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& l’entreprise l’homme Revue de l’ADIC Association Chrétienne des Dirigeants et Cadres ANNÉE 2006 TROISIÈME TRIMESTRE TRIMESTRIEL 83 e ANNÉE 3/2006 DOSSIERS L'UNIAPAC en congrès à Lisbonne Les modèles sociaux européens NUMÉRO D’AGRÉMENT PO301151 - AVENUE KONRAD ADENAUER 8 - 1200 BRUXELLES - BUREAU DE DÉPÔT : CHARLEROI X

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&l’entreprise l’hommeRevue de l’ADIC Association Chrétienne des Dirigeants et Cadres

ANNÉE 2006 TROISIÈME TRIMESTRE TRIMESTRIEL 83e ANNÉE

3/2006

DOSSIERS

• L'UNIAPAC en congrès à Lisbonne

• Les modèles sociaux européens

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l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

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ÉDITORIAL.SOMMAIRE 1

EDITO 1

Marc Van Ossel

DOSSIER

CONGRES UNIAPAC

XXIIe Congrès mondial UNIAPAC, Lisbonne, 25-27 mai 2006 2-3

Marc VAN OSSEL et Geo REGNIER

Ernest-Atoine SEILLIERE : Les défis et les choix des entrepreneurs

chrétiens dans le monde global d’aujourd’hui 4-6

Bertrand COLLOMB : Oui, les dirigeants chrétiens ont un rôle à jouer ! 7-9

Frère Samuel ROUVILLOIS : Admettre et consentir à la fragilité 10-11

Dominique TISSIER : Les valeurs, oui, mais la pratique aussi ! 12-13

Table ronde : La responsabilité des dirigeants envers la société 14-17

Forum : Quelle formation pour les cadres dirigeants

dans les grands groupes? 18-20

Forum : L’insertion des personnes exclues 21

DOSSIER

MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS

André SAPIR : La globalisation et la réforme

des modèles sociaux européens 22-25

Jacques ZEEGERS

Bruno COLMANT : Le modèle social européen remis en question 26-27

Brigitte DE WOLF-CAMBIER

ÉVÉNEMENT 28

PRIÈRE - BILLET 29

LIRE 30

Plus de 300 dirigeants de 34 nationa-lités, dont 17 Belges, se sont retrouvéspendant trois jours à Lisbonne, au CentreCulturel de Belem, fin mai dernier, pourréfléchir ensemble au développementd’un leadership responsable, au servicede l’humanité. Il est intéressant de souli-gner la très forte présence de représen-tants d’Amérique latine, mais aussi laprésence remarquée de quelques paysd’Afrique.

Etant donné la qualité des interventionset l’intérêt du sujet, nous avons estiméutile de partager avec vous quelques-uns des temps forts de ce Congrès et d’yconsacrer l’essentiel de ce numéro.Peut-être ceci sera-t-il de nature à vousmotiver d’assister au prochain Congrèsqui aura lieu dans trois ans…

EDITORIAL

Marc Van Ossel,président de l’ADIC Photo Archives

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DOSSIER CONGRÈS UNIAPAC

l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

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Ce congrès s’est tenu àLisbonne : tout un symbole.L’Europe et l’Amérique latineont réfléchi ensemble sur unthème commun dans un deslieux de la capitale portugaisesitué à proximité de la tour deBelem, d’où partaient lescaravelles à la découverte desnouveaux mondes.

Le cardinal Martino, en se référant à ladoctrine sociale de l’Eglise, insista surle fait que celle-ci reconnaît le rôlepositif du marché et du profit, maiscondamne également « l’idolâtrie dumarché et des profits » et accorde unetrès haute considération à l’activitéentrepreneuriale, reflet de l’actioncréatrice de Dieu lui-même, et directe-ment liée au bien de la société et à sondéveloppement.

Nous reprenons plus en détail (pages 4à 6) l’exposé d’Ernest-Antoine Seillièreoù il proposa aux participants de réflé-chir sur trois grandes tendances de lavie des affaires et des entreprises.Quelle attitude face à la mondialisa-tion? Devons-nous être socialementréformistes? Que pensons-nous durôle de la finance dans l’économie demarché ?

Betrand Collomb, qui concluait cetteséance d’ouverture, a voulu fairepasser avec force le message selonlequel les dirigeants chrétiens ontencore une liberté de choix qui leurpermet d’agir selon leurs convictions.

On trouvera l’essentiel de son inter-vention pages 7 à 9.

Les séances du vendredi 26 mai furentconsacrées aux deux dimensions de laresponsabilité du dirigeant d’entre-prise : l’une vis-à-vis de leursemployés et l’autre vis-à-vis de lasociété. En introduction à la tableronde sur la première dimension,Domingo Sugranyes, ancien présidentde l’UNIAPAC, se demande si denombreux facteurs tels que mobilitécroissante, augmentation des emploisprécaires, fusions et scissions d’entre-prises, externalisation des tâches,conception du travail par les jeunesgénérations comme un pur échange,ne rendent pas de plus en plus difficilel’épanouissement des salariés dansleur travail.

Pour le frère Samuel Rouvillois de lacongrégation Saint Jean, philosophe etconsultant, la réponse à cette questionse trouve dans une fraternité vécuequi nous demande d’accepter l’altéritéavec tout ce que la différence de

XXIIe Congrès mondial UNIAPAC Lisbonne 25-27 mai 2006

Marc VAN OSSEL et Geo REGNIER

Session d’ouverture : Bertrand Collomb, Cardinal Martino, Etienne Wibaux, Ernest-Antoine Seillière, Bruno Bobone

Photo ACEGE

Avec plus d’une cinquantaine d’inter-venants, il est évidemment impos-sible de reprendre en détail tous lesexposés et débats. Nous nous limite-rons à ceux qui nous paraissent lesplus importants et qui furent lestemps forts du congrès.

Le jeudi 25 mai au cours de la séanced’ouverture, introduite par EtienneWibaux, président de l’UNIAPAC, avecBruno Bobone, vice-présidentd’ACEGE (association portugaise),comme modérateur, trois grandstémoins, le cardinal Martino, présidentdu conseil pontifical « Justice et Paix »,Ernest-Antoine Seillière, président del’UNICE, et Bertrand Collomb, prési-dent du conseil de Lafarge, ontprésenté des éléments de réponsepersonnels à la question « quels enjeuxet quels choix possibles pour les diri-geants chrétiens dans le monde desaffaires globalisé d’aujourd’hui ? ».

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CONGRÈS UNIAPAC DOSSIER.

l’autre par rapport à nous peutinspirer comme crainte. D’où l’impor-tance de consentir à la fragilité : notrepropre fragilité, mais aussi celle desautres. L’exposé du frère Rouvillois estrepris en détail pages 10 et 11.

Dominique Tissier, directeur de laformation du groupe Michelin, insistesur le fait que, alors que toutes les entre-prises affichent des « valeurs », la diffé-rence importante est celle de la pratiqueet tout spécialement de la place qu’onaccorde ou pas à la personne dans l’en-treprise (pages 12-13).

Le débat de la deuxième table ronde,celle qui traitait de la responsabilitésociétale (plutôt que sociale comme lesoulignait Bertrand Collomb) de l’en-treprise (voir pages 14 à 17), fut ouvertpar Philippe de Woot. Il souligna le faitque, si on note une tendance forte à lapromotion de la ResponsabilitéSociale de l’Entreprise (RSE), il existeun risque de la voir détournée en unesimple « corporate communication »préventive pour permettre à l’entre-prise de faire du profit sans êtredérangée. Face à cette situation, laresponsabilité des dirigeants chrétiensd’entreprise d’amender le système esténorme. Il faut catégoriquementrefuser le piège de l’optimismeaveugle et se battre pour que soitréexaminée la finalité des entreprisesafin que l’éthique retrouve sa place.Pour Gérard Van Schaik, président del’EFMD (European Foundation forManagement Development), aprèscinq décennies de croissance la néces-sité du principe de solidarité s’estfortement atténué. Il est pourtantpossible, et sûrement nécessaire, debannir le court terme et l’individua-lisme, et de réintroduire les principesdu long terme et de la coopération.Une telle façon de diriger exige uneculture d’entreprise qui nourrissecette approche ; elle prend du temps àse construire. Il faut sélectionner desdirigeants en fonction de leurs affi-nités avec ce concept et ensuite conti-nuer à les former. José IgnacioMariscal, nouveau président del’UNIAPAC, insista sur la nécessité demesurer les progrès dans le domainede la RSE comme dans d’autres. Ilsuggère d’établir un « bilan social » cequi oblige à mettre au point des indi-cateurs de mesure des différentescomposantes de la RSE.

Pour la séance du dernier jour, lesparticipants étaient répartis en sixforums permettant des partages d’ex-périences sur les « bonnes pratiques »

favorisant le développement despersonnes à la lumière de l’enseigne-ment social de l’Eglise. On trouveradans ce numéro (pages 18 à 20) lecompte rendu du forum animé par leprésident de l’ADIC sur le thème de« la formation à l’éthique des diri-geants des grands groupes ».

La célébration eucharistique quitermina le congrès eut lieu, commecelle d’ouverture, dans la magnifiqueéglise du couvent des Jeronimos. Ledîner de clôture était organisé dans lecadre très original du « Museu dosCoches », constituant ainsi un point

final particulièrement réussi à uncongrès qui le fut tout autant.

Les témoignages et documents reprisci-dessous ont été préparés parBrigitte De Wolf-Cambier, MarianneVanhecke et Geo Regnier, à partir d’uncompte-rendu très complet ducongrès rédigé par le secrétairegénéral de l’UNIAPAC, MonsieurBenoît Bonamy. www.uniapac.org ■

Ces textes sont le fruit d’une synthèseforcément subjective de notes diversesprises lors du Congrès et ne peuventdonc aucunement engager les person-nes et les entreprises citées.

En haut : Après la célébration eucharistique d’ouverture au monastère des JeronimosPhoto ACEGE

Ci-dessus : La tour de BelemPhoto stock.xchng

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Ernest-Antoine SEILLIÈREPhoto Archives

Ernest-Antoine Seillière,président de l’UNICE et président du conseil desurveillance de Wendel-Investissement, s’était déplacépour assister au congrès del’UNIAPAC. Pour son témoignage lors de l’ouverturede la session, le patron despatrons insiste sur les aspectspositifs de la mondialisation, lanécessité de réformer lemodèle social européen et detrouver de nouvelles voiespour réconcilier finance etproduction.

Pour introduire le congrès et mettreen perspective les débats, les organi-sateurs du Congrès de l’UNIAPAC ontfait appel à quelques grands« témoins ». Ceux-ci ont été invités àapporter des éléments personnelspermettant de répondre à une ques-tion clé : Quels enjeux et quels choixpossibles pour les dirigeants chré-tiens dans le monde des affaires« globalisé » d’aujourd’hui ?

E-A Seillière a choisi d’aborder troisgrandes tendances propres à la viedes entreprises : la mondialisation, lemodèle social réformiste et le rôle dela finance dans l’économie de mar-ché.

Comment se situerface à la mondialisation?

Le patron des patrons a souligné l’im-portance historique du phénomèneactuel de mondialisation. « Ce qui mefrappe », a-t-il souligné, « c’est quel’Eglise Catholique devrait encouragerun concept qui est à la base de sonexistence : l’universalité ». Il a rappeléqu’il y a vingt ans, l’Eglise inventait lamondialisation. « Ce qui se passeaujourd’hui au niveau de l’économiemondiale avait été anticipé par Rome.

Les défis et les choix des entrepreneurs chrétiens dans le

monde global d’aujourd’hui

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CONGRÈS UNIAPAC DOSSIER.

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La mise en commun de différentesparties du monde et de l’humanitégrâce à la libre circulation et l’accès àl’information, les idées et les contactspersonnels encouragés par les télé-communications et Internet, la librecirculation des personnes, des biens etservices, la liberté des échanges, lesinvestissements et les flux des capi-taux créent un contexte historiquenouveau au sein duquel les cultures,les croyances et les comportementssont mieux connus et compris ».

« Je pense qu’en tant que Chrétiens,nous devons considérer la mondiali-sation comme un élément positif et nepas y résister même s’il est nécessaired’être prudent lorsque l’on estconfronté aux chocs culturels etcomportementaux qui résultent d’unediffusion médiatique sans précédentet d’un appel à une consommation demasse »

Selon E-A Seillière, les pays émergentstirent pleinement avantage de la crois-sance mondiale. « C’est par dizainesde millions que chaque année, despopulations entières quittent lamisère pour accéder progressivementà des niveaux de revenus décents »,rappelle-t-il.

Face à un tel progrès, les consé-quences négatives des délocalisations(le plus souvent d’activités indus-trielles) vers les pays émergentspeuvent être considérées comme unévénement mineur. « La résistancestructurelle au changement dans lessociétés développées est davantageresponsable des difficultés écono-miques que le transfert de telle ou telleactivité vers la Chine ou l’Inde ».

Et le patron des patrons de recom-mander de considérer la globalisationavec un œil positif. Elle devrait aiderdes milliards d’êtres humains à s’ex-traire de leur situation misérable.

Devons-nous être desréformistes sociaux?

E-A Seillière relève deux problèmesliés à l’Europe et la Chrétienté. Lepremier concerne la controverse rela-tive à la référence à la Chrétienté dansla Constitution Européenne commeétant une des racines de la cultureeuropéenne. « J’ai été personnelle-ment choqué par l’attitude de laFrance qui s’est opposée à cettemention … déniant ainsi un fait histo-

rique », a-t-il précisé. L’autre problèmeest lié à l’accueil possible dans l’UEd’un pays largement musulman, laTurquie. « Cette question met en avanttoute une série de problèmes géopoli-tiques et économiques mais aussi lefacteur religieux. Personnellement,j’estime que nous devrions fairepreuve de tolérance, de compréhen-sion réciproque et non donner l’im-pression, dans un monde globalisé,que nous, Chrétiens, nous nousérigeons en tant que forteresse cultu-relle et religieuse », a-t-il ajouté.Le patron des patrons s’est intéresséensuite à l’avenir du modèle socialeuropéen. Ce modèle présent dansune trentaine de pays concerne prèsde 500 millions de personnes. Il arappelé brièvement la manière selonlaquelle il fonctionne. « En période decroissance économique, une partiede cette croissance est utilisée pourprotéger la population contre lesrisques majeurs de l’existence(maladie, handicap, chômage, âge,parfois revenu minimal). Ce modèleréconcilie à la fois la nécessaire effi-cacité de la croissance économique etl’indispensable solidarité au sein dela société. Ce point de vue n’est paspartagé par le reste du monde !Aujourd’hui, ce modèle social estmenacé, d’une part, par l’allonge-ment de l’espérance de vie, d’autrepart, par le déclin de la compétitivitééconomique de l’Europe et le ralen-tissement de la croissance qui rédui-sent la capacité à financer cessystèmes sociaux ».

Pour faire face aux défis auxquels estconfronté le modèle social européen,E-A Seillière préconise une réforme dusystème pour le rendre durable.L’engagement pour le réformismesocial, à travers le dialogue social et lecompromis, aussi décentralisé etpragmatique que possible, est une despistes qu’il propose. Les Chrétiensdevraient être véritablement cataly-seurs de cette mutation. « Ils devraientêtre des réformistes à cette époque dechangement accéléré… », a-t-il pour-suivi.

Nous devons considérer la mondialisationcomme un élément positif et ne pas y résister même s’il est nécessaire d’être prudent lorsque l’on est confronté aux chocs culturels et comportementaux qui résultent d’une diffusion médiatique sans précédent et d’un appel à une consommation de masse.

Dessin VINCE

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Que penser du rôle dela finance dans uneéconomie de marché?Les aspects financiers ont de plus enplus tendance dans notre économiede marché moderne à prendre le passur la production de biens et services.Et E-A Seillière d’évoquer unetendance à juger plus sévèrement lesinitiatives capitalistes qui tendent àaccroître les richesses et à créer de lavaleur ajoutée en termes purementfinanciers que celles qui conduisent àla création d’emplois et à la crois-sance du PNB. De plus en plus defonds d’investissement dont le métierest de racheter des entreprises avecdes méthodes financières sophisti-quées et de « créer de la valeur » lesrestructurent, parfois en réduisantsignificativement les politiques d’in-vestissements et de développement. « Nous savons que la combinaison etla conjonction de ces deux tendancespeuvent faire le succès d’uneéconomie, mais elles ne sont pas

jugées de la même manière d’unpoint de vue moral ».

Evoquant l’entreprise dont il dirigedésormais le Conseil de Surveillance,il a rappelé que cette très anciennesociété familiale (créée en 1704) futpendant très longtemps un des fleu-rons de l’industrie métallurgique. Ellea connu une mutation importantepuisqu’elle a été transformée ensociété d’investissement. « Noussommes devenus une société d’inves-tissement cherchant à maintenirnotre culture industrielle et notreesprit d’entreprise familiale. Maisnous sommes davantage dans un jeumonétaire, même s’il est axé sur lelong terme. Les investisseurs publicsou d’institutions, aujourd’hui nos co-investisseurs, exigent une création devaleur pour l’actionnaire (shareholdervalue) et nous devons veiller à la leurprocurer ». Pour E-A Seillière, les diri-geants chrétiens ont un défi impor-tant à relever. Il s’agit de chercher àréconcilier la finance et la production.

Le patron des patrons reste optimistequant à l’évolution du monde en ce

début de 21ème siècle. En dépit depérils certains et de conflits subsis-tants, l’humanité poursuit sa routeavec un certain degré d’espoir et deconfiance. « Jésus s’intéresse à chacunde nous et à notre capacité à suivre lavoie qu’il propose », conclut-il. « Ilnous a donné à chacun une cons-cience et une liberté : à nous d’utiliserces deux dons de la manière la plusadéquate possible ». ■

Dessin VINCE

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Bertrand COLLOMB© Photothèque Lafarge / Philippe Couette

Oui, les dirigeants chrétiensont un rôle à jouer!

Pour Bertrand Collomb, président du conseil d’administration deLafarge SA, les dirigeants chrétiens ont encore une marge demanœuvre, étroite, certes, mais bien réelle, leur permettantd’agir selon leurs convictions.

Bertrand Collomb était l’un des grandstémoins invités à fournir, lors de laséance d’ouverture du XXIIe congrèsmondial de l’UNIAPAC, des élémentspersonnels de réponse à la question« Quels enjeux et quels choix possiblespour les dirigeants chrétiens dans lemonde des affaires globalisé d’aujour-d’hui ? »

Le profit, pas anti-évangélique !

Pour ce faire, l’orateur a commencépar rappeler qu’une entreprise résultede l’association de différentespersonnes, actionnaires, dirigeants,employés, qui apportent diversesressources afin de produire des bienset services tout en créant de la richesse(ou de la « valeur », comme on le ditaujourd’hui). La valeur du produit fini,mesurée par le prix du marché, doitêtre supérieure à celle des apports(capital, matériels, travail). Jusqu’ici,pas de quoi choquer un chrétien !L’Evangile lui-même invite à l’effica-cité en fournissant des exemples où legaspillage des talents et ressources estpuni.

Le problème éthique apparaît avecl’appropriation de cette valeur créée :existe-t-il une façon chrétienne departager le profit de l’entreprise entrele client, les fournisseurs, les salariés,les dirigeants et les actionnaires, au-delà de ce que les marchés concurren-tiels vont requérir ? Ou, autrementformulé : les dirigeants chrétiens ont-ils ici le choix ?

L’humain ou le capital?

Bertrand Collomb estime que le choixexistait à coup sûr autrefois, quand laconcurrence n’était pas aussi déve-loppée. Par exemple, voici 170 ans, aunom de leurs convictions chrétiennes,les fondateurs de Lafarge avaientdécidé de traiter leurs salariés bienmieux qu’ailleurs. Et dans les années1960, le PDG de cette même société dematériaux de construction choisissaitdélibérément, pour aider les salariés às’adapter aux nouvelles technologies,de leur distribuer une plus grande partdu profit qu’aux actionnaires, qui, ilest vrai, avaient peu à dire à l’époque.

Mais les choses ont bien changé aucours des trente dernières années : lacompétition mondialisée croissante

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contraint les entreprises à accorder auclient la part du lion de la valeur crééepar la réduction des coûts ou les inno-vations. Les trois-quarts, selon lescours de marketing ! Dans le mêmetemps, le chômage a considérable-ment crû. Dans les pays développéscomme dans les pays émergents. Surun marché du travail difficile et inéga-litaire, les salariés perçoivent doncaujourd’hui une part bien moindre dela valeur créée. En outre, ils sontsoumis à des changements et dépla-cements d’emploi bien plus impor-tants et rapides entre pays, secteurs etcatégories d’âge, leur déniant unelégitime sécurité d’emploi. A l’inverse,la position des actionnaires s’estlargement renforcée au cours desvingt dernières années. Nous sommesloin des principes chrétiens : le capitalprime sur le travail, la dignité et lavaleur humaine sont souvent mécon-nues.

« Bien sûr, remarquait BertrandCollomb à Lisbonne, les églises chré-tiennes n’enseignent pas, commel’Islam, que le prêt à intérêts n’est paséthique. Mais dans Laborem exer-cens, Jean Paul II n’a-t-il pas claire-ment établi que le travail a plus devaleur inhérente que le capital ? »

Plus de valeur, plusde liberté

Et l’orateur de poursuivre : « Il y atrente ans, nous croyions que laproduction de richesses et la distribu-tion de ces richesses étaient deuxproblèmes séparés et que la redistri-bution (en accord avec des objectifsmoraux) était possible via les taxes,les bénéfices sociaux et d’autresmoyens. Or, nous voyons aujourd’huique, dans une économie ouverte etcompétitive, les deux problèmes nesont nullement séparés. Une poli-tique excessive de redistributionmène à la fuite des capitaux vers despays moins égalitaires. Aujourd’hui,se pose donc la question du choixentre moins d’inégalités avec un plusfaible niveau de vie ou plus d’inégalitédans une économie globalement plusriche. »

Dans un tel contexte, les dirigeantschrétiens ont-ils encore des possibi-lités de choix s’ils veulent que leursentreprises restent compétitives ?Bertrand Collomb est persuadé queoui. Bien plus, en tout cas, qu’on ne lepense généralement.

Primo, la concurrence définit un stan-dard minimum à atteindre, mais, enutilisant mieux ses ressources et enmotivant mieux ses équipes, il restepossible de faire mieux que lamoyenne et, ainsi, de retrouver unecertaine marge de manœuvre grâceau surplus de valeur produit. « Dèslors que j’assure à mes actionnaires ceque le marché leur permet d’es-compter et à mes employés leursalaire, je reste libre de choisir tel outel usage particulier pour le surplusde valeur créé, par exemple un inté-ressement des salariés aux bénéficesde l’entreprise ». Certaines sociétés,plus que d’autres, ont choisi cetteoption, alors même qu’elles se heur-tent souvent à des obstacles poli-tiques, sociaux et légaux.

Ensuite, une attitude morale et socia-lement responsable n’engendre pasnécessairement un coût supplémen-taire, selon Bertrand Collomb. Unetelle attitude peut même se conjugueravec la performance économique,estime-t-il, en tout cas ne pas aller àson encontre. Et le président deLafarge de donner quelques exemplesvécus illustrant cette possibilité deconjuguer responsabilité sociale etperformance économique.

L’exemple de Tétouan

Trop souvent, un employé apprend parle journal du matin que l’usine quil’emploie va fermer, sans même avoirété préalablement informé desproblèmes concurrentiels menant àcette décision. « N’est-ce pas une réelleviolence, un irrespect total despersonnes ? Je crois que, si nousvoulons être socialement responsables,nous pouvons combattre cette attitudeet agir différemment. Nous pouvons etnous devons anticiper les change-ments, donner des informationshonnêtes à nos salariés, les prépareraux changements avec ou sans l’entre-prise, et les aider lorsqu’une pénibletransition est nécessaire. Nous nepouvons pas protéger les gens du chan-gement économique, mais nous

pouvons les respecter lorsque nousgérons ce change-ment! ».

Dans le cas de Lafarge, une usineobsolète située à Tétouan au Marocdevait être complètement reconstruiteet plus d’une centaine d’employés,souvent illettrés, ne pourraient êtreréemployés dans la nouvelle usine hi-tech. Mais, grâce à la mise en placed’une formation personnalisée pourchacun des travailleurs pendant lesdeux années conduisant à ce change-ment, en les aidant et les conseillant,tous (absolument tous !) ont retrouvéune situation, la plupart en créantmême leur propre petit commerce ouentreprise. Doter les employés licenciésd’un pécule destiné à les aider à lancerleur propre activité a bien sûr représentéun coût, mais finalement limité àquelques pourcents au regard du coûttotal de cette restructuration et en toutcas beaucoup moindre que celui desprocédures administratives en Francepour déboucher sur le chômage. « Sansdoute, un tel résultat n’est-il pastoujours possible, mais, en tout cas, il esttoujours possible d’essayer », affirmeBertrand Collomb, « et on est souventsurpris du résultat. Ce n’est pas tant unequestion d’argent que de volonté etd’énergie orientées vers un but moral ! »

Lutter contre le sida

Autre exemple : l’engagement deLafarge dans la lutte contre le sida.Dans les pays développés, le groupes’en est tenu à la position « raison-nable » selon laquelle ce fléau est unproblème de santé publique. « Maislorsque, comme en Afrique du Sud, 15à 20 % de votre main-d’œuvre estséropositive et que certains commen-cent à en mourir faute d’infrastruc-tures suffisantes de santé publique etque votre usine locale possède laseule structure de soins de la région,vous réalisez que vous devez fairequelque chose. Et que ce « quelquechose » ne peut se limiter à vos seulssalariés, ni même à leurs familles (Oùs’arrête d’ailleurs la famille enAfrique ?).

Une attitude moralement et socialement responsable n’engendre

pas nécessairement un coût supplémentaire

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Par conséquent, le choix fut fait parLafarge de travailler avec les autoritéslocales et des groupes locaux pourlancer un programme de soins unis-sant les efforts du privé et du public.Aujourd’hui un grand nombre d’em-ployés de ses usines africaines sontsous traitement et, au plan écono-mique, il s’avère finalement moinscoûteux d’avoir des employés soustraitement mais travaillant normale-ment que de supporter le coût de l’ab-sentéisme pour maladie ou de ladisparition des salariés. Preuve s’il enest qu’un engagement moral peuts’avérer économiquement pertinent !Même s’il est clair qu’une entreprisene résoudra pas seule le problème dusida ! Au moins y aura-t-elle apportésa contribution.

Dans la ligne deTeilhard de Chardin

De nombreux autres exemples, dansles domaines éducatifs, environne-mentaux, pourraient encore illustrercette capacité des dirigeants chrétiensà utiliser leur situation privilégiéed’acteurs dans ce monde globalisé.Mais, a affirmé Bertrand Collomb aucongrès de l’UNIAPAC, il est possibled’aller encore plus loin : les dirigeantschrétiens peuvent également parti-ciper pratiquement à la création de la« Noosphère » prophétisée parTeilhard de Chardin et continuer ainsila création divine, en contribuant à

Une maison pourtous !Lafarge collabore notamment avec Habitat forHumanity International (HFHI), une ONGfondée aux Etats-Unis qui aide dans le mondeentier des familles démunies à construire et àrénover des maisons simples et décentes.Les familles partenaires construisent cesmaisons avec l’aide de bénévoles et unaccompagnement professionnel, et devien-nent propriétaires d’une maison peu chère,vendue à prix coûtant. HFHI a déjà construit150 000 maisons dans 87 pays, permettant àprès de 750 000 personnes d’accéder à lapropriété. Les Unités Lafarge qui participaientdéjà à l’action d’Habitat dans 12 pays enfournissant des matériaux de constructiongratuitement ou à prix modique, ainsi que desbénévoles, se sont plus récemment engagéesà étendre leurs efforts dans 25 pays d’ici2010. Certains collaborateurs de Lafarge sesont, d’ailleurs, portés volontaires pour laconstruction de maisons. Ils peuvent égale-ment participer aux projets : « Women’sbuild » pour encourager les femmes seules àconstruire leur maison, « Youth Program »pour encourager les adultes de demain à s’in-vestir dans la construction et la formation, et« Habitat University » qui promeut l’échangede connaissances, d’expériences et de solu-tions aux problèmes de logement.

tisser des liens d’unité entre leshommes. « Ceci peut paraître naïf ! »,a-t-il conclu. « Plus que jamais dans lepassé, la guerre, la pauvreté, ledésespoir et les guerres de religionssont présents autour de nous. Mais,dans le même temps, des liens setissent entre des gens d’originesculturelles totalement différentes.Bien sûr, les entreprises ne sont pasles seules actrices d’une telle cons-truction de la famille humaine (leséglises, les ONG et même les sports,rassemblent les gens), mais elles ontun rôle à jouer compte tenu des liensinterculturels qu’elles tissent et lesdirigeants chrétiens doivent enprendre conscience (…).

En développant le sens de ce quenous faisons et en le communiquantlargement autour de nous à traversnos organisations, en créant des liensau sein de nos entreprises et avec lescommunautés environnantes, nouspouvons aller encore plus loin et êtreréellement témoins de notre foi chré-tienne. » Un message qui mérite d’êtreentendu ! ■

En collaboration avec Habitat for Humanity International, Lafarge s’engage pour un monde durable. Ici,en Afrique du Sud© Photothèque Lafarge / Philippe Couette

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Pour le Frère Samuel Rouvillois, l’ac-complissement personnel est aujour-d’hui : un rêve, un devoir, uncauchemar. Le rêve évoqué est celuides « Trente Glorieuses », héritage etlaïcisation du judéo-christianisme : lebonheur sur la terre, pour tous. Or cerêve est assorti d’une obligationmorale : il est nécessaire de chercherà s’accomplir, réussir sa vie est undevoir, être épanoui une condition

nécessaire de cette réussite. Et finale-ment, ce rêve est devenu uncauchemar, parce que ce rêve ne seréalise pas et que l’Occident, modèlede développement, parvient mal àfavoriser réellement le bonheur deses citoyens : malgré son aisancematérielle, la société occidentale estdépressive. Paradoxalement, jamaisnous n’avons eu autant de moyens

Admettre et consentir à la fragilitéAdmettre et consentir à la fragilité est, pour le Frère SamuelRouvillois de la Congrégation Saint Jean, philosophe et consultant, expert APM, St Jodard, une des priorités à laquelle est confronté le dirigeant chrétien.

La Vérité s’échappe dès que nous arrêtons de la chercher

Soljenitsyne

pour nous épanouir, et jamais nousne nous sommes autant heurtés ànos propres incapacités.

En entreprise même, les plus grandsobstacles à la mise en œuvre d’uneco-responsabilité qui permette unaccomplissement personnel sont lapeur dans la délégation ou le risquede la confiance faite à l’autre ; l’hy-pertrophie d’une raison sécuritaire àla place d’une intelligence de la tâcheet de l’œuvre commune risquée. End’autres mots, la mise en pratique dela subsidiarité, qui permettrait auxemployés de s’épanouir plus, seheurte à la peur de prendre un risqueen faisant confiance à l’autre.

Frère Samuel RouvilloisPhoto ACEGE

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a r c h i t e c t u r e & d e s i g n

NMC saRovert 10 - 4731 EynattenTel. : 087 85 85 00 - Fax : 087 85 85 11e-mail : [email protected]

w w w . n m c . e u

Les clés de lasagesse

La sagesse chrétienne apparaîtcependant ici avec une pertinencerenouvelée. Nous avons besoin d’unesagesse anthropologique que l’Egliseredécouvre comme un héritage et unvéritable regard évangélique surl’homme (cf. Gaudium et Spes). Lesclés de cette sagesse sont : la dignitéillimitée de l’être personnel, lanécessaire quête de la vérité surl’homme, quête incessante (« laVérité s’échappe dès que nous arrê-tons de la chercher », Soljenitsyne),l’altérité comme condition de laresponsabilité et de la fraternité, lajustice et la miséricorde commeréalisme politique. Plus particulière-ment, alors que la violence écono-mique et psychique vient accroîtreles tensions internes de la personne,

un point essentiel est la compréhen-sion de soi, à renouveler sans cesse.Et par ailleurs, la fraternité vécue estpour le chrétien une condition sinequa non pour exercer et sa liberté etsa dignité. Et cette fraternitédemande d’accepter l’altérité, avectout ce que la différence de l’autrepar rapport à nous peut inspirercomme craintes.

C’est là toute l’importance deconsentir à la fragilité. Nous avons eneffet trois attitudes possibles : la rési-gnation face aux difficultés, aucontraire l’optimisme forcené etaveugle, ou bien une troisième atti-tude, qui devrait être celle du chré-tien : le consentement à la fragilité,notre propre fragilité mais aussi cellede l’autre, et par conséquent, agirmalgré cette fragilité et en en tenantcompte. C’est précisément là, parti-culièrement dans le monde de l’en-treprise, que la différence chrétienne

devrait se dévoiler : dans les situa-tions de crise, dans les lieux et situa-tions mêmes où il n’y a plusd’espérance à vue humaine, cettedifférence chrétienne appelle àentreprendre et à agir, tout enconsentant à cette fragilité. ■

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Recruter et intégrer

Le tout premier contact, décisif, entrel’entreprise et la personne est lerecrutement. Deux approches trèsdifférentes sont possibles. Recrutons-nous une compétence ou bien unepersonne, avec toute son identitéspécifique ? Est-ce que je chercheseulement une compétence ou bienest-ce que, en cherchant cettecompétence, je m’intéresse à lapersonne, à son potentiel ? Ici,Dominique Tissier invite à s’inté-resser à la personne sous différentspoints de vue : la dynamique person-nelle, la relation aux autres, les capa-cités intellectuelles (dans cet ordre !).Et à l’accueillir vraiment : « Viens, on

La façon la plus importante dont les dirigeants d’entreprisepeuvent contribuer à construire la société est de créer descultures d’entreprises fondées sur des valeurs et sur despratiques, estime Dominique Tissier, responsable de la formationet du développement auprès du Groupe Michelin. Aujourd’hui, ungrand nombre d’entreprises affichent des « valeurs », c’est trèsbien mais un peu court : la différence importante est celle de lapratique et tout spécialement de la place qu’on accorde ou non àla personne dans l’entreprise…Plus précisément quels moyens utilise-t-on en faveur du développement des personnes? Quelques exemples montrent ce qu’il est possible de faire…

t’attendait, on a besoin de toi ! »(comme le disait dans d’autrescirconstances le fondateur de laCommunauté des Témoinsd’Emmaüs) devrait être en substancele message d’accueil délivré à lapersonne recrutée !

Juste après le recrutement, l’intégra-tion dans l’entreprise occupe uneplace très importante, souvent sous-estimée (similaire à celle de l’initia-tion dans les sociétés traditionnelles :c’est l’intégration d’une personne,reconnue dans son identité propre,dans une société de personnes liéespar une culture commune). ChezMichelin, toute nouvelle recruepasse systématiquement par unprocessus d’intégration, en général

assez long, d’au moins trois joursjusqu’à deux mois selon les niveauxhiérarchiques. Ainsi par exemple,même les plus hauts niveaux hiérar-chiques commencent par fabriquerdes pneus…

Il va falloir gérer ensuite la carrièrede la personne recrutée. Il faut êtreréaliste : le réflexe naturel des mana-gers est de garder auprès d’eux lesbons éléments qu’ils ont sous leurautorité, pas de les faire évoluer. Sedonner les moyens de faire évoluer lacarrière des employés implique doncdes mesures appropriées. ChezMichelin et dans un certain nombred’autres entreprises, la gestion descarrières est ainsi conçue comme unmétier spécifique, et n’est pasconfiée aux managers opérationnelsqui sont les supérieurs directs despersonnes concernées. Le managerdirect est amené à donner son avismais, fondamentalement, les évolu-tions de carrière ne dépendent pasde lui-même mais de gestionnairesde carrière spécialisés.

Enfin, il faut se poser la question desavoir comment on évalue la perfor-mance dans l’entreprise : l’évalue-t-on de façon purement économique,

L’homme n’est pas une ressource au service du système. C’est le système qui doit

être humanisé à travers l’attention quotidiennement portée aux personnes

Les valeurs, oui, mais la pratique aussi!

Dominique TissierPhoto ACEGE

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ou bien s’intéresse-t-on aussi à lamanière dont cette performanceéconomique est atteinte ? Si l’onprétend vraiment s’intéresser auxpersonnes, tout est dans lamanière… On ne sera pas surprisd’apprendre que le dernier pro-gramme de formation pour les hautsdirigeants de Michelin s’appelle« Manager la Performance avec laManière – MPM ». Très concrètementdonc, le système d’évaluationinterne à l’entreprise intègre-t-il lamanière dont les résultats sontatteints ? De multiples pistes sontpossibles, mais l’essentiel est de trèsconcrètement évaluer cette façon deprocéder. Et il ne faut pas se faired’illusion, même dans les entreprisesà très forte culture humaniste, ils’agit d’un combat quotidien…

Réhumaniser nos organisations

Pour conclure, un enjeu majeur pourle futur est, selon Dominique Tissier,de ré-humaniser nos organisations.Nous créons d’énormes machines,non pas physiques mais organisa-tionnelles. C’est un enjeu majeur deré-humaniser ces mécanismes, àtravers un engagement économique,sociologique, managérial qui donneune perspective nouvelle au rôle desresponsables d’entreprises. Et à cetégard, il faut se garder d’un certainvocabulaire tel que « ressourceshumaines », « capital humain »,même employé avec de bonnesintentions. Telle publicité pour unlogiciel de « gestion RH », publicitérisible dans ses excès utilitaristes,vient fort bien illustrer pourquoi legroupe Michelin, en dépit desmodes, a conservé une « direction dupersonnel » plutôt qu’une DRH.

Dominique Tissier est conscient quebeaucoup de pression est mise surles dirigeants d’entreprise, encoreplus avec ces exigences de respect dudéveloppement des personnes. Cettepression doit être supportée quelquepart et il faut en tenir compte. Lerecrutement des dirigeants vise doncà sélectionner des personnes résis-tant à cette pression. Il faut ensuiteaider le dirigeant à construire sonrôle. Le dirigeant lui-même doitconnaître ses failles et travailler à lesaméliorer. Il faut enfin une sanction :positive ou négative, la sanction estabsolument nécessaire. ■

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Plusieurs orateurs européenset sud-américains ont analyséla responsabilité sociale del’entreprise à la lumière del’enseignement social chrétien.

Le Professeur Philippe de Woot, del’Université Catholique de Louvain, aouvert les débats par une vigoureusecritique du système économiquemondial. Si l’économie est, selon lui,généralement trop réglementée auniveau des Etats, elle l’est insuffisam-ment au niveau international et auniveau mondial…

Promouvoir la responsabilité socialede l’entreprise

Il n’existe par exemple aucune règleinternationale au niveau de la préser-vation des ressources naturelles ouencore en ce qui concerne l’éthiquede la gestion des entreprises. Lesystème économique se développeainsi libre de toute tutelle, échappantà tout contrôle moral et même à toutcontrôle politique. Il prend même lepas sur le pouvoir politique. Dans lesécoles de commerce et de manage-

ment du monde entier, on promeutainsi généralement la recherche de lacroissance économique sans mêmes’interroger sur le but poursuivi ni surles règles à respecter. Le système envient même à s’auto-justifier : « celafonctionne donc c’est bon » et versedans l’idolâtrie du profit, devenu laseule fin poursuivie.

Dans ce système, on note certes unetendance forte à la promotion de laResponsabilité Sociale de l’Entreprise(« RSE »). Mais il existe un très grandrisque de voir cette tendancedétournée par les personnes d’ar-gent. La RSE tend déjà souvent àdevenir une sorte de prévention desplaintes, une mascarade de commu-nication « corporate » préventive,pour garantir à l’entreprise le droit defaire du profit sans être dérangée.Même les codes d’éthique promul-gués dans ce cadre peuvent rester debelles intentions sans portée réelle. Ilsuffit de se rappeler qu’Enron, peu detemps avant le scandale que l’on sait,avait vu son code primé comme étantle meilleur des Etats-Unis !

Table ronde :la responsabilité des dirigeantsenvers la société

Edouard Herr, aumônier à l’ADIC, avec le Cardinal MartinoPhoto ACEGE

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Face à cette situation, la responsabi-lité des dirigeants chrétiensd’amender le système est énorme. Illeur faut catégoriquement refuser lepiège de l’optimisme aveugle et sebattre pour que soit réexaminée lafinalité des entreprises, pour quel’éthique, qui « commence aupremier cri de souffrance », retrouvesa place.

Pour Bertrand Collomb, il ne fait pasde doute que l’entreprise a bien uneresponsabilité envers la société. Pourcertains tenants de l’école libérale, iln’est pas besoin d’intervenir dans lasociété, car le libre jeu du marchésuffit à assurer le bien commun :c’est la théorie de la « main invisible »développée par Milton Friedman. Or,force est de constater que cettefameuse « main invisible » est à toutle moins insuffisamment efficace. Ilfaut donc bien l’aider un peu, et cedevoir pèse sur tous ceux qui sont enmesure d’agir, et en particulier surles entreprises qui en ont les moyenslà où les structures étatiques sontdéfaillantes…

Chez Lafarge, de tout temps, les diri-geants au nom de leurs convictionsont choisi d’intervenir en faveur de lasociété environnante. Dans le passé,ceci a sans nul doute été fait parfoisde façon un peu paternaliste : l’en-treprise subvenait aux besoinslocaux de toutes sortes, en finançantdes hôpitaux, des logements, desécoles, même parfois la constructiond’une église ! Aujourd’hui la mêmeattitude « interventionniste » se

perpétue, avec cependant uneapproche non plus paternaliste maisfavorisant la subsidiarité…

Une entreprise peut-elle se dispenserd’être ainsi « socialement respon-sable » ? Tout le monde ne partagepas la conviction qu’il y a là undevoir moral. Cependant, les entre-prises sont de toutes les façonsconfrontées à un concept général dequalité : « Si vous voulez vraimentêtre bon, vous devez être bon en tout,et donc aussi en ce qui concerne laresponsabilité de votre entrepriseenvers la société, à commencer par lafaçon dont vous traitez votrepersonnel. Si vous ne faites pas, surces points, d’efforts suffisants, spon-tanément ou non, la qualité de vosprestations ou produits finira par enpâtir », précise B. Collomb.

Mais comme toute autre perfor-mance de l’entreprise, son activitésur le plan de sa responsabilitésociale doit être mesurée. Une ques-tion essentielle est donc de savoircomment la mesurer. Une manièrede procéder est de régulièrementinterroger des nouveaux venus dansl’entreprise sur la façon dont ils laperçoivent, ainsi que des partiesprenantes proches, ou encore desONG. Une autre façon est de recourirà des agences de notation exté-rieures, mais rares sont celles qui lefont correctement. Beaucoup secontentent d’envoyer des question-naires types. D’autres se fondentessentiellement sur des enquêtesréalisées auprès des clients, fournis-

seurs et autres parties prenantes(« stakeholders »). C’est uneapproche plus intéressante car il esttoujours fructueux d’engager sur cepoint le dialogue avec ces « stakehol-ders ».

Encourager leleadership globalementresponsable

Gerard van Schaik, président del’EFMD (European Foundation forManagement Development) a, deson côté, insisté sur le fait que lesentreprises qui ont une influence deplus en plus grande sur la vie quoti-dienne des citoyens, ont vis-à-visd’eux davantage de responsabilitéssociales à assumer.

Ceci concerne surtout les trèsgrandes entreprises, presquetoujours internationales, sinonmondiales, et moins les entreprisespetites et moyennes, pourtant plusimportantes pour l’économie locale,pour lesquelles la responsabilitésociale se limite souvent à respecterles lois en vigueur localement. Il estvrai que la grande majorité des entre-prises travaille bien et a une attitudeglobalement responsable. Mais ilfaut bien constater que l’opinionpublique se forge à partir desmauvais exemples et non des bons.Lorsqu’un important scandale éclateà propos d’un grand groupe (Enron,Parmalat,…), l’opinion et le gouver-

La responsabilité des dirigeants chrétiensd’amender le système est énorme. Il leur faut catégoriquement refuser le piège de l’optimisme aveugle et se battre pour que soit réexaminée la finalité des entreprises, pour que l’éthique, qui « commence au premier cri de souffrance »,retrouve sa place.

En haut : Le professeur Philippe de WOOTPhoto ACEGENos collègues africains étaient bien représentésPhoto ACEGE

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nement aspirent à des actionscorrectives, qui aboutissent engénéral à une réglementation exces-sive, telle la loi Sarbane-Oxley auxEtats-Unis.

L’EFMD, dans son rapport sur le« Leadership globalement respon-sable », a pointé huit principes direc-teurs qui devraient être à la base d’unleadership globalement responsable.Cinq de ces principes, la justice,l’honnêteté, la liberté, l’humanité, etla tolérance devraient gouverneraussi bien les relations avec les indi-vidus qu’avec la société. Ces notions,qu’on retrouve toutes plus ou moinsexplicitement dans l’enseignementsocial chrétien, se retrouvent égale-ment dans des parties du mondedominées par d’autres convictions.Elles font ainsi partie de l’éducationde base dans de nombreux pays,même si elles tendent à être généra-lement un peu délaissées dans notrevie professionnelle, lorsque nousnous battons pour optimiser nosrésultats économiques, constate G.van Schaik. « Néanmoins, ceci suffit-il à assurer qu’il existe un modèleunique de responsabilité sociale ? Cequi est acceptable dans une culturene l’est pas toujours ailleurs et il fautmesurer le risque qu’il peut y avoir àdonner l’impression d’imposer desrègles de comportement sur la basede ce qui est considéré comme justedans les pays les plus puissants. Unetelle attitude peut être arrogante etrisquée… »

« Simultanément, la nécessité d’unepromotion d’un management sociale-ment responsable est de plus en plusmanifeste. Après pratiquement cinqdécennies de croissance constante dumonde développé, la lutte pour lasurvie a disparu de la liste des prioritéspersonnelles et la nécessité du prin-cipe de solidarité s’est fortement atté-nuée », poursuit G. van Schaik. « Dansla vie des individus est apparue lacourse vers le « toujours plus » sur leplan matériel. En outre, les objectifs àlong terme ont été remplacés par lamaximisation du profit et la sanctifica-tion des actionnaires, tout ceci condui-sant à un mauvais usage de leurpouvoir par les analystes financiers etinvestisseurs institutionnels. Dessystèmes de rémunération excessivepour une minorité de privilégiés ontété mis en place afin de garantir unmaximum de résultat à court terme.Dans un tel contexte, il est évident quele management des entreprises n’estque peu porté à se préoccuper de la

société civile et à dépenser l’argent desactionnaires pour le bien de person-nes tierces »

« Il est pourtant possible, et sûre-ment nécessaire, de changer profon-dément ces mentalités, de bannir lecourt terme et l’individualisme, deréintroduire les principes du longterme et de la coopération. Les diri-geants de chaque entreprise doiventêtre convaincus qu’il est bénéfiquepour l’entreprise et toutes les partiesimpliquées de prêter attention àcertains points d’intérêt sociétal quine concernent pas le fonctionne-ment quotidien de l’entreprise, et ilsdoivent le démontrer. Ils ne sontcertes pas payés pour être altruistesavec l’argent des autres, mais lors-qu’ils sont convaincus que des acti-vités sociales ne suscitant aucun gainfinancier immédiat pour l’entreprisesont néanmoins bonnes pour l’en-treprise et pour la société en général,ils n’auront pas de difficulté à êtretenus responsables de ces actions »

« Comment s’assurer d’une tellefaçon de « manager »? L’entreprise abesoin d’une culture qui nourrissecette approche, ce qui prend dutemps à construire. Sélectionner desdirigeants sur leurs affinités selon ceconcept est évidemment un pointtout à fait fondamental. Mais il fautensuite continuer à les éduquer et àles former, à la fois au sein de l’entre-prise et au-dehors »

Et l’éthique?

José Ignacio Mariscal a soulignéqu’on entend beaucoup parlerd’éthique des affaires mais souvent

avec un point de vue très utilitariste :l’éthique est parfois perçue commeun « business », plus souvent recher-chée comme étant « bonne pour lesaffaires ». « Ceci n’est exact que sicette éthique est vraiment fondée surla Doctrine Sociale de l’Eglise – quiheureusement depuis assez peu detemps et grâce au récent Compen-dium, n’est plus « le secret le mieuxgardé de l’Eglise » comme on a pu ledire parfois ! », précise J.I. Mariscal.

L’entreprise a deux types d’objectifs,sociaux et économiques. Les uns nevont pas sans les autres, mais les butssociaux doivent être premiers. LaRSE consiste à développer desproduits utiles qui satisfassent desbesoins, qui créent de la valeurajoutée et soient distribués équita-blement, avec un engagement del’entreprise à contribuer à un déve-loppement durable, qui favorise ledéveloppement des personnes, deleurs familles, des communautéslocales et de la société en général, enaméliorant la qualité de la vie tout enrespectant l’environnement. End’autres termes, notre responsabilitéà nous dirigeants d’entreprises estd’être les promoteurs du développe-ment humain à travers les entre-prises et la société.

Dans le cas du groupe Marhnos(BTP), présidé par José IgnacioMariscal, la mise en place de la RSEs’est structurée autour de quatreaxes : la culture de l’entreprise, laqualité de vie au sein de l’entreprise,le soutien aux communautés localeslà où des activités sont en cours, lapréservation de l’environnement.Une organisation a été mise en place,avec l’institution d’un Comité de

Le congrès travaillePhoto ACEGE

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CONGRÈS UNIAPAC DOSSIER.

Culture Organisationnelle chargéd’élaborer, de façon consensuelle, unmanuel de la Culture de l’Entreprise,un code de Conduite, puis unmanuel de Construction Sûre et deQualité. Ce Comité est responsablede la mise en pratique effective decette politique, dans un processus dedéveloppement permanent. Le cadrede référence de ce Comité est cons-titué des principes fondamentaux dela Doctrine Sociale de l’Eglise :respect de la dignité de la personne,subsidiarité, solidarité, recherche dubien commun, justice.

Bien évidemment, on ne peutprogresser que si on est capable demesurer ses progrès ! Voilà pourquoiJosé Ignacio Mariscal suggère demettre en place un « bilan social »,comme cela se fait chez Marhnos.Bien sûr, selon le secteur d’activité,un tel outil donnera plus ou moinsde poids à tel ou tel aspect, mais l’im-portant est d’avoir un outil permet-tant de mesurer la RSE dansl’entreprise. Marhnos s’efforce doncde mettre au point des indicateurspour toutes les composantes de laRSE.

Intervenant dans le débat, un repré-sentant de l’épiscopat latino-améri-cain, Mgr Carlos Aguiar Retes,évêque de Toxcoco, a précisé le cadredans lequel s’insère la responsabilitésociale vue sur le plan de la foi chré-tienne. Elle découle du principe del’Incarnation : le Christ a assumédans sa totalité notre naturehumaine, dans toute sa réalité, notreréalité. Il est donc fondamental que

nous étendions notre vision dudessein de Dieu en tenant compte dela totalité de la réalité, et pas seule-ment du monde des âmes ou desesprits.

Sous cet éclairage, la responsabilitésociale de l’entreprise ne peut être niune philanthropie gratuite, ni unedépense d’investissement « social »qui permettrait de racheter lesmauvaises pratiques de l’entrepriseou la mauvaise conscience des diri-geants. La responsabilité sociale del’entreprise, c’est une stratégie degestion éthique et intelligente desimpacts générés par l’entreprisedans son environnement humain,social et naturel. Dans cette perspec-tive, l’entreprise doit servir le monde,et non se servir du monde.

Evoquant ensuite son expérience del’Amérique Latine, Mgr Aguiar aévoqué la grande soif d’éthique et dedéveloppement du continent, qui

La responsabilité sociale de l’entreprise,c’est une stratégie de gestion éthique et intelligente des impacts générés par l’entreprise dans son environnement humain, social et naturel.

appelle bien sûr un fort engagementdes entreprises en matière deresponsabilité sociale. Au Mexique, ilest remarquable que, compte tenudes persécutions subies aux XIXe etXXe siècles, l’Eglise a été en quelquesorte largement amputée des bras etjambes qui lui auraient permisd’exercer une responsabilité socialeet de contribuer à une telle responsa-bilité. Néanmoins, elle ne peut resteren marge de ce débat, étant respon-sable de la formation non seulementdes prêtres, mais aussi de nombreuxacteurs de la société appelés à yprendre part. L’évêque, en particu-lier, n’est pas un entrepreneur, et n’apas non plus le pouvoir de décisionde l’état. Mais il a un rôle reconnu ettrès important de leadership social.Son devoir en matière de responsabi-lité sociale est de veiller à développerdurablement chez les fidèles la cons-cience de cette responsabilité. ■

Le pont du 25 avrilPhoto stock.xchng

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DOSSIER CONGRÈS UNIAPAC

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Lors de la deuxième session, les participants étaient répartis ensix forums afin de permettre des partages d’expérience à partird’exemples d’actions concrètes favorisant le développement despersonnes à la lumière de l’enseignement social de l’Eglise.

Nous reprenons ci-dessous le compte-rendu du forum dont Marc van Ossel,président de l’ADIC, était le modéra-teur sur le thème : quelle formationpour les cadres dirigeants dans lesgrands groupes ? Deux participantsétaient extérieurs à l’entreprise : LordBrennan et Michael Naughton. LordBrennan est président de la TableRonde de Caux, qui est un réseauinternational de dirigeants d’entre-prises qui cherchent à promouvoirune dimension éthique dans le mondedes affaires. Elle développe notam-ment des programmes proposés auxentreprises afin de développer uneculture éthique et, en particulier, une

Forum : quelle formationpour les cadres dirigeants dans les grands groupes ?

formation éthique pour les adminis-trateurs (www.cauxroundtable.org).Michael Naughton est directeur del’institut John Ryan à l’université StThomas de St Paul (Minnesota). Il aune grande expérience de formationdans le domaine de l’éthique, d’unepart, dans des programmesd’Executive MBA et, d’autre part, dansdes entreprises. Les deux autres parti-cipants appartenaient au monde del’entreprise : Manuel Cervantes, vice-président d’IBM Europe en charge desRH et Bruno Stévenin, directeur-adjoint de la formation du groupeMichelin.

Le monument des découvertesPhoto stock.xchng

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Miser sur des outilspour évaluer la qualitéde l’image d’uneentreprise

Le premier souhait de Lord Brennanau début de son exposé fut deprésenter quelques données denature à convaincre les cadres diri-geants de la nécessité de développerune culture éthique, données baséessur des constats sociologiques etstatistiques indiscutables. En premierlieu, dans la situation actuelle, lesentreprises ne sont pas perçues defaçon positive. D’une part on fait peuconfiance aux dirigeants d’entreprise(le nombre de personnes leur faisantconfiance est inférieur à 50% , les plusmauvais scores étant ceux de l’Europeet des Etats-Unis avec respectivement40 et 37%). D’autre part, la motivationdes employés au travail est très faible,les enquêtes réalisées dans le mondemontrent que le pourcentage depersonnes qui se disent satisfaites deleur travail est très réduit (30% auxUSA, 17% en Grande-Bretagne, 6% enFrance et 4% à Singapour). En secondlieu, une vaste étude a été réalisée parl’institut Gallup auprès de 200.000entreprises représentant 3.000.000d’employés et près de 10.000.000 declients. A chacun était demandé son

opinion sur l’entreprise considérée.L’étude a mis en évidence que lesentreprises dans lesquelles on trouveà la fois au moins 50% d’opinionsfavorables de la part des employés, etau moins 50% d’opinions favorablesde la part des clients, avaient unecroissance trois fois supérieure auxautres et une profitabilité accrue de50%. Avoir une bonne image sur leplan éthique s’avère donc payant !

Les entreprises ont donc intérêt, ditLord Brennan, à disposer de diversoutils leur permettant de mesurer laqualité de leur image. Parmi ceux-cicelui appelé « Arcturus-CSR Innovation »utilise un processus extrêmementélaboré de consultations internes sur 7principes fondamentaux à respecter,mis en regard de 7 catégories de partiesprenantes (stakeholders). Ceci donnelieu à une liste de 49 questions adres-sées aux dirigeants et aux administra-teurs, et à une autre de 275 questionsadressées à l’ensemble du personnel.La confrontation des résultats de cesdeux consultations peut donner uneidée claire des progrès restant à accom-plir pour améliorer l’image de l’entre-prise. Cette méthode est notammentutilisée par des grandes entreprisesasiatiques, parce qu’il n’est pastoujours facile, dans cette région dumonde, de promouvoir la notiond’éthique souvent identifiée à laculture occidentale.

Réduire le fossé entre convictions et pratiques

Le deuxième intervenant, MichaelNaughton, a proposé d’approcher leproblème de la façon suivante : plutôtque de se demander commentprendre la bonne décision dans unesituation donnée, pourquoi ne pas seposer la question de savoir quellegenre de personne je devrais être pourprendre de bonnes décisions ? Pourrépondre à cette question, impor-tante, Michael Naughton invite à seréférer à la doctrine sociale de l’Eglise.Il est en effet important d’éclairer lesdirigeants sur la finalité de l’entre-prise, la vocation de l’entrepreneur, ladimension subjective du travail et lesprincipes fondamentaux de ladoctrine sociale de l’Eglise (dignité dela personne, bien commun, etc.), deles encourager à développer les vertusde prudence, justice, courage ettempérance et de les inviter à undiscernement spirituel.

Mais, attention, dit MichaelNaughton, cette éducation peut restertout à fait théorique et être insuffi-sante face à ce qu’il considère être unproblème fondamental dans nos vies :la séparation que nous faisons tropsouvent entre la foi que nous profes-sons et notre vie quotidienne et enparticulier nos activités profession-nelles. C’est pourquoi il aimeproposer une pédagogie simple ditedu « gap-filling » qui vise à réduire lesécarts entre nos convictions et nos

Marc Van Ossel, président de l’ADIC, introduit le forum dont il est le modérateurPhoto ACEGE

Le professeur Philippe de WootPhoto ACEGE

Avoir une bonne image sur le plan éthique s’avère payant.

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DOSSIER CONGRÈS UNIAPAC

pratiques (Mind the gap). Elleconsiste à présenter des études de caspratiques par rapport auxquels les« étudiants » sont amenés d’abord àidentifier les réponses contradictoiresqui peuvent se déduire, d’une part, deleurs convictions éthiques et reli-gieuses, et d’autre part, des con-traintes des affaires, puis ensuite àimaginer, de façon très pragmatique,comment réduire l’écart entre cesdeux réponses. A une question poséepar Marc Van Ossel, MichaelNaughton précise que ces méthodespédagogiques ont été effectivementtestées en entreprise, notammentchez Metronics et toujours avecsuccès et à la grande satisfaction detous, en dépit des craintes des diri-geants qui redoutaient que cela netourne à la séance de doléance et derécriminations.

Le système de formation et d’évaluation mis enplace par IBM

Miguel Cervantes, premier interve-nant du monde de l’entreprise, aexposé le système de formation etd’évaluation des managers en vigueurchez IBM. La première étape en 2003consista à demander aux 319.000employés d’IBM de définir les valeursqui doivent servir de référence à l’en-treprise. 70% des employés y ontparticipé. Ceci a abouti à la définitionde trois valeurs fondamentales pourl’entreprise : l’intérêt porté au succèsde chaque client, la recherche de l’in-novation pour tout ce qui présente del’intérêt pour l’entreprise et pour lemonde, montrer de la confiance et unsens de la responsabilité dans toutesles relations. A partir de ces troisvaleurs ont été définies les« leadership competencies » qui défi-nissent ce qui est prioritairementattendu de la part des dirigeants, etqui sont inclues dans le programmede formation et de développement deceux-ci. Chaque manager doit obliga-toirement avoir un plan de formationpersonnel, mêlant formation tech-nique et non-technique, avec desobjectifs à atteindre chaque année.

La mise en pratique de ce programmea amené IBM à développer tout unsystème d’évaluation et de sanctions.En premier lieu un sondage pourconnaître l’opinion des salariés sur

l’entreprise (EOS : EmployeesOpinion Survey ) est organisé tous lestrimestres avec, en général 60% departicipation. En ce qui concerne lesmanagers, une enquête est faitechaque année auprès de tous lesemployés à propos de leur managerdirect ( MFP Management FeedbackProgram). Enfin un questionnaire desatisfaction est envoyé aux clientstous les ans (CSS CustomerSatisfaction Survey). Les résultats decette enquête ont une incidencedirecte sur les rémunérations : lesrésultats des EOS et CSS déterminentun bonus pour tous les salariés, payspar pays, les résultats du MFP influen-cent directement la rémunération dumanager par un autre bonus spécial.Enfin quand un manager suit uneformation, il fait l’objet d’une évalua-tion complète qui est comparée à uneévaluation faite à cette occasion parson supérieur direct. Ces évaluationset le plan de formation de chacun ontune influence sur leur plan decarrière. Le système est donc conçupour qu’il soit difficile de faire carrièrechez IBM uniquement sur base decritères de performance économique,sans tenir compte des aspectshumains et sociaux qui doivent inter-venir dans la façon d’exercer la fonc-tion de manager. Interrogé par lemodérateur sur le point de savoir si lesystème n’est pas détourné de sonobjectif pour arriver à des règlementsde compte, Manuel Cervantes répondque, passé quelques réactions exces-sives lors des toutes premières évalua-tions, les risques sont faibles : entraitant le personnel en adulte, ilréagit en adulte.

L’exemple de Michelin

C’est bien un souci similaire de ne passeulement regarder la performanceéconomique mais aussi la façon dontelle est obtenue qui a prévalu chezMichelin lors de la mise en place dutout dernier programme de formationpour les dirigeants du groupe :« Manager la Performance avec laManière » (MPM), présenté dans ceforum par Bruno Stévenin, directeuradjoint de la formation. Ce program-me, qui a commencé à être utilisérécemment et d’abord par le comitéexécutif lui-même, comprend à la foisun baromètre, outil 180° de mesure etde dialogue, comprenant 73 ques-tions sur le type de management et lamanière de gérer ; ainsi qu’unesession initiale de 3 jours. Le baro-mètre est utilisé avant la session de 3

jours et ensuite au terme d’un délaid’environ 2 ans, pour mesurer lesprogrès accomplis. Les 3 jours deformation représentent un temps à lafois très long pour des dirigeantsexécutifs, mais aussi très court s’ils’agit de changer mentalités etcomportements. Cinq domaines sontcouverts, représentant chacun unedemi-journée : 1- le vrai dialogue dumanager avec ses collaborateurs ; 2 -le développement des personnes parle manager ; 3 - l’efficacité de l’équipe ;4 - la capacité à travailler en trans-verse ; 5 - la capacité d’exécution de lastratégie par les équipes. La dernièredemi-journée est consacrée à undébriefing personnel avec un coachpersonnel externe à l’entreprise, afind’élaborer un plan d’action pourprogresser dans ces cinq domaines,plan à partager ensuite avec l’équipedont il a la charge.

Il est remarquable que l’on retrouvedans ce programme une insistanceimportante sur l’écoute, le dialogue(utilisation de l’intelligence émotion-nelle), la rencontre de l’autre et lacoopération (un ennemi est quel-qu’un que je n’ai pas encore invité àdîner !), le contact avec la réalité desfaits, mais aussi un rappel que déciderest un art personnel. Tout ceci estrelativement classique : de l’aveumême des concepteurs, ce quicompte, c’est finalement plus que lesdirigeants exécutifs décident de se lerépéter à eux-mêmes. Pour BrunoStévenin, on devrait retrouver dansles comportements des managers duXXIè siècle, ce que nous ont apportéles grands philosophes : la pratiquedes vertus naturelles qui sont sourcesd’équilibre et d’efficacité. Il cite donclogiquement, comme MichaelNaughton un peu plus tôt, les vertusnaturelles du management : la force etle courage qui nous donnent envied’aller de l’avant, la tempérance quinous recommande de ne pas y allersans réfléchir, la justice qui nousinvite à penser à ceux qui accompa-gnent le changement, la sagesse quidonne un sens et une efficacitédurable et partagée à l’action. Pourautant, il ne faut pas se faire d’illu-sions, même dans un groupe commeMichelin, avec une tradition et uneculture très fortes, attirer l’attentioneffective des cadres dirigeants surtous ces points reste un combatquotidien, plus ou moins facile enoutre selon les cultures d’origine… ■

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CONGRÈS UNIAPAC DOSSIER.

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Le micro-crédit, moyen privilégié d’insertion des plus démunis.

Le forum, dont le thème était l’inser-tion des personnes exclues dans lescircuits économiques, était centré surdes témoignages d’expériencesvécues de micro-crédits. Ces troisexpériences différentes ont permis demontrer à quel point le micro-créditest devenu un remarquable outil dedéveloppement. Quelques chiffressont là pour confirmer l’extraordi-naire importance prise par cette tech-nique en quelques années :aujourd’hui plus de 90 millions depersonnes en bénéficient (valeurmoyenne du prêt : environ 600 US$)L’encours mondial est de plus de 15milliards de US$ avec un taux d’im-payés inférieur à 3%. On peut estimerque, chaque année, 5% des bénéfi-ciaires sortent ainsi de l’extrêmepauvreté. La gestion des structuresnécessaires au micro-crédit n’est pasune affaire d’amateur : il faut y mettreau moins autant de professionna-lisme que dans la gestion d’un orga-nisme de crédit classique, d’autantplus que l’effet multiplicateur desfonds investis est optimal lorsque lepromoteur local est performant et trèsproche des bénéficiaires.

Loïc de Cannière présenta toutd’abord l’expérience d’INCOFIN,société coopérative à but social dedroit belge. INCOFIN est le résultat del’initiative d’entrepreneurs flamandsdans le sillage du VKW, et aujourd’huien coopération avec le BKU(Fédération des entrepreneurs catho-liques allemands). Dès le début deson action, INCOFIN a insisté surdeux aspects de son activité : favoriserle développement professionnel desentrepreneurs soutenus et privilégierles relations avec les partenaireslocaux. Toute prise de participationdans les organismes locaux de micro-crédit ne peut dépasser 49%. Enfin,pour permettre d’accompagner lesphases ultérieures du développement(lorsqu’il commence, le micro-créditseul n’est plus suffisant), une activitéde financement classique maistoujours exercée dans les mêmes

conditions de subsidiarité et dans lemême but social, a été mise en place.

Le second témoignage fut celui deMadame Wafaa William, directrice desservices de développement du CEOSS(Organisation Copte Evangélique desServices Sociaux) au Caire. Le contexteégyptien présente quelques particula-rités qu’il est indispensable depréciser. La pauvreté en Egypte estnon seulement importante mais enprogression en raison de la diminu-tion des activités touristiques liée auxquestions de sécurité. En outre cettepauvreté touche plus particulièrementcertaines populations telle que cellede Haute-Egypte et la minorité chré-tienne copte (d’ailleurs fort présentedans cette région) ainsi que lesfemmes chefs de famille (souventveuves). Une mise en place efficace deprogrammes de micro-crédit supposedonc une stratégie adaptée. Il fautd’abord réaliser des études de faisabi-lité afin d’identifier les meilleurescommunautés cibles, où il sera le plusfécond de lancer les premières initia-tives. Il faut ensuite définir le« package approprié ». Les femmesseules en charge de famille étant descibles prioritaires, les programmes lesvisant doivent être appropriés auxdifficultés de leur situation. Il fautencore créer de nouvelles façons d’im-pliquer les plus pauvres. Un exempleest le lancement de micro-crédits degroupe accordés à des groupes dequatre à six femmes où toutes garan-tissent le prêt. Cette méthode de prêtsen groupe tire ainsi profit de la culturecommunautaire de solidarité. Uneautre étape est de bien promouvoir les« produits » de micro-crédit de façon àatteindre les publics visés : contactspersonnels dans les rues, sur les parvisdes églises et mosquées sont engénéral les meilleurs moyens. Il fautbien sûr encore assurer un niveauélevé de service : face aux difficultésbureaucratiques, par exemple, lesfemmes créant leur micro-entreprisedoivent trouver un soutien efficace.Développer une très bonne qualité de

Forum sur l’insertiondes personnes exclues

relations avec les emprunteurs est unautre point clé : il s’avère par exempleprofitable d’avoir des interlocuteursfemmes pour les femmes emprun-teurs, et il est impératif d’avoir unsuivi très régulier des projets sur leterrain (tous les mois). Les responsa-bles de crédit se voient souventproposer des « bakchichs » pouraccorder des crédits au-delà desrègles : cette demande a quasimenttoujours valeur de test et le fait de lesrefuser construit une relation deconfiance même avec ceux qui ontfait cette proposition.

Un troisième éclairage a été apportépar le témoignage de Juan Murguia,président et directeur de Fincomuncréée en 1992 à l’initiative d’entrepre-neurs proches de l’USEM (UNIAPACMexique) et dont le but est derépondre à la pauvreté des bidon-villes de Mexico. L’activité deFincomun fut d’abord basée sur lemicro-crédit, mais elle ne s’est pasarrêtée là. Fincomun a ainsi proposéà ses clients des instruments de paie-ment (ce qui est révolutionnaire pour des populations exclues !), del’épargne, des prestations d’assu-rance (notamment santé). Laconfiance ainsi placée par les fonda-teurs de Fincomun dans lespersonnes défavorisées ne fut pasdéçue : onze ans après sa création, lesrésultats des bénéficiaires permet-tent de financer le développement del’activité, Fincomun employantdésormais 480 personnes dans 38établissements. L’encours actuel decrédit concerne 35 000 emprunteurspour un total d’environ 22 millions$US, l’encours cumulé depuis l’ori-gine s’élevant à près de 240 millions$US pour 250 000 prêts. Et actuelle-ment, Fincomun gère pour unmontant d’environ 18 millions $USles placements de 37 000 épargnants.On imagine sans peine l’impactsocial et humain pour les famillesconcernées et l’immense progrèsaccompli en ce qui concerne leurdignité retrouvée. ■

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l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

DOSSIER MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS

Avec un taux de chômage largement supérieur et un taux decroissance largement inférieur à ceux des autres grandes régionsdu monde, l’Europe peine à trouver sa voie. La croissance potentielle de l’Union n’est plus que de 2% par an contre 3,5%pour les Etats-Unis et 4% pour l’ensemble du monde.Le laborieux débat qui a eu lieu à propos de la Directive relativeau marché unique des services (la fameuse Directive « Bolkenstein »), l’ambiguïté des messages transmis par les participants aux referendums relatifs à la « Constitution » européenne (trop ou trop peu d’Europe ?) et la méfiance quecontinue à susciter l’Union monétaire européenne montrent à quel point les Européens sont désorientés et inquiets pour leur avenir.

Jacques ZEEGERS

Les Européens devinent que la hauteprotection sociale dont ils bénéfi-cient (du moins dans la « veilleEurope ») est menacée par la mondia-lisation mais ils continuent à refusertoutes les réformes qui pourraient lapréserver dans la mesure où – ô para-doxe – ils l’assimilent à un démantè-lement. Bref, une inquiétudeparalysante qui mène à une inquié-tante paralysie.Pour tenter de relancer la machine

européenne, le Conseil européenréuni dans la capitale portugaise aadopté la stratégie dite de Lisbonnevisant à relancer la croissance tout enmaintenant les acquis essentiels du« modèle social européen » mais cettestratégie semble piétiner, c’est lemoins qu’on puisse dire, sans douteparce qu’elle repose davantage surune sorte de consensus mou plutôtque sur un véritable projet politiquemobilisateur. Il est très rare, en effet,que l’on fasse référence à cette « stra-tégie de Lisbonne » dans les débatspolitiques internes.Pour clarifier le débat, le cercleBruegel, un « think tank » visant àcontribuer à l’amélioration de la poli-tique européenne, a publié, sous laplume d’André Sapir, professeur àl’ULB et Senior Fellow, un documentparticulièrement éclairant qu’il a eule privilège de présenter à la réuniondes Ministres des Finances et desGouverneurs de banques centralesqui s’est tenue à Manchester enseptembre 2005.En réalité, il n’y a pas « un » modèlesocial européen comme on le croittrop souvent mais bien quatremodèles différents dont les caracté-ristiques et les performances sontextrêmement différentes.

La globalisation et laréforme des modèles

sociaux européens

André SAPIRPhoto Archives

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l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS DOSSIER.

Quatre modèlessociaux

Le modèle anglo-saxon (Irlande,Portugal, Royaume-Uni) caractérisépar :• une grande flexibilité du marché

du travail et une faible protection de l’emploi

• des allocations de chômage relati-vement généreuses

• des transferts relativement géné-reux mais sélectifs orientés princi-palement vers la population en âge de travail

• des organisations syndicales relati-vement faibles

• des inégalités importantes dans la rémunération et un nombre relati-vement élevé de personnes à bas revenus.

Le modèle continental (Belgique,Allemagne, France, Luxembourg)caractérisé par :• un système d’assurances sociales

relativement développé• des pensions relativement géné-

reuses• une protection de l’emploi assez

forte• des allocations de chômage relati-

vement généreuses• des syndications puissantes,

même si leur influence diminue.

Le modèle méditerranéen (Espagne,Grèce, Italie) caractérisé par :• des prestations sociales principa-

lement orientées vers les pensions• un accent important mis sur la

protection de l’emploi et les retraites anticipées

• des allocations de chômage relati-vement faibles

• une structure de salaires déter-minée essentiellement par des accords collectifs avec un éventail relativement étroit.

Le modèle nordique (Danemark,Finlande, Suède, Pays-Bas) caracté-risé par :• un niveau élevé de protection

sociale• des allocations de chômage relati-

vement élevées• une faible protection de l’emploi• une couverture sociale universelle• des syndicats puissants• un éventail étroit des rémunéra-

tions• des interventions budgétaires sur

le marché du travail.

Efficience et égalité

Si l’on classe maintenant ces quatremodèles en fonction de leurs perfor-mances en matière d’équité et d’efficacité, on obtient le tableau ci-dessus.

La faible efficacité des modèles conti-nental et méditerranéen est illustréepar leurs taux d’emploi (part de lapopulation active effectivementoccupée) qui sont respectivement de63 % et 62 %, soit très largement infé-rieurs aux performances des modèlesnordiques et anglo-saxon (72 % et69 %). Le taux d’emploi des personnesâgées est nettement plus élevé dans ledernier groupe et le taux de chômagedes jeunes nettement plus bas quedans le premier. Quant aux perfor-mances en matière d’égalité, ellessont mesurées par les chances d’êtrepréservé de la pauvreté. Alors quecelles-ci sont de 75 % en moyenne enEurope, elles sont comprises entre78 % et 83 % pour les Méditerranéenset les Anglo-Saxons et entre 85 et 90 %pour les Continentaux et entre 87 et89 % pour les Nordiques.

Dans le contexte d’une compétitionglobale, l’efficacité est devenueimpérative car nous devrons, nonseulement compter avec nosconcurrents habituels des autrespays industrialisés (Amérique duNord et Japon), mais aussi, et deplus en plus, avec les pays émer-gents tels la Chine, l’Inde ou leBrésil. Comme le montre le tableau

ci-dessous, la part des pays en voiede développement dans la produc-tion mondiale de produits manufac-turés est passée de 10 % en 1970 à45 % en 2003 et on peut penserqu’aujourd’hui, en 2006, la barre des50 % est dépassée. La Chine qui nereprésentait que 2% de la produc-tion en 1985 en représente 15 %actuellement et elle a dépassé leJapon en tant que second fournis-seur de l’Union européenne.

Le risque du repli sur soi

Si l’Europe ne réussit pas son pari, latentation sera grande du repli sur soi,comme l’ont déjà montré les résul-tats dans certains pays du réfé-rendum sur la Constitution. Mêmel’Union monétaire risque d’être misesur la sellette. Certes, un retour enarrière semble hautement impro-bable, mais si l’Europe s’obstine à nepas s’attaquer aux rigidités de sesstructures, l’Union monétaire sera deplus en plus critiquée car, en cas dechoc, les ajustements (souvent trèsprovisoires) qui autrefois étaientpossibles grâce aux manipulationsmonétaires ne sont plus possiblesaujourd’hui. En l’absence de flexibi-lité du marché du travail, c’est lechômage qui risque de devenir laprincipale variable d’ajustement et laresponsabilité pourrait en êtreimputée soit à la Banque Centraleeuropéenne, soit à l’Union moné-taire elle-même.

Efficacité faible Efficacité élevée

Egalité élevée CONTINENTAL NORDIQUE

Egalité faible MEDITERRANEEN ANGLO-SAXON

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l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

DOSSIER MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS

Des réformes s’imposent donc. Vuleur faible efficacité, ce sont essen-tiellement les modèles continental etméditerranéen qui doivent le plusévoluer. C’est d’autant plus néces-saire au niveau européen qu’ilsreprésentent deux tiers du PNB del’Union et 90 % du PNB de la zoneeuro. Le modèle anglo-saxon est« soutenable » en ce sens qu’il estcapable de se maintenir, mais c’estincontestablement le modèlenordique qui semble le plusattrayant, puisqu’il combine à la foisles vertus de l’égalité et de l’effica-cité.Et dans ce contexte, la réforme laplus urgente est incontestablementcelle qui doit viser à atténuer lesmesures de protection de l’emploi. Ilsemble exister une très forte corréla-tion entre ces mesures de protectionet le taux d’activité car elles consti-tuent un des freins les plus impor-tants à l’embauche. Plus élevé est lemur que l’on érige autour de ceuxqui ont la chance de travailler en vuede protéger leur emploi, plus difficileil sera aux chômeurs de le franchirdans l’autre sens.Par contre, le niveau des allocations dechômage semble être nettementmoins déterminant. Certes, des alloca-tions trop généreuses peuvent dimi-nuer le zèle des chômeurs à rechercherun emploi, mais leur influence sembleêtre relativement faible.

Ce qui fait la différence entre lemodèle nordique et le modèle anglo-saxon, c’est naturellement le niveaudes prélèvements obligatoires quid’après les auteurs de l’étudeinfluencent relativement peu l’effica-cité globale des pays.

Evoluer vers lemodèle nordiqueIl ne faut naturellement pas se faired’illusion : ce n’est pas demain que lespays de l’Eurozone ou les autres adop-teront le modèle nordique, voire lemodèle anglo-saxon. En réalitéchaque pays a ses propres structureshéritées de son histoire et correspon-dant plus ou moins aux préférences desa population. Le mieux que l’onpuisse espérer est que chaque paysmembre entame des réformes quis’inspirent des modèles les plus effi-caces de manière à les faire évoluer.

Comme le souligne M. Sapir, c’est uneresponsabilité qui incombe d’abordaux pays eux-mêmes. Cela ne veut pasdire, naturellement, qu’il n’y a rien àfaire au niveau européen. Le marchéunique a certes été bénéfique mais ilest loin d’être achevé. Les obstaclesqui demeurent, notamment en ce quiconcerne les échanges des services,risquent de nuire sérieusement à lacroissance de l’économie et à sacompétitivité. Il faut donc poursuivredans la voie de l’ouverture desmarchés. Mais si rien n’est fait auniveau du marché du travail dans lesEtats membres, ces efforts risquent demanquer leur but. En effet, tous lesprogrès réalisés ces quinze dernièresannées pour élargir et approfondir lemarché unique européen n’ont pasdonné les résultats escomptés vu l’ab-sence de réformes au niveau des Etatsmembres eux-mêmes.

Ce document est disponible sur le sitehttp://www.bruegel.org/doc_pdf_120

« L’évolution va dans le bonsens, mais il n’y a pas de véritable mise en cause desmodèles dominants ».

Avez-vous une préférence pour l’un oul’autre modèle ?

Certains commentateurs ont crudéduire de mon étude que j’ai unepréférence marquée pour le modèlenordique. En fait, ma conclusionétait simplement que les modèlescontinental et méditerranéen de-

vaient évoluer vers plus d’efficacité,sans exprimer de préférence enfaveur du modèle nordique ou dumodèle anglo-saxon qui tous deuxsont relativement efficaces. Le choixentre ces deux modèles est unequestion subjective portant surl’équité à laquelle je n’ai pas voulurépondre dans mon étude. Je mesuis contenté de porter un jugementplus objectif portant uniquementsur l’efficacité.

La réforme la plus urgente est incontestablement celle qui doit viser à atténuer les mesures de protection de l’emploi.

Cinq questions à André Sapir

Les modèles sont, dans chaque pays,le résultat d’une longue évolution.On ne peut pas véritablement les transposer d’un pays à l’autre.

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MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS DOSSIER.

Voyez-vous une évolutiondepuis la présentation devotre rapport ? Va-t-on dansla bonne direction ?

Lorsque j’ai rédigé l’étude, en 2005, j’aipris une photo de la situation enEurope l’année précédente. Si aucontraire j’avais réalisé un film sur lasituation pendant un certain nombred’années, on aurait effectivement puconstater qu’une évolution a eu lieu cesdernières années. Par exemple, l’Italieet l’Espagne ont toutes deux connu uneamélioration certaine de leur taux d’ac-tivité, même s’il reste encore très bas.Mais en général, les améliorations quel’on a connues sont le fait de change-ments « à la marge » plutôt que dechangements systémiques. Nulle part,il n’y a eu de véritable mise en causedes modèles existants.

Le Contrat PremièreEmbauche (CPE) en Francen’était-il pas plutôt d’inspiration « nordique » ?Les réactions qu’il a suscitées ne doivent pasêtre considérées comme unmauvais signe ?

Je dois bien constater que, sur le planpolitique, le problème a été abordé demanière très maladroite par unpremier ministre inexpérimenté qui setrouvait à un an à peine des échéancesprésidentielles. Son projet restaitnécessairement très limité etmanquait de vision large sur leproblème de l’emploi en France. Jecrois néanmoins que la crise qui aéclaté à ce propos a mené à une prisede conscience du problème de l’em-ploi des jeunes qui est particulière-ment préoccupant dans ce pays. Celaaura peut-être permis de préparer leterrain en vue d’une réforme enprofondeur dont la France a besoinmais qui ne pourra être menée qu’a-près les élections présidentielles. Ilsemble d’ailleurs que le débat poli-tique entre les deux candidats proba-bles de la gauche et de la droite porteessentiellement sur un choix à effec-tuer entre le modèle nordique (qui aplutôt la faveur de Ségolène Royal) etle modèle anglo-saxon (vers lequelNicolas Sarkozy semble pencher). Lorsde la dernière campagne électorale en

Allemagne, c’était un peu le mêmephénomène avec un parti socialdémocrate partisan du modèlenordique, un parti libéral proche dumodèle anglo-saxon et un parti démo-crate-chrétien partagé entre les deuxcourants.

Les pays membres d’Europecentrale n’entrent pas dansvotre classification.Constituent-ils une caté-gorie à part ? Comment les caractériser ?

Si l’on prend les mêmes critères queceux retenus dans mon étude, onconstate que sur le plan de l’équité,ils sont proches de la moyenne desQuinze. Par contre, du point de vuede l’efficacité (taux d’emploi), leursituation est nettement moins bonne.

Néanmoins, si on se limite aux dixnouveaux Etats membres, on arriveaux constatations suivantes :Les pays baltes se rapprochent dumodèle anglo-saxon : efficaces maispeu équitables.La Tchéquie et la Slovénie relèventplutôt du modèle nordique : efficaceset équitables.La Pologne est clairement méditerra-néenne avec un taux d’activité parti-culièrement faible et un degré d’équitérelativement faible. La Slovaquie estégalement dans cette situation, maisdans une moindre mesure.La Hongrie est plutôt continentaleavec une efficacité peut élevée maisun degré d’équité plutôt bon.

Les modèles nordique etanglo-saxon sont-ils accessibles à toutes les traditions et toutes lescultures ? Les continentaux et les méditerranéens sont-ils prêts d’une part àaccepter des taux élevés deprélèvements élevés ou unniveau de flexibilité auxquelsils ne sont pas habitués ?

Les modèles sont, dans chaque pays,le résultat d’une longue évolution.On ne peut pas véritablement lestransposer d’un pays à l’autre. On nepeut donc que préconiser une évolu-tion progressive où chaque paysimporte un certain nombre d’élé-ments tirés de l’expérience des paysqui ont mieux réussi à certainségards. Il faut ajouter que lesmodèles nordiques, par exemple,ont eux-mêmes fort évolué, notam-ment à la suite des crises qu’ils ontsubies. La Finlande a été confrontéeà la perte de son principal clientaprès l’effondrement de l’URSS et laSuède a été touchée par une gravecrise financière. Le modèle danoisque l’on cite souvent commeexemple a lui aussi fortementévolué. La capacité dont ont faitpreuve les pays nordiques enpériode de crise est d’ailleurs certai-nement une caractéristique impor-tante de leur modèle. ■

Dessin VINCE

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DOSSIER MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS

Bruno COLMANTPhoto Isopix

Bruno Colmant est docteur ensciences de gestion (ULB),Membre du Conseil Central del’Economie et managingdirector chez ING. Nous luiavons demandé de nouspréciser comment il voyaitl’évolution des modèles classiques européens et anglo-saxons.

Propos recueillis parBrigitte DE WOLF-CAMBIER

E & H. Quelles sont les différencesfondamentales existant entre cesdeux modèles ?

Bruno Colmant. Les différencessociologiques existant entre lesmodèles européens et anglo-saxonsm’ont toujours interpellé (1).L’acceptation ou non des aléas dufutur est essentielle. Les modèleseuropéens ont mutualisé les risquesalors que les modèles anglo-saxonsont davantage pris en compte lesparticularités individuelles. Dans lessociétés européennes traditionnelles,le futur est projeté selon une visionrelativement linéaire tandis que lessociétés anglo-saxonnes prennent encompte un facteur de risque. Il nes’agit pas d’une vision de capitalisa-tion mais d’actualisation. Le rapportau temps est complètement différent.

Le modèle européen verrouille enquelque sorte un état du mondecompréhensible, maîtrisé, tandis quele modèle capitaliste anglo-saxonindividualise les risques profession-nels et limite la protection socialecollective.

E & H. Quels sont les facteurs qui ontentraîné ces remises en question ?

B. Colmant. Essentiellement l’ouver-ture des marchés et la fluidité ducapital. Mais il est un élément qui aégalement contribué à cette muta-tion : c’est la différence de vision exis-tant entre l’Eglise catholique, qui atoujours défendu un modèle de redis-tribution des richesses, et les sociétésprotestantes qui ont intégré unecertaine dose d’incertitudes et d’aléasdans leur manière d’appréhender lemonde. Les grands philosophescomme Weber ont analysé ce phéno-mène.

E & H. Le modèle européen basé surune protection sociale tout azimut secraquelle de toute part. S’agit-il d’unvéritable séisme, d’une remise enquestion profonde de notre systèmeau profit d’autres modèles comme lesmodèles anglo-saxons ?

B. Colmant. Je crois qu’il ne faut pasgénéraliser. Il n’y a pas un modèleaméricain mais des modèles améri-cains. Les « business schools » améri-caines sont souvent critiquées maiselles sont évolutives. Elles épousentdes phénomènes de mode, decompréhension de l’économie. Laréalité du modèle américain, c’estjustement qu’il n’est pas unique mais

Le modèle social européenremis en question

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MODÈLES SOCIAUX EUROPÉENS DOSSIER.

évolutif. On ne peut donc pasopposer un modèle américain à unmodèle européen car il y a un conti-nuum de modèles américains quiévoluent en permanence.

Les Américains ont toujours été« poreux » à tous les types de gouver-nance. Nous Européens sommesrestés dans une vision relativementfigée privilégiant la répartition desrichesses avant la création. C’est surce point que ces deux modèles s’op-posent fondamentalement.

Nos modèles économiques sont issusde la révolution industrielle. Cesmodèles extrêmement linéaires inté-graient la lutte entre les facteurs deproduction. Le modèle européen amis la priorité sur le travail tandisque les Américains ont davantagepris en compte le facteur de produc-tion « capital ».

Le système donnant la priorité autravail a pu fonctionner tant quenous étions en croissance dans unmonde stabilisé. Les « Trente Glo-rieuses » reposent sur un phénomè-ne d’aubaine absolument stupéfiant :des cours de change fixes, des tauxd’intérêts stables, une période deprospérité, de reconstruction collec-

tive. Nous avons pensé, nousEuropéens, que cette tendance allaitse perpétuer dans le temps alors qu’ils’agissait avant tout de circonstancesconjoncturelles particulièrement fa-vorables.

E & H. On parle beaucoup du modèlescandinave. Arrive-t-il davantage àconcilier ces deux éléments antino-miques ?

B. Colmant. Plusieurs pays ontproposé des modèles parfois un peumagiques. C’est le cas notamment dela Nouvelle-Zélande, des pays scan-dinaves, du Chili qui a complète-ment changé son système detransferts sociaux et de pensions. Cessystèmes de protection collective, desauvetage social ne sont pas idyl-liques. Ils ont toutefois un pointcommun : ils ne sont pas pérennes.

E & H. Le monde économiqueévolue. Que penser de la prise departicipation de l’entreprise indien-ne Mittal dans le capital d’Arcelor ?

B. Colmant. A partir du moment oùl’on accepte la fluidité du capital et lalibéralisation, il ne faut pas s’étonnerque cette variable choisisse la partiedu monde qui l’intéresse le plus.

Comment allons-nous gérer cetteproblématique dans nos sociétés ?Comment allons nous faire face àcette fluidité du capital, des biens etdes services et du travail lui-même ?Le défi futur sera d’établir un équi-libre entre la création individuelle derichesses préconisée par le modèleanglo-saxon et la répartition collec-tive mise en avant par certainsmodèles européens.

E & H. Vous considérez-vous commeun défenseur du système de produc-tion social ?

B. Colmant. Oui. Je suis un purproduit de la collectivisation durisque. J’ai grandi grâce à desbourses d’études. J’ai un respectimmense pour ce système. Mais à unmoment donné, il faut savoir quelorsqu’on a beaucoup reçu de lasociété, il faut pouvoir donner et êtreconscient du fait que le système decollectivisation des risques du passén’est pas tenable dans un monde oùla fluidité du capital est une réalité etce, même si cette vision des chosesest difficile à accepter. ■

(1) CARTES BLANCHES, LE SOIR, ECONOMIEEUROPEENNE : LE SOUFFLE DE LUTHER ET DECALVIN ? JUILLET 2006

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la revue de l'ADIC (association chrétienne des dirigeants et cadres)

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ÉVÉNEMENT

Bruxelles-Toussaint 2006Servir, annoncer, prier,ce sont les mots-clés du congrès Bruxelles-Toussaint 2006.

Parmi les nombreuses activitésprévues, on peut mentionner lessuivantes :

Chaque matin à la Basilique deKoekelberg, après la prière de 9 heures,on pourra écouter un grand orateur,témoin de son temps :

Lundi 30 octobre : Andrea RICCARDI, fondateur de lacommunauté San Egidio qui regroupedes laïcs présents auprès des plusdémunis et des exclus.

Mardi 31 octobre : Timothy RADCLIFFE, qui a été maîtregénéral des Dominicains de 1992 à2001 et se consacre aujourd’hui àenseigner et à prêcher.

Jeudi 2 novembre : Nicolas BUTTET, juriste suisse, qui a étédéputé au parlement régional du Valaisavant de fonder la fraternité « Eucharistie »qui assure des missions d’évangélisa-tion et accueille des personnes en diffi-culté.

Vendredi 3 novembre : Enzo BIANCHI, frère et prieur de lacommunauté de Boze près de Turin.La matinée se terminera par l’eucha-ristie à 11.15 h.En fin d’après-midi (17-19 heures), lestables rondes seront centrées sur lesthèmes suivants :

Lundi 30 octobre :Thème : l’intégration des allochtonesdans les entreprises à Bruxelles.Cette table ronde est organisée parl’ADIC. Le programme détaillé setrouve ci-contre.

Mardi 31 octobre : Thème : la personne humaine face à lasouffrance : quelles réponses apporte lamédecine ? Quelles réponses apportentles chrétiens ?

Jeudi 2 novembre :Thème : quelle identité pour l’Europe ?Quelle contribution les chrétienspeuvent-ils apporter à la constructioneuropéenne ?

Vendredi 3 novembre :Thème : la personne humaine dans lagrande ville. Face aux défis de la grandeville, l’Evangile appelle à la responsabili-sation individuelle et collective. ■

Table ronde organiséepar l’ADICDate et heure : lundi 30 octobre de17.00 h à 19.00 h

Lieu : auditoire ING, avenue Marnix à1050 Bruxelles

Thème : «Intégration des allochtonesdans les entreprises à Bruxelles. Laresponsabilité des dirigeants et cadreschrétiens en ce domaine »

Intervenants :Benoît CEREXHE, ministre del’Economie et de l’Emploi à la Régionde Bruxelles-Capitale.Vincent DOUMIER, administrateurdélégué de la Compagnie du BoisSauvage.Johan LEMAN, ancien directeur duCentre pour l’égalité des chances.Pierre LAURENT, directeur du campusSaint Jean à Molenbeek.Fatima, jeune de la seconde généra-tion d’immigrés.

Présidence :Monseigneur VANGHELUWE, évêquede Bruges

Animation :Béatrice DELVAUX, directrice de larédaction du Soir ■

Le cardinal Lustiger, ancien archevêque deParis, assistera à la table ronde...

Comme tous les jours, Seigneur,Je me trouve en ta présence,Et te prie face à face…

Devant moi défilent tant de visages,Mes collaborateurs, collègues et amis,Mes responsables, et tous ceux qui avec moiContribuent au bien être et à mes projets.

Mes objectifs, tu les connais Seigneur,Faire advenir ton Royaume :Réaliser ton projet de bonheur,Là où je travaille, et là où je vis.

PRIÈRE

Le temps de mon travail est important,Et même, cela occupe plus de temps que la vie de famille,Et tous les jours, nous prenons 1001 décisions.

Je voudrais simplement demander de vivre en ta présence,Non seulement pendant la prière du matin,Mais encore lors des réunions et des rencontres,Et que jamais je ne regrette ton absence.

Mais au fait, tu es là,C’est moi qui m’éloigne quelquefois,Alors que ton amour et ta justice m’inspirentPour que tout homme puisse dire : « je respire ».

Amen.

Tommy Scholtès s.j.

Réfléchir, Seigneur

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Billet

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Les vacances sont propices à la réflexion.Si l’on ne se rend pas sur les plagesbondées mais dans des lieux reculés oudans des pays plus lointains, on estconfronté à des modes de vie situés auxantipodes de notre vie quotidienne. Lepaysan péruvien qui cultive son champou construit sa maison avec des maté-riaux traditionnels résistant aux tremble-ments de terre comme le faisaient sesancêtres Incas ou pré-Incas a peut-êtrelui aussi des leçons à nous donner.

Dans un des derniers Edito du journalDimanche, le père Charles Delhezévoquait la prise de conscience dans les« Golden Sixties » d’un monde en crois-sance inégale. « Côté catholique,“Populorum progressio” de Paul VI, donHelder Camara, la théologie de la libéra-

tion… interpellaient les plus engagés.Pouvait-on continuer à bâtir un mondeoù la croissance se fasse aux dépensdes uns et à l’avantage démesuré desautres? Aujourd’hui », poursuit-il, « c’estla croissance elle-même qui est remiseen question ».

Et Ch. Delhez de souligner la prise deposition d’« objecteurs de croissance »promouvant un nouveau concept: celuide la décroissance. Pour ces derniers,notre modèle n’est pas tenable. Noshabitudes doivent changer. L’impassepétrolière qui nous guette n’est qu’unsymptôme parmi d’autres. Si nouspoursuivons la croissance, les matièrespremières finiront par faire défaut. Lesclimatologues tirent d’ailleurs lasonnette d’alarme. « Le développementne sera durable que s’il s’assagit.Décroissance n’est pas synonyme decroissance négative. Il s’agit de réduire

Brigitte DE WOLF-CAMBIER d’urgence les flux de matière etd’énergie, mais également de réexa-miner l’ensemble des conduites, lerapport à la richesse, au progrès ».Des idées qui bousculent mais qui ontle mérite de se pencher sur la viabilitédu monde de demain. « Un hommecomme Paul Ariés plaide pour une“relocalisation” », rappelle le pèreDelhez. « Pourquoi aller toujours plusloin et plus vite? Le monde doit ralentir.Il invite à une “simplicité volontaire” ».

Le protectionnisme, le refus de croissancen’ont généralement pas été des expé-riences heureuses. Faut-il freiner à fondsur la pédale du développement écono-mique à tout crin ou tenir compte de laréalité du marché? L’enjeu n’est-il pas aufond, de faire évoluer nos modèlessociaux et économiques vers plus dejustice et d’équité en nous adaptant à unmonde en constante mouvance? ■

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l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

LIRE

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Trois ans et trois mois de marche le longde la vallée du Rift en Afrique de l'Est,pour refaire symboliquement le premiervoyage des premiers hommes, de l'aus-tralopithèque à l'homme moderne.Dans le premier volume qui retrace lessept mille premiers kilomètres de leurpériple, du Cap au Kilimandjaro, Soniaet Alexandre Poussin nous font partagerune Afrique intime. Ils ont affronté lesoleil implacable de la brousse, lesattaques d'animaux sauvages, lesdéserts et les jungles et traversé despays en crise. Assoiffés de liberté, dechaleur humaine et de compréhensiondu monde, dans sa complexité et sadiversité ethnique, culturelle, politique etreligieuse, ils sont partis seuls à l'aven-ture. Sans sponsors ni logistique, parta-geant le dénuement de leurs hôtes, ilsnous parlent à chaque page de la géné-rosité et de l'enthousiasme de ceshommes et de ces femmes qui peuplentla terre d'Afrique. Jour après jour, Soniaet Alexandre sont devenus un peu plusafricains.

Déjà nomadesDiplômé en sciences politiques,Alexandre Poussin part sur les routesdu monde. Il réalise en 1994 un tour dumonde à vélo avec son meilleur ami,Sylvain Tesson, traversant 35 pays etparcourant 25 000 km. En 1997, ils'offre, toujours avec son compèreSylvain, la traversée de l'Himalaya àpied, avant de préparer la grande aven-ture d'Africa Trek, qui devient une aven-ture de couple et de vie, avec Sonia,dont la vocation s'était affirmée par desbouts d'itinéraires partagés avec lesdeux larrons, dans les Andes et dansl'Himalaya.

Sonia et Alexandre Poussin, uncouple de jeunes Français, ontentrepris de remonter l'Afriqueà pied, du cap de Bonne-Espérance au lac de Tibériade.Trois ans et trois mois d'aventures pour parcourir 14 000 km à travers dix pays.

Alexandre mène ainsi une vie d'auteur-réalisateur et a été présentateur dumagazine 'Montagne' sur France 3 etde l'émission 'l'ABCDaire du voyage'sur la chaîne Voyage.

Quant à Sonia, après des études trèsclassiques d'administration écono-mique et sociale, elle a goûté à l'aven-ture au travers de missionshumanitaires. Elle a participé à la miseen place d'un programme d'éducationen Ouzbékistan et au Tadjikistan sousl'égide de l'UNESCO. Sonia a aussi étéchef d'équipe d'un programme d'en-seignement du français à Hô Chi Minhville. Mais elle a surtout vécu une expé-rience fondatrice en tant que respon-sable logistique, pédagogique etfinancière d'un orphelinat près deKatmandou… 36 fillettes parias ouabandonnées, dont beaucoup aujour-d'hui ont un travail, sont mariées et luienvoient des photos de leurs enfants.Elle a également traîné ses guêtres en"routarde" à travers l'Inde et la pénin-sule indochinoise. Témoin de lapremière heure de leur amitié, elle aparticipé chaque fois qu'elle le pouvaitaux activités farfelues d'Alexandre etSylvain.

Une certaine inconscienceDes moments d'espoir, d'émerveille-ment, mais aussi d'extrêmes difficultés.Au cours de leur voyage, Alexandre etSonia ont connu de terribles épreuves :tempêtes de sable, fatigue, soleil deplomb et soif extrême, pluie diluvienne,mouche tsé-tsé, faune menaçante,

paludisme et fièvres terribles… Ils onttraversé l'Afrique avec une certaineinconscience, mais il semble qu'unebonne étoile veillait sur eux. Avec dubon sens, un moral d'acier et surtoutbeaucoup de chaleur humaine et d'hu-milité, ils ont pu se sortir de toutes lessituations.

Ils n’ont emporté que sept kiloschacun, dont déjà trois kilos pour lematériel photo et vidéo, et, comme ledit Alexandre lui-même, "notre assis-tance, nous la devons aux Africains quinous hébergent et nous sauvent tousles jours. En fait, nous ne sommes pas'sans assistance', mais en totale'dépendance'."

Envers et avers de lamédailleLe prix à payer ? Les coliques, lespuces, les nuits blanches, le paludisme.Accepter de boire et de mangerhumblement ce que l'on vous offre,d'attraper les maladies et la vermine quiinfeste les cases, d'être en perma-nence réveillé par les cris des boucs enrut, le cri des coqs à minuit ou legrouillement des rats, de n'avoiraucune intimité. La récompense, c'estla rencontre, l'échange. Car il y aéchange : "nous donnons beaucoup denotre personne, assumons nos devoirsd'hôtes en racontant, colportant desnouvelles des villages voisins, faisantrire, soignant, conseillant et réconfor-tant…", raconte encore Alexandre. ■

Références : Africa Trek I - Africa Trek II (Ed.Robert Laffont)

Africa Trek, ou 14 000 km dans les pas de l'Homme.

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L’Entreprise & l’Homme est éditépar l’Association Chrétienne desDirigeants et Cadres, a.s.b.l.E-mail : [email protected] internet : www.adic.infoRÉDACTION Rédacteurs en chef : Brigitte DE WOLF-CAMBIER et Geo REGNIERReportages : Brigitte DE WOLF-CAMBIER,Michel VANDERVEKEN, Marianne VANHECKE,Marc VAN OSSEL, Jacques ZEEGERSDessinateur : VINCE

COMITÉ DE RÉDACTIONBrigitte DE WOLF-CAMBIER, Anne MIKOLAJCZAK,Geo REGNIER, Tommy SCHOLTES, Michel VANDERVEKEN,Marianne VANHECKE, Marc VAN OSSEL,Vincent WILLOCX et Jacques ZEEGERS

ADMINISTRATIONChantal MODERA

CORRESPONDANCEExclusivement à ADIC - L’Entreprise & L’HommeAvenue Konrad Adenauer, 8B-1200 BruxellesTél : 02 771 47 31Fax : 02 772 46 33E-mail : [email protected]

PUBLICITÉMEDIA SELLING PLACEPlace des Carabiniers, 15B-1030 BruxellesTél : 02 241 55 55Fax : 02 241 55 33E-mail : [email protected]

ABONNEMENTS

Belgique : 40,00 €Europe : 60,00 €Outre-mer : 110 €Le numéro : 10 €À verser au compte : n° 310-0157233-82de « L’Entreprise & L’Homme »

GRAPHISME ADRENALINE sprl Rue des Dames Blanches, 285000 NamurTél : 081 25 05 50Fax : 081 25 05 [email protected] - www.adrenaline.be

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ÉDITEUR RESPONSABLEMarc VAN OSSEL, Président de l'ADIC,Avenue Konrad Adenauer, 8B-1200 Bruxelles

© Tous droits réservés, ADIC 2006, Bruxelles.

COUVERTUREDessin de VINCELes articles, opinions, dessins et photos publiés dans cetterevue le sont sous la seule responsabilité de leurs auteurs.

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l’entreprise & l’homme Troisième trimestre 2006

REVUE DE PRESSE

L'entreprise au service de qui ? Une nouvelle approche de la gouvernance.Les Entrepreneurs et Dirigeants Chrétiens, en tant qu'entrepreneurs et dirigeants

d'entreprises, entendent faire évoluer leur pratique managériale et leur comporte-

ment. En tant que chrétiens, ils ne peuvent pas omettre de placer l’homme au

centre de leurs préoccupations en accordant une attention toute particulière à ceux

qui sont dépourvus de toute formation économique et financière. Ils savent combien

sont lourdes et multiples les obligations légales et les contraintes financières qui

pèsent sur les entreprises, mais ils rejettent toute forme de passivité et de soumis-

sion à une fatalité qui n'existe pas. En matière de gouvernance, la transparence et

le dialogue sont les deux maîtres mots qu'ils veulent mettre en avant, au service du

bien commun pour permettre à tous les acteurs de l'entreprise de mieux vivre

ensemble. « Dirigeants Chrétiens », la revue française des entrepreneurs et diri-

geants chrétiens a abordé ces thèmes dans un numéro qui traite de ce sujet délicat.

Le mouvement a pris le risque de sortir un texte courageux qui interpelle chaque diri-

geant pour améliorer sa pratique et faire évoluer sa gouvernance. ■

Références : Dirigeants Chrétiens, mars-avril 2006, www.lesedc.org

–Prendre soin, la responsabilité du cadre.François Fayol, secrétaire général de la CFDT Cadres a évoqué, lors du congrès du

MCC qui s’est tenu à Marseille le 13 mai 2006, le thème de « L’homme au cœur de

nos responsabilités et du management » ? Il se pose la question suivante : « Faut-il

être solitaires ou solidaires ? « Choisissons une réponse, même partielle, mais à nos

mesures : choisissons d’êtres solidaires »… « Il nous est nécessaire de prendre parti,

d’être actif avec d’autres, au travail et dans la cité. Etre solidaires, c’est aller au

grand large de la confrontration, de l’engagement collectif…»… « La solidarité n’est

pas une matière à option »… « Etre solidaire devient une obligation… Un impératif

auquel nous ne pouvons nous soustraire, mais aussi une question à approfondir,

une exigence à construire avec d’autres. Etre solidaire, demain comme aujourd’hui,

est notre responsabilité à partager avec le plus grand nombre », conclut-il. ■

Rens. : Responsables n ° 371, juillet/août 2006, dossier : vivre ses responsabilités,

htpp://mcc.cef.fr

Grandes conférences catholiques : nouveau programme !

Le 76e cycle des GCC sera exceptionnel. Les sept rencontres traditionnelles abor-

deront des sujets aussi divers que l’Europe, l’adolescence, la croyance, le conflit

israélo-arabe, la mémoire et l’OTAN. Les 75 ans d’activités seront fêtés dignement.

Le 11 octobre 2006, Jean-Marie Cavada animera un débat exceptionnel avec trois

grands responsables de l’Eglise : le cardinal Daneels, le cardinal Schönborn et

Monseigneur Vingt-Trois, qui répondront aux questions que posent cultures et reli-

gion au XXIe siècle.

Rens. : GCC, tél. : 02 627 10 21, e-mail : [email protected]

www.grandesconferences.be

AGENDA

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Formation de basede conseiller en prévention

Bien que considéré comme une activité d’importance non discutable, l’exercice de laprévention dans les PME est fréquemment perçu, au sein de celles-ci comme unvéritable parcours du combattant. Confrontés d’une part à la complexité desprescriptions de la loi de ‘96 et d’autre part à une réalité économique qui ne leurpermet pas de consacrer énormément de ressources à la prévention, les dirigeantsde telles entreprises sont très souvent démunis face aux responsabilités qui leurincombent en matière de Bien-Etre au travail.

Il est donc fondamental qu’au sein des PME, employeur et conseiller en préventiondisposent de connaissances de base dans ce domaine.

Cette formation, que nous destinons aux dirigeants et conseillers en prévention de PMEmais aussi aux membres des CPPT et aux “relais sécurité” des grandes entreprises,permettra aux participants d’acquérir les connaissances de base indispensables au bonaccomplissement de leurs missions de prévention.

Contenu

■ Motivation

■ Loi du Bien-Etre

■ Analyse des risques

■ Protections individuelles

■ Ergonomie

■ Hygiène

■ Accidents du travail

■ Psychosocial

■ Surveillance de santé

■ Risques électriques

■ Travail en hauteur

■ Incendie

Nos formateurs

Des conseillers en prévention de terrain

■ Médecins du travail

■ Ingénieurs niveau I

■ Ergonomes

■ Psychologues

N’hésitez pas à prendre contact avec notre Département Commercial

CESI Prévention et Protection

Avenue Konrad Adenauer 8 ■ 1200 BruxellesTéléphone 02 761 17 92 ■ Fax 02 761 17 10E-mail : [email protected]

Modalités pratiques

Cycle de formation

7 journées réparties sur plusieurs moisà partir de mars 2007, incluant:

■ Théorie / pratique ■ Visite d’entreprise ■ Exercices cotés ■ Examen théorique écrit

Lieu

Région namuroise

Attestation

Les participants qui réussirontl’épreuve écrite et les exercices cotésrecevront un certificat de formation debase de conseiller en prévention.

Coût de la formation

560 euros pour l’ensemble du cycle de formation (syllabus compris - repaset pauses café inclus)

www.cesi.be

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