DOSSIER BIEN RECRUTER LES AS DU NUMÉRIQUE · LE NUMÉRIQUE EST UN EXERCICE D’IMAGE Bien se...

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AVEC LA COLLABORATION DE : www.tendances.be — P915914 — octobre 2017 — N° 32 Publication mensuelle BIEN RECRUTER LES AS DU NUMÉRIQUE DOSSIER

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AVEC LA COLLABORATION DE :

www.tendances.be — P915914 — octobre 2017 — N° 32 — Publication mensuelle

BIEN RECRUTERLES AS DU NUMÉRIQUE

DOSSIER

des objectifs clairs pour le CIO ou le CDO.De nombreuses entreprises familiales pren-nent du temps pour cerner clairement leursobjectifs à long terme. Mais parfois, mieuxvaut attendre un peu plus pour bien évaluerl’impact plutôt que se lancer tête baisséedans l’aventure. Le chausseur Torfs a ainsiattendu pas moins de cinq ans avant d’in-vestir résolument dans l’e-commerce. Au-jourd’hui, le webshop est cinq fois plus impor-tant que son plus grand magasin en brique,et représente 12 % du chiffre d’affaires. «Lesentreprises familiales ne passent presque ja-mais au numérique pour leur image,

chez réellement à atteindre et les talents requis pour y parvenir. La stratégie est trèsimportante. Par exemple, pour créer unwebshop, il ne faudra pas se contenter d’investirdans le webdesign. En tant qu’entreprise fami-liale, faites appel à de l’aide extérieure pourle processus de préparation. Ne partez pas duprincipe que vous devez et pouvez tout réglerpar vous-même.»

2. LE NUMÉRIQUE EST UN EXERCICE D’IMAGEBien se préparer, c’est également définir m

N° 32 › octobre 2017 ‹ Trends Family Business www.tendances.be/familybusiness 3

A L’HEURE DES NOUVELLES TECHNOLOGIESLES ENTREPRISES FAMILIALESRECRUTENT DES AS DU NUMÉRIQUE

SOMMAIRE�01�DOSSIER : NOUVELLES TECHNOLOGIESLes entrePrisesfamiLiaLes reCrutentdes as du numérique

�07�PAROLE D’EXPERTCyberCriminaLité100% de sécurité, ce n’estpas toujours la bonnesolution

�08�PORTRAIT : brasserie CantiLLonLes gardiens du temple

10�PORTRAIT : La vie est beLLeune entreprise familialepeut aussi mal tourner

��12�PAROLE D’EXPERTstratégieLa pensée stratégiquetraditionnelle ne suffit pluspour saisir les opportunitésde croissance du numérique

phOTO DE cOuvERTuRE : ISTOck

ur le plan international, Pedro Earp, chief disrup-tive growth officer d’AB In-Bev, est incontestable-ment l’exemple le plusconnu du jeune informati-cien talentueux parvenu à

un poste de top manager dans une grandeentreprise familiale. Au sommet de ces so-ciétés, les jeunes talents, souvent entre lafin de la trentaine et le début de la quaran-taine, se voient généralement attribuer desfonctions de chief information officer (CIO),chief innovation officer (également CIO) ouchief digital officer (CDO). Mais quelle quesoit la fonction, chacun d’eux aide la familleà revoir le cheminement de l’entreprise.Comment gérer le numérique, comment letransposer en innovation et repérer lesconcurrents susceptibles de bouleverser lemarché ?Dans les entreprises familiales belges,cette tendance internationale aurait bienbesoin de quelques encouragements, es-time le serial entrepreneur, auteur et confé-rencier Peter Hinssen. «On en est encoreaux balbutiements. Ces deux dernières an-nées, j’ai constaté que de nombreuses en-treprises familiales prennent la chose trèsau sérieux, mais n’agissent pas encore enconséquence.» Le fait que les entreprises

familiales restent parfois dans l’attente estsouvent lié à l’idée que le processus de chan-gement va au-delà de l’engagement d’unjeune et brillant CDO ou de l’arrivée d’unadministrateur indépendant adéquat. Le ren-forcement numérique a besoin d’un cadre,mais comment le créer ?

1. RECONSIDÉRER LE «BUSINESS MODEL»Lorsque des entreprises familiales inves-tissent dans l’innovation, les nouvellestechnologies ou le numérique, elles doi-vent en évaluer correctement l’impact. Peter Hinssen l’explique par une méta-phore : «Imaginez que vous portez unchandail et que vous tirez dessus. Sansque vous vous en rendiez compte, c’esttout le chandail qui bouge. Il faut donc bienévaluer ce qui va se mettre à bouger pourse rendre compte de l’investissement quecela représentera en temps et en res-sources humaines. Si vous êtes vraimentmotivé, vous pouvez entreprendre ce chan-gement». C’est également le conseil queWouter Torfs, CEO du chausseur Torfs,souhaite donner aux entreprises fami-liales : avant tout, faites bien vos devoirs.«Ou, concrètement : identifiez correcte-ment les opportunités, ce que vous cher-

Le numérique et les nouvelles technologies peuvent parfois créerdes fossés. Pour rester à niveau, les entreprises familiales cherchentelles aussi à s’adjoindre les services de talents du numérique, qu’il s’agisse de top managers ou d’administrateurs indépendants.Comment faire pour que la greffe prenne ? WOUTER TEMMERMAN

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LES ENTREPRISES FAMILIALES AIMENT RÉFLÉCHIR À LONG TERME, MAIS DANS LE DOMAINE DU NUMÉRIQUE, C’EST UN RÉFLEXE ENCOMBRANT.

KINEPOLIS : TALENT NUMÉRIQUE AU TOP,

INNOVATION PAR LA BASEDepuis septembre 2016,

le groupe kinepolis a un

chief information officer.

Le groupe cinéma de la

famille Bert a embauché

Bjorn van Reet (40 ans),

qui travaillait précédem-

ment chez Adecco. pour

Bjorn van Reet, sa fonc-

tion de cIO n’est pas un

défi purement technique.

« Le groupe kinepolis veut

que le cIO veille à ce que

l’entreprise suive l’évolu-

tion numérique à tous les

niveaux. Dans le domaine

IT, nous cherchons des

applications innovantes

pour nos salles de ci-

néma. Dans la pratique,

cette innovation ne

concerne pas unique-

ment la projection numé-

rique de films, mais aussi

l’introduction d’un nou-

veau système ERp, un

projet wi-fi ou une appli-

cation permettant d’ache-

ter et de scanner les

tickets.

Bjorn van Reet travaille

avec une équipe de mar-

keting numérique, tandis

qu’un expert siège déjà

depuis 2009 au sein du

conseil d’administration,

en la personne de Marion

Debruyne, doyenne de la

vlerick School. Bjorn van

Reet précise toutefois

d’emblée que l’implication

de kinepolis par rapport à

son innovation n’est pas

confinée au niveau le plus

élevé. «Les collaborateurs

sont très impliqués. En ce

qui me concerne, il s’agit

également d’un accent fa-

milial qui se retrouve dans

l’innovation. nous préfé-

rons que les choses se

développent à partir

de la base.» Le cIO fait

notamment référence au

kinepolis Innovation Lab,

au sein duquel le groupe

travaille en interne sur des

innovations. «nos colla-

borateurs sont chaque

jour en contact avec les

clients. Ils sont en pre-

mière ligne pour identifier

les besoins. cet Innova-

tion Lab compte déjà plus

de 300 bonnes idées à

développer. L’innovation,

c’est le travail de chacun.

ce sont ceux qui utilisent

quotidiennement nos sys-

tèmes qui pilotent l’inno-

vation.»

De tels mécanismes ont

entre-temps déjà fait leur

entrée dans nombre de

grandes et petites entre-

prises. Toutefois, selon

Bjorn van Reet, c’est dans

la manière de les implé-

menter que l’entreprise

familiale fait la différence.

«J’ai constaté que les en-

treprises familiales sont

beaucoup plus rapides sur

la balle lorsqu’il s’agit d’in-

tégrer une innovation.

plus l’entreprise est

grande, plus cela se com-

plique, mais chez kinepo-

lis, je retrouve clairement

cette rapidité. Et la vérita-

ble innovation, c’est aussi

celle qui est concrète-

ment mise en pratique.»

zones d’ombre. Un innovation manager, undigital manager ou un disruption manager ?Comment éviter le chaos en saupoudrant desfonctions qui requièrent chacune une parcelledu changement numérique ?Il est souvent pertinent de se tourner versle passé. «Dans les entreprises familialesoù l’informatique est déjà très liée à la ges-tion et contribue à élaborer les stratégies,il est logique que la tête du département as-sume également le rôle de CIO, expliquePeter Hinssen. Mais si vous avez un dépar-tement IT opérationnel depuis un certaintemps, le changement peut représenter unecharge importante. Dans ce cas, il est sou-vent préférable de créer la fonction de chiefdigital officer.»Chez le chausseur Torfs, Elke Laeremansest chief digital officerdepuis 2015. Avant cela,avec la casquette de consultante, elle avait dé-veloppé le système de fidélité des boutiques.Dès 2015, des responsabilités plus étendueslui ont été confiées. L’entreprise SchoenenTorfs n’a pas de CIO. Cette compétence a étéconfiée à son COO, Stijn De Knop. Parce quele CEO Wouter Torfs aime la clarté. «Noussommes parfaitement conscients de l’impor-tance de la transformation numérique et lemandat d’Elke Laeremans est clairement dé-fini. Nous ne perdons pas de temps dans despetits jeux de pouvoir pour savoir qui obtien-dra de nouvelles responsabilités. Le marketingnumérique relève-t-il du CDO ou inverse-ment ? Dans de nombreuses entreprises, cedébat fait perdre trop d’énergie. Chez nous,c’est très clair : le marketing numérique relèvedu marketing, mais nous avons créé une cel-lule numérique distincte pouvant accueillirdeux personnes.»Schoenen Torfs a même franchi un pas deplus en recrutant également de nouveauxtalents pour le conseil d’administration. Enla personne de Jo Caudron (CEO de DuvalUnion Consulting), l’entreprise s’est dotéed’un administrateur indépendant au fortprofil numérique. «On s’en rend compte immédiatement, estime Wouter Torfs. Jo Caudron a par exemple soutenu l’idéequ’aujourd’hui, on ne peut plus tout investirdans un seul grand cuirassé. Il a avancél’idée d’une flotte constituée de petits na-vires faciles à manœuvrer. C’est sur cettebase que nous sommes entrés dans le capi-tal de Selma, une entreprise d’optimisationdes e-mails. Sans son avis, nous n’aurionsjamais franchi ce pas.»

4. VOIR AU-DELÀ DES «DIGITAL NATIVES»Dans une entreprise familiale, peut-on ins-taller dans le fauteuil du CIO un pur produitde la génération numérique, âgé d’à peine25 ou 30 ans ? La plupart des entreprises op-tent pour des profils un peu plus mûrs, au-tour de la quarantaine, et proposent par ail-leurs un cadre dans lequel les jeunes talentspourront acquérir de la maturité en affaires.Par ailleurs, le fait d’être très à l’aise dansle numérique est une opportunité. «Trop deconseils d’administration sont composésde quinquagénaires en costume gris quiparlent de stratégie, alors que des jeunesarrivent chaque jour dans l’entreprise, sou-pire Peter Hinssen. Ecoutez-les, utilisez leur bagage numérique. »L’âge n’est toutefois pas obligatoirementun critère. C’est chez Van de Velde que Peter Hinssen en a trouvé l’exemple par excellence. Le groupe de lingerie fait appel à Philippe Vandervoort en tant qu’ad-ministrateur indépendant. Philippe

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constate Peter Hinssen. Je le constate souventdans les grandes entreprises non familiales :pour donner une bonne image, elles intègrentdans le conseil d’administration un adminis-trateur indépendant possédant de fortes com-pétences dans le domaine numérique.Lorsque les entreprises familiales franchissentle pas, c’est du sérieux, et elles appliquent lanouveauté à tous les niveaux : vente, contactsavec la clientèle, un business model complet.»Faire ses devoirs, en d’autres termes, cen’est pas uniquement évaluer ce qui va chan-ger, mais également se préoccuper de l’in-tégration concrète. Le numérique n’est pasune technologie que l’on peut simplementcoller à sa société existante. «Cela doit éga-lement se traduire dans une ambition,conclut Peter Hinssen. Le numérique nedoit pas être considéré comme un petit plusmarginal. La vente par e-commerce, ce n’estpas simplement un magasin de plus. Voyezcomment vous pouvez augmenter le chiffred’affaires d’un quart ou de moitié. Et n’enfaites pas un objectif à court terme, mais dé-veloppez votre plan sous forme d’un projetde changement à long terme. Vous partirezalors sur de bonnes bases.»

3. DÉFINISSEZ CLAIREMENT LES MANDATSUne fois que les bases sont bien posées,vous pouvez disposer les bons profils dansle nouvel organigramme. Les nouveaux ti-tres ronflants peuvent toutefois créer des

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«LES ExpERTS EnnuMéRIquE pLuS âGéSAIDEnT à hIéRARchISERLES pRIORITéS. ILS nESAuTEnT pAS à pIEDSJOInTS SuR chAquEnOuvEAuTé.»

PETER HINSSEN(«SERIAL ENTREPRENEUR»,AUTEUR ET CONFÉRENCIER)

Bjorn Van Reet,CIO chezKinepolis«L’innovation,c’est le travail dechacun. ce sontceux qui utilisentquotidiennementnos systèmes quipilotentl’innovation.»

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Vandervoort, la cinquantaine assurée, a oc-cupé précédemment des postes importantschez Microsoft et Proximus. «Les expertsen numérique plus âgés aident à hiérarchi-ser les priorités. Ils ne sautent pas à piedsjoints sur chaque nouveauté. Chez Van deVelde, l’intervention s’avère directementtrès prometteuse. Actuellement, la sociétéexploite un réseau de magasins où des ven-deuses apportent leur aide pour l’essayagedes soutiens-gorges. Pour l’avenir, l’entre-prise étudie des applications qui permet-tront de scanner le corps afin de confec-tionner des soutiens-gorges sur mesuretout à fait adaptés. Ce progrès est amené àdévelopper la relation numérique avec laclientèle. C’est bien que ce soit possibledans un secteur traditionnel et que l’entre-prise n’attende pas qu’Amazon, Zalando etconsorts s’emparent de leur clientèle.»

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LE NUMÉRIQUE N’EST PAS UNE TECHNOLOGIE QUE L’ON PEUT SIMPLEMENT COLLER À SA SOCIÉTÉ EXISTANTE.

RENSON : «LES ENTREPRISES FAMILIALES

PASSENT AU NUMÉRIQUE POUR LES BONNES RAISONS»Dans l’entreprise familiale

ouest-flandrienne spécia-

lisée dans la ventilation et

la protection solaire, koen

van Loo (45 ans) travaille

comme cIO depuis mai

dernier. cette fonction

nouvellement créée dans

l’entreprise vise à coor-

donner le déploiement de

la structure numérique du

groupe. «Renson se

trouve à un point char-

nière, explique koen van

Loo. L’entreprise veut

adapter ses structures in-

ternes pour pouvoir conti-

nuer à croître au même

rythme. c’est pour cela

que j’ai été engagé, et

pour enclencher la trans-

formation numérique.»

Renson veut être l’inter-

face entre les produits

physiquement palpables

et l’univers numérique.

L’entreprise veut exploiter

mieux et davantage les

données collectées par

les systèmes de com-

mande numériques de

ses produits. cela ouvre

notamment des possibili-

tés en matière d’intelli-

gence artificielle. Le cIO

est-il un chief innovation

officer ? «Ici, dans cIO,

le ‘i’ désigne clairement

information, explique

koen van Loo, ce qui ne

signifie pas que je ne

m’occupe pas d’innova-

tion. Renson possède

un service de recherche

et développement très

performant, mais pour l’IT

et le numérique, je tra-

vaille en étroite collabora-

tion avec notre directeur

O&O (Organization and

Operation, Ndlr).

Jusqu’ici, la numérisation

n’était pas une source

d’innovation majeure,

mais elle peut à présent

dépasser en importance

toutes les autres innova-

tions. »

Avant de poursuivre sa

carrière chez Renson,

koen van Loo a long-

temps travaillé comme

cIO chez ADMB, et briè-

vement comme chief di-

gital officer chez Athena

Graphics. Il remarque

que, très souvent, les en-

treprises familiales pas-

sent au numérique pour

les bonnes raisons. « Elles

ne le font pas pour faire

comme tout le monde.

chez Renson, la famille

s’enthousiasme avant tout

pour les possibilités

de lancement de produits

innovants. Le numérique,

c’est le moyen, pas l’ob-

jectif.»

koen van Loo constate

également cette ap-

proche au sein de l’Inno-

vation Board de Renson,

qui réunit l’IT, le marke-

ting, la vente et l’O&O.

«nous observons les si-

gnaux du marché, et le

numérique joue en cela

un rôle important. notre

cEO paul Renson fait acti-

vement partie de ce

conseil. Même quand on

n’est pas un ‘enfant du

numérique’, avec les

bonnes informations, on

peut prendre les bonnes

décisions.»

Selon koen van Loo, un

des grands défis que doi-

vent relever les entre-

prises familiales consiste à

prévoir les rendements.

Les entreprises familiales

aiment réfléchir à long

terme, mais dans le do-

maine du numérique,

c’est un concept encom-

brant. «clarifier ce que le

numérique peut apporter

à long terme demande un

peu d’énergie. Il faut du

temps pour le définir, sans

toutefois négliger le court

terme. Si on prend pour

exemple la sécurité des

systèmes informatiques, il

faut y travailler en perma-

nence, et le rendement

obtenu à court terme

n’est pas toujours visible.»

www.trends.be/family-business

Koen Van Loo, CIO chez Renson

«Le numérique,c’est le moyen, pas l’objectif.»

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pAROLES D’ExpERTS

La numérisation croissante entraîne inévita-blement une hausse de la cybercriminalité.La newsletter Trends Family Business a in-terviewé Alexandre Pluvinage, head of cyber-security awareness chez ING.TRENDS-TENDANCES. Les entreprisesont-elles suffisamment conscience dudanger que représente la cybercrimina-lité ?ALEXANDRE PLUVINAGE.Malheureu-sement, les gérants d’entreprise ne sont pasencore assez sur leurs gardes. Ils attendentdu service informatique qu’il règle ce genrede problèmes. Mais les informaticiens ne sontgénéralement pas des spécialistes de la cy-bersécurité. A cet égard, on peut comparerles informaticiens à des médecins généralis-tes. Ces derniers posent un diagnostic généralmais en cas de maladie grave, ils vous ren-voient chez le spécialiste. Et souvent, les chefsd’entreprise ne se tournent vers le spécialistequ’à la suite d’une mauvaise expérience, aprèsavoir personnellement été victimes de cyber-criminalité.Où dénicher ces spécialistes sur le mar-ché de l’emploi ?Trop peu de formations sont organisées. Laplupart du temps, il s’agit d’anciens hackers,qui ont parfois eux-mêmes commis des actesillégaux. Ces spécialistes sont donc une den-rée rare. Il n’est toutefois pas nécessaire quechaque entreprise engage un tel profil à pleintemps. Il faut mettre en balance les coûts etles avantages que cela représente. Il est pos-sible de trouver de bons spécialistes externes.Ceux-ci ont créé leur propre société. Ils vien-nent faire un audit d’un ou de deux jours dansvotre entreprise. Cela vous permet de déter-miner clairement quels sont les facteurs derisque pour votre entreprise et ce qui néces-site une protection renforcée.Tout ne doit-il pas être totalement pro-tégé ?100 % de sécurité, ce n’est pas toujours la meil-leure solution. La sécurisation doit surtout se

faire de manière intelligente. Il convient detrouver un bon équilibre entre risques et busi-ness. Il faut continuer à faire des affaires. Uneentreprise se doit donc de définir les élémentsqui nécessitent absolument une protection.Peut-on se permettre une chaîne de produc-tion non opérationnelle ? Qu’en est-il du trai-tement électronique de la comptabilité ? De nombreuses entreprises ne sont pas assezgrandes pour disposer de leur propre équipedotée de suffisamment de connaissances en cybercriminalité.La cybersécurité s’envisage-t-elle diffé-remment pour une entreprise familiale ?Non. Tout dépend de la taille de l’entreprise.Les banques, les sociétés spécialisées dansla télécommunication et dans l’industrie dela santé disposent depuis des années déjà deleurs propres équipes de cybersécurité. Sup-posez qu’une entreprise se fasse voler desformules et brevets pour des médicaments…Ou que les formules pour la composition demédicaments en cours de production soientmanipulées… Mais pour les petites entrepri-ses, il suffit souvent de recourir aux servicesd’un consultant externe qui va les aider à dé-terminer les facteurs de risque. Par ailleurs,il existe de nos jours des assurances contrela cybercriminalité.La cybercriminalité est-elle un marché de croissance ?La numérisation n’a de cesse de croître, cequi signifie que la cybercriminalité va elle aus-si s’amplifier. Le risque augmente encore avecl’Internet des objets. Si un seul ordinateur esttouché, cela peut dérégler l’ensemble de l’en-treprise. Plus les entreprises sont numérisées,plus elles sont vulnérables. Ne sous-estimezpas non plus l’importance du règlement eu-ropéen sur la protection des données (RGPD).Il entrera en vigueur en mai de l’année prochaine. Imaginez que des pirates volentle fichier clients d’une entreprise et menacentde le rendre public. Les entreprises doiventse préparer à cela.

«LA CYBERSÉCURITÉ EST L’AFFAIRE

DE L’EXECUTIVE MANAGEMENT,

PAS DES SERVICES INFORMATIQUES.»

«100 % DE SÉCURITÉ, CE N’EST PAS TOUJOURS LA MEILLEURE SOLUTION»

cYBERcRIMInALITé

ALEXANDRE PLUVINAGE

head of cybersecurity awareness ING

[email protected]

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visites qu’il organise dès le début des années1970. Il participe en 1971 aux fêtes breugheliennesdans les Marolles et organise dans les murs dela brasserie, entre autres, le vernissage du peintrebruxellois Jacano, en 1974.Au fil de ces années se dessine progressivementle futur Musée bruxellois de la gueuze, qui voitle jour en 1978 sous forme d’ASBL. C’est avecquelques amis que Jean-Pierre Van Roy montecette association dont le succès ne s’est pas dé-menti depuis. Elle cadrait parfaitement avec ladémarche de la brasserie à une époque où,comme l’explique le site du musée, « la fermen-tation spontanée et ses dérivés, si recherchés etappréciés aujourd’hui, étaient des bières démo-dées. L’idée était donc de protéger et promouvoirune tradition brassicole encore si florissante audébut du 20e siècle et, tout simplement, d’éviterla disparition de la Brasserie Cantillon. »Aujourd’hui, le Musée bruxellois de la gueuzeest devenu une attraction touristique de premierplan. Il a accueilli plus de 47.000 visiteurs en 2015(année record), en grande majorité des étrangers.Leur nombre a fléchi en 2016, suite aux attentatsde Paris et Bruxelles. Mais les chiffres sont depuisrepartis à la hausse et 2017 devrait s’achever au-tour des 40.000 visiteurs. Dans le lieu-même dela brasserie sont ainsi organisées des visites gui-dées, des expositions et des brassins publics, enprofitant des installations et du matériel histo-rique, toujours en activité. Actuellement, Jean-Pierre Van Roy s’active àl’agrandissement du musée avec de nouveauxobjets liées au monde brassicole bruxellois. Une tâche qu’il effectue en compagnie de sestrois enfants qui sont tous partie prenante dansla brasserie.

TRIUMVIRAT FAMILIALJean, le fils, a succédé au père comme maître-brasseur il y a quelques années. C’est lui qui of-ficie dorénavant au fourquet. Magali et Julie sontégalement actives au sein de la Maison Cantillon.

La première, présidente du Musée bruxellois dela gueuze, prend en charge l’administration. La seconde officie sur le Net, où elle s’occupe desventes de bières, mais également de produits dérivés. Car Cantillon est aujourd’hui devenueune véritable marque qui compte de nombreuxaficionados à travers le monde. Notamment ou-tre-Atlantique où certains lui vouent un véritableculte, n’hésitant parfois pas à se faire tatouer lelogo de la brasserie. Un succès américain qui doitbeaucoup à Michael Jackson. Non pas le chan-teur, mais son homonyme, le « gourou de la bière ». « Je l’ai rencontré au début des années1980 et il nous a fait une belle publicité dans sesdifférents livres », précise Jean-Pierre Van Roy.

ARTISANAL ET NATURELAvec son épouse, ils sont régulièrement présentsau sein de la brasserie où ils retrouvent non seu-lement leurs trois enfants, « qui sont à parts égalesdans l’entreprise », mais également quelques-unsde leurs sept petits-fils qui viennent de temps à au-tre donner un coup de main. Une belle assurance pour la pérennité d’une bras-serie qui, jusqu’à l’arrivée de la Brasserie de laSenne au milieu des années 2000, était la dernièreen activité à Bruxelles.Bon an mal an, Cantillon brasse 2.800 hectolitres.Une belle production mais qui reste anecdotique,comparée aux volumes industriels. Il est vrai qu’àla différence de l’industrie, la gueuze Cantillonest un produit artisanal et naturel (à fermentationspontanée) né de l’assemblage de différents lam-bics qui ont maturé de un à trois ans en tonneau.A l’arrivée, on obtient donc de la gueuze maiségalement de la kriek, de la framboise ou encorede la vigneronne par l’addition de cerises, de fram-boises ou de raisins. Autant de bouteilles qui trou-veront rapidement preneurs. Jean-Pierre Van Roy aime à le rappeller : « J’ai enfoncé desportes pour vendre une bouteille et aujourd’hui,on enfonce celles de la Brasserie Cantillon pouren acheter ».

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Brasserie familiale bruxelloise, Cantillon valorise le patrimoine au-delà desfrontières. Notamment avec le Musée bruxellois de la gueuze qui fêterason 40e anniversaire l’année prochaine. GUY VAN DEN NOORTGATE

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Portrait

BIÈRES CANTILLON

LES GARDIENS DU TEMPLE

uand on écoute Jean-Pierre Van Roy évoquer lamanière quasi religieusede servir jadis la gueuzedans les établissementsbruxellois, on songe au cé-rémonial du thé au Japon.Si aujourd’hui ce rite sem-

ble définitivement rangé au rayon des souvenirsdu Bruxelles d’antan, il nous reste fort heureuse-ment la brasserie familiale Cantillon à Anderlecht.Une brasserie qui a toutefois bien failli disparaîtreégalement à la fin des années 1960, à l’instar denombreuses autres, tant à Bruxelles que dans lereste du pays. « Nous étions en août 1969, se rap-pelle le patron. Mon beau-père, Marcel Cantillon,m’a demandé de reprendre la brasserie. Si je nela reprenais pas, il arrêtait. A l’époque, je travaillaisdans le secteur du disque chez Philips et j’avaisune bonne situation. »Jean-Pierre Van Roy en parle alors à son épouseClaude, la petite-fille du fondateur, Paul Cantillon.Et avec l’enthousiasme de leur jeunesse et un brinde folie, ils acceptent. D’autant que personne d’au-tre dans la famille n’était disposé à reprendre leflambeau. Le comptable le traitant même de fou.

UNE GUEUZE TRADITIONNELLE« J’ai travaillé durant la saison de brassage, d’oc-tobre 1969 à avril 1970, avec mon beau-père qui

m’a appris le métier, et cela tout en travaillantencore chez Philips jusqu’en février pour y pré-parer mon successeur. Par la suite, je l’ai accom-pagné chez les clients de la brasserie. » Des clients qui s’adaptaient de plus en plus auxnouveaux goûts de leurs clients. Coca-Cola étaitpassé par là. Après la Seconde Guerre mondiale, le sucre nes’est pas cantonné aux sodas et aux crèmes gla-cées mais a conquis, via l’industrie agroalimen-taire, l’ensemble du panier de la ménagère. Labière n’a pas échappé à cette vague. Et la gueuzetraditionnelle non filtrée, dont le goût acide estbien typé, a bien failli passer à la trappe, saconsommation diminuant avec la disparition deses amateurs. C’était pourtant une bière incon-tournable au début du 20e siècle, quand est néeCantillon.C’est en 1900 que Paul Cantillon, originaire deLembeek, s’installe à Cureghem, où la brasserieest toujours solidement implantée. A l’époque,il est négociant en bières. Et aussi biersteker. Au-trement dit, il assemble des lambics. Avec sesdeux fils, Robert et Marcel, dans les années 1930,il songe à monter une brasserie. En 1937, la SPRLBrasserie Cantillon est créée et équipée avec dumatériel racheté à une brasserie d’Ouffet, le Neblon, qui avait fermé ses portes. En février1939, elle réalise son premier brassin.Paul Cantillon et ses fils traversent tant bien quemal la guerre et ensuite, se développent petit àpetit, connaissant leur pic avec l’Exposition uni-verselle de 1958. Mais comme le ver est dans lefruit, le sucre est dans la bière. Et l’arrivée de ceque Jean-Pierre Van Roy appelle « la gueuze mo-derne » a bien failli sonner le glas de la gueuzetraditionnelle. En plus des autres bières plusdouces et de nouvelles habitudes de consomma-tion – la bière se vendant de plus en plus dans lagrande distribution naissante.

DE LA BRASSERIE AU MUSÉETant bien que mal, Jean-Pierre Van Roy tient labrasserie à flot, bénéficiant du soutien de jour-nalistes séduits par ses bières et par les premières

QOUTRE-

ATLANTIQUE, CERTAINS VOUENT

UN VÉRITABLECULTE À LABRASSERIE

CANTILLON,N’HÉSITANT

PARFOIS PAS À SE FAIRE TATOUER

SON LOGO.

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La tribU CantiLLona l’avant : Magali van roy, ClaudeCantillon, Jean-Pierre van roy,Julie van roy. a l’arrière : Florianvan roy et Jean van roy.J

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N° 32 › octobre 2017 ‹ Trends Family Business www.tendances.be/familybusiness 11

les membres de la famille doivent suivre le che-min tracé pour eux dans l’entreprise. Je n’ai ja-mais voulu cela pour mes enfants. Ils doiventrester libres et décider eux-mêmes de ce qu’ilsveulent faire de leur vie.»

CHACUN SA VOIELes enfants ont donc suivi des voies variées.Mais, pour trois d’entre eux, elles les ont quandmême ramenés vers La vie est belle. Nele a com-mencé par combiner des demi-journées à lachaîne de production avec ses études de pho-tographie. «En vieillissant, j’ai commencé àcomprendre la valeur que pouvait représenterune entreprise familiale : nous pouvons travailleravec des gens qui comptent beaucoup pournous et nous avons des opportunités qui se-raient inaccessibles ailleurs», estime Nele. Celafait maintenant 12 ans qu’elle est active au seinde La vie est belle. Elle y est responsable descommandes et de la logistique. A terme, elledeviendra directeur du personnel.Au début, Lieven, l’un des fils, arrondissait sesfins de mois dans l’entreprise de ses parents.«Après quelque temps, j’ai constaté que j’aimaiscuisiner, que j’avais des affinités avec le métieret que je commençais à me passionner pournos produits, reconnaît-il. J’ai eu le sentimentque je pouvais apporter ma pierre à l’édifice fa-milial.» Lieven a suivi des formations complé-mentaires, dont une formation de chef à l’écoled’hôtellerie et de tourisme Spermalie à Bruges.Aujourd’hui, il se concentre sur les recettes etla méthode de travail.Karel quant à lui est devenu saxophoniste. Maisil dépannait ses parents et travaillait à la chaînede production. «Initialement, je considérais celacomme un joli revenu d’appoint, se souvientKarel. Cela me permettait de me consacrer à lamusique après les heures de travail. Au boutd’un certain temps, cependant, je me suis renducompte que je n’avais plus de vie sociale et quej’étais même trop fatigué pour la musique. Parcontre, j’ai tout de suite acquis beaucoup de sta-bilité dans ma vie. Ça me faisait vraiment dubien. » Rapidement, Karel s’est chargé ducontrôle qualité et, après quelques formations,est devenu responsable des opérations.La vie est belle a connu un tournant dans son

évolution l’année dernière. Il est apparu claire-ment que la nouvelle génération voulait s’en-gager pleinement. Il s’en est suivi une réunionde famille formelle. «Une entreprise familialedoit s’adapter à la nouvelle génération, expliqueStefaan Deraeve. Katrien et moi avons insufflénotre passion dans l’entreprise pendant toutesces années. Nous devons veiller à ce qu’au mo-ment du transfert, il reste suffisamment de placepour les passions de nos enfants. Ce n’est quecomme ça que l’entreprise pourra croître pro-gressivement et évoluer. Il ne faut pas se voilerla face : une entreprise familiale aussi peut maltourner. Il serait stupide de ne pas chercher àse protéger de ce scénario. Ce qui n’est possiblequ’en prenant des accords clairs et en commu-niquant honnêtement. Nous avons discuté detout de manière très ouverte. Vous ne trouvereznulle part un coffre renfermant des documentssecrets.»

RIEN N’EST PLANIFIÉPour l’instant, les enfants ne sont pas encoreactionnaires, même si cela pourrait changer ra-pidement. «Notre croissance organique a faitde La vie est belle une entreprise familiale, com-mente Stefaan Deraeve. Nous n’avions rien pla-nifié. Dès lors, nous nous trouvons seulementau début d’un processus complexe. Dans unpremier temps, nous allons commencer partraiter les enfants comme des actionnaires.»Les enfants sont des membres consultatifs duconseil d’administration. Par ailleurs, ils tra-vaillent à l’élaboration d’un plan stratégiquepour les cinq années à venir. Ils le soumettrontà leurs parents.Mais que se passerait-il si le vote au conseil d’ad-ministration devait donner lieu à un résultatpartagé ? «Ce n’est pas une option, estime Stefaan Deraeve. Un conseil d’administrationqui se respecte ne prend que des décisions una-nimes. Surtout s’il s’agit de la stratégie qui nousassurera croissance et indépendance financièrepour les années à venir. Il est primordial quetout le monde soit sur la même longueurd’ondes et puisse se rassembler derrière unprojet commun. Ce n’est qu’alors que l’on peutvraiment se définir comme une entreprise fa-miliale.»

LA VIE EST BELLE

L’entreprise alimentaire La vie est belle entre dans une nouvelle phase deson évolution : la deuxième génération marque la société de sonempreinte. «Cela n’a jamais été mon ambition d’en faire une entreprisefamiliale, explique le fondateur et CEO Stefaan Deraeve. J’ai toujoursvoulu laisser mes enfants décider eux-mêmes.» SVEN VONCK

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PORTRAIT

LA DEUXIÈME GÉNÉRATION FAIT LA PLUIE ET LE BEAU TEMPS CHEZ LA VIE EST BELLE

«UNE ENTREPRISE FAMILIALE AUSSI PEUT MAL TOURNER»

epuis 25 ans, La vie estbelle, établie à Oostkamp,produit des burgers biosvégétariens. A uneépoque où l’offre de laplupart des autres pro-ducteurs se limitait en-

core aux burgers de tofu et tempeh, La vie estbelle a lancé les burgers aux légumes, auxgraines et aux céréales. L’entreprise a trouvél’inspiration au Rwanda. Stefaan Deraeve et sonépouse Katrien Steeman y ont travaillé deuxans en tant qu’infirmiers à la création d’un cen-tre de soins. «Nous étions tous les deux desmangeurs de viande, mais c’est à peine s’il y enavait là-bas, se souvient Katrien Steeman. J’aidû faire preuve de créativité pour pouvoir mettresur la table un menu varié. C’est ainsi que j’aiappris à cuisiner des ingrédients alternatifs.»Après leur retour, la cuisine végétarienne deKatrien a connu un franc succès en Belgiqueaussi. Elle a alors animé sporadiquement desateliers de cuisine, livré à petite échelle dansdes magasins de produits naturels, jusqu’à ceque le couple fonde La vie est belle qui livre en-tre autres ses burgers à Delhaize et Bioplanet,la chaîne de magasins spécialisés dans l’alimen-tation bio du groupe Colruyt. L’entreprisecompte 25 collaborateurs, produit chaque se-maine 60.000 burgers et enregistre un chiffred’affaires de 3 millions d’euros.Katrien Steeman ne travaille plus dans l’entre-prise. Il y a 11 ans, elle a acheté un magasin etun restaurant bios. «Nous évoluions alors déjàdans une entreprise semi-industrielle, explique-t-elle. Je ne pouvais y laisser libre cours à macréativité. » Elle est restée une référence im-portante et a contribué à définir les lignes stra-tégiques de la société. Aujourd’hui, elle pourrait

de nouveau jouer un rôle plus actif. «Katrienest le cœur de la société, estime le mari StefaanDeraeve, également gérant. Pendant toutes cesannées, elle a veillé à ce que nous conservionsnotre authenticité, ce qui n’est pas forcémentévident lorsqu’on évolue d’un marché de nichevers une entreprise qui s’adresse aussi à lagrande distribution.»

DE SAXOPHONISTE À COOLe couple a quatre enfants, mais à aucun mo-ment il n’a nourri l’ambition de construire uneentreprise familiale. «Les entreprises familialesont en commun une vision clairement orientéesur le long terme, souligne Stefaan Deraeve.C’est quelque chose que j’apprécie. Par contre,je suis horrifié par la clause tacite selon laquelle

D

«MON NOM,C’EST STEFAAN,PAS PAPA»Collaborer avec des mem-

bres de sa famille n’est pas

toujours chose aisée.

«Je suis déjà rentrée à la mai-

son les larmes aux yeux en

me demandant si c’était réel-

lement ce que je voulais, se

souvient Nele. «En tant que

fille, on a vite tendance, face

à son papa, à redevenir la fil-

lette qui avait besoin d’assu-

rance et d’approbation. Il a

fallu du temps pour que je

puisse dépasser ce stade.

Mais aujourd’hui, je n’ai plus

peur de taper du poing sur la

table. Même face à mon

père.»

«Au boulot, vous devez

considérer votre père

comme le boss, raconte

également Lieven.. Et c’est

parfois difficile. La frontière

est assez mince. Il faut qu’il y

ait un déclic dans votre tête,

mais ce n’est pas quelque

chose qui se fait du jour au

lendemain.»

Mais pour le père, c’est éga-

lement un défi à relever.

«On ne balaie pas comme ça

20 années d’émotions. Pour

moi aussi, il a fallu un certain

temps avant que je puisse

faire la distinction entre les

enfants avec qui je jouais et

les adultes avec qui je tra-

vaille chaque jour à un projet

commun. J’ai vraiment dû

faire des efforts pour y arri-

ver. Voilà pourquoi il est im-

portant qu’au travail, mes en-

fants m’appellent par mon

prénom et non ‘papa’. Cette

petite astuce facilite le déclic

mental.»

«JE SUISHORRIFIÉ PAR LACLAUSE TACITE

SELON LAQUELLELES MEMBRES DE

LA FAMILLEDOIVENT SUIVRE

LE CHEMINTRACÉ POUR EUX

DANSL’ENTREPRISE. JE N’AI JAMAISVOULU CELAPOUR MESENFANTS.»

STEFAAN DERAEVE

EMY ELLEBOOG

NELE, KAREL, STEFAAN ET LIEVEN DERAEVE ET KATRIEN STEEMAN

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PAROLES D’EXPERTS Envoyez vos questions à [email protected]

Les entreprises, si elles veulent continuer à se dé-velopper, doivent subir une transformation numé-rique. Selon le fondateur de la théorie de la dis-ruption en management, Clayton Christensen,des entreprises qui ont tout bon peuvent parfaite-ment se retrouver mises en difficulté par des forcesdisruptives et déstabilisantes. La cadence actuelledes innovations numériques représente pourtoutes les entreprises, quelle que soit leur tailleou le secteur, une menace de mise sur la toucheou, tout au contraire, une opportunité de crois-sance. Comment aborder une telle transformationavec succès ?Un changement graduel ne permettra pas aux en-treprises de suivre le rythme de la disruption etdes opportunités résultant des nouvelles techno-logies et des nouvelles attentes des clients. Ellessont donc pratiquement obligées de réaliser d’em-blée une transformation à grande échelle et demettre en place de nouveaux modèles opération-nels. En tablant sur la disposition au changementde leurs collaborateurs et l’adaptabilité de leursvaleurs culturelles.Car quand on se lance dans un programme detransformation digitale, il faut avant tout penser àbien planifier cette véritable mutation et encadrerson impact sur les gens, l’organisation et les pro-cessus mais aussi la culture de l’entreprise. Sept composantes sont essentielles pour menerce projet à bien :1. Besoin de clarté et remise en questionLe conseil d’administration et le management doi-vent définir clairement leur vision de l’évolutionnumérique de leur entreprise. Les questions clésméritent une réponse sincère : Où souhaitons-nous positionner notre entreprise dans la chaînede valeur ? Où souhaitons-nous opérer ? Commentse présente notre business model ?2. «Business case management» et la néces-sité d’un «return on investment»Si l’on poursuit certains objectifs bien précis, telsqu’une augmentation des marges, une améliora-tion du fonds de roulement ou de la notoriété demarque, il conviendra d’envisager des technolo-gies numériques. Des décisions importantes de-vront être prises en matière d’investissements :le bon timing pour investir dans ces types de tech-nologies, la priorisation et la programmation des

ambitions et des investissements en capital enfonction de l’impact et des avantages souhaitésainsi que des coûts afférents.3. «Talent management» et «resource planning»Les entreprises devront développer de nouvellescompétences, qui n’existaient pas nécessairementavant le début de la transformation numérique.Cela peut impliquer de devoir recruter de nou-veaux talents ou de former vos travailleurs actuels.Et, tout aussi important : votre entreprise doit aussiréfléchir à la manière de retenir, motiver et valo-riser le talent numérique.4. Adaptez vos modèles opérationnel et or-ganisationnel ainsi que votre gouvernanceLa littérature montre que les échecs de transfor-mation numérique ne tiennent pas tant aux «an-ciens» systèmes eux-mêmes qu’à une façon depenser «à l’ancienne». Les entreprises doiventdonc oser remettre en question l’ensemble de leurorganisation et de leur gouvernance et, les infléchirpour que cette nouvelle façon de fonctionner soitune réussite. 5. La meilleure stratégie, c’est la mise en pra-tiqueLe scénario de transformation demandera un nou-vel état d’esprit de la part de tous ; la conceptioncréative et la gestion de projet agile joueront unrôle crucial pour soutenir la cadence toujours plusélevée du changement. A cet égard, la rapidité demise en pratique de la stratégie sera plus impor-tante que son degré de perfection.6. Appliquez le bon changement culturelPour qu’un mode de travail numérique soit cou-ronné de succès, il faut une culture et un climatd’entreprise adéquats. Ainsi, il s’agit de réfléchir,notamment, aux valeurs d’entreprise, à l’environ-nement de travail futur, aux KPI (key performanceindicators) et à la manière de diriger l’entrepriseaprès la transformation numérique.7. Le changement est constantLa numérisation va continuer à changer le mondeet nos vies. C’est pourquoi une organisation maturesur le plan numérique et capable de faire face à latransformation dans le cadre d’un processus or-ganisé, avec l’aide de son propre centre d’expertisenumérique transfonctionnel, détiendra un im-mense avantage concurrentiel.

LA PENSÉE STRATÉGIQUE TRADITIONNELLE NE SUFFIT PLUS POUR SAISIR LES OPPORTUNITÉS DE CROISSANCE DU NUMÉRIQUE

STRATÉGIE

PETER SARASYN

partner BDO advisoryorganisation & performance

[email protected]

LES ENTREPRISES SONT PRATIQUE-MENT OBLIGÉES

DE RÉALISERD’EMBLÉE UNE

TRANSFORMATION À GRANDE ÉCHELLE

ET DE METTRE EN PLACE

DE NOUVEAUX MODÈLES

OPÉRATIONNELS.