Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

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octobre 2002 trimestriel 2,3 n°9 Dossier L’université, laboratoire de la démocratie ? Formations en biotechnologies L’économie, une science expérimentale L’aventure “Savoir(s) en commun”

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Page 1: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

octobre 2002trimestriel

2,3 €

n°9

Dossier

L’université, laboratoire de la démocratie ?

Formations en biotechnologies

L’économie,une science expérimentale

L’aventure “Savoir(s) en commun”

Page 2: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

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Initiatives La nouvelle équipe de vice-présidents 3Mobile tu seras! 3Coopération franco-allemande renforcée 3Six ans de soutien psychologique aux étudiants 4Face au handicap :quelle attitude adopter? 4Les “Essentiels” contre l’échec 4

DossierL’université, laboratoire de la démocratie? 5Entretien avec R. Kleinschmager 5Laurent Schwartz etl’Université de Strasbourgrésistante 6La participation étudiante :mai 68 et après? 7/8Le geste premier du citoyen 9Pouvoir et contre-pouvoir 10Quelques visages de l’engagement 11/12

FormationL’université en mal d’évaluation 13Formations en biotechnologies :une offre adaptée aux besoins du marché 14/15ESBS, les biotechnologies se déclinent en trois langues 16

RechercheL’économie,une science expérimentale ! 17Recherches au bout du monde 18/19Des plastiques à toute épreuve 20

CultureL’aventure “Savoir(s) en commun” 21

> Scientifiques, voyez les films de Resnais 22

> Agenda culturel 22/23

PortraitBernard CarrièreEsquisse pudique d’un homme public 24

sommaire]

ulp.sciences est téléchargeable à partir du site web de l’ULP à la rubriqueActualités : www-ulp.u-strasbg.fr

> Pour envoyer vos suggestions au comité de rédaction,une adresse mail est à votre disposition : [email protected].

> Université Louis Pasteur : 4 rue Blaise Pascal 67000 Strasbourg • tél. 03 90 24 50 00 • fax 03 90 24 50 01> site web: www-ulp.u-strasbg.fr > directeur de la publication : Bernard Carrière > rédacteur en chef : Éric Heilmann > coordination de la publication : Agnès Villanueva > contact de la rédaction - service de la communication de l’ULP :4 rue Blaise Pascal • 67070 Strasbourg Cedex • tél. 03 90 24 11 40 > comité de rédaction : Véronique André,Valérie Ansel, Florence Beck, Gérard Clady, Daniel Égret, Éric Heilmann,Wais Hosseini, Shirin Khalili, Richard Kleinschmager, Isabelle Kraus, Florence Lagarde, Pascal Schreck,Gilbert Vicente,Agnès Villanueva.> ont participé à ce numéro: Véronique André-Bochaton (V.A.-B.), Sylvie Boutaudou (S. B.), Déborah GaymardBoxberger (D. G.-B.), Gérard Clady (G.C.), Guy Chouraqui (G. Ch.), Mathilde Elie (M.E.), Éric Heilmann (E.H.),Shirin Khalili, (S.K.), Frédéric Naudon (Fr. N),Willy Neunlist (W.N.), Josiane Olff-Nathan(J. O.-N.), Ralf Pixa (R.P.),Ludovic Turlin (L.T.),Agnès Villanueva (A.V.), Frédéric Zinck (Fr. Z.). > photographies : Bernard Braesch (saufmention) > conception graphique et maquette : THS > imprimeur : Unal-67200 Strasbourg > tirage : 10 000 exemplaires > n° ISSN : ISSN 1624-8791> n°commission paritaire : 0605 E 05543

éditoLes fidèles lecteurs du Canard enchaîné connaissent bien cette petite phrase qui

figure chaque mercredi en exergue sous le titre de l’hebdomadaire :“la liberté de

presse ne s’use que quand on ne s’en sert pas”. En réalité, cette formule du journal

satirique est également valable pour toutes les libertés publiques sur

lesquelles se fonde une démocratie véritable. C’est dire aussi qu’une société

démocratique est faillible et qu’il faut veiller en permanence à susciter une vigi-

lance civique. Le système éducatif a un rôle à jouer en la matière et l’université

plus encore car elle est (ou devrait être) le lieu par excellence d’apprentissage

et d’exercice de la démocratie.

Les témoignages réunis dans ce dossier de rentrée sont là pour montrer que

l’engagement dans la vie de l’université et de la cité n’est pas une affaire réser-

vée à quelques intellectuels éclairés : par principe, un intellectuel ne fait que

prendre la parole, ce qui ne fait pas de lui un homme d’action. Qu’en privilégiant

l’action au discours, on prend aussi des risques, parfois extrêmes comme le firent

ces étudiants et enseignants de l’Université de Strasbourg repliée à Clermont-

Ferrand durant l’Occupation,en lutte contre la barbarie nazie.Que l’engagement

peut emprunter aujourd’hui des voies fort différentes pour s’exprimer:politique,

syndicale, associative, etc.Toutes sont nobles et méritent d’être soutenues par

l’institution universitaire.

Mais beaucoup de choses restent encore à (ré)inventer dans ce domaine.Les élec-

tions de décembre prochain, où tous les membres de notre communauté sont

invités à désigner leurs représentants au sein des trois conseils, sont à coup sûr

une occasion pour y réfléchir ensemble. En particulier, pour redonner du sens à

l’engagement des étudiants dans la vie de la collectivité. Pour l’heure, une seule

chose compte, rendez-vous devant les urnes ! (*)

(*) le 25 novembre pour le personnel.

les 3 et 4 décembre pour les étudiants.

Éric HeilmannRédacteur en chef

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33octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

5vice-présidents ont été élus le 25juin 2002 par l’assemblée des trois

conseils de l’Université Louis Pasteur :- Premier vice-président et vice-prési-dent Politique européenne et relations inter-nationales : Richard Kleinschmager,professeur, Faculté de géographie et d’aménagement.- Vice-président Relations avec les entre-prises et valorisation : Alain Beretz, pro-fesseur, Faculté de pharmacie.- Vice-présidente Développement etmoyens : Pascale Bergmann, maître deconférences, IUT Louis Pasteur.

- Vice-président Recherche et formationdoctorale : Michel Granet, professeur,EOST.- Vice-présidente Formation initiale etcontinue : Christiane Heitz, professeur,Faculté de pharmacie.

Profils de l’ensemble des membres de l’équipe de direction :http://www-ulp.u-strasbg.fr Rubrique Bienvenue à l’ULP > Organisation > Équipe de direction

G.C.

initiatives[

L’ULP vient de créer un Groupe detravail “Allemagne” afin d’améliorer

le fonctionnement des filières recon-nues dans le cadre de l’Universitéfranco-allemande (UFA) et de susciterde nouveaux cursus à double diplôme.Les autres établissements de Strasbourgdisposant déjà de telles filières (URS etENSAIS) auront la possibilité de s’y asso-cier. L’un des objectifs des responsablespédagogiques participants est d’augmenter lenombre d’étudiants recrutés et d’améliorerles conditions d’échange réciproque entre lesétablissements partenaires. Quelques exem-ples d’actions envisagées : réalisation d’undocument de présentation de l’ensemble du

potentiel de formation et d’échanges franco-allemand sur le site uni-versitaire, mise en place de formations enlangue française, création d’une associationdes étudiants participant aux cursus UFA àStrasbourg. Pour les enseignants-chercheurs,il est notamment envisagé d’installer un

dispositif d’aide et de coordinationcommun aux trois universités et au Pôleuniversitaire européen pour la création deformations bi ou trinationales dans lecadre du schéma 3-5-8 d’harmonisationdes diplômes européens. Le prochainforum franco-allemand qui permettraaux étudiants de rencontrer entreprises

et universités en vue d’obtenir des stagesou des emplois se tiendra à Mayence les 25et 26 octobre 2002.

R.P. & A.V.

La nouvelle équipe de vice-présidents

L’ULP a obtenu la reconnaissancede 5 cursus intégrés à doublediplôme par l’Université franco-allemande (UFA) :

> Chimie entre l’Écoleeuropéenne de chimie, polymèreset matériaux (H. Leismann),l’Université technique de Dresdeet l’Université de Sarrebruck ;

> Génie des systèmes entrel’Institut professionnel des scienceset technologies (R. Pixa) et laFachhochschule d’Offenbourg ;> Médecine entre la Faculté demédecine ( Y. Rumpler) etl’Université de Bochum ;

> Physique entre l’UFR desciences physiques (U. Goerlach) etl’Université de Kaiserslautern ;> Gestion/économie entre laFaculté de sciences économiqueset de gestion (R. Egé) etl’Université de Paderborn.

Contact :[email protected]

Forum franco-allemand:www.deutsch-franzoes-forum.com

Mobile tu seras!

Participer à des vidéoconférences depuis un banc du jardinuniversitaire ou à un “chat” en continu sur son vélo, c’estl’avenir que nous propose l’équipe composée du LSIIT, duCRC, du Département informatique et de ULP Multimédiaen partenariat avec France Télécom. Le projet Mobi 4G estune première au niveau européen et reliera des ordinateursde l’ULP (portables, pocket PC, etc.) par un réseau sans fil.La nouvelle technologie du protocole Internet IPv6 (cf. ulpsciences, janvier 2001, p.17) et les ondes radio permettrontà tous les utilisateurs de recevoir et d’émettre desinformations sans ruptures de connexion quel que soit lelieu où ils circulent dans l’université.

Fr. N.

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Coopération franco-allemanderenforcée

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4 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

initiatives]

Six ans de soutienpsychologique aux étudiants

> Le CAMUS a obtenu,depuis le 15 juillet

1997, l’agrément deBureau d’aide

psychologique etuniversitaire.

CAMUS/BAPU6, rue de Palerme67000 Strasbourg

Tél : 03 88 52 15 51

Face auhandicap:quelle attitudeadopter?

Contact :Photis Nobelis - Tél. 03 90 24 11 70 - [email protected]

Les “Essentiels” contrel’échec

Contact :[email protected]

Angoisse, troubles du sommeil,déprime, doutes sur l’orienta-

tion : les étudiants sont nombreuxà se retrouver un jour ou l’autredans un état de souffrance psycho-logique. Le CAMUS (Centre d’accueil médico-psychologiqueuniversitaire de Strasbourg) peutles aider à reprendre pied. Depuisle 8 janvier 1996, le CAMUS, aaccueilli plus de 2 000 étudiants.“L’hypothèse faite il y a six ans s’estrévélée juste, commente lePr. Michel Patris, psychiatre auxHôpitaux universitaires deStrasbourg et responsable médicaldu centre. Les difficultés psycholo-giques sont fréquentes dans la tranched’âge qui correspond aux études.

Pour y répondre, il fallait faciliter lesdémarches en s’installant sur lecampus, dans un lieu sans connotationpsychiatrique, qui offre un soutiensans délai, et avec un minimum de for-malités.” En effet, il suffit de se pré-senter au CAMUS avec une cartede sécurité sociale et une carted’étudiant pour obtenir un rendez-vous en moins d’une semaine sansrien débourser pour les six pre-miers entretiens. Au-delà, uneentente préalable avec la CPAMest requise. La demande d’aideinitiale est généralement multiple.Suivant les cas, les entretiens sontproposés avec des thérapeutes,une assistante sociale ou uneconseillère d’orientation-psychologue.

“Le plus souvent deux ou trois rendez-vous suffisent pour relâcher une pres-sion trop forte, note le Pr. MichelPatris. Pour ceux qui en ont besoin,nous nous orientons vers des suivispsychothérapiques de courte durée.”Dans un souci de prévention, leCAMUS a également organisé unepermanence à la cité universitairede la Robertsau pour aller à la ren-contre des étudiants les plus isolés.La mise en place d’une permanenced’urgence dans les locaux del’Esplanade, envisagée pour la ren-trée, complètera le dispositif.

S. B.

L’Université Louis Pasteur accueille un nombrecroissant d’étudiants handicapés. Selon le type de

handicaps (moteur, auditif, visuel, psychologique) ou demaladies, l’attitude à adopter est différente et uneréglementation existe en matière d’examens et decontrôles. Être bien informé garantit l’insertion de cespersonnes au sein de l’établissement. Pour aider lesenseignants-chercheurs et les personnels à bien réagiren toute circonstance, des chargés de mission sontnommés dans chaque université et sont à contacter enpriorité. Pour plus d’information, vous pouvez consul-ter la plaquette des chargés de missions handicapés destrois universités de Strasbourg disponible au Bureau dela vie étudiante.

S.K.

ULP Multimédia constitue actuellement une collection d’aides en lignepour les étudiants de 1er cycle sous la forme de modules vidéo n’ex-

cédant pas trois minutes. L’objectif est de mettre à leur disposition sur l’internet des séquences vidéo dans lesquelles les enseignants répondentà des “questions de fin de cours”. Une quinzaine de modules sont déjàtournés : test d’hypothèse, réactions de substitution nucléophile, qu’est cequ’un antigène? etc.“C’est un vrai travail d’écriture de la part des chercheurs,qui doivent cristalliser un noyau de connaissances dans un style accessible et enun temps très court” précise Alain Jaillet, responsable d’ULP Multimédia.

Fr. N.

Premièresmaquettes visiblessur le web:http://lesessentiels.u-strasbg.fr/

Docteur Piret, psychiatre enentretien au CAMUS.

Page 5: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

dossier[

L’université,laboratoire de la démocratie?

Près de 40% des électeurs âgés de moinsde 25 ans ne sont pas allés voter aupremier tour des dernières électionsprésidentielles. Cette désaffection estencore plus nette lors des scrutinsuniversitaires où plus de deux étudiantssur trois ne prennent pas part au vote.Comment expliquer ce désintérêt pourla chose publique?

> Richard KleinschmagerDésintérêt n’est pas le mot que j’utiliseraispour désigner ce phénomène. L’engagementpolitique peut prendre des formes diverses,comme les manifestations anti-Le Pen aprèsl’annonce des résultats du premier tour, quin’ont pas nécessairement de traductionélectorale immédiate. Je suis persuadé quede tels mouvements étudiants ou lycéenssont exceptionnels dans la mesure où vonts’opérer des “marquages” importants ausein d’une génération. Face à un événementhistorique, ces expériences collectives sontdécisives dans la vie d’un individu. On aconnu cela dans le passé avec la Résistancesous l’Occupation, les grandes mobilisationscontre la guerre d’Algérie, les événements

de mai 68, etc. C’est bien la génération 68qui a fait la gauche socialiste des années 80-90… Pour autant, il est vrai que lecomportement des étudiants a changédepuis une ou deux décennies. Aujourd’hui,ils semblent surtout adopter celui d’unusager qui vient à l’université pour acquérirdes compétences à des finsprofessionnelles, et non plus celui d’unapprenti intellectuel en quête de savoirs.Mais faut-il s’en étonner? Les étudiantssubissent des contraintes socialesextrêmement fortes, celle de leur famille enparticulier qui préfère les voir fréquenterles bancs de la faculté afin de préparer unmétier plutôt que d’entretenir le goût dusavoir pour le savoir.

L’université est-elle encore en mesured’offrir un environnement favorable àl’engagement des étudiants pour lacollectivité ?

L’engagement dans la société ne se réduitpas à l’engagement politique. Prendre part àla vie d’une association est une expériencetoute aussi enrichissante et utile. Je pense

par exemple au travail bénévole réalisé pardes étudiants avec l’AFEV (Association de lafondation étudiante pour la ville) quis’occupe de l’accompagnement scolairedans les quartiers défavorisés deStrasbourg. L’université devrait être le lieuoù d’autres initiatives de ce genre, endirection du tiers-monde notamment,pourraient germer. Il y a encore du travail àfaire dans cette direction.

E. H.

Questions à Richard Kleinschmager, premier vice-président et vice-présidentchargé de la politique européenne et des relations internationales.

A lire > Anne Muxel, L’expérience politique desjeunes, Presses de sciences-po, 2001.> Informations sociales (revue), numérospécial “Les étudiants”, n° 99, 2002.

octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences] 5

Page 6: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

6 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

dossier] L’université, laboratoire de la démocratie?

“Ils étaient pa

rtis emportant

Ce que contien

t une besace

Le souvenir de

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Et de cigognes

sur l’Alsace…

Cela fait un b

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Mais d’où vien

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Les Nazis sont

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La Force est l

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La mort est le

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À Clermont, en

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1939. 127 professeurs deStrasbourg adressent en janvierun manifeste anti-munichois, pourla liberté et la tolérance, au pré-sident de la République.En septembre, dès la déclarationde la guerre, l’Université deStrasbourg est transférée avecarmes et bagages (enseignants,étudiants, personnels administra-tifs, matériels, bibliothèques) àClermont-Ferrand.1940. L’Alsace et la Moselle sontannexées de fait. En octobre, legouvernement de Vichy fait adop-ter une première loi sur le statutdes juifs (suivie en quatorze moisde 60 autres lois ou décrets anti-juifs), déjà précédée par la loi du17 juillet 1940 sur l’épuration dela fonction publique. Environ 25enseignants strasbourgeois ensont victimes parce que juifs etsont révoqués. Les étudiantssubissent le numerus clausus quilimite à 3% le nombre d’étudiantsjuifs admis à s’inscrire dans unefaculté. Démobilisé après la débâ-cle et l’armistice, L. Schwartz et safemme s’établissent à Clermont-Ferrand, devenu le premier centremathématique du pays, grâce àl’extraordinaire regroupementdes plus grands mathématiciensdu moment : H. Cartan, G. Cerf,Cl. Chabauty, J. Dieudonné, Ch.Mandelbrojt ! Ces illustres per-

sonnages ont trois heureux thé-sards : J. Feldbau, M. Gorny et L. Schwartz, étudiants très douésqui bénéficient d’un cadre intel-lectuel de travail exceptionnel.Leurs maîtres se félicitent égale-ment du climat si propice à lacréativité mathématique qui règnealors à Clermont.1941. Malgré la résistance passivedu recteur Danjon, les collectionsde la BNU et le matériel scienti-fique sont rapatriés à Strasbourg.1942. Après l’invasion de la zonedite libre au mois de novembre,Laurent Schwartz est obligé de secacher car il est juif. Il soutientnéanmoins sa thèse à Clermonten janvier 1943.1943. Les Allemands ne suppor-tent plus l’affront que représentecette université repliée enAuvergne, alors que la Reich-suniversität (nazie) a ouvert sesportes à Strasbourg. Ils veulentcasser l’institution et surtout lesactivités anti-allemandes dont elleest le cœur : étudiants et ensei-gnants refusant le retour enAlsace annexée et nazifiée, étu-diants réfractaires au STO(Service du Travail Obligatoire),nombreux étudiants et ensei-gnants membres actifs de laRésistance. À partir de juin lesrafles se succèdent : 39 étudiantsdéportés en juin, un professeur

tué, plusieurs blessés et 250 per-sonnes arrêtées en novembre,dont plus de 100 sont déportées.Mais l’enseignement continue jus-qu’à la Libération…

Le bilan final est très lourd : lesdeux compagnons de thèse deSchwartz feront partie des 120professeurs et étudiants deStrasbourg disparus, victimes desrafles, des prisons, des camps(sans compter ceux qui sontmorts au combat) et dont lesnoms figurent aujourd’hui sur uneplaque commémorative située auPalais Universistaire.Le bilan est exemplaire aussi,grâce au courage d’hommescomme l’historien M. Bloch,le philosophe mathématicienJ. Cavaillès, le médecin P. Reiss etbien d’autres, pour qui l’engage-ment dans la Résistance – la luttepour la liberté – s’avéra un joursimplement nécessaire, et dans lacontinuité de leur engagementintellectuel. Au prix de leur vie.

J. O.-N.

Pour en savoir plus :> De l'Université aux Camps de Concentration,Témoignages strasbourgeois, PUS, Strasbourg,

1989 (3e Ed.).> Les facs sous Vichy,Textes rassemblés et

présentés par André Gueslin, Actes du colloquedes Universités de Clermont-Ferrand et de

Strasbourg (nov. 1993), Ed. de l'Institut d'étudesdu Massif Central, Univ. Blaise Pascal, 1994.

Laurent Schwartz etl’Université de Strasbourgrésistante “Les mathématiques ont rempli ma vie”, disait le mathématicien Laurent

Schwartz, disparu le 4 juillet dernier, et célèbre entre autres pour sestravaux sur la théorie des distributions, récompensés par la médailleFields, la plus haute distinction dans cette discipline. Rendre hommage icià ce Strasbourgeois d’adoption qui soutint sa thèse à l’Université deStrasbourg repliée à Clermont-Ferrand durant l’Occupation n’est quejustice.Trotskiste d’abord, engagé contre la guerre d’Algérie plus tard,fondateur du Comité des mathématiciens, Laurent Schwartz consacraaussi une partie importante de sa vie à la défense de grandes causes et sedésignait lui-même comme un “intellectuel engagé”.Mais revenons en arrière.

Chanson de l’universitéde StrasbourgExtrait du poème d’Aragon, publié le 5 décembre 1944 dans Forces Jeunes, journalde la Résistance imprimé à Clermont-Ferrand.

“Cathédrale couleur du jour,Prisonnière des Allemands,Tu comptes inlassablementLes saisons, les mots, les moments,O cathédrale de Strasbourg !

Des Kléber par le temps présent,Il en est cent, il en est mille :Des militaires, des civils,Dans nos montagnes et nos villes,Des Francs-Tireurs et Partisans !

Ils étaient partis emportantCe que contient une besaceLe souvenir de tes rosacesEt de cigognes sur l’Alsace…Cela fait un bon bout de temps.

Science, longue patience !Mais d’où vient qu’ici tout s’est tu?Les Nazis sont entrés et tuent :La Force est leur seule vertu,La mort est leur seule science.

Enseigner, c’est dire espérance,Étudier, fidélité.Ils avaient, dans l’adversité,Rouvert leur université,À Clermont, en plein cœur de France.(…)”

Page 7: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences] 7

dossier[

repères

La participationétudiante: mai 68 et après?

Les 3 et 4 décembre prochains, trentequatre étudiants seront élus pour siéger au sein des grands conseils,le Conseil d’administration (CA),le Conseil scientifique (CS) et le Conseil des études et de la vieuniversitaire (CEVU). L’occasion des’interroger : de quelle façon les étudiantsont-ils été associés à la vie démocratiquede l’université au fil du temps?

>>>

Au moment où les événements de mai 1968 met-tent à rude épreuve les structures traditionnel-

les de l’Université, la réglementation en vigueur nelaisse aucune place aux étudiants dans les organes dedécision des facultés.Celles-ci comportent une assem-blée réservée aux enseignants pourvus du grade dedocteur qui délibère sur toutes les questions se rap-portant à l’enseignement, un conseil composé des seulsprofesseurs titulaires qui approuve le budget de lafaculté et recrute par cooptation les nouveaux pro-fesseurs, et enfin un doyen élu par l’assemblée etnommé par le ministre, chargé de l’administrationintérieure de la faculté et de l’exécution des délibéra-tions du conseil et de l’assemblée.L’idée de cogestion est inaugurée en novembre 1967à Nanterre à l’occasion d’une assemblée généraleextraordinaire qui s’étend six mois plus tard dans unesorte d’exaltation collective à toutes les disciplines et

à la France entière. Ce phénomène a été étudié depuismaintes fois en faisant appel aux données de la socio-logie, de la psychologie et parfois de la psychanalyse.Il est certain que les étudiants souhaitaient parler etnon plus seulement écouter, échanger avec leurs ensei-gnants et non plus seulement recevoir, bref se com-porter en adultes et être traités comme tels. Lacogestion qu’Edgar Faure introduit quelques mois plustard dans la loi d’orientation sur l’enseignement supé-rieur (novembre 1968) sous le nom de participationva constituer le principe indissociable de l’autonomieuniversitaire.Dans l’esprit de la loi, la cogestion ou par-ticipation n’est pas un simple mode d’aménagement dupouvoir dans les universités nouvelles. Elle ne vise pasà établir un régime d’assemblée. Elle doit soutenir l’au-tonomie des établissements, lui servir de substancepour libérer les universités d’un contrôle étatique tropétroit. La cogestion est en quelque sorte consubstan-

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dossier]

8 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

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L’université, laboratoire de la démocratie?

Être éluétudiantd’un grandconseil> Le Conseild’administration estle parlement del’université.Il détermine lesorientations politiqueset le budget. 25% deses membres sont desélus étudiants (15 sièges).> Le Conseil desétudes et de la vieuniversitaire élabore le budget del’enseignement etorganise lesformations. 40% deses membres sontdes élus étudiants (16 sièges).> Le Conseilscientifique élaborela politique derecherche et répartitles budgetscorrespondants.Seuls les étudiants detroisième cycle sontélecteurs et éligibles (3 sièges).> Le vice-présidentétudiant est élu parl’assemblée des troisconseils. Il siège auBureau de l’université etparticipe chaquesemaine à l’élaborationde sa politique générale.Il est membre de droitdes trois conseils.

ÉligibilitéTous les étudiantsrégulièrement inscritsà l’université sontélecteurs et éligibles.

Listes decandidaturesPour constituer uneliste il faut auminimum 7 étudiantsd’UFR différentes pourle CA, 8 étudiantsd’UFR différentes pourle CEVU et 1 étudiantde 3e cycle pour le CS.

cielle à l’autonomie, et des auteurscomme M.de Laubadère n’hésitentpas à rapprocher cette revendica-tion étudiante de l’idéologie qui en1946 avait animé le législateur despremières nationalisations lorsqu’ilfit reposer sur la représentationdes intérêts la structure des entre-prises nationalisées.Au printemps 1969, les électionsdes représentants étudiants auxconseils provisoires des unitésd’enseignement et de recherche(UER) connaissent une vitalité inat-tendue (entre 55 et 60% de parti-cipation), très vite retombéecependant un an plus tard aumoment de l’élection des repré-sentants aux conseils définitifsd’UER et aux

conseils d’universités (de 25 à 30%de participation). Cette désaffec-tion résulte de la lassitude engen-drée alors par la multiplication desopérations électorales mais aussisans doute de la déception qui asuccédé à l’enthousiasme du début.Dès 1968, la loi d’orientation pré-voit que pour assurer la représen-tativité des élus étudiants, il estinstitué dans les élections universi-taires un quorum de 60% des étu-diants inscrits. Si le nombre desvotants est inférieur à 60% desinscrits, le nombre dessièges attribués estalors fixé en propor-tion du nombre desvotants par rapport àce chiffre. Le 4 juillet1975, une nouvelle loiaggrave cette exigencede participation étu-diante aux scrutins enfixant ce pourcentageà 50%. De fait la règledu quorum sanctionnel’affaiblissement de la participationélectorale. Elle a conduit dans denombreux cas à réduire la repré-sentation que les statuts accor-daient aux étudiants dans lesconseils. Enfin sous le ministère deMme Saunier-Seïté, la loi du 21juillet 1980 (dite loi Sauvage) ren-force encore à l’intérieur des uni-versités l’autorité des professeursen diminuant le poids de la repré-sentation étudiante : elle accorde50% des sièges dans les conseilsaux professeurs contre 25% enmoyenne précédemment.Le 17 septembre 1981, présentantà l’Assemblée nationale un projetde loi abrogeant la loi Sauvage,M. Savary, ministre de l’éducationnationale, déclare que cette abro-gation n’est pas une fin en soi, maisqu’elle est la condition d’une actionplus importante : la réforme globalede l’enseignement supérieur. Dansl’immédiat, la loi dite Hage (novem-bre 1981) remet en vigueur lesdispositions de la loi Faure sauf surdeux points importants : elle sup-prime la règle du quorum exigé desétudiants pour déterminer lenombre de sièges auxquels ilsavaient droit dans les conseils etelle accorde aux étudiants étran-

gers la qualité d’éligible dans lesconseils alors qu’ils ne disposaientjusqu’alors que de la qualité d’élec-teur.Confirmées par la loi sur l’ensei-gnement supérieur du 26 janvier1984 (loi Savary), les dispositionsrelatives à la participation étudianten’ont plus été depuis directementet explicitement l’enjeu desquelques tentatives de réforme desstructures de l’enseignement supé-rieur qui ont suivi en 1986 et en1993. En revanche on observe une

stagnation durable destaux de participationqui ne dépassent querarement au plannational 10% des étu-diants inscrits. En1994, le Comité natio-nal des universitésobserve toutefois, s’a-gissant de l’ULP, queles élections conser-vent un taux de parti-cipation supérieur à la

moyenne française, c’est-à-dire del’ordre de 15%. Les campagnesd’information lancées il y a deuxans avec le concours du Bureau dela vie étudiante, l’organisation aussides élections sur deux journéescomplètes ont permis d’accroîtreencore ce taux de participation àhauteur de 27%. La performanceélectorale de l’ULP qui mérited’être saluée ne doit cependantpas faire oublier que ce taux departicipation exceptionnellementélevé atteint en 1998 n’a pas étédépassé lors des élections généra-les de 2000 en dépit des effortsdéployés dans ce sens. Il faut sansdoute voir dans ce phénomène l’ef-fet conjugué de causes multiplescomme l’affaiblissement général dela participation qui affecte toutesles élections – à l’exception peutêtre de certaines élections profes-sionnelles – et peut être aussi l’effet du fonctionnement institu-tionnel de l’université qui, en raisonde l’élargissement de ses missionset de la complexité croissante desdossiers qui s’y rattachent, ren-force progressivement le rôle del’exécutif universitaire et affaiblitcorrélativement le rôle des conseilsélus.

W. N.

Les étudiants

souhaitaient parler

et non plus

seulement écouter,

échanger avec leurs

enseignants et non

plus seulement

recevoir, bref se

comporter en

adultes et être

traités comme tels.

Mode de scrutin (Art. 20 et 21 du décret n° 85-59 du

18.01.1985)

Les membres des conseilssont élus au scrutin deliste à un tour à lareprésentationproportionnelle avecrépartition des siègesrestant à pourvoir selon larègle du plus fort reste.

Attribution des siègesL’électeur vote pour uneliste dans sa totalité sansaucune modification sur lebulletin. Le nombre desièges attribués à chaqueliste est proportionnel aunombre de suffragesexprimés recueillis parchacune d’elles.

Pour tousrenseignementscontacter :Isabelle Kittel, Bureau desconseils au 03 90 24 11 28ou Shirin Khalili, BVE au 03 90 24 11 67.

Page 9: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences] 9

dossier[

40 % des jeunes de 18 à 24ans n’ont pas participé au

premier tour de l’élection prési-dentielle du printemps dernier. Et,au vu de leur présence dans lesmanifestations qui ont suivi, beau-coup l’ont amèrement regretté.Pourtant, l’émotion retombée, ilsont été rares à s’engager ou sim-plement à participer aux électionslégislatives. Ces volte-face ne sont-elles pas l’occasion de s’interrogersur ce qui encourage – oudétourne – les étudiants d’une par-ticipation active à la vie publique?“Ces événements nous ont confortés,s’il en était besoin, dans la convictionde l’importance de notre rôle forma-teur, estime Photis Nobelis, chargéde mission au Bureau de la vie étu-diante. Faire reculer l’abstention dansles élections étudiantes est un vérita-ble enjeu et la diffusion au sein de l’u-niversité d’une culture de lareprésentation politique est une denos missions. Il ne faut pas oublier quepour beaucoup de jeunes majeurs quis’inscrivent à l’ULP, la participationaux scrutins universitaires est unepremière expérience de vote”. ShirinKhalili, du Bureau de la vie étu-diante, souligne à ce propos que lesquestions récurrentes des étu-diants sur la nature du scrutin deliste, le vote nominatif ou la notionde majorité montrent qu’il y a tou-jours matière à informer, et cemalgré les cours d’éducationcivique qui commencent pour tousdès le collège.Formateur, incitant à une implica-tion plus générale dans la société,le vote étudiant fait l’objet depuisplusieurs années d’une attentionminutieuse. L’étalement du scrutinsur plusieurs jours, les facilités don-nées aux listes étudiantes pour leurcampagne électorale, les informa-tions diffusées largement, aussi biensur le déroulement des électionsque sur les rôles respectifs des dif-

férents organes du gouvernementde l’université : tout a été mis enœuvre pour faire tomber les prin-cipaux obstacles au vote. Mais,malgré un succès évident en com-paraison de nombre d’autres uni-versités (l’ULP s’est hissée à latroisième place française enmatière de participation), les chiff-res sont têtus : 72% des étudiantss’abstiennent. “Nous n’avons pastrouvé pour le moment de solutionsqui permettent de passer la barre des

30%”, regrette Photis Nobelis, quiréfléchit à la mise en place dedébats citoyens, de conférences, dediscussions réparties sur toute l’an-née qui amèneraient les étudiants às’interroger sur leur rôle, leur placedans l’université et les enjeux asso-ciés aux choix faits par la commu-nauté à laquelle ils appartiennent.Une piste certainement promet-teuse, si l’on conclut, comme beau-coup de commentateurs politiquesà propos de la dernière périodeélectorale, qu’une participation àéclipses dépend étroitement de laconscience d’un enjeu et de laconviction de sa propre capacité àpeser dans la balance. Géraldine

Mercier, élue au conseil de laFaculté des sciences de la vie, a lemérite d’être une étudiante trèsengagée personnellement, sanspour autant jeter la pierre à lamajorité de ses pairs nettementplus négligents. Sa critique sur sonpropre rôle est à ce titre très éclai-rante : “Beaucoup d’étudiants ont dumal à comprendre les enjeux concrets,les conséquences des élections poli-tiques pour eux et pour la société.Auniveau de l’université, le problème est

assez semblable car personne ne saitavec précision ce que font les élus unefois investis de leur fonction”. Pourelle, l’indifférence des étudiantss’explique par le manque d’infor-mations sur les décisions qui lesconcernent, et plus profondément,par l’ignorance des grandes orien-tations choisies par la communautéuniversitaire. Un vaste chantier enperspective…

S. B.

Glisser un bulletindans une urne:

ce geste simple etfondamental

dans une sociétédémocratique ne va

pas de soi pournombre de citoyens.

Comprendre et tenter de faire reculer

la désaffection pourle vote sont des

missions del’université.

Le geste premier du citoyen

Page 10: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

10 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

Contact :Le médiateur académique:

Le Médiateur, 6 rue de la Toussaint67975 Strasbourg cedex 9

Tél : 03 88 23 35 [email protected]

Née à l’origine comme une simple corporation de maîtres etd’étudiants, l’université est devenue une institution complexe.Comment les membres de cette communauté, à travers leursélus, tiennent-ils leur rôle dans cette grande machine? Et quels recours existent à l’échelle individuelle pour fairevaloir ses droits ?

Christine Musselin et StéphanieMignot-Gérard, respective-

ment directrice de recherche etdoctorante au Centre de sociolo-gie des organisations (Paris), ontétudié le “gouvernement” des uni-versités françaises à la demande del’Agence pour la modernisation desuniversités(1).Sur les trois conseils(CA,CS et CEVU) qui fonctionnentd’une façon assez proche dansleurs grandes lignes, les apprécia-tions des élus varient grandementd’une université à l’autre, entre unsentiment de participation effec-tive ou de confiscation du pouvoir.L’ambiance qui règne pendant lesdébats et la manière dont ils sontpréparés y comptent pour beau-coup.“Les instances universitaires se sontprofessionnalisées, soulignent-elles.Leur taille a contraint les universitai-res à recourir plus systématiquementà des travaux préparatoires et ce tra-vail en comités restreints semble plusfavorable à l’élaboration des déci-sions”. Pourtant, si cette évolutionest générale, les décisions peuventapparaître imposées “clés en main”ou réellement susceptibles d’a-mendement et de discussion. Lesdeux auteurs remarquent pourtantque, dans tous les cas, les débatssont longs et animés, faisant de cesinstances de véritables lieux d’ex-pression et un contrepoids aux

équipes dirigeantes qui seraienttentées de s’imposer trop nette-ment.À côté du problème de l’élabora-tion collective des décisions, lepoint de vue de l’individu, lesrecours dont il dispose, sont égale-ment intéressants pour mesurer laréalité des rapports démocratiquesdans une institution. Dans cedomaine, le modèle de l’ombuds-man québécois est éclairant. Cetteinstitution existe au Canada depuisprès de 40 ans. L’ombudsman peutêtre sollicité par tout membre dela communauté universitaire pourrégler les conflits et il veillenotamment à éliminer les discrimi-nations. Indépendant de la hiérar-chie, il a une grande latitude pourmener ses enquêtes, ayant accès àtout document ou dossier pouvantlui être utile. Il contrôle égalementla mise en application de la média-tion. Les tentatives de faire prendreune greffe de ce genre dans les uni-versités françaises sont rares.À Rennes I, un premier médiateuruniversitaire a pris ses fonctionsavec des objectifs proches de ceuxde l’ombudsman, mais avec uneliberté d’investigation limitée etaucun pouvoir sur la mise en pra-tique de ses recommandations.La nomination d’un médiateur del’Éducation nationale en janvier2001 et celle de médiateurs acadé-

miques en janvier 2002, ouvre lapossibilité de recours individueldans le même esprit. Mais, selon lerapport 2001 du médiateur de l’Éducation nationale, la commu-nauté universitaire a réagi de façontrès différenciée face à cette initia-tive(2). Sur 62% des réclamationsdéposées par des personnels, 4%seulement l’ont été par des ensei-gnants du supérieur. Sur 38% desdemandes provenant des usagers (y compris les parents d’élèves),25% sont formulées par des étu-diants. Ces derniers seraient-ilsplus intéressés que les enseignantsà la présence d’un regard exté-rieur? Il semble en effet que cetype d’institution soit particulière-ment apprécié par les étudiantsquand elle existe (à l’Université deLaval au Québec, par exemple).Est-ce que cela signifie que les étu-diants se sentent moins protégéspar le fonctionnement habituel dela communauté universitaire ? Laquestion est ouverte.

S. B.

(1) Stéphanie Mignot-Gérard, Christine Musselin, Analyse comparative du gouvernement de quatre universités,Agence de modernisation des universités, 2000(rapport accessible sur le site de la CPU: www.cpu.fr).

(2) Cf. le dossier de la revue Vie Universitaire, n°50, mai 2002.

Pouvoir et contre-pouvoir

dossier]

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dossier[

Quelques visages de l’engagement

L’université, laboratoire de la démocratie?

Jean-Claude BillietEntré comme technicien au CNRS en 1976, Jean-Claude Billiet se fait élire sur une liste CGT troisans plus tard, et ce syndicat devient majoritaire dès 1982. De l’avis général, sa personnalité n’est

pas pour rien dans ce succès. “J’ai fait ma première grève avant 1968, raconteJean-Claude Billiet. J’étais ajusteur dans une usine d’aviation en région parisienne etmon engagement m’a valu une mutation vers un atelier surnommé la «mine de sel»”.Cette première expérience de 10 ans dans le secteur privé a marqué le per-sonnage. “Le service public pose d’autres problèmes”, précise-t-il. Au nombre deceux-là, la question des promotions à négocier.“C’est d’autant plus nécessaire quele niveau général des salaires est resté très bas pour ceux qui débutent, alors que lescompétences requises ont sensiblement augmenté”, estime-t-il. Pour gagner cor-rectement sa vie, il faut être promu, et les postes restent rares. Évidemment, ily a diverses façons de résoudre cette équation. Pour Jean-Claude Billiet les clésen sont la transparence et la prise en compte des compétences plutôt que desdiplômes.“Le syndicalisme qui ne prend pas en compte les non-titulaires, et se conçoitcomme un groupe de pression des adhérents pour leur propre avancement ne m’in-téresse pas, une vision plus large de l’intérêt collectif me semble plus cohérente etaussi plus efficace.”

Quand Louise fait de la politique“Tiens ! Il n’y a jamais eu de présidente de l’ULP, ni de candidate, d’ailleurs…” Tout a commencé le 2 février avec cetteréflexion partagée par quelques fortes personnalités féminines de l’ULP, dont Michèle Kirch, professeur et directricedu Laboratoire des sciences de l’éducation. Le projet de réfléchir à une mixitéintelligente a été décidé et baptisé avec humour “Louise Pasteur”. Il a abouti àune première réunion interprofessionnelle le 28 février. Puis d’autres rencon-tres ont suivi, rassemblant environ 70 personnes. Les pithécanthropes (il y en aencore, dit-on) qui imaginent qu’une réunion sur la mixité consiste à parler chif-fons auraient été bien inspirés d’y venir.“Évoquer la mixité, c’est d’emblée poser desquestions politiques, et celle en particulier du rapport, pas toujours idyllique, qu’entre-tiennent les trois mondes qui forment l’université, les enseignants-chercheurs et les cher-cheurs, le personnel administratif et les étudiants” affirme Michèle Kirch. En effet,au-delà de la simple question du pouvoir, le thème de la place des femmes dansl’université, a levé quelques lièvres. La proportion des femmes parmi les maîtresde conférences (40%) et leur place au sein du corps des professeurs (8%), parexemple. Mais la surprise pour beaucoup de participants, a été un autre chiffrequi confirmait un sentiment vécu parfois douloureusement. À l’ULP, les femmesassument davantage les tâches les moins valorisées qui correspondent aux petitssalaires (catégorie «C») alors que les hommes assument les fonctions les mieuxrémunérées (catégories «A»). Rien d’étonnant dans un monde du travail encorelargement sous domination masculine, mais tout de même… À l’ULP, le rapportC sur A est de 1,9 pour les hommes, et il grimpe à 6 pour les femmes! “Le plus ennuyeux est que personne ne jugecette situation scandaleuse”, estime Michèle Kirch. Et pourtant, elle explique certainement un bon nombre de dys-fonctionnements. L’un d’entre eux a été constamment mis en avant dans les discussions : la maternité pose problème,en particulier pour les enseignantes-chercheuses. À chacune de se débrouiller pour assumer ses cours, sans êtreremplacée, en les déplaçant au besoin, sans que la collectivité ne manifeste sa solidarité autour d’un événement aussinaturel et prévisible… À travers ces débats, c’est le rapport entre le temps du travail et celui de la vie personnellequi est posé. “Il me semble que l’université devrait être le fer de lance de l’innovation dans un domaine aussi sensible etqu’elle devrait trouver des solutions susceptibles d’irriguer tout le corps social”, estime Michèle Kirch. Un plan de réflexion touttracé pour les Louise!

Michèle Kirch

Page 12: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

12 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

dossier] L’université, laboratoire de la démocratie?

S. B.

Jacques Steger Jacques Steger est entré à l’ULP comme technicien en expérimentation animale puis estdevenu ingénieur d’étude. Les mystères d’une administration hermétique, qui ne lui donnepas accès à son dossier personnel d’avancement, le conduisent à sa première réunion syndi-cale du SNPTES(*). “Ce choix s’est fait par hasard, cette formation était présente à la Faculté demédecine, mais je n’avais aucune culture politique ou syndicale, précise-t-il. Mon seul engagementmilitant concernait les organisations de parents d’élèves”. Jacques Steger adhère au syndicat en1985 et se fait rapidement remarquer et coopter par la direction du syndicat, puis élire commereprésentant du personnel, jusqu’à devenir secrétaire départemental en 1996. Il reconnaît qu’iln’aurait pas forcément pris cette voie sans l’obstruction initiale dont il s’était senti la victime.L’engrenage de l’engagement, la volonté de comprendre les rouages de l’université et ses qua-lités de médiateur ont fait le reste. Le travail syndical lui demande beaucoup d’énergie au ser-vice des autres, contre peu de reconnaissance, mais lui donne la satisfaction de défendre sespoints de vue.“Je suis pour une fonction publique composée de personnels statutaires, cela passepar la contractualisation, mais avec un poste au bout”, explique-t-il.

(*) SNPTES : Syndicat national du personnel technique et de l’enseignement supérieur et de la recherche

Francis Kern Doyen de la Faculté des sciences économiques et de gestion, Francis Kern ne renie pas la voca-tion naturelle des intellectuels à s’engager, déplorant, au contraire, qu’elle se soit émousséedans les disciplines scientifiques. “Si l’on considère que les droits de l’homme sont le socle d’unesociété démocratique, les occasions de prendre position en leur faveur existent au sein même de l’université. Quand, par exemple, des étudiants se voient réduits à la situation de sans-papiers, privésde visa pour cause de redoublement, alors que nous avions décidé de les inscrire” souligne-t-il. Lacoopération universitaire entretenue avec des pays peu recommandables est aussi susceptibled’être questionnée.Association d’idées? Francis Kern évoque son engagement personnel contrela politique russe en Tchétchénie, regrettant l’exceptionnelle discrétion de ses pairs sur le sujet.Un autre type d’implication consiste à éclairer les débats publics dans son domaine de com-pétence.“Je suis intervenu au sein d’Attac sur la faisabilité de la taxe Tobin ou la légitimité de la dettedu tiers-monde C’est une activité passionnante, qui réalise une véritable éducation populaire, à condi-tion de ne pas entretenir de confusion entre le discours de l’expert scientifique et celui du citoyenengagé.”

Marie-Françoise JanotMarie-Françoise Janot est ingénieur de recherche à l’IReS(*)sur le campus de Cronenbourg,à deux pas d’une barre d’immeubles promise à la destruction.“J’ai toujours été convaincue quela vie devenait intéressante à partir du moment où l’on se mettait à agir sur son environnement”,estime-t-elle. Et son parcours illustre bien cette conviction : elle est (notamment) engagéeà la CGT, conseillère municipale et communautaire, et présidente du centre socio-culturelde Cronenbourg. Pour elle, le trait d’union entre activité professionnelle et engagement, c’estévidemment ce quartier populaire où elle travaille, réside et milite. “Cronenbourg a de vraisatouts, notamment grâce au campus. Mais les pouvoirs publics l’ont délaissé et les personnels duCNRS, nombreux dans les années 1970, ont fui”, décrit-elle. Que faire devant un fossé qui secreuse? Bâtir des clôtures infranchissables pour protéger les laboratoires de la curiosité cha-pardeuse des jeunes du quartier ? Marie-Françoise Janot a préféré une solution qui engageses collègues à regarder au-delà de leur écran d’ordinateur. C’est l’un des objectifs de l’as-sociation ConnaiSciences, créée en 1995, où des scientifiques proposent aux jeunes deCronenbourg des activités hors du cadre scolaire.

”(*) Institut de recherches subatomiques

Page 13: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

L’évaluation à l’ULPL’ULP n’est pas citée dansle rapport Dejean commeune université ayant desinitiatives intéressantesdans le cadre del’évaluation desenseignements. Pourtant,“une évaluation de toutes lesfilières (des DEUG auxmaîtrises) est réalisée tousles deux ans sous la formed’un questionnaire remis auxétudiants. Chaque directeurde filière reçoit un rapportfinal” souligne PhotisNobelis, chargé de mission«Évaluation et suivi desenseignements». D’autrepart, une centained’enseignants utilisent unquestionnaire d’évaluationvolontaire et anonyme.Composé de questions àcocher, ses résultats sontportés à la seuleconnaissance del’enseignant.Ce dernier est chargéd’informer les étudiantsdes résultats, de lescommenter et d’en tirer,avec eux, les conclusionsqui s’imposent.

13octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

formation[

L’université en mald’évaluation Un rapport dénonce l’inexistence de l’évaluation à l’université

et le refus des enseignants de voir les étudiants porter uneappréciation sur les cours. Pourtant, si l’institution s’en donneles moyens, l’évaluation semble n’avoir que des vertus.

À la demande du Haut conseil de l’évaluation del’école, Jacques Dejean a remis, en février 2002,

un rapport sur l’évaluation de l’enseignement dans lesuniversités françaises(1). L’évaluation à l’université estrare, les quelques expériences intéressantes ne reçoi-vent pas de soutiens et sont à peine connues au seinmême des universités où elles ontlieu. Souvent ressentie comme uneévaluation des enseignants, voire uneinspection, “l’évaluation des enseigne-ments doit être l’un des éléments utilesd’une nécessaire politique d’améliorationde notre enseignement supérieur et del’indispensable revalorisation de la fonc-tion d’enseignant” estime Jacques Dejean.Aujourd’hui, l’université doit assurer une certaine qua-lité de service face à des étudiants, qui ne sont pasnécessairement “moins bons qu’avant”, mais certaine-ment plus critiques et dont les attentes sont en cons-tante mutation. Idéalement, une bonne évaluation doitpermettre d’apprécier les savoirs réellement apprismais aussi les compétences et les capacités acquisespar les étudiants, ce que n’assurent pas les examenstraditionnels. Elle doit également être un outil destinéà améliorer la pédagogie des enseignants. “L’universitédoit modifier en profondeur sa pédagogie grâce aux retoursque l’on pourra avoir de l’évaluation. L’essentiel se trouvebien dans cette discussion à établir avec les étudiants, etce, tout au long de l’année” souligne Nicole Poteaux,maître de conférences en sciences de l’éducation.Le premier blocage tient au statut même de l’ensei-gnant : il est enseignant et chercheur. La recherche estla seule fonction qui est jugée par ses pairs, prioritairepour la hiérarchie scientifique de son laboratoire, et quidétermine intégralement sa carrière.À l’enseignement,

non valorisé, s’ajoutent souvent des fonctions admi-nistratives, car l’enseignant s’occupe à des degrésdivers de la vie universitaire. Ces activités sont supé-rieures dans bien des cas à un temps complet.Un autreécueil est que les enseignants en poste (à l’exceptiondes moniteurs doctorants(2)), n’ont pas été préparés à

exercer ce métier, ni dans le cadre deleur formation initiale ni dans celui de laformation continue.Comme si cela allaitde soi, comme si le savoir pouvait sedispenser seul, sans prendre en comptela forme optimale, voire minimale, qu’ildoit endosser pour mieux toucher lesétudiants. “On ne peut plus penser le

DEUG comme un simple filtre pour les seconds cycles ; toutle monde peut apprendre, et c’est à nous tous de faire ensorte que le savoir et la pédagogie aillent ensemble à l’u-niversité” affirme N. Poteaux.La situation à l’ULP? “Même si la procédure mise en placeest louable, elle ne donne qu’une vue très générale et nepermet pas d’avoir un véritable retour direct et régulier avecles étudiants” ajoute-t-elle.Comment évaluer? Comment évoluer? Beaucoup dequestions restent à poser, le débat est ouvert car toutreste à créer dansce domaine.

Fr. N.

(1) http://cisad.adc.education.fr/hcee

(2) Voir ulp.sciences n°4 juil.2001 p.16

L’évaluation des

enseignements doit être

l’un des éléments utiles

d’une nécessaire politique

d’amélioration de notre

enseignement supérieur

Page 14: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

formation]

14 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

Cursus le plus court des formations enbiotechnologie, le DUT Génie biolo-

gique (GB) prépare des techniciens supé-rieurs de niveau Bac+2, dans les domaines del’analyse et de la production. Ouvert depuis1984, deux options sont proposées aux can-didats : Industries alimentaires et biologiques(IAB) et Génie de l’environnement (GE). SelonBenoît Rether, chef du département,“l’optionIAB, choisie par près de deux tiers des étudiants,est orientée vers les techniques de production etd’analyse industrielles. Les débouchés se situentprincipalement dans les industries pharmaceu-tiques et agroalimentaires. L’option GE couvre,quant à elle, toutes les problématiques liées à ladétection et au traitement de la pollution ainsiqu’à la gestion des déchets. Avec une moyennehebdomadaire de 32 heures de cours, dont prèsde 40% consacrés aux TP, le DUT GB permetaux étudiants d’acquérir rapidement de solidesbases pratiques”. Pour Alain Bernard,directeurdes études, “la diversité des enseignements etl’acquisition d’une bonne culture scientifiquegénérale, leur permet de développer une capa-cité d’adaptation et d’innovation particulière-ment appréciée par les entreprises du secteur”.La diversité est justement l’un des pointsappréciés par Stéphane Burkel.Coordinateurde projets techniques chez Lilly France, cet«ancien IAB» garde un souvenir très positifde son passage à l’IUT.“Même si la densité decertains cours n’est pas toujours facile à gérer,je trouve que cette formation offre un bel équi-libre entre théorie et pratique. La visite d’entre-

prises et l’intervention régulières de profession-nels du secteur sont particulièrement instructives.Enfin, l’enseignement de matières telles que lacommunication, l’informatique ou les languesvivantes, complètent harmonieusement la for-mation”.Formation intermédiaire entre le DUT et leDESS, l’IUP Technologies avancées dessciences du vivant (TASV) fait partie desquatre IUP de l’ULP. Ouvert en septembre2000, il prépare, en trois ans une quarantained’étudiants aux postes d’ingénieurs d’étudeou de recherche. L’IUP est accessible à partirde la première année de DEUG, ou touteautre première année universitaire validée(DUT, BTS…). Selon Paul Fonteneau, sondirecteur, “la grande force de cette formationréside dans son caractère global et pluridiscipli-naire. Le contenu pédagogique est principale-ment axé sur les biotechnologies et surl’informatique appliquée à la biologie. Pendantleurs deux premières années, les étudiants reçoivent une formation très complète enmathématiques, statistiques, algorithmique,programmation, et biochimie. Deux languesétrangères complètent l’ensemble”. La troisièmeannée est marquée par le choix d’une spé-cialisation en bio-informatique ou en biolo-gie intégrée. L’option bio-informatique esttrès axée sur la génomique et la protéomiqueainsi que sur la modélisation informatiquedes molécules. L’option biologie intégréevise, quant à elle, à former des spécialistescapables de travailler sur des animaux de

laboratoire, tant au niveau cellulaire qu’auniveau physiologique. Dans les deux cas, cesprofils correspondent à des demandes par-faitement définies de la part des entreprisesdu secteur. Pour Aude Weigel, étudiante entroisième année, “l’IUP offre une excellentealternative aux cursus universitaires classiques,notamment pour les étudiants ne souhaitant pasfaire de thèse ou devenir professeur”. Inscrite enoption biologie intégrée, elle appréciel’aspect ciblé des enseignements et leur fortpotentiel professionnalisant : “L’étude du «vivant» et le travail en équipe m’ont toujoursattirée. Cette formation m’a permis d’associer lesdeux, tout en apprenant un vrai métier. Même sije regrette qu’il n’y ait pas plus de TP, je suis glo-balement satisfaite par mon cursus d’autant quej’envisage de le compléter par un DESS, afin depouvoir entrer sur le marché de l’emploi avec unniveau d’études Bac+5”.Courtisés par les entreprises, les DESS offrentune alternative de choix pour les étudiantssoucieux d’allier l’apprentissage d’un « vrai »métier avec l’acquisition d’un haut niveau d’études. Sur la trentaine de DESS actuelle-ment proposés par l’ULP, trois sont plus spécifiquement axés sur les biotechnologies.Le DESS Analyse Biologique et Chimique(ABC) se décline en deux options : analysedes eaux, des sols et de l’atmosphère et ana-lyses et biotechnologies. Pour PhilippeDemuyter, responsable du module analyseset biotechnologies, “cette formation s’adresseaux étudiants motivés et présentant un vrai

Face à l’évolution croissante du secteur des biotechnologies, l’ULP adapteson offre de formations en proposant une gamme complète et variée de

cursus professionnalisants de plus en plus ciblés.

Formations enbiotechnologies:

une offre adaptéeaux besoins du marché

Page 15: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

formation[

A consulter :• Site internet de l’ULP -Rubrique Étudiants -Étudier - Les diplômes.• ONISEP, Les métiers desBiotechnologies, collectionParcours, mai 2002.

projet professionnel. À ce titre, il nous est arrivéde refuser de très bons dossiers faute d’uneréelle motivation à l’égard de la formation. Enoutre, nous attachons une grande importanceaux stages suivis pendant le cursus du candidat”.Axé sur les méthodes d’analyses biochimiqueet physico-chimique, l’enseignement est com-plété par des cours d’informatique, decontrôle qualité, de traitement des donnéeset de statistiques. Le stage industriel de 5 à6 mois, suivi d’un rapport et d’une présenta-tion orale constitue un point fort de la for-mation. Pour Naïs Daubos, ce stage adirectement débouché sur une offre d’em-ploi. Ingénieur d’étude dans un grand labora-toire de recherche agroalimentaire, elleconfirme l’intérêt porté par ses employeurspour sa formation. “Non seulement ce DESSest connu et apprécié par les professionnels dusecteur, mais la présence d’enseignements complémentaires est considérée comme un véri-table «plus»”.Lancé à la rentrée 2000, le DESSSubstances naturelles végétales d’intérêtéconomique (SNVIE) s’intéresse à l’utilisa-tion des substances végétales dans la phar-macie, la cosmétique et l’agroalimentaire.Contrairement aux apparences, l’accès auDESS SNVIE n’est pas limité aux spécialistesdes plantes. Riche en chimie et en biochimiele programme s’adresse aussi bien aux bio-chimistes qu’aux chimistes. “Ce qui nousimporte” soulignent Bilal Camara, son respon-sable et Laurence Gondet, la directrice des

études “c’est évidemment la qualité du dossiermais également la motivation et le projet pro-fessionnel du candidat. La réalisation de stagesest aussi un facteur déterminant”.Dernier venu dans sa catégorie, le DESSBioinformatique et génomique appli-quées au développement de nouvellessubstances bio-actives vient d’ouvrir sesportes. Pour Claude Kedinger, son responsa-ble,“cette formation a pour ambition de répon-dre à une demande de la part des industriels.La capacité à prévoir la structure tridimension-nelle des protéines à partir de la séquenced’ADN des gènes est l’un des grands enjeuxactuels de la recherche. Or, les compétencesdisponibles manquent cruellement”. Outre sesdeux options en bioinformatique appliquée eten génie bioinformatique, ce DESS devraitaussi se distinguer par sa très nette articula-tion avec l’École supérieure de biotechnolo-gie de Strasbourg (ESBS). D’après C. Kedinger,“les programmes de l’ESBS ont étéréaménagés pour permettre aux élèves de latroisième année de l’école et à ceux du DESS desuivre un maximum de cours en commun. Enfin,une certaine complémentarité est envisagéeavec l’IUPTechnologies avancées des sciencesdu vivant qui possède sa propre option bioinformatique”.

L’un des principaux objectifs des formationsactuelles est de coller avec les besoins dumarché.Ce point est d’ailleurs une conditionsine qua non pour l’autorisation d’ouvertureaccordée par le ministère. La multi-compé-tence est de plus en plus recherchée par lesentreprises, c’est pourquoi toutes les forma-tions proposent désormais des modulescomplémentaires en gestion, management,qualité ou en informatique.

L.T.

15octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

Page 16: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

16 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

Contact :www-esbs.u-strasbg.fr

formation]

Cette ouverture et la mise en place d’un programmed’enseignement trilingue (allemand, anglais et fran-

çais) sont l’une de nos spécificités” souligne C. Kedinger,le directeur de l’école. “Il existe aujourd’hui trois écolesde ce type en France, mais seule l’ESBS, profitant de sa

situation géographique, a tenu à prendreune telle orientation”. Dans la pratique,les étudiants, dont la moitié sont étran-gers, reçoivent les enseignements deprofesseurs issus des quatre universitéspartenaires. Ces courssont donnés dans lalangue de l’enseignantou en anglais. Si lesenseignements théo-riques sont pour l’es-sentiel dispensés àIllkirch, les TP sontsuivis dans les labora-toires des universitéspartenaires, en fonctionde leurs domaines de spécialité. Lamicrobiologie est traitée à Bâle, laphysiologie des plantes à Freiburg, legénie des procédés à Karlsruhe, la bio-chimie, la biologie moléculaire et labiophysique à l’ULP. “Outre un volumehoraire en TP important, les étudiants sonttenus d’effectuer plusieurs stages en entre-prise durant leur cursus. La troisièmeannée se termine d’ailleurs par un stagede 8 mois. Il va de soi que le suivi d’une

formation riche en enseignements pratiques et sanctionnéepar un diplôme d’ingénieur trinational, joue en faveur denos étudiants lors de leur première recherche d’emploi”indique C. Kedinger. Ce point est confirmé par SophieLemire-Brachat, ancienne élève de l’école et actuelle-ment en thèse au Biozentrum de l’université de Bâle.“À l’exception de ceux qui ont décidé d’entamer une thèse,beaucoup «d’anciens» occupent aujourd’hui des postes decadres dans des entreprises liées aux domaines de la phar-

macie, des cosmétiques et de l’agroalimentaire. Certains tra-vaillent dans la « recherche et le développement», d’autresoccupent des postes de directeurs de secteurs ou de respon-sables qualité. Enfin, certains se sont orientés vers desmétiers parallèles comme examinateurs de brevets ouenseignants”.Portés par une situation économique favorable, lesétudiants de l’ESBS ne semblent pas éprouver de diffi-culté à se positionner sur le marché de l’emploi.“Outrela qualité de l’enseignement technique et pratique, l’ap-

prentissage des langues étrangères et laforte ouverture de l’école sur l’espacerhénan sont des aspects très appréciés parles entreprises” précise S. Lemire-Brachat. Lutz Jermutus, responsable de développement à CambridgeAnditobody Technology, partage lui aussicet avis. Pour cet ancien étudiant enGénie chimique de l’Université deKarlsruhe, son inscription à l’ESBS a étéfortement motivée par la dimension

trilingue des enseignements : “Après mon «Vordiplom» je souhaitais améliorer mon niveau en langue. L’ESBS a étépour moi une opportunité car elle m’a permis de travaillermon français et mon anglais dans le cadre de mondomaine d’activité initial.”Paradoxalement le niveau en langues ne constitue pasun critère de sélection à l’entrée. Pour C. Kedinger“notre mission est de produire des scientifiques et non deslinguistes confirmés. Ce qui nous intéresse avant tout, c’estla qualité générale du dossier universitaire, le nombre destages effectués et, surtout, les projets et la motivation dechaque candidat”.

L.T.

L’ESBS a été créée en 1982, sousl’impulsion des professeurs Ebel et

Chambon. À cette époque,l’avènement des biotechnologies

laissait entrevoir un importantdéficit en terme de compétenceset de savoir faire. La vocation de

l’école était donc de préparer desspécialistes à ces nouveaux

métiers, capables de s’adapter à unenvironnement pluridisciplinaire enperpétuelle évolution. Sept ans plus

tard, à l’initiative de Jean-FrançoisLefèvre, l’ESBS s’engage dans la

voie de la coopérationtransfrontalière et lance les bases

d’un partenariat avec lesuniversités de Bâle (en Suisse),

de Freiburg et de Karlsruhe (en Allemagne).

ESBS, lesbiotechnologies se déclinent entrois langues

L’esprit de groupe est très

présent à l’ESBS. Il résulte

à la fois des contraintes

liées à un environnement

de travail multilingue,

mais aussi d’une logique

pédagogique largement

basée sur la notion de

travail en équipe.

Page 17: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

“T’as pas uneuro?”Deux personnes que l’onappellera A et B ne seconnaissent pas et ne serencontrent pas.A reçoit 15 euros. L’expérience est lasuivante :A peut donner une partiede cet argent à B. Si Bl’accepte, alors les deuxrepartent avec l’argentgagné. Si B refuse alors lesdeux repartent les pochesvides. Précision importante :B connaît la somme allouéeà A. Si A donne 1 euro à B,B risque de crier auscandale et de refuser.Tout le dilemme pour Asera de savoir jusqu’à quellesomme B refusera. Lathéorie prédit que B nedevrait pas refuser 1 euro,car 1 euro vaut mieux querien. Mais si A possèdemaintenant 15000 euros.Est-ce que B criera toujoursau scandale si A ne lui laisse“que” 1000 euros? Et vousque feriez-vous?

17octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

Cabines isolant les sujets les uns des autres :

expérimentation en cours.

Contact :[email protected]

L’économie,une scienceexpérimentale!L’expérimentation est un moyen

de confronter certaines pré-dictions d’une théorie à des faitsconcrets.“Depuis les années 50, nousavons eu une inflation de théories enéconomie entraînant un déficit de vali-dations. Mais grâce à des chercheurstels que Maurice Allais, prix Nobel d’économie en 1988, l’économie expé-rimentale est devenue un formidableoutil de validation et de prédiction”confie Marc Willinger, professeurd’économie au Bureau d’économiethéorique et appliquée (BETA).La réalité économique est trèscomplexe. L’idée est donc d’isolercertains aspects de cette réalité àtravers des expériences de labora-toire pour les confronter aux élé-ments de la théorie économique.L’analyse économique est engrande partie fondée sur des hypo-thèses de comportements selonlesquelles le vendeur, l’acheteur,l’assureur, le producteur, etc. pren-nent leurs décisions afin de réaliserune satisfaction ou un profit maxi-mal. De l’interaction entre ces

comportements individuels (micro-économiques) naît une dynamiqueglobale (macroéconomique) de l’économie, au plan régional, natio-nal et mondial. À la différence de lapsychologie qui s’intéresse à l’irra-tionalité des comportementshumains, la théorie économique estpresque exclusivement basée surune hypothèse de rationalité ducomportement.L’économie expérimentale tente,depuis environ dix ans en France,d’enrichir ce modèle théorique eny incorporant certaines régularitésdu comportement économiqueobservées en laboratoire. Tout le travail de l’équipe de MarcWillinger est de recréer avec laplus grande rigueur possible, l’envi-ronnement décrit par la théorie etde tester les comportements devrais acteurs (voir l’exemple dansl’encadré). La particularité de cegenre d’expériences est que lessujets volontaires peuvent gagnerune somme d’argent sonnante ettrébuchante en fonction de leur

performance. En effet, les écono-mistes sont persuadés que les incitations monétaires sontessentielles pour obtenir un vraicomportement économique enlaboratoire.“Nous avons une base de1200 sujets volontaires novices ouexpérimentés. Essentiellement desétudiants car ils sont disponibles, inté-ressés et pas trop chers, mais noussouhaiterions l’élargir à des profes-sionnels de la finance ou de la vente”ajoute Marc Willinger. Les recher-ches de son équipe portent sur desthèmes très variés : efficacité despolitiques fiscales, émergence deconfiance dans les relations mar-chandes, etc. Mais ce n’est pas laseule utilité de l’économie expéri-mentale, car la théorie n’a parfoisrien à dire sur certaines questions.Des pans entiers de la théorie éco-nomique restent donc à découvrirpar l’outil exploratoire que repré-sente l’économie expérimentale.

Fr. N.

L’ULP est l’une desrares universités

françaises dans laquelledes chercheurs testent

les hypothèses de lathéorie économique.

recherche[

Page 18: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

18 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

recherche]

Il est des territoires d’Outre Mer qui par leur situa-tion géographique et la faune qui les peuple sont des

terrains privilégiés de recherches scientifiques. Ainsi enest-il des quatre stations scientifiques implantées surles Terres australes et antarctiques françaises (TAAF)(1).Elles servent de terrain d’études permanent pour l’École et observatoire des sciences de la Terre (EOST)et le Centre d’écologie et de physiologie énergétiques(CEPE), dont les programmes scientifiques sont parmiceux que soutient l’Institut français Paul-Émile Victor.Territoires encore sauvages et complètement isolés,ces quatre bases abritent à longueur d’année deshommes à la recherche d’expériences insolites et denouveaux résultats. Mais pourquoi aller si loin? “Lesquatre sites de mesures géophysiques, intégrés dans desréseaux mondiaux d’observation, sont des sources pré-cieuses de données dans cette vaste région du globe trèspeu instrumentée, comme le sont d’ailleurs les océans d’unemanière générale”, expliquent Jean-Jacques Schott,responsable des observatoires magnétiques, et LuisRivera, responsable des observatoires sismologiques.Que ce soit dans l’étude du champ magnétique ou desmouvements sismiques, il est important que la cou-verture des données soit la plus grande possible.“Même si ces régions ne présentent pas d’activité sismiquetrès importante, leur analyse est nécessaire à une com-préhension sismique globale de notre planète” ajoute LuisRivera. Pour Jacques Hinderer, responsable des obser-vatoires gravimétriques en charge du gravimètre absolu

portable FG5-206, seulinstrument de ce type enFrance, et Bernard Luck,ingénieur d’étude,“les terresaustrales constituent des sitesprivilégiés permettant de mesurerle champ de gravité dans des endroitsoù cela n’avait jamais été fait”.Mais surces îles du bout du monde vivent d’au-tres habitants tout aussi intéressants, sansfourrures polaires mais à plumes, les manchots.Sur les îles Crozet, plus de 36 espèces d’oiseaux(dont 4 espèces de manchots) représentent 20 millionsde couples. “Le manchot royal est un modèle d’étudeextraordinaire ; de plus, les conditions de travail sont inéga-lables” souligne Charles Bost, chargé de recherche auCEPE en écologie et stratégie alimentaire des oiseauxplongeurs. Plus l’environnement est hostile, plus lesrésultats peuvent être surprenants pour les cher-cheurs du CEPE, pionniers de l’écophysiologie, qui étu-dient les capacités d’adaptation des animaux auxconditions extrêmes.“Il est tout à fait fascinant de décou-vrir les performances de cet oiseau. Non content de semettre en hypothermie afin d’économiser oxygène et éner-gie, il semble que ce phénomène de régulation soit en partie« décidé » par l’oiseau en fonction d’une stratégie depêche”, explique Yves Handrich, chargé de recherchesur l’écophysiologie de la plongée au CEPE. Pour arri-ver à de tels résultats, les oiseaux sont équipés dematériels électroniques miniatures permettant de défi-nir de nombreuses variables : conditions du milieu(température, salinité, luminosité), comportement ali-mentaire (profondeur, déplacement, capture des proies)et physiologie (température corporelle, fréquence car-diaque). Outre les questions physiologiques fonda-mentales que cet animal soulève, son suivi permetégalement de mieux comprendre l’écosystème de l’o-céan austral et l’impact des changements climatiquessur les ressources marines.Pour ces hommes, les bases scientifiques sont desinstruments de travail qui nécessitent des expéditionsponctuelles afin d’installer du nouveau matériel et de

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s scientifiques en TAAF.

Recherches au

Lieu de découverte, le laboratoire duscientifique est établi parfois dans des milieux

extrêmes où la recherche se pimented’exotisme et d’aventure.

(1) Les quatre bases scientifiquesdes TAAF.Base Dumont d’Urville sur lecontinent antarctique en TerreAdélie.Base Port aux Français surl’archipel des Kerguelen.Base Port Alfred aux îlesCrozet.Base Martin de Viviès sur l’îleAmsterdam.(Daniel Rouland - EOST)

Photographies issues du rapport“Les volontaires à l’aide technique de1980 à 1988 dans les observatoiresmagnétiques et sismologiques desTAAF” realisées par ChantalCondis, ingénieur d’étude à l’EOST.Ph

oto

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Base scientifique en Terre Adélie.

MARTIN DE VIVÈS

PORT AUX FRANÇAIS

PORT ALFRED

Page 19: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

19octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

recherche[

Contact :> Les observatoires

de l'EOSThttp://eost.u-

strasbg.fr/observatoire.html> CEPE

http://www.cepe.c-strasbourg.fr

mettre en place de nouvelles expériences. Mais il enest d’autres qui partent pour ces territoires pendantplus d’un an. Ce sont les anciens volontaires à l’aidetechnique (VAT), nouvellement volontaires civils(VOC). Formés pendant deux mois à Strasbourg, ils onten charge le suivi des expérimentations en cours, laprévention et la réparation des défaillances techniquesafin de permettre aux scientifiques d’obtenir des résul-tats exploitables. Pour ces étudiants venant de diver-ses formations (BTS, DUT, licence, maîtrise),l’expérience est toute aussi enrichissante et le senti-ment d’avoir participé à quelque chose d’exceptionnel,une découverte de soi et des autres dans des lieuxvrais, sans artifice, ressort de chaque témoignage.

Fr. Z.

boutdu

monde

David Legland,VAT* aux îlesKerguelen de décembre 2000 à février 2002.

Que retenez-vous de votre expérience?“Les îles Kerguelen représentent à peu de choseprès la superficie de la Corse avec une longueurde côte équivalente à celle de la France.Autantvous dire que la place ne manque pas pour les

70 personnes présentes de manière continue.Si le travail de vérification du matériel et le relevé dedifférentes mesures prennent une partie de la journée,le reste du temps est souvent consacré à la communauté.Car, en plus d’une expérience technique et scientifique,rester plusieurs mois sur cette île est une grande aventurehumaine où les liens sociaux avec les autres résidentsmilitaires, marins ou membres d’une autre équipe sonttrès forts.”

Bernard Luck - ingénieur d’étude etnomade gravimétrique à l’EOST.

Parcourir le monde était-il dans vos projets ?“Pas précisément, mais après une formationd’ingénieur et plusieurs expériencesprofessionnelles classiques, j’étais à la recherched’expériences de terrain. Ce qui s’est concrétiséen intégrant l’équipe de gravimétrie de l’EOST.

Et depuis 1997, date d’acquisition du gravimètre absolu,plus de la moitié du temps s’est passée sur route ou dansles airs pour suivre cet appareil. Il ne faut pas s’en cacher,parcourir le monde afin de réaliser des mesures dans desendroits reculés, jamais étudiés d’un point de vuegravimétrique est palpitant, même si notre cahier descharges ne nous laisse que très peu de temps une fois surplace. Chaque destination est une nouvelle expériencegéographique et technique”.

René Groscolas, responsable d’unprogramme de recherche sur lemétabolisme des lipides chez lesanimaux polaires au CEPE.

N’est-ce pas frustrant de ne paspouvoir être sur le terrain de vos expériences plus de quelques mois tous les deux ans?“Non, même si partir est une véritable bouffée

d’air pur. Néanmoins, le retour à Strasbourg est tout aussiimportant pour développer les programmes.En effet, si le rythme et le cadre de vie présentent biendes avantages par rapport à ceux en métropole, nous n’avons sur le terrain et dans le feu de l’action que trèspeu de temps pour prendre du recul par rapport à nosrecherches. De plus, l’analyse de la multitude des donnéesque nous recueillons et la préparation des expéditionsreprésentent un énorme travail, suffisamment importantpour l’année et demie à venir avant la prochaineexpédition.”

Une colonie de manchots. Base port Alfred, îles Grozet.

Phot

ogra

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DUMONT D’URVILLE

* Volontaire à l’aide technique

Hivernantréalisant desmesures du

champmagnétique.

Bernard Luckeffectue un

rattachementgravimétrique sur

l’île Saint Paul(district

d’Amsterdam) en 2001.

Page 20: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

20 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

recherche]

Contact :Robert Schirrer [email protected]

Tél. 03 88 41 41 36ICS http://www-ics.u-strasbg/~mecapol

Des plastiques à toute épreuve

Les polymères, ou les plastiques de manière géné-rale, sont largement présents dans notre vie quo-

tidienne comme dans l’industrie. De cette lapalissadeen découle une autre : les polymères possèdent despropriétés mécaniques de plus en plus spécifiques. S’ilsse cassent, ils ne doivent pas le faire brutalement oualors le plus localement possible. Ils doivent pouvoir sedéformer et reprendre leur forme initiale.L’équipe de «Mécanique physique des polymères soli-des» dirigée par Robert Schirrer, directeur de recher-che à l’Institut Charles Sadron (ICS), étudie les

mécanismes de ruptures et de rayu-res des polymères(1). “Le but de nosrecherches n’est pas de créer desmatériaux nouveaux, mais d’expliquerpourquoi les matériaux actuels rem-plissent mal les fonctions qu’on attendd’eux. À nous ensuite de fournir auxchimistes des éléments de compré-hension leur permettant d’optimiserleurs performances” explique Robert

Schirrer. En laboratoire, la matière est littéralementtorturée.“Nous lui faisons subir suffisamment de contrain-tes pour la mettre dans une situation critique et faire émer-ger ses points faibles” commente Christophe Fond. Pource faire, il est nécessaire de mettre au point desmoyens expérimentaux originaux et créer des modé-lisations théoriques afin d’analyser le comportement deces matériaux. Plusieurs années de travail ont ainsi éténécessaires pour mettre au point le scléromètre qui afait l’objet de trois brevets. Cet appareil permet d’a-nalyser, en temps réel, les réactions d’un polymèresoumis à la rayure par une pointe abrasive dans unelarge gamme de températures et de vitesses. Le phé-nomène de rayure qui provient d’une déformationpermanente a ainsi pu être quantifié.

La découverte et la compréhension du caractère auto-cicatrisant d’une rayure dans certains domaines de sollicitation devraient trouver des applications nouvel-les dans l’utilisation des polymères en optique. Unautre dispositif expérimental développé à l’InstitutCharles Sadron explore les mécanismes de formationet d’évolution d’une fissure. Sa vitesse de propagationpouvant atteindre le kilomètre par seconde commedans le cas d’une rupture de pipeline par exemple, ilest primordial d’en prévoir l’évolution et, si possible,de la stopper. “Dans la majorité des cas étudiés, nousessayons plutôt de maîtriser une fissure ou une cassure quede l’empêcher, car en insistant lourdement un polymèrepourra toujours être rompu” ajoute Christian Gauthier.En intégrant des micro-billes de caoutchouc dans despolymères, on arrive ainsi à les rendre plus résistants.Lors d’une déformation, les billes subissent un phéno-mène de cavitation : des myriades de cavités dequelques centièmes de microns se forment à l’intérieurmême des billes et augmentent le volume du polymère,ce qui l’empêche de se casser net.“Au fil des ans, il s’estcréé une véritable symbiose entre l’industrie et nos recher-ches.Nous résolvons certains de leurs problèmes pratiquesen développant des outils originaux et leurs questionne-ments s’intègrent toujours dans les objectifs plus fonda-mentaux de nos travaux” concluent ces explorateurs duplastique.

Fr. Z.1) Avec Christian Gauthier, maître de conférence à l’ULP, Christophe Fond,

professeur à l’URS et Sandrine Braymand, maître de conférence à l’URS.Cette équipe fait partie du groupe de recherche Physique des matériauxpolymères et moléculaires de l'Institut Charles Sadron.

Tordre, étirer, fissurer, rayer pourmieux comprendre.Tel est le travail

quotidien de l’équipe de “Mécaniquephysique des polymères” de l’InstitutCharles Sadron, qui vise à améliorer

les performances des plastiques.

L’équipe de Robert Schirrer au complet avec en arrière plan le scléromètre.

Modélisation du phénomène decavitation : grâce à la destructiondes billes de caoutchouc,le plastique peut résister à unétirement. Les boulestransparentes sont encore intactes,celle en rouge est sur le point dese rompre et celles en gris sontrompues.

Page 21: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

culture[

Contact :Savoir(s) en commun:

rencontres universités - sociétéTél : 03 90 24 07 66 -

http://[email protected]

Plus de 2000 participants et près de 70 intervenants, la première édition de Savoir(s) en communa atteint son but : rapprocher les universitaires du public strasbourgeois.Une seconde édition démarre dans quelques jours.

Pour fêter leur trente ans, les trois universités strasbourgeoises ont décidél’automne dernier de s’ouvrir sur la cité et d’organiser des débats sur les

rapports, souvent difficiles, entre les sciences et la société. Dans le souci de tou-cher un large public, les rencontres se sont déroulées en dehors des campus,dans des lieux culturels de la ville. Les Strasbourgeois ont répondu au rendez-vous puisqu’en moyenne une centaine de personnes se sont déplacées pourchaque table ronde. Cette mobilisation a incité à reconduire l’opération dès larentrée 2002. Les chercheurs eux-mêmes ont apprécié l’expérience et sont prêtsà recommencer !Chargée du projet à la Mission culture scientifique et technique de l’ULP etresponsable de l’événement,Véronique André-Bochaton regrette pourtant queles tables rondes n’aient pas toujours été de véritables lieux d’échange,mais plutôtdes séances de questions-réponses.“Nous n’avons pas trouvé la formule magique pour cet événement. Il nousfaut être plus inventif, en tenant compte des remarques du public, trouver d’autres formes d’intervention et instau-rer des liens forts avec les structures culturelles de la ville. Un travail plus en amont avec les lycées et les centressocioculturels permettrait aussi de toucher plus durablement un public jeune et difficile à atteindre”, précise-t-elle.En effet, une enquête réalisée au cours de la manifestation montre que la majorité des auditeurs avait unprofil bac+5. Pour Véronique André-Bochaton,“le large public que nous visions ne pourra être touché que surla durée. Mais la variété des lieux d’accueil a tout de même permis d’aller à la rencontre d’un auditoire diversifié. Lepublic des Sens à la trace, par exemple, était celui du Musée d’art moderne.Avoir atteint ce public est déjà une réussitecar cela montre que la science fait partie de la culture en général.”De l’autre côté du rideau, il y a les acteurs : le comité de pilotage à l’origine de l’opération, l’indispensable équipeévénementielle et les chercheurs, dont certains ont dû surmonter leurs réticences pour se jeter dans l’arène.V.André-Bochaton explique avec pudeur son rôle dans cette aventure humaine :“Je suis là pour faire en sorte quele public soit satisfait et que les chercheurs puissent intervenir dans de bonnes conditions.” Il y a en coulisse un vraitravail de négociation. Il faut concilier le contenu des tables rondes avec les interventions des chercheurs ; per-mettre l’expression de tous les points de vue et travailler avec les lieux d’accueil pourconstruire un véritable partenariat.Cette débauche d’énergie trouve sa récompense dans la participation active des audi-teurs pendant les tables rondes et dans leurs lettres spontanées de félicitation. “J’aiapprécié la volonté du public à obtenir des réponses qui correspondent à ses véritables atten-tes”, raconte V.André-Bochaton. Par exemple, lors de la rencontre Traçabilité alimen-taire, un auditeur priait les intervenants de ne pas chercher à le rassurer mais derépondre sans détours à ses interrogations. Leur courage aussi a frappé la jeunefemme, comme un auditeur de Trace de vie qui n’hésitait pas à accuser les scienti-fiques de se défausser de leurs responsabilités.“J’ai aussi été surprise par la détente et

la bonne humeur de certaines rencontres commeTrace de croyances”, se souvient-elle. Mais cequi lui a donné le plus de satisfaction, ce sontles personnes peu habituées des tables rondesqui sont venues lui confier leur surprise et leurplaisir d’avoir compris les débats, même sielles n’ont pas toujours osé y participer. Il nereste qu’à les convaincre de prendre la parolelors de la prochaine édition…

M. E.

L’aventure “Savoir(s) en commun”

21octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

“La table ronde sur lecerveau et les émotions étaitmon premier débat sur lascience. J’ai beaucoupapprécié que l’on puisseintervenir. J’aimerais que lacommunauté des sourdspuisse en profiter”A.Tabaot,Professeur de langue dessignes

“Traces d’environnementm’a permis de découvrir deséclairages et des intervenantsnouveaux sur le thème de

l’environnement que jeconnais pourtant bien. Parcontre, il faudrait que ledébat soit plus interactif.”S.Wiest, chargée decommunication

“Pour moi, la conversationentre les intervenants étaittrop technique, mais j’aibeaucoup aimé le temps dequestions à la fin : tout lemonde pouvait comprendreles réponses.”C. Kientz, infirmière

Quelques opinions sur Savoir(s) en commun 2001

Page 22: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

22 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

agenda culturel 2002

culture]

> Du 8 au 25 octobreEnrico Fermi, images et documents, à l’Institutculturel italien.Retrouvez la vie et le parcours du physicien italienEnrico Fermi, Prix Nobel de physique en 1938.

Institut culturel italien à Strasbourg03 88 45 54 00

> Du 12 au 26 octobreLa douleur à l’œuvre, à la Galerie d’actualitéscientifique de l’ULP.Exposition grand public qui présente des créationsartistiques liées à la souffrance. Entrée libre.

Mission culture scientifique et technique03 90 24 06 14

> Du 5 au 29 novembrePaysages croisés en Amérique latine, au Muséezoologique de Strasbourg.Deux jeunes architectes paysagistes sont partiessur les traces d’Alcide d’Orbigny en Amérique duSud. Elles ont ramené de leur voyage des carnetsde route décrivant paysages et scènes de vie, desdessins aux couleurs rayonnantes.

> Du 18 novembre au 15 décembreDarwin, au Musée zoologique de Strasbourg.Exposition présentée dans le cadre de Savoir(s) encommun et consacrée au principal fondateur de lathéorie moderne de l’évolution. Des collectionssorties des réserves du musée y trouventnaturellement leur place.

Musée zoologique03 90 24 04 83 ou 85

Expositions

> Du 23 au 31 octobre > Les petits débrouillards d’Alsace,

au SUAS, 43 rue GoetheAteliers sur le thème des maths amusantes.Du 23 au 25 octobre pour les 6-8 ans et du 28 au 31 octobre pour les 9-12 ans.

> Mission découverte,au SUAS, 43 rue GoetheAteliers Quand les tortues et les manchots semettent à transmettre, en lien avec Savoir(s) encommun. Pour les 6-8 ans : atelier La tortue Luthdu 23 au 25 octobre. Pour les 9-12 ans : atelierLe manchot Royal du 28 au 31 octobre.

Mission culture scientifique et technique03 90 24 06 13

> Cet automne au Musée zoologiquede Strasbourg

Des ateliers et des animations scientifiques serontproposés pour les enfants.

Pour un programme détaillé,renseignez-vous au 03 90 24 04 88

humeur

Ateliers

Les films d’Alain Resnais sont à voir et à revoir. Pour tous les publics, à cause deleur impact esthétique, de l’invention toujours manifestée par leur construc-

tion, de la complexité, voire l’ambiguïté, de leurs scénarios. Pour les publics scien-tifiques plus particulièrement, pour trois raisons.En premier lieu, Resnais est un cinéaste de la mémoire, or la mémoire est un objetde science. Les spécialistes du fonctionnement de la mémoire et de ses dysfonc-tionnements trouvent volontiers chez Proust des paradigmes pertinents à leursrecherches (pour la mémoire visuelle : la perspective changeante des clochers deMartinville ; pour la mémoire auditive : le bruit des roues sur les pavés de l’hôtel deGuermantes ; pour la mémoire du goût : zut, j’ai oublié et pourtant, je l’avais sur lebout de la langue…). Je parie que la moisson serait également riche pour ces cher-cheurs dans le cinéma de Resnais : la mémoire obsédée de Hiroshima mon amour(1959), la mémoire fantasmatique de L’année dernière à Marienbad (1961), lamémoire fragmentée de Je t’aime, je t’aime (1968), etc.En second lieu, Resnais traite directement de thèmes scientifiques, ou aux frontiè-res de la science. Nous citerons quatre exemples : Resnais aborde la chimie, dansle court-métrage Le chant du Styrène (1958), commenté par un poème de RaymondQueneau. Cet avocat et témoin de l’union de la science et de la littérature (scien-tifiques, lisez Queneau…) y fait un triple clin d’œil, d’abord à la poésie :“O temps, suspends ton bol, ô matière plastique”, puis au vocabulaire savant :“Le styrène est produit en grande quantitéÀ partir de l’éthyl-benzène surchauffé,Le styrène autrefois s’extrayait du benjoin,Provenant du styrax, arbuste indonésien.”,à son œuvre personnelle enfin :“Et ce ne sont pu là exercices de style.”Dans Je t’aime, je t’aime Resnais utilise un thème de science-fiction, celui des voya-ges dans le temps, avec des scientifiques en blouse blanche au milieu d’un fouillistrès représentatif des labos de science expérimentale.Dans Mon Oncle d’Amérique (1980), Resnais fait appel à Henri Laborit, biologiste ducomportement, en contrepoint à l’observation des humains dans leurs relationssociales et affectives. Des images de souris enfermées dans des labyrinthes, ou lavision d’un homme à tête de rat, soutiennent la dimension éthologique de ce film.Pensons aussi à l’apparition des méduses qui flottent parmi les acteurs vers la findu film de 1997 On connaît la chanson.Dans Smoking, no smoking (1993), Resnais utilise le thème de la combinatoire despossibles (que se passerait-il si…). On peut y voir une figuration des univers paral-lèles postulés par certaines interprétations de la mécanique quantique.En dernier lieu, le cinéma et la science sont proches parents, bien au-delà de ladimension technologique de l’art cinématographique, depuis ses origines jusqu’à sesplus récentes évolutions. La science est en effet une métaphore du cinéma: on sefigure le metteur en scène observant, tel un savant, le comportement de ses per-sonnages, grâce à son appareillage… Mais cette vision fallacieuse amène une signi-fication en miroir où le cinéma apparaît comme une métaphore de la science : miseen scène, délimitation d’un champ, montage d’une expérience… Où est la réalité,où est la fiction?

G. Ch.

Scientifiques,voyez les films de Resnais

Page 23: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

23octobre 2002 - n°9 - ulp.sciences]

culture[

Conférences> Du 10 octobre au 19 décembreLes conférences du Jardin des Sciences, àl’amphithéâtre Fresnel de l’Institut de physique laFamille et la Génétique sont respectivement auprogramme des cycles d’octobre et de novembre,proposés en lien avec Savoir(s) en commun. Endécembre, elles se placent sous le signe de l’Hiver.Rendez-vous chaque jeudi à 18h. Entrée libre.

Mission culture scientifique et technique03 90 24 06 14

http://science-ouverte.u-strasbg.fr

D. G.-B.

> À partir de la mi-octobreUn nouveau spectacle au Planétarium de Strasbourgpour découvrir l’astronomie moderne, les grandstélescopes européens installés sur la cordillère desAndes, le ciel austral et la recherche de nouvellesplanètes extra-solaires.

> Le 21 octobre et à chaque pleinelune

Soirée spéciale lunatique, au Planétarium et àl’Observatoire de Strasbourg qui ouvrentexceptionnellement à partir de 19h30 pour vousfaire découvrir les mystères de notre compagnoncéleste.

Planétarium03 90 24 24 50

http://planetarium.fr.fm

Spectacles

> Du 14 au 20 octobreLa Fête de la ScienceÀ l’occasion de la 11e

édition de la Fête de laScience, de nombreusesmanifestations sontproposées en Alsace :expositions, conférences,

animations, visites de laboratoires…Rendez-vous du 18 au 20 octobre sous lechapiteau du Village des Sciences à Strasbourg(place Broglie), Colmar (place de la Mairie) etMulhouse.

La Boutique de Sciences03 88 10 73 21

http://laboutiquedessciences.c-strasbourg.fr

ÉvénementsDes tables-rondes et des rencontres!

Lancé en 2001, à l’occasion du trentième anniversaire desuniversités strasbourgeoises, Savoir(s) en commun: rencontresuniversités-société est né de leur volonté commune de contribuerau débat public sur des thèmes sensibles relatifs au rapport entresciences et société (cf page 21). Devant le succès rencontré lors dela première édition, l’opération est reconduite du 9 octobre au 29novembre 2002 sur le même principe. Un thème fédérateur“Transmissions” reliera tous les débats proposés pendant près dehuit semaines. Ces moments de discussion et de partage des savoirssont ouverts à tous et, pour la plupart, proposés en-dehors desuniversités. Ils sont prolongés par des activités satellites : conférencesspécialisées, rencontres, expositions, visites guidées, spectacles ouateliers…

Savoir(s) en commun: rencontres universités-société > Du 9 octobre au 29 novembre

Mission découverte

> Cycle Transmission entre lesgénérations

• Familles : que transmettent-elles encore ?le 9 octobre au TJP petite scène, de 18h à20h

• La transmission du nom le 12 octobre à la BMSKuhn, de 15h à 17h

• Villes et côtoiement des générations : quellestransmissions ? le 16 octobre à l’Écoled’architecture de Strasbourg, de 18h à 20h

> Cycle Transmission des savoirs• Transmission des savoirs et TIC

le 18 octobre à la médiathèque de Neudorf,de 18h à 20h

• Transmission des compétences professionnellesle 19 octobre à la librairie Kléber deStrasbourg, de 17h à 19h

• Transmission des savoirs savantsle 21 octobre au TNS, de 18h à 20h

> Cycle Transmission des cultures• Musées et transmission des patrimoines

culturels le 6 novembre à l’auditorium duMusée d’art moderne et contemporain deStrasbourg,de 18h à 20h

• Transmission de l’identité européennele 12 novembre au FEC, Salle Léon XIII,de 18h à 20h

• Mémoire collective et transmissionle 13 novembre à la librairie Kléber, de 18h à 20h

> Cycle Transmission del’information

• Peut-on parler de progrès dans la transmissionde l’information?le 15 novembre à la librairie Kléberde 18h à 20h

• Fichiers policiers, médicaux ou bancaires :toutes les informations sont-elles transmissibles ?le 16 novembre à la librairie Kléber,de 17h à 19h

> Cycle Transmission de la vie• Quand les virus transmettent la vie :

la thérapie génique et ses enjeuxle 19 novembre, au lycée Fustel deCoulanges, de 14h à 16h

• De la reproduction au clonage : transmettre la vie aujourd’hui le 22 novembre à la librairie Kléber, de 18h à 20h

• Transmettre et transplanter : éthique et greffed’organes le 25 novembre à la salle des fêtesde l’Hôpital civil, de 18h à 20h

• Le SIDA, un exemple de maladies sexuellementtransmissibles le 26 novembre au lycée MarieCurie, de 17h à 19h

• Evolution et transmission de la viele 29 novembre au Musée zoologique deStrasbourg, de 18h à 20h

Savoir(s) en commun:rencontres universités - société

03 90 24 07 66http://savoirs.u-strasbg.fr

À noter!

La rencontre entre W. Shea (ULP) et J.-F. Sivadier, metteur en scène du spectacle duMaillon La vie de Galilée* le 23 octobre à 16h, àl’amphithéâtre de l’Observatoire de Strasbourg.Cette conférence sera suivie d’une visite guidéede la grande coupole. Les auditeurs pourrontprolonger ce moment par le spectacle La vie deGalilée au Maillon Wacken à des conditionsprivilégiées.

Réservation conseillée jusqu’au 18 octobre au 03 90 24 07 66

* Ce spectacle est programmé du 22 au 31 octobre à 20h30(relâche dimanche et lundi).

Réservation : 03 88 27 61 81

Page 24: Dossier L’université,laboratoire de la démocratie?

24 [ulp.sciences - n°9 - octobre 2002

portrait]

Bernard Carrière

Rappelez-vous ce jeu où d’un simple coup de crayon l’on relie des points éloignés et disparates en apparence,

selon l’ordre indiqué. Après quelques instants,un visage connu émerge du nuage informe,comme par magie.

C’est le principe du portrait. Je rencontre un inconnu ou presque, pointe les éléments distillés par lui et les

mets en valeur pour que, mis bout à bout, ils esquissent une image fidèle et cohérente du personnage. Cet

interview m’a donné du fil à retordre : tous les éléments s’enchaînent naturellement… pourtant, des zones

d’ombre subsistent. L’homme serait-il secret?

Bernard Carrière m’accueille dans son vaste bureau très sim-plement et tâche de me mettre à l’aise. Sa voix calme trahitpar moment son origine : notre président est de Marseille.La Canebière, les cigales, le mistral et Mistral, Pagnol ouGiono…: les vieux clichés ont la vie dure et évoquent instan-tanément une existence paisible, rythmée par des person-nages hauts en couleur à l’accent chantant. Pourtant, à 19 ans,B.Carrière tourne le dos au soleil provençal pour goûter auxhivers alsaciens…Il est reçu en 1965 à l’Ecole nationale supé-rieure de chimie de Strasbourg, l’actuelle ECPM, après deuxannées de classes préparatoires effectuées dans sa villenatale. Le destin fait de lui un “Français de l’intérieur” parmid’autres : sa promotion est composée pour plus des troisquarts de non Alsaciens - un pourcentage qui rapproche…et développe la solidarité des membres du groupe.B. Carrière apprécie l’enseignement prodigué dans ce quideviendra la tour multimédia du campus. Il s’acclimate sansdifficulté à la région et s’attache à ses habitants.En 1968, l’ingénieur frais émoulu ne souhaite pas intégrer l’in-dustrie.Devenir chercheur lui éviterait “d’adhérer au systèmecapitaliste” particulièrement décrié à cette époque : il décro-che une bourse de thèse du Commissariat à l’énergie ato-mique, dans un laboratoire de chimie. Mais, après enquête,coup de théâtre, le CEA revient sur sa proposition.Heureusement, B. Carrière croise sur sa route StanislasGoldsztaub, à la tête du Laboratoire de minéralogie et cris-tallographie de Strasbourg.De cette rencontre déterminante,B. Carrière garde un souvenir ému. Il devient le dernier thé-sard de ce chercheur hors-normes, qui accapare ses étu-diants… au point qu’ils fuient parfois par les fenêtres dusous-sol de l’Institut de géologie pour ne pas passer devantson bureau et se retrouver coincés pour la soirée ! S. Goldsztaub, parfait original, visionnaire, remarquable cris-

tallographe et physicien, a su faire prendre à son laboratoire“les bons virages, au bon moment”. Sous son impulsion, lacristallographie s’oriente vers l’étude des surfaces. De chi-miste, B.Carrière devient alors physicien. Son doctorat-ingé-nieur en poche, il entre au CNRS en 1972, et débute sacarrière au 9e étage de l’Institut Le Bel.Il obtient son doctorat d’État en 1977… dix ans après queson père ait soutenu le sien, en histoire. Car dans la famille,on est plutôt littéraire. Lycéen, B. Carrière est naturellementporté vers les lettres. Mais ses parents l’incitent à changerde voie, les sciences présentant davantage de perspectives.Un conseil avisé puisqu’il se passionne pour le métier dechercheur, qui impose une démarche et une constructionintellectuelles qui lui conviennent parfaitement. Il privilégie letravail en équipe, notamment avec son partenaire de longuedate, Jean-Paul Deville, avec qui il co-dirige une quinzaine dethèses et assure le suivi des jeunes chercheurs. Mais lecontexte dans lequel il exerce son métier l’intéresse égale-ment : il s’implique au niveau syndical et s’investit tant dansles conseils de l’université qu’au comité national du CNRS.Attaché, chargé, puis directeur de recherche, il prend la direc-tion de l’IPCMS en 1996 : un avant-goût de ses fonctionsactuelles, puisqu’il doit aussi superviser la gestion adminis-trative et la gestion des personnels de l’institut. Ses nouvel-les responsabilités l’éloignent peu à peu de ses chèresrecherches. Aujourd’hui, la présidence l’en prive définitive-ment.“Mais c’est un choix, conclut-il pragmatique, tant profes-sionnel, que personnel”. Il a pris la mesure de ce nouvelengagement, et sans nostalgie aucune, a tourné la page. “Seménager quelques possibilités d’évasion est essentiel”, confie-t-il.Une marche dans les Vosges, une escapade à Marseille, unevirée en Bretagne… et surtout, la poésie. Cultiver son jardinsecret, une recette qui porte ses fruits !

V.A.-B.

Esquisse pudique d’un homme public

en quelquesdates

21 février 1946 Naissance à Marseille.

1963Baccalauréat “Mathématiquesélémentaires” au Lycée Périer.

1964 - 65Classes préparatoires au LycéeThiers.

1968 Ingénieur chimiste, diplômé del’Ecole nationale supérieure dechimie de Strasbourg.

1972Doctorat-ingénieur au Laboratoirede minéralogie et cristallographiede Strasbourg, autour de “l’étudedes surfaces de silice et de silicatesau moyen de la spectroscopie desélectrons Auger”.

1972 – 1977Attaché de recherches au CNRS.Doctorat d’État :“Étude parspectroscopie des électrons Augerdes états d’oxydation superficielsdu silicium”.

1979Chargé de recherche, médaille debronze du CNRS.

1986 - 1988Détachement de deux ans au LUREà Orsay (Laboratoire pourl’utilisation du rayonnementélectromagnétique).

1989Directeur de recherche 2e classe.S’oriente vers l’étude des nano-matériaux magnétiques.

1992 - 1995Directeur de l’UFR de sciencesphysiques.

1996Directeur de l’Institut de physiqueet chimie des matériaux deStrasbourg - UMR ULP-CNRS.

2000Nomination au Comité nationald’évaluation (CNE).

2001Directeur de recherche 1re classe.

2002Professeur à l’ULP.