun,madouce.Tueslaplusbellechosequimesoitarrivée.Etpuisquenoussemblonsenfinsurlamêmelongueurd’ondetouslesdeux,jeveuxenprofiteraussilongtempsquepossible.

Ilsepenchasurellepourluiarracherunlangoureuxbaiser.SamainsurlanuquedeRina,ilpressasaboucheetsalanguesurlessiennespuiss’écartabrusquement.

—Mieuxvautquejet’emmèneloind’iciavantdenepluspouvoirmeretenir.

Cettefois,cefutautourdeRinaderire.Elleglissasamainsurlacuissetendued’Aidanetlafitremontersursontorse.

—Metslecontact,dépêche-toi.Ladernièrefois,bienqu’intense,m’alaissésurmafaim!

Malgrésaceinturedesécurité,elleréussitàsefaufilerjusqu’àluipouralleràsarencontre.Mêmesielleavaitenviedelerendrefou,ellesecontentadeposersatêtesursonépauleaprèsavoirdéposéunchastebaisersursajoue.Lorsqu’ilsseraientarrivésàdestination,ellenemanqueraitpasl’occasiondeserepaîtredeluijusqu’àl’ivresse.

Ilconduisaitsouplementetbeaucoupmoinsvitequed’ordinaire,sansdoutepoursavourerl’instantprésent.LarespirationdeRinaétaitrégulière,sachaleurl’enveloppaittelunmanteau.Elleréchauffaitsoncœur.Elleétaitcellequ’ilavaitattendueunedécenniepourlesortirdesgriffesd’Ashley.Etmêmes’ilavaitconsciencequerienneseraitsimple,ilsesentaitcapabledetoutaffronteretdesebattreavecetpourelle.

Elles’étaitassoupielorsqu’ilsegarasurleparkingdel’hôtelSheratondeBaltimore.Unpeurudepourseséconomiesmaisilvoulaitquecettenuitsoitparfaite.Loindelabaseetdescontrariétésquotidiennes,elleméritaitunenuitàl’abri.

—Onestarrivés,luiannonça-t-ilencoupantlecontact.

Illuiouvritlaportièreetl’aidaàs’extrairedelavoiture.Ilgardaensuitesamaindanslasiennepourlaguiderversl’entrée.

—Nousaurionspurentrerdirectement,tusais,protestalajeunefemme.Jemecontentedepeutant

quejesuisavectoi.

—Jeveuxprofiterdecettenuit,Rina.

Pourlarassurer,ilencerclasatailledesesbrasetposasonfrontcontrelesien.

—Imagine…Tun’auraspasbesoinderetenirtescrisdepeurderéveillerLucyetlesautres.Pasbesoinnonplusdesequitteraupetitmatinoudesecacherenespérantqueleveilleurnenoussurprennepas…

C’étaitdélicieusementtentant,ilavaitraison.Rienquedes’imaginerallongéeàcriersoussescaresses,lapeaudouceentresescuissesserecouvritd’unemoiteurexquise.Lanuitleurappartenait,elleprofiteraitdechaqueseconde.

Cettefois,elleleguidajusqu’àlaréceptionoùilsréservèrentunechambrepourlanuit,avecunpetitsupplémentpourlagarderquelquesheuresdeplusdansl’après-mididulendemain.Celapromettaitdelongsmomentsdedélices.

Rinarécupéralaclémagnétiquepuisilsarpentèrentlehalljusqu’àl’undesascenseurs.Là,Aidansaisitsonmentonbrusquementpourallermalmenersabouche.Iltiradoucementsursalèvreinférieure,lasuçaenfaisantcourirunemainsurlapeaunuedesondos.

—C’estencoremeilleurquedansmessouvenirs,chuchota-t-ilcontresalèvre.Etpourtant,jel’aidéjàembrasséedesmilliersdefois…

—Net’enprivejamais,dit-elleenserrantsesbrasautourdesoncou.

Lesportess’ouvrirentsurunautrecouplequilesdévisageaavecsurprise,etaussiavecunpeud’envie.Ilss’extirpèrentdelacabineenlaissantflotterderrièreeuxl’échodeleursriresmélangés.

RinaavançaitdifficilementendirectiondeleurrefugecarAidanlamaintenaitcontreluietagaçaitsoncoudebaiserstroplégersàsongoût.Elleritquandilpressalebasdesonventrecontresesfesses.

—Attendsqu’onsoitàl’intérieur,luiintima-t-ellealorsmêmequelessecondesquilesséparaientdeleurintimitéluiparaissaientinterminables.

—C’estplusfortquemoi,mesmainsetmabouchefontuniquementcequ’ellesdésirent,dit-ildanslecreuxdesonoreille.Jenelesmaîtriseplusdèsquejet’aperçois…

Flattéeetterriblementimpatiente,Rinacambralesreinsetsefrottacontreluipendantqu’elletentaitd’ouvrirlaportedelachambre.Unefoischosefaite,ellel’attrapaparlamain,lepoussaàl’intérieurpendantqu’elleclaquaitlaportederrièreelle.

Ilsyétaientenfin.Lasuiteétaitpetitemaissuffisantepourcequ’ilsenferaient.Unlitouuncoindemoquetteparaissaientbienassezpourcultiversonimaginationdecesoir.

Illecompritàlafaçondontelleleguidaverslelit.Lorsquel’arrièredesesgenouxrencontralematelas,Aidantombaàlarenverse.Ilselaissafaire,ensorceléparlavisiondeRina.Elledéfaisaitses

cheveuxenmêmetempsqu’elleenvoyaitvalsersesescarpins.Elleétaitsublime.Presqueirréelle.Uninstant,ilcrutqu’ilétaitencoreperdudansl’undesesrêves.

—Net’arrêtesurtoutpas,madouce,prononça-t-ilenseredressantsursescoudes.

—Jen’enaipasl’intention,souffla-t-elle.

Ellesaisitlafermetureéclairdesarobedanssondos,lafitdescendrelentementets’endébarrassad’unmouvementsoupledeshanches.Ellesouritquandlesouffled’Aidanluimanqua.Ellelevitmêmedéglutirsansciller.

—Qu’est-cequit’arrive?ricanalajeunefemme.Cen’estpascommesitunem’avaisjamaisvueenpetitetenue.

—C’estvraimaiscetruc…

—Cetensembleteplaît?

Ellepritsesseinsencoupe,àmoitiécachésparlesatinnoir,etlespressal’uncontrel’autre.Contrel’étoffe,ellesentaitsestétonsgonflésprêtsàjaillirpourselibérerenfin.Sapetitetenuecomportaitégalementunserre-tailleagrémentédejarretellesretenantdesbasdesoie.Quantaupetittrianglequicachaitsonintimité,ilétaitpresqueinexistant.

—Tuveuxquejetombeàlarenverse?

—Tuesdéjàallongésurlelit,luifit-elleremarquer.Maisoui,lebutétaitbiendeterendrefou.

—Pariréussi,confirmaAidanensouriant.Tuavaisbiencalculétoncoup,àcequejevois.Vienslà.

Illuiintimades’approcherpuiselleseglissacontrelui.Sesseins,sonventrefrottèrentcontresonjeanetsachemise.Lesyeuxdanslesyeux,elles’assitensuiteàcalifourchonsursescuisses.Ilfaisaitcourirtendrementsesmainssurseshanchesauxquellesilimprimaunrythmeérotiquefictif.

—Imaginecemêmemouvementquandjeseraientoi…Nichédanstonventre,làoùjerêvedemeperdreencoreetencore.

Lesyeuxclos,ellearrivaittrèsbienàsereprésenterlascèneetmêmelessensationsquecelaluiprocurerait.Sonsexepulsaitcontreletissuquilerecouvraitencore.Elleavaitunefurieuseenviedeleprendreenelle.

EllesentitAidanbougeretundoigtvenirs’immiscerdanssonstring.Coquin,ils’enfonçadanssachair,cequilafithoqueterdesurprise.

—Jesenstachaleur,murmuraAidanenfaisantalleretvenirtrèslentementsondoigt.Tuesdéjàtoutehumide,madouce.

Elleenavaitégalementconscience.Quandilinséraundeuxièmedoigtenelle,d’instinctlesmusclesdesonvaginseresserrèrentautourdelui.C’étaitbon,terriblementexcitant.Elleremuasur

sesdoigts,appréciantlemouvementquileurpermitdes’enfoncerplusprofondémentenelleetlafitgémir.

—C’estça…Vas-y,madouce,fais-toiplaisir.

Afind’éprouverlessensationssurchaquecentimètre,ellecontinuaetimprimaunmouvementplusrapideàseshanches.Commes’ils’agissaitdesonsexeaucreuxdesonventre,ellebougeaitenunrythmeenfiévréquilamenafacilementàuneextrêmesatisfaction.Maismêmesic’étaitdélicieux,cen’étaitpassuffisant.Elleavaitbesoindelui,desonsexedur.Luiseulsavaitlacomblervraiment.

Quandelletentades’esquiver,Aidanlaretintfermementenrefermantsamainsursataille.

—Soispatiente,luidit-ilcommes’ilavaitdevinésontrouble.

Elleperçutalorssonpoucesefaufileràsontoursousletissudesonstringetseposersursonclitoris.

—Ilesttoutdur,çamedonneenviedeletitiller…

—Aidan…gémit-elleensefrottantcontrelui.

—Quandtuaurasjoui,continua-t-il,jelesuceraitoutdoucement…

Sesmotsétaientaussiexcitantsquesesdoigts.Ilétaitincroyable,leursretrouvaillesl’étaientégalement.Merveilleuses,douloureusementéprouvantes.

Cethommeétaitunmagiciendusexe.Enquelquessecondes,illatransportaversunfeud’étoiles.Lesflammesenflèrentdanssonventreetirradièrentleurchaleurdanstoutsoncorps.Elleaccompagnasonorgasmed’unmouvementampleetprécisdeshanchespendantqu’Aidanlefaisaitdurerencoreetencore,sanscesserdejoueraveclecentredesonplaisir.

Finalement,ilretirasesdoigtsetl’allongeadélicatementsurlematelas,étalantsescheveuxsurlecouvre-lit.Elleétaitmolle,encoresousl’effetduplaisirqu’illuiavaitdonné.Déposantdespetitsbaiserssursesjoues,sursaboucheetdanssoncou,ilcherchaàluirendresonessenceparunenouvelleexcitation.Ilétaitloind’enavoirterminéavecelle.Ilmouraitd’envied’accéderàlapromessequ’ilvenaitdeluifaire.

Ilfitglisserlelongdesesjambesleminusculecarrédesatintrempéetlejetaaubasdulitavantd’écarterlargementsesjambes.Àgenouxsurlelit,ilsepenchaenfinverssafentemouillée,prêteàêtreapprivoiséeparsabouche.Ilposaseslèvressursonclitoris,lesuçotaetretintfermementlajeunefemmeenmêmetemps.Rinas’accrochaitàsescheveuxtoutenessayantdesedérober.

C’étaittrop,songealajeunefemme.Satêteétaitsurlepointd’exploser.Sesjouess’embrasaient,sapoitrineseconsumait,sonventremenaçaitd’implosersouscessensationsdivines.Salangueglissaitsursonsexe,taquineetavide.C’étaitpresqueinsupportable.Etpourtant,ellenepouvaits’empêcherd’ondulerverscettebouchequisavaitcommentlacaresser.

—Aidan…gémit-elle.Jet’enprie…

Ils’écartauneminutepourlaregarderdanslesyeux,luiadressantunsourireemplidefiertémasculine.

—Nemedispasquetuenasdéjàassez,madouce.

Ellesecoualatête.

—Jeteveuxenmoi.Maintenant!luiordonna-t-elleenseredressantàsontour.

Ellepartitenquêtedesonérectionfacilementvisibledanssonjeantropétroitpourelle.Ilétaittemps.Savulvebattait,impatiented’êtrecomblée.

Maisavantqu’ellenepuisseletoucher,Aidansemitdebout,défitleboutondesonjeanetledescenditsurseslonguesjambesmusclées.Elledéglutitavecpeine.Ilétaitsiséduisant!Ellevoulaitfairecourirsesmains,seslèvressurlamincetoisonclairequicouraitlelongdesonventreetdescendretoujoursplusbasversl’objetdesonadoration.

Unefoisdébarrassédesonpantalonetdesachemise,ilsemunitd’uneprotectionrecueilliedanssonportefeuille.Commeladernièrefois,songestelafitrougir.Ellechassadansuncoindesatêtesonméfaitpourseconcentrersurlui.Elles’agenouillasurlelit,luipritlapochetteenaluminiumdesmainsetréussitàleclouersouselleparmiracle.

Aprèsluiavoirôtésonboxer,ellelepritlonguementdanssabouchepourluimontreràquelpointelleledésirait.Plusellefaisaitcoulisserseslèvressursonmembre,pluselleavaitenviedelui.Elledéchiraelle-mêmel’emballagedupréservatifetl’encouvrithabilementdelabouche.

—Bordel,geignitAidan,turendsça…excitant.

Ellesouritenrampantversluipourlepositionnerentresesjambes.Elleattrapasesdeuxmains,noualeursdoigtsensembleetdescenditsurluipourlecueillirenelle.Àl’unisson,ilssoupirèrentd’accomplissement.

—Chaude,douce…murmura-t-il.Leparadis.

Rinasepenchapourl’embrasser.Bientôt,lapiècesechargeadeleursgémissementsetdelachaleurquiexhumaitdeleurscorpsfiévreux.Ellenesavaitmêmepascommentellefaisaitpourrespirer.Ellehappaitsonoxygèneàchaquebaiseretsemblaitleperdreàchaquedéhanchement.Ilretenaitsanuquecontreseslèvresetaccompagnaitseshanchesenunedanseimpérieuse,mécanique.Éperdus,ilssedonnaientsanscomplexe,commejamaisilsnes’étaientoffertl’unàl’autre.Aucunvainqueur.Aucunperdant.Justel’enviedeprendrecequel’autrevoulaitbienlaisseréchapper.

Quandlesspasmesdesacompagneserefermèrentsursonsexedouloureux,illafitbasculersurlelit.Pendantqu’elles’abandonnaitdansungémissementémouvant,ilposasonfrontsurlesientoutenfixantsonregardausiensanscesserdelapénétrerinlassablement.Ilplongeaensuitedanssoncou,léchasapeauluisanteetjouitàsontour.Leplaisirfourmilladanstoussesmembres,ensevelissantsesderniersdoutes.Jamaisiln’avaitéprouvédetelssentimentsouémotions.Etjamaisaucuneautrefemmenepourraitlesfairenaîtreavecunetelleintensité.Ellel’avaitenvoûté.

Ellesedressalégèrementversluipourl’embrasser.Ilcapitulacomplètement.

—Jet’aime,AidanFields.Désespérément.

Toujoursrivéàelleetsoussonemprise,ilsutqu’ellevenaitdecapturersoncœur.

—Moncœurestàtoi,luidit-ilensemantunepluiedebaiserssursesyeux.Jet’aime,RinaJames.

Bercéeparleclapotisdel’eaubienchaudedelabaignoire,caléecontreletorsedesonamant,Rinafaillits’endormir.Maisc’étaitsanscompterlesdoigtsquicaressaientleboutdesesseinsdontlespointesémergeaientàpeine.Ilsemblaitdessinerdesarabesquessurlesdeuxglobesetcontinuersursonventre.Samanœuvren’étaitpasdestinéeàlaséduction,comprit-ellequandilresserraensuitesesbrasautourd’elleetdéposaunbaiseràlaracinedesescheveux.Ilsavaientdéjàcombléleurappétitdebiendesmanières.Riennecomptaitplusquecesmomentsdetranquillité.

—Tudors,madouce?chuchota-t-ilàsonoreille.

Ellesecoualatêteetfitcourirsesdoigtssurlesavant-brasd’Aidan.Cecâlinvalaittouteslesétreintesdumonde.

Iljetaunœilàsamontreposéesurlerebordetgrommelaunsoninintelligible.

—Quesepasse-t-il?l’interrogeaRina.

—Ilestpresquel’heuredequitterleslieux.

Ellesoupira.Elleavaitfailliperdrelefildutemps.Ilsavaientpeudormi,profitantdechaqueinstantquileurétaitoffert.Alorsquel’aubepointaitderrièrelesrideaux,ellecriaitencoresouslescoupsdereinslangoureuxd’Aidan.Toutétaittellementplussimplelorsqu’ilsétaiententerrainneutre.Ellen’avaitvraimentpasenviedequitterlachambre,nesachantpasencoreréellementcequ’elleallaittrouverenretournantàFortHolabird.Leurvieàdeuxsuivrait-ellesoncoursoubienl’atmosphèrepesantelesrattraperait-elle?

Aidanseredressa,l’entraînantàsasuite.Ilsortitlepremier,sesaisitd’unpeignoirduveteuxetpréparaceluideRinaqu’ilouvrit,prêtàl’enparer.Cequ’ilfitquandelleposalepiedsurletapisdebain.

—Pourquoifaut-ilrentrer?questionna-t-elle.Onesttellementbien,ici.

—Touteslesbonneschosesontunefin.

Ellefronçaunsourcil.

—Neteméprendspas,ricanaAidan,iln’estplusquestiondefinentretoietmoi.Jeparlaisdeces

petitsmomentsàl’abri.Maisilyenaurad’autres.Sinousn’avonspasdemissionàl’étrangercetété,jeteprometsquenousenprofiteronsànouveau.

Ellegémitdanssesbrasenselovantcontrelui.L’entendreparlerdeprojetsnel’effrayaitplus.C’étaitaucontraireunepoésiedouceàsesoreilles.

—J’aihâted’yêtre.Merci,Aidan.

—Pourquoi?

—Pourcettedeuxièmechance.Jen’enavaisjamaiseuavantdeteconnaître.Jesuissûreaujourd’huiquetuesmonporte-bonheur.

—Ettueslemien,RinaJames.Jenetelâcheraiplusjamais,tupeuxenêtrecertaine,cartueségalementmadeuxièmechance.

AidanavançalaCadillacdanslabaseenfindesoirée.Préférantrentreràlanuittombée,ilavaitproposédemangerunmorceauenvillejusteavant,prenantleurtemps,flirtantetbavardantcommes’ilsavaientfaitcelatouteleurvie.Rinaavaitpassélesvingt-quatreheureslesplusmerveilleusesdetoutesavie,sanscrainte,nesesouciantderiend’autrequedeleursprochainesentrevues.

—Etvoilà,nousysommes!énonçaAidanquandilfutgarésurleparkingdelarésidence.

—Voilà,répétaRina.Unebellejournéequis’achève.

—Ilyenaurad’autres.Jetedonnetousmesweek-ends.Tupourrasfairedemoitoutcequetuveux.

C’étaittentant,pensa-t-elleensepenchantverslui.Elletirasalèvresupérieureavantdeprendrefranchementsabouchetoutenletenantparlecoldesonblouson.Àcroirequ’ellen’avaitjamaisassezdelui.

—Sitabouchecontinue…soufflaAidan,jeneseraipasresponsabledecequiarriveraicimême.

Labuéecommençaitàcouvrirlesfenêtresdel’habitaclemaiselles’enfichait.Ellevoulaittellementfairedurercejourparfait,lesentirlatoucheretfairefrissonnersapeau…

Quelquescoupssurlepare-briselessortirentdelasphèrepaisibledanslaquelleilsvenaientdes’enfermer.Ilsétaientépiésparquatrepairesd’yeuxféminins.Lesfillesvenaient,àl’évidence,derentrerdeleursoiréetraditionnelledudimanche.Rinasortitdelavoiture,suiviedeprèsparAidanqu’ellesfusillaientduregard.C’étaitlapremièrefoisqu’Amy,Clarissa,EdwinaetLizlasurprenaientaveclui.Etellesn’avaientpasl’aird’avoirappréciélespectacle.

—Alorsc’étaitvrai?demandaLiz.Lacommissiondisciplinaireetlereste?C’étaitdoncfondé.

—Liz,commençaRina,jepeuxt’expliquer…

—Cen’estpasàtoiquejeparle,l’interrompitsacamarade.Aidan?

Ilacquiesçaenenfonçantsesclésdanssapoche.Iltentades’approcherdelajeunefemmemaisLizl’arrêtadelamain.Sonphysiqueatypiquepourunefemmesuscitaitlacrainteden’importequi.

—Liz…Cen’estpascequetucrois.

—Nousavonsdebonsyeux,touteslesquatre.

Elleshochèrentlatêtedeconcert,lesbrascroisés.Rinanecomprenaitrien.Ellesauraientpuêtreencolèrecontreelle,luihurlerdessusaussi.Aulieudecela,ellesavaientprisAidancommeboucémissaire.

—Jesuisaussiresponsablequelui,tenta-t-ellededéfendresonamant.

—Netemêlepasdeça,coupaEdwina.

Ellen’osaitplusdireunmot.Elleattendit,sedemandantcequiallaitsepasser.Allaient-elleslesdénoncer?Sic’étaitlecas,elledoutaitqueGordonselaisseaussifacilementbernerquelapremièrefois.EllesongeaàSam,elleauraitcertainementbesoindesesservicesrapidement.Elleespéraitqu’ilavaitgardéunecopiedurèglement.

—Elledisaitvrai,soupiraLiz.Tul’astrahie.Aprèstoutescesannées,aprèstouscesbeauxprojetsquevousaviezplanifiés,tut’eslaissétournerlatêteparuneautrenanaalorsqu’elleavaitbesoindetoi…

Dequoiparlaient-elles?Aidanavaittrahiquelqu’un?Ellesentitsonestomactanguerpourlapremièrefoisdepuisqu’ilsétaientunvraicouple.Celanesentaitpasbon.

—Aidan,dit-elleàsoncompagnon.Quesepasse-t-il?

Elleserapprochadelui,espérantluiapportersonsoutiendanscettealtercationqu’ellenecomprenaitpas.Elleglissasamaindanslasiennepourmontrerauxfillesdequelcôtéellesetrouvait.

—Tuconnaisbienmallemecaveclequeltucouches,Rina,enchaînaLiz.Heureusement,ilestencoretempsdefairemachinearrière.Tunepouvaispassavoir,aprèstout.

Ellenelessuivaitpasdutout.

—Bordel,vousallezm’expliquercequisepasse?tonnalajeunefemme,lasséeparleurjeudedevinettes.

—Tuluidistout,Aidan?demandaEdwina.Oubienons’encharge?

Sanssavoirpourquoiprécisémentàcetinstant,lesdernièresparolesdeJaneluirevinrentenmémoire.QuandelleavaitapprispourAidanetelle,elleavaiteuunmouvementdepaniqueindescriptible.Aufond,elleneconnaissaitpasAidantantqueça,quepouvait-ildoncluicacherdesigrave?

Ilrestaitimmobileetsilencieuxprèsd’elle.Ilserraitlepoingdesamainlibre,seretenantvraisemblablementdefaireunmassacre.Ledéballagedesfillesn’étaittoutefoispastrèscorrect.

—As-tudesnouvellesd’Ashley,Rina?l’interrogeaLiz.

—Euh…pasdepuisquelquessemaines,pourquoi?Qu’est-cequecelaaàvoiravec…

ElletournalatêteversAidanquilaregardaitàprésentavecdesyeuxtristesetabattus.PuisellefitalleretvenirsonregarddeLizàlui,commesiellecherchaituneexplicationrationnelle.

—Avantdepéterlesplombs,etelleavaitdequoi,précisaLiz,Ashleyétaitunejeunefemmesourianteetpleinedevie.Tul’asconnuecommeçaaudépart,tutesouviens,Rina?Etpuisquelqu’unl’alarguéedujouraulendemain.C’étaitlui.

13Sonpremierréflexefutdelâcherlamaind’Aidan.Nonpasparcequ’ellesouhaitaitmettreleplus

dedistancepossibleentreelleetlui,maisparcequ’ellevoulaitfairetairelesquatrefillesets’endébarrasserauplusvite.

Biensûrelleespéraitqu’Aidanluidonneraitdesexplicationsetqu’ilsemontreraithonnête,maiscelaneconcernaitpascescurieuses.EtellesavaitdéjàqueLucyl’aideraitaussiàdémêlerlevraidufaux.Enrecollantlesmorceauxd’événementssurvenusaucoursdesderniersmois,quelquechoseluidisaitqu’ellesavaittoutdecettehistoire.

—Mercid’avoirétéhonnêtesavecmoi,lesfilles.Vouspouveznouslaisser.

L’airsatisfait,ellesrentrèrentchacuneleurtourdanslarésidenceparlaporteprincipale.Pendantqu’ellesdisparaissaient,Aidanneparlaitninebougeait.Rinaétaitunpeutendue,elleappréhendaitcequ’elleallaitdécouvrir.Nonquecelaaituneréelleimportance.Quiétait-ellepourlejuger?Cen’étaitpasdanssanature.

Elleavaitconsciencequechacunavaitsacroix,plusoumoinslourdeàporter.Lasiennel’avaitrouéedecoups,accabléeparsonpoidsaufildesannées.Jusqu’àcequ’ilapparaisseetl’endélestesansmêmelesavoir.S’ilavaitbesoind’elle,elleseraitlàaussi.Aprèstout,ilavaitaussiévoquésaprésenceauprèsdeluicommeunedeuxièmechance,unpeuplustôtdanslajournée.

—Aidan…tenta-t-elleuneapproche.

—Jenevoulaispasquetul’apprennesdecettefaçon,s’excusa-t-ilabruptement.

—Jecroisqu’avantd’avoircetteconversation,nousdevrionsnousisoler.

Enfonçantsesmainsprofondémentdanssespoches,ilhochalatête.

—Jevaisrentrerchezmoi,annonçaRina.Tumontesdansdixminutes?

Rassurédenepasêtrerejetéànouveau,illapritdanssesbrasquelquessecondes,justepouréprouverplusprèslesoulagement.Elleneluitournaitpasledosetcontinuaitàsourire.C’étaitaussiinattenduqu’inespéré.

Illaregardaentrerets’éloignerdanslehall.Jetantunœilàsamontre,ildécidaqu’ilavaitlargementletempsdepasserchezluipourprendreunedouche.L’eauclaireluirafraîchiraitsansdoutelesidées.Etpuisqu’ilallaitavoirbesoindefaireungrandtridanssatêtedésordonnée,celaluiparutêtredéjàunebonnefaçondes’yatteler.

«AidanetAshley?»envoya-t-elleàLucypartexto.

ElleattendaitAidansursonlitdepuisplusd’unquartd’heure.Elleespéraitqu’iln’avaitpaschangéd’avis,etsurtoutquecen’étaitpasàsontourdelafuir.

Quandsonsmartphonevibraprèsd’elle,ellefitglissersondoigtpourdécouvrirl’expéditeurdunouveaumessage.Lucyconfirmait.

«Oui.Ilt’aenfintoutraconté?»

Iln’avaitrienditdutoutetsonsilencecommençaitàfairenaîtrelacraintequ’ilneluiparleraitjamaisdecettehistoire.Etpourtant,ellevoulaitsavoircequis’étaitpassé.ElleavaitétéencontactavecAshleysuffisammentlongtempspourreconnaîtrequandunlourdmal-êtretuaitàpetitfeu.Ellenepouvaitpascroirequ’Aidanpuisseenêtreresponsable.Pasdélibérément,entoutcas.

Alorsqu’ellesechangeaitpourpasserl’undesespetitspyjamasplusmignonsquesexy,ellel’entenditquifrappaitfinalementàsaporte.Ellefinitdeseglisserdanssonmini-shortetouvritlargementlaporte.Ilétaitdouchéetsentaitlepropre.

—Désolépourleretard,leveilleurfaisaitsaronde.

Ils’assitsurlelitetl’attirasursesgenoux.Caressantsondosduplatdelamain,ilenfouitsansnezdanssoncoupourrespirersonparfumdanslequelilespéraitpuisertoutelaforcenécessairepoursereplongerdansl’enferdesquatorzedernièresannées.

—Avanttout,sachequetum’assauvéd’uneviequejenevoulaispas,luidit-il.Biensûrj’aiunepartderesponsabilitédansl’étatd’Ashley,maisjenel’aimaisplusdepuisdesannées.Marencontreavectoim’aaidéàprendrelabonnedécision.

Elleretenaitsonsoufflepours’imprégnerdechaquemot.Ellesesentaitcommesurlepointdepleurer,trèsémuequ’ilseconfiefinalementàelle.

—D’accord,acquiesça-t-elle.

Illamaintenaitsursesgenoux,sesmainsnouéessursahanche,commes’ilavaitbesoindececontactpourallerplusloin.

—Jesuisalléaulycéeavecelle.Àl’époque,elleétaitlegenredefillequetouslesmecss’arrachaient.Belle,drôle,mystérieuse.Ellemefaisaitrireetavaitdebonsargumentsquandils’agissaitde…passeràl’étapesupérieure.

—Ensomme,tuétaisunadocommelesautres.

Ilémitunpetitrirenerveux.

—Onpeutvoirçacommeça.Maisj’étaisplusgouvernéparmeshormonesqu’autrechose.Onpassaittoutnotretempslibreensemble,j’étaisfoud’elleetelledemoi.Toutallaitbiendansnospetitesviesjusqu’aujouroùelleaapprisquesonpèren’étaitpasmortavantsanaissancecommesamèreleprétendait.Elles’estalorsmiseentêtedeleretrouver,nesupportantpasl’idéed’avoirété

rejetée.

Celacadraitaveclestermesemployésparleservicepsychiatriquesursestroublesdel’identitéetsapeurd’êtreabandonnée.RinaavaitdéjàrencontrécegenredecasmaisAshleyrestaitquandmêmeunsacrémystère.

—Ellel’aretrouvé?

—Oui.Ils’agitdeGordon.

Unpeuchoquéeparcettenouvellerévélation,ellecommençaitàassemblerensemblelespiècesdupuzzle.Gordonétaitlepèred’Ashley.Sielles’attendaitàcela!Celapouvaittoutefoisexpliquerpourquoiellenefiguraitpasdanslabasededonnéesdelaclinique.Ildevaitsûrementêtrederrièrecela.

—Çan’apasétésimpleentreeux.Ilrefusaitcatégoriquementdelafaireentrerdanssavieoumêmedeluiparler.Maiselleafinipardécouvrirsonpointfaible:safemme.Lapeurduscandale,quesatrahisonéclateaugrandjourluiontfaitcéderrapidement.Ashleyestpasséemaîtresseenchantageetmanipulationpourobtenirdeluicequ’ellevoulait,quecesoitparsaprésenceoudescadeauxcoûteux.

Ellesentitqu’ilseraidissaitunpeuaumomentd’expliquerlechangementquiopéraitenelleàcemoment-là.

—Parextension,elleacommencéàfairelamêmechoseavectoutlemonde,ycomprismoi.

Peuàpeusedessinaientlestraitsd’unevéritablemanipulatrice.Ashleyavait-ellejouéunjeuquandelleétaitvenuelatrouverpresqueimplorante?Rinanesavaitplus.

—Etpuiselleesttombéeenceinte,lâcha-t-ilavecbeaucoupd’émotiondanssontimbre.J’admetsquenousn’étionspastrèsprudents,jenemesuisjamaisméfiéoubienjenepensaispasàcetteéventualité.Certainementundéfautquimepoursuivratoujours.

Rinaresserrasonétreintesurlui,capturantsonregardetdéposantunbaiserlégersursatempe.

Aidan,bienquesensibleàcespetitesattentionsquil’aidaientàselivrersansretenue,sentaitpeuàpeul’étauseresserrersurlui.CommesiAshleypouvaitl’entendreetlemaudissaitunpeuplusàchaquephraseénoncée.Pourtant,ilavaitenviedecontinuer,enfinprêtàselibérerdeseschaînes.

—Ashleyétaitmapremièrevraiecopine,jeluifaisaisconfiance.Jecroyaisêtreamoureuxd’elle,mêmesijesavaisbienqu’ellem’embobinaitàlongueurdetemps.Jen’étaismêmepassûrquecebébésoitlemien.Ellel’assurait,alorsjel’aisoutenuecommejelepouvais.Audébut,ellevoulaitlefaireadopter,elleavaitquasimentterminélesdémarchesetpuiss’estravisée.Ellen’acceptaitpasl’idéederejetersonbébécommeellel’avaitétéparsonpère.Alorsnousavonsdécidéd’assumer.J’étaisterrifié,mesparentsfurieux.Jemesentaisseulmaisprêtnéanmoins.

Ilsoupira,inspiraetexpiraprofondément,lecœurdouloureux.Ilauraitdûsedouterqu’évoquerNoahluiferaitdumal.EtquandRinasauraitcequ’ilavaitfait,ilavaitpeurdevoirsonregardsetroubleretseremplirdepitié.Voiremêmededégoût.

—Elleademandéàsonpèredenoustrouverunappartementpournousinstaller.OnavaittoutpréparépourlavenuedeNoah.

Àcestade,touslesscénariossebousculaientdanslatêtedeRina.Qu’avait-ilbienpuarriveràcetenfant?L’avait-ellefinalementfaitadopter?Oubienluiétait-ilarrivéquelquechose?

—Àpartirdelà,Ashleyn’aplusjamaisétélamême.Lamaternitéarévéléunefacecachéequejenecomprenaispas.C’estàpeinesielles’occupaitdelui,ellepassaitsontempsdehorsavecjenesaisqui.Jesavaisqu’elleaimaitsonfilsmaisellenesavaittoutsimplementpascomments’yprendreaveclui.Chaquefoisquej’essayaisdeluimettredanslesbras,ellepaniquaitetfaisaitunecrised’hystérie.Alorsj’ailaissécouriretj’aiassumélesrôlesdepèreetmèreàlafoispendantsixmois.

Rinaavaitmalpourcejeunepèreesseuléqu’ilavaitété.Ellequiavaitfailliêtreunemamansolocomprenaitqu’ilaitpusesentirabandonné.EtelleenvoulaitàAshleydeluiavoirimposécela.

—Ques’est-ilpasséensuite?questionnaRina.

—J’ai…Noahest…

Ilretenaitsarespiration.Ilétaitdenouveaucejeunehommemineur,anéantiparladouleurdel’avoirperdu.Sournoise,elles’étaitlogéedanssoncœuretl’empêchaitdebattrenormalement.Lagorgeentravée,ilfermalesyeuxpourcontrôlerlanauséequitentaitdes’emparerdelui.

—C’estarrivéunjouraprèslavisitededeuxpotesl’après-midi.Onavaitunpeubuetfumé.Encetemps-là,n’importequoipouvantm’aideràdormirétaitlebienvenu.Ashleyétaitpartietôtlematinetjen’avaispaspuallerbosserparcequ’ellem’avaitencoreplanté.J’avaisjustebesoind’unpeudedétente,tucomprends?

Elledevinaitdéjàlaculpabilitéquiirradiaitsesprunelles.Ohoui,ilétaitarrivéquelquechoseàNoah!Ellen’avaitpasbesoind’entendresesmotspourlesavoir,illuisuffisaitderegarderAidanetdesentirsesdoigtsquis’étaientbrusquementaccrochésàelle.

—Jecomprends,Aidan.C’estnormal.

—Ilétaitdanssontransat,jenemesouviensmêmepasl’avoirposésurlatable.J’aivoulureposermesyeuxuneminuteaprèsledépartdesmecs,maisjemesuisfinalementendormidanslecanapé.Jenepensaispasavoirbutantqueça,jet’assure!

Ilmarquauntempsd’arrêtaucoursduquelilportasesmainsàsonvisage.Leslarmesétaientproches.Rinanel’avaitjamaisvuaussibouleversé.Elleressentaitsonchagrinirriguerparlesporesdesapeauetlatraverseraussi.

—Cesontlescrisd’Ashleyquim’ontréveillé,elleestrentréeetaretrouvéNoahsousletransat,parterre.Ilabasculé,latêtelapremière.Jen’airienvu,rienentendu,tuterendscompte?J’auraispuéviterça,monpetitgarçonestmortdevantmoietjen’airienfaitpourleprotéger…

—Aidan,ils’agitd’unaccident!voulut-ellelerassurerenl’étreignant.Tun’esenriencoupable.

—Oh,si,jesuisresponsabledecettehorreur!J’étaissaoul,j’avaisfuméunjoint.S’ils’enétaitsorti,onm’auraitretirélagarde.Endéfinitive,jen’étaispasunbonpère.

L’entendreremettreencausesonrôlealorsqu’ils’étaitoccupéseuldesonfilspendantdesmoislarévoltait.Nonpasparcequ’elleétaitencolèrecontreluidepenserunetellechose,maisparcequ’Ashley,quoiqu’ilendise,avaitsapartderesponsabilité.Elleauraitdûcomprendrequ’ilpuisseêtreàboutdesouffleetdansunétatdestresspermanent.Pasétonnantqu’ilsoittombéd’épuisement.

Iln’yavaitpasdemotsuffisammentfortpourdécrirel’horreurqu’ilavaitvécue.Cetenfantquiétaittoutpourlui,qu’ilavaitbercé,aiméetregardédormir,luiavaitétéarraché.Ensixmois,ilavaiteuletempsdes’attacheraupointd’avoirvouluéchangersaviecontrelasienne.

—Tuétaisunpèrefatiguéquiabaissésavigilanceuneminute.Celaauraitpuarriveràn’importequi.Tafamilleadûteledire.

—Oui,plusieursfois,confirma-t-il.Maisilsnesaventpastout.

—Commentça?

—Ilsignorentpourquoij’aimanquédevigilance.Gordonapréféréledissimulerpourm’éviteruneenquêtetroplourde,soi-disantparcequenousétionssuffisammentbouleverséscommeça.Aujourd’hui,jeleregrette,celam’auraitévitéd’êtresoussacoupeetconfrontéauxmanipulationsdesafillependantdesannées.Ilsmetiennentcommeça.

CettefacettedeGordonn’étonnaitplusRina.Soussafroideurapparente,elleavaittoujourssuqu’ilcachaitunepersonnalitéencoreplussombre.

—Sursesbonsconseils,voilàcommentj’aiintégrél’armée,ironisa-t-il,commentj’aidûsubirAshleypendanttoutescesannées.Jesaisquejesuisresponsabledesonmal-êtremaisjenesupportaispluslesmensongesetlechantagedontelleusaitpourmegarder.Lesgrossessesetfaussescouchesimaginaires,lestentativesdesuicide…

Ilselevapourlapremièrefoisdepuisledébutdesonhistoire,l’entraînantenmêmetemps.Ilarpentalapièce,lesmainsdanslespochesdesonjean.Ilavaitbesoindebouger,desentirqu’ilétaitencorevivant.Malgrétoutescesannéesdemalaise,ilrevivaitcettepériodecommes’ilyétaitencore.Aveclamêmeconfusionetlamêmedouleur.

—Jemesentaisaussiresponsabled’elle,alorsj’aiencaissé.Jemesuissoumisàleursvolontés,ycomprispourlesfiançailles…Ettuesarrivée.

Ilseretournapourluiadresserunsourire,celuiqu’ilneréservaitqu’àelle.

—Cetterencontresonnaitcommeunespoir.J’étaissiattiréverstoiquej’aicompristrèsvitequetuétaislàpourmoi.Pourmesortirdecetenfer.

—Etpourtantjen’airienfait,àpartteblesser…

—Tuasfaitbienplus,crois-moi.Tum’asouvertlesyeux.Etsilavieétaitsimple,çasesauraitdepuislongtemps.Jen’aipasditqueceseraitfacile,maisgrâceàtoi,j’aiosélesenvoyerbalader.Je

tevoulais,jeteveuxetjetevoudraiencoreinlassablement.Jemebattraipourretrouvermaliberté.Pourtoi.

Ellesecaladanssesbras,sûre,elleaussi,qu’ilétaitceluiqu’elleavaitattendutoutesavie.Ilsavaienttellementsouffertchacundeleurcôtéqu’ilséprouvaientlebesoindesereconstruireensemble.Elleétaitprête.Plusqu’ellenel’avaitjamaisété.

—C’estterminé,luidit-ellecontresonoreille.Elleesthorsd’étatdetenuire,maintenant.Lespsychiatresenvisagentuntraitementetdessoinssurplusieursmois,voiredesannées.QuantàGordon,tantqu’Ashleyesthospitalisée,quepourrait-ilfaire?Jedoutequecesoitluilecerveau,danstoutça.

Iln’osaitpasysonger.Sil’unoul’autres’enprenaitàRina,ilnes’enremettraitjamais.Aussipréférait-ilqueleurhistoireresteunsecret,letempsdetrouverunesolutionquilagardehorsdedanger.S’ilavaitaudépartpenséqu’ilsnetenteraientriendansl’enceintedelabase,ils’étaittrompé.

Illaserracontreluiautantqu’illepouvaitsansl’étoufferets’enivradesonparfum.Illerespira,gagnéparunréconfortsansfaille.

—Mercid’avoirécoutéjusqu’aubout.

Ellecherchasesyeuxmaisavantdepouvoirluirépondre,ilposasabouchesurlasienne.Seslèvreslacontraignaientausilence,cherchantàseconsoler.Elleacceptadesesoumettre,lelaissantlasouleverdanssesbras.Ilmeurtrissaitpresquesescuissesquandillafitlourdementtombersurlelitenentreprenantdescaressesmaladroites.

Ilavaitbesoindereprendrelecontrôledelui-mêmeetdesavie,depuiserenelleassezdeforceetdecouragepourcontinueràavancer.Alorsilpritd’ellecedontilavaitbesoinàcemoment-là.Sonamour,soncorps,pouroublierquelquesinstantssadétresse.Defaçonpresqueautoritaire,ilretirasonshortdepyjama.

—Tuasdespréservatifs?quémanda-t-ilhâtivement.

—Dansletiroir,répondit-elleentendantlamainpourluimontrer.

Sanslalâchertoutàfaitpournepasromprelecontactqu’ilrecherchait,ilpritlaprotection,s’encouvritaussivitequ’ilenétaitcapableetsecouchaànouveausurelle.SesyeuxplongésdansceuxdeRina,ilécartasescuissesetentraenelled’unpuissantcoupdereins.Ilétouffasaplaintedanssabouche.

—Pardonne-moi…murmura-t-il.

Elleréponditenrefermantsesbrasautourdeluietenaccompagnantseshanches.Elleavaitcomprisetacceptaitsonbesoind’êtreapaisé.Ils’enfonçaenelleencoreetencoreengémissant.Ilsavouraitsachaleur,sonodeur,seperdaitenelleenespérantyretrouverlemeilleurdelui-même:celuiquil’aimaitplusquetoutetqui,lorsqu’ilauraitlaisséderrièreluisespropresdémons,pourraitluioffrirlemondedontilsrêvaient.

Rinabougeaplussouplementsousluiquandellesentitqu’ilétaitsurlepointdejouir.Lesyeux

emplisdeslarmesqu’ilavaitjusque-làrefusédeverser,ellelesentits’abandonnerenfin.Ilsetenditau-dessusd’elle,songémissementàmi-cheminentrelesanglotetlerire.Puisils’étenditdetoutsonlongsursoncorpsqu’ilétreignitavecforce.Auboutdequelquessecondes,ill’entraînasurlecôtéavecluietdemeuraallongéprèsd’ellesansriendire.

—Toutvabien?luidemanda-t-ellepourbriserlesilencepesant.

—Jesuisdésolé,s’excusa-t-ilenseredressant.Jevoulaisreprendrelecontrôlemaislasituationm’aéchappé.

Elles’agenouillasurlelitetpassasesbrasautourdesoncou.

—Nonseulementjenet’enveuxpas,maisjesuisheureusequecesoitarrivé.

—Pourquoiça?

—Peut-êtreparcequeçaterendplushumain,ricanalajeunefemmeenl’embrassantduboutdeslèvres.Etaussiparcequeçamerassure.Nousavonsplusdepointscommunsquejenelesoupçonnais.

Ellelevitleverunsourcilpendantqu’ellesautaitaubasdulit.Puisqu’illuiavaitfaitconfiance,c’étaitàelledésormaisdepartagersesmauvaissouvenirs.Elletrouvaunepochettedissimuléeentredeslivresdanssonarmoireetretournas’asseoirauprèsdeluienlatenantbienserréeentresesmains.

—Laculpabilité,jeconnais.Lapertedecontrôle,l’enviedeseperdrepouroublieraussi.Coucheravectoisansaucuneattache,c’étaitplusfacilepourmeprotéger.

—Jenet’auraijamaisfaitdemal.

—Aujourd’hui,jelesais.Nousn’avonspasréagidelamêmefaçonfaceàlasouffrance.

Elleouvritlapochetteentremblant,n’arrivantpasàcroirecequ’elles’apprêtaitàfaire.Jamaispersonne,pasmêmeSam,n’avaitvulaphotoqu’ellesortitetluimontraavecnostalgie.

—VoiciHayleigh,luidit-elle,lavoixfaible.Alannem’apasseulementviolée,ilm’aaussimiseenceinte.Lydian’estpasaucourant.

—Elleesttrèsbelle.

—Était,corrigea-t-elle.Elleestmortequandjel’aimiseaumondeàcaused’unechutedanslesescaliers,peudetempsavantd’arriveràl’hôpital.

—Cen’estpastafaute.

—Unpeuquandmême.Sijen’avaispasjouélesfouineusesenécoutantauxportes,jeneseraissansdoutepastombée.

Illuipritlamainetembrassasesdoigtsfroidsavantdecaressersajoue.

—C’étaitunaccident.

—Toutcommel’étaitlachutedeNoah…

Pourlapremièrefoisdesavie,Aidanopina.

—Ledestinm’étonneratoujours,répliqua-t-il.S’ilnousaplacéssurlemêmechemin,cen’estcertainementpaspourfairejoli.

—Sansdoutepas,souritlajeunefemme.

Elleposalaphotod’Hayleighsurlatabledechevetetcommençaàrabattrelescouverturespourseglisseraulit.

—Jepeuxrester,cettenuit?interrogeaAidan.

Sansluirépondre,ellesesaisitduT-shirtqu’ilavaitlaisséunjouretqu’ellegardaitsoussesoreillers.

—Jenevoisqu’uneseulefaçonpourqu’ilretrouvetonodeur,répondit-elle.Queturestes.

IlpassaleT-shirtchiffonnéquiétaiteneffetimprégnéduparfumdeRina.Ilsecouvritàsontourdelacouetteetsoupirad’aisequandelleposasatêtesursonépaule.

—Aidan,soupira-t-elleenfermantlesyeux,jecroisquetudevraismêmerestertouteslesnuits…

14Quoideplusdélicieuxencettejournéed’anniversairequ’êtreréveilléparlaplusdoucedes

caresses?Ilflottaitencoresurlesbrumesdusommeilquandilsentitsonsexes’alourdirsouslepoidsdel’excitation,puisêtreenveloppéparuncoconhumideetchaud.Sansmêmeouvrirlespaupières,ilpouvaitfaireladifférenceentreunrêvesublimeetlasensationréelledelalanguedeRinaquiagaçaitsonglandetlapeautendretoutautour.Ellelepritentièrementdanssabouchequelquessecondesplustard,lafitalleretvenirsurtoutesalongueurtoutenl’aspirant.C’étaitprodigieuxdeselaisserallerdecettefaçonetdesentirseslèvresqu’ilaimaittantluiprocurerceplaisirinfini.Tellementbonqu’illâchaprise,secambrantpouralleràsarencontre,lespoingssolidementarrimésàlacouette.

IlrepritsesespritsalorsqueRinaglissaitamoureusementversluiensemantdesbaisersgourmandssursonventreetsontorsenu.

Ilsvenaientdepasserlasemainelaplusmerveilleusequisoit,seséparantlematinpourmieuxseretrouverdansl’intimitélesoirvenu.Ilnevoulaitpasenperdreunemiette.Impossibled’imagineraujourd’huiqu’ilnelatrouveraitpasallongéeprèsdeluienseréveillant,oumêmedelasurprendreentresesjambescommeellevenaitdelefaire.Iln’avaitjamaisétésiheureux,etcelan’avaitaucunrapportaveclefaitqu’ellesoitsi…gourmande.Enfin,passeulement.

Illapritdanssesbras,déposaunbaisersursonnez,puisunautresursonfront.

—Bonjour,madouce,biendormi?

—Depuisquetunequittespluscelit,jen’aijamaiseumeilleursommeil.C’estbienpourçaqueleDrHarrism’aproposéd’arrêterlessomnifères.

Ilacquiesça,fierdeluietparextensiond’euxdeux.Ilétaitcertainqu’ilsseguérissaientdeleursmaux.Plusilspassaientdetempsensemble,plusilsavaientdefacilitéàmettredecôtéleurstragédies.EtsavoirqueRinaselibéraitpeuàpeudesadépendanceauxmédicamentslecomblait.

—Ilesttôt,constataAidanenjetantunœilauréveil-matin.

—Jesuisd’astreinte,aujourd’hui.

Ilfitlamoue.Cen’étaitpasvraimentlamatinéequ’ilespérait.Ilauraitbienflemmardéaulitencoreunpeuavecelleavantdesepréparerpourledînerd’anniversaireconcoctéparsamère.

—Dommage,j’avaisdesprojetspourtoi.

—Ahoui?roucoula-t-elle.

—Tantpis,uneautrefois.

—Cesoir?

—Jenesaispassijepourraiattendrejusque-là.

Illafitroulersurlematelas,faufilasonnezetsabouchedanssescheveuxetsuivitlacourbedesajouepourdescendreensuitesursoncou.

—Aidan…soufflaRina.Cen’estpas…juste.

—Tuveuxquej’arrête?luidemanda-t-ilalors.

—Jamais.

Ellesouriaitencoreenpassantlaportedesoncabinetunpeuplustard.L’amourlarendaitjoyeuse,toutlemondeavaitd’ailleursconsciencequesonhumeurs’étaitconsidérablementamélioréeenpeudetemps.Etlesrumeursallaientbontrain.Laseulechosequipouvaiteffacersonsourire,c’étaitlaprésencedeCassidy.Mêmesielleavaitlevélecampdesonbureau,ellesemblaittoujourssursonpassage.Cematin,elleétaitd’ailleursdanslasalledereposdesinfirmièresencompagniedeLucy,bavardantcommedeuxvieillesamies.Enpassantdevant,ellesaluaLucyetdescenditauxurgencesenenfilantsablouse.

Elleconstataqu’elleauraitaussibienpuresteravecAidan,saprésencen’étantfinalementpasindispensable.Lamatinéefutcalme,mêmeunpeutropàsongoût.Elleenprofitapourvérifiersesdossiers,finirlapaperasseensuspensetéchangerquelquestextoscoquinsavecceluiquiaffolaitsessens.Assisesursachaiseaucomptoir,ellepianotaquelquesmotssexyquifirentrougirsesjoues.Heureusementqu’elleétaitseule,personnenes’étonneraitdelacouleurqueprenaitsacarnationoudesonsoufflequis’accéléraitquandellereçutuneréponse:

«Cesoir,jetefaisl’amourrienqu’avecmabouchejusqu’àcequetumesuppliesd’arrêter.Jen’oublieraiaucunpointsensible…»

Elledéglutitensentantsonventreavoirunétrangesursaut.Ilétaitincontestablementtrèsfortpourluifaireperdresesmoyens.Etaussiunamantextraordinaire.

Rinapensaensuiteaucadeaud’anniversairequ’elleluiavaitpréparé.Alorsqu’ilpensaitallerdînerchezsesparents,unautreprogrammeétaitprévu.Justeaprèssasurprise,ellecomptaitbienluidonnerdesraisonssupplémentairesd’accéderàsapromesseérotique.

—Rina?l’interpelaAtkinsquis’accoudaitaucomptoir.Jepeuxvousdérangeruninstant?

—Jet’écoute,dequoias-tubesoin?

—Onn’aplusdecompresses,jepensaispourtantqu’onavaitétélivrésendébutdesemaine.

—Tuasvérifiéàlaréserve?

—J’enviens.

Elleselevaetl’accompagnajusqu’àlapièceoùilsstockaientlematérielmédical.Ellesemitenquêtedesboîtesentièresqu’elleétaitcertained’avoirvueslaveillemaisquidemeuraientintrouvables.

—Jedoisvouslaisser,annonçalejeuneinterne.Monpatientdoitsedemanderoùjesuispassé.

—J’arrivedèsquej’aimislamaindessus.

Aprèsdixminutesderecherche,elledutserendreàl’évidencequel’ensembledescompressesavaitdisparu.C’étaitplutôtinvraisemblable,descartonsdecettetaillenepouvaientpass’envolersansquecelapasseinaperçu.Tantpis,elledépanneraitAtkinsavecdeuxoutroisboîtesqu’elleavaitenréservedanssoncabinet.

Oupeut-êtrepas,comprit-elleenseretrouvantaveclapoignéedeportedanslamainquandellevoulutsortirdelapièce.Etmerde!Ilfallaitquecelaluiarrive.Ellefrappaàlaporte,appelaAtkinsoutouteautrepersonnesusceptibledepasserdanslecoincapabledeluiportersecours.Encorefallait-ilavoirbesoindequelquechoseenréserve.Cen’étaitpasunlieutrèsfréquenté,encoremoinsleweek-end.

Ellepritsonsmartphonedanssapoche,composalenumérodeLucy.Àladeuxièmesonnerie,lacommunications’interrompit.Elletentaunenouvellefois,coupéeencoreparlebipdésagréableannonçantqueleréseauétaithorsdeportée.Lapoisse!

Ellecontinuad’appeleràtraverslaporteentapantdetoutessesforcesaveclapoignée,enespérantquelebruitmétalliquerésonneraitassezdanslaclinique.

Aprèstroisheurespasséesdansceréduit,elleabandonna.Ellen’avaitplusdevoixetpluslaforcedefrapperquoiquecesoit.Ilétaitseizeheures,elleétaitpersuadéequ’Aidandonneraitl’alertesiellenerentraitpassechangercommec’étaitprévuavantleurdépart.

Pourtant,alorsquedix-neufheuresapprochaient,ellecommençaitàcroirequ’elleétaitvictimed’unemauvaiseblague.Oupire,d’uncoupmonté.Celaneressemblaitplusàunaccident.EtquefaisaitAidan?Pourquoin’était-ilpasàsarecherche?

Désespérée,elleglissasurlecarrelagefroidetposasondoscontrelaporte.Ellen’avaitplusrienàfaired’autrequ’attendre.

Aidansouriaitauvolantdesavoitureenécoutantunvieuxtubedesannéesquatre-vingt-dix.Iljetaunœilsurlecartond’invitationtrèsénigmatiquequeRinaavaitlaissésoussaportepeudetempsavantl’heuredudépart.Celaluiressemblaitbiendeseplierenquatrepourorganiserunesurprise.Etmêmes’illuifallaitparcourirunedistancepluslonguequecellequ’ils’étaitimaginé,ilétaitbien

décidéàcomblerleskilomètresquileséparaientdePhiladelphie.

Ilsedemandacequil’attendaitlà-bas,imaginantfêtersonanniversairerienquetouslesdeuxouyvoirconviéstousceuxquicomptaientdanssavie.Quoiqu’elleaitchoisi,ilétaitcertaindepasserunesoiréemémorable.Dumomentqu’ilsétaientensemble,riend’autrenecomptait.

Alorsqu’ils’approchaitdulieuderendez-vous,ilfixaavecattentionlaruedéserte,curieuxdecequ’ilallaitydécouvrir.Quandlesystèmedenavigationluiindiquaqu’ilétaitarrivéàdestination,ilcommençaàdouterd’êtreaubonendroit.Ilsetrouvaitdansunquartierpeuamènefaceàunvieilimmeubledésaffecté,làoùiln’auraitjamaismislespiedss’ilavaitvouluflâner.

AidanvérifialeGPS,toutconcordait.Ilseraclalagorge,àlafoisembêtéetstressé.Ilétaitvingt-et-uneheures,c’est-à-direlargementtempsd’assisteràsapetitefête.

IlcomposalenumérodeRinasursontéléphone,attendit.Ilétaitdirectementenvoyésursonrépondeur.Ilrecommençaenespérantqu’ellefiniraitparsedéplaceretsetrouverdansunendroitoùleréseauseraitmoinscapricieux.Peineperdue,ilétaitseulaumilieudenullepart.

Ilallaitflanquerl’appareilsurlesiègepassagerquandlavibrationl’enretint.

—Lucy?Vousêtesoù?Je…

—Aidan,vousêtesenretard!Vousauriezpuvouspasserdefricoteravantlasoirée!

Abasourdi,illuifallutquelquessecondesavantderépondre.

—Rinan’estpasavectoi?luidemanda-t-il.Ellem’aglisséunmotenfind’après-midipourmedemanderdelaretrouverdirectementmais…

—Oùes-tu,Aidan?

—ÀPhiladelphie,làoùRinam’adonnérendez-vous.

—NousvousattendonsauLunadelSea,lerestaurantaétéréservé!

Ilsentitsonvisageseviderdesonsang,ainsiquelerestedesoncorps.Ilavaitunmauvaispressentiment.Assurément,Rinan’étaitpourriendansl’envoidel’invitation.Maisqui,alors?Etoùétait-elle?Àplusdecentcinquantekilomètresdelabase,ilétaitcommedémuni.Ilnepouvaitrienfairesinondemi-tourenespérantlaretrouverauplusvite.Maisendeuxheures,ilpouvaitsepassertellementdechoses…

Bordel,ilavaitétéstupide!

—Tul’asvuequandpourladernièrefois?questionnaAidan.

—Ehbien…Quandelleaprissonposteàlaclinique,jenel’aipluscroiséeaprèsça.Jesaisqu’elleétaitauxurgencesendébutd’après-midicarjemesuisoccupéed’untypequ’Atkinsm’avaitconfié.Ilm’ainforméequ’elleneseraitpasdisponiblelerestedel’après-midi.

C’étaitdéjàunbondébut,seditAidan.Ilfallaitcommencerparlà.

—J’aiunserviceàtedemander.Puisqu’onm’adetouteévidenceéloignéintentionnellement,peux-tualleràlacliniqueetessayerd’ensavoirplus?

—MaisAidan!Ettafête?Toutlemondeestlà!

—Jet’enprie,Lucy,l’implora-t-iltristement.J’aipeurqu’ellesoitendanger…

Aulieudel’entendresoupirercommeils’yattendait,ellepoussaunpetitcridestupeur.

—Tucroisqu’Ashleyestderrièretoutça?

—Jenesaispas,répondit-il.Maisiln’yapasuneminuteàperdre.Merci,Lucy.

Ilraccrochaaussisecetcontactal’établissementpsychiatriqueoùsonexétaitretenuecontresavolonté.L’infirmierqu’ileutauboutdufilluiconfirmaqu’Ashleyétaitdanssachambre,toujourssousétroitesurveillance.Lathérapieparélectrochocssemblaitfairesoneffet,cequilesoulagea.Tantqu’elleétaitlà-bassousbonnegarde,ellenepouvaitpasleurnuire.

Maispuisqu’ellen’étaitpaslaconspiratricedecetteaffaire,quelqu’und’autretiraitlesficellesàsaplace,conclut-ilenreprenantlaroute,terriblementinquiet.Ilroulabienau-dessusdelavitesseautoriséeavecunseulbutentête:retrouverlajeunefemmesaineetsauve.

Rinasebalançaitd’avantenarrièrecontrelaporteenespérantquelebruitfiniraitparavertirdesaprésence.Malheureusement,ilétaitvingt-et-uneheurestrenteetpersonnen’étaitvenuàsonsecours.Pourenrajouteràcettedésagréablesituation,elleavaituneenviepressante.Lecombledel’inconfort!Ilétaitdifficileàcroirequepersonnen’aitbesoindevenirdanslaréservequandelle-mêmeypassaitaumoinsdeuxfoisparjour.

Pourtant,contretouteattente,laportefinitpars’ouvrirbrusquement.Souslechoc,ellefutemportéeenarrièreetrencontralesyeuxdesonjeuneinterneaumomentoùsondostouchaitlesol.

—Atkins!s’exclama-t-elled’unairenjoué.Oh,merci,j’aibiencruquej’allaispasserleweek-endici!

Illuitenditlamainpourl’aideràseremettresurpieds.Alorsqu’elleépoussetaitsablouseetcontinuaitdeleremercier,ellemarchajusqu’auxtoiletteslesplusprochesensortantsontéléphonedesapochedeblouse,Atkinssursestalons.

—Donnez-moivotretéléphone,luiordonnasoudainlejeunehomme.

Surprise,ellelevalesyeuxversluietsursautaendécouvrantqu’iltenaitunrevolverdanssa

poigne.Elleeutunmouvementdereculettentad’ouvrirlaportedestoilettesmaisillastoppadanssonélan.

—Jen’hésiteraipasàm’enservir,l’avertitAtkins.Donne-moitonputaindetéléphone!

Sanssefaireprier,ellelelaissatomberdanslecreuxdesapaume.Contretouteattente,cen’étaitpaslapeurquiprédominait,maisbienl’incompréhension.CettedernièreobligeaitRinaàgarderlesyeuxsurlui,cherchantuneexplicationàsongeste.Sidiscretetserviable,queluiétait-ilarrivé?Pourquois’enprenait-ilàelle?

—Atkins…murmura-t-elle.

—Tuvasauxchiottes,ouiounon?

Surpriseparsagrossièreté,ellerougitets’engouffradanslestoilettes.Danslacabine,elletentad’échafauderunetactiqueafind’ensavoirplus.Ildétenaitunearme,ellen’étaitpasdetailleàessayerdes’enfuir.Maispeut-êtrepourrait-ellelepersuaderqu’ilétaitentraindefoutresavieenl’air.Commentuntypecommeluienarrivait-ilàmenacerunepersonnequ’ilconnaissaitàpeine?Ilsn’avaientrienencommunàpartletravail,ellenevoyaitpasdutoutcequ’ilpouvaitluireprocher.Ellen’étaitpasunetortionnairesursonlieudetravail,dumoinsl’espérait-elle.

Ensortant,elleentrebâillalaporteetretrouvaAtkins,l’épauleappuyéecontrelemur,faisantminedelustrersonrevolverétincelantavecsachemise.Lecombledel’arrogance,songea-t-elleenserrantlesdents.Finalement,ilavaitpeut-êtrebiencachésonjeu.

—Jepeuxsavoircequetuvasfairedemoi?luidemanda-t-elle.

—Justementpasgrand-chose,luiapprit-il.JedoisjusteteteniréloignéedeFields.

—Jenecomprendspas,soufflaRina.

—Çafaitunmomentquej’observevotremanège.Cen’estpasdelacuriositémalplacée,jeterassure.C’estpasmontruc,levoyeurisme.Disons…quej’aidescomptesàrendre.

Iltravaillaitdoncpourquelqu’un,cequin’étaitpasétonnant.Ildevait,àcoupsûr,êtrelesyeuxetlesoreillesdeGordonetd’Ashley.Mêmeenfermée,ellenepouvaits’empêcherdeleurgâcherlavie.Rinaétaitécœurée.Toutcelauniquementpourleuréviterd’êtreensemblelejourdestrenteansdel’hommequ’elleaimait.C’étaitincroyabled’enarriverlà!Malgrétouteslesépreuvesparlesquelleslajeunefemmeétaitpassée,ellenepouvaitpluséprouverdepeinepourAshley.Pasquandellefaisaittoutpourrendrelavieimpossibleàceuxquivoulaientretrouverlebonheur.PourRina,touslesdramesnejustifiaientpasunetelleconduite.Sielleavaitpu,ellen’auraitpashésitéàs’expliqueraveccettepestedéséquilibrée.

—Tuvauxmieuxqueça,luiditRina.

—Tunemeconnaispasettun’enasjamaisprislapeine.Jenesuisqu’unpetitinterne,aprèstout.Luim’adonnémachance.Malgrétoutcequejepeuxtraînerderrièremoi,ilm’aacceptételquejesuis.

EllecompritalorsqueGordonletenait.C’étaitsaspécialité,découvrirlespointsfaiblesdesgenspourmieuxlesexploiter.Etvoilàqu’ilavaitsoussacoupeunpetitjeunequin’avaitriendemandéàpersonne.Décidément,lepèreetlafilleserecoupaientpourfairelaloi.

—Tupeuxdéciderdel’arrêter,Gordonn’estpasinfaillible.Situtémoignes,tupeuxfairecessercesagissementsplusquedouteux.

—Tunecomprendsrien,MademoiselleJe-Sais-Tout!Sijetémoigne,jetombeaveclui!

Fatiguéeetanxieuse,Rinalaissasesépaulesretomber.Ellen’étaitpasdetailleàlefairechangerd’avis,ilsemblaitdéterminéàallerjusqu’aubout.Etpourtant,àlevoirsicontrarié,elleavaitl’impressionqu’ildoutait.Etqu’ilétaitpleindecolèrepourceluiquil’obligeaitàagirainsi.Quefaire,alors?Ellenesemblaitpasavoird’autrechoixquedesesoumettre.

Elleavaitsûrementdéjàgagnéassezdetemps.Quelqu’unallaitforcémentserendrecomptedesonabsenceetsemettreàsarecherche,ilnepouvaitenêtreautrement.D’ailleurs,quefaisaitAidan?

—NecomptepassurFields,luidit-ilcommes’ilavaitcomprissoninquiétude.

L’espaced’uninstant,elleeutpeurpourluietoubliaquesonagresseurétaitarmé.Qu’avait-ilfaitàAidan?Allait-ilbien?

Sabouled’angoissetransperçasonestomac.Souslechoc,lajeunefemmebasculaenavant,sesgenouxtremblantsetcédantssoussonpoids.Elleseretintdejustesseaumurprèsd’elletoutenseconcentrantsursonsouffle.EnlevantlesyeuxversAtkins,ellelutdelasurprisedanssonregard,commes’ilnes’étaitpasattenduàunetelleréaction.Oucommes’ilétaitinquiet.Maiscelaneduraqu’unedemi-seconde.

—Allez,dépêche-toi!beugla-t-ilenluiattrapantfinalementlebrasviolemment.

Sesdoigtsenserraientsachairtelunétauincandescent,cequin’aidaitpassavieillecopineàsefairelamalle.Aucontraire,l’attituded’Atkinsetlemystèrequil’entouraitjouaientsursesnerfs.Traînerlapatteenespérantleralentirnefaisaitqu’accentuerlamauvaisehumeuretl’agitationqu’ildégageait.

Ilcouvritsabouchequanddespasserapprochèrentetlaplaquacontreunmurenemprisonnantsesjambes.Lapostureluirappelademauvaissouvenirsqu’elletentad’ignorer.

—Tagueule,okay?prononça-t-ilàsonoreille.Oujetefaisexploserlacervelle!

Àcetinstant,iln’étaitplusdutoutsonjeuneinterneserviable,maisunêtrefroidetmalveillantquin’avaitpluslamaîtrisedesacolère.Pouvait-elleseulementessayerdeluiéchapper?Nerisquait-ellepasdeseretrouvertranspercéedeplomb?

Elleneluiferaitpasleplaisirdepleureroudelesupplier,elleétaitplusfortequ’illesupposait.Mêmesielletenaitàlavieplusquejamais,ellenes’abaisseraitpasdevantlesmanipulationsdeGordon.Ellevalaitmieuxqueça.Etelleétaitpersuadéeque,quoiqu’ilcache,Atkinspouvaitsedéfairedelui.Lelaisserlesdétruire,c’étaitluidonnertropd’importance.

—Paroùveux-tucommencer?entendit-elletoutprèsd’eux.

EllecrutreconnaîtrelavoixdeLukequin’étaitqu’unmurmurelointainaumilieudubrouhahaqueformaientlesbattementsdesonpalpitantetdesonsangquicoulaitdanssesveines.

—OndoittrouverAtkins,réponditLucy.Ilestdegardeetjesaisqu’ilssesontcroisésendébutd’après-midi.Ilpourrasansdoutenousdires’ill’avuepartiretavecqui.

Uneportes’ouvritetserefermadansunclaquementsec.Ilsavaientdisparuavantmêmedetombersureux.Atkinsrelâchaalorssonemprisesanspourautantdégagersamaindontilseservaitcommebâillon.

—Unseulmotettavies’arrêtelà,c’estclair?

Elleacquiesçaenclignantdesyeuxetappréciaderetrouverunesemi-libertéqu’ellenesavouraqu’uneseconde.Déjà,ill’entraînaitversl’unedessortiesdesecoursàl’arrièredubâtiment,àl’opposédeLukeetLucy.Elleespéraitsecrètementqu’ilsn’étaientpasvenusseulsetqued’autreslarecherchaientsurlabase.Seul,mêmearmé,l’internenepourraitrienfaceàlahordedesesamis.

Pourtant,elledéchantalorsqu’illaflanquadeforcedansunevoitureetdémarraentrombes.Pourconduire,ils’étaitdébarrassédesonrevolverqu’ilavaitglissésoussonsiège.Uneaubaine!Ilétaittempsdeluimontreràquiilavaitaffaire.

Comptantlesmètresquilesséparaientdupostedesécurité,elleattendaitlemomentidéalpourfairediversion.Sentantquelebonmomentétaitarrivé,ellebonditdesonsiègepourattraperlevolantenespérantluifaireperdrelecontrôleduvéhiculeoul’obligeràfreiner.Maissouslasurprise,lejeunehommeseretrouvacalésurlesiègeconducteuretenfonçasonpieddansl’accélérateur.

—Bordel,tuvasnoustuer!cria-t-il.

Ellevoulutredresserlavoiture,maisc’étaittroptard.Ilsallaients’écrasercontrelacabineàviveallure.Rinaretintsarespirationdansl’attenteduchocetsombradanslenéant.

Lorsqu’Aidanarrivaenfinsurleslieux,ungyropharel’éblouitetleforçaàralentirl’allure.Labarrièredesécuritéétaitlevée,commesielleattendaitlepassageimminentduvéhiculerougeoyant.Enapprochant,ilconstataquelesservicesdepolicestationnaientprèsd’uneambulance.Celaneprésageaitriendebonpuisque,siellesetrouvaitlà,l’étatdel’undeshommesdevaitêtresuffisammentsérieuxpourquelerapatriementversunhôpitalsoitobligatoire.

Ildéglutit,lefrontsoudainensueur.Ilouvritlafenêtremanuellement.Lebruitdessirènesluidonnalamigraine.Ileutsoudainunmauvaispressentimentquiseconfirmalorsqu’ilaperçutsonfrèreetLucydanslesbrasl’undel’autre.

IlfreinabrusquementetabandonnasaCadillacpourlesrejoindre.

—Luke!Lucy!lesinterpela-t-il.

Ilssetournèrentversluisimultanément.Lucypleurait.

—Quesepasse-t-il?VousavezretrouvéRina?

Danslapénombre,ilvitLukedevenirlivide.QuantàLucy,elledemeuraitmuette,leslèvrestremblantes.

—C’étaitcemec…commençaLuke.Atkins.Ilsonteuunaccident.

Ilavaitsûrementmalcompris,sedit-il.Atkins,cerveaudel’opération?IlyavaitsûrementuneexplicationqueRinaluifourniraitdèsqu’ill’auraitenfindevantlui.Saufqu’elledemeuraitabsente.Ilfitcourirsonregardd’unepersonneàuneautre,àsarecherche.

—Aidan…chuchotaLucy.Elleestdansl’ambulance,ilssontentraindes’occuperd’elle.

—Mais…mais…balbutia-t-il.Commentva-t-elle?Queluiafaitcesalaud?

—Onnesaitpasencore,luiappritLuke.Atkinsestmortsurlecoup.

Peuluiimportaitqu’ilsoitaumilieudelafouleetqu’iln’aitplusquel’enviedeselaisseraller,ils’accroupit,latêteenavantetlesmainsderrièrelanuque.Lapression,lapeuretlapeinesedisputaientsoncorps,tordantsonventredanstouslessens.Bordel!Toutétaitdesafaute!Iln’auraitjamaisdûcroireàcettepseudosurprise!

Enquelquessecondes,ilchassacespenséesetsedirigeaversl’ambulance,bousculantLukeetLucysursonpassage.Tantpiss’ils’exhibaitdevanttous,leplusimportantétantdesavoirsiRinaallaitbien.Maisdevantlevéhicule,ilseheurtaàceluiquilegardait.

—Vousnepouvezpaspasser,luiditlesoldatenfaction.

—Jevousenprie,jeveuxjustesavoircommentelleva.

—Lesordressontlesordres,trancha-t-il.

Lesportesdel’ambulances’ouvrirent,lesforçantàs’écarterpourlaisserdescendreunmédecinportantunbrassard.

—Maispuisquejevousdisquejevaisbien!crialavoixdeRinaàl’intérieur.

—Rina!appela-t-ilalors,soulagé.

—Aidan?

Sansattendred’yêtreautorisé,ilgrimpalesdeuxmarchesducamionpourretrouverlajeunefemme,allongéesurunbrancard,totalementimmobiliséedelatêteauxpieds.Àlavoirainsi,ilavait

dumalàcroirequ’ellen’avaitpassouffertdanscetaccident.Ens’approchant,ilconstataqu’elleavaitquelqueségratignuressurlevisage,lecouetd’autrespartiesducorpsunpeutropexposéesàsongoût.Elleavaitdûêtreexaminéesoustouteslescoutures.

—Commenttutesens?demandaAidanenposantsamainsurlasienne,glacée.

—Jevaistrèsbien,confirmaRina.Atkinsm’arepousséesurlesiège,c’estluiquiaprislegrosduchoc.Commentva-t-il?

Elleavaitl’airderéellementsesoucierdelui.Iln’eutpaslecouragedeluiavouerlavérité,préférantêtrecertainqu’ellesoithorsdedanger.

—Jenesaispas.Tuveuxmedirecequis’estpassé?

—Pasmaintenant,ilsvontm’emmener.Turestesavecmoi.

Cen’étaitpasunequestion,ellesemblaitavoirvraimentbesoindeluiàsescôtés,toutcommeilavaitbesoind’êtreprèsd’elle.Ellebougeasesdoigts.

—Aidan…chuchota-t-elle.

—Oui?

—S’iln’estpastroptard,jetesouhaiteuntrèsbonanniversaire.

S’ilyavaitbienunechosequ’ilavaitapprisedepuisqu’illaconnaissait,c’étaitqu’iln’étaitjamaistroptard.Leurhistoireleprouvaitbien.Malgrédesdébutschaotiques,desdoutes,leuramouravaitdéfiéletempsetlesépreuves,serenforçantmêmependantleurséparation.

C’estainsiquefonctionnel’amour:ilestsoudain,parfoisbrutal,incompréhensible.Maisdanssarudesse,ilestaussileplusmerveilleuxdescadeauxdonnéàl’êtrehumain.Ilgonflelecœur,leréchauffe,l’apaiseetpeutmêmeinspirerl’enviedeliersavieàtoutjamaisàcelleouceluiquel’onachoisi.

Leslarmesauxyeux,AidansepenchasurRinaetl’embrassatendrementsurleslèvres.Sadécisionétaitprise.Ilsn’avaientplusdetempsàperdre.

15Aidann’avaitpasfranchementl’habitudedeprendrel’avionetn’aimaitpascela.L’étrange

oppressiondanssapoitrinequandl’appareils’élançasurlapistefaillitluicouperlesouffle.Iltremblait.Pourtant,quandRinaposasamainsurlasienneetsatêtesursonépaule,ilsesentitretrouverdesforces.Ilsouritetfinitparsedétendreaprèsavoirbaissélestoreduhublot.

Derrièreeux,LukeetLucypartageaientdesécouteursetgloussaient.Ilnesavaitpascequ’ilsregardaientsurlatablettedesonfrèremaiscelasemblaitlesdivertir.Aidanétaitvraimentcontentpoureux.Aucoursdesdernièressemaines,cesdeux-làavaientenfinouvertlesyeux.Lucyétaituneautrefemmedepuisqu’ilssortaientensembleetLuke,d’habitudesibourru,semblaitmétamorphosé.Amoureuxdepuisdesannées,ilpouvaitenfinsortirdesacarapacepourlaissersonamourpourlajeunefemmevivreaugrandjour.Onnepouvaitpasluireprocherdemanquerdepatience.IlespéraittoutefoisqueLucynejoueraitpasaveclui,qu’ellen’étaitpasavecsonfrèrepardépit.Cariln’ignoraitpasquelajeunefemmeavaitd’abordjetésondévolusurlui.

—Est-cequetoutvabien?luidemandaRina.

—J’aihâtequ’onatterrisse…Enfin,plutôtqu’onsoitarrivéàdestination.

Danslasemainequiavaitsuivil’accidentayantcoûtélavieàAtkins,ilavaitreçul’invitationtantattenduequileconviaitaumariagedesonfrèreaîné.Contretouteattente,Rinaavaitreçulamême,l’en-têtedel’enveloppeécritedelamaindesasœurLydia.C’estpourquoiilsseretrouvaientdanscetobjetvolantdeuxjoursavantlacérémonie,enpartancepourOrlando.S’ilétaitnerveux,cen’étaitriencomparéaustressquesavoisinerenfermaitdepuisdesjours.Illuiavaitfalluneufjourspourpréparersavalise,donttroispassésàlavideretlaremplirdesmêmesaffaires.

Rinan’avaitpaspeurenavionmaissanervositéauraitpupasserpourtelle.Aidanetellefaisaientlapaire!Ilétaittoutefoistrèsangoissantd’imaginercommentpourraientsepasserlesvraiesretrouvaillesavecsafamille.Mêmesielleavaittoujourspriépourqu’ellessurviennentunjouroul’autre,c’étaitplusfaciledelaissersatêteypenserquedelesvivreréellement,avectouteslespréoccupationsquecelaimpliquait.

Nonseulementelleallaitdevoircôtoyersesparentspendantquatrelonguesjournées,maiselleseraitconfrontéeàl’ensembledesafamilleassistantauxnocesdesagrandesœur.Cettedernières’étaitcontentéedeluienvoyerl’invitation,cequiétaitdéjàungrandpasenavantvenantd’elle.Pourtant,ellesavaitqu’illuirestaitl’essentielducheminverslaréconciliationàparcourir.

Heureusement,ellen’étaitplusseuledésormais.Ellepourraitcomptersurceluiquisetenaitprèsd’ellepourapaisersespeursetsestensions.

Cequ’ellesouhaitaitpar-dessustout:éviterAlanpendantladuréedesonséjour.Ilavaitprislapeinedesedéplacerquelquesmoisplustôtpourluiinterdirederevenirsansluienexposerlaraisonetn’avaitplusdenouvellesdesesenfantsparsafaute.Depuisqu’elleavaitavouélavéritésursarelationavecsonexbeau-frère,ellesavaitparMatthewqueLydialuirefusaittoutdroitdevisite.Etmêmesilapertedecedroitétaitjustifiée,elleleconnaissaitsuffisammentpouravoirconscience

qu’ilnes’arrêteraitpasàunsimplerefus.S’ilnetrouvaitaucunmoyend’alleràl’encontredeladécisiondesonex-femme,ilvoudraitcertainements’enprendreàlasourceduproblème:elle.

Alorsquesonestomacfaisaitunbonddanssonabdomen,ellesentitlesdoigtsd’Aidanserefermersurlessiens.Soudainrassuréeparsaprésence,ellesavouralecalmequirégnaitdanslacarlinguependantladuréedevolqu’illeurrestait.

CefutseulementsurlesoldeFloridequ’ellerecommençaàcogiter.IlsrécupérèrentleursbagagesrapidementaprèslafinduvoyageetretrouvèrentMatthewdanslehalldel’aéroport.Illesattendaitmanifestement,lesmainsdanslespoches,polodéboutonnéetlunettesdesoleilvisséessurlenez.Lestroisfrèress’embrassèrenttouràtour,puisMatthewreportasonattentionsurlesdeuxjeunesfemmesquiaccompagnaientsespetitsfrères.

—Etvoilàmesbellessœurspréférées!

Rinaselaissaembrassertandisqu’Aidanlevaitlesyeuxauciel,faussementagacé.

—Bienvenuecheztoi,luiditMatthewprèsdesonoreille.Toutsepasserabien.

Elleleremerciaduregard,raviequ’ilaitcesmotsrassurantsàsonencontre.Aupremierabord,ilavaittoutduplay-boyavecsapeautannéeparlesoleiletsesmèchesunpeulonguesdécoloréessurledessusdelatête.Quandelleobservaitlestroisfrèrescôteàcôte,ellecomprenaitqu’ilssoientreluquésparlesdemoisellesoudamesquipassaientprèsd’eux.Ilsavaientvraimentfièreallure.Ellelesimaginaittrèsbienencouvertured’uncalendrieraumilieud’autresbeauxspécimens,dansleplussimpleappareilévidemment.

Maisplusquetout,soncœurs’emballaitàlavued’Aidan.Elleneputretenirunsourirequandilfixasonregardausienetlapritparlamainafindequitterl’aéroport.Ilétaitsonplay-boyàelle.

Durantletrajetquilesmenaitauprèsdurestedelafamille,Rinaapprit,nonsansanxiété,qu’elleallaitséjournerchezsesparentspendantleweek-end,demêmequeLukeetLucy.Contrairementàsesautresfrères,Dianan’avaitpuselibéreravantlelendemain.EllelesrejoindraitégalementchezlesJamespourlesfestivités.

Sicelaluiprovoquaunfrissond’angoissed’êtrecontrainteàlacohabitationavecsesparents,ellefutrassuréedenepasêtrelâchéeseuledanslafosseauxlions.C’étaitunechosed’avoirrenouélecontactavecsesparentsendébutd’année,c’enétaituneautredelesaffronterdansl’arèneoùavaienteulieuleursdisputes.Fortheureusement,ellepourraitcomptersurAidan.Etsilatensiondevenaitinsupportable,ilspourraienttoujourss’abriteràl’hôtel.

—Jevousdéposeenpremiercheztesparents,Rina,leurappritMatthew.Nousnousverronscesoir,noussommesinvitésàmangerhistoirederevoirlesplanningsdedemain.

Unesacréechance.EllepourraitsedistraireaveclabonnehumeurdesFieldsetdeLucy.

DevantFormosaGardens,Matthewlesannonçaetentraaupasdanslarésidencelorsquesamèreeûtactivélacommanded’ouverture.Elleyétait.Onzeansbientôtqu’ellen’avaitplusfranchilagrillenifoulél’asphaltedelalongueavenue.Unsoupirnerveuxluiéchappa.

—Toutvabien?luisusurraAidan.

—Trèsbien,puisquejesuisavectoi.

Elleconstataquerienn’avaitchangé.Lavillanumérotreizeavaittoujoursd’affreuxvoletsroses,lanuméroonzeétaithabitéeparlemêmecouplederetraitésetcelledesesparentsrayonnaitd’unjauneéclatant.Lafaçadesemblaitd’ailleursavoirétérefaiterécemment.

Ensortantdelavoiturefamilialedesonfuturbeau-frère,elleneputs’empêcherdevérifiersisonpalmierétaitencoredebout.Nichéaumilieudequelquesautres,ill’était,plusvigoureuxqu’ilnel’avaitétépendantsonenfance.Àvued’œil,samèreprenaittoujoursautantdeplaisiràentretenirsesparterresetsapelouse.Silesvoisinsavaientrecoursàdespaysagistesouautresjardiniers,sesparentstaillaienteux-mêmesleursplantesetarbustes.

Elleétaitenfinderetourchezelle!Lesentimentqu’elleéprouvaitn’étaitpasceluiqu’ellepensait.Elleétaitheureuse,songea-t-elleensouriantbêtement.Deslarmesdejoieluibrouillèrentlavuequelquessecondes.

—Rina?l’appelaAidan.Jemechargedetavalisemaistupeuxprendretonautresac?

Ellesetournaversluipourlesoulagerdupoidsdesesbagages.Ilavaitfaitlatête–justepourleplaisirdelacontrariercinqminutes–quandilsavaientdûenregistrerunsupplémentàl’aéroport,alorsautantnepaslefairetropattendre.LukeetLucylessuivaient,moinschargésquelajeunefemme.

Enempruntantlechemindalléquimenaitàlamaison,ellesurpritsamèresurlepasdelaporte,unsourirediscretplaquésurlevisage.Dansunetenuesobremaispratique,elleétaitprêteàlesaccueillir.

—Àcesoir,Nancy!s’exclamaMatthewenremontantenvoiture.Dix-neufheures,c’estbonpourvous?

—C’estparfait!réponditsamère.Àtoutàl’heure!

Elleluiadressaunsignedelamainetsetournaensuiteverssesinvités.Ellemarquauntempsd’arrêtpendantlequelelleexaminasafillesoustouteslescoutures.Quecherchait-elleàdécouvrir?Sielleétaitaussiterrifiéequ’elleparcettecohabitationimprévue?Ousimplementsielleétaitheureusedelaretrouver?

—Bonjour,Maman,luiditRinaengardantvolontairementsonsacencombrantentreellesdeux.

—Bonjour,vousavezfaitbonvoyage?

Aprèsl’échangedesfamiliaritésd’usageavectouscesnouveauxvenus,samèreleurindiqualaporteouvertesurlehalldelamaison.Avecprudence,Rinaentrasanspouvoirdétachersesyeuxdeladécoration.Sil’extérieurdelapropriétéavaitconservélesmêmescaractéristiquesqu’antan,cen’étaitpaslecasdel’intérieurentièrementrefaitàneuf.

—Nousavonsfaitquelquestravauxaucoursdesdernièresannées,confirmaNancy.

—Jevoisça,c’esttrèsjoli.

—Vouspouvezmontervosaffairesàl’étage.Tuterappellesoùesttachambre,Rina?J’accompagneLukeetLucydanslaleur.

Biensûrqu’elles’ensouvenait!Certaineschosesnepouvaientpass’oublier,mêmeenunedécennie.Elleavaitsisouventrêvéduconfortbienfaiteurdesonrefugepourserassurerquandplusrienn’allait!

Elleopinaetentrepritdegrimperlesmarchesquimenaientaupalierdesservantlespiècesdupremierétage.Aidansursestalons,elleactionnalapoignéeetseretrouvabientôtdanssonanciennechambre.Sisesparentsavaientquasimenttoutchangédeleurintérieur,ilsavaientgardécettepièceintacte.Peut-êtrelaisséeàl’abandonavantceretourunpeuprécipité,elleétaitrestéedanslemêmeétatqu’aumomentdesondépart,miseàpartl’odeurdesdrapspropresembaumantagréablement.Samèreavaitégalementfaitlespoussières,remarquaRinaens’approchantdesatabledechevet.

Elleselaissachoirsurlelit,appréciantlematelasmoelleuxqu’elleaimaittant.

—Jen’aijamaisvouluqu’ontoucheàtachambre.

Lavoixdesamèreinterrompitsespenséesetréponditenmêmetempsàsesquestions.Ellesetenaitprèsd’Aidan,lesbrasserrésautourd’elle.SonexpressiondoucerassuraRina.

—Bienvenueàlamaison,ajouta-t-elledansunmurmure.

Elleressortitpresqueprécipitammentdelapièce,commesiellepréféraitcacherl’émotionquil’animait.Rinaneluienvoulaitpas.Aprèstout,c’étaitdifficilepourellesdeux.Etceseraitcertainementplusdurencoredeseretrouverfaceàsonpèrequandilrentrerait.

—Tuveuxdéfairetavalise?proposaAidanpourmeublerlesilence.

—Nousleferonsplustard,jevaisplutôtdescendrevoirsimamèreabesoind’aide.

—Bonneidée.

Ils’approchadoucementets’accroupitdevantellepourprendresesmainsentrelessiennes.Lesembrassant,Aidanlevalesyeuxversellepourliredanssonregard.Ilpouvaitpresqueyvoirtouslesdémonsdesonpassédanserdanssesprunelles.Rinaétaitsiimperturbableencetinstantqu’ilsedemandaitcommentsaprésencepourraitl’apaiser.S’iln’ignoraitplusriendesestourments,ilétaitparfoisdéstabilisantdenepassavoircomments’yprendre.Ilespéraitainsiqueresterprèsd’ellepourlasoutenirluisuffirait.

—Allez,viens,l’encouragea-t-il,tamèrevacroirequenousavonsdécidéd’étrennerlesdraps.

Pasmécontentdeluiarracherunsourire,illatiraparlamainpourl’aideràserelever.

—Mesparentsontleurchambreàl’autreboutducouloir,luiappritRinaenpassantsesbrasautourdesoncou.Siparhasardtunepouvaispastepasserdemoncorpspendantquatrejours,nouspourronssansdouteassouvirtespulsions…

—Jen’avaispastortausujetdetonattirancepourlui,soulevaNancyalorsqu’AidanprenaitlesoleilsurlaterrasseavecLucyetsonfrère.

Rinaplissanerveusementleslèvresenéqueutantlesharicotsverts.Plusjeune,ellen’avaitjamaisvraimentabordélerefraindesgarçonsavecsamère.C’étaitétrange,maispasaussidésagréablequ’ellel’auraitcru.

—Eneffet,confirmalajeunefemme,encorefallait-ilquejeréussisseàmel’avouer…

—Vousformezuntrèsbeaucouple,çasevoittoutdesuitequ’ilestfoudetoi!

Raviequecelapuisseselireaussifacilement,Rinasongeaqu’elleétaitchanceuse.Aujourd’hui,elleavaitquasimenttoutcedontpouvaitrêverunefemmedesonâge.Amis,compagnon,familleenreconstruction.Ilnemanquaitplusquesonproprecoconfamilialàcréer.

—Ilmerendheureuse,affirma-t-elle.C’esttoutcequicompteàmesyeux.

Aidanlesrejoignitalors,coupantcourtàlaconversationdesdeuxfemmes.S’ensuivirentdeséchangesconcernantlafamilleetlemariagequiapprochait.Justeavantmidi,laportedelamaisonclaqua,présageantqueClayJamesétaitrentrépourlerepas.

Quandilpassaleseuildelacuisine,ils’arrêtanetencroisantleregarddeRina.Lajeunefemme,intimidée,sentitsesjouesrougir,commesielleétaitpriseenfaute.

—Veux-tuboirequelquechose,Clay?demandasonépousepourdétendrel’atmosphère.

Ilacquiesça,lesrejoignantfinalement.Ilétaitàprésentpresqueaussirougequesafille.Rinaeutdumalàcontenirunrirealorsmêmequesonpère,dépasséparlesévénements,s’apercevaitenfindelaprésenced’Aidan.

—Euh…bonjour…bafouilla-t-il.Jevousconnais,non?

C’étaittrèsétonnantdelevoirdéstabiliséàcepoint.Nel’avait-onpasmisaucourantdecettevisite?Connaissantsamère,celle-ciavaitpeut-êtreomisdeluiannoncerlanouvellepourluiéviterdefuir.Sielleenjugeaitparsoncomportement,c’étaitmêmecertain.

—AidanFields,seprésentalejeunehomme.JesuislefrèredeMatthew,nousnoussommesrencontrésilyaquelquesmoisaprèslanaissancedeCalvin.

—Oui,jemedisaisbienquevousm’étiezfamilier.

—Etaccessoirement,jesorsavecvotrefillecadette.

ClayregardatouràtoursafilleetAidanquisetenaienttrèsprochesl’undel’autre.Rinaillustrasesproposensaisissantlamaindesoncompagnon.

—Ehbien…bredouillasonpère,ilsemblequenosfillesonttoujourslesmêmesgoûtspourleshommes.

—Clay,voyons!lerappelasafemmeàl’ordre.

—Veuillezm’excuser.

Ilsaisitsonrafraîchissementetsortitparlaportevitréequidonnaitsurlaterrasse.Rinaauraitdûprévoirquecelaarriverait.PrésenterAidansiviten’étaitsansdoutepasl’idéedusiècle,maisaumoinsc’étaitfait.

—Çaauraitpuêtrepire,tenta-t-ellederassurersamère.

Cettedernièrehaussalesépaulespuisseconcentraànouveausurlapréparationdesonrôti.Ellelesortitdufour,l’arrosadejusdeviandeetleremitàcuireavantd’éplucherdespommesdeterre.

AidanfinitparrejoindreClayetlesautresàl’extérieuretseposasurunbaindesoleil,unverreàlamain.

—J’espèrequ’unjournousferonsvraimentlapaix,énonçatristementRina.Maisc’estdéjàmieuxd’êtretoléréequetotalementmiseàl’écart.

—Tudoisparleràtonpère,suggéraNancy.Cen’estpasànousdelefaire.Ilseposebeaucoupdequestions,cestemps-ci,surtoutdepuisqueLydiaademandéaujugequ’onretireàAlanlagardepartagéedesenfants.

—Alorsçayest,iln’aplusaucundroitdevisite?

—C’estencours,maisvulescirconstances,çanem’étonneraitpasqu’uneinjonctionsoittrèsviteprononcée.Lydiaréclamequ’ilnepuisseplusdutouts’approcherd’eux.

Unfrissondeculpabilitéparcourutlajeunefemme.Cettenouvelleauraitdûlaréjouir,elleavaittoujourspenséjubilerlejouroùelleauraitenfinlasatisfactiondevoirAlandéchu.Pourtant,ellen’éprouvaitquedumal-être.Parsafaute,elleprivaitdesenfantsdeleurpère.Cen’étaitpasexactementcequ’elleavaitimaginé.

—Tunedoispast’envouloir,tun’espasresponsable.

—J’endoute,j’aiavouélavéritéàLydiailyadeuxmois.

—Jesais,affirmasamère,maiscelan’afaitqueconfirmercequenouscommencionsprogressivementàperceràjour.Alann’estpasquelqu’undebien.

Rinatrouvacharmantelamodérationdesespropos,mêmesilesmots«pasbien»étaientvraimentendessousdelaréalité.

Unnouveauclaquementdeported’entréesefitalorsentendre,mettantuntermeàsespenséesquiprenaientuncheminpesant.

—Mamie?C’estmoi!s’annonçaunevoixdejeunefille.

—Noussommesdanslacuisine!

Rinacompritrapidementquelajeunefillen’étaitautrequesanièceFaith.Ellenel’avaitpasencoreaperçuemaisdéjà,lespaumesdesesmainsdevenaientmoites.L’appréhension,laculpabilitéetlestressnefaisaientpasbonménage.Puisqu’iln’étaitpasvraimentadéquatdelaisserdébordercesémotionsinattendues,Rinachoisitdes’occuperlesmainsenépluchantelleaussiunepommedeterreenguettantl’arrivéedel’adolescente.

—Faithdéjeuneavecnouspratiquementtouslesjours,luiditsamère.Soncollègeestàdeuxpas.

Elleapparutenfinàl’embrasuredelaporte,sachevelureblondeflottantsursesépaules.Elleportaitunjeanslimmalgrélachaleurainsiqu’unT-shirtsansmanchesetdesbasketsmontantesvertpomme.Àsespoignetscliquetaientplusieursbraceletsauxcouleurscriardespourcomplétersatenuevive.Poursonâge,Faithétaittrèsgrande.Àvued’œil,Rinajugeaqu’elledevaitmesurerunbonmètresoixante.

Cequilafrappaitsurtout,c’étaitsabeautédiscrèteetincontestable.Elleressemblaitàunepoupéeparfaiteavecsesgrandsyeuxbleusbordésdetrèslongscilsblondsetsespommetteslégèrementrosiesbiendessinées.

—Bonjour,adressaFaithàsonintention.

—Bon…bonjour…

—Faith,voicitatanteAriana.

Parchance,samèreavaitprisledevantpourfairelesprésentations,alorsmêmequ’ellepeinaitàreprendresonsouffle.Ellen’arrivaitpasàdétachersonregarddelajeunefille.Àonzeans,Faithenavaitentoutcasl’apparenceunpeuprécoce.

—Enchantéedevousrencontrer.Mamie,j’aifaim!

—Vadoncembrassertongrand-pèreetnosautresinvités,ilssontsurlaterrasse.Nousmangeonsbientôt.

Elledisparutenlaissantderrièreellel’échod’unrireencoreenfantin.Rinaputl’entendreàl’extérieur,annonçantfièrementqu’elleavaitencoreobtenuun«A»enSciences.

—Noussommestrèsprochesd’elle.

Mêmeunaveugleauraitpuremarqueràquelpointsesparentsaimaientleurpetitefille.Siellen’avaitpasdûquitterlaville,Rinaauraitsansdoutepuêtreprochedesanièce,elleaussi.Elleenmouraitd’envie,luiinspirantunbesoinpresquematerneldelagâteroud’apprendreàlaconnaître.Elleavaittellementdetempsàrattraperavecsesneveuxetnièces!Lesquatrepremiersétaientdéjà

grandsmaisiln’étaitpeut-êtrepastroptardpourchoyerlepetitdernier.

Pendantlerepas,laprésencedeFaithleurpermitdebriserlaglaceetd’éviterunlourdsilence.Ellelesravissaitparsesanecdotesetsonfranc-parler.Soncaractèrebientrempénepassaitpasinaperçu.Amusée,Rinaserégalaenl’écoutantetenvoyantsonpèresourirechaquefoisquelajeunefilleessayaitdeletaquiner.

—Jen’aipasenviederetournerencours,leurdit-elleenposantsaserviettesurlatableàlafindurepas.

—Quelscourstuas?demandaAidan.

—Espagnoletlittérature,beurk!Jepréfèrelesmathsetlessciences,çaaumoinsçaveutdirequelquechose.

—Intéressant…souffla-t-il.Tusaisdéjàcequetuveuxfairecommemétier,plustard?

—Médecin,jecrois,ouchirurgiennepouravoirlesmainsdanslesgensettoutespleinesdesang!s’exclamalajeunefille.

—Là,c’estmoiquidisbeurk,ditAidanensimulantunhaut-le-cœur.

—Tuastoujoursvouludevenirmédecin,confirmasongrand-père.Jet’aiofferttapremièremallettetoutéquipéequandtuavaissixansettumepoursuivaispartoutavectonfauxstéthoscope.

L’adolescentesouritàsongrand-pèreetdéposaunbaisersonoresursajoueraséedeprèsavantdeleprendreparlecou.

—Jepréfèrelevraiquetum’asachetépourmondernieranniversaire,ilesttop!

—Dommagequetamèretel’aitconfisqué,renchéritsagrand-mère.

—Jesuisàdeuxdoigtsdelerécupérer,j’aibienrévisépourmoncontrôledelittérature.

—Raisondepluspournepasmanquerlescours!Allez,file!Vousvenezmangercesoir,tunousdirascommentças’estpassé!

—D’accord.Bonaprès-midi!s’exclamaFaithenquittantlacuisineaussivitequelevent.

D’instinct,Rinaselevapourlasuivre,commesiellenevoulaitpaslavoirpartir.Elletremblaitdetoutsoncorpsalorsmêmequeleslarmescherchaientàsefrayerunpassageàtraverssescils.Ellevoulaitlesrefoulerdetoutessesforcespourluipermettredecontemplerencorelevisageangéliquedelajeunefille.Maiselleavaitdéjàclaquélaportedelamaison.

Elleentenditquelqu’unapprocher,sibienqu’elleessuyabrusquementsesyeux,honteusedeselaisserallerdelasorte.Elleavaitungrain!

—Rina?l’appelaAidan.Toutvabien?

Elleattrapafermementlesdoigtsdesoncompagnonetlesserra,commepoursepersuaderqu’ellenerêvaitpas.Ill’embrassasurlefrontetl’interrogea,l’airinquiet.

—Quelquechosenevapas?

—Aidan…souffla-t-elle.Tuvassansdoutedirequejesuisfolle,toiaussi.Maisje…

Elledéglutitetrepritsarespirationavantdecontinuer.

—L’espaced’uninstant,j’aicru…

—Quoi,madouce?

Elleétaitsurlepointd’éclaterensanglots.C’étaitforcémentlesmauvaissouvenirsquirefaisaientsurface.Lafoliequil’avaitemportéequelquesannéesplustôtetquil’avaitpousséeàcommettrel’irréparablerevenaitlahanterparcequ’ellevenaitderevoirsanièce,c’étaitévidemmentlaseuleexplication.Etpourtant,ledoutesubsistait.Ceregardd’unbleuazur,cetteboucheencœur,cescheveuxblondsauxrefletsdorésincomparables…Ellelesentait,auplusprofondd’elle.Soninstinctmaternels’étaitréveillédanssonseinàlasecondeoùelleavaitposélesyeuxsurelle.

—JecroisqueFaithestmafille.

16Entendresaniècepleurerdanslachambreàcôtédelasienneétaitunevéritabletorture.Pasparce

qu’ellenesupportaitpaslesbruitsdunourrisson,maisparcequ’ellemouraitd’envied’allerlaprendredanssesbraspourcomblerlevidequ’Hayleighavaitlaissé.Elleétaitlapremièreàseréveillerlanuitdèsquelapetitegémissaitouqu’elleémettaitunsonpoursemanifester.Sesparentsavaientlesommeilpluslourdquelesien.Ilpouvaitsepasserplusieursminutesavantqu’ilsneselèventenfin,etpendantcetemps-là,elleimaginaitcequ’auraitétésaviesisafilleétaittoujourslà.

ElleauraitdormidanslevieuxberceaurepeintquesesparentsavaientdescendudugrenieretdanslequelilsfaisaientdormirFaith.

Quelquesminutesplustard,ellepleuraittoujours.Peut-êtresesparentsavaient-ilsoubliédebrancherl’écoute-bébé.Elledécidadequittersacouettepourallerlesprévenir,maisenpassantdevantlachambredelapetite,latentationfutplusforte.Elleouvritlaportedoucementpouréviterdelasurprendreets’approchadupetitlitàbarreauxdanslequelellebougeaitfrénétiquementsesbrasetsesjambes,enproieàungroschagrin.Leslarmessursesjouesluifirentdelapeine,aussinetarda-t-ellepasàlaprendreetlaserrercontreellepourlarassurer.Elleétaitlà,prêteàs’occuperd’ellesisesparentsn’étaientpasdisposésàlefaire.Ellalacalaentresesbras,satêtereposantdanslapliuredesoncoude.C’étaitunesensationapaisantedel’avoirprèsd’elle,desentirsonpetitcorpschaudetremuantcontrelesien.Lapetitefillelaregardaitavecdegrandsyeux,probablementétonnéed’êtreenprésenced’unefigurequ’ellenereconnaissaitpas.

Rinan’avaitpasvraimentl’habitudedeseretrouverseuleavecelle,sasœurnelepermettaitpas,maiscettenuitseraitsonsecret.

Faithsemblaitavoirfaim,àenjugerparlafaçondontelletortillaitsatêteettournaitsaboucheverssonseinàpeinedissimuléparsonT-shirtdepyjama.Sapoitrinen’avaitpasencoretotalementdégonfléalorsquesafilleàellen’étaitplus.Illuiarrivaitmême,quandelleentendaitFaithàproximité,d’avoirl’étrangeimpressionquesesseinsfrémissaient,prêtsàseremplirdelaitetànourrir.Lemamelonencontactavecl’enfantlabrûlait,sensationdésagréablequinepouvaitêtreapaiséequeparlasuccionluipermettantdeboireetd’êtresustentée.

Lajeunefemmerenifla.C’étaitdanssatête,ellesavaitbienqu’Hayleighnereviendraitpas.Pourtant,enregardantlapetiteFaith,ellesongeaqu’elleauraitpuêtresafille.Elleavaitlablondeurdesescheveuxetlebleumarinedesesyeuxs’éclaircissaitdéjà.Assurément,elleluiressemblait.Aupointquelaréactiondesesseinsn’étaitpeut-êtrepassipsychologiquequeça,réfléchit-elle.Quandellesanglota,lapetitefillelevasonpetitpoingverselle,commepourluirappelerd’êtreforte,oualorspourluifairecomprendrequ’elleétaitlà,quisait?

Ellepoursuivitsacontemplation,sansciller,sentantl’émotiongrandissantedecesretrouvailleslatroubler.Quandellevitsonrefletdanssesgrandsyeux,sesdoutessetransformèrentenévidence.Faithn’étaitautrequesafille.Lesmédecinss’étaienttrompés,l’enfantqu’ilsavaiententerrén’étaitpaslesien…

Alorsqu’elleavaitenviedeselaisseraller,ellecompritqu’elleavaitdevantelleunenouvelle

chanceànepasgâcher.Laissersafilleentrelesmainsdesasœuretdesonignoblemari?Plutôtmourir!ElledevaitsortirHayleighdecetenfer.

Aprèsavoirdonnésonbiberonàlapetitefille,ellelarecouchadanssonberceautoutenéchafaudantsonplan.Lanuitsuivante,lorsquetoutlemondeseraitendormi,ellespartiraienttouteslesdeux.Ellesvivraientbienmieuxloindeceshypocritesetdesfaux-semblantsquirégentaientleursmisérablesvies.

Ellel’embrassasurlajoue,heureusedelavoirs’endormirsiviteensaprésence.Elleenétaitcertainedésormais,Hayleighavaitreconnusamaman.

—Commentceseraitpossible?luidemandaAidandansunmurmure.

Elletentadeseremémorerlesfrissonsquil’avaientparcouruelorsqueFaithétaitapparue.Ilss’étaientemparésd’elleaupointd’occultertouteautrepensée.

—Jenesaispas…Quandjelaregarde,jelesensaufonddemoi.J’aieulamêmesensationquandjel’aiprisedansmesbraspourlapremièrefois.Jepensaisquelechagrinmefaisaitressentirça,àl’époque,maisaujourd’hui,jecroisquec’estplusfortqueça.

Illafixaitavecétonnement,certainemententraindechercherlameilleurefaçondelaraisonner.Pourtant,aprèss’êtrerappelélessensationsressentieslorsdutoutpremiercontactavecsaprétenduenièce,ellelesassimilaitentouspointsàcellesvécuesquelquesminutesplustôt.Ilnepouvaitpasyavoird’erreur.Unemèrereconnaissaitsonenfant,mêmesansl’avoirvupendantdesannées.C’étaitancréenelle,danssesveines.

Leplusdifficileétaitdenepashurlerderage.Elleétaitàdeuxdoigtsdes’effondrer,genouxàterre,elleenvoulaitaumondeentierdenepass’êtrebattue,des’êtrelaisséecataloguéecommefolleaulieuderestersursespositions.Àquilafaute?Sesparentsétaient-ilsimpliquésdanscecoupmonté?Etsilarelationfusionnellequ’ilsentretenaientavecFaithétaitjustementlesignequ’ilsavaientdesremords?

Satêtetournait,sonpoulsrugissaitàsestempes.Ellenepouvaitpascroirequesesparentssoientmêlésàcettehistoire.DemêmequeLydia,commentaurait-ellepupassersiviteàautrechosesielleavaitperdusaproprefille?Mêmesielleluiavaitétéremplacée,nuldoutequecettetragédieauraitlaissédesséquelles.

Pluselleréfléchissait,plusellevoyaitsedessinerlevisageconspirateurd’Alandevantsesyeux.Illuirestaitàdécouvrirs’ilétaitréellementderrièretoutcelaetlamanièreutiliséepourprocéderàl’échange,s’ilenétaitl’instigateur.

—J’aibesoind’enavoirlecœurnet,tranchalajeunefemme.Sijemetrompe,jepasseraiàautrechose.

Étrangement,elleespéraitnepasfairefausseroute.Elleavaitviscéralementbesoindeseraccrocheràcetteéventualité.Peut-êtreétait-cejusteparcequ’elleseretrouvaiticienterrainennemi,cependantellen’arrivaitpasàcroireàunecoïncidenceaprèstoutescesannéespasséesenthérapie.LeDrHarrispourraitd’ailleursl’aideràfairelevidepourméditersurcetteprisedeconscience.

—Tupeuxcomptersurmoi,luiditalorsAidan,jet’aideraidumieuxpossible.Jesaisàquelpointc’estimportantpourtoi.

Ohoui!C’étaitmêmecrucial!Commentluiexpliquerqu’elleétaitlapiècemanquanteàsonbonheurtotal?Elleétaitinfinimentheureuseàsescôtés,maisilluifallaitcepetitquelquechoseenpluspourêtretotalementenpaix.Faithsemblaitêtrecettepiècedupuzzleàassembleràsavie.

—Merci,répondit-elleensecalantcontrelui,enquêtederéconfort.C’esttoutcedontj’avaisbesoin.

—Tucomptesprocédercomment?

—Jedoiscommencerparvisiterlamaternitéoùj’aiaccouchéetrécupérermondossiermédical.Monregarddessus,entantquemédecin,serasûrementutile.Ensuite,j’appelleraiSampourconnaîtrelameilleurefaçondefaire.Jeneveuxpasmeplanternibouleversercequinedevraitpasl’être.

Ilacquiesça,l’enlaçapourluiinsufflerunedosedecouragepuislaguidadanslacuisineoùilsretrouvèrentsesparents.Clayétaitaccoudéàl’îlotcentralpendantquesafemmeessuyaitlesverrespropresavecuntorchon.

—Toutvabien?s’enquitcettedernièreenlesvoyantréapparaître.

—Biensûr,réponditsafilleententantdemaîtrisersavoixchevrotante.OùsontLukeetLucy?

—Ilssontmontéssechanger,ilsontprévudeprofiterdelapiscine.

—Jevaisyaller,annonçasonpèrelasecondesuivante.J’essaieraiderentrertôt,cesoir.

Ils’approchadesafemmepourdéposerunbaisertendresursajoue.

—Bonaprès-midi,conclut-ilens’éclipsant.

Aprèsavoirentendulaporteclaquerderrièrelui,Rinapritplaceprèsdesamère,l’airlas.

—Toutsebousculedanssatêtedepuisqu’ilt’arenduvisiteàWashington,luiappritsamère.Tudoisluiparler,Ariana.Ilfautqu’ilsache.

—Cen’estpassisimple.Ilnem’apascrue,lapremièrefois.

—C’étaitilyalongtemps,tuaurasmonsoutienetceluidetasœur,jetelepromets.

Rinaavaitpeurdeledécevoirencoreunefois,desevoirrefuserlasecondechancequ’elleattendaitdelapartdesonpère.S’illuitournaitencoreledos,commentallait-elleréagir?Aufond,qu’illatolèrejustesoussontoitétaitdéjàunsacrépasenavant.Avecletemps,celafiniraitforcément

parsetasser,non?Àquoibonprendrelerisquedetoutgâcherenrévélantdeschosesqu’iln’étaitpeut-êtrepasencoreprêtàentendre?

—J’accompagneLydiarécupérersarobecetaprès-midi,puisnousavonsrendez-vousavecsonorganisatricedemariagepourfairelepointsurlesdernierspréparatifsdedemain.Sivousavezbesoindesortir,tupeuxprendremavoiture,lescléssontdanslebureaudetonpère,tiroirduhautàdroite.

Surcesmots,Nancyserralamaindesafilleenungestechaleureuxetdisparutàsontour,leslaissantseuls.Aidanpassasesbrasautourdelajeunefemmequiseraiditàsoncontact.

—Désolée,s’excusaRina.Je…j’aidumalàréfléchir.

—Etsitumelaissaist’aideràtedétendre?

—Neleprendspasmal,maisjenesuispasdutoutenclineàunepartiedejambesenl’airpourl’instant.

Vexé,Aidansereculabrusquementetmitvolontairementdeladistanceentreeux.

—Cen’estpasvraimentcequej’avaisentête.Jemedoutequecen’estpaslemoment.

Rinasetournaverslui,visiblementblesséparsesparoles.Elleyétaitalléeunpeufort,maisnesavaitplusdutoutoùelleévoluait.Toutessespenséess’entremêlaientdansunmarasmesansfin.

—Excuse-moi,prononça-t-elle,auborddusanglot.J’aibesoindebouger,dequittercettemaison.

—Allonscherchercesclésetensuite,jet’emmèneoùtuveux.

Elleopinalentement,leguidantjusqu’aubureaudesonpère.Lapièceétaitrestéelamême,contrairementauxautresdurez-de-chausséequesamèreavaitmisunpointd’honneuràmodifier.Lelargebureauenchênetrônaitmajestueusementderrièrelabaievitréedonnantsurlejardin,lesbibliothèquesployaientsousleslivresquin’étaientquedesobjetsdedécorationetlafemmedeménagesemblaitnejamaiss’aventurerenceslieux.

Elleavançajusqu’aumeubledégagé,avisantlesous-main.Celuiquiétaitencuirautrefoisavaitétéremplacéparunobjetartisanalfaitàpartirdephotosdesespetits-enfants.ClayJamesétaitdoncdevenuuntantinetsentimental.

Pendantqu’elleouvraitletiroiroùsetrouvaientlesclésdevoiture,Aidansaisituncadrephoto.

—Faithestvraimentjolie,dit-il.C’estvraiqu’elleteressemble.Etjenedispasçaparcequetucroisqu’elleesttafille,jesuissincère.

Illuitenditlaphotographiepourluimontrer.Quandellelavit,soncœursemitàbattreplusfortdanssapoitrine,tellementqu’illuisemblaprêtàquittersoncorps.Sesjouesseteintèrentdesangàmesurequ’elleobservaitleportrait.

—Cen’estpasFaith,déclina-t-elle.C’estmoi.Jedevaisavoirdouzeans,àl’époque.

L’émotions’étaitemparéed’ellesansprévenir.Parcequ’elleserendaitvraimentcomptequeFaithluiressemblait?Ouparcequesonpèreconservaitdesclichésd’elleprèsdelui,depuistoutescesannées?

Sonretourauxsourcesladéstabilisait,elleavaitpeurdeseretrouverànouveauaufonddugouffresansrienàquoiseraccrocherpourenressortir.Alorsquecettepenséetiraillaitsoncœur,ellecroisaledouxregardd’Aidan.Illuiadressaleplusréconfortantdessourires,sanssavoirqu’illuilançaitlàsabouéedesauvetage,outoutaumoinslacordequil’aideraitàsehisserhorsdesontrou.

Sansvraimentcomprendrecequesoncorpsréclamait,ellesejetadanssesbrasetleserracontreelle,arrimantsesmainsàsesflancs.Elleluifaisaitsansdoutemalavecsesongles,maiselleavaitbesoindelesentirsoussesdoigts,desavoirqu’ildemeuraitprèsd’ellemalgrétouslesdémonsquiavaientsurgietseprésentaientencoredanssavie.Peud’hommesauraienteusapatienceetsacapacitéàcomprendre,ellesesavaitchanceuse.Pourtant,elleavaitpeurdeleperdre.Danscecombatcontresestourments,nerisquait-ilpasdeselasser?Ilavaitbeauluidéclarersonamourdepuisdesmois,ellenepouvaits’empêcherdepenseràl’éventualitédelefairefuir,inconsciemmentounon.

Aprèsavoirrécupérélesclésdevoiture,ilssemirentenroutepourlamaternitéoùlajeunefemmeavaitmisaumondeHayleighonzeansplustôt.Pendanttouteladuréedutrajet,letempsparutcommesuspendu.Rinaimaginaitlesdifférentsscénariosquiavaientpuseproduireetsafaçond’aborderleschosesaveclepersonnelmédical,àsupposerquel’équipesoitlamême,cequin’étaitévidemmentpasgagné.Maisleplusimportantpourl’instantétaitderécupérerlefameuxdossier.Pouvait-ils’agird’uneerreur?Aprèstout,celaarrivaitparfois,nombred’émissionspopulairesseplaisaientàretransmettrecegenred’anecdotes.Entresœursd’unemêmefamille,celaparaissaitquandmêmetropgrosetelleavaitl’intimeconvictionqu’Alanyétaitpourquelquechose.D’ailleurs,savisiteàBaltimorequelquesmoisplustôtetsatentativepitoyabled’achetersonsilenceavaientforcémentunrapportaveccela,quandelleyrepensait.

—Lefilsdepute!s’exclamaAidanlorsqu’elleluiracontacequis’étaitpassé.

—Jecroisqu’iln’avaitpasenviequejedécouvresesmanigances,élucidaRina.Ilaurasûrementvoulumeteniràdistanceencorequelquetempssitôtl’ordonnanced’éloignementclôturée,histoirequejeresteloindeFaith.

Toutconcordait.Restaitàsavoirpourquoiilavaitorchestrécettemachination.Vengeance?Oubesoinirrépressibledefairelemal?Àcroirequecethommenesavaitrienfaired’autre,qu’ilavaitvouésavieàdétruirelasienne.

Enarrivantsurlesiteimmenseoccupéparl’hôpitaldeFloride,Rinaralentitl’allureetsuivitlafiledesautresvoituresypénétrant.Pluselleserapprochaitdel’entrée,plusellemélangeaitsespenséescohérentes.Difficiledefaireletrietdetrouverquoidirepourjustifierd’avoirbesoindesondossier,mêmesic’étaitsondroitleplusstrict.

Avantdepouvoiraccéderauparking,ilspassèrentlentementdevantl’entrée.Presqueauralenti,ellevits’ouvrirpuisserefermerlesportesautomatiquesqu’elleavaitfranchiesdesdizainesdefois.Lapremièredifficultéétaitdelespasserànouveau,sanséprouverl’enviedesedégonfler.

Heureusement,Aidandescenditduvéhiculeetrestaprèsd’ellejusqu’àl’accueildel’hôpital.Ilprit

lui-mêmeleticketdepassage,annonçantqu’ilsallaientdevoirpatienterunpeu.Facileàcroirequandtantdemondefaisaitlaqueuedevantlecomptoirouattendaitsontour,assisàmêmelesol.C’étaitencoreplusstressantd’attendredecettefaçon,mêmeaveclesdoigtsdesoncompagnonenlacésaveclessiens.

Quandonappelaenfinleurnuméro,ellesehâtadevantlafemmetrèsjeunequinedaignamêmepasleverlesyeux.

—Vousavezrendez-vousavecquelpraticien?

—Jen’aipasderendez-vous,jesouhaitepouvoirm’entreteniraveclechefdeserviceobstétrique,s’ilvousplaît.

—Pourunsuividegrossesse,vouspouvezprendrerendez-vousdirectementavecmoiousurlesiteInternetdel’hôpital.

—Jenesuispasenceinte,luiindiquaRina.Jedoisluiparlerausujetdelanaissancedemafilleilyaonzeans.

Cettefois,ellelevalatêtepourexaminerleursvisages,l’airsoupçonneux.Inutiled’êtredotéd’uneintelligencesupérieurepourcomprendrequelasecrétairenedonnaitaucuncréditàsarequête.

—LeprofesseurRickmannereçoitquesurrendez-vousetsonemploidutempsesttrèschargé.Jevousconseilledeluiadresseruncourrier.Vouspouvezleglisserdanslaboîteàquelquesmètresderrièrevousoubienl’envoyerparlaposte.

—Jevousenprie,insistalajeunefemme,c’esttrèsimportant.Sinondites-moiaumoinscommentjepourrairécupérermondossiermédical!

Elleespéraitquesontonimplorantetsesyeuxlarmoyantsluidonneraientgaindecause.

—Nousavonsbesoind’uncourrierauquelvousdevezjoindrelacopiedevotrepièced’identitéainsiqu’uneenveloppeaffranchiepourl’envoidudossier.Ilvousseraalorsadressédansundélaidedeuxmois.

Deuxmoispourrécupérerquelquesfeuillesdepapier?C’étaitvraimentunabus.Maiscelaremontaitàsilongtemps!Ilsn’avaientpeut-êtrepastoutesleursarchivesauseinmêmedel’établissement.Elleleuraccordaitlebénéficedudoutesurcepoint.

—Merci,conclut-elleenseretournant.Rentrons,maintenant.

—Jesuisdésolé,luiditAidanalorsqu’ilsregagnaientlavoiture.

—J’auraisaumoinsessayé.Jenesuisplusàdeuxmoisprès,detoutefaçon.

Ellen’ycroyaitmêmepasenledisant.Resterdanslefloudeuxmoisdeplusluisemblaitinsurmontable.Ellevoulaitsavoircoûtequecoûtecequiétaitréellementarrivécejour-là,sisescertitudesétaientbienfondées.Quiinterroger?Commentenapprendreplus?

—Jevaistenterdequestionnermamère,décida-t-elle.Elleétaitlàquandj’aiaccouché.Elleapeut-êtrevuouentenduquelquechose,mêmesiellen’yapasprêtéattentionsurlemoment.

Illuipritlesclésdesmainsetluiouvritlaportièrecôtépassager.Sansprotester,Rinaselaissafairemachinalementtoutenprogrammantlesystèmedenavigation.

—J’aimeraisfaireundétouravantderetournerchezmesparents.

Aidansuivitainsilesindicationsjusqu’àl’undescimetièresdelaville.Rinan’yavaitpasremislespiedsdepuislejourmêmedel’enterrement,tropbouleverséeàl’époquepouryrevenir.PuiselleavaitquittéOrlando,laissantderrièreellelessouvenirspénibles.Maisaujourd’hui,ellesentaitqu’ilfallaitqu’elles’yrende,commesic’étaitlepassagenécessairepourfairesondeuil,alorsmêmequ’elleétaitenliséejusqu’aucoudanssesdoutes.

Ilslaissèrentlavoituresurlepetitparkingsituéàl’entrée,préférantfaireleresteducheminàpieds.Lelieuarboréetvallonnéoffraitdescoinsd’ombresbienfaisantstandisquelesoleilnemanquaitpasd’occasiondelesbrûler.Àcettepériodedel’année,ilétaitdéjàredoutable,dardantsesrayonssurtoutelarégion.Lesjournéesétaientchaudes,lesnuitspasassezfraîches.C’étaittoutdemêmebond’êtrechezsoi,malgrésapertederepères.

Elleentraînasoncompagnonjusqu’àl’alléeoùsetrouvaitlapierretombaledresséepourHayleigh.Contrairementàcequ’ellepensait,latomben’étaitpasàl’abandon.Lemarbreétaitentretenu,sanspoussière.Unpetitbouquetdemargueritesjaunesétaitdéposésurl’herbejustedevant.Safraîcheurlasurprit,ilavaitdûêtreamenélaveilleoul’avant-veille.Quelqu’unvenaitdoncrégulièrement.Àcettepensée,ellesentitsesgenouxfaiblir,cequiluidonnaleprétextedes’accroupirdevantl’inscriptiongravée.

—J’ailadésagréablesensationd’êtreentraindetomberdansuntrou,Aidan.

Toutsoncorpsétaitsecoué,pousséverslaterre.Jamaisellen’avaitconnupireimpression,commesilavieluiéchappait.

—C’étaitdéjàdifficileavant,maislà…jenesaisplusquoipenser.Quipourraitfaireunechosepareille?Quiauraitpumelaisserenterrerunenfantquin’estpaslemien?Jenesuismêmepascertainequ’Alanpuissefaireça.Jesuisjusteàmoitiéfolle,c’estça?

Ellecherchalaréponsedanssonregard,maisn’ylutriend’autrequedelatendresseetunsentimentbeaucoupplusprofond.Del’amour?Oui,certainement.Illuiprouvaitchaquejourqu’ill’aimaitd’unamourinconditionnel.

Elleétaitterrifiéeàl’idéederetourneràl’hôpital.Siellecommençaitàdivaguercommecefutcertainementlecasonzeansplustôt,onlarenverraitdanscetendroitfroidetstérilependantdessemaines,loindetous,etellen’étaitvraimentpasprêteàaffronterencorecela.

Passantsamaindansl’herbe,elles’attardasurlesmargueritescouleursoleil.Elleavaitenvied’yvoirlàunsignequetoutespoirn’étaitpasperdu,qu’ellesedirigeaitverslalumièreaprèsavoirnaviguédanslenoir.Audînerdecesoir,Faithseraitlà.Elleverraitbiencequesoncœurluidictaitàcemoment-là.

Elleseremitdeboutetattrapalamaind’Aidanpourypuisersaforcevitale.Unseulcontactsemblaitluiredonnersonessence.

—Cettefoisnouspouvonsrentrer,luidit-elle.Jen’aiplusqu’àattendreunautresigne…

AidanétaitassissurlelitdeRinaetlaregardaits’endormirtoutdoucement.Tantd’émotionsluiavaientdemandéuneénergiefolle,aussiavait-elledécidédes’allongeravantlerepasdusoir.Lorsqu’ilfutcertainqu’elleavaitsombré,ilcherchasontéléphoneportabledanssonsacàmainetsortitdelapièceàpasfeutrés.

Aprèsavoirdéverrouillél’écran,ilcherchalenumérodontilavaitbesoindanssalistedecontactsetlecomposa.

—Salut,beauté,commenttuvas?

—Salut,Sam,c’estAidan.J’aibesoind’unservice…

17Attendreunsigne,c’étaitcommeattendreungesteouuneparoled’unepersonnedisparue.C’était

sansespoir,réalisaRinacesoir-là.

Alorsqu’ilsétaienttousdanslasalleàmangerautourdelatablefamiliale,elleguettaitlemoindremot,lemoindregestesansrienobtenirdeplusquel’impressiondebrasserdel’air.Pourtant,l’ambianceétaitonnepeutplusfestive.Lesparentsd’Aidanétaientarrivésdanslasoiréeetpartageaientlerepasaveceux.IlnemanquaitplusqueDianapourcompléterlafamille.

Assiseàcôtéd’Aidan,ellesetrouvaitbientroploindeFaithpourespérercapterquoiquecesoitetpasquestiondelagêneroud’attirerl’attention.Elleavaittropàperdre.Ellesecontentaitdoncdemangerensilencetoutensuivantlesconversationsd’unairabsent.

—Nouscontinuonslasoiréeavecdesamisenville,vousenêtes?demandasoudainMatthewensondantlesregards.

Toujoursperduesanssespensées,Rinan’émergeaquelorsqu’ellesentitlamainchauded’Aidanseposersursonbras.

—Çatedit?

—Quoidonc?

—DesuivreLydiaetMatthew.

—Loindenousl’idéedefairedansletraditionnel,expliquaMatthew,maisquelquesamistiennentàfêterça.Vousêtesdonclesbienvenus.

Unpeud’effervescenceluichangeraitcertainementlesidées.ElleopinaetsouritàAidanenespérantlerassurersursonhumeur.Ellen’ignoraitpasqu’ilsefaisaitdusoucidepuisqu’ilsétaientrentrésbredouilles.Sisaprésenceluiétaitd’ungrandréconfort,ellesesentaitpourtantmalàl’aisedeluiimposercetteépreuve.

Ellemontarapidementsechanger,adoptantunerobedesoiréenoireunpeucourteetdessandalesquihabillaientseschevillesdejoliesbridesenstrass.Ellerelevaégalementsescheveuxenunchignonparesseuxpourdégagersanuque.Lanuitneprésageaitpasderedoux,alorsautantmettretoutesleschancesdesoncôtépoursavourerlamoindrebrisefraîche.

Quandellequittalachambreavecsapetitepochette,ellesurpritFaithmontantl’escalieraveclesjumeauxLéoetTommy.

—Onvadanslasalledejeux,sejustifialajeunefille.

—Oh...super!Vousallezjoueràquoi?

—Eux,àlaconsole.Moijevaislessurveillerengribouillantsurmatableàdessin.

Faithladévisagealonguement,prenantletempsd’examinersatenue.Ellefitsigneauxgarçonsdecontinuerleurcheminalorsqu’ellerestaitdevantRina,dansantd’unpiedàl’autre.

—Vousêtestrèsbelle,luidit-elle.C’estvousqui...

—Tupeuxmetutoyer,tusais.

—Okay,dit-elleenrosissant.C’estvousquifaitescettecoiffuretouteseule?

—Oui,c’esttrèsfacile.Jetemontreraisituveux.

—Euh...merci,ceseraitcool.

Elleregardasespiedspuisjetaunœilàsamontre.

—Bon,jevaisvoirlesgarçons,sionleslaissetroplongtempstousseulsilsfinissentpars’entretuer.Bonnesoirée!

Elles’éclipsarapidementpourrejoindresesfrèresqueRinadevinaitdéjàenpleineconfrontation.Ilsn’étaientpastrèsdiscrets.

Sadisparitionlaissaunvidedanssoncœurdéchiré.Quelquessecondesaprèssondépart,ellerestaitàcontemplerlecouloirdésert.EllesavaitdéjàquecettevisiteàOrlandolaisseraitdestracesoumêmed’autrescicatrices.Elleneregrettaitrien,maiscommentvivreaveccedoutepersistant?Ellenepouvaitpasvolersabrosseàcheveuxousabrosseàdentssansleconsentementdesreprésentantslégaux.Nonseulementc’étaitillégal,maissiparmiracleelleréussissaitàobtenirdesrésultatsd’unlaboratoire,ellerisquaitdeseremettreàdostoutesafamille.

Pluselleréfléchissait,plusellerefusaitdefairesubircelaàLydia,etencoremoinsàcetteenfantquin’avaitriendemandéàpersonne.Elleseretrouvaitàsoninsuembarquéedansunconflitfamilialsordide.

—Rina?l’appelaAidandurez-de-chaussée.Tuesprête?

Ellel’était.Dumoinspouraffrontercettesoiréeettenterdefairebonnefiguredevantlesamisdesfutursmariés.

Elledescenditlesmarchessousleregardpétillantdesonamant.Ellecompritvitequ’ill’observaitsanspudeurjustepourladéstabiliser.Luiseulpouvaitencorelafairerougirouprovoquercettesensationdélicieusedanssonventrealorsmêmequ’ilssefréquentaientdepuisdesmois.C’étaitmagiquedesesentirdésiréeetaiméeàcepoint,mêmesilajeunefemmequ’elleavaitétépendantdesannéesavaitparfoisdumalàréaliseràquelpointsavieavaitchangé.

Aubasdesmarches,illuipritlamainetl’attiracontresontorsepourl’embrassertendrement.Ilfitensuiteglisserseslèvresdanssoncoupuissedirigeaverssonoreille.

—Tuesmagnifique.J’aidéjàimaginémillefaçonsdeteretirerceboutdetissu.

Lesonenvoûtantdesavoixlafitfrissonner.Elles’accrochaàsesépaulespournepaschanceler.

—Vousêtesprêts,lestourtereaux?demandaLuke.Ouvouspréférezremonterdansvotrechambre?Vousnepouvezmêmepasvousretenirunweek-end!Affligeant!

—Laferme,Luke!répondirent-ilsdeconcertensetournantverslui.

Contentdelui,ilaffichaitunemineréjouieaubrasdeLucy,miseenvaleurelleaussidanssatenuemoinsdécouvertemaisélégante.

—Jetienslepariquetunetienspasplusquenous,énonçaAidan.

—Maisjen’aijamaisprétendulecontraire!Pourquoijemepasseraisd’unecréatureaussidélicieuse?

Enévoquantsacompagne,onnepouvaitignorersesyeuxbrillantsetsonsourirebéat.Lucy,plusdiscrètesursessentiments,penchalatêteverslui.Rinaespéraitquel’empressementdeLukeneferaitpasfuirsonamie,carilnemanquaitpasdelancerdespetitespiquessursesintentions,mettantsouventlajeunefemmemalàl’aise.

HeureusementpourRina,Aidanlaissaitlecoursdeschosesévoluersanssemontrerimpatient,surtoutqu’ilsavaientpasmald’affairesàrégleravantdeparlerd’avenir.Cependant,ellenevoyaitpluslesiensanslui,cequiétaitdéjàensoiunénormepasenavant.Pourlereste,ilsverraientplustard.

Lesfutursmariésavaientrendez-vousdansunclubdelavilleoùuneflopéed’amislesattendait.Àleurarrivée,deuxfemmeslesparèrenttousdecolliersdefleursetd’unchapeaudepailleensignedereconnaissanceavantdeleurprésenterdescocktailsbleuturquoise.

L’animationétantaurendez-vous,lasoirées’annonçaitsouslesmeilleursauspicesavecmusiqueetalcoolcoulantàflots.Rinadécouvraitunenouvellefacettedelapersonnalitédesasœur.Cellequ’elleavaitlongtempstrouvécoincéeettropsérieusesavaitenréalitérelâcherlapressionets’amuser.Cefutlapremièresurlapistededanseàsedéhancheretàappelerlesautresoucarrémentlestirerparlebras.Rinaselaissaprendreaujeu,suivantsasœuretl’unedesesamiesquiimprovisaientunechorégraphiefilméeparuneautre.

Aidannemanquaitrienduspectacle,savourantchaquesourireouéclatderirequ’offraitRinaetdontilneselassaitpas.

QuandLucyfinitparcéderàl’appeldeladanse,lestroisfrèresseretrouvèrentautourd’unverre,entourésparquelquescopainsdel’aîné.Certainslorgnaientlesjeunesfemmessurlapisteetd’autresdiscutaientsportouboulot.

—Eh,Matthew!interpelal’undesesamis.C’estquilagrandeblondecanonàcôtédeLydia?Putain,cequ’elleestbonne!Onvoitcarrémentsontangaquandelleagiteseshanches!

—Sasœur,réponditAidanàlaplacedesonfrère.Mafemme.

CetteprécisionfitglousserLukependantqueletypecurieuxdonnaituncoupdecoudecompliceàAidantoutenluiadressantunclind’œil.Puisils’écartapourserapprocherdesamisregroupésàlatabled’àcôtéquandcederniermontralesdents.

—Tafemme?ricanaMatthew.Elleestaucourant?

—Arrêtezdemecasserlespieds!J’aijusteditçapourluifairecomprendrequec’étaitchassegardée...

—Situveuxmonavis,renchéritLukeàl’intentiondeleuraîné,iladesprojetssacrémentplussérieuxquedeluiretirersarobecesoir...

—Etalors?Toiçafaitdixansqueturêvesd’épouserLucyetdeluifairesixgamins.

Ilvitsongrandfrèreblêmirmalgréleslumièresmulticoloresquidansaientautourd’eux.IlauraitdûsedouterqueLukeverraitd’unmauvaisœilcetterévélation.

—C’étaitcensérestersecret!

Matthewsetordaitderireàcôtédelui.Cen’étaitplusunsecretpourpersonnedepuisdeslustres,seuleLucyn’avaitpasconsciencequ’ilenpinçaitpourelleaupointdenejamaiss’engagersérieusementenl’attendant.

Deuxmoisplustôtpourtant,aprèsl’incidentquiavaitfaillituerRina,ilsavaientenfinregardédanslamêmedirection.Lukelesavaitaccompagnésaucommissariatàchaqueconvocationetleresteavaitnaturellementsuivisoncours.

Aumoins,cettehistoireavaitfinalementserviàquelquechose,maisGordonavaitencoreunefoiséchappéàlajustice,fautedepreuves.Pourcelaaussi,ilavaitbienenviededemandersonavisàSam.Sicelapouvaitenfinmettreuntermeàsesmachinations,ilneperdraitrienàessayer.

—T’inquiète,frérot,onneluidirarienparcequ’elleprendraitsesjambesàsoncouetqueçanousfaittropplaisirdetesavoirenfinheureux.

—Ça,c’estgentil,lesgars,onpourraitmêmetrinquerparcequenousavonstouslestroislachanced’êtrebienaccompagnés!Espéronsqueçadure!

Leursverress’entrechoquaientaumomentoùLucyetRinavenaientseposerdevanteuxpourboireàlapaille.Elleslesregardèrent,soudainmuets,avecdansl’idéequeleurstêtesdeconspirateursnetrompaientpersonne.

—Onenreparlera,ditRinaàl’intentiond’Aidanquandellesquittèrentànouveaulatable.

Unlongsifflements’échappadelabouchedeMatthew.

—Ellet’aàl’œil,semoqua-t-il.Sasœuralemêmeregardquandjevaispasserunsalequartd’heure.Heureusement,çaprécèdegénéralementlesmeilleuresnuitsd’amourdemavie!

LukeetMatthewneperdaientaucuneoccasiondelemolesterdepuistoujours,cen’étaitpasaujourd’huiquecelachangerait.Aucontraire,ilétaitrassurantdevoircertaineschosessubsister.Ilsavaientbeauexercerleurdroitd’ainessepourlecharrier,ilsn’enétaientpasmoinsdesfrèressurlesquelsilpourraittoujourscompter.

—Pastropstressédeconvoler?questionna-t-ilsonfrère.

—Tuparles!Jesuisimpatient!C’estpascommesijen’avaispasdéjàscellémavieàlasienne.

Iln’avaitpastort.Ilsavaientdéjàunfilss’ajoutantàlafratriedupremiermariage,sonfrèreétaitdoncresponsabled’unebienbelletribu.Lemariagedevaitluiparaîtredérisoireàcôté.

Ilétaitimpatientlui-mêmedesavoirs’ilpourraitseulementobtenircelaunjour.Iln’osaitpasenparleravecRinadepeurdelabrusqueralorsqu’ilenmouraitd’envie.Pasforcémentdeselancertoutdesuite–saufsielleleluidemandait–,maisilvoulaitsavoiràquois’attendre.Lesrelationsamoureusesn’étaientjamaissimples,mêmequandtoutallaitbienaupremierabord.Engrattantsouslasurface,onserendaitbiensouventcomptequ’ilyavaitdesdifficultésdanstouslesdomaines.Surtoutquandl’éluedesoncœurtransportaitunlourdbagagederrièreelle.

Ilenétaitlàdesesréflexionslorsqu’ilsentitsonsmartphonevibrerdanssapoche.Illesortitetputlire:

«Gordonmobilisé.Partlundi.»

Lemessageétaitenvoyéparuntypedesonunité.Iltentadelejoindrepourensavoirplusmaistombasursamessagerie.Avecunpeudechance,Lucyauraitdesinformationsdelapartdesautresfilles.Ellesneluicacheraientpasundétailaussiimportant.

Ilpassalerestedelasoiréeainsiqueledébutdelanuitàsiroterdescocktailssansalcooltoutensurveillantlesfillesducoindel’œil.Lydiasemblaitbienéméchée,maispasautantquesescopines.L’uned’ellesronflaitsurlabanquetteentreluietlesamisdeMatthewquivenaientdeselancerdansunconcours:celuiquibuvaitleplusdeshotsdetequilaseverraitoffrirunspectacleprivédansuneboîtedestripteaselesoirsuivant.

Aidanavaitdécliné,préférantsecontenterd’unseulverreentoutdébutdesoiréepourpouvoirraccompagnersafamilleenunseulmorceau.Deplus,pourquoiserabattresurunestripteaseusealorsqu’ilpouvaitcontemplerRinaetserepaîtred’elleàloisir?

Lajeunefemmeavaitl’airdevraiments’amuser.Légèrementsaoule,ellebougeaitseshanchesencadencesansjamaissefatiguer.Sonmouvementluiinspiraitdesimagespresquesauvagesoùilétaitquestiondecorpss’emboitantetglissantl’uncontrel’autre.Ilavaitfurieusementenvied’elle,surtoutquandellebougeaitsesfessessublimesencaptantsonregard,aguicheuse.

—Bon,lesmecs,onsebouge!annonça-t-ilàsesfrères.

—Quoi,déjà?s’étonnaLuke.Ilestàpeineuneheure!

—Jeterappellequ’unelonguejournéenousattenddemain.JepréfèrequeMatthewaitlesidéesclaires,àmonavisilvadevoirgérerbeaucoupplusdechosesqueprévusi,commejelepense,Lydiaaunesacréegueuledeboisdemain.

Ilsselevèrenttouslestrois,chacunrejoignantsacompagne.Àpeinefut-ilprèsd’ellequeRinal’enveloppapourlepressercontreelle.Àsonregardbrillant,ilcompritqu’elleavaitperdulecomptedesverresingurgités.Etpuisquel’alcoolluidonnaittoujoursdesidéesdiablementcoquines,ilavait

lafermeintentiond’enprofiter.

Ileutdumalàsedéfairedesesbras,appréciantsescourbesquisefrottaientcontrelui.Elleétaitdélicieuseetamoureuse,toutcedontilrêvait.

Quandellepritfermementsabouche,ilsentitrapidementsalangueglissersurlasiennetandisquesesseinssepressaienttoujourspluscontrelui.

Ilneluienfallutpaspluspourréveillerlabêtequisommeillaitenlui.Dommage,cen’étaitnilelieunilemoment.

—Ilvaudraitmieuxrentrer,dit-ilensedétachantdoucement.

—Ceneseraitpasprudenteneffetdesedonnerenspectacle.Maistuvasdevoirterattraper...

Elleondulaens’éloignantpourrécupérersapochetteetfinirsonverrelaissésurlatable.

UnefoistoutlemondedanslavoituredeMatthew,ilenclenchalecontactetselaissaguiderparlesystèmedenavigation.Danslerétroviseur,ilvitsomnolerpuiss’endormirauboutdequelquescentainesdemètreslesquatrepassagerstandisqueLucy,parfaitementlucide,étaitàl’avant.

—J’aireçuunmessagedeLizàproposdeGordon,chuchota-t-elle.

—J’enaireçuunaussi.Alorsc’estvrai,ilestmobilisé?

—Apparemment,confirma-t-elleenhochantlatête.Quatremoisàpartirdelundi,suiteàunevisitedel’inspectiongénérale.

Aidangardaitlesyeuxsurlaroute,sesmainsserrantlevolant.Ilétaittempsquequelqu’uncommenceàfouillerdanslesaffairesdugénéral,maiscen’étaitpassuffisant.Ilvoulaitqu’ilpaie.Maintenantqu’Ashleyneprésentaitplusdemenace,ilnesouhaitaitplusqu’unechose:sevengerdupèrepourtireruntraitdéfinitivementsursonpassé.

Sonavenirdodelinaitdelatêtederrièrelui,àdemiconsciente.

—Jevaislefairecoffrer,assura-t-il.Jenesaispasencorecomment,maisjetrouveraiunmoyen.

AprèsavoirdéposéMatthewetLydiachezeuxenpromettantderamenerlavoitureleplustôtpossibleaupetitmatin,AidanraccompagnalerestedelatroupechezlesJames.Ilpénétradanslarésidenceetsegaradansl’alléedegaragedelavilla.

Quandilcoupalecontact,seulLukecontinuaitsanuitenronflant.

—Boncourage!s’exclamaAidanàl’intentiondeLucy.

Lajeunefemmel’aidaàquitterlevéhiculeendouceurpendantqu’ilronchonnait.Rinaétaitdéjàsortieetlesattendaitdevantlaported’entrée.

Unefoisàl’intérieur,Lucyguidasoncompagnonjusqu’àlachambred’amisqu’ilsoccupaient,leslaissantseuls.

Àlasecondeoùilsentendirentlafermeturediscrèteduverrou,Rinatirasursarobe.Elleseretrouvaalorsuniquementparéed’untangaendentellenoireajouréenecachantriendesonintimité.

—Rina...murmuraAidan.Tuesàmoitiénuedanslehalld’entréedecheztesparents.

—Etalors?Jenesuispassaoule,siçapeutterassurer.Justeunpeujoyeuseetpleined’assurance.Pourquoinepasenprofiter?

ElleletiraàelleparlebasdesonT-shirtetenroulasesbrasautourdesoncou.

—Jenecroispasquetuaiesconsciencedel’attractionquetudégages.

—Tuveuxdirequejet’excite?demanda-t-elleenallantàlarencontredesonmembreemprisonnédanssonjean.

—Oui,confirma-t-ilensepressantcontresamain,maisçavaplusloinqueça.

—J’aienviedemebaigner,tumesuis?

Sansattendresaréponse,ellepartitendirectiondelacuisine,sarobesouslebras,exhibantavecexagérationsonanatomietouteencourbes.Ilperçutmêmesonrire.Lasituationl’amusait.Luiaussifinalement,mêmes’ilcraignaitdesefairesurprendreentraindenagernudanslapiscinedesesbeaux-parentspotentiels.CelarajoutaitnéanmoinsdupimentàlachoseetRinan’étaitpasàboutd’argumentspourlefaireplier.

Elleretiraitsessandales,assisesuruntransat,quandilpassalaporte-fenêtredonnantsurlaterrasse.

—Onnevapasnousvoir?

Ellehaussalesépaulesetluiadressaunsourirequiluifitoubliertouslesrisques.

—Déshabille-toi,luiintima-t-elle.Àmoinsquetunepréfèresquejelefasse?

Ilseretrouvanu-piedsenquelquessecondespuisellevintluiretirersonT-shirtsansluidemandersonavisavantdes’attaquerauboutondujean.Elles’accroupitenmêmetempsqu’ellefaisaitglisserlepantalonetleboxerd’Aidan.Ellelesurpritalorsdéjàprêtàlacombler.Lesrefletsdel’eaujouaientsursapeau,sublimantsoncorpstoutenmusclesetattisantsonenviedelui.Ellenerésistapaslongtempsàl’appeldelagourmandisedresséeàsahauteur,humidifiantd’abordseslèvresetsepenchantensuitepourl’agacerduboutdelalangue.

Aidanpoussaunlongsoupir.Ellesentitsescuissesfuseléessecontractersoussesmainsquilesagrippaientalorsqu’ellelefaisaitentrerplusloindanssabouche.

—Commejepeuxaimercettebouche...murmura-t-il,etsentirtalangue.Putain,cequec’estbon!

Sonsexedurcitencoreentreseslèvres,aussientreprit-elleunlongva-et-vientpourfairedurerleplaisir.Lesien,biensûr,maiségalementceluideluioffrirtoutsonamourdanscettecaressequ’ilaimaittant.

Sonrâleetsonsursautquandellelepressadanssamainenmêmetempsteintèrentsesjouesd’excitation.C’étaitbondelesentirvulnérableetàsamerci.Danscesmoments-là,elleretrouvaitlamaîtrisedesesémotions,ellecontrôlaitcequipouvaitl’être,toutenprocurantdessensationsdélicieuses.

Iljouitlonguement,sesmainschaudesdanssescheveuxetsursesjoues,enessayantdesereteniràcequ’ilpouvait.Quandilouvritlesyeux,elleétaittoujoursagenouilléedevantlui,leslèvreshumidesetlesyeuxétincelantd’audace.Ellesouriait,vraisemblablementsatisfaitedesamanœuvre.

—Tuneperdsrienpourattendre,luidit-ilenréponseàsonsourire.

Ill’aidaàseremettredeboutetlapritdanssesbras.

—Pourpasseràlasuite,jeteproposedemonter.Nousavonssuffisammentdépassélesbornespourcesoir.

—Petitjoueur!

Sansremettresarobe,ellerentradanslamaisonettrottinajusqu’àl’escalier.Espiègle,ellel’attenditetmontaunemarchechaquefoisqu’ilavançaitd’unpasverselle.

Lorsqu’ellefutdanslachambre,elles’installasurlelitsanstirerlescouvertures.Àquoibon?Ilsallaienttoutravager,detoutemanière.

QuandAidanpassalaporte,sonregardluientravalesouffle.Lescheveuxenbataille,pastoutàfaitrhabillé,elledessinadesyeuxleslignesdesesmuscles,faitsdefaçonàdirigerleregardplusbasverslapartielaplustentatricedesonanatomie.Lechemindesatoisonclaires’arrêtaitlàoùlejeanétaitentrouvert.

Soncœurpulsadanssonintimité.Ladouleurlancinantedudésirlarendaitfolle.Sapeauétaitrecouverted’unefinepelliculedesueur,résultatd’autantd’alcoolqued’excitation.

Elletenditlamainenespérantsaisirlasienne.Ellel’approchaensuitedesoncœur,palpitantsoussapeau.Puisellelafitglissersursonventrenu,jusqu’àlapartied’ellequileréclamait.

—Tusens?luidemanda-t-elle.Moncœurbatpourtoi.Enhaut,etenbas.Parcequejet’aimeavectouteslespartiesdemoi,ycomprislesplusabîmées…

Ellelevitquicherchaitàretrouverunsoufflerégulier.Ilsepenchaensuiteverselle,labasculantsousluisouslematelasquisecreusasousleurpoids.Rinarécupérasonportefeuilledanssapocheetbaissalejeansursescuisses.

Aidanseredressapoursecouvrird’unpréservatifetplongeaverselle,tendueetlégèrement

tremblante.Sabouchevintagacerlapeautendredesoncou,sesmainsprirentsesseinsencoupetandisqu’ilseretenaitdelaprendrecommeunsauvage.

Pourtant,ellecambraitlesreinsàsarencontre,n’attendantqu’àêtretotalementsubmergée.Lesyeuxdanslessiens,illapritalorsparleshanchesets’enfonçaenelled’unmouvementpuissant.

Savourantlasensationd’êtreemplie,Rinafermalesyeux,éprouvantchacundesva-et-vientqu’ilfaisaitenelleenbougeantcontrelui.

Elleguidal’unedesmainsd’Aidanverssonclitoris.Dupouce,iljouaavec,letitillantàchaquecoupdereinspourfairevenirleplaisircrescendo.C’étaitmagique.Ilpouvaitlacasserendeuxsoussesassautsbrusquesmaisdélicieuxetlareconstruirelaminuted’aprèsd’uneparoleoud’ungestetendre.

Lajouissancelasurprit,enflantaucreuxdesonventrealorsqu’ilaccéléraitlacadencesansquitterdesdoigtslecentredesonintimité.Cederniersegonflasoussacaresse,criantsonbesoind’accéderauparoxysme.

—Commec’estbondetevoirjouir,madouce,murmura-t-ilàsonoreilleensentantsachairpalpiterautourdesonsexe.Jepourraipassermavieàtefairejouir,àexpérimentertouteslesfaçonspossibles.

Leslèvresserréespournepascrier,Rinatremblaitsouslui,accompagnantsonplaisirdemouvementsamples,accrochéedésespérémentàlui.Quandlatempêtecommençaàs’éloigner,elleleregardaensouriant.

—Etjepourraipassermavieàexpérimentertoutçaavectoi!gloussa-t-elle.

Toujoursarriméàelle,ilseredressasursespaumes.

—Alorsjenevoisqu’unseulremèdepourça.Tudoism’épouser…

18Ilnelaquittaitpasdesyeux,attendantsansnuldouteuneréponseàsaproposition.Pasvraiment

unequestion,plutôtunordrebienargumentéquilaparalysaitaumatelas.Sesonglesprofondémentfichésdanslesmusclesdesesbras,ellecherchaitsonair.Sabouches’ouvritetsereferma,carelleétaitàcourtdemots.Lafroussel’empêchaitdemanifesterunequelconqueémotion.Ellepouvaitsentirsoncœurs’emballer,maiségalementlasuéetenduequicouvraitsoncorps.

Mêmesicelan’avaitrienàvoiraveclademandedeMarkquelquesmoisplustôt,ellenepouvaits’empêcherd’avoirpeur.N’avaient-ilspasdéjàdequoiêtreheureux,telsquels?

—Tunedisrien?s’étonnaAidan.

—Je...Tunedevraispasplaisanteravecça!

Ellecompritqu’ilétaitcontrariéquandilseremitbrutalementàgenouxsurlelit,latoisantdetoutesahauteur.

Ellesesentitvulnérableainsi,nue,couchéesouslui,aveccettedemandeoscillantcommel’épéedeDamoclèsau-dessusdesatête.

—Jesuistrèssérieux,confirma-t-il.Jesaisquejeveuxfairemavieavectoi,riennenousretient.

—Aidan...Jesuistrèstouchée...

—Mais?

—Maiscen’estpasunedécisionàprendreàlalégère.Jecroisquenousdevrionsendiscuterdansd’autrescirconstances.

Elledésignasoncorpstropexposéàsonamantquin’avaitpasl’airchoquéoutremesure.Aucontraire,ilsemblaamusédelapousserdanssesretranchementsdecettemanière.

Ilposasesmainsdepartetd’autredesatête,sepenchanttoujoursplusprèsd’elle.Obligéedefermerlesyeuxpournepasêtrebrûléeparsonregard,elleselaissafaire,prêteàsubirsatentativedenégociation.

—Aidan...souffla-t-ellecontreseslèvres.Qu’est-cequetuattends?

—Quetudisesoui.Tun’aspaslechoix.Jenetelâcheraipasavant.

Elletentadesedégagerenrampantsurlacouverturemaisillacoinçaentresesjambes.Ellefinitparrouvrirlesyeux,frappéeparladouceurdessiens.

—Jesaisquetuaspeur,jesuiseffrayémoiaussi!

Ilpritsamainpourlaposeràl’endroitoùsoncœurbattait,commeellel’avaitfaitunpeuplustôt.

—Tuasguérilemien,alorsquejenepensaispasçapossible.Rina,jeveuxquetusoismafemme,lamèredemesenfants.Siçanetenaitqu’àmoi,jet’enferaiuntoutdesuiteetjedemanderaiàrajouternosnomssurlescartonsd’invitationsdenosfamilles.Jet’aime,etjet’aimeraiencoredemain,ettouslesjoursjusqu’àlafindestemps.

Cettetouchanteetsincèredéclarationfitnaîtrequelqueslarmesqu’elleretintavecpeine.Elleauraitaiméluirépondreouitoutdesuitemaiss’ensavaitincapablesansavoirréfléchiavant.Sisoncœurvoulaitluicrieroui,satêteplusraisonnéepréféraitprendresontemps.Ellel’aimaitplusquetout,maistouts’enchaînaitunpeutroprapidement.Ellenepouvaitpassepermettredes’enflammer,aurisquedeperdrelespédales.

Retrouversafamille,creusersaproprehistoirepourdécouvrirquiétaitréellementFaithetenfinsademandeenmariage,c’étaitbeaucoupàsupporterpoursoncœurfragile.

—Jenevaispastedirenon,prononça-t-elletoutdoucement.Maislaisse-moidutemps.

Elleledevinaitdéçu,etpireencore,tristequ’elleluirépondedecettemanière.Ilsautaaubasdulitetremontasonjeansurseshanches,l’airdépité,leregardfuyant.Merde!Elleavaitperduunebonneoccasiondesetaire!Maisqu’est-cequiluiprenaitdelancercetteidéealorsqu’ilss’amusaient?

—Jevaismarcherunpeu.

—Àdeuxheuresdumatin?

—J’aibesoinderéfléchir.

Elleacquiesça,compréhensive.Elleétaitbienplacéepoursavoirques’aérerl’espritpouvaitêtrebénéfiqueauxréflexions.

—D’accord.Jet’attends?

—Non,dit-ilensecouantlatête.Endors-toi,jereviensvite.

Ilsortitsansunbruit,lalaissantnoyéedanslasolitude.Danscettepièce,ellel’avaitbeaucoupcôtoyée,endéfinitive.Lepassésemblaitvouloirluirappelerd’oùellevenait.Pourquoi?Qu’avait-ellebienpufairepourmériteruncourrouxvengeur?

Lasse,elleenfilaleT-shirtd’Aidanaveclequelelledormaitetseglissadanslelit.

Lesoleillasortitdusommeilensefrayantuncheminautraversdesvolets.Ellerencontratoutdesuitelaplacevideàcôtéd’elleensetournant.Pourtant,Aidanavaitdormilà,sielleenjugeaitparl’oreillerfroisséetlasilhouetteimpriméesurledrap.Elleremarquaaussilepetitmotlaissésurlatabledechevet.

Seredressant,ellequittalescouverturespoursesaisirdelafeuilleoùilavaitgriffonnécesmots:

«Jesuisdésolé,jemesuislaisséemporterparmesémotions.Prendstontemps,notrevieensembleseralongueetheureusequoiquetudécides.

Bonréveil,madouce,jerapportesavoitureàMatt.

P.-S:jet’aime.»

C’estlesourireauxlèvresqu’elledescenditàlacuisinecematin-là,malgrélemaldetêtequidansaitdanssoncrâne.Lepiedsurlapremièremarche,ellesesouvintqu’enplusd’avoireuunefindesoiréemouvementée,elleavaitabusédelaboisson.Heureusement,êtreimbibéeneluiavaitpasfaitfairen’importequoi!SielleavaitditouiàAidan,ellen’auraitpaspurevenirenarrière,alorsqu’encetinstant,elleavaitencorelechoix.

Toutlemondeétaitinstallédanslavéranda,petit-déjeunantausoleil.Samères’affairaitautourdesdeuxderniersenfantsdeLydiaquin’allaientpasencoreàl’école,tandisqueLukeetLucysebécotaientpresque,tropprochesl’undel’autre.

—Bonjour!lança-t-ellejoyeusement.

—Bonjour,Ariana!luiréponditsamère.Tuasbiendormi?

Elleopinaets’installaàtable,seprécipitantsurlecafé.Elleobservasonamiequiétaitétonnammentrayonnanteetsemblaitsurunnuage.EllenequittaitpasLukedesyeux,ellequiétaitpourtantplusréservée.

—Çava,vousdeux?osa-t-elleleurdemander.

Commeilsl’ignoraient,elletiralamanchedukimonodelajeunefemmequiémergeaenfin.

—Oh,Rina,tuesdebout?

—Ouidepuisquelquesminutesdéjà.J’aieuletempsdeboirelamoitiéd’unetassedecafé.

Elleinterrogeasamèreduregard,celle-cisouritbéatementethaussalesépaules.Quelquechosesetramait.

—Alors,quoidebeau?Voussembleznagerdanslebonheur,cematin.

—Tunecroispassibiendire,fanfaronnaLuke.Lucyaacceptéd’emménageravecmoi.

Effectivement,c’étaitunesacréenouvelle.ÀcroirequelesfrèresFieldsavaientchoisileursoiréepourdonneruncoupd’éclatàleursrelations.Luke,aumoins,s’étaitmontréplusmodéré.TandisqueRinaavaitécopéduplusimpulsifetduplusrêveurdestroisfrères.

Cependant,lacolocationintimeentremembresdelamêmebasen’étaitpaspossible.AlorsqueLucyallaitpouvoirdemanderàquitterlabasepourselogerouunemaisonnettedanslequartierrésidentieldestinéauxcouplesvivantmaritalement.

PourAidanetelle,toutseraittoujourspluscompliqué.Avoirunevienormalesemblaitcompromis,commesileséternelsobstaclesétaientlàpourleurrappelerqu’ilsn’étaientpasfaitspourêtreensemble.Etpourtant,ellenedésiraitriend’autreaumondequedevivreenfintranquillementetderéaliserlesrêvesquiluiétaientchers.Êtreaimée,fonderunefamille...

Toutenémiettantsabrioche,elleréfléchissaitàlapossibilitédesemarier.Ilsn’étaientpasobligésdeconvierl’intégralitédelafamillecommel’avaitfaitLydiapoursonpremiermariage.Ilspourraientsecontenterdestémoinsetdequelquesprochesparentsréunisdansunendroitsymbolique.

Ellesecoualatêteénergiquement,furieusecontreelle-mêmededivaguer.Elleavaitperdul’appétitetn’étaitpasd’humeuràimaginerlecadreoùellepourraitluidireoui.Mêmesic’étaitquelquepeutentant.

—Commentpuis-jemerendreutileaujourd’hui,Maman?

—Ehbien...Lanounoudespetitsnevapastarderetjedoisensuiteallerrécupérerlegâteauchezlepâtissieretl’ameneràl’hôteloùsepasseralaréception.

—Tuveuxquejet’accompagne?

—Non,çaira,jeteremercie.Profitez-enpourvousreposer,cesoirlesfestivitéscommencentàcinqheures.

Elleavaitpresqueoublié.Cettetraditionstupidequivisaitàorganiserundînerderépétitiondumariageavaitlieulesoirmême.Unepertedetempsetd’argent.Àsonpropremariage,ellesecontenteraitd’unepetitecérémoniesuivied’unpique-nique.Pourquois’embêteravecplus?

Etvoilàquecelarecommençait...Elledécidadefilersousladouchepoursedébarrasserdesesidéesfarfelues.

Cependant,mêmesousl’eaubouillante,elleneparvenaitpasàlaversesdoutesetsescraintesd’untelengagementprécipité.Cequiluiimportaitsurtout,c’étaitdeleverlevoilesurlanaissancedeFaith.Leresten’étaitpasprioritaire.Elleespéraitqu’Aidanpourraitlecomprendre.

Ilfrappajustementàlaporteàcemoment-là,lafaisantsursauter.

—Jepeuxentrer?demanda-t-ilderrièrelepan.

—Cen’estpasverrouillé!

Elleentenditqu’ilentraitalorsqu’ellerinçaitseslongscheveux.Ilémitunpetitsifflementadmiratiftoutencommençantàretirersesvêtements.

—Maisqu’est-cequetufais?

—Deséconomies.

Illapoussaaufonddelacabinededouche,collantsoncorpsbientôthumidecontrelesien.En

moinsd’uneseconde,sabouchel’assaillaitsansqu’ellenemontrelamoindrerésistance.Aucontraire,ellel’accueillitentresesbrasetprofitadel’étreintequ’ilsavaientlaisséeensuspenslaveille.

Enfindematinée,alorsqu’elleétaitinstalléesuruntransatprèsdeLucy,Aidans’absentaavecLuke.Matthewlesavaitappelésàlarescousse,d’aprèscequ’ilavaitrapidementexpliqué.

EllesattendaientdoncqueNancyreviennedesescoursesetqueFaithrentreducollège,nonsansunepointed’appréhension,commechaquefoisqu’elleétaitamenéeàlacroiserdepuisledébutduséjour.

Ellearrivad’ailleurslapremière,lesrejoignantsurlaterrasseetannonçantjoyeusementqu’elleétaitenweek-end.Sabonnehumeurétaitcommunicative,leurplaquantimmédiatementunsouriresurlevisage.

Lajeunefilles’installasurlapetitetableenteckentrelestransats,croisantsesjambesnues.Elleportaitunejupeenjeanainsiqu’undébardeurfuchsia.Rinaremarquaqu’elleavaittentédereproduirelechignonqu’elleavaitfaitlaveillesursapropretête.

—Tut’enesplutôtbiensortieaveclacoiffure,admira-t-elle.

—J’airegardéuntutosurInternet,luiappritFaith,visiblementréjouieducompliment.Maisçanetientpasvraimentsurlescôtés.

—Situveux,vachercherunebrosseetdespinces,jevaisteguider.

Elleneselefitpasdiredeuxfoisqu’ellebondissaitdéjàetcouraitàl’intérieurdelamaison.

—Faithestvraimentjolie,ditalorsLucy.Sesparentsaurontdusouciàsefaired’icideuxoutroisans.Elleressembleàsonpère?

—Pourquoicettequestion?

—Tasœurestbruneetalestraitsplusmarqués.

—Faithtientdemamère.

—Etdetoiaussi,jetrouve.Vousavezlesmêmesyeuxetlamêmebouche,enplusdespommettesbienhautes.

Cetteremarqueremuaitlecouteaudanslaplaie.Commesielleavaitbesoindecetyped’informations!ElleétaitdéjàpersuadéequeFaithétaitsafillelamoitiédutemps,Lucyn’arrangeaitenrienlescontradictionsquisepartageaientsoncerveau.

—Lesgènes,tusais...

—Hmmmmm,éludasonamiealorsquel’adolescenteréapparaissait.

Aupasdecourse,ellevintseplaceràcalifourchondevantRina,lescheveuxbalayantsondos.

Hésitanted’abord,ellefixalesvaguesdoréesquiscintillaientpresquedanslesrayonsdusoleil.Puisellepritunemècheentresesdoigtspourlabrosseretcompritquecesentimentdel’avoirretrouvéenes’eniraitjamais.Elledutluttercontrelesanglotquitentaitdefranchirlabarrièredeseslèvrestandisqu’ellearrangeaitlechignon.Elleavaitsescheveux:mêmecouleur,mêmetexture,mêmesondulationsindisciplinées.

Elleauraittantaimédétenirlespreuvesdecequ’elleressentait,mêmesielleignoraitcequ’elleenferait.

—VousallezvousmarieraveclesfrèresdeMatthew,vousaussi?lesinterrogeaensuiteFaith.

—Euh...c’est-à-dire...balbutiaLucy.

—Peut-êtreunjour,réponditRina.Tuesbiencurieuse!

Faithgloussaetselevapourtournoyerdanslesoleil.

—Mercibeaucoup!Jemonteenattendantledéjeuner,àtoutàl’heure!

Aussivitequ’elleétaitarrivée,elledisparutànouveau.C’étaitunevraietornade,viveetrapide.

LukeetAidanrentrèrentpeuaprès,alorsqueNancyvidaitsespaquetssurl’îlotcentraldelacuisine,entouréeparlestroisautresfillesdelamaison.Rinasouritenvoyantapparaîtresonamantqui,pouruneraisoninconnue,paraissaitinquiet.

—Voustombezbien,lesgarçons!s’exclamaNancyenlesapercevant.Pouvez-vousdéposercesdeuxsacsdanslecellier?Jerangeraicequ’ilscontiennentplustard.

AidansaisitlepremiersacetpassaprèsdeRinaquitranchaitdestomates.

—Ilfautqu’onparle,chuchota-t-ilprudemmentàsonoreille.

Étonnée,lajeunefemmetournalatête,illuifitunsigneindiquantquec’étaiturgent.Quandilrevintducellier,elleessuyasesmainssurletablierqu’elleportaitetleretira.

—Jereviens,lâcha-t-elleauxautresavantdelesuivre.

Danslesalon,ilrécupéraunepochettecartonnéequ’ilavaitlaisséesurleguéridonetluitendit.

—Tondossiermédical.

Abasourdie,ellepritlapochetteduboutdesdoigtsentremblant.Unmillierdequestionsluitraversaientl’esprit,àcommencerparlafaçondontils’yétaitprispourl’obtenir.Elleespéraitqu’il

n’avaitrienfaitd’illégal,pourleresteelleavaitjusteenviedeluisauteraucou.Ellen’avaitplusqu’àl’éplucherpourtenterdereconstituerlepuzzledelanaissanced’Hayleigh.

Ellel’étreignitavantdedécouvrirlesdocuments,sachantqu’ellenepourraitsansdouteplusrienfaired’autreavantdelesavoirpassésaupeignefin.

—Merci,Aidan!Sincèrement,merci!

—Nemeremerciepastropvite,dit-elleensedégageantdoucement.Iln’yarien,Saml’adéjàexaminé.C’estparluiquejel’aiobtenu.

—Commentça,rien?

—Toutestclean.Bienrempli,ilnemanquerien.Parfaitementtenu,donc.

—Peut-êtretrop,alors,conclutlajeunefemme.

Ilopinaavantdepoursuivre:

—Ilfaitdesrecherchessurlepersonnelavecl’aided’unamiinspecteur.Ilt’appelleras’iltrouvequelquechosed’intéressant.

C’étaitdéjàbien,elleavaitencoreunpetitespoirqu’ilmettelamainsuruntrucquiferaitmouche.

—Jeteremerciequandmêmedet’êtredonnétantdemal.

—Pourtoij’iraiauboutdumonde,madouce.Laseulechosequim’importe,c’estquetusoispleinementheureuse.EtjesensqueFaithpourraitt’aideràyparvenir.

Siseulementildisaitvrai!Pluslesheuress’égrainaient,pluselleslesséparaient.Ellequin’avaitpaseuenviedeveniraudépartnesevoyaitplusquitterOrlando.Curieuxrevirementdesituation.Elleespéraitquelesprochainesheuresl’aideraientàobtenirdesréponses,carpourlemoment,savieétaitdenouveauuntourbillonsansfinnecherchantqu’àl’engloutir...

Deslys,desroses,deshydrangeas,ellevoyaitdesfleurspartoutoùelleposaitlesyeux.Lasallederéceptiondel’hôtelétaitunemerveilled’élégance,mêmesiRinatrouvaitquec’étaitunpeutroppourdesecondesnoces.Toutefois,ellereconnaissaitlegoûtprononcédeLydiapourlasomptuositédansseschoixdedécoration.Ellelavitàcôtédel’organisatricedumariage,s’assurantquelesélémentsdelalisteétaientenbonnevoie.

Leurmèretenaitàcequ’ellessoientréuniestouteslestroisavantquelesinvitésdusoirneseprésentent.Elleignoraitpourquoi,maissontonn’avaitlaisséaucuneplaceàlanégociation.Aussiavait-elleaccompagnélesdeuxfemmesàl’hôtel,laissantAidanavecsesfrères.Lucyétaitrestéechez

sesparentsavecFaithenattendantquelesgarçonspassentleschercher.Toutsemblaitparfaitementminutéjusqu’àl’heuredudîner.

—Ariana!entendit-elleappeler.Lydia!

Samèresetenaitsurleseuildelasalle,superbedansunerobequiluifaisaitparaîtredixansdemoins.Siellepouvaitavoircettesilhouetteetsonteintdansvingt-cinqans!

Elleselevaetlarejoignit,Lydiasursestalons.Malgréleurprestationalcooliséedelaveille,lesdeuxsœursn’avaientpaséchangégrand-chosedepuisqu’elleavaitdébarquédanslavillequiavaitététroppetitepourellesdeuxpendantdixans.C’étaitdupassé,biensûr.Elless’étaientexpliquéesquelquesmoisplustôt,maisn’avaientpasremiscelasurletapis,etencoremoinsenvisagéuneconversationamicaledepuis.

—Jemesuisditquenouspourrionsbavarderunpeupendantquenousnouschangeonstouteslestrois.

—Maman...intervintLydia,jenepensepasque...

—...Cesoitunebonneidée,complétaRina.

Nancysecoualatêteetsaisitfermementleursmains,lesentraînantavecellejusqu’auxascenseurs.

—L’hôtelamisunesuiteànotredispositionpourquenoussoyonsànotreaise,autantenprofiter.Vosaffairessontdéjàlà-haut.

Rinacompritqueprotesterneservaitàrien.Ellesseretrouvèrentenferméesetterriblementsilencieuses.Lydiasemblaitgênéeparcetteproximitéimposée.

Cejour-là,lespasenavantdesderniersmoisnesemblaientplusexister,elleétaitferméeaudialoguesansquesapetitesœurnepuissecomprendrepourquoi.Luienvoulait-elled’êtrevenue?Avait-elleadressélefaire-partàsonnomuniquementpourlaforme?

—Allez,lesfilles,nousn’avonspasdetempsàperdre!Jemechangedanslasalledebains,jereviensdansquelquesminutes.

Rinafaillitéclaterderirelorsqu’ellevitleregardassassindeLydialancéàleurmère.C’étaitpluscomiquequedramatique,enfindecompte.

—Neluienveuxpas,lasuppliaRina,elleessaiedenousdonnerunechance.

—Mouais,commed’habitudeelleagitcommeuneconspiratrice.

Lydiaouvritlahousseàvêtementsquiluiétaitdestinée,dévoilantlalonguerobedusoirqu’elleporterait.Lesfinesbretellesdélicatementretenuessurlecintre,sacouleurdefeucoulaitteluntorrentdelavejusqu’ausol.Impressionnée,Rinapoussaunsoupirderavissement.

—Elleestvraimentmagnifique.

—N’est-cepas?C’estMamanquil’atrouvéedansuneboutique.

Setournantverssapropretoilette,Rinacommençaparretirerseschaussurespuisfitvalsersondébardeuretsonjean.Elleavaitchoisiunpantalonfluideetunjolihautdedentellepourmettreenvaleurlescourbesdesapoitrine.Riendetrophabillé,maisquirestaitd’occasion.Ellegardaitl’usagedelarobechicpourlelendemain.

—Lydia...tenta-t-elleenenfilantdesescarpins,jesaisquelemomentn’estpasforcémentbienchoisimais...

—Effectivement.Maisjemedoutaisbienqueçaviendrait.

—Puisquenousnesommesquetouteslesdeux,j’aimeraissavoircequit’apousséàquitterAlan.

Lesprunellesdesasœurs’assombrirentalors,chassantl’éclatdejoieinspiréeparcettejournée.Rinasongearevenirenarrière,luidirequ’aufondelles’enfichait,maisellen’enfitrien.Ellebrûlaitdeconnaîtrelesraisonsquilesavaientséparésalorsqu’elleavaitvécudanslemensongependanttantd’années.

Ellelaregardas’asseoirtandisqu’ellecaressaitsarobeduboutdesdoigts.Elleneserappelaitpasl’avoirvueaussimélancolique.

—Jevenaisd’apprendrequej’attendaisJudiequandnotrehistoireaéclaté.Unmatinlesflicsontdébarquéàlamaison,l’ontmenottéetemmenéauposte.

Rinasereprésentaittrèsbienlascène,elleenavaitrêvésisouventquandelleétaitencoretoutejeuneadolescente,victimesilencieusedesesméfaits.Maisparcequ’elleavaitchoisideneriendire,iln’avaitjamaispayépoursescrimes.

—Unejeunestagiaireaportéplaintepourharcèlementsexueletattouchements.Ilatoujoursnié,jusqu’àcequelafilledisparaisseaprèsavoirretirésaplainte,dansdescirconstanceslouches.

—Qu’est-cequetuveuxdire?

—Jenesaispas,disonsquejel’aitrouvétrèsagitépendanttoutecetteaffaire,agressifmême,etjemedemandaischaquefoiss’iln’étaitpasréellementcoupable.Çaafiniparmeronger,jenesupportaispluslesdoutes.J’aifinalementdécidédedemanderledivorce.C’estcommeçaquej’airencontréMatthew,c’estluiquis’estchargédetout.

Rinaéclataderire,trouvantledébutdeleurrelationplutôtcocasse.Ellecomprenaitfinalementcequiavaitpoussésasœuràquittersonex-mari.

—Quandtum’astoutdit,j’aicomprisqu’ilavaitbeaucoupdechosesàsereprocheretsurtoutqu’ilavaitforcémentdûs’enprendreàcettejeunefemme,commeill’avaitfaitavectoi.C’étaitdurdeleréaliser.Jemesuistellementtrompéesursoncompte!Alorsquej’aivécuplusdehuitansaveclui...

Rinanerésistapasets’approchadesasœurdevantlaquelleelles’accroupitpourluiprendrelesmains.Lydiapleuraitmaintenantàchaudeslarmes,cequialertafinalementNancy.Leurmèresortit

précipitammentdelasalledebains,toutjustehabillée.

—Lydia?Qu’est-cequisepasse?

—Je...balbutiaRina,ondiscutaitdudivorce...

—Ahouf,j’aicruquevousvousétiezencoredisputées!

Lydialevalatêteversleurmèreetfinitparsourireaumilieudeseslarmes.Elleessuyasesjouesaprèsunderniersanglotetselevaénergiquement:safaçonàelledepasseràautrechose.

—Bon,jevaisenavoirpourunsacréboutdetempsàcamouflertoutça.Pasquestionquecettepourriturenevienneencorebousillercettejournée,c’estcompris?

Rinaauraitbienvoululaisserlesinformationsdesasœurdecôtéunebonnefoispourtoutes.Cependant,ellenecessaitderessasserl’histoiredanssatête,sedemandantsiSampourraitensavoirplus.Ilyavaitforcémentdesélémentsàdéterrerquelquepart.Mêmesicelan’avaitaucunlienavecl’échangeéventueldespetitesfillesàlamaternité,celapouvaitcompléterlalistedescrimes,s’ilsallaientunjourjusqu’àunnouveauprocès.

ElleretrouvaAidandanslasallederéception,sexydansunpantalondetoileetunechemisequiluicintraitlataillepoursoulignersesmuscles.Uneboufféedetendressel’envahitlorsqueleursregardsserencontrèrentetqu’illuisourit.

—Tuessuperbe,luidit-ilenl’embrassantsurlajoue.

—Toiaussi...

Aumomentoùellevoulaitrépondreàsonbaiser,unesilhouettelongilignesepostadanssonchampdevisionetvints’accrocheràsonbras.

—Salut,futurebelle-sœur!s’exclamaDiana.

Rinasursautadestupeur,nesachantsielledevaits’enprendreàAidanousajumellepourcetteallusionplusqueprécipitée.

—Jetel’emprunteuninstant,ditlajeunefemmeàsonfrèreenobligeantRinaàlasuivre.

—Jevoisquetonfrèren’apassutenirsalangue,déclaraRina.

Dianaétait,commeàsonhabitudeetsansmêmelechercher,l’élémentaccrocheurdecettesoirée.Bienqueplushabilléequelorsdeleurdernièreentrevue,touslesregardsdescélibatairesconvergeaientsursatenueattirante.Sarobefourreauétincelaitcommeunesecondepeausurson

corpsgracieux.

Lajeunefemmeattrapaunecoupedechampagnesurunplateauetfitclaquersalangue.

—Aidanmedittout,confirma-t-elle.Jen’avaispasencorefaitdeuxpasdansl’aéroportqu’ilm’annonçaitlanouvelle.Alors,c’estpourquand?Situmechoisiscommedemoiselled’honneur,jetegarantisunenterrementdeviedejeunefilledutonnerre!

C’étaitbiencequiluifaisaitpeur.Siellen’étaitpascontrel’idéedefairelafêtedetempsentemps,Rinaavaitdumalàsereprésenterunévénementpareilorganiséensonhonneur.Pourcequiétaitdumariageetdesonorganisation,ellen’étaitpasdutoutconventionnelle.

—Aidanaoubliéundétail,énonçaRina.Detaille!

Dianafronçalessourcilsensirotantunegorgéedesonbreuvage.

—Jen’aipasditoui.

Tandisquelajeunefemmes’étouffait,Rinafitminedes’éloigner.Maisc’étaitsanscompterladéterminationdeDianaàsemêlerdeleursaffairesdecœur.

—Ilaeffectivementoubliédementionnercedétail.Maisjepeuxsavoirpourquoituasditnon?

—Jen’aipasditnon.Jeluiaijustedemandédutempspouryréfléchir.

—N’importequellefemmerêvedesefairepasserlabagueaudoigtettoitunesautesmêmepassurl’occasion?C’estquoitonproblème?

D’unecertainemanière,elleavaitraison.Cependant,Rinaneseconsidéraitpascommeétantn’importequellefemme,surtoutpasaprèstoutcequ’elleavaitenduréetquil’avaitrendueméfiante.

—J’aimetonfrère,larassura-t-elle.Jetrouvesimplementqu’ilesttôtpourenvisagerdesemarier.Noussortonsensembledepuisdeuxmoisàpeine!

—Mouais,enfinc’estpascommesivousn’aviezpasjouéaudocteuravantça.Crois-moi,çacompte!

Rinaacquiesçaententantdecamouflersonsourire.Nuldoutequelesfuturesfêtesdefamillepromettaientd’êtredivertissantesencompagniedeDiana.

—Unpetitconseil,continua-t-elle.N’attendspastroplongtemps,jeleconnais,iln’attendqu’unmotdetoi.Unoui,sipossible.Tun’espaslaseuleàenavoirbavé.Monfrèrejoueparfoislesgrosdurs,maisilalecœurtendre.Imagine-toiunoursonguimauveenrobédechocolat.Souslacoucheépaisseetcraquantesecacheunesensibilitédonttun’aspasidée!

Surcesmots,Dianaluiadressaunclind’œilets’éloignapourrejoindresesparents.

Alorsqu’elleserapprochaitd’Aidan,ellesentitsapochettevibrer.Ellesortitprécipitammentsontéléphone,découvrantl’appelantnonsansunepartd’anxiété.

—Sam?

—Salut,beauté.Jesuisdésolédetedéranger...

—Tunemedérangespas,jevaism’isolerunpeupourmieuxt’entendre.

Ellesortitdanslecouloirquimenaitauhalldel’hôtel,Aidanàsasuite.Elleenclenchalehaut-parleurafind’éviterdeluirépéterplustardlestenantsetaboutissantsdeleurconversation.

—Jet’écoute,tuastrouvéquelquechose?

—Jepensequeoui,c’estl’objetdemonappel.J’aifaitdesrecherchessurlepersonneldel’hôpitaletfigure-toiquelepédiatrequis’estoccupéd’HayleighetdeFaithadémissionnéunmoisaprèsleurnaissance.Ilatoutbonnementcessésonactivité,àtoutjustetrente-cinqans.

Étrange,encoreunedisparitionsemblableàcelledelastagiairequiavaitportéplaintecontreAlan.

—Jesupposequ’iladisparusanslaisserdetraces?

—Pasexactement.Ilavidésescomptesettransférél’argentdeuxjoursavantsadémissionsuruncompteoffshore.Ilvenaitderecevoirvingtmillionsdedollarsenquatreversementssurcemêmecompte.

—Bahmerdealors,unesacréesomme!lâchaAidan.Ilavaitforcémentquelquechoseàcacherpourvouloirdisparaîtreaveclepognon.

—Tusaisd’oùvenaientlesvirements?demandaRina.

—Oui,j’airéussiàremonteràlasource.

—Etalors?

—Ilaétépayéparlecompteinterneprincipald’Orland’sConsult.

Rinamarquauntempsd’arrêt,serepassantcetteinformationdanslatêteettentantdel’analyseraumieux.

—Tuessûr?

Samacquiesçatristement,tandisquelajeunefemmelaissaitsontéléphoneentrelesmainsd’Aidan.Elles’assitsurlabanquetteprèsd’elle,incapabledetenirencoresursesjambes.Souslechoc,elleécoutadistraitementlafindel’appeletattenditqu’Aidanlarejoigne.

—Tuconnaiscettesociété?

—Oui.

Latêtedanslesmains,elleessayaitderemettreenordresespensées.Ellen’auraitjamaispuimaginercela,mêmedanssescauchemarslesplusterribles.

—C’estlasociétédemonpère.Lecompteluiappartient.

19Aidanfermasonsacdevoyage,avisantlavalisedeRinasurlelit,toujoursàmoitiévide.Encore

enferméedanslasalledebains,sansdouteentraindepleurer,elleallaitlesmettreenretard.Ils’approchadelaportederrièrelaquelleelleétaitprostréeetl’entenditsangloterleplusdiscrètementpossible.Ilsemanifestamaisn’obtintquelesilenceenretour.

—Rina...Nousdevonsbientôtpartir.

Ellereniflamaisneréponditpaspourautant.Néanmoins,ildiscernaitsesmouvements,espérantqu’ellesepréparait.

Depuisdeuxjoursilnesavaitpluscommentluiparler.LarévélationdeSamavaitremisunpoidssursesépaulesqu’ellen’arrivaitpasàgérer,ellequiétaitpourtantsiforte.Ellel’avaitprouvéàmaintesreprises,maispeut-êtreétait-cetropluidemandercettefois.Trahieparsonproprepère...Celuicensélaprotégerdetouslesmaux,laconsoleretl’aimerplusquetout,celui-làmêmeavaitorchestrécettemachinationvisantàlaséparerdesonenfant.Elleavaitainsivécutoutescesannéessanssafille,sanspouvoirlaregardergrandirniprendresoind’ellecommen’importequellemèreestendroitdelefaire.Illuiavaitvolésavie,commeAlanl’avaitfaitavantlui.

Ilnepouvaitdoncpasluienvouloirdeserenfermer,ilsouhaitaitjusteluiapportersonsoutien,carilétaitpersuadéqu’elleauraitbesoindeluitôtoutard.Puisletempsferaitsonœuvre,quoiqu’elledécide.ElleavaitlechoixentresebattrepourrécupérerFaithetdisloquersafamilleànouveau,oulaisserleschosestellesqu’ellesétaientetsepriverdesonenfantàtoutjamais.Cechoixcornélien,ellen’arrivaitpasàl’imaginer,nimêmeàréfléchiràcequiseraitlemieuxpourelleoupourlesautresmembresdesafamille.

Puisqu’ellenedaignaitpassortir,ilcommençaàrassemblerlesvêtementséparsetlespliapourlesplacerdanslavalise.Illafermaitlorsqueleverroucédaetelleapparutenfinsurleseuil,satroussedetoilettedanslesbras.Habilementmaquilléepoureffacertoutetracedesonchagrin,elleplaquaitunsourireforcéquicreusaitanormalementsesjoues.Maisilneditrien,sachantqu’illuiencoûtaitsûrementd’êtresortie.

Ellerangealatroussedanssavalise,puisilsdescendirentavecleursbagages.LukeetLucylesattendaientdéjàaupieddesmarches,Nancyàleurcôté.PuisqueMatthewetLydiaétaientpartisquelquesjoursenlunedemiel,ellelesaccompagnaitàl’aéroport.Heureusement,Clayétaitpartitravaillerdebonneheure,épargnantàRinaladouloureusesituationdelecroiser.Illuiavaitdéjàfalluluttersévèrementcontreleressentimentetlacolèrependantdeuxjourspourpréserverlesfestivités,nuldoutequ’elleauraitétécapabledes’emporteraumoindremotdetravers.

Pourtant,ellesemblaitteniràl’équilibredesamère.LadouceetchaleureuseNancyavaitprouvéàplusieursreprisesàquelpointelleavaitétéraviedetouslesrecevoir,ycomprissafillecadetteaveclaquelleelleavaitrenouéautantquec’étaitfaisableàcestade.

Avantd’embarquerdansl’avion,ellerestad’ailleursdanslesbrasdesamèreunmoment,prétextantlaremercierpourlemerveilleuxweek-endpasséensacompagnie.

—Mercidenousavoiraccueillis,Maman,murmuraRinaavantdelaquitter.

—Jet’enprie,c’étaitunréelplaisir.Reviensquandtuveux,tuserastoujourslabienvenue.

Pournepascontrariersamère,Rinagardaleslèvresscellées.Nulbesoindegâchercemomentenluidisantqu’ellen’étaitpassûredereveniràcausedesmanigancesdesonmari.Alorselleluisourit,commes’ils’agissaitdelapromessedeserevoirtrèsvite.

Néanmoins,Aidanvoyaitbienqu’elletentaitderetenirleslarmesdetoutessesforces.Illapritalorsparlamain,l’invitantàrejoindrelasalled’embarquement.IlsallaientenfinpouvoirquitterOrlandoetretourneràlaviequilesattendaitdansleMaryland.

Àleurretour,toutlemonden’avaitàlabouchequeledépartdeGordonenmission.Unrépitpourcertains,dessuspicionspourd’autres,cedépartnelaissaitpersonneindifférent.PersonnesaufRinadontl’espritétaitrestéperduenFloride.Aucoursdudînerquisuivit,elleneparticipaàaucunediscussion,mêmelesplusanimées.Ellerestasilencieuse,leregardcreuxpenchésurl’assiettequ’ellenetouchaitpas.

—Est-cequetoutvabien?questionnaClarissa.C’estlapremièrefoisquejelavoiscommeça.

Ellevitlesfillesriverleursyeuxverselle,sanspourautantleverlatêteafindelesrassurer.Sielleenavaiteulaforcedanssesjambes,elleseseraitdéjàlevéedepuislongtempspourretourners’enfermerchezelle.

—Aucuneidée,réponditLucyàvoixbasse.Elleestcommeçadepuishier.

—Tucroisqu’elles’estdisputéeavecAidan?supposaAmy.

—C’estsûrementça,intervintEdwina,elleneferaitpaslatêtes’iln’étaitpasconcerné.

Rinasoufflabruyammentetfinitparrepoussersachaise.

—Mêlez-vousdevosculspourunefoisdansvotrevie,merde!

Ellelaissasonplateauintactetquittaleréfectoiresansseretourner.Danslehalldelarésidence,ellehésitaentrelesescaliersetlaporte.Ellesortitfinalementavantdesemettreàcourircommesisavieendépendait.Toujoursplusvite,sansmêmesesoucierderespirerpourresterenvie.Ellenel’étaitplusd’unecertainefaçon.

Elleentrepritunecoursefolledansleparc,justepouravoirl’impressiondesentirsoncœurbattreencoredanssapoitrine.Ellenes’arrêtaqu’aumomentoùlabrûluredel’effortpritledessussurladouleurets’accroupitdansl’herbe.Ellenevoulaitpaspleurer,tropencolèrecontrelui,contreeux,contrelaterreentière.Maiscefutplusfortqu’elle.Pleinederageetdetristesse,ellelaissales

sanglotsl’envahiruninstant,cherchantl’oxygène,sescrisdéchirantlesilence.Pourquoicelafaisait-ilsimal?Elleavaitl’horriblesensationd’avoirperduHayleighunesecondefois.Quantàlatrahisondesonpère,c’étaitsansdoutepire.Ellesentitsabouled’angoisseseréveilleretappuyerlàoùelleavaitmal.Puissante,lanauséelapritdecoursetl’obligeaàrendrelepeudenourriturequ’elleavaitréussiàingurgitercejour-là.Malheureuse,elleneserappelaitpasl’avoirétéàcepoint,commesiriennipersonnenepouvaitl’épauleroul’aideràsurmontercetteépreuve.Elleseretrouvaitànouveauseule,devantunchoiximpossibleàfaire.

Quoiqu’ellefasse,ellemettaitendangerl’équilibredesafamille.Maissiellenefaisaitrien,ellesesacrifiaitencoreetrenonçaitpourtoujoursàêtreprèsdesafille.Sagrandefille,sibelleetsibrillante,quiluimanquaitau-delàdesmots,qu’ellenereverraitsansdouteplusetquinevivraitjamaisavecelle.Commentgérertoutcela?Ellerenonçaitàvivre,pourainsidire.

Puissespenséesvagabondèrent,faisantapparaîtrelevisagesereind’Aidandanssonesprit.Illuiavaitfaitcomprendrequ’ilspouvaientrecommenceràvivreensemble,qu’ilsavaientunechancedebâtirunavenirtouslesdeux,loindespréoccupationsdupassé,versunespoirdebonheurbâtidansunfoyer.Mêmesiellen’oublieraitjamaissapremièrefille,ellevoulaitcroirequ’ilétaitpossiblederepartiràzéro,desereconstruireaveclui.Ellel’aimait,decelaaumoinselleétaitsûre.Pourlemoment,celaluisuffisait.

Elleséchaseslarmesetseremitenmarche.Àl’approchedelarésidence,ellevitlahautestatured’Aidansemblantl’attendre.Pourlapremièrefoisdepuisdesjours,ellesesurpritàavoirenviedesourire.Mêmes’ilavaittoujoursprovoquéunesensationdebien-êtreenelle-même,lessemainespasséesprèsdeluin’atténuaientpaslessaltosdesonestomacquandellecroisaitsonregard.Seslèvresesquissèrentlesourireradieuxderigueur,carelleavaitenfinl’impressiondemarcherverssarenaissance.

—Tum’attendais?luidemanda-t-elleensecalantcontrelui.

Surprisparcegestetendre,illuifallutquelquessecondespourl’étreindre.Maisilposabientôtsajouesursescheveux,appréciantletotalabandondontellefaisaitpreuve.Elleavaitdûévacuersacolèreetsonstressenallantcourir,commeellelefaisaitchaquefoisqu’elleétaitcontrariée.

—Oui,confirmaAidan.J’espéraisqueturepasseraispariciavantderentrer.

Illaconnaissaitbien.Elleaimaitlongerlabaie,surtoutquandlabriseprenaitledessussurlachaleuràcetteheuredelajournée.

—Aidan...murmura-t-elle,mercid’êtretoujourslà,deteheurtersouventàunmur,maisderesterquandmême.

Illaserraplusfortcontrelui,déposantunbaisersursonfront.

—Jeseraitoujourslà,tupeuxcomptersurmoi.Toutcommejesaisquejepeuxégalementcomptersurtoi,madouce.Jet’aitrouvée,jenevaispastelâcher.

—Ettuvasm’épouser?

—Oui,jevais...Attendsuneminute,tu...tumedisoui?

Elleritdelevoirsiabasourdi.Detouteévidenceilnes’attendaitpasàuntelrevirementdesituation.Pasaujourd’hui,entoutcas.

—Oui,Aidan,jeveuxmemarieravectoi.C’esttoimavie,maintenant.Jesuisprêteàfairetablerasedupasséetàsongeruniquementàmonaveniravectoi.

—Bordel,tumeprendsvraimentdecours,jen’aimêmepaseuletempsd’acheterunebague!

—Jem’enfoustellementdelabague!ricanaRina.Lesseuleschosesquej’aimeraisporter,cesonttonnomettesbrasautourdemoi...

N’ytenantplus,illasoulevaau-dessusdusoletscellaleurpromessed’amourd’unbaiserfurieux.S’ilsavaientétéàl’abridesregards,iln’auraitpashésitéàladébarrasserdesesvêtementsunàunpourfairel’amouràsafiancée.Ilsnejouaientplusderôle,ilsétaientdésormaiscequ’ilsétaientdestinésàformer:uncoupleheureuxprêtàaffronterl’avenir.

Reposantdanslesbrasdesonfiancé,Rinalaissaitsespenséesalleretvenir,songeantàtoutesleschosesmerveilleusesquilesattendaient.Aidanbutinaitlapeaudesondos,ysemantquelquesbaiserslégers,soncorpschaudcalécontrelesien.Ellecaressaitdistraitementsonavant-bras,sentantpetitàpetitleurproximitéraviverlapassion.

—Àquoitupenses?l’interrogeaAidan.

—Ànous.Touscesprojetsmeremplissentmerveilleusementbienlatête.

—C’étaitlebutvisé,prononça-t-ilenfrottantsonnezcontresonomoplate.

—L’annéeprochainemeparaîtsiloin...

—Pourquoiattendre?AutantprofiterqueGordonsoitendéplacement.Quandilrentrera,ilnepourraplusriencontrenoussinoussommesmariés.

—Tucrois?insistaRina,toujourssceptique.

Elleauraittoujourspeurdecequ’ilseraitsusceptibledefaire,mêmeàdistance.Cethommeavaitdesyeuxetdesoreillesdanstouslescoins,commeleluirappelalesouvenirdesoninterne.Ilseraitexagérédepenserqu’ilbaisseraitsagarde,surtoutpendantunsilongséjouràl’étranger.

—J’ensuisabsolumentcertain.Enluiprésentantnotreactedemariageàsonretour,noussommesassurésd’avoirlapaixdéfinitivement.Encorefaut-ilêtrediscretjusqu’àl’événement.

Lajeunefemmesetournapoursecolleràluietcueillirunbaisersurseslèvres.Ellesouriait,illuminantalorsleregardd’Aidan,tropheureuxd’avoirenfintrouvécommentlacombler.Bientôtelleseraitsafemme,riennepouvaitautantanimersoncœur.

—Septembre?proposa-t-il.

—D’accord,maisleplussimplepossible.Toi,moi,laprochefamilleetquelquesamis.Pasquestiondesedéguiseretencoremoinsdedresserdestablesàpertedevueavecuntraiteurhorsdeprix.Quandj’étaisplusjeune,j’imaginaisfaireçadansunjardin,commeunpique-niqueunpeuamélioré.Qu’endis-tu?

Elleétaittellemententhousiastequ’iln’auraitrienpuluirefuser,mêmesielleavaitvouluutilisertoutesseséconomies.

—Cequiteplaîtmeplaîtaussi.Tevoirsiheureuse,c’esttoutcequej’aijamaisespéré.Ilnousrestecependantunedernièrechoseàdéterminer.

—Ahoui,notrechanson.J’yailonguementréfléchi...

—Non,jenepensaispasàça.Notrebébé,onlemetenrouteavantouaprèslemariage?

Leurbébé...

Lesyeuxbrillants,AidanressemblaitàunenfantimpatientlematindeNoël,devantsamontagnedecadeaux.Ellesavaitqu’iltenaitàfonderunefamille,qu’ilétaitprêt,maisvoilàqu’ilnecachaitmêmeplussonimpatience!

—Tusouhaitesvraimentunenfant?

—Plusquejamais,confirma-t-ilenposantlamainsursonventre.Jesuisprêt,tun’asqu’unmotàdire.

Lesoufflecourt,ellesongeaàFaithàdesmilliersdekilomètres.Ellen’avaitpassulaprotéger,enserait-elleseulementcapablecettefois?

Elleneseraitpasseule,comprit-ellequandilentrelaçaleursdoigts.Aidanl’accompagneraitdanscetteaventuremerveilleuse.

Elleembrassasesdoigtsavantderépondre:

—Maintenant?

—Maintenantcommedans«toutdesuite»?

—Oui,autantprofiterdemasubiteenvie...

Elleguidasamainjusqu’àsonsexehumidequin’attendaitplusquelui.

—Hummmm,tuasd’excellentsarguments,madouce.

—Ettun’aspastoutvu.

Elleondulacontresamaincaressantequititillaitsonpointsensible,maisrefermabientôtlescuisses.

—Jet’aifaitmal?s’inquiétaAidan.

—Aucontraire,j’aijusteuneautreidéeentête...

Elleseredressaafindel’obligeràs’allongersouselle,puiselles’installaàcalifourchonsursescuissesenprenantsonmembredanssesmains.Leflattantetlecaressanthabilement,elleattenditqu’ilsoitaumeilleurdesaformepoursouleverseshanchesetleguiderenelle.Trèslentement,millimètreaprèsmillimètre,elleéprouvalasensationvertigineusedelesentiraucreuxd’elle-même.Ellegémitquandellefutenfincombléeentièrement.

—C’estsibon,énonçalajeunefemme.

Aidansaisitseshanchespourlacaleraurythmefiévreuxluivenantàl’espritquandillavoyaitainsi,totalementvulnérable.Lesyeuxdanslevague,leslèvresentrouvertesappelantauxbaisers,ellefaisaitnaîtreunebouledefeudanssonventrequinedésiraitplusquelaisseréchapperlebrasier.

Enmêmetempsqu’ellebougeaitau-dessusdelui,ils’enfonçaittoujoursplusbrusquementdanssamoiteur,lesprécipitantversl’abîmedontilserapprochaittropvite.Maisquandilavaitdevantlesyeuxlespectacledecettedéessedontlescheveuxcaressaientsesseinsbombésetquitordaitsoncorpssousl’effetduplaisir,iln’arrivaitplusàcontrôlerquoiquecesoit.Ilseperdaitenelle.

Rinaluiavaittoutprispourlesluirendreaucentuple,saufquandilsfaisaientl’amour.Àcemoment-là,ilsesentaitfaible,commeégaré.Ilcraignaitdes’échouerjusqu’àcroisersonregardbrillant.Ellecroisasesdoigtsauxsiens,accéléralerythmeetlesbasculatouslesdeuxdanslahoule.

Alorsqu’ilsedéversaitenelle,ilsouritensongeantqu’ilsvenaientdeconfierleursdeuxviesaudestin.

Quelquesjoursplustard,Rinaquittalesitemilitaireavantmêmesixheuresdumatin.Descenduetrèstôtàlarencontred’All’attendantdevantlarésidence,elles’assitàcôtédeluidanslavoiture,sonsacàmainsursesgenoux.Unlargesourireauxlèvres,elletentaitdeseremémorertouslesélémentsdesalisteenespérantnerienavoiroubliéetsetournaverssonamiqu’ellen’avaitplusrevudepuisdessemaines.

—Contentequetusoislibre,Al,tuvasbien?

—Onnepeutmieux,majolie.Alors,oùallons-nousaujourd’hui?

—ÀNewYork,HôpitalLennox.

—Vousêtespasmaladeaumoins?

—Rassure-toi,toutvabien.

Enchemin,elleluiracontalesderniersévénementsquiavaientbouleversésonexistencedutoutautout.Delavéritéausujetdesafillejusqu’àlademandeenmariaged’Aidan,ellen’hésitapasàluidonnertouslesdétails.Puisqu’ilétaitsonconfident,illuisemblaittoutnatureldeluifairepartagerlesbonscommelesmauvaismoments.Ilétaitfinalementdevenuunpèredesubstitutionpourremplacerceluiquinevoulaitpasd’elledanssavieetquil’avaittrahieau-delàdecequ’ilétaitpossibled’imaginerpourunpère.

Aussifut-cetoutnaturellementqu’elleluidemandad’êtreprésentàsonbraslejouroùelles’uniraitàAidan.Ému,Alversaunelarmesansmêmepouvoirexprimersajoie.Ilreniflaetsecontentadehocherlatêtependantquelajeunefemmecontinuait.

—Jenevousavaisjamaisvueaussiheureuse,confiaAlaveclesourire.Jesavaisqueçaviendrait.Mêmesipourçavousavezdûenpasserparpasmaldetrucsmoches.

—Jeteremercie,Al.J’espèrequelaroueadéfinitivementtourné,cettefois.

—Vousêtesvraimentcourageusedelaisservotrefillechezvotresœur.

Rinanetrouvaitpasqu’ils’agissedecourage,ellefaisaittoutsimplementpreuvedebonsens.

—JepenseavanttoutàFaith,expliqua-t-elle.Elleaétéélevéeparmasœurtoutescesannées,jen’aipasenviedetoutbouleversernidebrisersonéquilibre.Aumoins,jesaisqu’ellevabienetj’aipupasserunpeudetempsavecelle.Elleestsijolieetsibrillante!

—Commesamaman,alors!ditAl.Voussemblezfièred’elle.

Ellel’était.Mêmesilavien’avaitpasprislatournurequ’elleespérait,ellesesentaitprêteàlaregarders’épanouiràdistance.Àprésentqu’elleavaitplusoumoinsréintégrélacellulefamiliale,elleallaitpouvoirsuivrelesévénementsdesavie.Savoirqu’elleétaitvivantecomptaitplusquen’importequoid’autre.

EllecomptaitdésormaissurAidanpourluiapportercequiluimanquait.Cejour-là,elleallaitd’ailleurss’assurerquetoutétaitrentrédansl’ordreetqueleurnouveaufoyerétaitàportéedemain.

Danslasalled’examensdelaclinique,RinaattendaitlavenueduDrPeters,lespécialistequilasuivaitdepuisdesannéespoursapathologie.Aprèsavoirmisàjoursondossieretparlépendantplusieursminutesdesévénementssurvenusendébutd’année,lemédecinavaitprélevéunéchantillon

desonsangetavaitpromisderevenirauplusvite.

L’attenteétaitinsoutenable.Pendantqu’elleétaitseule,ellesemitàlaplacedetouslespatientsquiattendaientunverdictpouvantchangerleurvieàjamais.Bonnenouvelle?Mauvaise?L’étatdestressdanslequelelleétaitplongéeneprovoquaitpasdesensationagréable.Aumieux,illuimontraitqu’elleavaitfranchilepasdeprendresavieenmainaprèsavoirpassédixansdanslapeaud’unefemmesansavenir.

LeDrPetersfrappaetentraànouveaudanslasalle,unsourirecontritauxlèvres.Ellefitroulerunappareilàéchographiejusqu’àlatabled’auscultation.Était-elledéjàenceinte?sedemandaalorsRina,pleined’espoir.

—Vousavezdéjàlesrésultatsdelaprisedesang?s’enquitlajeunefemme.

Elleavaiténormémentdemalàcontenirsajoie.Sielleluiannonçaitunebonnenouvelle,ellesavaitdéjàqu’ellesauteraitaubasdelatablepourlaserrerdanssesbrasetdanser.

—Pasencore,jevoudraissimplementprocéderàunenouvelleéchographiepourvérifierquetoutvabien.Commejevousl’aidittoutàl’heure,nousnedevonsécarteraucunepiste.Vosantécédentsmepoussentàprendretouteslesprécautionsavantdevouslaisservouslancer,vouscomprenez?

Ellelecomprenaittrèsbien,ellefaisaitsontravailconsciencieusementmêmesicen’étaitpascequeRinasouhaitaitentendre.Ellerêvaitd’entendrelesmots:«vousêtesguérie»ou«vousêtesenceinte»sortirdesabouche.

Cependant,elleselaissafairedocilement,s’allongeantetrelevantlablousequ’elleavaitdûenfileràsonarrivéedansleservice.

Unefoislamachineallumée,leDrPetersfitcoulerungelfroidsurlebasdesonventreetyplaçaensuiteletransducteurservantàfairepasserlesultrasons.Ellerivaensuitesonregardsurl’écranpoursuivrecequelemédecinenregistrait,maisdécidadedétournerlesyeuxquelquessecondesplustard.Elleavaitterriblementpeur.LesilenceduDrPetersneluisemblaitpasdebonaugure.Aprèsplusieursmesuresetclichés,ellerangeafinalementletransducteuretluiremitdesfeuillesdepapier.

Àsonvisage,Rinacompritquequelquechosen’allaitpas.

—Docteur...S’ilvousplaît,implora-t-elle.

—Jesuisdésolée,Rina,jenepeuxmalheureusementpasrevenirsurmondiagnosticinitial.Regardez,dit-elleenluimontrantlesphotographies,lesadhérencessonttoujourslàetdutissucicatricielrecouvrequatre-vingtspourcentdevotreutérus.Ils’estmêmeétenduparrapportàvotredernièrevisite.

—Je...jenecomprendspas,jesuistombéeenceinteenjanvier,c’estdoncpossible.

Lemédecinsecoualatête,l’airaccablé.

—Votreutérusesttrèsabîmé,lafécondationestpossiblemaisvousrisquezd’enchaînerlesfaussescouches,jusqu’àprovoqueruneruptureutérine.C’esttrèssérieux,Rina,vouspourriezenmourir.Je

vousrecommandedereprendreunecontraceptionsérieusementpourévitercettesituation.

—Etsivousretiriezletissucicatriciel?

—Celanefonctionnepastoujoursetpourraitmêmeprovoquerlaformationd’unnouveautissupar-dessuspourprévenirunnouveautraumatisme.C’estlemoyendedéfensequ’atrouvévotreutérus.

Rinasentitsoncorpslâcherprise.Ellen’étaitpasvenuepourentendrecela,ellevoulaitunespoirdeviemeilleure,pasqu’onluidisequ’elleretournaitàlacasedépart!

—End’autrestermes,vousconfirmezquejeneporteraiplusjamaisd’enfant.

—Jesuisnavrée,Rina,s’excusa-t-elle.J’auraisaimépouvoirvousdirelecontraire,maisjevousdoislavérité.Jevaisvousdonnerlescoordonnéesd’associationsdefemmesatteintesdesmêmessyndromes,n’hésitezpasàlescontacter.Certainesn’ontpasrenoncéàleurdésird’enfant,ellesontfaitappelàdesmèresporteusesouàl’adoption.Jesuiscertainequevoustrouverezcequivousconvientlemieux.

Elleendoutaitsérieusement.Làtoutdesuite,elleluttaitcontrelarageetledésespoir.Sondégoûtdelavierefaisaitsurface,elleétaitsurlepointdevomirsoncœur,cetraîtrequiétaitallécontretoussesprincipes.Enlacontraignantàtomberamoureuse,ill’avaitterrasséeànouveau.Elleseretrouvaitlenezdanslesregretsetdansunevisiond’ellepeuamène.

Savisitemédicaleluiavaitretirélepetitespoirquiavaitgerméenelle.Non,ilavaitétésauvagementarraché.

Enretournantàlavoiturequelquesinstantsplustard,ellecherchaitunesolutionouunefaçond’annoncerleschosesàAidan.Lematinmême,elleluiavaitlaisséunmotsurl’oreiller,tendreetpleind’espoir.Commentallait-ellepouvoirluiavouerqu’elleneréaliseraitjamaissonrêved’êtrepère?Qu’ilallaitdevoiryrenoncer?

Unefoisassisedansl’habitacle,ellenedesserrapaslesdents,cherchantlemeilleurmoyendefaireface.Cen’étaitpascommesiellen’étaitpasdéjàaucourant...Etpourtant,elleavaitsérieusementcruqu’unmiracles’étaitproduit,qu’Aidanl’avaitguérieàplusd’untitre.Aulieudequoi,ellenepourraitjamaisbâtirlafamilledontilsrêvaienttouslesdeux.IlméritaittellementdedevenirpèreaprèsavoirperduNoah!Etvoilàqu’elleluiarrachaitcetespoir.

RenonceràFaithdevenaitaussiplusdifficileaprèscettemauvaisenouvelle.Commentpasseràcôtédetoutcequ’elleavaitàoffrir?Sicen’étaitpasàunautreenfantchériqu’ellepouvaitlesdonner,ellevoulaitaumoinsavoirlachanced’accompagnersafillepourlerestedeleurvie,àdéfautdepouvoirrattraperletempsperdu.

—Al,peux-tumedéposeràl’aéroport?

—Euh...oui,biensûr.Vousvoulezpasrentrer,finalement?

—Non,j’aidécidédemebattre.Jevaisaffrontermonpèreetrécupérermafille.

20ElleavaitquittéOrlandodixjoursplustôtenpensantneplusyreveniravantlongtemps,en

espérantqueletempsguériraitsesblessures.Pourtant,ellesavaitqu’elleavaitfaitlebonchoix,carsoncœuravaitreprisunrythmerégulieraumomentoùl’avions’étaitposésurlapisted’atterrissage.

Elleavaitdonnél’adressedeleurdestinationàunchauffeurdetaxigarédevantl’aéroportetpréparaitdanssatêtelemeilleurmoyend’annonceràsonpèrequ’ellesavaittoutdesesmachinations.SielleavaitcruAlancapabledespiresméfaits,elleavaitencorepeineàcroirequesonproprepèreaitpufairepire.Surtoutqu’ellebrûlaitd’enconnaîtrelaraison.

Peuavantseizeheures,ellefutdevantlebâtimentenverrequiabritaitlasociétédesonpère.Fondéetrenteansplustôt,ilavaitcréécetteaffairedeconseilseninvestissementsavantdesediversifieraufildesannéespouréchapperauxvautoursdelaconcurrenceettenterdesubsister.

Ilavaitbienmanœuvréaupointd’avoiraujourd’huiunesociétécotéeenboursequinefléchissaitpasmalgrélacriseetsesimpitoyablesassauts.Ilavaitmêmepuétendresonpersonnelcinqansplustôt,d’aprèscequeleluiavaientrapportélesjournaux.Mêmeenexil,elleavaitgardéunlienavecOrlando,prenantdesnouvellescommeellelepouvait.

Sonpèreoccupaitunbureauaudixièmeétagedelatour,entourédesescollaborateursdontAlanfaisaitpartie.Avecunpeudechance,elleparviendraitàesquivercedernier,cequ’ellearéussiavecbriolorsdesadernièrevisite.Elleavaitdéjàsuffisammentàfaireauprèsdesonpère,nulbesoindes’embarrasserdavantageaveccecrétin.

Elleréussitàs’introduirejusqu’audixièmesansencombre,maisarrivéelà,elles’aperçutqu’ilseraitpluscompliquéd’approchersonpèrequ’ellenelepensait.Souhaitantcréerl’effetdesurprisemaximum,ellen’avaitpasl’intentiondes’annonceràsasecrétaire.Elleattenditdonclemomentpropiceoùelleauraitledostournéoulesyeuxailleursetprofitafinalementdesavisiteauxtoilettespoursefaufilerjusqu’àlapièceoùsonpèretravaillait.

Penchéau-dessusd’unpaquetdefeuilles,ilsemblaitapposersasignatureaustyloàplumeaprèslecturedechaquepage.Ilparaissaitinoffensifetelleauraitfacilementpuêtreattendrieparcettevision.

Elleavaitpassédanscettepiècebonnombredesamedismatinspendantquesamèreserendaitchezlecoiffeurouàdesassociationsquelconques.Ellesetenaitgénéralementtranquille,assisesurunechaisedevantlapetitetabledetravailoùelleinstallaitsonnécessaireàdessinsousespoupées.Sielleétaitsage,elleétaittoujoursrécompensée.Elles’évertuaitdoncànejamaislecontrarier.

Sonpapachéri,songea-t-elleensentantsoncœurseserrer.Commentavait-ilpupactiseraveclediableenpersonneetl’écarterdetouteslesfaçonspossiblessansaucunscrupule?Refoulantseslarmes,elleentraetfinitpars’annoncer.

—Bonjour,Papa.

Surprisaupointdesursauter,Clayfittombersonstylosursondossieretrelevalatête.Sonregardaffichaitl’étonnement,elleavaitdoncréussilapremièreétapedesonplan.

—Ariana?Queviens-tufaireici?

Lajeunefemmefermabrusquementlaportederrièreelleets’approchadubureauenchênesurlequelellesepencha.

—Jepensequetudoistedouterdecequim’amène,affirmaRina,sûred’elle.J’aipensémetaire,tusais.Laisserleschosestellesqu’ellessontetavancer,maismalheureusementc’estau-dessusdemesforces!Commentas-tupumefaireça?

Ilseraclalagorge,cherchantvraisemblablementsesmotsouuneexcuseàluiservir.

—Ariana,lasituationaétépénibleautantpourtoiquepourmoi,certifia-t-il.J’aijugéquec’étaitpréférablepourtoutlemonde.

—Etquefais-tudecequiétaitpréférablepourmoi?Tun’asjamaisprisencomptecequejepouvaisressentir!

Elles’étaitjurédeseretenir,maislacolèreprenaitledessus,contrôlantsespensées,letondesavoixetleslarmesnaissantdanssesyeux.

Sonpèrerepoussasonfauteuiletselevapourluifaireface.S’ill’avaittoujoursintimidée,àcemomentprécissafroideurneluiinspiraitriend’autrequedumépris.Ellenecomprenaitpas,etiln’avaitpasvraimentl’aird’unhommeheurtéparlaculpabilité.

—Tum’asdéçu,avoua-t-ilsoudain.Imaginemasurprised’apprendrequetuasséduitunhommemarié,quiplusestl’épouxdetagrandesœur!Etalorsquejepensaisleschosestassées,voilàquetuteretrouvesenceinte!Àseizeans,nomdeDieu!Jecroyaist’avoirmieuxéduquée!

Rinareniflabruyamment,essuyantsesjoues.

—Tun’astoujoursriencompris.J’aicommisl’erreurdem’êtrelaisséefaireencroyantprotégermasœur!J’aitoutperdualorsqu’Alann’estenfaitqu’unsalauddoubléd’unvioleur!Ettoi,nonseulementtunem’aspascruequandj’aienfinréussiàteparler,maistum’asprismonenfant!Pourquoiexactement?Pourmepunir?Oubienparcequetunemecroyaispascapabledel’élever?

Elleregardasonpèresedécomposersoussesyeuxetserasseoirdanslefauteuilsanslaquitterduregard.Ilouvritlaboucheetlarefermaplusieursfoisdesuite,netrouvantrienàdire.

Était-ilsurprisd’avoirétédémasqué?Pensait-ilréellementqu’ellenemèneraitjamaisl’enquête?

—Tonsilencemefaitfroiddansledos.Tun’asdoncaucunremords?éructalajeunefemme.

—Rina...commença-t-ilenusantdusurnomqu’illuiavaitdonné.Je...

—Nem’appellepluscommeça!s’écria-t-elle.Tuasperducedroitenmefaisantcroirequ’Hayleighétaitmorte!

—Rina...continua-t-il,jesuisdésolé...Tuveuxdirequ’Alant’avraiment...agressée?

—Tupensesvraimentquej’auraisétécapabledetoutinventer?

—Jel’aicrulejouroùtum’asbalancéçaenpleinprocès.Jepensaisquetutecréaisuneexcuse.Bonsang,tuavaisenlevéFaith!

—Jelereferaisanshésiter,s’illefallait!Carjesaisaujourd’huiquecen’étaitpasdelafolie,maisbeletbienlegestedésespéréd’unemèrequireconnaîtsonenfant.

Sonpèresecoualatêtecommes’ilavaitdumalàsuivre.Ilretiralesboutonsdesesmanchesdechemiseetlesretroussaauxcoudesavantdefrottersonvisagedanssesmains.

—Ariana,je...jenecomprendspas...

—C’estsimplepourtant!Alanaabusédemoilejourdesonpropremariage,ilm’autiliséeetfaitchanterpendantdessemainesl’étésuivantetjemesuisretrouvéeenceinte.Etquandj’aienfincruquejepourrairetrouverunevienormale,tum’asprismonbébé,tuaspayélemédecindel’hôpitalpourqu’iléchangemafillecontrecelledeLydia.

Lesyeuxexorbités,Claysemblaitsoudainenproieàunevisiond’horreur.

—Non,non,jet’assurequejen’aijamaisfaitunechosepareille!

—Nememenspas,monavocataretrouvélatracedesvingtmillionsdedollarsquetuasversés.Etdirequemoi,tunem’enasdonnéqu’unseul!Jevalaismoinsquecetypeàtesyeux...

—Rina...jetejurequejen’airienàvoiravecça.Crois-moi,j’aibiendestortsdanscettehistoiremaisjenet’auraisjamaisprislapetite.Tamèreetmoisommesmêmetombésd’accordlanuitdesanaissancepourtelaisserl’élever,àconditionquetucontinuestesétudes.

Imperturbable,Rinaessayaitdenepasplier,deseraccrocherauxinformationsdontelledisposaitdanssonsac.Elleensortitd’ailleurslacléUSBdétenantlespreuvesdesaculpabilitéetlalançadevantluisurlebureau.

—Toutestlà:dossiersmédicaux,détailssurlepersonnel,fluxdepaiements,codesutilisés.J’auraisaiméquecesoitdifférent,maistoutindiquequetuesl’instigateurdecestratagème.Jetefaisaisconfiance,Papa.Jesaistoutmaintenant,alorsinutiledenierpluslongtemps.

Sansluirépondre,Claybranchalaclésurl’écrandesonpostedetravailetparcourutlesfichierss’ytrouvant.Rinaleregardaplisserlesyeuxàmesurequ’ilenregistraitlesinformationsetsentitsabouled’angoisseseraviver,tordantsesviscèresaupointdeluidonnerlanausée.

—Cen’estpasmoncodedevalidation,prononçaalorssonpère.

—Jetedemandepardon?

—Cen’estpasmoncode,répétaClayenlevantlesyeuxverselle.Lejourdutroisièmeversement,j’étaisendéplacementàSanFrancisco,jen’étaispaslà,Rina.

—Mais...

Obligéedes’asseoirsouslepoidsdecettenouvelle,lajeunefemmetentaitderemettredel’ordredanslesinformations.Sisonpèren’yétaitpourrien...Quiavaitbienpumanigancertoutcelaetmaquillerlesévénementspourincriminersonpère?

—Àquisontcescodes?interrogea-t-elle.

—Jenesaispasencore,jelancelarecherche.

Lebruitdesesdoigtssurleclavierfrappaitsestempes.Elleavaittellementpeurdelaisseréchapperlavérité!Ellevoulaittellementconfronterlecoupableetprouverqu’elleavaitétévictimeduranttoutescesannées!

—Ohmondieu,cesontlescodesd’Alan!Ilautilisémonaccèspersonnelmaisaentrésonproprecodepuisqu’ilnepossédaitpaslemien.

Alan...Maisbiensûr!Cepourriavaitvoulucouvrirsestraces!

Elleselevaprécipitammentpoursemettreàsarecherche.Iln’étaitpasquestiondelelaissers’entirer.

—Ariana,oùvas-tu?

—Oùest-il?

—Chezluicertainement,ilnetravaillepasaujourd’hui.Écoute-moi,nousdevonsnousmontrerraisonnablesetallertrouverlapolice.Enleurconfianttoutcequetuasrassemblé,ilserainculpé.Ilserapunipourtoutlemalqu’ilt’afait,tuasmaparole.

—Cen’estpassuffisant,luidit-elle.Ilréussiraàs’entirer,commeàchaquefois.

Ellelaissasonpères’approcheretlaprendredanssesbras.Ellefutànouveaulapetitefillequiavaitterriblementbesoindelui,s’accrochaitàsoncoudansl’espoirqu’ilapaiseraitsonchagrin.

Elleavaitétéstupidedelecroirecapabledeluifairetantdemal.Quid’autrequ’Alanpouvaitêtreàl’originedetantdecruauté?Enyréfléchissant,savenueàBaltimorequelquesmoisplustôtetsapropositionpourlateniràl’écartressemblaientbienàunetentativedésespéréedegardersessecretsbiendissimulés.Pourquoinepasavoirfaitlelienplustôt?Elleleurauraitépargnétoutecettescènedramatique.

Pourtant,ellesesentaitbienentresesbras,mêmesicelanechassaitpaslaragenaissantequimenaçaitd’exploser.Ellesavouralecontactàsamanière,presquecommeuneenfant,latêtebienposéesurl’épauledesonpère.

Ellemituntermeàl’étreinteauboutdequelquessecondes.

—Tum’asmanqué,Papa.

—Toiaussi,Rina.Jesuisdésolé...

Ilsavaienttoutletempsdeserattraper,pensa-t-elleenlevoyantsourirepourlapremièrefoisdepuislongtemps.Maisavant,elleavaitlafermeintentiondedireunmotàAlan.

—Jetelaissetravailler,jevaisvoirMaman.

—Trèsbien,nousnousverronsàlamaisonplustard.

Lamaison...Ellepouvaitenfinlaconsidérerànouveaucommelasienne,telsemblaitêtrelemessagequ’iltenaitàfairepasser.

Elleseremitenchemin,appelantuntaxipendantqu’elledescendaitdanslehalldelatour.Vingtminutesplustard,elleétaitdéposéedevantl’anciennevillaoccupéedesannéesplustôtparlecoupleBaker.SiLydiaavaitdéménagépourvivreavecMatthew,lemariéconduitétaitrestédanscettegrandemaison.Nulbesoind’êtremédiumpoursavoirqu’ilnedevaitpasêtreseultrèssouvent,vusonpenchantpourlesfemmes,surtoutlesplusjeunes.

Bien.Avecdudégoûtpleinlabouche,ellepouvaitavancerdéterminée.Ellefitletourdelabâtissepourentrerpar-derrière,espérantquelaporte-fenêtredonnantsurlejardinseraitouverte.Ellel’était,constataRina,maiselleaperçutaussilafemmedeménageentrainderécurerl’argenterie.Sansfairedebruit,utilisantsesressourcesentermesdecamouflageetdefurtivité,elleréussitànepassefaireremarqueretgagnal’étageoùellepercevaitunbruitdefond.

Rasantlesmurs,ellemontalesmarchesetsuivitl’échosemblantprovenirdelasallevidéo,petiterépliqued’unesalledecinémaavecécrangéant.Pendantqu’ilregardaitsonfilm,ellefitundétourparlebureaupouryprendrecequil’intéressait.

Elles’arrêtaaussidevantlasalledebainsafinderéquisitionneruneservietteluipermettantdefouillerlebureau.Commeellel’avaitprévu,elleytrouval’armed’Alandissimuléedanslabibliothèque,puiselles’ensaisitetl’enveloppa,pasencoreréellementcertainedecequ’elles’apprêtaitàfaire.Lemenacerpourluifaireavouer?Sevengerenl’envoyantdanslatombe,làoùilnecauseraitplusdetortàquiconque?Ladeuxièmeidéeluisemblaitlapluspertinentebienqu’étantcertainementaussilaplusstupide.

Pourtant,quandellearrivadevantlaporteentrebâilléedelasallevidéo,l’enviedel’étripersefitplusfort.Surlegrandécranétaitprojetéunfilmpornoamateurdanslequeliltenaitl’undesrôlesprincipaux.Combiendefillesavait-ilfilméesàleurinsu?Cetypeprenaitsonpiedenmatantsesexploitsaprèscoup,sielleenjugeaitparlapositiondanslaquelleilsetrouvait,avachidansl’undesfauteuils,samains’activanténergiquementverssonentrejambe.Rienquepourcegeste,elleauraitsouhaitéluiextrairelesbijouxdefamilleetlesluiserviràdîner.Ilétaitrépugnant!

Toutefois,elleavaitl’atoutdepouvoirlesurprendre.Etquoidemieuxqu’unmomentoùilétaitsivulnérable?

—Jevoisquetun’asrienchangéàteshabitudes,dit-ellepours’annoncer.

Ellelevittressaillirdanslesiègeetseleverprécipitamment,samaintenantsonmembre

simplementsortidesonpantalon.Elleneputs’empêcherd’agiterl’armedevantellepourluifairecomprendrequ’ellenevenaitpasparcourtoisie.

Illuisouritcependantencontinuantàsepalper.

—Rina!Tutejoinsàmoi?Jepeuxremettrelamainsurnosfilms,j’enaid’autresàtemontrer.

—Jemedemandecequ’unjugeenpenserait.Pornographieavecdesmineures,demieuxenmieux.Leschargess’accumulentcontretoi,Alan.

Elleauraittellementaiméluiretirercesouriresuffisantdesonvisage!Uneballeentrelesdeuxyeuxetceseraitdéfinitivementterminé...

—Lescharges?ricana-t-il.Tuneparlespassérieusement?Tuoubliesquetum’asfaitdurentre-dedans.Ons’estjusteamusésunpeuaprès.Tun’avaispasdeflinguesurlatempe.

Ildésignal’armequ’elletenaitenmain.

—Tucomptesmetuer?

—Jenesaispasencore,c’esttellementtentant!Jepourraitoujourstefairemal,oujustet’exploserlescouilles.

Satisfaitedelagrimacequ’illuiadressa,elleluiintimades’asseoir.

—Ilfautquenousparlions,touslesdeux.Figure-toiquej’aifiniparcomprendrelepourquoidetavisiteilyaquelquesmois.

—Ah,parcequejen’avaispasétéassezclair?Tun’asrienàfoutreàOrlando!

—Aucontraire,maseuleraisondevivresetrouveicidésormais.Tuesdescendubienbas!Volerunbébéàsamère...

Furtivement,unéclairdepaniquepassadanssesprunelles,maisildisparutaussivitequ’ilétaitapparu,remplacéparunairdédaigneuxquiluidonnaenviedeluiécraserlevisageavecsonpied.

—MapauvreRina,tuasencoreoubliédeprendretespilulesmagiques.J’aibienpeurdedevoirappelerpouruninternement,unefoisdeplus.

Ilsemblaitoublierqu’elleportaitunearmeetqu’ellesavaits’enservir.Pourleluirappeler,elleretiralecrandesûreté.Lecliclefitsursauter,ellepritalorsunplaisircomparableàl’endorphineàvoirunegouttedesueurperlersursonfront.C’étaitexactementcequ’ellevoulait:luiinspirerlapeur,pourunefoisdanssavie,commeill’avaitlui-mêmeterroriséependantdesmois.

—Arrêtetessimagrées,jesaistout:ycomprislafaçondonttut’yesprispourécarterlegentildocteurquiaéchangéFaithetHayleigh.

—Tudélirescomplètement!

—Ahoui?Pourtantmonavocats’estbienrenseignéetmonpèrelui-mêmeaélucidélemystèredescodesinformatiquesayantserviàfairelevirementdevingtmillionsdedollars.D’ailleurs,j’espèrequetuesprêtàpasserpasmaldetempsàl’ombreparcequ’ilcompteporterplaintepourdétournementdefonds,enplusdukidnappingdesapetitefille.Etpourtagouverne,danscetétatiln’yaaucuneprescriptionpourlesviols.

Ilvoyaitrouge.S’ilsavaientétédansundessinanimé,sesyeuxsortiraientdeleursorbitesetdelafumées’échapperaitdesesoreilles.Lagouttedesueurdescendaitmaintenantentresesyeux,bientôtrejointeparuneautresursatempe.Iltranspiraitl’angoisse.

—Jeveuxsavoirpourquoi.

—Pourquoiquoi?

—Pourquoitum’asprismafille!C’estpascommesituenavaisquelquechoseàfoutre,tun’étaismêmepasaucourantdelagrossessedouzeheuresavantsanaissance!

—Cen’étaitpasjustequeLydiaetmoiperdionsFaithalorsquetoi...

—Parcequec’étaitjustepourmoi?

—Tuseraissûrementpartieauboutdumondeavecmafille,çam’asemblélameilleurechoseàfaire.Uneadodedix-septansn’estpascapabled’éleverunbébétouteseule,j’airenduserviceàtafille.Aumoinselleareçutoutcequiétaitbonpourelle.

Serrantlepoing,Rinasentitlacolèreprendresasourcedanslebasdesoncorpsetl’engloutir.Emportéeetaveugléeparlechagrin,secouéedespasmes,ellevitsamainseleveràhauteurducœurdesonbourreau.Elleavaitétésavictime,passiveaupointdenepasvoirqu’ilétaitlediableenpersonne.Maisaufond,ellel’avaitlaisséluifaireça.Ellenes’étaitpasbattue,elleavaitbaissélesbrasetn’avaitpascherchéàsedépêtrerdesonemprise.

Maintenant,ellevoulaitqu’ilaitmal.Oupire,luiprendresavie,commeilavaitréduitlasienneànéant.

—Rina,soisraisonnable,souffla-t-ilennelaquittantpasdesyeux.

Iln’avaitaucunregret,aucunecompassion.Ilvoulaitjustenégociersamisérableexistence.Surlepointsansdoutedefairedanssonpantalon,illevalesmainsverselleensignederémission.

—Jesuisdésolé,okay?JesuisprêtàenparleràLydia,s’illefaut.Maisceseraitdommagedebousillertavieenmetrouantlapeau.Tunereverraisjamaistafille.

Iln’avaitpastort,pourtantc’étaitplusfortqu’elle.Sonsangbouillaitdanssesveines,ellesentaitl’adrénalines’ypropager,insufflantladosedevengeanceadéquateàsondoigtsurladétente.

Alans’arrêtaderespirerquandellepritladécisiondelapresser.Laterreurquipeignitsestraitsluisuffitcependantàréaliserqu’ellen’étaitpascommelui.Ellen’étaitpasfemmeàôterunevie,mêmequandils’agissaitderendrelamonnaiedesapièceauSalaudSuprêmequiavaitgâchésonexistence.

Pourtant,elleentenditladétonationetlevits’effondrercontrelefauteuiloùilétaitassis,lesyeuxrévulsésparlasurprise.Ilportalamainàsoncœurd’oùsonsangsemittoutàcoupàcouler.Alancontemplasesdoigts,ouvrantalorslabouchesanspouvoirparler.

Rinal’observaitsansdireunmot,souslechocetsanscomprendrecommentelleavaitputirer.Sonespritsemblaitavoirprisledessus.Ellelâchal’armequitombasurlesolets’approchadeluipourpresserlaplaie.

—C...C...balbutiaAlan.

—Jevaisappelerlessecours,tienslecoup!

Ellecherchasontéléphonedanssapochedejeanetcomposalenumérodesurgences.Quelquessecondesplustard,elleraccrochaitenespérantqu’ilallaits’ensortir.C’étaitincompréhensibleétantdonnéeslespenséesqu’elleavaiteuesquelquesminutesàpeineplustôt,maisellenevoulaitpaspasserlerestedesavieàpayerencoreàcausedelui.

—Ilsserontbientôtlà,rassure-toi.

—C...C...Clay...

—Quoi?

Ellesuivitsonregardetseretournapourtrouversonpèresurlepasdelaporte,unearmeàlamain.

—Papa?!Mais...mais...C’esttoiquiastiré?

—Il...Illefallait...

—Maisjen’auraipastiré!Jevoulaisjusteluifairepeurpourqu’ilavoueenfin!

Àsontour,sonpèrelaissal’armedecôtéetlarejoignittandisqu’ellemaintenaitlapressionsurlapoitrined’Alanquisesoulevaitàpeine.Ils’étaitévanouietrespiraitdifficilement.Sanssonmatérieletsurtoutsouslechoc,ellenesavaitrienfaired’autrequ’attendrel’équipemédicale.

—Ilfallaitquejelefasse,avouasonpère.Cequ’ilafaitestimpardonnable.J’auraisputedéfendrebienplustôtsij’avaissu.

—Maisvoyons,Papa!Turisquesde...

—Jesaistrèsbiencequejerisque,mapuce,maisjepréfèrevoircethommemortplutôtquederevoiruneexpressiond’horreursurtonvisage.Ilacausédutortàtoutenotrefamille.

Ellesanglotait,àprésent,conscientequ’elleétaitresponsabledetoutcela.

Quelquesminutesplustard,l’équipemédicaleétaitsurplacepourtenterderéanimerAlantandisquedespolicierspénétraientdanslamaison.Lesmainsensang,elletentaderépondreàleursquestionssansquittersonexbeau-frèredesyeux,priantpourqu’ils’ensorte.Sonpèredemeurait

prostréprèsd’elle,nesemblantpasvouloirrépondreauxautoritéstantqu’iln’auraitpasMatthewprèsdelui.

QuandAlanrenditfinalementsonderniersouffle,unpolicierbranditsesmenottesetretournaClaypourlesluipasserdansledos.

—Papa!s’exclamaRinaensejetantàsoncou.Cen’estpasjuste!Nousvenonsdenousretrouverettumequittesdéjà...

Lecœurlourd,ellelaissaleslarmesl’emporterpendantqu’ellefaisaitdenouveauxadieuxàsonpère.

—Jetedonnemaparolequenousnousreverronsbientôt,promit-il.Prendssoindetoi,machérie.

Unautrepolicierlessépara.Elleassistaàlascènedanslebrouillard,necomprenantqu’aprèscoupqu’onemmenaitsonpèreenprisonetAlanàlamorgue.

Cen’étaitpasainsiqu’elleavaitimaginésavengeance.Biensûrellel’avaitvoulueàlahauteurdeshorreursqu’elleavaitendurées,maiselleavaitprisuntournantinattenduenplusd’êtrebouleversanteàplusd’untitre.

Lavies’acharnaittoujoursàluireprendresonbonheur.Àluifaireentrevoirunebrèche,unebretelled’autoroutemenantauchemindel’espoir...

Néanmoins,quoiqu’ellefasse,mêmequandellepensaitenavoirsuffisammentbavéets’êtrerepentieaprèsluiavoirtantcédé,ellesemontraittoujoursimpitoyableetluireprenaitsesrêves,sesespoirsdelendemainheureux.Elleavaitretrouvésonpèredeuxpetitesmalheureusesminutes,illuiétaitvoléànouveau.

Cesoir-là,ellenes’étaitjamaissentieaussidémunie.Àgenouxàterre,lesmainstremblantes,elleseretrouvaitseule,encore.Safamilleétaitànouveauréduiteencendres,ellen’avaitplusdeperspectived’aveniravecl’hommequ’elleaimaitettoujourspasd’espoirderetrouversafille.Ellen’avaitplusrien.Définitivementplusrien.

21Dansl’avionquilaramenaitàWashington,Rinaseremémoraitcommentilavaitétédifficilede

quittersamèrequelquesheuresplustôt.Enproieàlaculpabilité,ellen’arrivaittoujourspasàfairefaceàsondésarroi.Mêmesisonpèreallaittrèscertainementêtrelibérésouscautiond’icipeuenattendantsonjugement,ellesavaitquel’épreuveétaitterriblepourtoutlemonde.ÀcommencerparLydiaqui,nonseulement,avaitdûfairefaceàlaterriblenouvelle,maisavaitdûendurerlecalvaired’annonceràsesquatrepremiersenfantsqueleurpèren’étaitplus.Sanscompterquesonpèreavaitfiniparrévélersesmotivations,cequiimpliquaitévidemmentqueLydiaétaitdésormaisaucourantdetoutel’histoire.

Enl’apprenant,elleavaitbraquésonregardsurelle,lesjouesrougesdefureur.

—Alant’amiseenceinte?Jenepeuxpaslecroire!Vousm’avezcachéçatoutescesannées!

—Cen’estpastout,machérie,avaitrajoutéMatthew,d’aprèstoutcequej’aipurassembler,FaithestlafilledeRina.Alanasubstituélapetitequandvousavezperdulavôtreàsanaissance.

Elles’étaitcouvertlabouche,horrifiée.Siellel’avaitd’abordaccuséedemensongeséhontés,ilsavaientréussiàluifaireentendreraison.

—Alors...tuvasmelaprendre?

—J’aimeraisautantyallerendouceur,larassura-t-elle.Fairesaconnaissance,êtreprésentepourellepetitàpetit.Masituationprofessionnellen’estpasstablepourlemoment,jevaisrentreràBaltimoreetmelibérertrèsvite.Puisjereviendraim’installerdanslecoinetnousverrons.JeneveuxsurtoutpasbrusquerFaithnifairevolerenéclatsonéquilibre.

Ilsavaientparusoulagésdel’apprendre,alorsqu’ellenesavaitpasvraimentcomments’yprendre.Elleavaittellementdechosesàmettreauclair:quitterl’arméeetAidanunebonnefoispourtoutes,retournervivreàOrlandoets’yinstallerenespéranttrouverdutravailetunlogementrapidement.

Elleavaitenfinunbut,mêmesicelasignifiaitrenonceràunêtrecherqu’elleaimait.Elledevaitsemontrerhonnête,cettefois,etluiexpliquerleschosesentoutesincérité.Ilnecomprendraitcertainementpas,toutefoisildevraitl’accepter.C’étaitpoursonbienàluiqu’elleprenaitcettedouloureusedécision.Ilméritaitcequ’ilyavaitdemieux,àsavoirunefemmecapabledeluidonnerlafamilledontilrêvait.

Plustard,AlladéposadevantsarésidencedeFortHolabird.Ellelacontemplatristement,conscientequelesprochainsjoursseraientpénibles.

—Vousêtessûredevouloirvousenaller?luidemandaAl.

—Absolument,confirma-t-elle.JeveuxretrouverlesmiensetavoirlachancedefairepartiedelaviedeFaith.C’esttoutcequicompte,maintenant.

—EtAidan?Vousallezpaslelaissersansexplicationquandmême!

Ellesecoualatête,mêmesielleauraitpréférélafuite,commeelleenavaitl’habitude.Secacherderrièredesexcusesminablesavaittoujoursétéplussimple.Maispasaujourd’hui,ilsavaientvécutropdechosesetfaittropdeprojetsd’avenirensemble.

—Jeluidoislavérité,alorsjelaluidirai.Maisçanechangerarien,jerefusedefairemavieavecquelqu’unquejenerendraipasheureuxentouspoints.Etjeneveuxpasqu’ilresteavecmoiparpitié.

—Vousêtesdureavecvous,majolie.Quandonaimequelqu’un,onl’acceptetelqu’ilest.Danslasantécommelamaladie,çavousditquelquechose?

—Oui.Maispuisquenousnesommespasencoremariés,autantluidonnerunechancedetrouverquelqu’und’autreavantqu’ilnesoittroptard.

Alhaussalesépaules.Ellesavaitqu’ilnecomprenaitpas,outoutaumoinsqu’ilsn’avaientpaslamêmefaçondepenser,maiselleavaitretournélaquestiondanstouslessensdanssatêtedepuissonrendez-vousmédicaletellenereviendraitpassursadécision.

Etsiellenetrouvaitpasdetypequinesouhaitaitpasd’enfant,elles’enpasseraitetretrouveraitsavied’avant,sansattache.

—Jeterappellebientôtpourmadernièrecourse,conclut-elleenembrassantsajoue.Mercipourtout,Al.Jesaisquetuneveuxquemonbonheur,maiscrois-moijesaiscequejefais.

Sonsacàl’épaule,elleentradanslarésidence,assaillieparlesodeursquiémanaientduréfectoire.Ellepassalatêtepourtenterd’apercevoirlesfillesouAidan,sanspourautants’attarder.Ellen’étaitpasd’attaquepouruneconfrontationlesoirmême,elleespéraitavoirquelquesheuresderépitavantd’affronterlecommandantremplaçantGordonensonabsence,lesfilles,et...Aidan.

Elledécidaalorsdegrimperjusqu’àsonappartement,sesentantsoudainlourde.Cetteimpressionprovenaitsansnuldoutedesoncœurqu’ellemettaitencoreàrudeépreuve.SeconcentrersurFaithn’étaitpasforcémentmieuxniplusfacile.

Elledétestaitlesadieux,etdevoirdireaurevoiràdevraiesamiesainsiqu’àl’amourdesavieétaitlasituationlaplusdifficilequiluiaitétédonnéeàvivre.

Chezelle,elleabandonnasesvêtementsetpassasousladouchepoursedébarrasserdesévénementsquil’avaientsecouéedepuisqu’elleavaitquittélabase.Illuifallutprèsdequaranteminutespourémergerettenterderetrouversesesprits,bienqu’ellen’ysoitpasparvenueentièrement.Ellepritsontéléphonepourappelersamère,découvrantuntextod’Aidan.

«Bienrentrée?Jepassedans20min.»

Non,songea-t-elle,ilnedevaitpasvenirmaintenant,carellen’auraitjamaislecouragedel’envoyerpaîtrecesoiralorsqu’elleressentaitunvideconstantqueluiseulauraitpucombler.S’ilentraitdanssonappartement,ellesavaitdéjàqu’ellenepourraitpaslelaisserpartir.

Ellereniflabruyammentenessuyantsesyeux,comprenantsoudainqu’elleallaitluifairedumalsanss’épargnernonplus.Soncœursaignaitdéjà,ilallaitlaisseruntroudanssapoitrinequinepourraitjamaispluscicatriser.Cethommel’avaitguériedebiendesmaux,illuiavaitapprisàespéreretàvivresavie.Néanmoins,ellen’étaitpascellequ’ilméritait.Elledevaitl’accepteretpassersonchemin.ÀOrlando,prèsdesafamille,ellesereconstruiraitpetitàpetit.Ceseraitbienpluslongsanslui,maisellen’avaitpaslechoix.

«Jesuisfatiguée,onsevoitdemain?»,luienvoya-t-elleenretour.

Elleéteignitensuitel’appareil,lefourraaufonddutiroirdesatabledechevetets’enfermaàdoubletour.

Ellerestatoutelanuitlespaupièresgrandesouvertes,sanspouvoirfermerlesyeuxuneseuleminute.Elleavaitpenséprendreunsomnifère,maiselleavaitdéfinitivementfinides’empoisonneraveccestrucs-làdesmoisplustôt,cen’étaitpaslemomentderetomberdanscetengrenageinfernal.GrâceàAidan,elleétaitalléedel’avantdansbiendesdomaines,voilàpourquoiilluiétaitimpossibledefermerl’œiltoutensachantcequ’ellepréparait.

Avantdequittersonappartement,elletrouvalepetitmotqu’Aidanavaitglissésoussaporte.

«Nousdevonsparler.Rdvaubateauà15h.»

Cen’étaitpaslecadreidéalpouravoirlafameusediscussion,maisc’étaitunterrainneutresuffisammentéloignépouréviterlescurieuxaucasoùletonmonteraitd’uncran.Elleyseraitdonc.All’accompagneraitcommetoujours.

Elleseprésentaàl’entraînementdumatin,Burtonétantlepremieràluifairelaremarque.Elleenavaitmanquétellementqu’ellen’enfutmêmepasétonnée.Maiselletenaitàluifaireceplaisirdepouvoirlacharrieravantdeluifairesesadieux.Ilnel’épargnad’ailleurspas,hurlantetjurantàchaquefauxpasqu’ellefaisaitsurleterrain.Elleencaissaenserrantlesdents,conscientequ’ellesedéfoulaitelleaussi.Finalement,celaluifitdubien.Àlafindelaséance,elleétaitpleinedesableetdeterre,toutefoiselleétaitplusdétenduepouraffrontersoninstructeur.

Elleluiassénaunetapesurl’épaulequandilsfurentseuls.

—Tut’esbiendéfoulé,aujourd’hui?luidemanda-t-elle.

Ilsourit,sesdentsblanchescontrastantadmirablementaveclacouleurdesapeau.Sagentillesseetsarudesseallaientluimanquer.

—Oui,mercid’avoirréponduprésente,c’étaitsympa.Mêmeheuredemain?

—Malheureusementnon,déclinatristementRina.Jesuisvenuepourtedireaurevoir.Jerentre

chezmoidèsquepossible.

—Maisc’estici,cheztoi!

—Çal’aétécesderniersmois,toutlemondevamemanquer.Maisj’aid’autresprojets,àprésent.

Lui,normalementsidiscret,nerésistapasàl’enviedelaprendredanssesbras.Elleseretrouvaflanquéeentresesmuscles,écraséeparcecâlinsingulierquiluiressemblait.

—J’espèrequetudonnerasdesnouvellesetqueturepasserasàl’occasion.

—C’estpromis.Prendssoindetoi,Burton,etsurtoutnechangepas.

Elles’éloignarapidementpouréchapperauxpleursmenaçants.Elles’étaitfaiteplusd’amisicienquelquesmoisqu’endixansàFortSill.Elleavaitvraimentcôtoyédesgensformidables.Mêmesisonpassagen’avaitpasprislatournureescomptée,ellesetrouvaitchanceusemalgrétout.

Ellerencontralecommandantdanslamatinéepourluiexprimersonsouhaitdequitterl’armée.S’ilnecompritpasforcémentsonchoix,illerespectaetluidonnacongéaussivitequ’elleétaitentréedanssonbureau.Ellerecevraitvitetouslesdocumentsàsignerpourofficialiserleschosesetseraitbientôtlibre.Aumoins,aveclui,cedépartneprenaitpasdeproportionsdésagréables.C’étaitaussibienqueGordonsoitàl’autreboutdumonde.

Elles’échouaensuiteàlacliniqueoùelles’assuraquesesdossiersétaientàjourcommeleluiavaitdemandélecommandant.Ellereçutégalementdeuxpatientsetdéjeunasurlepoucetoutenprocédantaurangementdesoncabinet.

Lucyfrappaàsaporteentoutdébutd’après-midi,vêtuedesonuniforme.

—Jepeuxtevoiruneminute?questionna-t-elle.

Rinaacquiesçaetluiproposades’asseoir.Elledevaitbienluiannonceràelleaussi,aprèstout.

—Toutvabien?luidemandasonamie.

—Oui,pourquoi?

—Unenouvellerumeurcirculeàtonsujetdepuiscematin.

Lesragotsallaienttoujoursbontrain,parici.Elleauraitdûsedouterquesonsecretneseraitpasgardélongtemps.Burtonétaitplutôtbavard.Oubiencelapouvaitaussiprovenirducommandant.

—Quiaditquoi,cettefois?

—AmytientçadeWilsonquitientçalui-mêmedeBurton.Maisjeluiaiditqu’ellesetrompaitouavaitmalcompris.J’auraisétéaucouranttoutdesuitesivraimenttucomptaisnousquitter.N’est-cepas?

Lucysemblaitpluspeinéequ’encolèredenepasavoirétéavertie.Rinacherchalesmotsadéquats

maiss’aperçutvitequ’iln’yenavaitpas.

—Jecomptaisvousledireàtoutescesoir.Jequittel’arméepourretournervivreàOrlando.

Ellepritletempsdeluiexpliquersesraisons,sesrécentesdécouvertesetsavolontédesefaireuneplacedanslaviedesafille.Lucycompritet,pourlapremièrefois,neluitintpasrigueurdecettedécisionpourtantradicale.MêmeencequiconcernaitAidan.

—Veillesurlui,d’accord?luiintima-t-elle.Etpuisonseverrarégulièrement,maintenantquetufaispartiedelafamilleFields.Cen’estdoncpasunadieu.

Lucylapritdanssesbras,commepourluirappelerqu’ellesétaientdesamiesprochesmalgrélesdifférendsquilesavaientopposéesaucoursdesderniersmois.

—Donnequandmêmedesnouvelles,tuvasnousmanquer.

—Vousaussi.Jenem’étaisjamaissentieaussibienentourée,mêmesivousavezuncôtécasse-piedsetenvahissant.

Sonamieéclataderireetfinitpars’éclipserpourretourneràsontravail,nonsansunpincementaucœur.SiledépartdeRinaétaitinévitableetmotivépardebonnesraisons,elleavaitmalheureusementpeurqu’Aidannes’enrelèvepas.

Quinzeminutesavantl’heuredeleurrendez-vous,Rinapritplaceprèsd’Aldanssontaxi.Nerveuse,elles’acharnaitsurlalanièredesonsacàmain,sepassantenboucleslesmotsqu’elledésiraitluidire.Elles’embrouillait,pasvraimentàl’aise,etl’humeurmassacranted’Alnel’aidaitpasdutout.

—Vousfaitesuneerreur,majolie.Plusj’ypense,plusjesuiscertainqu’Aidans’enfichetantqu’ilpeutêtreavecvous.

—C’estpossible,maisjenesupporteraipassonsacrificeetencoremoinsdevoirdeladéceptionoudelapeinedanssesyeux.Jel’aimeaupointdem’effacerpourqu’ilaittoutcequ’ildésiredanslavie.

Ilmarmonnadanssabarbeetcontinuasaroutesansrelever.Aufond,Alsavaitqu’elleavaitraison,iltentaitjustedelaprotéger.Ilétaitcommeunpèrequis’inquiétaitpourelle,ellenepouvaitpasluienvouloir.

IlétaitcertainementlapersonnequiluimanqueraitleplusaprèsAidan.Sonami,sondeuxièmepère,Alavaitétégénialavecelle.Toujoursàl’écouteetdisponible,mêmeaubeaumilieudelanuit.

Ellesepenchaversluipourdéposerunbaisersursajoue.

—Tuasétémonangegardienpendantceslongsmois,jeneteremercieraijamaisassez.J’espèrequetuviendrasmevoiràOrlandoquandtuenaurasl’occasion.

—Plutôtdeuxfoisqu’une.JetiensàvisiterDisneyWorldaumoinsunefoisdansmavie!

Ellesortitdelavoiturelorsqu’ilsfurentprèsdubateau.LaCadillacn’étaitpaslà,elleétaitdoncarrivéelapremière.Celaluilaissaitletempspourunedernièrerépétition.

—Tupeuxyaller,jevaisl’attendresurlebateau.Jet’appellepourtedonnermadatededépart.

—Commevousvoulez.Boncourage,majolie.

Elleclaqualaportièreetavançajusqu’aupontonenbois.Lecadreromantiqueparfait,lieudeleurpremierrendez-vous,s’étalaitsoussesyeuxcommeaupremierjour.Ellesesouvenaitdelasensationqu’elleavaitéprouvéecejour-làens’approchantdelui,sisexydanssonjean,àl’aiselespiedsnus.Ettouscesmoispassésaveclui,danssonlitcommedanssesbras,cettepenséeluiéchauffaitlessens.Sepasserdeluirevenaitàdevoirsepasserdesessomnifères.Commentluttercontrecettenouvelleaddiction?

Ellecrutentendredubruitsurlebateau,aussisedirigea-t-elleverslui.Ilétaitpeut-êtrevenuàpiedspourprofiterdecettebellejournéeensoleillée.

EllefitunsignedelamainàAlquin’avaittoujourspasquittéleslieuxetgrimpaensetenantàlabarremétalliquedubastingage.

—Aidan,tueslà?l’appela-t-elle.

Commeilnesemanifestaitpas,elleentrepritdedescendrelesmarchesmenantàlacabinemaissursautaviolemmentquandelleseretrouvadevantlasilhouetteamaigrieetpâled’Ashley.

—Surprise!s’exclamalajeunefemme.Jepariequetunet’attendaispasàmevoir!

C’étaitlemoinsqu’ellepuissedire,ellelacroyaiteneffetbienauchauddanssonhôpitalpsychiatrique,àdesmilliersdekilomètres.Elleauraitdûsedouterdequelquechose,mais,troppréoccupéeparsondépartprécipité,elles’étaitjetéedanslagueuleduloup.Leloupétaitd’ailleursarméjusqu’auxcrocsetnes’encachaitmêmepas.

—N’aiepaspeurdelamort,luiditAshleyenagitantsonrevolver,ilyabienpire,crois-moi.

Ellelatiraparlamain,labousculantdansl’espaceréduitdelacabine.

—Assieds-toi!luiordonna-t-elle.

Rinan’avaitrienpoursedéfendreetellesavaitquelapersonnalitéinstabled’Ashleyneluipermettaitpasdeprendreunrisque.Allait-ellevraimentlatuer?Quipréveniretcomment?Elles’aperçutqu’ellen’avaitplussontéléphonedanslapochearrièredesonjean.Ilavaitdûglisserquandelles’étaitassisedansletaxi.Merde!Ellenevoyaitvraimentaucunmoyendesesortirdeceguêpier.

—Commentes-tuarrivéejusque-là?s’enquit-elleenespérantgagnerdutemps.

—Ilsm’ontlaisséesortir,jecommenceàconnaîtrelesystème,cequ’ilfautdirepourlesconvaincrequetoutestrentrédansl’ordre.Cen’étaitpasdifficile.

Eneffet,ellesavaitjouerlacomédieàmerveille,touspouvaientselaisserberner,mêmelesprofessionnels.Maisheureusement,Rinan’étaitplusdupe.Elleconnaissaitsonmanègedepuislongtemps.

—Qu’attends-tudemoi?

Ashleys’esclaffa,sonriresepropageadanslesboiseriesetfittremblerleverredeshublots.Puisellelaregardadetravers,touteexpressionpositiveécartée.

—Tuplaisantes,j’espère?Jetecroyaisplusintelligente,MadameleDocteur!Depuisledébuttunoussnobesavectesgrandsairs,maisj’avaisvuclairdanstonjeudèsledébut.J’avaisprévenulesfillesquetuétaismalsaine.Dèslepremierjour!

Ellel’avaitdoncpriseengrippedèssonarrivée,justeparcequ’elleétaitnouvelle.Vraimenttrèsmaturedesapart!

—Jenetevoulaisaucunmal,jet’assure!JenesavaismêmepasquetuétaisavecAidan,àl’époque.

—Menteuse!Tuesarrivéeavecl’intentiondemeleprendre!Jedoisdirequetuesunecoriace,jepensaisvraimentquelesrumeursetlesmessagesteferaientpartir.

Rinaclignadesyeuxplusieursfois,cherchantàcomprendrecequ’elleentendaitparlà.Avouait-elleavoirsaccagésonappartement?Écritlesmenaces?

—C’étaittoi?

—Exact,Sherlock.J’aiprisbeaucoupdeplaisiràvouloirtedétruire,maisçan’apassuffi,tut’esaccrochéeàvouloirrester.Tantpis,jesuiscertainequejem’amuseraiencoreplusentetuant.Jem’endélected’avance!Jeprendraimontemps,puisquej’aitantsouffertcesderniersmois.

Rinaretintsonsouffle,tentantd’analyserlasituation.Mêmesielleétaitdansunbourbiersansfond,ellenepouvaitpasselaisserfaire.Ashleyétaitimprévisible,maisdistraiteparmoments.Ellen’étaitmêmepasattachée,ellepouvaitsejetersurelleenécartanttoutdesuitesonarme.

Elleavisalajeunefemmequisouriaitetremettaitenplacesalonguechevelurecorbeau.Elletenaitl’armeàhauteurdesatête,c’étaittoutdemêmerisqué.Sielletirait,c’étaitlafin.

—Jesuisdésolée,s’excusaRina.J’aiprévudem’enaller,j’aidéjàfaitmesadieuxàpresquetoutlemonde.Laisse-moipartir,jetelaisselechamplibre.

—Lemalestfait,tuasdétournéAidan,ilnem’aimeplus.Jesaiscommentlefairerevenir.Situn’existesplus,ilneseraplustentédetefairereveniretdes’éloignerdemoi.J’aitoujoursfaitainsi.Lesproblèmes,jeleséliminedéfinitivement.

Rinaneputs’empêcherdesedemanderdequelsproblèmeselleparlait.Avait-elledéjàtuépour

écarterunerivale?Sonpèreavait-ilcouvertd’autrescrimes?

—Pourquoinepasaccepterlavietellequ’elleest?J’aiconsciencequ’ellenet’apassouritouslesjours,maisc’estcommeça.Onnemaîtrisepastout.

—Tagueule!Tunesaisriendemavie!Tum’aspriscequirestaitdebiendansmavie,rienquepourçatuvasdevoirpayeraveclatienne.

—Aidannetelepardonnerapas,ilt’envoudra.

—Quisauraquejesuisresponsable?Papam’aidera,ill’adéjàfaitquand...

Elles’arrêtabrusquementetpinçaleslèvres.Elleavaitfaillirévélerquelquechosed’intéressantqu’elleavaithâtededécouvrir.

—Tuasraison,tuesplusfortequemoi.C’estbienpourçaquejepréfèrem’enaller.Jenereviendraipas,c’estfiniavecAidan,tupeuxdemanderàquituveux,àLucymême,jecomptelequitteretnepasmeretourner.

—Biententé,maisjen’aiaucunegarantiequetunereviendraspasmettretongraindeseldansnosviesd’iciquelquesannées.Lève-toi!

Rinaobéitsanslâcherlerevolverdesyeux,lesjambestremblantes.Ashleyétaitdéterminéeàlafairedisparaître.Oùallait-ellel’emmener?Etcommentsedébarrasserd’ellesansrisquerdesefaireenvoyersousterre?

—Rina?Vousêteslà?

Lavoixd’Allessurprittouteslesdeux.Rapide,Ashleyseplaçaderrièreelle,portantsonbrasautourdesoncouetplaçantsonarmesursatempe.

—Unseulgesteetjel’envoieenenfer!menaça-t-ellequandlasilhouetted’Alfutvisibledansl’escalier.

L’hommesursautaetcessatoutmouvement,regardantRinadanslesyeux.Sajeuneamieylutdelatristessemaisaussidelacolère,commes’ils’envoulaitdenepasêtreintervenuàtempsouden’avoirprévenupersonne.D’ailleurs,quefaisait-ilencorelà?

—Tuenasdesamis!s’exclamaAshley.Dommagequecelui-cinevivepasassezlongtempspourtesauver.

Surcesmots,ellepointalecanonendirectiond’Alettiradanssapoitrine,neluilaissantaucunechancedes’enfuiroudes’expliquer,nimêmedenégocier.Rinacouvritsabouchepournepashurler,alorsquec’étaittoutcequiluivenaitàl’esprit.L’effroisepeignaitsursestraitsalorsqu’ellevoyaitAlétendusurlesoldelacabine,totalementinerte.

—Pourquoituasfaitça?éructaRina.Iln’étaitpasmenaçant,iln’avaitpasd’arme!

—Ilauraitpumedistraire,c’étaitunmotifsuffisantpourl’éliminer.Allez,avance!

Ashleylapoussaàmonterlesmarches,ellesfurentbientôtsurlepontoùRinafutcontraintedes’asseoirprèsdelabarre.Àl’aided’unecorde,sonanciennecamaradenetardapasàluiligoterlesmainsderrièreledos,serréesaupointd’avoirlacirculationdusangcoupée.Soustoutevraisemblance,ellecomptaitl’emmenerfaireunebaladeavantdelatuer.

—Tuescomplètementfolle!criaRina.Etdirequ’audébutjeprenaistadéfense!J’étaisprêteàtoutpourt’aider!

—Jen’avaispasbesoind’aide,toutcequejevoulaisc’étaittefairefuir.Maistuesrestéemalgrétout.Tuavaisunechancedet’ensortir,tul’asgâchée.Tantpispourtoi!

Rinanesavaitplusquoifairepoursesortirdecemauvaispas.Ellenepouvaitplusbouger.Gagnerdutempsluisemblaitdérisoire,elleavaitpeud’espoirqu’onvienneàsonsecours.

—Tonpèreestàl’étranger,commentpourrait-ilintervenird’aussiloinpourtedisculper?Tuvasfinirtesjoursenprison,Ashley.Personnenecroiraplusàuncomportementirresponsable.Tuasfaittropdemal.

Ashleysemblaitsurlepointdesangloter,sesyeuxbrillaientdelarmesetdecontrariété.Rinadoutaitqu’elleaitpenséàtouslesdétailsqu’impliqueraitsadisparition.ElleseraitforcémentlapremièrepersonneàlaquelleAidanouLucysongerait.

—Tum’asprisAidan,alorsquej’avaistoutfaitpourqu’ilnes’éloigneplusdemoi.Tuastoutgâché!

—Dequoituparles?Tul’aséloignétouteseule,ilnet’aimeplus!C’estçaquetuveux?Unevieentièreavecquelqu’unquitedéteste?

—Ilnemehaitpas!Tumens!

—Malheureusementnon,ilestrestéavectoiuniquementparcequ’ilsesentaitcoupabledelamortdeNoah.

Ashleybonditalorssurelle,laissanttomberl’armeàsespieds.ElleportasesmainsaucoudeRinaquibasculasouslapressionetperditlesouffle.Lajeunefemmefermalesyeux,attendantquelamortladélivredeladouleur.Pluslesdoigtsd’Ashleyseresserraientautourdesatrachée,plusellesentaitvenirlevertigequilaconduiraitdel’autrecôté.C’étaitsondestin.Avoirétéàdeuxdoigtsdubonheuretd’unefamillereconstruite…Etlavies’échappait.

22Aidanavaitenfreintpasmoinsdedixloisàborddesavoitureenmoinsdedixminutes.Lavitesse

ougrillerlesfeuxdecirculationétaientlecadetdesessoucispuisquesoncœuravaitcessédebattrelorsqu’AlavaitdécrochéletéléphonedeRinaetrévéléqu’elleavaitrendez-vousavecluisurlebateau.

Sansattendre,ilavaitdémarrélaCadillacetquittélabaseaveclapeurbrisantsesentrailles.Quelquechoseluidisaitqu’Ashleyn’étaitpasétrangèreàcela.SielletouchaitàuncheveudeRina,ilétaitcapabledupire!

Ilarrivarapidementsurleslieux,trouvantletaxid’Alabandonnéalorsqu’illuiavaitconseillédeneriententeretdel’attendre.Iln’avaitplusseulementpeurpourRinaàprésent,maisaussipourcethommecapabledetoutpoursauverlajeunefemme.

Laissantlavoitureàsontour,ilcourutjusqu’àl’embarcationetgrimpasurlepont.Ilnelesvitpastoutdesuitemaisentenditungémissementainsiquelavoixfeutréed’Ashley.Ils’approchadoucement,surprenantalorslascènequilefitvaciller.Sonex-fiancéetentaitd’étranglercellequ’ilaimait,toutcelaparcequ’ilavaitunjourdécidédesedéfairedesonemprisemalsaine.

—Lâche-la!luicria-t-il.

Soninterventionlafitsursauter.Ellelecherchadesyeuxetlefixaavecautantd’étonnementquedeplaisirdeleretrouver.

—Aidan,enfin!

Ellelâchasapriselentement,serelevantpourveniràluietsejeterdanssesbras.IllalaissafairesansquitterRinaduregard.Ellesuffoquaitetseredressaittantbienquemal,maisellesemblaittenir.Ilmouraitd’enviedefairelamêmechoseàcellequisanglotaitcommeuneenfantdanssesbras.Ilseretenaitdelapasserpar-dessusbordoudelanoyer.Ilétaittellementencolère!S’ilétaitarrivétroptard...Oumêmes’iln’avaitpaseul’idéedetéléphoneràRina,ill’auraitsansdouteperdueàtoutjamais.

—Pourquoi,Ashley?Pourquoitun’acceptespasquecesoitfini?

Lajeunefemmeplantasesyeuxlarmoyantsdanslessiens,suppliante.

—Jet’aimetant!Jenesuisriensanstoi.Jem’ensuisrenducomptetroptard...Jesuisdésolée.

C’étaitlapremièrefoisqu’elles’excusait.Était-ceencoreunetentativedemanipulation?Avecelle,iln’étaitplussûrderien.Elleluiavaittantmentiqu’iln’osaitpluscroireensesmots.Iltentadelarassurerpourcalmerlemal-êtrequ’elleexprimait,enespérantqu’ilpourraitvitelarameneràl’hôpital,làoùelleavaitsaplace.Ilétaitdéterminéàenfairesarésidencepermanente,c’étaitlemieuxpourelle,pourtoutlemonde.

—Jesais,Ashley,toutaétésidurpourtoicesdernièresannées.J’aifaitdumieuxquej’aipu,jet’assure.Maisj’aimequelqu’und’autre,désormais.

—Non!Tucroisquetul’aimes,maisenréalitétuasétéaveugléparcettefilledepuisledébut.Ellet’amislegrappindessus,ellem’aécartéedetavieentemanipulant!

Ilétaitclairàsesyeuxvidesqu’elleétaitencoredansunecrise.Passagèreounon,ellepouvaitdégénéreràtoutmoment.

—J’aitoutfaitpourtoi,pourtegarder.J’aifaitdeschoses...ettoitucontinuesdemetournerledos!

—Jesuisnavré,Ashley,je...messentimentsontchangéilyatrèslongtemps.

—C’estàcausedeNoah,c’estça?Tuasarrêtédem’aimerquandilestmort.Tessentimentssontmortsaveclui.

—Détrompe-toi,ilsétaientdifférentsavantmêmesanaissance.Tuaschangébienavanttoutça,tulesais.

Elleseremitàsangloterdeplusbelleens’accrochantàsonT-shirt.Ileutuninstantpeurqu’ellenepuissejamaiss’arrêter.Maissadouleurl’émouvait,c’étaitplusfortquelui.Ilsavaientperduleurenfant,leurbébésifragileetellel’avaittoujoursrenduresponsabledecequiétaitarrivé.

—Jem’envoudraistoutemavie,dit-il,lavoixchevrotante.

—Moiaussi,parcequ’aufinaltun’espasrevenuversmoicommejel’espérais.

Alorsqu’ilfixaitRinapourpuiserenelleduréconfort,ilperçutdanssesyeuxl’horreuretcompritqu’ilyavaitsansdouteunsenscachédanscettephrase.

—Ashley...Qu’est-cequejedoiscomprendre?

Lajeunefemmerestaitlenezenfoncédanssontorse,toujoursenproieauxlarmes.Plusilcogitait,plusilcraignaitdedécouvrirunevéritédontilnevoulaitpasetquiluisemblaitimpossibleàcroire.

—Ashley,qu’est-cequetuasfait?insistaAidan.

—Je…jenevoulaispas…C’étaitplusfortquemoi…

Ilseforçaàrespireralorsmêmequel’airn’entraitplusdanssespoumons.

—Iln’yenavaitquepourlui,tunemeregardaisplus.Jecroyaisques’iln’étaitpluslàtufiniraisparrevenir,parteraccrocheràmoi…

Illarepoussabrutalementpourlaregarderdanslesyeux,ycherchantlavéritableréponse.Mêmes’ilavaitmalheureusementdéjàcomprisqu’elleétaitfinalementresponsabledelamortdeleurfils,ilavaitladésagréableimpressiondeflotterdansunbrouillardempoisonné.Ilneparvenaitplusàrespirer,oppressé.Ilavaitjusteenviedelasecouer,deluifaireautantdemalquecetteperte

douloureuseluiavaitfait.

Lapitiés’enétaitallée,iln’enéprouvaitplusdésormais.Enladévisageant,ils’aperçutqu’elleneluiinspireraitplusquedumépris,delahaine.Cettefemmel’avaitbousilléau-delàdesmots,elleluiavaittoutvolé:dixansdesavie,sonpetitgarçon,saliberté.Ilétaitévidentqu’ilnepourraitjamaisluipardonner.

Sanspouvoircontrôlersongeste,illasaisitparlescheveux,luiarrachantungémissement.

—Tumefaismal!hurla-t-elle.

—Parcequetunem’enaspasfait?Putain,tuastuénotrefils,unbébésansdéfense!Commenttuaspufaireunechosepareille?Tuétaissamère,tonsangcoulaitdanssesveines…

Ellesanglotaitentresesmainsmaisilignoraitsielleavaitencoreuneoncedeconscienceenelle.Sesouvenait-elleseulementdelafaçondonttoutcelaétaitarrivé?Commentelleenétaitvenueàcommettrecegesteaffreux?

Ilnesavaitplusquoidireniquoifaire,cettefemmeétaitperdue.Ellepasseraitcertainementlerestedesavieenfermée,soitdansuncentrepourdéséquilibrés,soitenprison.Etcetteperspectivelerassurait.Ainsi,elleneferaitplusdemalàquiconque.Ilyveilleraitpersonnellement.

Rinaassistaitàlascènepresqueirréellesansesquisserdemouvement.Pendantqu’AidanlivraituneAshleysurvoltéeauxforcesdepolice,elleobservaitàtraversseslarmesl’équipemédicaletentantderéanimerAl.Elles’affairaitdepuisplusdedixminutes,maisellevoyaitbienqu’ils’étaitvidédesonsangetqu’ilsnepourraientrienfairedeplus.

Ilavaittentédejouerleshéros,toujoursprêtàl’aiderquoiqu’ilarrive.Ill’avaitaujourd’huipayéavecsavie.Cen’étaitpasjuste,ilneméritaitpasdefinirdecettefaçon.

Ellesuivitdesyeuxlemédecinquirecouvraitlecorpsd’Aletleplaçaitàl’arrièredel’ambulanceavecsoncollègue.Elledevaitl’accompagnerpourcederniervoyage,commeill’avaittoujoursfait,commeill’auraitfaitpourellesielleavaitétéàsaplace.Peut-êtremêmeavait-ilempêchéqu’elleneseretrouveàcettemêmeplace.IlavaitdistraitAshleyquelquesprécieusessecondes.Cessecondesluiavaientprobablementsauvélavie.

Ellegrimpaàl’arrièreduvéhiculemédical,pritlamaind’Aldanslasiennesanslalâcherjusqu’àleurarrivéeàl’hôpital.

—Jesuistellementdésolée,Al,murmura-t-elleendéposantunbaisersursamainraide.

Là-bas,elleselaissaballoter,totalementperdue.Quedevait-ellefaire,maintenantqu’ilavaitétéemmené?Attendrelavenuedesafemme?Repartir?

Elleétaitseule,assisedanslasalled’attente,commesiellequêtaitdesnouvelles.

Lavien’avaitaucunsens,aucunfilconducteur.Pourquoirappelerl’êtreleplusgentilalorsqu’ellelaissaits’entirerceuxquiprenaientplaisiràfairedumal?

Ellesentitquelqu’uns’asseoirprèsd’elleetluisaisirlamain,frottersesdoigts.CecontactluirappelaitAidan.Enlevantlatête,ellelevitquitentaitdeluiadresserunsourireforcé.Cettejournéeavaitétééprouvantepoureuxdeux,ellenesevoyaitdécidémentpassonnerlecoupdegrâceenluiavouantqu’ellenevoulaitplusdelui,surtoutqu’elleéprouvaittoutlecontraireencetinstant.Ellen’avaitjamaiseuautantbesoindelui,réalisa-t-elleencroisantfermementsesdoigtsaveclessiens.Elleposasatêtesursonépauletandisquedeslarmesdévalaientsesjoues.

—Jevaisattendresafemme,luidit-ellefinalement.Elledoitsavoirquelhommemerveilleuxelleaépousé…

Rinafixaitl’écrandesonsmartphoneoùlesmotspresqueindifférentsenvoyésàAidanlematinmêmerestaientimprimés.Ilss’étaientàpeineparlédepuiscinqjours,refusantmêmequ’ill’accompagneàl’enterrementd’Al.

Elleenrevenaitjustementaprèsavoirprésentéànouveausescondoléancesàsafemmeetaurestedesafamille.Ellenes’étaitpaséternisée,nesupportantpasl’impressioncoupablequinelaquittaitplusdepuiscejouroùilavaitperdulavieenvoulantluiapportersonaide.

Elleentenditlespasd’Aidanlarejoignantdansleparcoùelleluiavaitdonnérendez-vous.Elleavaitchoisiceterrainneutrepourluifairesesadieux,c’étaitplusfacile.Puiselles’enirait.Elleavaitfaitsesadieuxauxfilles,sesbagagesl’attendaientdanssachambre,sonbilletd’avionposésurlelit.Unenouvelleviel’attendait,elleallaitbientôtpouvoirlaisserderrièreelletoutcequifaisaittropmal:laperted’Al,sesprojetsd’avenirréduitsencendres,Aidan…

—Salut,prononça-t-illentement.

Quandilsepenchapourl’embrasser,ellereculad’unpas.

Àlaminequ’elleaffichaitetladistancequ’elleimposaitdepuisdesjours,Aidancraignaitlepire.Elleluisemblaitamaigrie,triste.Larobenoiretrèsstrictequ’elleportaitaccentuaitlamorositédesestraits.Ilavaitjusteenviedelaprendredanssesbrasetdel’ybercer.

Certeselleavaitenchaînélescoupsdurscesdernièressemaines,maisilnecomprenaitpasqu’ellepuisselerejeter.Iln’avaitjamaiseul’intentiondes’éloigner,ilsavaitqu’ilpouvaitpuiserenellelesforcesnécessairespouravancer.Ilsn’avaientjamaisétéaussifortsensemble,ilspourraientsurmontercesépreuvescommeilsenavaientdéjàtantaffronté.

—Jem’envais,luiannonça-t-ellesoudainsansymettrelesformes.

Alorsqu’iltentaitànouveauderéduireladistancequ’elleimposaitentreeux,ellefitunnouveaupasenarrièreetlevalesmainsverslui.

—Laisse-moifinir,s’ilteplait,l’implora-t-ellesansmêmeleregarder.

—Jesensquecequetut’apprêtesàmedirenevapasmeplaire.

Ilenfutcertainaumomentmêmeoùelleplongeasonregardéteintdanslesien.Ellecherchaitsesmots,déboussoléeetenmêmetempstellementstoïquequ’ilavaitenviedelasecouerpourluirappelerqu’ellesedevaitd’éprouverquelquechose.

—Jesuisdésolée,s’excusalajeunefemme.J’aiprismadécisionilyaplusieursjours,jenepeuxpasrester.

—Trèsbien,jecomprends.Laisse-moiréglerçaaveclecommandantetjetesuis.

—Non.

Frappéparsontonsansappel,ils’avançafinalementverselleetl’obligeaàleregarderenfaceensaisissantsonmenton.

—Qu’est-cequetuessaiesdemedire?

—Jetequitte,Aidan.C’estterminé.

Sisesparolesétaiententraindemettrefinàleuridylle,soncorpsfrissonnantetsesyeuxlarmoyantsleréclamaientaupointdefairenaîtreuneincompréhensiontotaledanssonesprit.Elleavaitdécidécelasuruncoupdetête,balayantd’unsimplereversdelamaintousleursprojetsd’avenir.Quefaisait-elledeleurspromesses?

—Tuabandonnesencoreunefois.Tunemelaissespasprendresoindetoi,alorsquejet’aifaitlapromessed’êtretoujoursàtescôtés.Nousavonsfaitdesprojets,Rina,nousallonsnousmarier,fonderunefamille…Tuespeut-êtremêmedéjàenceinte…

Ellesecoualatêteetreniflaalorsquesesjouessecouvraientunpeuplusdelarmes.

—Iln’yapasdebébé,Aidan.Etiln’yenaurajamais.

—Onréessaiera,nesoispassinégative.C’estbienconnu,quandondésirevraimentunbébéc’estlàqu’ilmetdutempsàsedécider…

—Tulefaisexprèsouquoi?s’écria-t-elle.Jenepourraipasportertesenfants,jesuisstérile!

Àcetteannonce,illalâchaetrestaplantédevantelle,paralysé.

—Jel’aiapprisjusteavantderepartirpourOrlando,continuaRina,c’estd’ailleurscequim’amotivéeàrécupérerFaith.Jeveuxmebattrepourelle,avoirunechancedefairepartiedesavie,alorsjerefused’êtredistraite.Jeneveuxpaslamoitiéd’uneexistenceavectoi,pleinederessentimentetdefauxespoirs.C’estpourquoij’aidécidéqu’ilétaitmieuxpournousdenous

séparer.Jeneveuxpastepriverdecebonheurauqueltutienstellement.Commetulevois,jenefuispas,jesuissimplementhonnête,cettefois.

—Merciinfiniment,c’estsûrquetafranchisemefaitunbienfou!cria-t-il,sarcastique.

—Crois-moi,c’estmieuxpournousdeux,conclut-elleendéposantunbaisersursajoue.Prendsbiensoindetoi.

Ellecommençaàs’éloignersansd’autresmots,mettantuntermeàleurrelationcommeonsedébarrassed’undocumentembarrassant:aussirapidementquepossible.Iln’auraitpaseuplusmalenpassantparladestructriceàpapiers…

C’étaitladeuxièmefoisenmoinsd’unanquecettefemmeledémolissait,etpourtantilnesouhaitaitpersonned’autrequ’elle.Elleétaitsafamille,sonancre,sonportd’attache,iln’avaitbesoinderiend’autreetilallaitluiprouverquesonamourpourelleétaitinconditionnel.Peuluiimportaitqu’ellepuisseounonluidonnerdesenfants,aprèstoutilexistaitdesalternativess’ilsdésiraientagrandirleurfamille.Était-cesicruciallafaçondontilsyparvenaient?

Ilserenditcomptequ’elleavaitdéjàdisparuaumomentoùilvoulutluiemboiterlepaspourlarattraper.Secoué,ilavaitprisletempsd’analysersesparoles,defairelevide,maisiln’allaitpasabandonner.

Quandilarrivaàproximitédelarésidence,ilremarqualetaxistationnantdevantetsonchauffeurfumantunecigarettepostécontrelaportière.Quelquessecondesplustard,ilvitRinasortirdubâtiment,traînantdeuxvalisesderrièreelle.Ellepartait,ellelequittaitvraimentpourdebon…

Ilcourutàsarencontre,maisellefermaitlaportearrièredelavoiturelorsqu’ilparvintàsahauteur.Ilsoudasonregardausien,maisellen’esquissapaslemoindregeste,pasmêmeouvrirlavitrepourluidireunderniermot.Seslèvresbougèrent,sansdoutepourintimerauchauffeurdesemettreenroutepuisqu’ilss’éloignèrentrapidement.

Ill’avaitperdue,ànouveau.Etilavaitcommel’impressionqu’ellenesouhaitaitsurtoutpasêtrerattrapée.

S’ilavaitmisdutempsàélaborerunplantenantlaroute,Aidanétaitcertainaujourd’huid’avoirtrouvécommentlareconquérir.Sapermissionenfinacceptée,ilremplissaitàprésentsavaliseàlava-viteaveclafermeintentionderejoindreOrlandoparlepremieravion.

—Tuesvraimentsûrdetoi?questionnaLucypourladixièmefoisdepuisqu’elleétaitentréechezluipourluifaireentendreraison.C’estunpeuprécipité,commedécision.

—Çafaitunmoisquej’yréfléchis.J’aieuletempsdepeserlepouretlecontre.Elleaeupeurquejel’abandonne,jedoisdoncluiprouverquejenesuispascegenredetype.

Assisesursonlit,sameilleureamiefinitparacquiescertoutenbalançantsesjambes.

—Ettureviensquand?

—Dansunesemaine.Maissi,commejel’espère,ellenousredonneuneautrechance,jedemanderaidèsquepossibleuntransfertsurlabasedeHulburtField.

Elleouvraitlabouchepourluirépondrelorsqu’onfrappaàsaporte.Unsoldatleurannonçaquelecommandantsouhaitaittouslesréunirpourleurcommuniquerunfaitimportant.Intrigués,AidanetLucylesuivirentjusqu’aurez-de-chausséeoùl’unitéétaitrassemblée.LecommandantremplaçantGordon,contrairementaugénéral,étaitunhommeprofessionnels’entenantauxfonctionsconféréesparsongrade.S’ilétaitloind’avoircréédesliensd’amitié–aprèstoutcen’étaitpassondessein–,leshommeslerespectaient.C’estpourquoipersonnenesemblaitavoirvoululefaireattendre.

D’unsignedelamain,ilordonnalesilencequisuivitenmoinsdedeuxsecondes.

—Jesuisnavrédevousdérangeràuneheureaussiavancéedelasoirée,s’excusa-t-il,ilm’anéanmoinsparuprimordialdevousinformerquelegénéralGordonvenaitd’êtrearrêté.IlestenroutepourWashingtonàl’heureactuelledanslebutd’éclaircirleschefsd’accusationpesantsurlui.L’inspectiongénéralerecherchepourcelatoutepersonnepouvanttémoignerpouroucontreluidansdesfaitsdeharcèlement,dechantageouencoredecorruption.

Tandisquelesmessesbassesallaientbontrain,Lucysetournaverslui,catastrophée.

—Tucomprendscequisepasse?

Commeilacquiesçait,elleluiassénauncoupdecoudedanslescôtes.

—Putain,tuasosé!Tuterendscomptequeçaauraitput’exploseràlagueule?

—Eh,doucement!Çafaitunmomentqu’onattendaitça,non?J’aijustefaitmonenquêtedemoncôtésurcertainspointsobscursetenvoyéundossierbienépaisauxaffairesinternes.J’aifaitmondevoirdecitoyen.

Undevoirqui,effectivement,auraitpuseretournercontrelui.Ilavaitcependantétésuffisammentprudentpouradressersessourcesdemanièreanonymeauserviceconcerné,aucasoùl’agentchargéd’étudierledossierseraitducôtédeGordon.Cetypeavaitbeaucoupd’amisetdescomplicesàchaquecoin.Toutefois,pasencoreassezpourêtreépargné.

—Jesavaiscequejefaisais,luiassura-t-il.Celafaitdesannéesquejetentedemedébarrasserdelui,j’airassemblépetitàpetitdequoilefaireplonger.Personneneleregrettera.

Uneheureplustard,Lucyétaitdanssesbrasdevantlarésidenceetluidisaitaurevoir.Avantdemonterdansletaxiquil’attendait,Aidandéposadesclésdanslapaumedesamain.

—Jetelaissemavoiturependantmonabsence.Maispasquestiondelaprendrepourunwagon-litoumonfrèreettoiallezm’entendre!

—Net’inquiètepas.Jenecomptelaisseraucunetrace…

Commeiléclataitderire,ellefitsauterlesclésdanssamainetlesrangeaensuitedanslapochedesontreillis.

—Jevoisquejet’aibienéduquée,constataAidan.Veillesurmonfrère,jesuisdésolédenepasêtreprésentpourvousaideràemménagermaisjepenseraiàvous.

Ilouvritlaportièrearrièredelanavetteàdestinationdel’aéroport.

—Dépêche-toidefiler,luiintimaLucy.N’oubliepasdeluidirecombienellenousmanque.Etàdéfautdelaramener,j’espèrequeturéussirasàlafairechangerd’avis.Etdirequejenevousdonnaispasdeuxsemaines!J’aieutort,jem’enveuxterriblement…

Ildéposaunebisesursajoueetgrimpaensuiteenvoiture.

—Réservetondernierweek-enddeseptembre.

—Enquelhonneur?Jedoisprévoiruntrucenparticulier?

—Entraîne-toiàrattraperlebouquet…

—Jenepeuxpast’accordercequetumedemandes,refusacatégoriquementLydia.Faithn’estmêmepasaucourant!

—Jet’enprie,insistaAidan,c’estlaseulefaçonquej’aitrouvéepourramenerRina.Detoutefaçon,ilseraittempsdeluidire,vousnecroyezpas?

Sonfrèreetsafemmerestaientimperturbablesdansleursofa.IlsavaitqueMatthewauraitpuaccéderàsademande,maisc’étaitsanscompterl’entêtementdesafemme,peuenclineàvoirsafilled’adoptionluiéchapper.Ellel’avaitélevéeenpensantqu’elleétaitsapropreenfant,celasecomprenait.Cependant,ellen’acceptaitpasquesasœurreprennesesdroitsetsebattaitpourquetoutresteàl’identique.

—Lydia…tentad’intervenirNancy.

Samèreaussisemblaitserallieràsacause,ilnerestaitdoncplusqu’àlaconvaincre.

—Faithestenâgedecomprendre,continua-t-elle.Rinaasuffisammentétéprivéedesafille,tunepensespas?Elleapayécherseserreurs.ParleàFaith,ellet’aideraàprendretadécision.

—Jesuisdésolée,Aidan,s’excusasabelle-sœur,maisj’aiencorebeaucoupdemalàmefaireàcettesituation.Jenesuispasprêteàlalaisserpartir.Faithestencoremapetitefille,tucomprends?Pourl’instant,Rinan’estqu’unemèrebiologique,alorsquejel’aiaiméeetélevéechaquejourdepuissanaissance.

IlavaitconsciencequeLydian’arrivaitpasàfaireledeuildesavieavecFaithnimêmedecetenfantqu’elleavaitperdusansmêmelesavoir.Aussidécida-t-ilàcetinstantdeneplusquémander.Commeelle,ils’efforceraitdecontinuersavieluiaussi.PuisqueRinarefusaitderépondreàsesappelsdepuisunmois,illuifallaittournerlapagepourdebon.Ilavaitaumoinsessayé.

—Trèsbien,jecomprends.

Ilselevapourarpenterlesalon,àlarecherched’uneéventuelleidée.IlvitalorsFaithtentantdesedissimulerderrièrelemurdébouchantsurlehalldelamaison.

Sansdouteparcequ’elleavaitétérepérée,ellesortitdesacachetteets’avançaversLydia.Elles’assitàcôtéd’elle,luiprenantlamain,commepourlarassurer.

—Racontez-moi,s’ilvousplaît.

Pendantdelonguesminutes,Aidanrestaimmobileàlesobserver,écouterLydiaetsonfrèreexpliquerlasituationàlajeunefilleenymettantlesformesafindelapréserverlepluspossible.Ellesemontraforte,nelesinterrompitpas.Cettegamineavaitducran,comprit-il.Elletenaitcertainementceladesamère.

Lorsquesabelle-sœureûtterminé,elleouvritenfinlabouche.IlavaitpeurqueFaithrefuseRina,mêmes’ilétaitpeuprobablequ’ellearriveàacceptersifacilementl’apparitiond’uneétrangèredanssavie.Quiplusest,cettemêmepersonnequ’onvoulaitluiflanquercommenouvellemaman.Pourtant,ellesetournafinalementverslui:

—SiMamanestd’accord,jeveuxbient’accompagner…

L’aménagementdesamaisonprenaitdutemps,bienplusqu’ellenel’avaitimaginéquandelleavaitsignélebail.Elleavaitaussiplusd’affairesqu’ellenelepensait,bienquelamajeurepartiedesesobjetssouvenirsaitfiniaufinfonddugarage,démodéeouinutile.

Ellebataillaitavecleplaidachetélematinmêmeetquinevoulaitpasresterenplacesurlecanapé.Ilglissait,peuimportecommentelleleplaçaitsurledossier.Ellefinitparenavoirassez,lerepliaetlelaissaenplansurunfauteuil.

Danssapetitecuisine,elleouvrituncartonpleind’ustensilesqu’ellenepouvaitmêmepasnommeretentrepritdelesrangerdanslestiroirs.

Elleavaitàpeinemisenplacelesfourchettesetcouteauxquelasonnetteretentitdanstoutlerez-de-chaussée.Aumoins,ellenepourraitjamaismanquersesvisiteurs,constata-t-elleenouvrantlaporteàlavolée.

ElleseretrouvafaceàAidan,lecœurbattant.Sesjouesrosirentinstantanément,cettevision

l’empêchantmêmedeprononcerunmot.

—Tuasl’airenforme,lasalua-t-ilensouriant.Tuesmagnifique.

Elles’empourpraencore,tirailléeentresonenviedeluiclaquerlaporteaunezetcelledesejeterdanssesbras.

Ilétaitsuperbe,luiaussi.Ilsouriaitcommetoujours,ellesentitsoncœurfondrechaquesecondepassant.

Ilrestaitsurlepasdelaporte,lesmainsdanslespoches,sanschercheràlatoucher,alorsquesesdoigtsladémangeaient.

ElleauraitaimétirersursonT-shirt,lefaireentreretluidirequ’elleavaiteutort.Pourtant,elleressassaitsesdernièresparolesetsavaitqu’elleavaitfaitsonchoix.Difficile,incompréhensiblepourcertains,maisréfléchi.

—Qu’est-cequetuviensfaireici?Commentm’as-tutrouvée?

—J’aisoudoyéMatthewpouravoirtonadresse.

—Jem’ensouviendrai,marmonnalajeunefemmeencroisantlesbras.

—Neluienveuxpas,j’avaisunebonneraison.Jenesuispasvenuseul.

Ellearquaunsourcil,légèrementsuspicieuse.Queluipréparait-il?Ilétaitforcémentlàdansunbutprécis,étantdonnéelamanièredontelleavaitmisuntermeàleurrelationunmoisplustôt.Àmoinsd’êtremasochisteetprêtàsefairejeterànouveau,ilavaitsûrementunbonprétextepourluirendrevisite.

IlsetournaverssaCadillacgaréedevantlapetitecourdelamaison.RinavitalorsFaithensortirets’approcheràpashésitantsjusqu’àeux.

—Bonjour,dit-elled’unevoixincertaine.Ilparaîtquetuesmavraiemère?

Surprise,Rinacherchadesréponsesdansleregardd’Aidanquihaussalesépaules.PlutôtquedeperdresontempsàbafouilleretàchercherquoirépondreàFaith,elleopinaenluisouriant.

—J’aiunpeufaim,enchaînalajeunefille,tuasquelquechoseàgrignoter?

—Euh…oui,biensûr,entre.Lacuisineestsurtagauche,lefrigoestplein.

Ilslaregardèrentseprécipiterdanslamaisonàlarecherched’unencas.RaviequeFaithveuillesefamiliariseravecleslieuxetluiéviteunelonguediscussionembarrassante,ellesoufflaunboncoup.Lamaind’Aidanseposasursonépaule,lacaressantjusqu’àl’avant-bras.Cecontactluifitunbienfou.

—Mercidel’avoiramenée…Maispourquoiavoirfaitça?

—Larouteestencorelonguepourvousdeux,maispaspournous.Jevoulaisteprouverquejen’avaisbesoinderiend’autrequedetesavoirheureuse.

Illuipritlamainetlatiralentementverslui,prêtàsaisirl’instantoùelleabandonneraitsesréservespourlaprendredanssesbras.

—Jenerenoncepas,jeveuxpassermavieavectoicarc’esttoiquej’aichoisie.Jet’aime,Rina.Mieuxvautunevielongueetmerveilleuseàtescôtés,rienquetouslesdeux,plutôtqu’uneexistencemornesanstoi…

Ils’apprêtaitàargumenterencore–ilavaittellementdechosesàluidire!–,maisellelesurpritensejetantsursabouche.

Nulbesoind’autresmotspourlapersuaderqu’ilétaitl’hommedesavie,ellelesavaitdepuisdesmois.Elleavaitsimplementététropstupidepours’enrendrecompte.

—Tuasraison,finit-elleparavouerlorsqu’ellelerelâchaenfin.Grâceàtoi,aujourd’huij’aitoutcequej’aitoujoursvoulu.Exceptéunechose.

—Ah,etquoidonc?

—Unmari.

—Oh…Jevois.Onvaviteréparerça…

ÉpilogueAéroportd’Orlando,troisansplustard

—Allez,dépêche-toi,l’avionaatterriilyadéjàcinqminutes!

Rinasemouvaitcommeellelepouvait,tiréeparlamaindeFaithquiladépassaitdequelquescentimètresdepuislemoisprécédent.Ellesourit,lecœurgonfléd’amour.Lajeunefillesetournaverselle,sourianteettoutexcitéeparlesretrouvaillesàvenir.Ellel’étaitpresqueautantqu’elle-mêmeaprèscetteséparationdesixmois.Sixmoisinterminablesdeconversationstéléphoniquestroprapides.Elleavaitplusquehâtederetrouversonmarietdel’étreindreàleurencouperlesouffle.

—Jesuissûrequ’ilestdéjàsorti,vite!

—Passivite,Faith!Jepeuxàpeinemettreunpieddevantl’autresanstomber.

Safillepassasonbrassouslesienpourlasouteniretl’aideràavancerdanslehalldel’aéroportquigrouillait.

—J’aihâte!s’exclamaFaith.Ilvatomberàlarenverse!Ilvaflipper,c’estclair!

Rinaespéraitquenonmaissouritnéanmoins,presséeelleaussidedécouvrirsaréaction.Ilsavaienttellementespéréquecejourviendrait!Elleétaitimpatientedeluimontrerqu’ilsavaientréussi,qu’ilsavaienteuraisondepersévérer.

Elless’arrêtèrentdevantl’écranannonçantquelevolavaitatterriàl’heure.

—Iln’yaplusqu’àl’attendre,tuvoisqueçaneservaitàriendecourir!

Faithsautillaitlittéralementprèsd’elle.Parchance,leretourd’Aidanintervenaitpendantlasemaineoùelleenavaitlagarde.Lydiaetelleavaienttrouvéunboncompromisetsepartageaientéquitablementlagardedelajeunefille.Puisqu’ellesvivaientdanslamêmeville,c’étaitpratique.Faiths’étaithabituéeàlasituation,mêmesielleavaittendanceàvouloirluirendrevisiteplusqu’elleneledevait.Aucoursdestroisdernièresannées,ellesavaientbeaucoupévoluéensemble,etmêmesiellesn’avaientpasunerelationmère-filleàproprementparler,ellesserapprochaientl’unedel’autreaupointdes’appelerous’envoyerdesmessagestrèssouvent,unpeucommeleferaientdeuxamies.

—Jelevois!s’écriaalorsFaithens’élançantverslui.

Rinalaregardasefondreàtraverslafoule.EllenedistinguaitquepartiellementAidan,lescouleursdesontreillisetsacasquette,ainsiquesesplaquessebalançantsursontorse.Ellesepenchaenespérantapercevoirsonvisage,sestraitsdélicatsquil’apaisaientdèsqu’ellelescroisait.

Faithl’accaparaitdéjà,etmêmes’ilétaitravideleursretrouvailles,Rinalevitquilacherchaitdesyeuxensouriant.Sonsourires’élargitquandleursregardssecroisèrentenfin,ellesentitmêmela

vagued’amourcirculantinstantanémententreeux.

Puislafoulesedissipaenfinetluilaissalechamplibrepourallerjusqu’àlui.Ellefitquelquespaspendantqu’ilobservaitFaithluifaireuneprésentationdesesdernièrescréationsdebijoux.

Elleétaitàquelquesmètresàpeinedeluilorsqu’illadécouvritenfin,elleetcequ’ellenepouvaitpluscacherderrièresesdeuxmains.Interloquélesquelquespremièressecondes,illaissatombersonpaquetageauxpiedsdeFaithetcourutlarejoindre.

Unefoisàsahauteur,ilsemitàgenouxetposasesmainssursonventre.

—Pourquoitunem’asriendit?

—Jevoulaistefairelasurprise,etsurtoutpasquetut’inquiètes!

—Mais...euh...tu...vousallezbien?Jeveuxdire...

Rinapritsesmainsdanslessiennesetsepenchaverslui,posantsonfrontcontrelesien.

—Toutvabien,rassure-toi.Nousnepourrionspasallermieux.Nousavonsréussi,Aidan.Dansdeuxmois,nousauronsnotrefamille,commenousenavonstoujoursrêvé.

—Filleougarçon?Nonpasqueçam’importe,biensûr,maisilluifautunprénom...

—Ehbien...Pourtouttedire...

Faithlesrejoignitalorsentraînantlesacd’Aidanderrièreelle.

—Bon,çayest?demanda-t-elle.SionnepartpasmaintenantonvaraterTopModelUSA!

—Dansuneminute,promitAidan.Tamères’apprêtaitàmedirelesexedubébé.Maissitupréfèresmeledire,jet’enprie.

—Okay,bahmoijetienssurtoutàvoussouhaiterboncouragepourvosnuitsdesdeuxannéesàvenir,vousallezenavoirbesoinavecdeuxbébés.J’aidéjàproposédefairedubaby-sittingdetempsentemps.Jeretourneàlavoiture.Bienvenueàlamaison,Aidan!

Ilseremitdeboutetpritsafemmedanssesbraspourlabercercontrelui.Ilsentitalorslesmouvementsdesbébéscontresonventre.

—Tonfilsettafilletedisentbonjour,susurraRinaàsonoreille.

Quandellevitbrillerleslarmesdejoiedanssesyeuxmarine,ellesutalorsqu’elleavaitfaitlebonchoix,encoreunefois.Lepremierfutdeluidirefinalementoui,pourlemeilleuretpourlepire.Lepireétantdésormaisderrièreeux,ilspouvaientenfinseconsacreraumeilleur,maindanslamain,avecleurnouvellefamille.

FIN

RemerciementsParcequejen’étaispasvraimentseulederrièremonécran,jetiensàremerciertoutesles

personnesquim’ontapportéleursoutiendanscetteaventure:

–Mamèrequi,sanslesavoir,m’adonnéunmillionderaisonsdecontinueràécrire(lapremièreétantdeluitenirtêtealorsquejen’avaispasquinzeans!);

–Vanessa,l’unedemesplusvieillesamies,grâceàquinosséancesdebrainstormingontpermisdetrouverletitreparfaitpourcettesérie;

–Cindypoursesencouragementsdepuislesbancsdelafac(etdirequ’onselisaitmutuellementaufonddel’amphi!);

–Monmarisansquijen’auraipasletempsdepasserautantd’heuresàécrireetquin’hésitepasàm’écouterquandjesuisenproieauxdoutes;

–Touteslespersonnesquiontluledébutdudeuxièmetomeetquim’ontaidéàavancerdanssonécriture;

–Angéliquepourletempsqu’ellem’agénéreusementaccordéetquiaprisletempsdemelirepournotertoutcequiétaitàreprendre;

–Monéditricepoursapatienceetlachancequ’ellem’adonnée.Grâceàellej’aiplusconfianceencequejefaisetj’aienviedevousfairepartagertoutcequisetramedansmatête(n’ayezpaspeur!).

JetienségalementàadresserunmillierdemercisparticuliersàChristine,mabêtalectrice,sansquijemeseraiperduequelquepartentreleschapitres10et11decedeuxièmetome.Ellemesuitdepuislasortiedupremieropus,m’encourageetmeboostequandjesuisàlalimitedudécrochage!Mercimillefoispourtesconseilsjudicieux!Carc’estgrâceàtoiquej’aieuenviequel’histoired’AidanetRinasoitparfaite,avecladosedehappyendderigueur…

Etsurtout,merciàvous,cherslecteurs,sansquimeshistoiresn’auraientpasdesens…Àbientôtpourd’autresaventures!

Bienàvous,

Caroline.

Présentationdel’auteurCarolineTillmansepassionnetrèstôtpourleslivres.Cegoûtluiaététransmisparsagrand-mère

quiraffoledesbelleshistoiresetseplaîtàluienconterdanssonjeuneâge.Cesontceshistoiresmerveilleusesquiluiontdonnéenvied'enécrireàsontour.

Ellecommenceàécrireà11ansetnes'arrêtepas.Deformationlittéraireàlabase,ellepoursuitsesétudesdanslafinance,domainedanslequelelleexercesonactivitéprincipale.

Celanel'empêchepaspourautantdegriffonnerchaquefoisquel'envieluiprendetdedévorerleslivresqu'elleaimetant.

Elleespèreséduiredenombreuxlecteursavecsonstylediversifiéetsonécritureavidedesentiments.Delaromancecontemporaineàlacomédieenpassantparlefantastiqueetl'érotisme,sesrécitsserontavanttoutdeshistoiresd'amour.Carpourelle,aucunevienevautd'êtrevécuesanslui...

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MEURTREAUMANOIRDESFÉES

EnBretagne,dansunmanoirisolé,uncrimeaeulieu.

Lavictimeétaitdétestéedetousoupresque.LecommissaireRenot,déjàsurleslieux,vamenersonenquêteaidéparCarolineBlake,envacancesdanslademeureaumomentdesfaits.

Maisquisecachederrièrecemeurtre?LaprésencedeBlanche,personnagehorsducommun,pourra-t-elleaideràrésoudrecetassassinat?

DÉSARME-MOI[DouceCapitulation]

FortHolabird,Maryland.RinaJames,lieutenantetmédecindel'USArmy,quittesonanciennebasemilitairedel'Oklahomapourtenterderepartirdubonpied.

Aprèsplusieursannéesdeserviceetd'exildanscemonded'hommes,elleafaitsespreuvesetlesmèneàlabaguetteaussibienl'armeaupoingquedanssonlit.

Soussesairsdefemmesûred'elle,elleaenfouideprofondesblessuresquil'empêchentderegarderversl'avenir.Biendécidéeànejamaiss'engagerpourlavie,elleseconsacreentièrementàsacarrièreetàsesamantsdepassage.

ToutefoissarencontreaveclebeauetsiagaçantAidanpourraitsérieusementcompliquersesaspirations...

L’INCONNU

Caroline,âgéedeseulementvingt-et-unans,estl'aînéed'unepetitetribuetvittoujoursauseinducoconfamilial.Jeunefemmeheureuseetépanouie,sonmondes'écroulelorsquesamèreluiapprendqu'elledoitquitterceconfortsécurisantdèslelendemain.

Aprèsdesadieuxdouloureux,elles'apprêteàfairefaceàunhommedontelleignoretout,etpourtant...

Lesévènementsqu'ellevavivrepourraienttransformersesinquiétudesendenouveauxsentiments.

LESVIESD’ADÈLE1:Initiations

Adèle,belleblondeauxformesépanouies,esttouràtourprofesseur,agentsecret,photographeetmêmeactricedefilmX.

Elleincarnenosfantasmes,elleprendàcontre-piednospréjugés,ellesejouedenossens,elleespèreréveillerenchacunsesdésirsinavouables.Elleexplorenosrêves,nosidéauxetnosdésirslesplusprofondsdanssesaventurestoujourssensuellesetsurtoutenivrantes.

Parfoiselleferal’expériencedesespropresdémons.Sesdifférentesviessontuneinitiationauplaisir.Lesien,lenôtre,levôtre…

LESLARMESDUPASSÉ

Bienquemalmenéparlavie,introvertietn’ayantpluspersonnesurquicompter,Axel,trente-deuxansestdevenuunbrillantavocat.

Passionnéparsonmétier,aupointdenevivrequepourcedernier,ilfaittoutpouraiderceuxquienontbesoin,jusqu’aujouroùundossiervabouleverserlecoursdesonexistence.

Arrivera-t-ilàfairefaceàcettedemandesansreplongerdanscepasséqu’ilatantvouluoublier?Oubien,est-celedébutd’unnouveaucalvaire?

ABOVEALL:EMBARQUER

Avant,moncréneauc’étaitlamétéo.Jusqu’àcequej’embarqueàborddel’USSPercivalLowelletcroiselarouted’AndreasVanAllen,pilotedechassesurcemonstrueuxnavire.

CommeàHollywood,lecapitaineVanAllenestcharismatique,frondeur…Terriblementsexy!Etc’estmonsupérieur,quej’airencontrédansdescirconstancesquimelaissentprésagerlepire,moinsd'uneheureseulementaprèsmonarrivée...

Commentsuis-jecenséefairelapluieetlebeautempsquandjenerêvequedeledémolir?Àmoinsqu'ilnes'agissed'autrechose...

NEM’OUBLIEPAS

Ilyadesrelationsquibouleversenttouteunevie.CelledeSimonetSaraenfaitpartie.

SaravienttoutjustededéménageràMonterey.Elleestloindes’imaginerqu’enseliantd’amitiéavecsavoisineMiaellevarencontrerl’êtreleplusénigmatiqueetsûrdeluiquisoit.

Simon,quantàlui,esthabituéàcollectionnerlespetitesamies.Ils’estjurédenepass’intéresseràlanouvellearrivéeetpourtant…Malgrésespropresdémonsàgérerils'enrapprochedangereusement.

Ilmetengardelajeunefemme:sielletombeamoureusedelui,ilvalafairesouffrir.Ellealechoix:ellepeutfairemarchearrièreousuccomberàsoncharme.

Seuleombreautableau:Simoncachequelquechosequipourraitbientoutremettreenquestion...

Àparaîtreprochainement:

3066LAMIA

An3066,Paris:La«GuerreUltime»aravagédepuislongtempslasurfacedelaTerre.Lamiavitsonexistencedejeunefilleamoureuseetlibertinedansunesociétédominéeparlesfemmes.Lesénergiesfossilessontépuiséesetleprogrèstechniquebanni.Desextraterrestresauxdesseinsobscursontenvahilaterreetmenacentsonexistencemême.

Unenuit,NicolasFlamel,l'alchimiste,apparaîtànotrehéroïne.Ill'implorederemonterlecoursdutempsetainsidécouvrirlessecretsdel'énergieuniversellequedétiendraitNikolaTesla,savantgénialeticonoclastedudébutduvingtièmesiècle.

Toutd'abord,ellepartiraenArmor,unroyaumehorsdutempsetdenotredimensionoùelleapprendradestechniquesquiluipermettrontdemeneràbiensamissionpalpitante.Elleyferaconnaissancedesescompagnonsd'aventure:Stéphane,lescientifique,etCynthia,lapulpeuseespionne.

PagetitreDÉSARME-MOIDÉSARME-MOI12345678910111213141516171819202122ÉpilogueRemerciementsPrésentationdel’auteur