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Dossier DOSSIER [ [ [ [ NRP Décembre 2013, n°19 « ECRIVAINS, EDITEURS, LECTEURS. VOYAGE AU CŒUR DU LIVRE » Droit Société Algérie : Tessala el-Merdja, ville de la seconde chance Economie l’ONS «découvre» pourquoi l’Algérie croule sous les détritus Jacques Vergès, une vie de rupture Nadir Bekkat El Kadi Ihssan Mémoire Il était une fois mon père Nacira Menad

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NRP Décembre 2013, n°19

« ECRIVAINS, EDITEURS, LECTEURS.

VOYAGE AU CŒUR DU LIVRE »

Droit

Société

Algérie : Tessala el-Merdja, ville de la seconde chance

Economiel’ONS «découvre» pourquoi l’Algérie croule sous les détritus

Jacques Vergès, une vie de ruptureNadir Bekkat

El Kadi Ihssan

Mémoire

Il était une fois mon père Nacira Menad

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Sommaire

La NRP est la nouvelle formule de la « Revue de presse », créée en 1956 par le centre des Glycines d’Alger.

[Attestation du ministère de l’information: A1 23, 7 février 1977]

Revue bimensuelle réalisée en collaboration avec le :

Ont collaboré à ce numéro

Riadh CHIKHI, Boucif AOUMEUR, Bernard JANICOT, Hizia LAKEDJA, Fayçal SAHBI, Leila TENNCI,

Fatima-Zohra ABDELLILAH,Lamia TENNCI, Sid Ahmed ABED, Mokhtar MEFTAH, Samir REBIAI

CENTRE DE DOCUMENTATION ECONOMIQUE ET SOCIALE

3, rue Kadiri Sid Ahmed, Oran • Tel: +213 41 40 85 83 • Courriel: [email protected]

Site web: www.cdesoran.org

Economiel’ONS «découvre» pourquoi l’Algérie croule sous les détritus

El Kadi Ihssan, P.9

« La politique de gestion de déchets industriels fait defaut en

Algérie » Samira Bourbia, p.10

SociétéAlgérie : Tessala el-Merdja, ville de la seconde chance, p.11

Le Tqaridj à l’algérienne Un passe-temps ou une pathologieAhlem B, p.12

DroitJacques Vergès, une vie de rupture

Nadir Bekkat , p.13-14

Loi de finances 2014: les principales nouvelles mesures pour

l’investissement étranger et le commerce extérieur

Hamid Guemache, p.14

MémoireIl était une fois mon père

Nacira Menad, p.15

Albert Camus, un libertaire révolutionnaire

Jacques Simon, p.16

Bibliographie, p.17

Dossier

« Ecrivains, éditeurs, lecteurs.Voyage au coeur du livre »

Problématique de l’édition dans les pays de la rive sud de

la Méditerranée Terrar Abdelkrim, Amerouali Youcef, p.4

Le projet de loi sur le livre : les échos d’un texte

Hadj Miliani, p.5-6

Recul de la lecture en Algérie : le livre perd du terrain Nedjma

M.K., p.7

Les écrivains et les identités nomades

Amine Zaoui, p.7

Algérie : générations BDAmeziane Ferhani , P 8

[email protected]

N° 19, Décembre 2013

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NRP, Décembre 2013, n°19

JOURNEE D’ETUDE : LES AMIS DU C.D.E.S D’ORAN

D’hier à aujourd’hui , quelles richesses et quelles expériences préparent (ou non) l’avenir ?

avec : Akram BELKAID : l’Algérie de l’aprés pétrole

et Michel KELLE : Germaine TILLION et André MANDOUZE

SAMEDI 01 FEVRIER à 09h

Centre d’études ISTINA , 45 Rue de la Glaciére , 75013 PARIS

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Editorial

« ECRIVAINS, EDITION, LECTEURS.VOYAGE AU CŒUR DU LIVRE »

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Lamya Tennci

Pourquoi un dossier sur le livre et l’édition en Algérie ? Quelle est la place du livre dans

la société algérienne ? Pourquoi une politique de l’édition a du mal à se mettre en place et à se

renouveler ? Est-ce que nous vivons à une époque où l’écriture est en crise ? Est-ce que

finalement, le livre est malade de nos politiques ou bien des façons de voir la société algérienne ?

Il est vrai qu’à l’instar d’une économie de marché galopante, au pouvoir de la

technologie numérique et au tout digital, le livre a du mal à se trouver une place privilégié

dans l’esprit des algériens et dans leur quotidien. Pourtant les nombreux salons nationaux et

internationaux, à l’exemple du salon international du livre d’Alger du 31 octobre dernier, ne

manquent pas d’attirer grands et petits à faire de cet évènement un moment, certes

traditionnel, si on estime que le taux d’affluence des visiteurs est en augmentation chaque

année.

Avec le dernier projet de loi relative aux activités et au marché du livre, les avis des

professionnels du livre restent pour le moins des plus contrastés. Il y a ceux qui considèrent

cette loi comme révolutionnaire car elle permettrait l’ouverture du marché par la mobilisation

de toute la chaîne de production, et ceux qui par contre, dénoncent un manque de

structuration du marché du livre et un risque de dévalorisation de ces métiers et encore ceux

qui expriment certaines nuances, en pointant du doigt l’aspect résolument administratif et

réglementaire du projet de loi. On ne saurait être convaincu au milieu de cette ébullition

médiatique.

Quoi qu’il en soit, la situation est complexe, elle permet toutefois de dire que, si le livre

va mal en Algérie, si la lecture est en recul tant dans sa politique de promotion que dans le

taux de fréquentation des bibliothèques, c’est que le plus important fait défaut, à savoir le

manque de création et d’écriture…Il n’est pas impossible de penser qu’une réelle dynamique

peut émerger à tout moment et qu’elle peut surprendre plus d’un. Dans ce long voyage du

monde des livres, l’histoire n’est pas finie, elle continue à forger autour d’elle de nouvelles

voies, des identités plurielles, d’autres générations transformées et transformant ainsi le

cours des choses et des livres, en somme, l’aventure continue…

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Certains auteurs dont Marshall Mac Luhan ont trop viteannoncé le déclin de l’industrie du livre…Cette sentencea été démentie par l’essor continu du livre. En réalité, ilfaut voir le livre sous trois facettes distinctes : Objet mar-chand, Objet d’art et objet de culture. Le livre ainsi dé-fini doit occuper une place. A la fois matière et pensée,il doit être un support qui incarne la mémoire des civilisa-tions. Le livre assure la liberté de l’individu, développeson jugement, son esprit et son goût. C’est pourquoi, onpeut parler du « monde des livres » et que tout ce quitouche à son avenir concerne notre devenir collectif.Dans une période de transformations importantes, lesévolutions des métiers sont permanentes. Toutefois, cin-quante ans après l’indépendance, l’édition en Algériedemeure le maillon faible de la politique culturelle. Lamise en place d’une politique éditoriale à la faveur desdispositions légales relatives au passage à l’économie demarché laissait espérer la naissance d’un véritable pro-gramme de formation éditoriale…Sa mise en place sup-pose la conjugaison de trois facteurs : une volonté politi-que de l’état, une législation spécifique du livre, une re-connaissance de l’activité en tant que secteur à déve-lopper. Cependant, un examen attentif des différentsprojets montre la préoccupation des autorités qui se tra-duit par une importation d’ouvrages. Ces efforts ne dé-bouchent pas sur la création d’infrastructures, ni sur laformation de la main d’œuvre. Le problème de l’éditionn’est pas né au lendemain de l’indépendance. Il est lié àl’évolution historique du pays. La période coloniale étaitmarquée par un véritable monopole de l’édition métro-politaine sur le commerce colonial du livre. Cet état defait poussera l’Algérie à rester tributaire de la France dansles importations puisque le marché du livre était sous lemonopole de Hachette. La création de la SNED en 1966allait mettre fin aux activités de distribution de cettemaison. Dans un monde en pleine mutation, l’édition atoujours tenté de répondre à être le reflet de la créationintellectuelle offerte à un plus grand nombre de lecteur.Cependant, la tutelle de l’Etat se limite aux dispositionsjuridiques. Tout ceci découle de l’absence chroniqued’une véritable politique éditoriale, ce qui engendrel’inexistence d’une planification. Ceci se répercute surla production, ce qui provoque la disparition de beau-coup de maisons d’édition. L’Algérie qui compteaujourd’hui près de 38 millions d’habitants continue àtrainer un fort taux d’analphabétisme dépassant les 17%(ONS, 2010) ; mais cela ne saurait expliquer les mauvaisrendements du secteur éditorial. Ce dernier subi la crisede l’économie. La forte dévaluation du dinar amorcéeen 1990 et la politique d’ajustement structurel appliquéepar le FMI, a conduit à la dissolution des entreprises éco-nomiques. L’année 1990 va permettre à l’Algérie de s’en-gager dans un processus de réformes globales qui ontpermis au secteur privé de s’installer en force. Créationde l’association des éditeurs en 1989 qui devient le syn-dicat national des éditeurs de livres. En effet, en douzeans d’existence, la SNED était parvenue à se doter d’unréseau de 34 librairies dont 24 implantés à Alger… Déssa création la SNED subit le manque de moyens maté-riels et l’absence de professionnels, ce qui limita sesactions…Sa production entre 1966 et 1983 n’a jamaisdépassé les 50 titres. Son activité s’est beaucoup orien-

tée vers l’importation. La crise économique de 1986allait être fatale pour la santé de l’entreprise. A par-tir de 1970 de nouvelles structures éditoriales ontété créées. Parmi celle-ci l’OPU. Cette entreprisedevait reposer sur les publications universitaires. Al’image de la SNED, l’OPU a failli à sa mission. Safaible production ne lui permettait pas de prendrela place de leader sur le marché intérieur. Pour l’an-née 2000/2001, seulement 37 titres nouveaux et 43titres en réimpression ont été produits soit un totalde 80 titres. L’année 2009, 83 titres nouveaux enarabe et en français et 112 titres en réimpressionont été produit soit un total de 195 titres. L’année2010, 114 titres nouveaux et 133 en réimpression,soit un total de 227 titres. Quant au premier semes-tre 2011, il y a eu 68 titres nouveaux et 51 en réim-pression soit un total de 119 titres. Le tirage mini-mum est de 1000 exemplaires par titre. A noter quel’office complète sa production par l’importationde livres scientifiques à destination des étudiants.En 1982, avec la restructuration des entreprisespubliques, la SNED fut scindée en 4 entreprises :l’ENAL, l’ENAMEP, l’ENAG et l’ENAFEC. Cette res-tructuration avait pour but de donner un nouveausouffle à l’édition. Mais la réalité est tout autre. Elleavait donné naissance à des structures dépourvuesde moyens humains et matériels. L’ENAL était lasociété qui avait le plus souffert de cette restructu-ration, puisqu’elle avait hérité d’un sureffectif de400 personnes et d’une dette contractée par laSNED. Ces problèmes allaient engendrer des effetsnégatifs sur l’édition. L’une des conséquences decette baisse était liée aux problèmes financiers. Ace titre, le budget qui était évalué à 11 milliards decentimes en 1983, n’avait pas dépassé 03 milliardsde centimes en 1993. Le désengagement financierde l’Etat, le taux d’intérêt très élevé pratiqué parles banques avaient achevé l’édition en Algérie.L’année 1986, marquait la rupture du gouverne-ment dans l’effort économique. La dégradation bru-tale des hydrocarbures avait induit une chute verti-gineuse des devises ce qui a poussé l’Etat à instau-rer la récession économique dans le secteur du li-vre. La SNED s’effondre, laissant derrière elle unstock d’invendus et des arriérés. Le constat n’estque trop dur, l’on arrive finalement à la dissolutionde la SNED. Au lendemain de son indépendance,l’Algérie a hérité de la chute de la production intel-lectuelle causée par la désertion des maisons d’édi-tion par les européens…Il existait en Algérie 03sphères principales : Les arabophones,berbérophones et les francophones. Ces sphèresconstituaient une barrière linguistique qui fragmen-tait le marché et engendrait une édition à petiteéchelle. Elle est amère, mais les professionnels n’hé-sitent pas à énoncer la sentence que le livre va malen Algérie…il apparait donc nécessaire d’examinerla situation du livre en impliquant tous les acteurs…

Revue RIST (Revue d’Information Scientifique et

Technique), 2011, vol. 19, N°2

Problématique de l’édition dans les pays de la rive sud

de la Méditerranée : Cas de l’AlgérieTerrar Abdelkrim, Amerouali Youcef

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La scène nationale s’est émue

de la présentation devant le Parle-ment du projet de loi organisant lemarché du livre. Cris d’orfraies… ontjailli ici et là. Un poète a même me-nacé d’aller publier ses chefs-d’œuvre à l’étranger..Cela dit, cesréactions marquent l’importance del’événement. Même si, dans l’affaire,le quidam, n’a qu’une vague connais-sance des aboutissants d’une telleloi. En fait, ce texte consacre uneconstante de la politique culturelleen Algérie, celle d’une centralisationinstitutionnelle et d’un encadrementlégislatif avec son corollaire pénal dis-suasif. Cependant, force est de re-connaître qu’une réglementation del’activité de production du livre a étémaintes fois réclamée par les inter-venants de la chaîne du livre. Malgréquelques textes législatifs et unesérie de mesures ponctuelles, le sec-teur a jusqu’ici pâti d’un affairismeeffréné...Le projet procède d’unevolonté d’encadrer le secteur, d’oùla multiplication des autorisations né-cessaires à l’importation de livres,aux dons, à l’organisation de mani-festations dédiées au livre, à l’ouver-ture de bibliothèques privées, etc.Ces dispositions sont pour beaucoupperçues comme liberticides puis-qu’elles donnent toute latitude àl’autorité administrative d’accorderou non l’autorisation sollicitée, ce quipeut servir à l’occasion de prétexteà des velléités de censure. Il fautnéanmoins reconnaître qu’uneréelle restructuration de la sphère dulivre doit passer par un assainisse-ment de ce secteur où plus de 1100sociétés, enregistrées au Centre na-tional du registre de commerce(CNRC) en 2012, disposent de l’acti-vité d’édition comme l’une de leursraisons commerciales, alors que seu-les environ 350 d’entre elles ont im-primé ou édité un ouvrage ou unopuscule. Les résultats définitifs durecensement économique de 2011donnent pour leur part le chiffre de221 éditeurs (195 du secteur public,25 du secteur privé et un autre). Maisil est certain que l’enjeu de dévelop-pement de la production nationale,quantitativement et qualitative-ment, ne peut être couvert par les

seules dispositions d’un texte orga-nique si des mesures économiquesstructurelles ne sont pas prises, no-tamment en ce qui concerne le sou-tien au prix des entrants qui inter-viennent dans la production et lacommercialisation du livre. Des me-sures d’abattement fiscal d’accom-pagnement pour la facilitation de lapromotion, de la diffusion et de l’ex-portation du livre (prévues par l’arti-cle 26) devraient être prises dans lesplus brefs délais pour donner des si-gnaux forts aux professionnels dusecteur. L’article 16 qui proposed’ouvrir l’édition et la commerciali-sation du livre scolaire aux compé-tences nationales en permettant auxéditeurs d’avoir un égal accès à lacommande publique pourrait cons-tituer une des prémices d’un vérita-ble plan Marshall pour l’édition. Carsi la transparence, la concurrencedémocratique basée sur la compé-tence et la qualité sont respectées,cela aura nécessairement des effets

induits immédiats. Avec 67 mil-lions d’exemplaires par an etplus de 170 titres, le livre sco-laire donnerait à beaucoupd’éditeurs une assise économi-que telle qu’ils pourraient in-vestir sur des collections et desouvrages à rentabilité plus lenteet plus risquée comme cela alieu dans de nombreux pays. Cesegment parviendrait à géné-rer une véritable émulationchez les concepteurs de ma-nuels, tout en offrant unegamme variée de produits dé-rivés qui forment aujourd’hui legros de la production parasco-laire qui prolifère mais dont laqualité laisse souvent à désirer.Les articles 27 et 28 qui favori-sent l’existence des librairies deproximité par la priorisation dela commande publique pour-ront permettre sans conteste lemaillage national de l’offre delivres, à condition que les ré-

Le projet de loi sur le livre :

les échos d’un texte

Hadj Miliani

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seaux de distribution soient unifiés,pour que le maximum d’ouvragesparvienne dans chaque librairie auxquatre coins du pays. Avec la propo-sition de consacrer le principe duprix unique, cette disposition atté-nuera la véritable fracture du livre quiexiste bel et bien aujourd’hui en Al-gérie. Cet encouragement ne doitpas succomber à l’ansejisation (Ndlr: néologisme de l’auteur renvoyantà l’Ansej, agence nationale de sou-tien à l’emploi des jeunes) du métierde libraire, sachant qu’il présupposeune vraie formation et une culturede la gestion dynamique, ce que leprojet prend en ligne de compte, enpartie, puisque dans son article 54 ilouvre la perspective de la formationet invite à la création d’établisse-

ments dédiés aux métiers du livre. Ily a à l’évidence dans ce projet quel-ques vœux pieux, notamment dansle développement de la lecture pu-blique et l’encouragement de celle-ci dans les établissements scolaires(article 47), les prisons et hôpitaux(article 48). Ce sont, bien entendu,de grands chantiers qui, pour trou-ver une traduction sur le terrain, doi-vent être intégrés dans une politiquedes programmes scolaires et univer-sitaires. Google a depuis un bon mo-ment déclassé la bonne bibliothèqued’antan, aussi bien chez les élèveset étudiants que chez un bon nom-bre d’enseignants. Enfin, toute lapartie consacrée au livre numériquea le mérite de mettre en place uncadre législatif, même si sa réalitééconomique dans notre pays est en-core confidentielle. Quant à la ques-tion de la labellisation, c’est davan-tage une future pomme de discordequ’un instrument opératoire établipour la dynamisation du secteur dulivre. Nous remarquons enfin que latraduction est le parent pauvre desdispositifs de soutien que les pou-voirs publics veulent mettre en

œuvre, vu la faiblesse criante de cesecteur et la dépendance dans la-quelle se trouvent les demandeursinstitutionnels (institutions éducati-ves et techniques) et le public. L’édi-teur Lazhari Labter avait estimé que,de 1983 à 2011, seuls 346 ouvragesavaient été  traduits en Algérie. Cedomaine est à la fois stratégiquepour démultiplier l’offre de livre, no-tamment en arabe, et nécessairepour élargir la promotion de la pro-duction nationale (au Moyen-Orient,en traduisant vers l’arabe et, en Eu-rope, dans les langues de ce conti-nent). A l’exemple de l’Egypte qui apu entreprendre, avec le soutien del’Union européenne, un vaste pro-gramme de traduction, l’Algériepourrait booster son industrie du li-

vre en initiant un pro-gramme de traduction àlong terme (en évitantsurtout les opérationshâtives et bâcléescomme ce fut le caspour beaucoup de tra-ductions de l’arabe aufrançais comme en2003, lors de «L’Annéede l’Algérie enFrance»). Ce projet deloi, qui suscite un a prioriméfiant chez des pro-fessionnels du secteur,

devrait permettre un véritableéchange et inciter la représentationnationale, qui aura à l’examiner, àécouter en premier lieu les acteursdu terrain : écrivains, éditeurs, impor-tateurs, libraires, bibliothécaires, tra-ducteurs, usagers divers, aussi bienau cœur de la capitale qu’au plus loinde l’Algérie profonde. Ce serait legage d’un vrai débat démocratiqueet une manière de contribuer à enri-chir un projet stratégique. La pre-mière manifestation hostile au pro-jet de loi sur le livre a sans doute étécelle du SNEL (Syndicat national deséditeurs de livre) qui regroupe unepartie seulement de la profession.Un communiqué de son Président,non daté mais transmis par Internetle 8 octobre, soit neuf jours après latenue du Conseil des ministres du 30septembre où le projet était inscritau sixième point de l’ordre du joursous l’intitulé officiel suivant : «Pro-jet de loi relative aux activités et aumarché du livre ayant pour objet dedévelopper et d’encourager l’écri-ture, la production et la commercia-lisation du livre produit en Algérie etde favoriser sa promotion et sa dis-

tribution». Pour le SNEL, ils’agit d’un «texte de loi punitifet préjudiciable au citoyendans ses droits constitution-nels». Il ajoute que «ce projetest en contradiction totaleavec le niveau socioculturel ethistorique de l’Algérie qui mé-rite après des réalisations his-toriques importantes à avoirune loi du livre équivalente aumoins aux lois du livre des paysarabes ou occidentaux». Unenotion d’équivalence pour lemoins confuse. Le SNEL af-firme que le projet «éliminecomplètement le statut de lasociété civile, dépasse les di-rectives de l’Etat en ce qui con-cerne le dialogue social, en-traîne le pays à l’époque de l’ar-riération et de la supervisionbureaucratique et le contrôleadministratif sous-dévelop-pés». Enfin, il appelle les repré-sentants du peuple dans lesdeux chambres du parlement,«à prêter attention à ces ris-ques majeurs, qui sont inclusdans ce projet…».On note éga-lement la réaction de l’éditeurBoussad Ouadi, dans un mail du19 octobre où il écrit : «Plusieursdispositions de ce texte sont denature à mettre en danger ledéveloppement des métiers dulivre dans notre pays. Un espritcontraignant, répressif et at-tentatoire aux libertés indivi-duelles et collectives proté-gées par la constitution, imprè-gne la plupart des articles de ceprojet. S’il venait à être adoptéen l’état, cela constituerait unegrave régression pour la cul-ture et divers domaines de lavie sociale. De l’écrivain auxéditeurs, imprimeurs, libraires,bibliothécaires, scolaires etuniversitaires, personne n’estépargné par l’épée de Damo-clès que constituerait cetteloi». Il y joint le texte de la loiassorti d’une critique, articlepar article, et conclut : «Il estencore temps d’annuler cetexte et procéder à une con-certation élargie avec tous lesacteurs des professions du li-vre».

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Dans un pays du tiers-monde où les préoccupations des citoyenssont foncièrement d’ordre de survie matérielle, l’on ne peuts’étonner que le nombre de lecteurs soit bas. Cependant,l’Algérie peut se vanter d’avoir eu une période de volontépolitique de développement aussi bien culturel qu’industriel,compte tenu de la jeunesse de la nation. Néanmoins,concernant ces dernières décennies, la politique de promotionde la lecture en Algérie est faible pour ne pas dire inexistante.Les étagères des bibliothèques se voient aussi peu occupéespar les livres que les bibliothèques elles-mêmes par d’éventuelslecteurs. On peut aussi déplorer l’absence d’enquêtessociologiques sur le phénomène de lecture dans le pays,d’études qui nous fournissent des chiffres sur le taux de lecteursou encore sur la signification de la lecture dans la sociologiealgérienne. On peut bien citer les chiffres du Centreinternational de conseil et d’études économiques qui nousannonce un taux de 6,8% de lecteurs en Algérie. Mais il importede rester prudent sur la plausibilité de ces chiffres vu le peu derapport entre le domaine de compétences de ce centre  et lethème abordé. Le directeur de la Bibliothèque nationale,Azzedine Mihoubi, reste, quant à lui, convaincu qu’il n’y a pasde crise de la lecture en Algérie. C’est du moins le contenud’une déclaration qu’il a faite au cours d’une conférence animéeau forum du quotidien arabophone El Djoumhouria à Oran.Selon lui, il y a même une sur-demande de la part du public quine peut être satisfaite par les capacités de la BN, comme celapeut être le cas d’une bibliothèque municipale. Il a ajouté qu’unintérêt croissant pour les ouvrages historiques est à noter dansle pays. On peut se souvenir de l’article dans le MondeDiplomatique de juillet 2013 qui nous fait état d’une importanterecrudescence d’édition d’ouvrages relevant de l’histoire de la

guerre d’Algérie ; il s’agit principalement de témoignagesd’acteurs encore vivants de la révolution algérienne. Lahausse de l’intérêt pour ce type d’ouvrage est à constaterautant du côté de l’édition que du lectorat. Ce quis’accorde avec le reste de la déclaration du directeur dela BN. Malgré tout cela, on ne peut pas considérer quel’activité de lecture soit vraiment en hausse en Algérie.Les partenaires de l’édition autant que la politique nesont pas vraiment efficaces pour pouvoir élever la lectureau rang d’activité phare. La circulaire interministérielleconsiste en la réintroduction de la lecture dans lesprogrammes scolaires, voire à la rendre obligatoire. Bienentendu, son application attend toujours que les despouvoirs publics dégagent les fonds livresquesnécessaires à son aboutissement. On peut donc déplorerun simulacre de politique culturelle du livre, où même lalecture de la révélation divine du Coran se pratique demoins en moins. Il est à noter que ce recul de la lectureest en partie une conséquence du développement desnouvelles technologies, notamment d’internet, du moinsselon certains courants de pensée. Mais on peut tout demême s’interroger sur la véracité de cette thèse. En effet,si l’on venait à se référer à une étude menée en Francepour ce même sujet, il y est rapporté aussi une certainebaisse du taux de lecteurs, mais les internautes restentcependant majoritairement de plus grands lecteurs queceux qui ne fréquentent ni ordinateurs connectés àinternet ni bibliothèques et encore moins les librairies.Le sujet est en fait complexe autant à étudier qu’à faire

évoluer.                   

RECUL DE LA LECTURE EN ALGERIE :le livre perd du terrain

Nedjma M.K.

« Dans le monde d’un chat, il n’y a pas de ligne droite », KatebYacine. Quel rapport entretient l’écrivain à l’identité, plutôtaux identités, qu’il incarne? Ici, je fais allusion aux écrivainsvisionnaires, dont les écrits sont habités par les questionne-ments et les incertitudes fécondes. L’écrivain, par définition,est le témoin de l’histoire individuelle et collective. Par la trace-tatouage, par l’écrit-l’encre ou par le calame-mythe. Il est leporteur, le destructeur, le démonteur, le monteur des identi-tés. Toute identité est une naissance en ébullition continue. Iln’y a pas d’identité finie. Toute identité est en état de décom-position et de recompositions perpétuelles. La mort et la ré-surrection. Tout sentiment d’autosuffisance dans l’apparte-nance à une identité signifie la mort annoncée de cette der-nière. Dans l’acte de l’écriture éveillée, celle qui  resserre enelle le sacré et le profane, l’identité dans ses dimensions  lin-guistique, morale, imaginaire, symbolique… vit une situationde viol toléré. Elle est profanée et protégée. L’identité, dans sapluralité, ressemble à notre ombre. Comme l’ombre, en vo-lume et en éclairage, en permanence elle est variable. Et celadépend de son orientation vis-à-vis du soleil. Selon l’angle deson exposition, sa position vis-à-vis d’elle-même ou  vis-à-vis duciel.  Selon la nuit, celle de la pleine lune ou celle qui est aveu-gle ! Selon l’œil de celui qui la regarde. Elle est grande au petitjour. Insignifiante ou presque à l’heure du zénith. Elle refaitson apparition au pied de notre pied dès le début de l’après-midi. Mais dans toutes ses transformations, ses mutations, sesmétamorphoses, l’ombre est là. Elle est notre peau. Elle nousguette, nous suit, nous la suivons. Mais il n’y a pas de moi sansombre ! Et, il n’existe pas d’ombre figée. L’identité est unmoment de vibration continue et incessible. Nous traversons

de multitudes d’identités, en même temps, et nous som-mes les faiseurs de la genèse d’un éclot pluriel. Nousappartenons, en même temps à une multitude d’identi-tés, et nous forgerons une multitude d’identités… Leparcours tortueux et spiral de l’identité ressemble à ce-lui du chat de Kateb Yacine. Les identités sont nomades.Elles sont nées sur le dos de tous les vents des malheurs.Elles demeureront dans la gueule de l’aventure humaineet naturelle.  La notion du constant est une illusion ! Toutse transforme. Tout  change, se change et nous change !Et il n’existe pas d’homme figé dans une seule identité!Il n’y’a pas de mémoire sellée, ni d’imaginaire encagé.Les identités sont en voyage, dans la violence commedans la paix. Les hommes aussi. Qui suit qui ? Qui engen-dre qui ? Les langues, peaux des identités,  se croisent,se polluent, se haïssent, s’aiment et se chuchotent ! Dansleur conflit, elles deviennent hospitalières. Les culturess’hybrident. Les religions, l’autre peau des identités,tuent, en faisant leurs salles guerres,  créant le bonheurillusionniste  et semant la peur ! Et les identités conti-nuent leur parcours du nomadisme perpétuel. Les écri-vains sont les porteurs de valises ! Si les religions, à tra-vers les siècles, étaient, et elles le sont toujours, porteu-ses de guerres et de haines, la bonne littérature, parcontre, elle  est, et elle l’a toujours été, médiatrice, ma-trice et prophétesse des identités nomades et plurielles.

Les écrivains et les identités nomadesAmine Zaoui

31 Octobre 2013

22 Octobre 2013

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NRP, Décembre 2013, n°19

DOSSIER

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02 Juillet 2013

Ameziane Ferhani

Algérie : générations BD

Écrire un livre sur la bande dessinéealgérienne, j’y avais pensé plusieursfois. Il a fallu qu’une éditrice,Dalila Nadjem, également commis-saire du Festival international de labande dessinée d’Alger, me le pro-pose pour que cette velléité se trans-forme en projet, puis en rêve et encauchemar à la fois. Rêve de trans-mettre ma vieille passion pour le9e art et de rendre hommage à cesmerveilleux et courageux créateursque j’ai parfois accompagnés dansleurs aventures individuelles ou col-lectives. Cauchemar de ne pas dis-poser de véritables archives culturel-les, si ce n’est quelques références,tel l’ouvrage de mon confrèreLazhari Labter (Panorama de labande dessinée algérienne 1969-2009, Lazhari Labter Éditions, 2008),et de devoir faire un travail de re-constitution parfois fastidieux. Maisce qui m’a passionné dans cette en-treprise c’est de proposer un par-cours de la bande dessinée qui s’in-tègre dans l’histoire culturelle dupays et d’établir des passerelles avecles autres disciplines. Pour qui con-temple l’histoire de notre BD, deuxconstats sautent aux yeux. Le pre-mier est qu’elle est la seule à êtrenée après l’indépendance, si l’onconsidère que les premières plan-ches publiées furent celles deMohamed Zebda, dit Aram, Naar, unesirène à Sidi Ferruch, dans les pagesd e l ’ h e b d o m a d a i r eAlgérie Actualités, en 1967, et le pre-mier album paru celui de Slim,Moustache et les frères Belkacem, en

1968. Avant ces deux créations fon-datrices, on peut citer quelques pré-curseurs, surtout dessinateurs depresse, Ismaïl Aït Djafer etSaïd Zanoun, et l’enlumineurOmar Racim, au début du XXe siècle,dans une publication del’émir Khaled. La deuxième particu-larité de notre BD, dans ses conte-nus et ses formes, est d’être intime-ment liée à l’histoire post-indépen-dance du pays et à son évolutionsociopolitique. Une sorte de miroir,évidemment déformant, mais telle-ment représentatif. La générationdes pionniers mérite une reconnais-sance appuyée tant son engage-ment et sa persévérance furent ad-mirables face aux adversités, sou-vent cruelles, parfois tragiques,comme la décennie noire, au coursde laquelle certains perdirent la vieet où la plupart des autres durent soits’exiler soit cesser de publier. Pourcréer une bande dessinée nationale,ils disposèrent du soutien de certainstitres de presse, puis de celui, déci-sif, de la revue M’Quidech (1969-1974), formidable tremplin de diffu-sion mais aussi école et pépinière.L’arrêt brutal de cette revue, mêmesi ces pionniers ne renoncèrent pas,ouvrit une première période de dé-sespoir. Dans les années 1980, le Fes-tival de BD de Bordj el-Kiffan, prèsd’Alger, prit le relais, organisant lespremiers échanges internationaux,ce qui valut aux auteurs algériensune reconnaissance internationale.La fin de ce festival et le début d’uneère d’instabilité et de violence ame-

nèrent les bédéistes à s’enga-ger dans la lutte contre l’inté-grisme, notamment à traversles journaux satiriques commeEl Manchar (« La Scie »).D’autres, exilés, se manifestè-rent dans les journaux et re-vues à l’étranger, tandis que ledessin de presse prenait sonessor avec la naissance desjournaux indépendants. Lesannées 2000 marquent l’arri-vée d’une nouvelle généra-tion, née et élevée durant latragédie nationale, entrée enBD via les dessins animés, es-sentiellement asiatiques, diffu-sés par la télévision algérienneet dont l’audience a été ampli-fiée par l’arrivée massive desparaboles. Il n’est donc pasétonnant que les premiers jeu-nes auteurs à se manifester fu-rent les ­ « ­dz-mangas », créantune maison d’édition et unerevue, Laabstore. Mais c’estavec la création du Festival in-ternational de la BD d’Alger, en2007, que cette dynamique apris de l’ampleur, rendant hom-mage aux pionniers (dont plu-sieurs demeurent créatifs) etaccompagnant l’éclosion dejeunes talents à travers des cy-cles de formation menés pardes bédéistes européens.Deux promotions ont ainsi vule jour et une troisième est enformation, préparant, commeles précédentes, ses premiè-res publications. Par leuraudace et leur fraîcheur, lesnouveaux bédéistes, dontbeaucoup de jeunes femmes(proportionnellement plusnombreuses que leursconsœurs européennes), ontinspiré le sous-titre de monouvrage : « Et l’aventure conti-nue »... Une aventure qui in-carne l’immense potentiel ar-tistique qui couve en Algérie etcommence à se montrer.

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NRP, Décembre 2013, n°19

[ECONOMIE]

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El Kadi Ihssan

-L’enquête de l’ONS sur l’évolution des dépenses desménages a fait du foin cette semaine : 

Beaucoup de réactions dans le microcosme deséconomistes. A commencer par celle d’un membre ducomité de pilotage de Nabni, qui soupçonne l’ONSd’avoir oublié de déflater le dinar de 2011 par rapport à

celui de 2000. Car un triplement de la dépense desménages en 10 ans paraît, en effet, assez invraisemblable.D’autant que le gonflement de cette dépense s’estencore accéléré après 2011, date à laquelle s’arrêtel’enquête décennale de l’ONS - rendue publique à lalimite de 2014 ?- l’effet «préventif» du printemps arabeéchappe aux conclusions. Il y a ensuite les inévitablescritiques méthodologiques. Plusieurs spécialistestrouvent impertinent le découpage de l’ONS de lapopulation algérienne par déciles (tranches de 10%) pouraboutir à la conclusion que les deux déciles qui ont leplus de revenus dépensent 40% du total et 7,4  fois plusque le décile le plus défavorisé.

De même, la comparaison des disparités entre milieurural et milieu urbain (où elles sont, bien sûr, plus fortes)n’est pas jugée très parlante. Il faudrait cependantaccéder au document complet de l’enquête - et non passeulement à la dépêche de l’APS qui s’est emmêlée lescolonnes- pour pouvoir mieux évaluer  la pertinence del’approche. Il est vrai cependant que nous n’avions peutêtre pas besoin d’attendre -aussi longtemps- lesconclusions d’une enquête de l’ONS pour savoir que laconsommation des ménages a explosé en Algérie durantles 12 dernières années. Il y  a, bien sûr, plusieursindicateurs saisonniers qui nous le rappellent. Celui del’évolution des importations, hors plan d’équipement del’Etat et commandes d’entreprises, est le plus probant.

Mais il y en a un autre qui est intuitif. Sensoriel dansl’espace public. L’envahissement de l’Algérie par les

déchets ménagers. Bien sûr que la dépense des ménagesa fortement augmenté. Cela peut d’autant se calculer àl’évolution du rythme de croissance de leur productionde déchets quotidiens que la part de l’alimentaire estrestée particulièrement forte dans la dépense desménages. A plus de 50% chez les plus modestes. Il y a làl’occasion de disserter sur la non-émergence desdépenses de loisirs dans un pays qui, entre jeunesse dela population, urbanité et profondeur de territoire, a tousles ingrédients pour se divertir plus et dépenser mieux.Mais restons sur le cataclysme environnemental que lacroissance rapide de la production des déchetsménagers a provoqué sur les paysages algériens, villeset campagnes réunies.

Le triplement supposé de la dépense des ménages auraitdû être une prospective à lancer en 2006-2007, lorsqu’ilétait devenu clair que le mode de consommation dupays allait être brutalement chamboulé par la haussedurable de ses revenus énergétiques.

L’ ONS, ou un autre organisme, aurait prévenu legouvernement du (entre autres risques), tsunami desdéchets ménagers, liés à la forte croissance de leurconsommation domestique. Et peut-être alors que

l’architecture du gouvernement à partir de 2008 auraitchangé. Pour faire du ministère de l’Environnement, dela Ville et de l’Aménagement du territoire un peu plusqu’un ministère. Un pivot des politiques publiques desprochaines années. Car, de tous les risques que cetteenquête de l’ONS révèle, celui de la disparité des niveauxdes dépenses n’est pas le plus immédiat. L’écart se seraitmême réduit entre riches et pauvres par rapport à ladécennie précédente. Le risque majeur est bien l’impactenvironnemental de la déferlante des déchets ménagers

de plus en plus volumineux. Ingérable.

Dépenses des ménages :

l’ONS «découvre» pourquoi l’Algérie croule sous les détritus

11 Novembre 2013

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NRP, Décembre 2013, n°19

[ECONOMIE]

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Samira Bourbia

En dépit des efforts déployés par l’Etat pour minimise lesrisques d’atteintes à l’écosystème, la politique de Gestiondes déchets industriels fait défaut en Algérie. Un travailde longue haleine, dont les résultats seront constatésd’ici plusieurs années. D’ailleurs, sur les 13 millions detonnes de déchets générés annuellement, 60% sontrecyclables. Mais par faute de moyens et decompétences nationales qualifiées, l’Algérie alourdie safacture de traitement et d’élimination des déchetschimiques par leur acheminement vers l’étranger.

D’ailleurs, le Centre national des technologies deproduction plus propre (CNTPP) figure parmi les rarescentres nationaux chargé d’appliquer unprogramme gouvernemental lié à lagestion des déchets.

L’Eco : la politique de gestion desdéchets industriels en Algérie faitdéfaut. Avec la création de votre centre,le ministère de tutelle tente de rattraperle retard. Quel est votre plan d’action ?

Moussa Belkacem : Le Centre nationaldes technologies de production pluspropre a été créé en 2002, dont lamission principale consiste en laréduction de la pollution et desnuisances industrielles à la source. Sesautres objectifs sont la mise en œuvrede la politique nationale de la protectionde l’environnement dans le milieuindustriel.

Nos actions se résument, principalement, àl’interventionau niveau des entreprises, afinde les assister et mettre àleur dispositiontoutes les informations concernantlestechnologies de production plus propre.

C’est après l’élaboration du programme que le centre acommencé à activer concrètement, en 2008. Nous avonspu nous positionner sur le marché de l’accompagnementdes entreprises à la certification. Et également formerplus de 2 000 délégués en environnement pour lesdifférentes entreprises.

Ce sont des cadres formés pour exercer ausein desentreprises industrielles et qui répondentà la principaletâche de protéger l’environnementde l’entreprise. Enplus nous projetonsd’aider les entreprises à s’adapterauxtechniques et méthodes de protectionenvironnementale.

Sans oublier la démarche de lapréparation de contratsde performance entreles entreprises industrielles et le

ministère de l’Environnement, qui vise à apporter sonsoutien à ces entreprises pour appliquer les différentsengagements et textes de loi.

Comment comptez-vous introduire leconcept deproduction propre dans lesentreprises industrielles ?

C’est un concept qui entre dans le processusdeproduction de l’entreprise. Parmi lesmesures deproduction, l’efficacité maximaleavec le moins dedéchets possible. Pour cela,nous devrons faire un choixde la matière premièrequi génère le moins de déchets. Ilfaut également rationnaliser l’utilisation des

ressourcesnaturelles telles que l’eau qui esttrèsdemandée par les industriels en tant que générateurd’énergie, sans oublier que c’est une ressourcesubventionnée par l’Etat. Si ce dernier décide d’arrêterles subventions, les industriels éprouveront desdifficultés à supporter le coût de cette énergie. Parailleurs, concernant le processus de production, nousagissons par la collecte d’informations sur lesexpérienceset les techniques réussies et disponiblesdans d’autrespays. Nous essayons, tant bien que mal, d’importer cestechniques afin de bénéficier d’une production pluspropre. En aval, nous visons, dans nos programmes, laréduction des déchets industriels à travers une démarchenouvelle, à savoir leurvalorisation à travers des processusde recyclage ou leur stockage intelligemment sans nuireà l’environnement.

Moussa Belkacem, ex-directeur général du CNTPP

« LA POLITIQUE DE GESTION DE DECHETS

INDUSTRIELS FAIT DEFAUT EN ALGERIE »

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NRP, Décembre 2013, n°19

[SOCIÉTÉ]

Dans la banlieue sud-ouest d’Alger,Tessala el-Merdja accueille depuiscinq ans les relogés des bidonvillesde la capitale. C’est l’histoire dupremier village socialiste agricole(VSA), inauguré en 1975 en grandepompe par le président HouariBoumédiène, accompagné de FidelCastro.… Tessala el-Merdja,bourgade de 150 maisons destinéesaux ouvriers agricoles de la Mitidja,à une trentaine de kilomètres au sud-ouest d’Alger, deviendrait une villede plus de 25 000 habitants,sacrifiant sa vocation agricole pourdevenir une zone d’activités, aprèsavoir troqué son statut de villagesocialiste contre celui de cité de lasolidarité.

Cinq ans à peine après soninauguration, le village avait accueilliune partie des sinistrés du terribleséisme d’El-Asnam (rebaptisé Chlef),survenu en octobre 1980, et avait vusa population tripler, à plus de 6000 habitants… Chaque fois que desimmeubles d’habitation étaientachevés, ils servaient à parer auxurgences dues aux catastrophesnaturelles qui ont frappé la côte :inondations à Bab el-Oued ennovembre 2001, tremblement deterre à Boumerdès en 2003. Puis estvenue la politique de lutte contrel’habitat précaire dans lacapitale.…C’est en effet à Tessalaque les autorités ont relogé,entre 2008 et 2012, 1 300 familles quivivaient dans des quartiers insalubresde la capitale : le Val d’Hydra àDoudou Mourad, les Zaatchas à SidiM’hamed ou encore Diar Es-Saada.

Parachutage

Les contacts entre les villageois etles nouveaux venus n’ont pastoujours été cordiaux. Les premiers,ruraux, conservateurs etgénéralement méfiants à l’égarddes citadins, ne supportaient guèrele «parachutage» des seconds, quivenaient occuper les logementsconstruits sur leur terre et quiauraient dû revenir de droit à leursenfants… Quant aux relogés,l’euphorie née du bonheur d’avoirenf in un toit s’est rapidementenvolée au fur et à mesurequ’apparaissaient les problèmes deleur nouvelle vie. Au premier rangdesquels l’éloignement desétablissements scolaires et lemanque de transports en commun...Les jeunes déplorent le déf icitd’infrastructures culturelles ou de

loisirs. «En quelques années, lenombre de mosquées est passé deune à cinq, mais Tessala n’a toujourspas la moindre salle de cinéma»,explique Oumeima, étudiante.Arrivée de Diar Es-Saada en 2009, ellea passé son baccalauréat l’annéesuivante dans l’unique lycée de lacommune. En matièred’infrastructures sportives, lamunicipalité ne dispose que d’unstade communal et de deux salles desport, pour une population d’environ13 000 jeunes de moins de 18 ans.

Plus grave : le manque de cohésionsociale. L’installation des relogéss’est accompagnée de nombreusesrixes, avec l’apparition de gangsd’adolescents aspirant à contrôlerleurs nouveaux territoires. De quoiprovoquer le ras-le-bol desautochtones. «Tout cela n’est qu’unvieux souvenir, assure Hamid Rabah,administrateur auprès du conseilcommunal. La ville disposeaujourd’hui d’une brigade degendarmerie et d’un commissariatde police.»

paradoxe

Mais d’autres problèmesempoisonnent la vie des relogés.Rachid, ancien du bidonville du Vald’Hydra à Doudou Mourad,reconnaît que son mode de vie a étébouleversé. «J’habitais un taudis,j’occupe aujourd’hui un F3 dans unecité agréable, avec toutes lescommodités. Mais j’ai un nouveauproblème : l’accès aux soins.» Eneffet, des trois centres de santé dontdispose Tessala, un seul estopérationnel. Les deux autres ontété transformés en logementd’astreinte pour les fonctionnaires.Les urgences médicales sonttransférées à l’hôpital de lacommune de Douera, distante deseulement 5 km, mais le mauvaisétat des routes complique lesévacuations sanitaires.

Le paradoxe de Tessala el-Merdja estque, bien que située à proximité del’autoroute est-ouest et de la rocadesud d’Alger, la cité est boudée parles transporteurs publics commeprivés. Sa chaussée défoncée et sespistes malmenées par les saisonspluvieuses découragent les taxiscollectifs et autres bus de desservirla commune. Rachid est techniciendans la Société d’exploitation deseaux d’Alger (Seeal), qui le dote d’unvéhicule de service. «Je suis un

privilégié, car tous mes voisins nedisposent pas d’une voiture. Or laplupart d’entre eux travaillent àAlger. Le seul arrêt de bus est del’autre côté de l’autoroute. Commeil n’y a pas de passerelle, ils risquentchaque matin leur vie en traversant.»Alors la mairie a lancé des travaux deréalisation d’une gare routière.Quant au problème de l’état desroutes, il devrait être réglé par leprogramme d’aménagementurbain. «Revenez d’ici à la fin de2014, s’engage Hamid Rabah, vousverrez le résultat.» Promesses en l’air? Rien n’est moins sûr.

En effet, située au coeur de laMitidja, Tessala el-Merdja et ses 2050 km2 de terres agricoles,désormais livrées au béton,séduisent les investisseurs. Legroupe Bellat, l’un des leaders del’agroalimentaire en Algérie, y ainstallé une unité de produits carnés.Renault Algérie y a investi 2 milliardsde dinars (18 millions d’euros) pourconstruire, sur 15 000 m2, sonmagasin central de piècesdétachées. «Cela n’assure pas leplein-emploi, aff irme Mounir,technicien du froid au chômage.Mais le fait que ces deux groupesaient choisi Tessala pour y investirdonne de l’espoir pour l’avenir.»

Le logement et l’emploi restent lesprincipales préoccupations deshabitants. «Les anciens n’en ont paseu, et les nouveaux en veulent plus»,témoigne Ammi Moussa. Même si lebudget de la commune a augmenté,il demeure insuffisant pour absorberla masse des jeunes chômeurs. «Lesdifférents dispositifs d’incitationnous permettent de recruterquelques dizaines de jeuneschômeurs, explique Hamid Rabah,mais en aucun cas de réduire notretaux de chômage chez les jeunespour le rapprocher du niveaunational, qui est de l’ordre de 20 %pour cette catégorie. Chez nous, ilest estimé à 30 % !»

En attendant, Tessala continue decroître. Des centaines de logementsdevraient être livrés d’ici à la fin de2014. De nouveaux relogés vontvenir grossir sa population, quidevrait dépasser les 30000 habitants en 2015. Et un secondlycée vient d’être construit, quidevrait ouvrir ses portes à la rentrée2014-2015.

Algérie : Tessala el-Merdja, ville de la seconde chance

02 Novembre2013

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NRP, Décembre 2013, n°19

[SOCIÉTÉ]

Ahlem B

02 Novembre 2013

«Wach, ya Moh, kich Kerâ Djdida

lyoum». Cette phrase décrit à elle

seule un phénomène très répandu

en Algérie. Le « Tqaridj » ou le

remplissage de bouteilles comme le

définissent plusieurs personnes est

un sport national dans lequel excelle

les Algériens et les Algériennes. Ce

terme décrit en effet l’état de ceux

qui s’intéressent plus à la vie d’autrui

qu’à leur propre vie.

Le « Tqauridj » est un terme du

dialecte algérien issu du néologisme

populaire. Ce terme décrit à lui seul

un phénomène très répandu dans la

société algérienne. Par le terme

« Tqaridj » nous entendons remplir

les bouteilles, mais pas avec de l’eau,

plutôt avec des informations sur la

vie des autres. Le « Tqaridj » est le

propre des individus qui s’intéressent

de près à tout ce qui se déroule

autour d’eux, chez le voisinage, chez

la famille, dans la rue ou au travail.

Les spécialistes du « Tqaridj »

passent le clair de leur temps à

chercher des nouveautés dans la vie

des autres, à la différence des

paparazzis qui en font un travail

rémunéré en allant en quête des

derniers rebondissements dans la vie

des people, les Kerâdjiya

s’intéressent à tout un chacun, mais

ne perçoivent pas de salaire pour leur

loisir favoris. «Tu as entendu la

dernière nouvelle, Sihem vient de

rompre avec Walid ». Par cette

phrase, le Kerâdji rempli une

bouteille, contenant l’information,

fondée ou pas, de la rupture de

Sihem. Une information qui même si

elle semble inintéressante, satisfait

l’envie de curiosité de celui qui

l’entend. Telle personne s’est

mariée, l’autre a divorcé, untel a été

licencié, un autre vient d’être

emprisonné ou encore décédé. Le

Tqaridj est la quête inlassable

d’histoires sur la vie des individus qui

nous entourent.

«Cette quête montre à quel point

l’humain peut se montrer

envahissant et curieux de connaître

avec précision tout ce qui concerne

la vie des autres, un défaut qui

dissimule une attitude voyeuriste»,

explique Mme Laloui, psychologue

clinicienne.

De quoi je me mêle ?

Autour d’un café ou durant la pause-

déjeuner, les filles qui se rencontrent

pour prof iter de leur break

n’hésitent pas à passer leur temps à

poser des questions sur telle

personne ou une autre pour savoir

ce qu’il y a eu de nouveau dans sa

vie ou encore évoquer les derniers

scandales à lesquels sont mêlés des

gens de leur entourage. Le Tqaridj

devient un loisir par excellence.

Combien d’heures sont dépensées

à s’occuper de la vie d’autrui ?

Combien de temps est ainsi perdu ?

Certainement bien plus que le

temps que nous prévoyant pour

travailler, accomplir de bonnes

actions et nous occuper de notre

petit monde à nous.

Le Tqaridj signe de frustration

Les auteurs du Tqaridj sont pour la

majorité des individus qui ne sont pas

satisfait de leur vie. Leur problème

réel est qu’ils ne trouvent pas une

façon utile pour investir leur temps.

Quand ils se rencontrent avec les

autres, c’est pour évoquer la vie des

autres et non leur vie car, cette

dernière leur semble tellement vide

qu’ils préfèrent se tourner vers les

autres. Malheureusement, leur

attitude dissimule un grand

sentiment de solitude et un vide

énorme. Pour échapper à cette

situation et guérir de ce vice qu’est

le Tqaridj, la personne doit prendre

conscience de son défaut. Avant de

parler, ne faudrait-il pas tourner la

langue sept fois et se poser la

question : que va m’apporter la

collection des histoires qui

concernent la vie des autres ?

Certainement, rien. Si vous êtes une

spécialiste du Tqaridj, dites-vous que

votre vie manque de fantaisie et que

vous devez remplir votre temps de

façon plus positive et utile.

Le Tqaridj à l’algérienneUn passe-temps ou une pathologie ?

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NRP, Décembre 2013, n°19

[DROIT]

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 Il s’est éteint le 15 août 2013 à Paris,tout près, dit-on, de la chambre oùVoltaire avait rendu l’âme. JacquesVergès, adulé par les uns, honni parles autres, vient de perdre sondernier combat. Ou peut-être de legagner, tant sa notoriété est grandeet son souvenir présent dans toutesles mémoires et plusparticulièrement dans notre pays,l’Algérie indépendante dont il avaitépousé la cause avec dévouementet conviction.

Qui était cet homme dont on parleaujourd’hui ? Il est né le 5 mars 1925 àUbon Ratchathani, au Siam(aujourd’hui la Thaïlande),de mère vietnamienne etde père français. ... Maisnous gardons le souvenir deVergès l’Algérien, lemusulman, époux deDjamila Bouhired, dont ilavait assuré la défense etqui est devenue un symbolede la lutte pourl’indépendance. ...

Qui était-il ? Un homme quia refusé toutecompromission, qui a refusél’injustice et l’hypocrisie dela société coloniale et qui alutté pour mettre fin auxpratiques avilissantes. Vergès étaitl’homme qui a mis au point etpratiqué une défense de rupture etqui a mené une vie de ruptures…Dans l’île de La Réunion pendant soncursus scolaire, il est bercé par lerécit des  «marrons», ces esclaves quiont préféré fuir et vivre dans lajungle, plutôt que de se plier aux loisiniques d’assujettissement qui leurétaient imposées.

De là va naître le désir de combattretoute forme d’injustice…

Après la guerre, Jacques Vergèss’oriente résolument vers lemilitantisme de gauche. Il s’inscrit auParti communiste français et devientmembre de l’Union internationaledes étudiants (UIE), ce qui lui permetde rencontrer les futurs leaders duTiers-monde. Mais très vite, il se sentà l’étroit dans ces appareilspolitiques. Sa soif de découverte etde liberté le pousse à rompre avecce qui, au f il du temps, devientconventionnel. Il termine sa licenceen droit et s’inscrit au barreau de

Paris. C’est ainsi qu’il découvre savocation d’avocat. Il entame alorsune carrière dont les étapes sontbien connues. Il est utile de signalerla réaction de cet avocat lorsqu’il futmis en présence de son premierclient dans une maison d’arrêt. Il sepose la question : l ’homme meressemble, il a comme moi une tête,deux bras, deux jambes, un cœur,un cerveau… Qu’est-ce qui fait que,contrairement aux autres et à moi-même, il ait pris le chemin de ladélinquance ? Tous ces événementsont contribué à faire du jeune Vergèsun défenseur des droits de l’homme

et un opposant à toutes les formesde domination.

.... Sa façon de raisonner est nouvelleet s’appuie sur la personnalité  dudélinquant, de son milieu social,plutôt que sur les faits qui passent ausecond plan. Elle annonce la futuredéfense de rupture dont Vergès sefera le théoricien et le championdurant le procès de Djamila Bouhiredet des combattants du FLN. Lorsqu’ildevient avocat, la lutte de Libérationnationale était engagée en Algériedepuis déjà trois ans. Dès le début,des tribunaux militaires sont installésà Alger, dont la compétence pouvaits’exercer jusqu’à prononcer la peinede mort. Ces juridictions, tenues pardes militaires, ne s’en sont pasprivées. On estime à 632 le nombrede condamnations à mort entre 1955et 1958, soit environ  une moyennede 10 par jour ! La guillotinefonctionnait continuellement dans lacour de la prison de Serkadji, à Alger.

Spontanément, un premier collectifd’avocats algériens s’est formé pour

défendre les militants du FLN, à leurtête le futur bâtonnier AmarBentoumi, et composé de AliBoumendjel, Ghaouti Benmalha,Nafa Rebbani et Hadj Hamou... Tousces avocats seront emprisonnés parla police coloniale dès le début de laRévolution pour les empêcher deplaider et de dénoncer. AliBoumendjel sera même assassiné.

En 1957, une bombe explose au Milk-Bar à Alger et deux autres à laCafétéria et au Coq hardi. Il y eut desmorts, des blessés, des Européenset aussi quelques Arabes. Djamila

Bouhired, 20 ans àpeine, est arrêtée àLa Casbah d’Alger.Elle est blessée aucours de sonarrestation. Elle estaussitôt incarcéréeet torturée dès sonadmission à l’hôpital.Elle est aussitôtaccusée d’avoir poséune bombe. Ledossier est confié parZohra Drif à JacquesVergès. Leurrencontre fut ledébut d’une longueamitié. Lorsquel’avocat est mis en

présence de sa cliente, DjamilaBouhired, dans le bureau du juged’instruction, il lui fait signe de setaire jusqu’à un accord entre eux surle type de défense à adopter. Et c’està l’occasion de ce procès que Vergèsmit au point le principe de la défensede rupture, principe auquel DjamilaBouhired souscrit immédiatement.Le principe s’appuie sur un constattrès simple : les juges du tribunalmilitaire n’étaient pas là pour juger,mais pour condamner. Les défensesprésentées jusque-là consistaient àflatter le tribunal, à évoquer descirconstances atténuantes, à mettreen avant la situation sociale, etc.   ...

Jacques Vergès propose dedénoncer, d’une part, la légitimitédes juges en faisant appel à l’opiniondes masses et des élites, et, d’autrepart, à continuer le procès en dehorsdes prétoires en éveillant l’opinionnationale et internationale des paysdits respectueux des droits del’homme … Dès que la sentence demort fut prononcée, DjamilaBouhired partit d’un grand éclat de

Jacques Vergès, une vie de ruptureNadir Bekkat

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NRP, Décembre 2013, n°19

[DROIT]

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rire provocateur, qui signifiait lavanité de cette décision et aussi laconf iance qu’elle avait en sondéfenseur. Jacques Vergès se met àutil iser tous les moyens pourempêcher l’exécution de ladécision…

Après l’ indépendance, JacquesVergès rentre en Algérie et devientconseiller du premier président dela jeune République algérienne … Ilrencontre à nouveau DjamilaBouhired et pour la première fois endehors du milieu carcéral ou d’untribunal. Il l’épouse après avoirofficialisé son nouveau prénom deMansour et s’être converti à l’Islam.Nouvelle rupture.

Il quitte alors le barreau et s’investittotalement dans le militantismeanticolonial et tiers-mondiste, ce qui

le rapproche des idées d’extrêmegauche, idées qu’il a d’ailleurs detout temps défendues. Il crée unhebdomadaire avec l’aide de DjamilaBouhired et de Zohra Drif :Révolution africaine, revue quiobtient immédiatement beaucoupde succès. Il va dès lors représenterl’un des visages les plus connus dusocialisme. La revue ouvre sescolonnes aux écrits des militantsanticolonialistes de l’époque,comme Sékou Touré, Amilcar Cabral,Ho Chi Minh et d’autres encore…Elle se développe par une édition enanglais et est diffusée en Afrique, enAngleterre, aux Etats-Unis et enAsie…

Cependant, et c’est ce qu’il importede dire, c’est qu’il a toujoursconservé en Algérie les sympathiesqu’il a cultivées tout au long de sa

vie algérienne. Dans le milieuprofessionnel du barreau algérien,dans la classe politique et chez leshommes d’affaires, il compte denombreux amis. Il fut souvent invitéet se rendit à toutes les invitations. Ilest essentiel de dire enf in queJacques Mansour Vergès est devenualgérien et l’est bel et bien restéjusqu’à sa mort qui serait, seloncertains, survenue dans la même

chambre où Voltaire décéda...

02 Octobre 2013

Hamid Guemache

L’Algérie veut modifier a nouveau la réglementationrelative a l’investissement étranger. Dans le projet de laloi de finances 2014 dont TSA a obtenu une copie, legouvernement propose « la suppression de la conditionde soumission des projets d’investissements enpartenariat avec des capitaux étrangers, a l’examenpréalable du conseil national (CNI) ».

La condition de soumettre au CNI tout projetd’investissement impliquant des étrangers, éligible ounon aux avantages fiscaux, avais été introduite dans laloi de finance complémentaire(LFC) 2009.

« Cette procédure d’examen préalable n’a fait, endéfinitive, que retarder le processus de création desociétés en partenariat », explique les rédacteurs de laLF 2014 dans l’exposé des motifs. La suppression de cettecondition vise «l’allègement d’agrément desinvestissements, voir la création de sociétés enpartenariat devant être examinée par le CNI »,argumentent-ils. « L’examen de CNI sera requisuniquement dans le cas ou l’octroi des avantages estsollicite par les projets d’investissements » impliquantdes étrangers, selon le même document.

La règle 49/51 généralisée au commerce extérieur

Le gouvernement propose d’élargir la règle 49/51 relativea l’investissement étranger, au commerce extérieur. Leprojet de la loi de finance 2014 fixe en effet « le seuil dedétention du capital par les nationaux résidents a 51% etplus, dans le cadre de partenariat pour les activitéscommerciales de commerce extérieur. »

Actuellement, les étrangers ne peuvent détenir plus de70% des societes importatrices. La généralisation de larègle 49/51 au commerce extérieur vise officiellement a

« limite d’une part, les transferts des dividendes enmonnaie étrangère au profit d’actionnaires ou associesétrangers majoritaires et d’autre part, d’empêcher lesinvestisseurs étrangers de prendre le contrôled’entreprises de droit algérien », selon le texte. Cettedisposition n’est pas rétroactive. Les entreprise déjàinstallées ne sont pas obligées de céder la majorité deleur capital a des nationaux. Comme dansl’investissement, les algériens résidents a l’étranger nebénéficient pas de cette mesure, ce qui crée unediscrimination enter les nationaux résidents et non-résidents.

Des avantages fiscaux et parafiscaux pour les projetsavec taux d’intégration de 40%

Pour encourager l’investissement productif est et letransfert du savoir-faire, le gouvernement propose danle projet de LF2014, d’accorder des avantages fiscauxest parafiscaux aux investissements étrangers enpartenariat avec « un taux d’intégration de 40% ». « toutinvestissement étranger en partenariat, qui contribueau transfert du savoir-faire vers l’Algérie et/ou produitdes biens dans le cadre d’une activité déployée enAlgérie, avec un taux d’intégration supérieur a 40%,bénéficie d’avantages fiscaux et parafiscaux, décidéspar le CNI dans le respect de la règle de répartition ducapital 51/49 », explique le texte. Cette mesure vise aattirer de nouveaux investisseurs et promouvoir lespartenariats entre les entreprise publiques et privéesalgériennes et étrangères, selon le même document quiprécise que les modalités d’application de cette mesure

seront fixées par voie réglementaire…

Loi de finances 2014 les principales nouvelles mesures pour

l’investissement étranger et le commerce extérieur

23 Novembre 2013

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NRP, Décembre 2013, n°19

[MÉMOIRE]

15

Peut-on faire son deuil d’un père

alors qu’il n’existe aucune sépulture

vous rappelant son passage sur

terre ? Voici l’itinéraire singulier, en-

tre Cherchell et Paris, d’une algé-

rienne en quête de souvenirs, jalon-

nés d’énigmes. Premier cri…mon

père l’attendait depuis si longtemps,

il avait même choisi un prénom de

garçon, mais que l’on pourra adap-

ter au féminin, au cas où…Nasser

était le prénom à la mode de l’épo-

que, une guerre d’Algérie

impitoyable…Gamal Abdel Nasser

était considéré comme l’une des fi-

gures politiques qui faisait l’admira-

tion de tout le peuple algérien...Le

gouvernement provisoire algérien a

été formé au Caire. A défaut de Nas-

ser, le 15 avril 1956 une petite Nacira

naissait. Cette naissance ranima la

flamme de cette mission qu’il s’était

juré de mener à bien : l’indépen-

dance de son pays était son

objectif…Il ne supporterait pas que

son enfant subisse les humiliations

du colonisateur…Sa fille connaîtra

un sort meilleur que le sien. Il fera

tout pour cela. Elle sera instruite et

vivra dans la dignité. Lui n’avait pu

aller au-delà du certificat d’études,

car il fallait subvenir aux besoins. Or-

phelin de père, sa mère s’était rema-

riée avec un homme qui avait décidé

d’aller vivre en France. Elle avait tant

insisté pour que ce fils bien aimé la

rejoigne là bas. En vain, Abdelkader

ne l’entendait pas de cette oreille,

sa mission était autre. Il se devait de

rester auprès de ses frères de

combat…Il avait fait quelques an-

nées plus tôt le voyage juste pour ne

pas contrarier sa mère si insistante,

ce fut un échec manifeste…Il la

laissa derrière lui avec ses demi-frè-

res. A Cherchell, il n’avait pour seule

famille qu’une sœur aînée et un beau

frère. Abdelkader était tombé fou

amoureux d’une très belle jeune fille

nommée Houria, qui signifie liberté.

Un présage ? Peut-être avait-il vu un

signe dans cette rencontre. Nacira,

l’enfant de l’amour vint illuminer la

vie d’une famille singulière, sur fond

de guerre avec une population par-

tagée en deux devenue méfiante

l’une envers l’autre. Des voisins qui

hier partageaient le pain et les plats

parfumés, dans un quotidien que

l’on pensait figer à jamais. La place

de l’insouciance était à présent oc-

cupée par les peurs. Ces dernières

étaient plus que jamais animées par

une avidité d’autonomie. Ils la payè-

rent au prix fort. Un million et demi

de victimes périrent dans cette im-

pitoyable guerre…Une terreur sans

nom s’était installée sur cette terre

d’hospitalité. Mon père, comme les

autres, connut la torture…Engagé

corps et âme pour une cause des plus

nobles, il alla au plus loin de ses for-

ces pour ses idées d’indépendance.

Commissaire politique à Cherchell, il

était lettré…Les clients de la brasse-

rie ou il travaillait, fréquentée par des

officiers français de l’académie mili-

taire, lui vouaient une confiance

aveugle. Ce qui arrangeait bien ses

affaires…Les trahisons étaient un

frein, mon père comme d’autres en

ont fait les frais…Sa vie fut en dan-

ger. L’organisation lui intima l’ordre

de fuir. La cause avait besoin de lui

dans les djebels. Il me pressa une

dernière fois contre lui, ravala ses lar-

mes, puis disparut dans la nuit froide

d’un hiver qui se voudra très long.

Un aller sans retour. On me vêtit d’un

habit neuf, aux couleurs du drapeau,

vert, blanc et rouge, des cris, des

youyous, des pleurs, des klaxons, des

bisous. « Bent chahid » qu’on me

criait au passage. Dans l’insouciance

de l’enfance, ne comprenant pas ce

soudain remue-ménage, je regardais

les grandes personnes et je ne les re-

connaissais plus à travers ces com-

portements inhabituels. Ce n’était

pas une fête comme les autres, celle-

ci était démesurée…Seule ma mère

était plongée dans une profonde

tristesse…je ne comprenais pas. Je

l’embrassais. On ne m’avait rien dit.

Ce père absent était devenu un su-

jet tabou en ma présence. Seuls les

adultes partageaient entre eux la

fierté d’un fils disparu de la plus belle

des morts. Un matin, ma mère et moi

partîmes pour la France. Ma grand-

mère tenait à m’avoir auprès

d’elle…Privée de sépulture, sans

lieu pour se recueillir, comment faire

son deuil ? J’étais devenue une sorte

de sépulture symbolique d’un fils

disparu…Je grandis dans l’ombre

trop pressante d’un père présent

dans les esprits…J’étais la fille d’un

fantôme, pas même une pierre pour

étancher ma soif de légitimité dans

un espace trop grand et

froid…j’avais grandi trop vite et la

réalité me rattrapa…Mon enfance

se passa dans un bouillonnement de

questions sans réponses. Les livres

étaient devenus mes amis

intimes…Les quelques compagnons

de mon père m’apportèrent une

sorte d’apaisement. Je les ai telle-

ment cherchés..J’éprouvais un be-

soin de savoir les quelques messages

que mon père aurait prononcé dans

ses derniers instants…Je foulais des

pieds les djebels en pensant marcher

sur les pas de ce père…Je ne re-

grette rien de mon histoire…Mon

père m’a transmis son courage, le

respect d’autrui et une soif de li-

berté. Il a donné sa vie pour sauver

celle des autres. Pas de haine ni de

rancune, juste un cœur plein

d’amour. Quelques photos jaunies té-

moignent d’un passage furtif. Merci

mon père, pour moi et pour l’Algé-

rie.

Il était une fois mon pèreNacira Menad

02 Octobre 2013

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NRP, Décembre 2013, n°19

[MÉMOIRE]

17 Octobre2013

16

Le centenaire de la naissanced’Albert camus est célébré avecéclat en France. La prestigieusebibliothèque de la Pléiade a publiéen quatre volumes les œuvrescomplètes de Camus avec unebibliographie de plus de 200 titres.Les Éditions Laffont ont édité dansla collection Bouquins unDictionnaire Albert Camus. LeMonde, Le Point et la revuePhilosophie ont consacré cinq «horssérie» à l’auteur et trois livresimportants sur sa vie et son itinéraire… Dernier évènement marquant: lagrande exposition de Camus,ouverte à Aix-en-Provence, laville où sont conservées sesarchives. Pour avoir bienconnu les membres del’entourage de Camus,l’occasion m’est offerte pouren parler. Natif d’Oranie en1933, j’étais sympathisantdepuis 1948 du PPA/MTLD etsupporter du Gallia, l’équipede football acquise àl’organisation nationaliste et àson chef Messali. Dans lecercle culturel de Mascara,Camus était un auteurfamilier. En 1934, il avaitadhéré au parti communiste (PCA) etmilité pour inciter les Arabes à serévolter pour changer leur conditionmisérable. L’année suivante, Camusfut exclu du parti pour avoir refuséd’appliquer les directives du PCF desurseoir aux revendications desnationalistes algériens. Il se tournealors vers le théâtre et fréquente leslibertaires, les réfractaires et lesobjecteurs de conscience. Ilcollabore à la pièce «Révoltes dansles Asturies», diffuse un manifestealgérien en faveur du projetréformiste Blum-Viollette. Le 2 août1936, après le discours de Messali austade d’Alger, il se démarquait duCongrès Musulman. Selon plusieurstémoignages de militantsnationalistes algériens, Camus auraitrencontré Messali et manifesté unegrande sympathie pour l’Étoile NordAfricaine, combattue par le PCA, puisdissoute par le gouvernement Blumle 27 janvier 1937. Camus protesta enpubliant dans Le Monde Libertaireun Appel de solidarité avec lespartisans de Messali. Embauché àAlger Républicain, il publie une sériede onze articles «Misère en Kabylie».Le rédacteur du journal note dans unarticle du 11 juin 1939, que »les milieuxarabes et kabyles suivent avec unintérêt passionné le développement

de l’enquête de notre camaradeCamus sur la misère en Kabylie. Déjàla simple annonce de cette enquêteavait provoqué de l’émoi danscertains cercles toujours portés àvoir une atteinte à leur prestige danschaque manifestation de la vérité».En 1939, Camus dénonce dans AlgerRépublicain, le procès des vingt-troismembres de la direction du PPA… Venu en France, il condamne dansses articles de Combat, la politiquecoloniale de la France…Il pritconnaissance du Manifeste de 1943qui avait permis la constitution desAmis du Manifeste et de la Liberté

avec comme dirigeants célèbresMessali Hadj et Ferhat Abbas.Désormais Camus pensa qu’avecune autonomie de l’Algérie géréepar des responsables politiquesalgériens, le droit à l’entitéalgérienne devait être pris encompte… En 1953, mes camaradesde philo et de lettres connaissaientl’itinéraire de Camus et ses livres.Nous étions tous indignés de liredans les Temps Modernes, l’articlede Francis Jeanson : «Albert Camusou l’homme révolté». Nous avonssalué son intervention au meetingcontre la répression des émeutesouvrières de Berlin Est et plusencore, sa dénonciation dans LeMonde du 19-20 juillet, la répressiondes manifestants algériens pendantle défilé du 14 juillet 1953. En 1955,l’avocat Yves Dechézelles avaitcritiqué le scandaleux livre deJeanson « L’Algérie, hors-la-loi» où ilfaisait la promotion du FLN déjàengagé dans une guerre contre leMNA… Pour moi, le contact avecCamus passait par l’intermédiaire deDechézelles, son camarade declasse à Alger. Par lui, je savais queCamus manifestait une certaineadmiration pour Messali…Mescamarades syndicalistes algériensappréciaient Albert Camus pour sa

condamnation : du vote des pouvoirsspéciaux par le Parlement le 12 mars1956 ; de la répression par les charsrusses des révoltes en Pologne et àBudapest ; l’intervention francoanglo-israélienne à Suez ; Mêmeapprobation en 1957 pour sadémarcation de toute la gauche quisoutenait inconditionnellement leFLN ; son accord avec la Fédérationde l’Éducation Nationale…YvesDechézelles m’a rapporté queCamus avait lu avec beaucoupd’intérêt les résolutions sur «l’unitédu mouvement syndical algérien»,

«L’Adresse à nos compatriotesnon musulmans», «lacondamnation des pouvoirsspéciaux», «La libération de lafemme algérienne » et«l’Adresse à Messali Hadj». Ildénonça le massacre de ladirection de l’USTA par le FLNen octobre 1957. Dans LeMonde Libertaire , il lança unAppel de solidarité avec lespartisans de Messali Hadj. Enseptembre 1959, il soutint lediscours de De Gaulle surl’autodétermination. Il sefélicita de la l ibération deMessali, qui approuve, à la

différence du FLN, le droit pour lepeuple algérien de choisir sondestin. Le 11 juin 1959, Messali lançaun Message aux démocrates françaispour aider les Algériens à mettre finaux règlements de compte. CetAppel repris par Jean Cassou,écrivain et conservateur en chef duMusée national d’Art moderne àParis…Cet appel sera signé par unecentaine de personnalités dontAlbert Camus. Fin 1958, Albert Camusavait pris connaissance du «planLauriol» qui proposait un cadrefédératif pour l’Algérie af in quesoient retenues les identités arabeet européenne. Avec réticence,Camus soutint ce plan qu’ilcommenta en reprenant lespropositions faites par Messali ...Une fois encore, Albert Camus estresté fidèle au combat mené parMessali qui n’aboutit pas. Devant lafolie suicidaire des partisans del’Algérie française d’une part etl’intransigeance d’un FLN devenuetotalitaire, Albert Camus ne croyantplus à une solution démocratique enAlgérie décida de se taire. Le 4 janvier1960, il périt dans un accident devoiture.

Albert Camus, un libertaire révolutionnaireJacques Simon

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[BIBLIOGRAPHIE]

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FreeklaneLala Mira ,2013

HEURS ET MALHEURS DU SECTEURAGRICOLE EN ALGÉRIE 1962-2012

Mohamed CHABANE Editions l’HARMATTAN 2013

L'agriculture algérienne lar-gement exportatrice pen-dant l'époque coloniale, seretrouve, après un demi-siè-cle d'indépendance, une ac-tivité structurellement vul-nérable, largement importa-trice, à niveau de développe-ment dérisoire. Cet ouvragetente d'apporter des éclaira-ges sur les politiques agrico-les qui ont été suivies aprèsl'indépendance et tenter de

déterminer les causes de l'échec de celles-ci.

L'Année du Maghreb 2013

Dossier: Le Maghreb avec ou

sans l'Europe ?

Collectif

Editions CNRS , Paris, 2013

L’importance des relations euro-maghrébines justifie que L’An-née du Maghreb, qui leur a déjàconsacré plusieurs dossiers dansle passé, s’y intéresse à nouveau,dans le contexte changeant etincertain des révolutions arabes.... Le Maghreb et le partenariateuro-méditerranéen ont-ils en-core leur place dans un mondeglobalisé ? Et si oui, laquelle ?

[MUSIC]

[FILM]

Les productions cinématographies algériennes se font rares.Très peu de films ont le mérite d’être exclusivement algériens.Manque de moyens, de structures et de reconnaissance, c’està l’étranger que les réalisateurs algériens tels que MerzakAllouache ou Lyes Salem développent le septième art.

Meursault, contre-enquête

Kamel Daoud

Editions Barzakh , Alger 2013

Kamel Daoud entraîne ici le lec-teur dans une mise en abîme vir-tuose. Il brouille les pistes, créedes effets de miroir, convoqueprophètes et récits des origines,confond délibérément Meursaultet Camus. Suprême audace : parendroits, il détourne subtilementdes passages de L’Étranger,comme si la falsification du texteoriginel était la réparation ultime.

Babylone Brya ,2013

Les paysages kabyles, à l’époque de la décennie noire. Unemère revient sur les traces de sa terre natale enterrer sonfils tué. Le cœur déchiré par les destins opposés de ses deuxenfants : l’un militaire, l’autre au maquis. Une femme et unemère qui lutte dans une terre sauvage, pour redonner vie àforce d’obstination à son jardin. Un événement inattendu, etla vie reprend ses droits !