/Dossier/ extrêmes droites contre éducation

POUR LE SNUIPP-FSU, 2013 estl’année de son colloque « Éduquercontre l’homophobie dès l’école

primaire ». opportunisme ? Non, hasarddu calendrier. Nous avons entamé cetravail de recherche-action en 2010, avecconception, puis expérimentation deséquen ces pédagogiques pour éduquercontre le sexisme et les lGBTphobies, etpublié une brochure de sensibilisation etun document pédagogique téléchargeable 1.

Les ABCD De L’égALité

À la rentrée 2013 a été mis en place dans600 classes primaires le dispositif desABCD de l’égalité, destiné à lutter contreles stéréotypes de sexes, à l’initiative duministère des Droits des femmes et duministère de l’Éducation nationale.on a alors vu arriver autour de certaines

écoles des tracts dénonçant l’enseignementet les méfaits de la prétendue « théorie dugenre  », distribués par des collectifs deparents auto-proclamés, des associationscatholiques traditionalistes, ou des grou-puscules de type «  veilleurs  » ou «  vigi-gender  », issus de la Manif Pour Tous(lMPT). en janvier 2014, Farida Belghoula appelé à des Journées de retrait del’École (Jre, voir plus loin).

DisCours et DésinformAtion

la rhétorique de ces tracts est un mélangede mensonges, d’exagérations, de glisse-ments de sens, de détournements, dephrases extraites de leur contexte. ils seposent en défenseurs de « la complémen-tarité des sexes », dans une posture essen-tialiste. Ceci est symbolisé par les couleursrose et bleu, déclinées jusqu’à la nausée !ils évoquent «  l’être  » et la «  nature  »(impli citement divine), comme si l’indivi -du-e n’était pas une construction sociale.ils amalgament volontairement les

ABCD, dispositif institutionnel, avec letravail syndical du SNuipp-FSu, qui vaplus loin dans la déconstruction des sté-réotypes et aborde la nécessaire banalisa -tion de l’homosexualité : ils tentent ainside jeter le discrédit sur toutes les actionsd’éducation à l’égalité et de lutte contreles discriminations que l’école peut mener.ils remettent en cause l’éducation à lasexualité. ils dénoncent les méthodes« tota litaires » de l’Éducation nationale etle fait que les parents seraient tenus àl’écart, et revendiquent que l’école nes’occupe que d’instruction. il est mêmeclairement dit qu’elle n’est pas là pourlutter contre les inégalités !

en 2013, diverses mobilisations ont eu lieu autour de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe : des manifestations impor -tantes en faveur de cette loi, et d’autres, encore plus importantes,qui la combattaient, prenant le nom de « Manif pour tous ».

Des JRE à la Manif pour tousPar cécile roPiteAux, Secteur droits et libertés du SNuipp-FSu

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Certains discours, plus subtils, semblentfaire des concessions au constructivisme« on ne naît pas femme, on le devient », etprétendent s’opposer aux discriminations.C’est en fait pour exprimer alors une ho-mophobie plus feutrée, moins outrancière,qui considère les personnes lGBT commecomme inférieures (Association des famillescatholiques). l’hétérosexualité est présentéecomme la seule sexualité « naturelle » etépanouissante, car féconde. Dans le tract,les revendications d’égalité sont associées,négativement, à l’individualisme ! Notonsaussi l’amalgame entre homosexualité etpratiques sexuelles, alors que parler d’ho-mosexualité à l’école primaire, c’est parlerd’amour, de couples, de familles…

AttAques Anti-synDiCALes

Parallèlement, le SNuipp-FSu a été viséégalement, dès le mois de mai, suite autravail qu’il mène : messages haineux surdes blogs, courriels de menaces ou d’in-sultes, permanences syndicales taguées,articles dans la fachosphère… Dans unevidéo mise – un temps – en ligne, le Prin-temps Français, branche radicale de lMPT,est allé jusqu’à écrire : «  Vous répandezvotre idéologie comme les rats répandentla peste. » Cette dernière phrase comporteune référence nauséabonde flagrante à ceque les nazis disaient des Juifs… D’autressites nous accusent d’être des « assassinsd’enfants » et de vouloir « détruire la civi-

Universite Robert Schuman ; Salle de TD, Strasbourg – Myr MURATET

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lisation », et réussissent à amalgamer, dansun vaste complot du grand remplacement,féministes, homosexuels et « populationsislamisées »…

Les Jreen janvier 2014 eut lieu la premièreJournée de retrait de l’école. le discoursassocié franchit encore un cran dans lamanipulation mensongère. Des parentsd’élèves ont reçu un courriel ou SMS lesavertissant que l’école allait « enseigner ànos enfants qu’ils ne naissent pas fille ougarçon, mais qu’ils choisissent de le deve-nir », avec « démonstrations » de mastur-bation ! Cette opération visant à l’instru-mentalisation des familles va connaîtreun succès relatif. le message, signé FaridaBelghoul, est diffusé par Égalité et ré-conciliation et les réseaux liés à la mouvanceDieudonné-Soral, dont des relais islamistes.les Jre ont aussi reçu le soutien deCivitas, organisation catholique intégriste,et du Bloc identitaire.

qui sont-iLs ?« Contrôle totalitaire des cerveaux », « ensei -gnant-es gauchistes aux mœurs dépravéesvoulant corrompre la jeunesse  »… lesconvergences de vocabulaire et d’argumentsfallacieux montrent que, derrière la mul-tiplicité des appellations, même si les relaissont divers et variés, on est dans la pluspure tradition des discours de l’extrême-droite contre l’école publique et laïque !on a bien affaire à un réseau, alliantdroite traditionaliste et extrêmes-droites.lMPT a été l’occasion de passerelles, de

rapprochements, comme celui de l’uNiavec les identitaires, de fanatiques religieuxde tous bords, allant jusqu’à la droite plustraditionnelle, depuis les convaincu-es del’essentialisme, pour qui « la » femme doitrester à « sa » place, jusqu’aux élu-es em-brayant par opportunisme électoraliste.Ces campagnes contre l’école sont donc

un moyen pour lMPT de se recycler, decontinuer à s’opposer au gouvernementen essayant de ratisser largement dansl’opinion. À cela viennent s’ajouter lesennemi-es de l’école publique et les te-nant-es de l’anti-pédagogisme.

Derrière Les DisCoursLes véritABLes enJeuxl’emploi du mot «  gender  » relève dusexisme et des lGBTphobies, mais ausside l’anti-américanisme et l’anti-intellec-tualisme. C’est à relier à la mention des« lesbiennes juives américaines » qui désigneparfois les féministes. on retrouve trèssouvent aussi les références au complo-tisme : des «  lobbies  » œuvreraient à lapromotion de la pseudo «  théorie dugenre ».Derrière la défense de la mythique com-

plémentarité des sexes se cache le refusde l’égalité. en effet, dans leur visionbinaire du monde, le masculin est assimiléau principe actif et à la sphère publique ;aux femmes la passivité et la sphère domes -tique. répartition ô combien hiérarchique,qui est à la source même des inégalités etnourrit la domination patriarcale. Ce sontles mêmes qui s’opposent à l’avortement,au partage du congé parental, etc. leur

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On a bien affaire à un réseau, alliant droite traditionaliste et extrê -mes droites. LMPT a été l’occasion de passerelles, de rapprochements,comme celui de l’UNI avec les Identitaires, de fanatiques religieux de tousbords, allant jusqu’à la droite plus traditionnelle, depuis les convaincu-esde l’essentialisme, pour qui « la » femme doit rester à « sa » place.

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crainte de «  l’indifférenciation » masqueleur refus de la diversité, ils prônent enfait l’uniformité à l’intérieur de chaquesexe, exprimant homophobie et trans-phobie, et nient la réalité des familles.Quant aux attaques contre l’éducation àla sexualité, elles relèvent bien évidemmentde l’ordre moral, qui s’oppose à l’éman-cipation des femmes et des filles.ils osent se placer en protecteurs de

l’enfance, alors que c’est bien le carcandu genre, qu’ils défendent si âprement,qui cause souffrances, viols et violencessexistes, dépressions et suicides de jeuneslGBT par haine de soi… ils occultentcomplètement le mal-être des jeunes,lGBT ou hétéros, qui ne se reconnaissentpas dans les normes strictes de genre. ilsne se préoccupent pas des torts causés àtous ces enfants qui grandissent danstoutes sortes de familles, qu’ils ont tantstigmatisées !

épiLogue...les ABCD ont été enterrés. l’abandondu nom est une faute politique, un reculsupplémentaire du gouvernement. le Pland’éducation à l’égalité, présenté par leministère comme une généralisation, netiendra pas ses promesses faute de moyens.le nouveau site de ressources pédagogiquesest indigent, et présente quelques contenusessentialistes.la Fapec, fédération de parents de F.

Belghoul, est un échec, elle-même s’estbrouillée avec Soral. en revanche, lMPTsemble avoir réussi son recyclage au seinde l’uMP/les républicains, avec la créa-tion de « Sens commun » et compte uncertain nombre d’élu-es. en 2016, les« vigi-gender » font parvenir à des centainesd’écoles une brochure de 50 pages intituléeLe Genre en images, qui présente de nouveauleurs mensonges relatifs à une prétendue« théorie du genre ». l’éducation à l’égalitéet la lutte contre les discriminations y est

discréditée. Suite à interventions syndicales,le ministère a envoyé aux académies laconsigne de bloquer ces envois.À nous de ne rien lâcher de notre projet

éducatif !C’est bien le rôle de l’école :

– d’agir dans une logique de préventiondes discriminations, du harcèlement etdes violences ;– d’accueillir tou-tes les enfants, quellesque soient leurs familles ;– d’éduquer contre toutes les formes dexénophobie, contre le racisme, le sexisme,les lGBTphobies, la stigmatisation liée àla situation sociale ou au handicap ;– d’alléger le poids des stéréotypes et desdéterminismes pour favoriser l’émanci-pation de toutes et tous ;– de contribuer à inventer une culture del’égalité : égalité en droits, mais aussiégalité subjective afin que chacun-e sesente l’égal-e de l’autre et que nous puis-sions avancer ensemble vers l’égalité réelle,sociale et économique de toutes et tous.et c’est bien ce que collectivement nous

continuerons à porter ! ■1. http://www.snuipp.fr/eduquer-contre-l-homopho-bie-des-l,13866

LES ABCD ONT ÉTÉ ENTERRÉS. L’ABANDON DU NOM EST UNE FAUTEPOLITIQUE, UN RECUL SUPPLÉMENTAIREDU GOUVERNEMENT. LE PLAN D’ÉDUCATION À L’ÉGALITÉ, PRÉSENTÉ PAR LE MINISTÈRE COMMEUNE GÉNÉRALISATION, NE TIENDRA PASSES PROMESSES FAUTE DE MOYENS.

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Florilège

Les Jre, c’est avant tout unestratégie victorieuse d’alliancede tous les obscurantismes reli-

gieux avec l’ultra-droite qui s’estconcrétisée lors de la conférence de lapresse du 19 février 2014 en présencede Farida Belghoul, christine Boutin etBéatrice Bourges, fondatrice du « Prin-temps français » qui y déclarait :« l’heure est tellement grave qu’il fautfaire des alliances […]. Parce que c’estla mort qu’on nous propose […]. onveut faire de nous des personnes quisont hors sexe et hors sol, qui perdentleur identité, qui perdent toutes leursidentités, pas seulement leur identitéde sexe et de genre mais aussi leuridentité nationale. […] on veut légali-ser la pédophilie, parce que c’est de çadont il s’agit, en plus, c’est de légaliserla pédophilie […] Alors nous avons dé-cidé de faire alliance pour sauver notrecivilisation. »Pour Albert Ali, essayiste « musul-

man et souverainiste français » proched’Alain Soral, « les Jre sont la mèrede toutes les batailles », quant à Mou-rad Salah, conseiller municipal àMelun, il résume l’ambiance générale :« tenez bon ! tout le corps enseignantest un corps de lâches. la journée deretrait de l’école c’est : je retire monenfant de cet antre du mal. » cettecroisade fondamentaliste, qui prêchepour le retour de l’école à la maison,se double d’un enjeu commercial. PourAlain escada, président du mouve-ment catholique traditionaliste civitas,il est temps d’offrir « une alternative àl’école de la république », « cetteécole qui est aux ordres d’une visionlaïciste et internationaliste veut sépa-rer l’enfant de dieu comme de ses pa-

rents. » c’est à la mise en place d’unréseau d’écoles hors contrats que seconsacre toute une fange de la mou-vance traditionaliste. un vieux rêve del’extrême droite, lassée des « compro-mis » entre l’enseignement privé souscontrat et l’état. dans le sillage duclub de l’Horloge, les « créateursd’école » ont réalisé la synthèse entreune vision ultra-libérale du marchéscolaire (l’école comme entreprisefinan cée par le chèque éducation) et leretour à la pédagogie traditionnelle(religieuse ou pas). Quant à FaridaBelghoul, elle a lancé sa « petite entre -prise » de « remédiation éducativeindivi dualisée à domicile » (le reid),une association à la recherche de250 000 euros de budget annuel pourune dizaine de jeunes. Sa Fédérationde parents accueille aussi rémy Wied-mann, le « coach des parents », ani-mateur du site internet « l’école à lamaison » dont l’objectif est d’amenerles parents à retirer les enfants del’école, « de toutes les écoles », pré-cise-t-il.À la croisade religieuse de civitas et

de Farida Belghoul, il faut associerSoS éducation, connue pour sa péti-tion contre l’exposition « le zizisexuel » à la cité des sciences. délé-gué général de l’association, Jean-PaulMongin est convaincu que Najat val-laud-Belkacem n’a mis « les pieds àl’école que pour promouvoir l’expéri-mentation idéologique des ABcd dits“de l’égalité”, visant à subvertir lesrepè res des enfants dans la construc-tion de leur identité sexuelle ».

extrait de l’école des réac-publicains,g. chambat, libertalia, 2016

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