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1 UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II Année universitaire 2007-2008 DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE II Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution du 3 au 8 mars 2008 Séance n° 3 DROIT PUBLIC DE LA CONCURRENCE I Pour la préparation de la séance, les étudiants sont invités à lire ou relire les décisions suivantes : - CE, Sect., avis du 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, req. n° 222.208 (AJDA 2000, p. 1066 et chron. M. Guyomar et P. Collin, p. 987 ; RFDA 2001, concl. C. Bergeal, p. 112.; Dr. adm. 2001, comm. n° 4, chron. Y. Laidié. ; JCP G 2001, I, p. 357, note E. Delatour ; CJEG 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus) - CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, req. n° 275.531 (Contrats et Marchés publics, juillet 2006, n° 7, p. 12-14, note G. Eckert; AJDA 2006, n° 29, p. 1592, note C. Landais et F. Lenica). 1/ BIBLIOGRAPHIE - Ouvrages : CONSEIL D’ÉTAT, Collectivités publiques et concurrence, Rapport public 2002, EDCE n°53, Paris, La Documentation française, 2002, pp. 219-338 (spéc. pp.333 et s.), également disponible librement en ligne sur le site de la Documentation française (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ ). CHARBIT, N., Le droit de la concurrence et le secteur public, Paris, L’Harmatthan, coll. Logiques juridiques, 2002, 517 p. CLAMOUR, G., Intérêt général et concurrence, essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, Paris, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, 2006, 1044 p. DESTOURS, S., La soumission des personnes publiques au droit interne de la concurrence, Paris, Litec, 2000, 587 p. FARJAT, G., Pour un droit économique, Paris, PUF, Les voies du droit, 2004, 199 p. KATZ, D.,Juge administratif et droit de la concurrence, PUAM, 2004. NICINSKI, S., Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, coll. Systèmes, 2005, 230 p. RACLET, A., Droit communautaire des affaires et prérogatives de puissance publique, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses, 2002, 545 p.

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UNIVERSITÉ PANTHÉON-ASSAS PARIS II

Année universitaire 2007-2008

DROIT PUBLIC DE L’ÉCONOMIE II Cours de Mme la Professeure Martine LOMBARD Distribution du 3 au 8 mars 2008 Séance n° 3

DROIT PUBLIC DE LA CONCURRENCE I

Pour la préparation de la séance, les étudiants sont invités à lire ou relire les décisions suivantes : - CE, Sect., avis du 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard Consultants, req. n° 222.208 (AJDA 2000, p. 1066 et chron. M. Guyomar et P. Collin, p. 987 ; RFDA 2001, concl. C. Bergeal, p. 112.; Dr. adm. 2001, comm. n° 4, chron. Y. Laidié. ; JCP G 2001, I, p. 357, note E. Delatour ; CJEG 2001, p. 58, note M. Degoffe et J.-D. Dreyfus) - CE, Ass., 31 mai 2006, Ordre des avocats au barreau de Paris, req. n° 275.531 (Contrats et Marchés publics, juillet 2006, n° 7, p. 12-14, note G. Eckert; AJDA 2006, n° 29, p. 1592, note C. Landais et F. Lenica). 1/ BIBLIOGRAPHIE - Ouvrages : CONSEIL D’ÉTAT, Collectivités publiques et concurrence, Rapport public 2002, EDCE n°53, Paris, La Documentation française, 2002, pp. 219-338 (spéc. pp.333 et s.), également disponible librement en ligne sur le site de la Documentation française (http://www.ladocumentationfrancaise.fr/). CHARBIT, N., Le droit de la concurrence et le secteur public, Paris, L’Harmatthan, coll. Logiques juridiques, 2002, 517 p. CLAMOUR, G., Intérêt général et concurrence, essai sur la pérennité du droit public en économie de marché, Paris, Dalloz, Nouvelle bibliothèque de thèses, 2006, 1044 p. DESTOURS, S., La soumission des personnes publiques au droit interne de la concurrence, Paris, Litec, 2000, 587 p. FARJAT, G., Pour un droit économique, Paris, PUF, Les voies du droit, 2004, 199 p. KATZ, D.,Juge administratif et droit de la concurrence, PUAM, 2004. NICINSKI, S., Droit public de la concurrence, Paris, LGDJ, coll. Systèmes, 2005, 230 p. RACLET, A., Droit communautaire des affaires et prérogatives de puissance publique, Paris, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses, 2002, 545 p.

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- Articles : BAZEX, M., Le juge administratif et l’application du droit national et communautaire de la concurrence : contenu et spécificité, in Le juge administratif et le droit de la concurrence, Rev. Conc. Consom., n° 116, juillet-août 2000, p. 11. BAZEX, M., BLAZY, S., Rapport du Conseil d’État sur les collectivités publiques et la concurrence : rupture ou continuité ?, Dr. adm. 2002, n° 5, p.17. BERLIN, D., Les actes de la puissance publique et le droit de la concurrence, AJDA 1995, p.259. BRÉCHON-MOULÈNES, C., La place du juge administratif dans le contentieux économique public, AJDA 2000, p. 679. CAILLOSSE, J., Le droit administratif français saisi par la concurrence, AJDA 2000, p. 99. CHARBIT, N., Marées hautes et écueils de la jurisprudence du Conseil d’État en matière de concurrence, LPA, n°37, 21 février 2001, p. 4. CHÉROT, J.-Y., Les méthodes du juge administratif dans le contentieux de la concurrence, AJDA 2000, p. 687. CLAMOUR, G., Domaine public et droit de la concurrence, consolidation de l’édifice prétorien, Rev. Lamy Conc. n° 3/2005, p. 57. DUMONT G., Application du droit de la concurrence aux activités publiques, J.-Cl. adm., fasc. n° 292, p. 1. FAURE, B., Le droit administratif des collectivités locales et la concurrence, AJDA 2001, n° 2, p.136. FUCHS O., La conciliation des intérêts dans le contentieux administratif de la concurrence, AJDA, 10 avril 2006, n° 14, p. 746. MATHIEU, G., L’application du droit de la concurrence aux personnes publiques, D. 1995, chr. p. 27. MAUGÜÉ, C., TERNEYRE, P., Le droit de la concurrence s’impose-t-il aux personnes publiques dans la gestion du domaine public qui leur est affecté ?, BJCP n° 5/1999, p. 462. PIGNON, S., Le Conseil d’État au service du droit de la concurrence – Les enseignements du rapport annuel, LPA, 21-25 juin 2002, n°124 à 126. NICINSKI, S., Les évolutions du droit administratif de la concurrence, AJDA 2004, p. 751. RICHER, L., Le juge économiste, AJDA 2000, p. 703. STAHL, J.-H., La concurrence, l’Administration et le juge administratif, Cah. Fonct. Publ., novembre 1999, p. 10. STIRN, B., L’idée de concurrence dans le contentieux administratif : la pluralité des sources, Rev. Conc. Consom, n° 116, juillet-août, 2000, p. 8. TRUCHET, D. Le mythe de l’unification du contentieux de la concurrence, inLes mutations contemporaines du droit public, Mélanges Jeanneau, Paris, Dalloz, 2002, p. 359.

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2/ DOCUMENTS Document n° 1: C.E., Sect. 26 mars 1999, Société EDA, AJDA 1999 p. 427, concl. J.-H. Stahl, note M. Bazex ; CJEG 1999, p. 264, concl. J.-H. Stahl ; D. 2000, note J.-P. Markus ; RDP 1999, note S. Manson. Document n° 2 : T. confl., 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/ TAT, LPA 2000, n° 84, p. 4, note A. Guedj ; Gaz. Pal. 2001, n° 145, p. 6, note J. Petit ; AJDA 1999, p. 996, chron. Fombeur et Guyomar et p. 1030, note M. Bazex ; CJEG 2000, p. 18, concl. Schwartz ; RFDA 2000, p. 567, note Y. Laidié. Document n° 3: C.A. Paris, 8 février 2000, ADP, Gaz. Pal. 2001, n°145, p.6, note Petit. Document n° 4 : C.A. Paris, 14 mars 2000, ADP. Document n° 5 : CE, avis, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité SARL, RFDA 2001, p. 872, concl. Austry ; RDP 2001, p. 393, note Ch. Guettier ; AJDA 2001, p. 198, note M.-Ch. Rouault ; Dr adm. Janvier 2001, p. 1235, note G. Gonzalez et p. 2110, obs. N. Albert ; LPA 21 février 2001, n° 37, p. 12, note N. Charbit. Document n° 6 : CE, 6 juin 2001, Commune de Vannes, Rec., p. 256 ; CJEG 2002, p. 19, note A. Laget-Annamayer. Document n° 7 : CE, 30 juin 2004, Département de la Vendée, AJDA 2004, p. 2210, note S. Nicinski, et p. 2309, note N. Charbit ; RJEP 2004, p. 487, concl. Collin ; Rev. Lamy conc. 2004, n° 1, p. 50, note S. Destours ; JCP A 2004, n° 1712, note M.-Ch. Rouault. Document n° 8 : Conseil de la concurrence, décision n° 04-D-79 du 23 décembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la régie départementale des passages d’eau de la Vendée (RDPEV), AJDA, 2005, p.470, note L. Richer à rapprocher de AJDA, 2005, p. 1658, note N. Charbit sous l’arrêt confirmatif rendu en l’espèce par la C.A. de Paris le 28 juin 2005. Document n° 9 : Cass. Com., 6 février 2007, SARL Les Oliviers, req. n° 05-21.948, RLC n° 12/2007, p. 64, obs. S. Destours. Document n° 10 : TA Paris, ord., 3 janvier 2008, Société Clear Channel France, req. n° 0719486. 3/ EXERCICE : Les étudiants s’attacheront à résoudre le cas pratique suivant :

Le maire d’une grande ville voudrait encourager l’utilisation de modes de transport moins polluants que l’automobile à essence ou au diesel. À cette fin, il a décidé, en accord avec la majorité du conseil municipal, d’engager une action de promotion de l’usage du vélo et de la voiture électrique.

Une délibération du conseil municipal du 20 janvier 2008 a adopté le plan de la campagne « Roulons vert et bleu », qui prévoit à partir du 1er mars 2008 :

- La mise en place d’un service municipal de location de vélos. Ces vélos seront reconnaissables au sigle de la campagne « Roulons vert et bleu». Ces vélos seront offerts à la

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location à un prix moins élevé que les prix couramment pratiqués pour la location de vélos grâce au soutien financier apporté par la Ville.

- La passation d’une convention avec la Régie des transports municipaux, qui a la forme d’un établissement public, pour qu’elle participe à l’opération « Roulons vert et bleu » en se voyant confier la charge d’assurer la location de voitures électriques à des tarifs intéressants, et ce toujours avec le soutien financier de la Ville.

Cette convention prévoit la possibilité pour les parties d’adopter un avenant permettant l’extension de ce service aux communes limitrophes de Paris.

- La passation d’un accord entre la commune et le principal distributeur d’articles de sport installé dans la ville, Heptathlon . Cette convention prévoit que la commune apportera son soutien pour permettre la vente de vélos à très bas prix dans les multiples points commerciaux dont dispose Heptathlon. Ces vélos, qui porteront le sigle de la campagne « Roulons vert et bleu», seront proposés à un prix tel qu’ils devraient dans les faits être accessibles même aux étudiants et autres personnes à faibles revenus. La Ville apportera son soutien par une subvention annuelle et par la campagne de communication qui accompagnera cette action de promotion du transport à vélo.

Enfin un arrêté municipal du 24 janvier 2008 prévoit qu’à compter du 1er mars 2008 seuls les usagers des vélos aux couleurs de la campagne « Roulons vert et bleu » pourront emprunter les couloirs de bus et les pistes cyclables. Il prévoit aussi l’attribution d’emplacements de stationnement sur le domaine public réservés aux voitures et vélos portant les couleurs de la campagne « Roulons vert et bleu ». Pour s’assurer du succès de l’opération, il est décidé que ces emplacements réservés seront gratuits.

Le maire est satisfait de ce plan qui devrait connaître un franc succès auprès des habitants qui participeront ainsi à la protection de l’environnement. Il s’étonne cependant des nombreuses protestations qui se font entendre. Certains conseillers municipaux ont attiré son attention sur le mécontentement dont leur ont fait part les responsables de certaines entreprises de location automobile et de location de vélos. En outre, certains petits commerçants d’articles de sport, de même que les représentants de grandes marques de la distribution, protestent de façon véhémente. Il a été indiqué au maire de façon encore confidentielle à ce stade que plusieurs procédures allaient être probablement engagées.

Le maire se tourne alors vers vous, qui avez été tout récemment recruté comme juriste dans les services de la Ville, pour savoir quels sont les recours qui pourraient être éventuellement déposés et les moyens qui pourraient être soulevés par les commerçants qui croient bon de protester. Il s’étonne en effet que certains puissent être tentés d’invoquer certains principes de droit public ou des règles de concurrence à l’encontre d’une opération qu’il estime évidemment répondre à l’intérêt général.

Il vous interroge pourtant sur leurs chances de succès compte tenu de la jurisprudence intervenue en ces matières. Vous rédigerez une note précisant les différents moyens susceptibles d’aboutir mais aussi ceux qui pourraient être raisonnablement invoqués mais qui vous paraîtraient devoir être écartés. Le maire vous précise qu’il a demandé par ailleurs une consultation à un avocat sur les aspects spécifiques au droit communautaire dont il pense qu’un juriste d’une collectivité territoriale est mal informé. Vous pourrez ainsi vous concentrer sur les principes et règles du droit interne.

Si vous avez un doute sur la légalité de tel ou tel volet des décisions prises par le maire et le conseil municipal, vous préciserez enfin les modifications qui, selon vous, devraient être apportées à ces mesures pour rendre l’opération « Roulons vert et bleu » pleinement conforme au droit.

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Document n° 1 : CE, Sect., 26 mars 1999, Société EDA. Vu l’ordonnance, en date du 26 novembre 1998, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat le 30 novembre 1998, par laquelle le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d’Etat, en application du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et notamment les articles R. 54 et R. 82, les demandes présentées à ce tribunal par la SOCIETE EDA ; Vu la requête, enregistrée le 2 octobre 1998 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par la SOCIETE EDA, (…) ; la SOCIETE EDA demande au tribunal administratif : 1°) d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, la décision du 7 août 1998 par laquelle “Aéroports de Paris” (ADP) l’a informée de ce que son offre, en vue d’exercer son activité de loueur de voitures sans chauffeur sur les aéroports d’Orly et Roissy-Charles de Gaulle n’avait pu être examinée, d’autre part, la décision d’accueillir les offres des sociétés Citer, Sixt Eurorent et Thrifty ; 2°) d’enjoindre à “Aéroports de Paris” de produire tous les documents relatifs aux modalités selon lesquelles le jury de sélection des offres a été composé et a procédé au dépouillement, à l’examen et à la sélection des offres des différents candidats ; 3°) de désigner un expert aux fins de constater que dans les aéroports d’Orly et Roissy-Charles de Gaulle, il n’existe aucun manque de place justifiant que le nombre de loueurs soit limité à cinq ou six, que ce soit en termes d’installations de comptoirs ou de parkings de proximité ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la communauté européenne ; Vu le code de l’aviation civile et notamment ses articles R. 252-12, R. 252-17 et R. 252-18 ; Vu le code du domaine public ; Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 ; Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel ; Vu l’ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; […] Sur la compétence du Conseil d’Etat : Considérant qu’aux termes de l’article 2 du décret susvisé du 30 septembre 1953 : “Le Conseil d’Etat reste compétent pour connaître en premier et dernier ressort : ... 3° des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal

administratif” ; que le litige soulevé par la requête de la SOCIETE EDA est relatif au domaine public dont “Aéroports de Paris” est affectataire et qu’il gère ; que ce litige porte sur des dépendances du domaine public situées à Orly et à Roissy Charles de Gaulle ; que les dépendances concernées s’étendant ainsi au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif, le Conseil d’Etat est compétent pour connaître de ce litige en premier et dernier ressort ; (…) Sur les conclusions dirigées contre la décision rejetant l’offre de la société requérante : Considérant que s’il appartient à l’autorité administrative affectataire de dépendances du domaine public de gérer celles-ci tant dans l’intérêt du domaine et de son affectation que dans l’intérêt général, il lui incombe en outre lorsque, conformément à l’affectation de ces dépendances, celles-ci sont le siège d’activités de production, de distribution ou de services, de prendre en considération les diverses règles, telles que le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ou l’ordonnance du 1er décembre 1986, dans le cadre desquelles s’exercent ces activités ; qu’il appartient alors au juge de l’excès de pouvoir, à qui il revient d’apprécier la légalité des actes juridiques de gestion du domaine public, de s’assurer que ces actes ont été pris compte tenu de l’ensemble de ces principes et de ces règles et qu’ils en ont fait, en les combinant, une exacte application ; Considérant qu’aux termes des dispositions de l’article 26 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 susvisée, le Conseil de la concurrence “peut être consulté par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles 7, 8 et 10-1 et relevées dans les affaires dont elles sont saisies” ; qu’en vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, lorsqu’il doit apprécier la légalité d’un acte administratif en prenant en compte le droit de la concurrence, consulter le Conseil de la concurrence et lui demander des éléments d’appréciation ; Considérant qu’à l’encontre de la décision d’”Aéroports de Paris” de ne pas retenir l’offre qu’elle avait déposée dans le cadre de la consultation organisée en vue de la passation de conventions d’occupation du domaine public pour l’exploitation de points de location de voitures sans chauffeur sur les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle, la SOCIETE EDA fait valoir des moyens tirés, notamment, de la

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méconnaissance des dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; que l’examen de ces moyens conduit à des appréciations portant, d’une part, sur l’existence, sur les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle, de marchés “pertinents” tant pour la fourniture d’installations pour la location de véhicules sans chauffeur que pour la location de véhicules sans chauffeur, d’autre part, sur les incidences, en termes de concurrence, de l’obligation faite aux candidats de présenter une offre portant conjointement sur ces deux aéroports ; qu’il y a lieu, pour le Conseil d’Etat, de demander au Conseil de la concurrence des éléments d’appréciation sur ces questions ; DECIDE : Article 1er : Il n’y a pas lieu à statuer sur les conclusions de la requête de la SOCIETE EDA dirigées contre les décisions du directeur général

d’”Aéroports de Paris” de passer, avec les sociétés Citer, Sixt et Thrifty, des conventions d’occupation temporaire du domaine public. Article 2 : Avant-dire droit sur les conclusions de la requête de la SOCIETE EDA dirigées contre la décision d’”Aéroports de Paris” rejetant son offre, le Conseil de la concurrence : 1- sera consulté sur la question de savoir si les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle constituent, chacun séparément ou ensemble, au regard du droit de la concurrence, un marché “pertinent”, tant pour la fourniture d’installations pour la location de véhicules sans chauffeur que pour la location de véhicules sans chauffeur dans lesdits aéroports ; 2- sera invité à fournir tous éléments d’appréciation susceptibles de permettre au Conseil d’Etat de déterminer si l’obligation faite aux candidats de présenter une offre portant conjointement sur les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles de Gaulle constitue un abus de position dominante. (…)

Document n° 2 : T. confl., 18 octobre 1999, Aéroports de Paris et Air France c/ TAT. Vu, enregistrée à son secrétariat le 15 juin 1999, la lettre par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a transmis au tribunal le dossier de la procédure opposant AEROPORTS DE PARIS et la société Compagnie Nationale AIR FRANCE à la société TAT European Airlines devant la cour d’appel de Paris ; Vu le déclinatoire présenté le 31 décembre 1998 par le PREFET DE LA REGION D’ILE-DE-FRANCE, PREFET DE PARIS, tendant à voir déclarer la juridiction de l’ordre judiciaire incompétente ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; Vu la loi du 24 mai 1872 ; Vu l’ordonnance du 1er juin 1828 modifiée ; Vu l’ordonnance des 12-21 mars 1983 modifiée ; Vu le décret du 26 octobre 1849 modifié ; Vu l’ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ; […] Considérant que la Cour d’appel de Paris a été saisie conformément à l’article 2 de la loi n° 87-499 du 6 juillet 1987 d’un recours contre la décision du Conseil de la concurrence qui a prononcé des sanctions pécuniaires à l’encontre de l’établissement public AEROPORTS DE PARIS et de la compagnie Air France ; qu’à la charge de ces derniers ont été relevées des pratiques d’entente illicite ayant conduit au regroupement dans

l’aérogare d’Orly-Ouest du trafic du groupe Air-France ; qu’en outre, a été retenu contre AEROPORTS DE PARIS un abus de position dominante consistant, d’une part, dans le refus opposé le 17 juin 1994 à la société TAT European Airlines d’ouvrir à partir de l’aérogare d’Orly-Ouest de nouvelles liaisons et d’autre part, dans le fait d’avoir imposé à ladite société de ne pas recourir à son propre personnel mais d’utiliser les services d’assistance en escale d’AEROPORTS DE PARIS sur l’aérogare d’Orly-Sud alors qu’une telle obligation n’était pas imposée à la Compagnie Air France ; Considérant que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l’autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission de service public qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes publiques ; Considérant que les décisions de regrouper à l’aérogare d’Orly-Ouest les activités du groupe

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Air-France et de refuser à la société TAT European Airlines d’ouvrir de nouvelles lignes à partir de cette aérogare qui se rattachent à la gestion du domaine public constituent l’usage de prérogatives de puissance publique ; qu’il suit de là qu’en ce qui concerne les pratiques relevées par le Conseil de la concurrence qui sont en réalité indissociables de la réorganisation des aérogares d’Orly décidée par l’établissement public puis approuvée, le 4 mai 1994, par le ministre de l’équipement, du transport et du logement, c’est à bon droit que le conflit a été élevé ; Considérant en revanche, que sont détachables de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, les pratiques d’AEROPORTS DE PARIS susceptibles de constituer un abus de position dominante consistant dans l’obligation faite à la Compagnie TAT European Airlines d’utiliser les services d’assistance en escale de cet établissement public en substitution à ses personnels ; que c’est par suite à tort que l’arrêté de conflit a revendiqué

pour la juridiction administrative la connaissance desdites pratiques DECIDE : Article 1er : L’arrêté de conflit pris le 12 mars 1999 par le PREFET DE LA REGION D’ILE-DE-FRANCE, PREFET DE PARIS, en ce qu’il concerne les effets attachés à la décision ministérielle du 4 mai 1994 et à la décision d’AEROPORTS DE PARIS du 17 juin 1994 est confirmé. Il est annulé pour le surplus. Article 2 : Sont déclarés nuls et non avenus la procédure relative aux effets attachés aux actes administratifs mentionnés à l’article 1er et l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 23 février 1999 en ce qu’il déclare la juridiction judiciaire compétente pour en connaître. Article 3 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, qui est chargé d’en assurer l’exécution.

Document n° 3 : C.A. Paris, 8 février 2000, Aéroports de Paris Recours formé par l’établissement public Aéroports de Paris contre une décision no 98-D-77 du Conseil de la concurrence en date du 15 décembre 1998 relative à des pratiques mises en œuvre par les aéroports de Paris dans le secteur de l’hôtellerie à la périphérie de l’aéroport de Paris - Roissy-Charles-de-Gaulle. L’Association du parc hôtelier de la périphérie de l’aéroport de Paris-Roissy-Charles-de-Gaulle (APHPAR) a saisi, par lettre du 22 mars 1996, le Conseil de la concurrence des pratiques mises en œuvres par Aéroports de Paris (ADP) sur le marché de l’activité hôtelière située sur la plate-forme et aux alentours de l’aéroport de Paris-Roissy-Charles-de-Gaulle. L’APHPAR reprochait à ADP de lui avoir refusé l’accès dans l’aérogare à une signalisation permettant d’informer les clients des moyens de rejoindre leurs hôtels. Par décision no 98-D-77, le Conseil de la concurrence a jugé qu’ADP avait enfreint les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 et lui a infligé, d’une part, une sanction pécuniaire de 500 000 F et, d’autre part, lui a enjoint de faire des propositions à l’APHPAR de nature à répondre à sa demande de signalisation des points d’arrêts des navettes desservant les hôtels de la périphérie. ADP a formé un recours contre cette décision du Conseil de la concurrence le 15 avril 1999, tendant :- à titre principal, à l’annulation de la décision du Conseil de la concurrence aux motifs,

d’une part, que le Conseil n’est pas compétent pour connaître de la présente affaire, d’autre part, que la procédure suivie pour l’adoption de la décision est contraire à l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, enfin que la violatoin n’est pas établie ; - à titre subsidiaire, à la réformation de la décision relative à la sanction prononcée du Conseil de la concurrence ; Sur les moyens de procédure (…) Sur la compétence du Conseil de la concurrence : Considérant qu’aux termes de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, ladite ordonnance s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de service, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ; Considérant que les personnes publiques, dans le cadre de leur mission, ne relèvent pas de l’ordonnance du 1er décembre 1986 dans l’hypothèse de la mise en œuvre d’une prérogative de puissance publique ;

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Considérant qu’ADP soutient qu’il est gestionnaire du domaine public, que l’activité en cause relève de cette gestion, que dès lors, dans le cadre de cette mission, seule la juridiction administrative est compétente pour connaître des actes de gestion du domaine public ; Considérant que la mise à disposition de moyens de signalisation à des opérateurs privés afin d’informer les usagers potentiels de leur existence et de leur localisation à proximité de l’aéroport, contre redevance, constitue une activité économique ne relevant pas d’une prérogative de puissance publique ; Considérant qu’ADP, en octroyant des moyens de signalisations sur la plate-forme contre redevances aux hôtels du site, n’exerce pas dans le cadre de cette activité une mission de service public relevant de prérogatives de puissance publique, mais une activité de prestation de services à laquelle l’ordonnance du 1er décembre 1986 s’applique ; Que le moyen tendant à l’incompétence du Conseil doit dès lors être rejeté ; Sur la présence du rapporteur et du rapporteur général au délibéré du Conseil de la concurrence et sur l’étendue des pouvoirs de la cour d’appel de Paris dans l’hypothèse d’une annulation : Considérant que dans l’exercice de ses pouvoirs de sanction, le Conseil est tenu au respect des dispositions de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Considérant qu’aux termes de l’article 18 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, l’instruction et la procédure devant le Conseil sont pleinement contradictoires ; Considérant qu’ADP soutient que la participation du rapporteur et du rapporteur général au délibéré du Conseil est contraire aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales comme violant le principe de l’égalité des armes, et fait valoir que la décision du Conseil est dès lors entachée de nullité ; Considérant qu’ADP expose encore, qu’après avoir annulé une décision du Conseil, la Cour ne peut se saisir du fond de l’affaire au motif que cette faculté dénaturerait le pouvoir de réformation prévu par l’article 15, alinéa 1, de l’ordonnance du 1er décembre 1986, qu’elle méconnaîtrait la nature spécifique du recours, que cette pratique entraînerait un déséquilibre institutionnel et, enfin, qu’une telle solution empêcherait que soient pleinement tirées les conséquences de l’annulation

de la décision du Conseil pour violation de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; Considérant que l’APHPAR soutient qu’en vertu de son pouvoir de contentieux de pleine juridiction, la Cour a le pouvoir, après avoir annulé la décision du Conseil de la concurrence, de se prononcer sur le fond ; Mais considérant que la présence au délibéré du Conseil, d’une part, du rapporteur chargé de l’instruction et de la notification des griefs et, d’autre part, de celle du rapporteur général, dont la mission est d’animer et de contrôler l’activité des rapporteurs, a permis à ces derniers de s’exprimer sur l’affaire devant le Conseil, en l’absence des parties, de prendre des positions sur lesquelles celles-ci n’ont pas été en mesure de répondre, qu’une telle situation est contraire à l’article 6-1 de la Convention ; Que, prise dans ces conditions irrégulières, la décision doit être en conséquence annulée ; Considérant que la cour qui est, aux termes de l’article 15, alinéa 1, de l’ordonnance du 1er décembre 1986, saisie d’un recours de pleine juridiction, a le pouvoir de se prononcer, après avoir annulé la décision du Conseil, sur les pratiques dont celui-ci était saisi, conformément à l’article 13 de ladite ordonnance ; Sur le fond Sur la violation de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : Sur la délimitation du marché et sur la détention par ADP d’une position dominante sur le marché des installations aéroportuaires destinées à l’information des passagers ; Considérant que le marché de référence se définit comme « le lieu théorique » où se confrontent l’offre et la demande de services qui sont considérées par les acheteurs ou les utilisateurs comme substituables entre eux mais non substituables aux autres biens ou services ; Considérant que ADP réfute la délimitation « produit et géographique » du marché ainsi défini, aux motifs qu’ADP n’a pas la qualité d’offreur mais celle d’établissement public, d’une part, et que le marché local doit également englober les hôtels de la région parisienne ainsi que ceux situés dans Paris même, d’autre part ; Considérant qu’ADP fait valoir enfin qu’il ne détient aucune position dominante ;

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Considérant qu’ADP est le gestionnaire unique des infrastructures aéroportuaires de Roissy-Charles-de-Gaulle, qu’il détient le pouvoir de décision dans la gestion des infrastructures aéroportuaires, qu’il est ainsi le seul opérateur dispensant des offres de support d’information dans l’aéroport ; Considérant que les hôtels de la plate-forme et la périphérie sont demandeurs d’installations aéroportuaires destinées à informer les passagers de leur existence et de leur localisation ; Considérant qu’aucun support de signalisation destiné à l’information des passagers sur l’existence et la localisation des hôtels n’est substituable à ceux dont ADP est gestionnaire ; qu’en conséquence il existe bien un « marché-produit » de l’accès aux installations aéroportuaires destinées à l’information des passagers ; Considérant que le temps de trajet, relativement court, entre l’aéroport et les hôtels de la plate-forme de l’aérogare et ceux de la périphérie est un élément déterminant pour les passagers, que ce paramètre permet en conséquence de distinguer ces derniers hôtels de ceux de la région parisienne et de Paris ; qu’en conséquence le « marché-géographique » doit être circonscrit à la zone aéroportuaire et à sa périphérie comprenant les hôtels de la plate-forme même et ceux situés à sa périphérie ; Considérant qu’ADP est le seul opérateur dans cette zone ainsi délimitée, accordant l’accès aux supports de signalisation destinés à l’information des passagers de l’aéroport ; Qu’il s’ensuit qu’ADP détient une position dominante sur cedit marché. Sur l’abus de position dominante par ADP : Considérant qu’aux termes de l’article 8 de l’ordonnance du 1re décembre 1986, le droit de la concurrence sanctionne l’abus ayant des effets anticoncurrentiels qu’une entreprise en position dominante sur un marché peut être amenée à commettre ; Considérant que l’activité du marché de l’hôtellerie de la zone aéroportuaire et de sa périphérie est en étroite relation avec le marché de l’accès aux supports de signalisation destinés à l’information des passagers dès lors que la signalisation aéroportuaire constitue une publicité efficace pour les hôteliers dans la prospection de leurs clients, passagers de l’aéroport ; Considérant qu’ADP, en position dominante sur le marché, soutien qu’il n’a commis aucun abus et que les éventuels effets anticoncurrentiels ne se produisent que sur le marché de l’hôtellerie où il n’est pas acteur ;

Considérant qu’ADP a toujours refusé, même contre paiement d’une redevance, l’accès à la signalisation aux hôteliers de la périphérie (APHPAR), alors qu’il l’accorde aux hôteliers de la plate-forme ; Considérant qu’ADP retire des contrats de concessions conclus avec les hôteliers de la plate-forme un montant de redevance dépendant du chiffre d’affaires de ces hôtels, qu’ADP a dès lors un intérêt financier au travers des redevances qu’il perçoit à voir augmenter le chiffre d’affaires des hôtels de la plate-forme ; Considérant que le refus opposé aux hôtels de la périphérie s’explique par la volonté d’ADP de laisser substituer l’avantage concurrentiel que les hôtels de la plate-forme ont acquis et de ne pas voir ses redevances diminuer ; qu’en outre le Parc Disneyland, situé hors du champ d’activité des hôtels requérants, s’est vu accorder l’utilisation de panneau de signalisation ; Considérant qu’un tel refus, de la part d’une entreprise en position dominante sur le marché, de l’accès aux supports de signalisation fausse le jeu de la concurrence sur le marché de l’hôtellerie et doit être qualifié d’abus de position dominante ; Que cette pratique est prohibée par l’article 8 de l’ordonnance de 1986. Sur les sanctions : Considérant qu’aux termes de l’article 13 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 : « Le Conseil de la concurrence peut ordonner aux intéressés de mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Il peut infliger une sanction pécuniaire applicable soit immédiatement, soit en cas d’inexécution des injonctions. Les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l’importance du dommage causé à l’économie et à la situation de l’entreprise ou de l’organisme sanctionné. Elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou chaque organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction. Le montant maximum de la sanction est, pour une entreprise de 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France au cours du dernier exercice clos » ; Considérant qu’ADP est en position de monopole sur le marché de l’accès aux infrastructures aéroportuaires destinées à l’information des passagers ; que les pratiques consistant à refuser l’accès aux hôteliers de la périphérie a occasionné une distorsion de concurrence sur le marché entre les hôtels de la plate-forme et ceux de la périphérie ; que cette prestation d’offre de support de signalisation, bien que non indispensable à

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l’activité hôtelière, est dans le cas d’espèce un service non substituable et déterminant pour l’exercice de leur activité ; que dès lors, cette restriction de concurrence présente un caractère d’une suffisante gravité entravant l’équilibre concurrentiel du marché en cause ; Considérant que pour apprécier le dommage causé à l’économie, il faut observer que seulement six hôtels sont sur la plate-forme et tendent à se répartir la clientèle des passagers de Roissy ; Considérant enfin qu’ADP a réalisé en France, au cours du dernier exercice, versé aux débats, un chiffre d’affaires hors taxes de 7 199 100 650 F ; Qu’en cet état il convient d’infliger à ADP une sanction pécuniaire de 500 000 F ; Considérant en outre qu’il sera enjoint à ADP dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision de faire à l’APHPAR des propositions de nature à répondre à sa demande de

signalisation des arrêts de navette desservant les hôtels de la périphérie, Par ces motifs : Annule la décision du Conseil de la concurrence no 98-D-77 du 15 décembre 1998 ; Statuant sur les pratiques reprochées : Dit qu’Aéroports de Paris (ADP) a enfreint les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 ; Inflige à ADP une sanction pécuniaire de 500 000 F ; Enjoint à ADP de formuler à APHPAR des propositions de nature à répondre à sa demande de signalisation des arrêts de navette desservant les hôtels de la périphérie dans le délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision ; Condamne le requérant aux dépens.

Document n° 4 : C.A. de Paris (1re chambre, section H), 14 mars 2000. Recours formé par l’établissement Aéroports de Paris (ADP) contre une décision no 1998-D-34 du Conseil de la concurrence en date du 2 juin 1998 relative à la situation de la concurrence sur le marché des services d’assistance en escale à l’aéroport d’Orly et sur le marché des locaux et espaces nécessaires aux activités des compagnies aériennes mis à leur disposition par Aéroports de Paris sur l’aéroport d’Orly I. - En ce qui concerne Air France : Considérant qu’aux termes mêmes de la décision rendue par le tribunal des conflits le 18 octobre 1999 ont été déclarés nuls et non avenus la procédure relative aux effets attachés à la décision ministérielle du 4 mai 1994 et l’arrêt de cette cour en date du 23 février 1999 en ce qu’il déclare la juridiction judiciaire compétente pour en connaître ; Que la décision du Conseil se trouve ainsi annulée du chef des pratiques d’entente, au sens de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986, seules retenues à l’encontre d’Air France, de sorte que la cour n’a pas à examiner les demandes d’annulation présentées par cette dernière ; Qu’en outre il n’appartient pas à la cour de tirer les conséquences de cette annulation au regard de la restitution des fonds versés en exécution de la décision annulée ; II. - En ce qui concerne l’abus de position dominante reproché à ADP pour les services d’assistance en escale : Considérant que le dispositif de la décision du Conseil est ainsi rédigé : « Art. 1er. - Il est établi que la société Compagnie nationale Air France, la société Air Inter, devenue

Air France Europe, et Aéroports de Paris ont enfreint les dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. « Art. 2. - Il est établi qu’Aéroports de Paris a enfreint les dispositions de l’article 8 de l’ordonnance du 1er décembre 1986. « Art. 3. - Sont infligées les sanctions pécuniaires suivantes : - 10 millions de francs à l’encontre d’Aéroports de Paris ; - 10 millions de francs à l’encontre de la société Compagnie Nationale Air France » ; Considérant qu’il en résulte que ces trois articles ont un caractère indivisible puisque le Conseil n’a pas opéré de distinction entre les pratiques d’abus de position dominante retenues à l’encontre l’ADP et n’a pas davantage distingué la sanction se rapportant à chacune d’elles ainsi qu’aux pratiques qualifiées d’entente également retenues à son égard ; Qu’il s’ensuit que l’annulation de l’article premier (relatif aux effets attachés à la décision ministérielle du 4 mai 1994 sur la réorganisation des aérogares d’Orly) et l’annulation de l’article deuxième (en sa partie relative au refus d’ADP, du 17 juin 1994, d’autoriser TAT à ouvrir de

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nouvelles liaisons à partir d’Orly Ouest), prononcées par le tribunal des conflits, emportent annulation de la totalité de la décision du Conseil ; Considérant qu’en annulant la procédure relative aux effets attachés aux actes administratifs des 4 mai et 17 juin 1997, le tribunal des conflits a annulé la procédure d’enquête du Conseil ; qu’en effet, en dépit des mentions de la notification des griefs, détaillant ceux-ci, et du rapport analysant les faits susceptibles de se rattacher à chacun des griefs, il n’en demeure pas moins que, d’une part, cette procédure forme un tout indissociable en l’absence de précision sur les pièces annulées et que, d’autre part, le rapport s’est appuyé sur des éléments échappant à la compétence du Conseil ; que, dès lors, la décision du tribunal des conflits fait obstacle à ce que la cour se substitue au Conseil pour rechercher si l’obligation faite à TAT d’utiliser les services d’ADP pour la conduite des passerelles en escale est constitutive ou non d’un abus de position dominante ; Considérant, en définitive, que la cour ne peut que constater qu’il ne reste plus rien des dispositions de la décision du Conseil et de la procédure diligentée

par lui ; qu’elle doit, en conséquence, constater l’annulation de la sanction pécuniaire à ADP ; qu’il ne lui appartient pas de tirer les conséquences de cette annulation au regard de la restitution des fonds versés en exécution de la décision annulée ; Considérant que la solution donnée au recours formé par ADP commande de débouter TAT de sa demande fondée sur l’article 700 du nouveau code de procédure civile ; Par ces motifs : Constate que la décision du Conseil de la concurrence a été annulée en toutes ses dispositions par la décision rendue par le tribunal des conflits le 18 octobre 1999, tant à l’égard de la Compagnie nationale Air France que de l’établissement public Aéroports de Paris ; Renvoie la Compagnie nationale Air France et l’établissement public Aéroports de Paris à mieux se pourvoir sur leurs demandes de restitution du montant des sanctions ; Rejette toutes autres demandes plus amples ou contraires ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Document n° 5 : CE, avis contentieux, 22 novembre 2000, Société L&P Publicité SARL.

Vu, enregistré le 28 juillet 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le jugement du 13 juillet 2000 par lequel le tribunal administratif de Pau, avant de statuer sur les demandes de la SOCIETE L&P PUBLICITE SARL tendant à l'annulation de deux arrêtés du maire de Bayonne en date du 7 décembre 1998 mettant en demeure cette société de déposer deux panneaux publicitaires, a décidé, en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat en soumettant à son examen les questions de savoir : 1°/ si lorsque l'administration prend une décision de police affectant directement les activités économiques dans un secteur concurrentiel, elle doit, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, tenir compte des règles de la concurrence, 2°/ si, dans l'affirmative, la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte permise par l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 - qui peut aboutir par la limitation du nombre de panneaux d'affichage à conférer, sur une zone urbaine éventuellement étendue, une position dominante à un nombre restreint d'entreprises d'affichage - peut être

regardée comme affectant de façon suffisamment directe l'activité économique de l'affichage pour imposer, que lorsqu'il réglemente la publicité dans cette zone, le maire de la commune tienne compte des règles de la concurrence, 3°/ et si, dans l'affirmative, le souci de limiter le développement de l'affichage publicitaire dans les conditions permises par la loi du 29 décembre 1979 doit être assujetti à cette prise en compte des règles de concurrence ou au contraire peut justifier le maintien d'une position dominante dont le ou les titulaires sont ensuite mis en mesure d'abuser ;

Vu les autres pièces du dossier ; Vu la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes ; Vu l'ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et à la concurrence ; Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; (…).

1/ Dès lors que l'exercice de pouvoirs de police administrative est susceptible d'affecter des activités de production, de distribution ou de services, la circonstance que les mesures de police

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ont pour objectif la protection de l'ordre public ou, dans certains cas, la sauvegarde des intérêts spécifiques que l'administration a pour mission de protéger ou de garantir n'exonère pas l'autorité investie de ces pouvoirs de police de l'obligation de prendre en compte également la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir d'apprécier la légalité de ces mesures de police administrative en recherchant si elles ont été prises compte tenu de l'ensemble de ces objectifs et de ces règles et si elles en ont fait, en les combinant, une exacte application.

2/ La réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte peut, en vertu de l'article 10 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et préenseignes, "déterminer dans quelles conditions et sur quels emplacements la publicité est seulement admise" et "interdire la publicité ou des catégories de publicité définies en fonction des procédés et dispositifs utilisés". Tout en ayant pour objectif la protection du cadre de vie, elle est susceptible d'affecter l'activité économique de l'affichage. Dès lors un

maire, lorsqu'il réglemente cette activité dans une zone de publicité restreinte, doit prendre en compte la liberté du commerce et de l'industrie et les règles de concurrence, dans les conditions mentionnées ci-dessus.

3/ Si la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte ne peut légalement avoir par elle-même pour objet de créer une position dominante sur un marché pertinent, elle peut avoir un tel effet, notamment par la limitation du nombre des emplacements d'affichage. Toutefois la création d'une position dominante par l'effet de la réglementation locale de l'affichage en zone de publicité restreinte n'est incompatible avec le respect des dispositions relatives à la concurrence que si cette réglementation conduit nécessairement à l'exploitation de la position dominante de manière abusive. Il résulte de ce qui précède qu'il appartient au maire, lorsqu'il réglemente la publicité sur le territoire de sa commune, de veiller à ce que les mesures de police prises par lui ne portent aux règles de concurrence que les atteintes justifiées au regard des objectifs de la réglementation de l'affichage.

Document n° 6 : CE, 6 juin 2001, Commune de Vannes, Rec., p. 256.

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 septembre 1998 et 19 janvier 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE VANNES ; la COMMUNE DE VANNES demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt en date du 9 juillet 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 25 septembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du maire de Vannes refusant de procéder à l'abrogation des dispositions de l'arrêté du maire du 28 décembre 1990 relatives au stationnement des taxis aux abords de la gare SNCF ;

2°) condamne les parties perdantes dans la présente instance à lui verser solidairement la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret du 22 mars 1942 sur la police, la sûreté et l'exploitation des voies ferrées d'intérêt général et d'intérêt local ;

Vu le décret n° 73-285 du 2 mars 1973 ;

Vu le code de justice administrative ;

(…)

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret du 22 mars 1942 susvisé : "les mesures de police destinées à assurer le bon ordre dans les parties des gares et de leurs dépendances accessibles au public sont réglées par des arrêtés du préfet du département ( ...)./ Ces mesures visent notamment l'entrée, le stationnement et la circulation des voitures publiques ou particulières ( ...) dans les cours dépendant des gares de chemins de fer" ;

Considérant qu'en jugeant qu'alors même que la cour de la gare de Vannes avait été incorporée au domaine public communal elle conservait son caractère de dépendance d'une gare de chemin de fer, au sens des dispositions précitées, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit ; que, par suite, il y a lieu d'annuler l'arrêt attaqué ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une

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juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Sur la fins de non-recevoir opposée par la COMMUNE DE VANNES devant le juge du fond :

Considérant que M. de Geloès, artisan taxi titulaire d'une autorisation de stationner dans une commune limitrophe de Vannes et la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) ont qualité pour agir dès lors que la réglementation du maire de Vannes limitait la capacité de M. de Geloès et de certains membres de cette fédération à faire stationner leurs véhicules dans la cour de la gare de Vannes sur les emplacements réservés au taxis, afin d'y prendre en charge des clients ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 du décret du 2 mars 1973 susvisé : "le maire fixe, s'il y a lieu, le nombre de taxis admis à être exploités dans la commune, attribue les autorisations de stationnement et délimite les zones de prise en charge" ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la cour de la gare, dont la propriété a été transférée par la société nationale des chemins de fer français, à la commune le 24 juin 1952, et qui a été incorporée à la voirie communale, par délibération du conseil municipal en date du 26 octobre 1953, n'appartient plus au domaine public ferroviaire ; que, par suite, les lieux n'avaient plus le caractère de dépendance de la gare au sens des dispositions précitées du décret du 22 mars 1942 ; que, dès lors, le préfet n'était pas compétent pour prendre des mesures de police relatives au stationnement des taxis sur les emplacements réservés devant la gare ; qu'en revanche il appartenait au maire, en application des dispositions précitées du décret du 2 mars 1973, de prendre de telles mesures ; que, par suite, la COMMUNE DE VANNES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 25 septembre 1996, le tribunal administratif de Rennes a annulé, en se fondant sur l'incompétence du maire, la décision implicite de ce dernier rejetant la demande de la Fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de Geloès tendant à ce que soient abrogées les dispositions de l'arrêté du 28 décembre 1990 du maire de Vannes réservant aux seuls taxis de la commune le stationnement sur les emplacements réservés devant la gare de Vannes ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la Fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de Geloès devant le tribunal administratif de Rennes ;

Considérant que l'arrêté du maire de Vannes en date du 28 décembre 1990 modifié interdit aux taxis extérieurs à la commune de Vannes le stationnement sur les emplacements réservés aux taxis devant la gare de Vannes ; que, eu égard à l'importance de la restriction ainsi apportée à l'exercice de cette activité professionnelle et au fait que la fonction de desserte de la gare de Vannes dépasse largement le cadre de cette commune, le maire n'a pas pu légalement réserver aux seuls taxis de sa commune le stationnement sur ces emplacements ; que par suite la commune de Vannes n'est pas fondée à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé le refus implicite opposé par le maire de Vannes à la demande formée par la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de Geloès que soient abrogées les dispositions de l'arrêté du 28 décembre 1990 du maire de Vannes réservant aux seuls taxis de sa commune le stationnement sur les emplacements réservés devant la gare de Vannes ;

Sur les conclusions de M. de Geloès relatives à l'application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative sous astreinte de 1 000 F par jour de retard :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : "Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution" ;

Considérant que l'annulation de la décision de refus du maire de Vannes implique nécessairement que celui-ci procède à l'abrogation sollicitée par la fédération susmentionnée et par M. de Geloès ; que dès lors il y a lieu, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre à la ville de Vannes de procéder à cette abrogation ; que, compte tenu de toutes les circonstances de l'affaire, il y a lieu de prononcer contre la ville, à défaut pour elle de justifier de l'intervention d'une telle mesure d'abrogation dans

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un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, une astreinte de 500 F par jour jusqu'à la date à laquelle le présent arrêt aura reçu exécution ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la COMMUNE DE VANNES à verser 15 000 F à la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et 15 000 F à M. de Geloès, au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la fédération nationale des taxis indépendants (région Bretagne) et M. de Geloès qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, soient condamnés à payer à la commune de Vannes la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 6 de l'arrêt du 9 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la commune de Vannes de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à l'abrogation de l'arrêté du maire de Vannes du 28 décembre 1990 en tant qu'il réserve aux seuls taxis de la commune le stationnement sur les emplacements réservés devant la gare de Vannes.

Article 3 : Une astreinte est prononcée à l'encontre de la commune de Vannes si elle ne justifie pas de l'intervention, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, d'une décision de son maire portant abrogation, dans les conditions fixées à l'article précédent, des dispositions susmentionnées de l'arrêté municipal du 28 décembre 1990, et jusqu'à la date de son intervention ; le taux de cette astreinte est fixé à 500 F par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.

(…)

Document n° 7 : CE, 30 juin 2004, Département de la Vendée.

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 6 septembre 2002 et 23 décembre 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DE LA VENDEE, (…) ; le DEPARTEMENT DE LA VENDEE demande au Conseil d'Etat : 1°) d'annuler l'arrêt du 28 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, réformant le jugement du 6 janvier 2000 du tribunal administratif de Nantes, a annulé à la demande de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V), le premier alinéa de l'article 4, l'article 5 et l'article 8 de l'arrêté du 30 mars 1998 du président du conseil général de la Vendée formant règlement d'utilisation des installations portuaires de Fromentine et a condamné le département requérant à verser à cette société une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; 2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel de la société Vedettes Inter-Iles

Vendéennes et de faire droit à sa demande tendant à ce que cette société soit condamnée à lui payer la somme de 762,25 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; 3°) en tout état de cause, de condamner la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes à lui verser la somme de 3 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu la note en délibéré présentée le 11 juin 2004 pour la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes ; Vu le code de justice administrative ; (…) Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la desserte maritime de l'Ile d'Yeu est assurée notamment à partir du port départemental de Fromentine, situé dans la commune de la Barre de Monts (Vendée) ; que ce port est constitué d'une estacade en bois de 76 m débouchant sur une plate-forme d'accostage, posée et ancrée au fond par des pieux ; que cette plate-

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forme comprend deux postes d'amarrage dont l'un, situé sur le côté ouest, permet l'amarrage des paquebots alors que l'autre, situé au nord, constitué d'un ponton flottant ancré sur le débarcadère, est destiné à l'accostage des navires de plus petit gabarit ; que ce ponton flottant est utilisé, à la fois, par l'unité rapide de la régie départementale des passages d'eau de la Vendée (R.D.P.E.V) et par les vedettes de compagnies privées dont la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V) ; que par arrêté du 30 mars 1998, le président du conseil général de la Vendée a réglementé l'utilisation des installations du port de Fromentine ; que l'article 4 de cet arrêté dispose que l'accostage au ponton flottant des bateaux des compagnies privées pour l'embarquement et le débarquement de passagers est interdit : / - une demi-heure avant l'arrivée prévue et un quart d'heure après le départ effectif de l'unité rapide de la régie/ - pendant l'escale de ladite unité/ - une demi-heure avant l'arrivée prévue et un quart d'heure après le départ effectif d'un paquebot de la régie/ - pendant une heure après l'arrivée et pendant une heure avant le départ d'un paquebot de la régie (...) ; qu'aux termes des dispositions de l'article 8 du même arrêté : Le stationnement au ponton des bateaux des compagnies privées est strictement limité au temps nécessaire à l'embarquement ou au débarquement des passagers ; que l'article 5, non divisible des articles 4 et 8, prévoit que dans les créneaux horaires non réservés au service public exercé par la régie départementale, l'accostage au ponton flottant des bateaux des compagnies privées pour l'embarquement et le débarquement des passagers est interdit une demi-heure avant l'arrivée prévue de l'unité suivante et un quart d'heure après le départ effectif de l'unité suivante ; que, par jugement du 6 janvier 2000, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes tendant à l'annulation de cet arrêté ; que le DEPARTEMENT DE LA VENDEE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 28 juin 2002 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes, statuant sur l'appel de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes, a, infirmant sur ce point le jugement du tribunal administratif de Nantes, annulé les dispositions précitées des articles 4 (alinéas 1 à 5), 5 et 8 de l'arrêté du 30 mars 1998 ; Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ; Considérant que s'il appartient aux collectivités et personnes morales publiques, auxquelles sont

affectées ou concédées les installations des ports maritimes, de permettre l'accès aussi large que possible des armements à ces installations, elles n'en sont pas moins corollairement en charge de fixer, par une réglementation adaptée à la configuration des ports concernés, des conditions d'utilisation de ces installations propres à assurer la sécurité des usagers et la protection des biens du domaine public maritime ; qu'en outre, si ces mêmes collectivités et personnes morales publiques ne sont autorisées par aucune disposition législative à consentir aux entreprises chargées d'un service public de transport maritime le monopole de l'utilisation des ouvrages portuaires et, dès lors, en l'absence de circonstances exceptionnelles à réserver à ces entreprises l'exclusivité de l'accès aux installations portuaires, il leur appartient, dans des limites compatibles avec le respect des règles de concurrence et du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, d'apporter aux armements chargés d'un tel service public l'appui nécessaire à l'exploitation du service et, le cas échéant, de leur accorder des facilités particulières pour l'utilisation du domaine public ; Considérant qu'en jugeant, après avoir rappelé les principes énoncés ci-dessus, que les exigences découlant de la mission de service public de la régie départementale des passages d'eau de la Vendée (R.D.P.E.V) ne pouvaient être regardées, au même titre que les contraintes techniques ou de sécurité, comme des nécessités de fonctionnement du port que pouvait prendre en compte, dans les limites énoncées plus haut, l'autorité réglementaire, la cour a commis une erreur de droit ; que l'arrêt attaqué doit, dès lors, être annulé dans ses articles 1 et 2 ; Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ; Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant, que le moyen tiré par la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes de ce que le jugement attaqué du tribunal administratif de Nantes n'aurait pas répondu au moyen tiré par elle de l'illégalité de l'article 8 du règlement litigieux manque en fait ; Sur la légalité des trois premiers alinéas de l'article 4 et de l'article 8 du règlement attaqué :

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Considérant, que les dispositions combinées des alinéas 1 à 3 de l'article 4 de l'arrêté du 30 mars 1998 interdisent l'accostage au ponton flottant des bateaux des compagnies privées d'une part, une demi-heure avant l'arrivée de l'unité rapide de la régie départementale et un quart d'heure après son départ effectif, d'autre part, pendant l'escale de cette unité rapide ; que l'article 8 du même règlement limite strictement le temps de stationnement de ces mêmes bateaux au temps nécessaire à l'embarquement ou au débarquement des passagers ; que la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes soutient que la combinaison de ces dispositions aboutit en pratique à ce que, pendant le stationnement de l'unité rapide de la régie qui peut se prolonger pendant six heures à marée basse, ses bateaux sont empêchés d'accoster au ponton flottant et donc d'assurer, par suite, la desserte de l'île d'Yeu, en méconnaissance tant du principe de la liberté du commerce et d'industrie que du principe d'égalité de traitement entre armateurs ; Considérant toutefois qu'il ressort des pièces du dossier que la régie départementale assure en ce qui concerne la desserte de l'île d'Yeu une mission de service public qui implique des traversées régulières toute l'année et par tous temps ; que l'accomplissement de cette mission explique que l'unité rapide de la régie départementale ait un tirant d'eau sensiblement plus important que celui des unités de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V.), ce qui la rend tributaire des horaires des marées et lui interdit notamment de sortir du port de Fromentine ou d'y accéder à marée basse ; que la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes n'est pas, compte tenu de son activité exclusivement estivale et de la taille, de la capacité et du tirant d'eau de ses bateaux, dans une situation identique à celle de l'armement chargé du service public ; que la longueur limitée du ponton flottant rend techniquement difficile et, en tout état de cause, dangereux pour la sécurité des opérations d'embarquement et de débarquement des passagers compte tenu de la taille des bateaux concernés, l'accostage simultané de deux unités rapides ; que dès lors, eu égard aux circonstances rappelées ci-dessus, le président du conseil général a pu, sans porter d'atteinte excessive au principe de la liberté du commerce et de l'industrie, ni méconnaître les règles de concurrence ainsi que l'égalité de traitement entre armateurs, apporter à la régie départementale l'appui nécessaire à l'exploitation du service public dont elle est chargée en faisant bénéficier la seule unité rapide de la régie de la

possibilité d'un stationnement prolongé sur le ponton flottant au cours des périodes de marée basse pendant lesquelles cette unité ne peut, compte tenu de son tirant d'eau, passer dans le chenal d'accès et en interdisant, pendant ce stationnement prolongé, toute possibilité d'accostage d'une unité rapide appartenant à la compagnie V.I.I.V, qui dispose d'ailleurs, à 500 mètres du port de Fromentine, d'un site propre de mouillage à partir duquel elle peut assurer ses liaisons maritimes vers l'Ile d'Yeu ; Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ; Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des trois premiers alinéas de l'article 4 ainsi que de l'article 8 du règlement attaqué ; Sur la légalité des quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 du règlement attaqué : Considérant que les dispositions combinées des premier, quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 du même règlement ont pour effet de limiter aux seuls bateaux des compagnies privées l'interdiction d'accostage au ponton flottant, d'une part, pendant l'escale d'un paquebot de la régie, d'autre part, une demi-heure avant l'arrivée prévue et un quart d'heure après le départ effectif d'un tel paquebot ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'une telle restriction, constitutive d'une rupture d'égalité entre les vedettes de la régie et celles des compagnies privées, soit rendue nécessaire par des contraintes de sécurité publique liées soit aux conditions de navigation dans le chenal d'accès au port de Fromentine, soit aux modalités d'embarquement et de débarquement des passagers des unités rapides lors des manoeuvres ou de l'escale d'un paquebot de la régie ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la mission de service public dont est investie la régie départementale justifierait que ses unités rapides soient exonérées du respect de règles édictées dans l'intérêt de la sécurité des mouvements de navires et de passagers ; que, dès lors, la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 de l'arrêté litigieux, en tant que

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leurs dispositions ne s'appliquent qu'aux bateaux des compagnies privées ; Sur les conclusions présentées au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative : Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le DEPARTEMENT DE LA VENDEE et la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes sur le fondement de ces dispositions ; DECIDE : Article 1er : Les articles 1er et 2 de l'arrêt du 28 juin 2002 de la cour administrative d'appel de Nantes sont annulés. Article 2 : Le jugement du 6 janvier 2000 du tribunal administratif de Nantes est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes tendant à l'annulation des quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 de l'arrêté du 30 mars 1998 du président du Conseil général de la Vendée.

Article 3 : Les quatrième et cinquième alinéas de l'article 4 de l'arrêté du 30 mars 1998 du président du Conseil général de la Vendée sont annulés, en tant qu'ils ne s'appliquent qu'aux bateaux des compagnies privées pour l'embarquement et le débarquement des passagers ; Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes devant le tribunal administratif de Nantes est rejeté. Article 5 : Les conclusions présentées par le DEPARTEMENT DE LA VENDEE et la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 6 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DE LA VENDEE, à la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes et au ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.

Document n° 8 : Conseil de la concurrence, décision n° 04-D-79 du 23 décembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la régie départementale des passages d’eau de la Vendée (RDPEV) I. - CONSTATATIONS A. - La saisine 1. La société saisissante, Vedettes inter-îles Vendéennes (ci-après « VIIV »), assure, depuis 1986, le transport maritime de passagers entre l’île d’Yeu et le continent pendant la saison estivale, du mois d’avril au mois de septembre. Cette société dénonce le comportement de la régie départementale des passages d’eau de la Vendée (ci-après « la régie »), qui a été chargée, par le département de la Vendée, de la mission de service public de transport maritime entre l’île d’Yeu et le continent, et qui était jusqu’en 1986, en situation de quasi-monopole. 2. La société VIIV soutient que la régie a abusé de la position dominante qu’elle occupe sur le marché du transport maritime de passagers en période estivale entre l’île d’Yeu et le continent en développant une offre de prestations touristiques et de transport à des tarifs inférieurs à leurs prix de revient (…)

B. - Le secteur concerné : les transports maritimes entre l’île d’Yeu et le continent 1. Les opérateurs (…) 2. Les flottes 10. Les transports entre l’île d’Yeu et le continent sont assurés soit par des ferries, qui effectuent la traversée en environ 70 minutes (depuis Fromentine) et transportent des véhicules et des marchandises, soit par des vedettes rapides, qui effectuent la traversée en 40 minutes et ne transportent que des passagers. 11. L’état de la mer en hiver impose de fortes contraintes sur la navigation entre le continent et l’île d’Yeu. A ce jour, seuls les ferries et la vedette rapide de la régie ont le gabarit nécessaire pour assurer le service de transport de passagers par mer agitée. (…) 3. La demande 14. Pour le transport de passagers, la demande regroupe deux catégories de clientèle : d’une part,

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la clientèle des Islais et de certains continentaux, qui ont besoin d’une liaison régulière toute l’année et, d’autre part, la clientèle des touristes, appelés « escapadeurs » qui, pendant la saison estivale, souhaitent passer une journée sur l’île d’Yeu. Les Islais voyagent presque exclusivement sur les navires de la régie et représentent, pour la régie, près de 23 % des billets vendus. Les compagnies privées, dont l’activité se limite à la saison estivale, s’adressent presque exclusivement à la clientèle des touristes. Pour la société VIIV et la société Compagnie vendéenne, moins de 1 % des passagers transportés sont des Islais. La proportion, pour la société NGV, n’est que de 3 %. La régie, la société VIIV et la Compagnie vendéenne accordent aux islais des tarifs spécifiques, inférieurs à ceux pratiqués pour les autres catégories de clientèles. (…) 4. Les différents sites de départ sur le continent (...) 5. L’activité de la régie et des compagnies privées (…) C. - Le statut de la régie départementale des passages d’eau de la Vendée et l’organisation de la mission de service public qui lui est confiée 26. La régie est un établissement public industriel et commercial départemental, doté par conséquent de la personnalité morale et de l’autonomie financière. 27. Selon l’article 1er du règlement intérieur, adopté par le conseil général le 18 novembre 1988 et modifié le 17 septembre 1990 puis le 12 mai 1995, la régie a pour mission : « l’exploitation directe du service maritime de passages d’eau entre l’île d’Yeu et le continent ; « l’exécution, accessoirement, des services occasionnels d’excursions ou voyages de service autour de l’île d’Yeu et dans les ports et eaux côtières français du littoral atlantique ; « l’exploitation de la ligne éventuellement accompagnée de la fourniture de diverses prestations de services aux usagers ; « en cas de nécessité, et avec l’accord du service des douanes, l’avitaillement en fuel de la Coopérative de Beauvoir-sur-Mer pour les marins de la baie de Bourgneuf relevant de sa compétence ». 28. L’article 2 du règlement intérieur précise le contenu du service : « Le service à assurer comporte : un service quotidien, suivant les exigences des marées, effectuant le transport des voyageurs, des marchandises, des véhicules et

divers, fonctionnant selon les contraintes du trafic (place disponible) ; à chaque fois que possible et selon les besoins du trafic, des services supplémentaires y compris de voyages excursions ». 29. L’article 7, dans sa rédaction issue de la modification de 1995, dispose : « Le département délibérera chaque année sur le montant de sa contribution au coût des contraintes de fonctionnement du service public qu’il impose à la RDPEV (...). Si le bilan en fin d’exercice fait apparaître un déficit supérieur aux prévisions, il appartiendra au conseil général de se prononcer sur les ajustements nécessaires ». 30. Le directeur de la régie établit chaque année, depuis 1994, un rapport sur la « participation du département de la Vendée aux charges de service public supportées par la régie départementale des passages d’eau de la Vendée ». Dans ces rapports, sont évaluées les charges spécifiques supportées par la régie au titre du coût du service public, des aides économiques et sociales et des mesures spécifiques. 31. Les charges retenues par le directeur de la régie au titre des « contraintes de services public », d’un montant total de 11,829 MF en 1999 et 11,292 MF en 2000 sont les suivantes : les réductions de tarifs accordées aux islais par rapport aux tarifs pratiqués aux continentaux, soit selon les cas, une réduction allant de 56 à 75 % qui, appliquées à 80 000 islais environ transportés en 1997, engendrent un coût de 3,540 MF pour 1999 (3 MF en 2000) ; les tarifs préférentiels pour les véhicules islais, soit un coût de 1,9 MF pour 1999, 2 MF pour l’année 2000 ; l’obligation de réaliser « chaque jour un service public quotidien entre le continent et l’île d’Yeu, même les jours où la demande ne concerne qu’une dizaine de passagers et où la marchandise est quasi inexistante et pourrait être reportée sur les jours ultérieurs au sens habituel de la rentabilité », soit 139 voyages en 1997, dont le coût a été estimé à 4,67 MF pour 1999 et à 4,525 MF pour 2000 ; (…) 32. Les différentes aides incluent en premier lieu des « aides économiques », correspondant à l’objectif « d’assurer un rôle de régulation par rapport à la concurrence exercée par l’armement Pajarola », au motif qu’en limitant sa desserte de l’île d’Yeu à trois allers-retours par semaine et en ayant comme point de départ Les Sables-d’Olonne, et « malgré des coûts d’exploitation largement supérieurs pour la régie », « il n’est pas illusoire

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d’appliquer les tarifs de l’armement Pajarola aux marchandises transportées par la régie pour approcher le coût réel du transport », les « aides économiques » étant en conséquence regardées comme la différence entre les coûts de la régie au titre du transport de marchandises et les recettes résultant de l’alignement des prix sur le concurrent. 33. En deuxième lieu, des « aides sociales » compensent le coût des différentes réductions accordées sur les pleins tarifs (enfants, familles, tarifs groupes, etc.). En troisième lieu, une participation du département intitulée « confort » compense le coût lié au fait que le port d’attache des navires de la régie est l’île d’Yeu et que les navires y font escale la nuit, induisant des voyages avec peu de passagers le matin et le soir, bien que répondant également, le lundi matin et le vendredi soir, au souci d’assurer « un transport plus confortable des étudiants ». Au total, les différentes aides ainsi justifiées étaient estimées à 13,5 MF pour l’année 1999 et à 13,1 MF pour l’année 2000. 34. Cette estimation des charges spécifiques de la régie est soumise à l’assemblée du conseil général et vient à l’appui de la décision de verser une subvention d’exploitation à la régie. En 2000, à la suite d’observations formulées par la chambre régionale des comptes des Pays de la Loire, les charges de service public, le coût des navires supporté par le département et la participation du département ont été réestimés (…). D. - Les pratiques dénoncées 1. Les faits dénoncés dans la saisine 35. La société VIIV soutient, en premier lieu, que la régie a développé une offre de prestations touristiques et de transport à des prix inférieurs à leurs coûts de revient, comme en atteste, selon elle, l’ampleur du déficit chronique de la régie, compensé par une subvention du conseil général. Elle ajoute que le déficit réel est de fait beaucoup plus important que celui qui est affiché, un certain nombre de charges qui devraient être supportées par l’Amporelle étant soit directement financées par le département, comme une partie du loyer, les frais d’assurances et les grosses réparations, soit indûment non réclamées à la régie, comme la taxe professionnelle ou la TVA sur la subvention du département. 36. La société VIIV dénonce, en deuxième lieu, le fait que le prix des passages sur l’Amporelle, dès la mise en service de ce bateau, ont été alignés sur ceux pratiqués sur les ferries, alors que le coût d’acquisition de l’Amporelle aurait justifié, selon elle, des prix beaucoup plus élevés. Elle met en

avant le fait que les tarifs ainsi fixés pour l’Amporelle étaient inférieurs à ses propres tarifs. Selon la société VIIV, cette politique de prix est prédatrice, car de nature à évincer les sociétés privées du marché du transport de passagers entre l’île d’Yeu et le continent, dès lors que ces sociétés ne peuvent ni aligner leurs prix sur ceux de la régie compte tenu de leurs coûts, ni rentabiliser leur activité faute de pouvoir compter sur la clientèle attirée par ces prix bas. (…) II. - DISCUSSION A. - Sur la compétence du Conseil de la concurrence 71. La régie fait valoir que le litige porte essentiellement sur l’appréciation d’actes de puissance publique. Elle précise que le modèle économique de la régie est profondément marqué par les obligations de service public qui lui sont imposées par le conseil général et que, selon une jurisprudence bien établie, sont qualifiées d’actes administratifs les décisions réglementaires qui émanent de personnes de droit privé investies d’une mission de service public, lorsque ces décisions sont prises « dans la sphère de ces attributions ». Elle ajoute que la décision du conseil d’administration de la régie de fixer des tarifs, applicables aux usagers du service de transport entre le continent et l’île d’Yeu, participe étroitement à l’exécution du service public. Cette décision constitue un complément indispensable à l’exécution du service public dont elle a la charge et participe d’une prérogative de puissance publique. Elle en déduit que le Conseil de la concurrence doit se déclarer incompétent au profit de la juridiction administrative. 72. Aux termes de l’article L. 410-1 du code de commerce, les règles relatives aux pratiques anticoncurrentielles s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques. Ainsi, le seul fait que la régie soit une personne publique ne la fait pas échapper à l’application du droit de la concurrence, pour autant qu’elle se livre à des activités de production, de distribution et de services. La répartition de compétence entre le Conseil de la concurrence et les juridictions administratives pour appliquer les règles de concurrence aux personnes publiques ou aux personnes privées chargées d’une mission de service public obéit à des critères appliqués de manière uniforme par les deux ordres de juridictions depuis la décision du tribunal des conflits du 18 octobre 1999 « Aéroports de Paris ».

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Si la mesure contestée au regard du droit de la concurrence met en œuvre des prérogatives de puissance publique se rattachant à une mission de service public, la juridiction administrative est seule compétente pour en apprécier la légalité et, le cas échéant, pour statuer sur la mise en jeu de la responsabilité encourue par ces personnes. Si, à l’inverse, la mesure contestée relève d’une pratique « détachable » de l’exercice de prérogative de puissance publique, le Conseil de la concurrence est alors compétent. 73. Le Conseil a déjà considéré, dans sa décision 01-MC-02, qu’il était compétent pour apprécier le comportement de la régie en matière de prestations touristiques et de transport : « Considérant que la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires visent trois personnes publiques, la RDPEV, le conseil général de la Vendée et la commune de La Barre-de-Monts, à raison d’actes ou de comportements qui leur sont reprochés ; que, selon la jurisprudence du Tribunal des conflits (arrêt ADP du 18 octobre 1999) et de la Cour de cassation (arrêt Semmaris du 16 mai 2000), les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique, même si ces décisions sont constitutives d’actes de production, de distribution ou de service au sens de l’article L. 410-1 du code de commerce, ne relèvent pas de la compétence du Conseil de la concurrence ; qu’il en est de même des pratiques qui sont indissociables de ces décisions ; considérant, en premier lieu, que la saisine au fond et la demande de mesures conservatoires concernent, à titre principal, les décisions et le comportement de la RDPEV relatifs aux activités de prestations touristiques et de transport qu’elle exerce, pour les liaisons rapides et estivales entre l’île d’Yeu et le continent, pour lesquelles elle est en concurrence avec d’autres opérateurs économiques ; qu’il n’apparaît pas que ces décisions et comportements soient liés directement à la mission de service public assignée à la régie, qui est d’assurer la continuité territoriale entre le continent et l’île d’Yeu, et nécessitent la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique ; que, par suite, le Conseil peut être compétent pour en connaître. » 74. Aucun des arguments avancés par la régie n’est susceptible de remettre en cause cette analyse. Si le département de la Vendée a bien confié une mission de service public à la régie, les pratiques commerciales de cette dernière

contestées par la société VIIV, qui concernent d’ailleurs le tarif plein appliqué par la régie à tous ceux qui, hors des Islais, ont recours à ses prestations de transport, sont détachables des actes par lesquels le département et la régie organisent le service public au moyen de prérogatives de puissance publique. Dès lors, le moyen d’incompétence du conseil doit être écarté. B. - Sur la procédure (…) C. - Sur les pratiques 1. Sur la définition des marchés pertinents et la position de la régie sur ces marchés 82. La régie soutient que le marché pertinent est constitué des seules liaisons en vedette rapide au départ de Fromentine et de la Fosse ; elle en déduit qu’elles forment un marché pertinent, sur lequel la régie ne serait pas en position dominante. Elle indique qu’il n’y a pas de domination sur le transport de marchandises et elle conteste l’affirmation selon laquelle la faculté de transporter des denrées alimentaires, des voitures ou des matériaux sur les paquebots et d’assurer le transport de passagers pourrait inciter un escapadeur à préférer la régie. Elle indique qu’ayant renoncé à tout grief concernant l’accès aux équipements portuaires ou aux gares maritimes, la rapporteure ne peut soutenir que ce sont des facteurs de domination pour la régie. Enfin, elle précise qu’elle ne disposait pas d’un monopole réglementaire à Port-Joinville entre 1998 et 2000, le règlement portuaire de Port-Joinville ayant pour but de répartir l’usage du ponton des vedettes entre ses différents utilisateurs en fonction des périodes de l’année au cours desquelles il avait été constaté que les compagnies privées l’utilisaient. 83. La société VIIV estime que le marché pertinent regroupe les ferries et les vedettes rapides au départ de Fromentine, La Fosse et Saint-Gilles-Croix-de-Vie, marché sur lequel la régie dispose d’une position dominante en période estivale, appuyée sur son monopole sur le transport des marchandises et des véhicules entre ces ports et l’île d’Yeu. Elle soutient par ailleurs que le règlement portuaire de Port-Joinville donnait à la régie, jusqu’en juin 2003, un monopole sur le transport de passagers par vedette rapide entre le continent et l’île d’Yeu entre avril et septembre et fait part de son intention, depuis l’annulation de ces dispositions par le tribunal administratif de Nantes, de mettre en service une liaison maritime avec l’île d’Yeu pendant la période hivernale.

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84. Pour délimiter les marchés dans le secteur du transport maritime ou aérien, la Commission européenne estime que chaque combinaison point d’origine-point de destination doit être considérée comme un marché séparé du point de vue du client. Sur chaque marché ainsi défini, la Commission examine les différentes possibilités de transport. 85. En l’espèce, le dossier concerne les liaisons maritimes pour les passagers entre l’île d’Yeu et le continent. Les passagers peuvent utiliser des ferries ou des vedettes rapides. Les liaisons s’effectuent au départ de Fromentine, de La Fosse, de Saint-Gilles-Croix-de-Vie et des Sables-d’Olonne. Deux périodes doivent être distinguées, les six mois de basse saison, de début octobre à fin mars, période au cours de laquelle la régie est seule à assurer le transport de passagers entre l’île d’Yeu et le continent, et les six mois de saison estivale, de début avril à fin septembre, période au cours de laquelle les compagnies privées proposent également une offre de transport de passagers. 86. S’agissant des ports desservis sur le continent, la prise en compte de la proximité géographique des sites de Fromentine, La Fosse et Saint-Gilles-Croix-de-Vie, du caractère relativement comparable des traversées en temps et en confort et de la similitude des tarifs permet de considérer que les liaisons au départ de ces différents ports sont suffisamment substituables du point de vue des passagers. 87. En revanche, le site des Sables-d’Olonne est plus éloigné et apparaît peu substituable aux autres sites, notamment en ce qui concerne la clientèle estivale basée dans le sud du département. La différence entre les prix de la compagnie NGV, qui effectue ses traversées au départ des Sables-d’Olonne, et ceux des autres compagnies conforte cette analyse. 88. En ce qui concerne la substituabilité entre les ferries et les vedettes rapides, elle n’existe pas pour les passagers qui, transportant des bagages volumineux ou voyageant avec leurs véhicules, doivent obligatoirement emprunter les ferries. En revanche, bien que le temps de traversée soit plus rapide pour les vedettes (40 minutes, contre 70 minutes pour les ferries), les deux modes de transport apparaissent suffisamment substituables du point de vue des « escapadeurs », comme le montre le nombre de passagers voyageant sur les ferries de la régie en période estivale, comparé à celui de la période hivernale. La régie admet d’ailleurs qu’elle favorise cette substituabilité en pratiquant des prix identiques afin de faciliter le passage des voyageurs de l’unité rapide à un paquebot et inversement. En outre, il peut être

relevé que les tarifs promotionnels « escapadeurs » concernent aussi bien les ferries que l’Amporelle. 89. Il ressort de ce qui précède que le pouvoir de marché de la régie, et notamment sa capacité à mettre en œuvre des pratiques prédatrices, doit être évalué au regard de sa position sur le marché du transport de passagers, par vedettes rapides et par ferries, entre l’île d’Yeu, Fromentine, La Fosse et Saint-Gilles-Croix-de-Vie, sur la période d’avril à septembre, période à laquelle elle est confrontée à une offre concurrente. 90. Sur la période hivernale, entre 1998 et 2000, la régie bénéficiait d’un monopole de droit et de fait sur les liaisons maritimes entre le continent et l’île d’Yeu, le règlement portuaire de Port-Joinville de 1998 disposant, dans son article 25 : « L’accostage et le stationnement des vedettes à passagers sont autorisés uniquement de la semaine avant Pâques au 15 octobre de chaque année. » Cet article a été annulé par le tribunal administratif de Nantes par un jugement du 20 mai 2003. 91. Sur le marché ainsi défini des liaisons maritimes pour les passagers entre l’île d’Yeu et le continent au départ de Fromentine, La Fosse et Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en ferries ou en vedettes rapides, la régie détient des parts de marché élevées. Entre 1998 et 2000, la régie a transporté près de 75 % du nombre total de passagers transportés sur l’année (cf. paragraphe 24 ci-dessus). Sur la seule période estivale, entre début juin et fin septembre, sa part de marché est de 70 % en 1998. 92. En outre, les services de la régie présentent, par rapport à ceux des autres compagnies, des facteurs de différentiation qui confortent le constat tiré des seules parts de marché. Ainsi, le fait que les Islais, qui représentent 23 % des billets vendus par la régie, voyagent presque exclusivement sur ses bateaux montre qu’elle bénéficie d’une image liée au fait qu’elle a longtemps été la seule à assurer la desserte de l’île d’Yeu et est toujours la seule à le faire pendant la période hivernale. De plus, elle est la seule entreprise à exploiter des ferries qui permettent à la fois le transport de passagers, de véhicules et de marchandises. La mission de service public dont elle est chargée lui assure enfin un accès privilégié aux équipements portuaires et aux gares maritimes. 93. L’on peut déduire de cette analyse que, sur la période étudiée, entre 1998 et 2000, la régie était en position dominante sur le marché du transport maritime de passagers entre l’île d’Yeu et le continent, au départ des ports de Fromentine, la Fosse et Saint-Gilles-Croix-de-Vie, entre avril et septembre.

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2. Sur le grief de prix prédateurs 94. Il est reproché à la régie d’avoir abusé de sa position dominante en 1998, 1999 et 2000 en pratiquant des prix prédateurs au motif, d’une part, que les prix des passages sur l’Amporelle ne permettaient pas à la régie de couvrir l’ensemble de ses charges lors de la période où elle est en concurrence avec les compagnies privées, d’avril à septembre, d’autre part, que le maintien des prix bas alors qu’elle enregistrait des pertes importantes participait d’un plan ayant pour but d’éliminer la concurrence des compagnies privées afin de récupérer la clientèle des touristes et rentabiliser ainsi ses investissements. 95. La régie conteste les résultats de l’expertise selon lesquels les charges de l’Amporelle ne seraient pas couvertes d’avril à septembre. Elle fait valoir que cette vedette rapide participe à la mission de service public qui lui a été confiée également pendant la saison estivale et qu’il convient donc de prendre en compte, dans les recettes, une partie de la subvention du département destinée à compenser les coûts supportés pour la fourniture de ce service public, soit l’obligation d’assurer deux allers-retours quotidiens, les réductions tarifaires aux Islais et les horaires imposés. De plus, la régie soutient que le loyer annuel à prendre en compte serait de 2 088 000 F, soit le loyer fixé par les chartes parties en 2000, cette prise en compte aboutissant à elle seule à un quasi-équilibre du résultat d’exploitation de l’Amporelle sur les 6 mois de la saison estivale. S’agissant des frais d’assurances et de grosses réparations des navires, elle fait valoir qu’il s’agit de coûts fixes, qui ne varient pas en fonction du nombre de passages et qui en tant que tels devraient être répartis en fonction de la durée, ce qui aboutit à une diminution des charges recalculées par l’expert (151 320 F en 1998, 127 830 F en 1999 et 114 942 F en 2000). (…) 97. En l’espèce, la régie est chargée d’une mission de service public : le transport des véhicules, des marchandises et des passagers durant la totalité de l’année et selon un rythme minimal de fréquence. En outre, la régie utilise sa vedette l’Amporelle pour offrir des prestations sur le marché concurrentiel du transport estival des passagers sans bagages lourds. La détermination du caractère éventuellement prédateur des prix pratiqués par la régie sur le marché du transport estival nécessite donc de déterminer les coûts pertinents supportés par la régie sur ce marché et de les comparer aux recettes tirées de cette activité.

98. Or, s’agissant d’une entreprise chargée d’une mission de service public et offrant simultanément des prestations sur un marché sur lequel il existe une offre concurrente, la Commission européenne a considéré, dans une décision du 20 mars 2001 relative à des pratiques dans le secteur postal (COMP/35.141 - Deutsche Post AG), que le concept de coût pertinent à prendre en compte afin d’évaluer si le prix des prestations offertes en concurrence est abusif est celui du coût incrémental, c’est-à-dire le coût que l’entreprise ne supporterait pas si elle n’exerçait pas l’activité concurrentielle. En revanche, les coûts que l’entreprise est obligée d’engager pour assurer la mission de service public qui lui est confiée, et qu’elle serait obligée d’engager même si elle n’offrait pas de prestations en concurrence, n’ont pas à être pris en compte dans les coûts pertinents de l’activité concurrentielle et donc à être couverts par les recettes tirées de cette activité. Il en est notamment ainsi des coûts fixes communs à la mission de service public et à l’activité concurrentielle. 99. En l’espèce, la mission de service public qui est confiée à la régie est, au sens large, comme toute compagnie chargée d’un service public de transport maritime entre le continent et une île appartenant au territoire national, d’assurer la continuité du territoire national. L’article 2 du règlement intérieur de la régie traduit cette obligation par : « Le service à assurer comporte : un service quotidien, suivant les exigences des marées, effectuant le transport des voyageurs, des marchandises, des véhicules et divers, fonctionnant selon les contraintes du trafic (place disponible) ; à chaque fois que possible et selon les besoins du trafic, des services supplémentaires, y compris de voyages excursions. » Il n’existe pas d’offre concurrente pour le transport de véhicules, et ce, toute l’année, la régie étant la seule compagnie à exploiter des ferries. Les établissements Pajarola exercent une activité de transport de marchandises, restreinte toutefois à trois allers et retours par semaine et restreinte aux marchandises de dimension limitée. S’agissant du transport de passagers, les offres concurrentes ont été, jusqu’à présent, limitées à la période estivale. La société VIIV fait valoir que cet état de fait était essentiellement imputable à l’arrêté portuaire de Port-Joinville sur l’île d’Yeu (cf. § 11 ci-dessus), jusqu’à son annulation par le tribunal administratif de Nantes en 2003. Cependant, le conseil relève que la rentabilité du transport de passagers durant la période d’hiver serait particulièrement difficile à assurer, compte tenu, d’une part, des taux de

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remplissage très faibles des navires durant cette période (cf. § 15 ci-dessus) et, d’autre part, des contraintes de navigabilité en hiver. En revanche, en période estivale, il existe une offre de transport de passagers suffisamment large en termes d’horaires et de destinations pour considérer que le marché est concurrentiel. 100. Il en résulte que les coûts incrémentaux qui ne seraient pas engagés par la régie si elle n’exerçait pas d’activité sur le marché concurrentiel sont les coûts incrémentaux liés à l’exploitation de l’Amporelle pendant la période estivale, c’est-à-dire ceux qui ne seraient pas supportés si l’Amporelle n’effectuait pas de traversées d’avril à septembre. 101. L’expertise a permis d’isoler, pour l’Amporelle, les coûts fixes, qui doivent être supportés quel que soit le nombre de traversées ou le nombre de passagers, les coûts semi-variables, qui ne sont engagés que si des traversées sont effectuées et qui varient en fonction du nombre de ces traversées, et les coûts variables, qui varient en fonction du nombre de passagers. L’expertise a aussi permis de les répartir entre avril et septembre, d’une part, et octobre et mars, d’autre part. 102. Les coûts identifiés par l’expert comme fixes comprennent, en premier lieu, le loyer de l’Amporelle. La société saisissante met en cause le surdimensionnement de l’Amporelle au regard des nécessités de l’exploitation estivale. Mais le Conseil d’Etat, dans une décision contentieuse du 30 juin 2004 relative à la légalité de l’arrêté du 30 mars 1998 portant règlement d’utilisation des installations portuaires de Fromentine, relève que la taille de ce navire répond à des contraintes liées à l’état de la mer en hiver : « Considérant toutefois qu’il ressort des pièces du dossier que la régie départementale assure en ce qui concerne la desserte de l’Ile d’Yeu une mission de service public qui implique des traversées régulières toute l’année et par tous temps ; que l’accomplissement de cette mission explique que l’unité rapide de la régie départementale ait un tirant d’eau sensiblement plus important que celui des unités de la société Vedettes inter-îles vendéennes (VIIV) ». 103. Les coûts fixes liés à l’exploitation de l’Amporelle, et notamment le loyer, ne constituent donc pas des coûts incrémentaux que la régie pourrait ne pas supporter pendant la période estivale si elle n’exerçait pas d’activité concurrentielle. Le montant du loyer payé au département, propriétaire du navire, est en conséquence sans incidence sur l’appréciation du caractère abusif des prix pratiqués par la régie pour

le transport de passagers en été. Cette considération ne préjuge évidemment pas de celle qui pourrait être portée dans le cadre du contrôle a posteriori sur les comptes de la régie, qui ne relève pas de la compétence du Conseil. Elle ne préjuge pas non plus des conditions d’efficacité économique, au rang desquelles la pertinence de l’utilisation d’une vedette de la dimension de l’Amporelle, dans lesquelles la mission de service public est exercée par la régie, qui ne relèvent pas non plus de la compétence du conseil. 104. Les coûts fixes identifiés par l’expert comprennent, en second lieu, les « services client et gares », soit les salaires du personnel employé dans les gares maritimes et les agents receveurs, ainsi que les frais commerciaux de guichet et de publicité. L’expert a considéré, à juste titre, que les frais d’assurance et de grosses réparations ne constituent pas des coûts fixes puisqu’ils dépendent de l’usure des navires et doivent donc être répartis en fonction du nombre de traversées. En revanche, il est probable que, si la régie n’avait pas assuré le transport de la clientèle touristique en été, les charges « service clients et gares » auraient été moins importantes que celles qui ont été constatées de 1998 à 2000 et que ces charges ne constituent donc pas, dans leur intégralité, des coûts fixes. Toutefois, leur prise en compte dans les coûts fixes au niveau identifié par l’expert ne change pas les conclusions de l’analyse. 105. S’agissant des recettes, les tarifs appliqués par la régie comportent des réductions que celle-ci légitime par référence au service public. Il s’agit des charges de service public telles que définies dans les rapports annuels de la régie cités au § 30 ci-dessus. Les charges contiennent une composante incrémentale, qui ne serait pas supportée si la régie ne transportait pas de passagers en période estivale. Ainsi, les réductions accordées aux Islais, calculées par rapport au tarif plein, représentent une charge de service public d’autant plus importante que le nombre de passagers concernés l’est. Mais les compagnies privées offrent les mêmes réductions sans que celles-ci fassent l’objet de compensation par une subvention publique. Il n’y a donc pas lieu de tenir compte, dans les recettes de l’activité concurrentielle de la régie, de compensation à ce titre. 106. Il ressort, finalement, des résultats de l’expertise que les recettes du transport de passagers sur l’Amporelle d’avril à septembre couvrent largement entre 1998 et 2000, les coûts variables, les coûts semi-variables, tels que définis par l’expert et les charges « services clients et gares ». Seule la prise en compte du loyer, tel que

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réévalué par l’expert, déséquilibre le résultat. Dès lors que cette prise en compte du loyer n’a pas lieu d’être introduite dans les coûts incrémentaux, les traversées effectuées par l’Amporelle durant la période estivale n’aggravent donc pas le déficit de la régie mais, au contraire, permettent de le réduire légèrement. (…) 107. S’agissant de la prise en compte de charges fiscales, non payées par la régie, et qualifiées par la société VIIV de « subventions cachées », l’expert, constatant que les services fiscaux considéraient que la régie n’était pas assujettie à la taxe professionnelle, a évalué les charges de la régie au vu de la situation fiscale existante, c’est-à-dire sans charge de taxe professionnelle. (…) 109. En conclusion, la régie a fixé, de 1998 à 2000, les tarifs du transport de passagers sur la vedette rapide l’Amporelle d’avril à septembre, à un niveau supérieur à celui des coûts incrémentaux propres à la fourniture de ce service. En conséquence, il n’est pas établi que la régie ait abusé de sa position dominante et tenté d’évincer ses concurrents. 3. Sur le grief d’avoir utilisé la subvention versée par le département pour financer, sur l’Amporelle pendant la période estivale, des prix de vente inférieurs aux coûts totaux et avoir ainsi perturbé durablement le marché 110. Ce grief s’appuie sur la jurisprudence développée par le conseil dans les décisions no 00-D-47 relative à des pratiques mises en œuvre par EDF et sa filiale Citélum sur le marché de l’éclairage public et no 00-D-50 relative à des pratiques mises en œuvre par la société La Française des jeux dans les secteurs de la maintenance informatique et du mobilier de comptoir, ainsi que dans son avis no 03-A-12 du 15 juillet 2003 relatif à une demande d’avis du tribunal de commerce de Versailles sur une plainte à l’encontre des sociétés GIAT Industries, Gitech SA, Foc Transmissions et CMD. 111. Dans les décisions et avis précités, le conseil a précisé que pouvait constituer un abus le fait, pour une entreprise disposant d’un monopole légal, c’est-à-dire un monopole dont l’acquisition

n’a supposé aucune dépense et est insusceptible d’être contesté, d’utiliser tout ou partie de l’excédent des ressources que lui procure son activité sous monopole pour subventionner une offre présentée sur un marché concurrentiel lorsque la subvention est utilisée pour pratiquer des prix prédateurs ou lorsqu’elle a conditionné une pratique commerciale qui, sans être prédatrice, a entraîné une perturbation durable du marché qui n’aurait pas eu lieu sans elle. Il a ajouté qu’une subvention croisée pouvait, à elle seule, par sa durée, sa pérennité et son importance, avoir un effet potentiel sur le marché. 112. En l’espèce, il n’est pas établi que la régie utilise « tout ou partie de l’excédent des ressources que lui procure son activité sous monopole pour subventionner une offre présentée sur un marché concurrentiel ». En effet, l’activité de la régie exercée en situation de monopole, sans qu’il soit besoin de rechercher s’il s’agit d’un monopole légal au sens de la jurisprudence précitée, est déficitaire et ne dégage donc pas d’excédent de ressources susceptible d’être utilisé pour financer un déficit de l’activité exercée sur le marché concurrentiel. De plus, comme l’ont démontré les développements précédents, l’activité exercée par l’Amporelle en période estivale dégage des recettes qui couvrent les coûts incrémentaux associés à cette activité et n’est donc pas subventionnée. 113. Au surplus, il ressort du dossier que si les compagnies présentes sur le marché sont déficitaires, aucune des entreprises n’a disparu depuis 1986 et qu’au contraire de nouvelles liaisons ont été ouvertes. 114. En conclusion, il n’est donc pas établi que la régie a abusé de sa position dominante en utilisant une partie des subventions du département pour financer, sur l’Amporelle pendant la période estivale, des prix de vente inférieurs aux coûts totaux et d’avoir ainsi perturbé durablement le marché. Décision : Article unique. - Il n’est pas établi que la régie départementale des passages d’eau de la Vendée a enfreint les dispositions de l’article L. 420-2 du code de commerce.

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Document n° 9 : Cass. Com., 6 février 2007, SARL Les Oliviers, req. n° 05-21.948.

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 15 novembre 2005), que la société Les Oliviers, qui a exploité de 1997 à 2001 une maison de retraite à Saint-Etienne dans des locaux loués à la société anonyme immobilière d'économie mixte de la commune de Saint-Etienne (SAIEM), a saisi le Conseil de la concurrence (le Conseil) de pratiques anticoncurrentielles qui auraient été mises en oeuvre, sur le marché local de l'hébergement des personnes âgées dépendantes, par la commune de Saint-Etienne, par la SAIEM et par le centre communal d'action sociale (CCAS), établissement public auquel la commune avait confié la gestion de quinze résidences pour personnes âgées ; que la société Les Oliviers a fait valoir que le CCAS pratiquait des prix d'hébergement abusivement bas et abusait, grâce à des subventions d'équilibre versées par la commune, de la position dominante qu'il détenait sur le marché en cause ; qu'elle a en outre invoqué des faits d'entente et un abus de dépendance économique résultant du fait que le montant excessif du loyer imposé par la SAIEM ne lui permettait pas une exploitation équilibrée ; que, par décision n° 05-D-05 du 18 février 2005, le Conseil a dit la saisine irrecevable s'agissant des premiers faits dénoncés et l'a rejetée pour le surplus faute d'éléments suffisamment probants ; Sur le premier moyen : Attendu que la société Les Oliviers, représentée par son liquidateur amiable, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil estimant que les faits d'abus de position dominante dénoncés ne relevaient pas de ses attributions, alors, selon le moyen, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 13 et 53 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 respectivement codifiées aux articles L. 464-8 et L. 410-1 du code du commerce, que le Conseil de la concurrence et, sur recours la cour d'appel de Paris, sont compétents pour connaître de toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques ; que relève ainsi de la compétence du Conseil de la concurrence l'examen d'un comportement global caractérisé par un ensemble de pratiques générales détachables de décisions administratives particulières, imputé à un opérateur économique auquel il est reproché l'abus d'une position dominante sur un marché donné, peu

important que cet opérateur ait agi dans le cadre d"une mission de service public pourvu qu'il n'ait mis en oeuvre aucune prérogative de puissance publique et que le comportement incriminé touche à une activité économique exercée en concurrence avec des opérateurs privés et non à la gestion d'un service public régalien ou remplissant une mission de caractère exclusivement social fondée sur le principe de la solidarité nationale et dépourvue de caractère commercial ; qu'en l'espèce, la société Les Oliviers incriminait le comportement anticoncurrentiel adopté par le centre communal d'action sociale de la ville de Saint-Etienne sur le marché local des résidences pour personnes âgées dépendantes sans mettre en cause la légalité des décisions concourant à l'organisation de l'activité de service public gérée par cet opérateur ; que dès lors que le centre communal d'action sociale ne remplissait pas une mission exclusivement sociale mais exerçait une activité marchande consistant à commercialiser des services auprès du grand public et n'appelant pas la mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, les griefs formés à son encontre par la société Les Oliviers relevaient de la compétence du Conseil de la concurrence ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ; Mais attendu que si dans la mesure où elles effectuent des activités de production, de distribution ou de services les personnes publiques peuvent être sanctionnées par le Conseil de la concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire, les décisions par lesquelles ces personnes assurent la mission qui leur incombe au moyen de prérogatives de puissance publique, relèvent de la compétence de la juridiction administrative ; Attendu qu'après avoir rappelé que la commune de Saint-Etienne a confié au CCAS la gestion de résidences pour personnes âgées auparavant exploitées en régie directe, les modalités de ce transfert résultant, selon le Conseil, de conventions des 8 septembre 1997 et 14 mai 1998 prévoyant notamment la possibilité pour le CCAS de percevoir des subventions de la commune, la cour d'appel, qui retient, par motifs propres et adoptés, que la contestation de la gestion par le CCAS de quinze résidences met directement en cause l'organisation et le fonctionnement du service public de l'hébergement des personnes âgées tel qu'il résulte des conventions de transfert, que la décision d'allouer une subvention au CCAS relève des prérogatives de puissance publique de la

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commune et que les prix de journée des établissements sont fixés par le président du conseil général, a fait l'exacte application des dispositions invoquées en décidant que ces décisions, dont l'appréciation de la légalité relève du juge administratif, n'entraient pas dans le champ de compétence du Conseil de la concurrence ; que le moyen n'est pas fondé ; Et sur le second moyen : Attendu que la société Les Oliviers, représentée par son liquidateur amiable, fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté son recours contre la décision du Conseil estimant que les faits d'exploitation abusive de dépendance dénoncés n'étaient pas établis, alors, selon le moyen : 1 / qu'une entreprise peut se prévaloir des dispositions de l'article 9 de l'ordonnance de 1986, aujourd'hui codifiées à l'article L. 420-2 du code de commerce, pour autant qu'elle se trouve dans un rapport de client à fournisseur avec l'auteur des pratiques dénoncées ; qu'un tel rapport existait en l'espèce dès lors que la société Les Oliviers exerçait son activité dans des locaux qu'elle louait à la SAIEM ; que la cour d'appel a violé le texte précité en tirant argument de l'existence d'un bail pour décider que la société Les Oliviers ne pouvait invoquer le bénéfice de ses dispositions ; 2 / qu'en se bornant à retenir que la société les Oliviers ne démontrait pas qu'elle était dans l'impossibilité de rechercher d'autres locaux pour exercer ses activités sans vérifier de façon concrète si, du fait de la nature particulière de ses activités, cette entreprise ne se trouvait pas, comme elle le faisait valoir, dans l'impossibilité de déménager dans des conditions acceptables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 420-2, alinéa 2, du code de commerce ; Mais attendu que, pour rejeter l'argumentation de la société Les Oliviers qui soutenait que le montant

excessif du loyer qui lui était imposé par la SAIEM constituait une exploitation abusive de son état de dépendance économique d'autant qu'elle n'avait pu obtenir une autorisation d'ouverture pour les 80 lits demandés, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu'après que la société Les Oliviers se soit vue refuser, le 16 juillet 1996, l'autorisation d'ouvrir un établissement de 80 lits, les parties ont librement négocié le 7 octobre 1996 une augmentation du montant du loyer correspondant à la prise en charge par la locataire d'une partie des travaux nécessaires à l'accueil de personnes âgées dépendantes, et que la société Les Oliviers, qui a bénéficié d'un long délai avant d'obtenir le 26 février 1998 une autorisation d'ouverture, ne justifie pas avoir été dans l'impossibilité de rechercher d'autres locaux pour exercer son activité moyennant paiement d'un loyer plus adapté à ses perspectives de rentabilité ; qu'en l'état de ces constatations, dont il résulte que l'état de dépendance économique dont se prévalait la société Les Oliviers n'était pas établi, la cour d'appel a pu statuer comme elle a fait et a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Les Oliviers, prise en la personne de son liquidateur amiable, M. X..., aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six février deux mille sept.

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Document n° 10 : TA Paris, ord., 3 janvier 2008, Société Clear Channel France, req. n° 0719486. Considérant qu’aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics, des marchés mentionnés au 2º de l'article 24 de l'ordonnance nº 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, des contrats de partenariat, des contrats visés au premier alinéa de l'article L. 6148-5 du code de la santé publique et des conventions de délégation de service public. Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement, ainsi que le représentant de l'Etat dans le département dans le cas où le contrat est conclu ou doit être conclu par une collectivité territoriale ou un établissement public local. Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat ou l'exécution de toute décision qui s'y rapporte. Il peut également annuler ces décisions et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations. Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. Sauf si la demande porte sur des marchés ou contrats passés par l'État, elle peut également être présentée par celui-ci lorsque la Commission des communautés européennes lui a notifié les raisons pour lesquelles elle estime qu'une violation claire et manifeste des obligations de publicité et de mise en concurrence d'origine communautaire ou résultant de l'accord sur l'Espace économique européen, a été commise. Le président du tribunal administratif ou son délégué statue en premier et dernier ressort en la forme des référés » ; Sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

Sur la nature du contrat en litige : Considérant que la ville de Paris a conclu le 27 février 2007 avec la société SOMUPI un marché public de services n° 0761001 par appel d’offres ouvert, ayant pour objet la mise en place d’une flotte de vélos à destination du public et de mobiliers urbains d’information à caractère général ou local et accessoirement publicitaire ; que par une délibération DVD 268 adoptée le 19 décembre 2007, le conseil de Paris a autorisé le maire de Paris à signer un avenant n° 1 à ce marché et à signer des conventions avec d’autres communes, conformes à une convention-cadre annexée à ladite délibération, afin d’y installer, en sus des 1461 stations et 20 600 bicyclettes dont la mise en place était prévue à Paris lors d’une première phase, au maximum 300 stations pouvant accueillir au maximum 4500 bicyclettes au cours d’une seconde phase ; que le prix de l’implantation de ces 300 stations supplémentaires hors de Paris est évalué à 6 760 000 euros ; Considérant qu’aux termes de l’article 1er du code des marchés publics : « I. (...) Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs définis à l'article 2 et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services (...) » ; qu’aux termes de l’article 5 du même code : « I. La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant tout appel à la concurrence ou toute négociation non précédée d'un appel à la concurrence en prenant en compte des objectifs de développement durable. Le ou les marchés ou accords-cadres conclus par le pouvoir adjudicateur ont pour objet exclusif de répondre à ces besoins (...) » ; qu’aux termes de l’article 20 dudit code : « Sauf sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties, un avenant ou une décision de poursuivre ne peut bouleverser l'économie du marché ou de l'accord-cadre, ni en changer l'objet » ; qu’aux termes de l’article 41 de ce code : « Les documents de la consultation sont constitués de l’ensemble des documents et informations préparées par le pouvoir adjudicateur pour

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définir l’objet, les caractéristiques et les conditions d’exécution du marché ou de l’accord-cadre (...) » ; qu’enfin, aux termes de l’article 42 de ce même code : « Les marchés et accords-cadres passés après mise en concurrence font l’objet d’un règlement de la consultation qui est un des documents de la consultation (...) » ; Considérant qu’aux termes de l’article 2.6 du règlement de la consultation : « Les prestations seront exécutées à Paris » ; et qu’aux termes de l’article 1.2.1.2 du cahier des clauses administratives particulières : « Les prestations techniques ‘vélos en libre-service’ (...) comprennent la fourniture, la mise en place, l’entretien, la maintenance et la gestion d’un dispositif de vélos en libre-service destiné à couvrir l’ensemble du territoire parisien (...) » ; Considérant que s’il était loisible à la ville de Paris, lors de la seconde étape prévue dans les pièces constitutives du marché, « de compléter de manière significative le nombre de stations

vélos et de vélos en fonction des volumes mis en place dans le 1e étape, du succès du dispositif, de l’évolution de la demande des usagers ou encore de la nécessaire densification de certains quartiers », aucune stipulation contractuelle ne prévoyait cependant l’extension du lieu d’exécution des prestations en dehors du territoire de la ville de Paris ; que l’avenant en litige a notamment pour objet d’étendre le lieu d’exécution des prestations à trente communes en dehors de Paris ; qu’il ressort des pièces du dossier que cette extension ne peut être regardée comme accessoire au marché initial, dès lors qu’elle aurait pour effet de fournir dans chacune de ces communes un réel service de bicyclettes en libre-service, nonobstant un maillage plus lâche qu’à Paris, de 500 mètres en moyenne entre deux stations au lieu de 300 mètres à Paris ; qu’ainsi, l’avenant en litige, qui porte de une à trente et une communes le lieu d’exécution des prestations, doit être regardé comme modifiant l’objet même du marché initial et constitue, par suite, un nouveau marché.