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11 Cahiers Voltaire

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Les Cahiers Voltaire, revue annuelle de la Société Voltaire

Rédacteur

Ulla Kölving

Comité de rédaction

François Bessire, Andrew Brown, Roland Desné, Ulla Kölving, André Magnan, Jean-Noël Pascal, Alain Sager, Alain Sandrier

Revue publiée avec le concours de la Région Rhône-Alpes

La Société Voltaire bénéficie du soutien du Centre national du livre

Cahiers Voltaire, BP 44, F-01212 Ferney-Voltaire cedex [email protected] | societe-voltaire.org

Cahiers Voltaire 11 • 2011

Abréviations courantes

Best. Voltaire’s correspondence, Genève, 1953-1965

Best.D ou D Correspondance and related documents dans Voltaire, OC, t. LXXXV-CXXXV

BnF Bibliothèque nationale de France

BV Bibliothèque de Voltaire : catalogue des livres, Moscou, 1961

CN Corpus des notes marginales de Voltaire, Berlin, 1979-

CV Cahiers Voltaire

Desnoiresterres Voltaire et la société du XVIIIe siècle, 1867-1876

Encyclopédie Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné, Paris, 1751-

1765

IMV Institut et Musée Voltaire, Genève

Inventaire Voltaire Inventaire Voltaire, Paris, 1995

Moland Œuvres complètes de Voltaire, Paris, 1877-1885

Pléiade Voltaire, Correspondance, Paris, 1963-1993

RHLF Revue d'histoire littéraire de la France

SVEC Studies on Voltaire and the eighteenth century, Genève,

Banbury, Oxford, 1955-1998

Voltaire, OC Œuvres complètes de Voltaire / Complete works of Voltaire, Genève, Banbury, Oxford, 1968-

La couverture reproduit une des têtes de Voltaire du dessin original attribué à Jean Huber. Collection particulière.

Publié par le Centre international d’étude du XVIIIe siècle, BP 44, F-01212 Ferney-Voltaire cedex

Diffusé par Aux Amateurs de Livres International, 62 avenue de Suffren, F-75015 Paris

ISBN 978-2-84559-096-0 ISSN 1637-4096

Imprimé en France par Deux-Ponts, Bresson 11societe-voltaire.org

Cahiers Voltaire

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Cahiers VoltaireRevue annuelle de la

société voltaire

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Ferney-Voltaire

2012

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Revue publiée avec le concours de la Région Rhône-Alpes

La Société Voltaire bénéficie du soutien du Centre national du livre

Nous remercions le Centre international d’étude du XVIIIe siècle (Ferney-Voltaire) et le Centre de recherche sur les sciences de la littérature française

(Université Paris Ouest Nanterre La Défense) de leur participation.

La préparation de ce numéro a été facilitée par les services de la Bibliothèque de Genève

et de l’Institut et Musée Voltaire.

Correspondance, manuscrits, ouvrages pour compte rendu

Cahiers Voltaire, BP 44, F-01212 Ferney-Voltaire cedex, courriel [email protected] ouvrages pour compte rendu doivent être envoyés sans dédicace personnelle.

© Société Voltaire et Centre international d’étude du XVIIIe siècle 2012

Diffusé par Aux Amateurs de Livres International 62 avenue de Suffren, 75015 Paris, France,

pour le Centre international d’étude du XVIIIe siècle, BP 44, 01212 Ferney-Voltaire cedex, France

ISBN 978-2-84559-096-0

ISSN 1637-4096

Imprimé en France

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« Minerve dictait et j’écrivais » : Émilie Du Châtelet et Voltaire 155

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Débats

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Au recto. Tableau du massacre de la Saint-Barthélemy par François Dubois (1529-1584). Musée cantonal des beaux-arts, Lausanne. Dubois, dont toute la famille de confession huguenote fut massacrée le 24 août 1572, a peint ce tableau en Suisse, où il s’était réfugié.

Dessins de Willem parus dans Libération le 3 janvier et le 13 avril 2012, reproduits avec son aimable autorisation.

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Débat. Pour une archive des génocides (IV)

Nous avons relancé en mars dernier le tout premier débat des Cahiers Voltaire ouvert en 2001 et suspendu en 2004. En dix ans, notre revue a mûri, son audience s’est éten-due. Repris sur les mêmes bases, ce débat devrait toucher de nouveaux participants, d’autant que dans l’intervalle, le champ d’étude et de recherche sur les réalités et les phénomènes en cause – violences de masse, génocides, réponses judiciaires et poli-tiques – s’est considérablement développé et structuré.

Nous savons et sentons bien que tout cela est peu de chose devant l’essentiel, qui est que d’autres « conspirations contre les peuples » ont eu lieu, ont encore lieu, que tous leurs auteurs ne sont pas jugés, que tous les droits lésés ne sont pas rétablis. Notre appel initial avait été lancé le 27 août 2001, entre la condamnation de l’un des respon-sables du massacre de Srebenica et les attentats terroristes collectifs perpétrés sur New York et sur Washington – auxquels firent écho plusieurs contributions de notre pre-mier numéro. Notre relance du printemps 2012 est intervenue entre la condamnation du génocidaire Duch et les massacres massifs de Homs et d’Alep. Nous n’avons déci-dément pas changé d’époque. « On est fâché d’être né, on est indigné d’être homme… » La résonance de la vieille plainte sera la même à l’heure de relire le texte remis en débat – et pour combien de temps encore ?

Nous avons donc repris ce texte de référence : le Des conspirations contre les peuples ou des proscriptions écrit par Voltaire en 1766 et publié anonymement en 1767. Nous avons reconduit aussi le titre ou surtitre de ce débat inaugural : « Pour une archive des génocides », libellé problématique, virtuellement anachronique, mais qui nous semble toujours exprimer une exigence secrète du texte. En tant qu’essai de recensement fac-tuel des massacres collectifs attestés dans l’histoire ancienne et moderne (telle qu’on la connaissait alors), porté et traversé par une méditation sur le devenir et l’avenir de l’homme comme espèce et comme conscience, le Des conspirations nous paraît postu-ler l’effort et l’entretien d’une mémoire collective aussi, et de longue portée : Voltaire a peut-être cru l’amorcer à neuf, et au moins s’y est-il lucidement inscrit, en sorte que son discours, celui d’un historien de profession, se projette jusqu’à nous – nous vise et vise au-delà de nous.

Les questions posées sont celles de la place et du rôle de Voltaire dans une histoire ouverte de cette archive des massacres de masse. On sait aujourd’hui que cette histoire, relevant de plusieurs champs de spécialité, appelle des opérations complexes. Sans les couvrir toutes, notre texte semble en illustrer à quelque degré la marche : documen-tation de faits décrits ; compréhension des causes, effets et facteurs ; constitution de phénomènes en objets propres de pensée, d’intérêt et d’étude ; classement et typologie ; construction d’idées ou de notions afférentes, celles de génocide, de crime contre l’huma-nité, de réparation par exemple (« réparer » : le mot est dans notre texte). Bref, il s’agit d’un travail pluridisciplinaire, donc communément partagé au-delà des disciplines et des pratiques respectives, entre philosophie, histoire, religion, psychologie, droit, art, sociologie, psychanalyse, littérature, etc., tendant à penser et repenser, à travers ses continuités et ses discontinuités ou ses ruptures, le lien d’humanité, d’espèce humaine. Voltaire y eut-il part et dans quelle mesure ?

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158 débats

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On trouvera en ligne le document de référence et les contributions reçues entre 2001 et 2004, à l’adresse <societe-voltaire.org/debat1.php>. Une vingtaine de textes furent insérés à mesure dans nos trois premiers numéros. « Ce débat n’est évidemment pas clos », écrivions-nous en 2003 en présentant la deuxième série, « il peut se poursuivre et pourra être repris » (CV 2, p. 207). Le voici repris. Les premières contributions publiées ont éclairé les questions posées, touché des points vifs, aiguisé des angles et souligné des reliefs. Les nouveaux intervenants pourront, s’ils le souhaitent, s’y reporter pour en discuter les données ou les conclusions ; de même, s’ils le désirent, les auteurs des anciens textes sont invités à intervenir de nouveau, soit en repartant du Des conspira-tions, soit en revenant sur telle réponse ou réaction publiée. Car chacun s’en convaincra en reprenant le texte dans sa densité et sa violence originelles – il reste à dire, ne fût-ce qu’en reformulant les choses, ce qui est souvent, pour d’autres et pour soi-même, dire plus autrement. Voltaire le premier, revenant sur le Des conspirations à l’occasion d’une réimpression, en refit l’incipit en 1771 : « Il y a des choses qu’il faut sans cesse mettre sous les yeux des hommes. »

L’appel à contribution a été diffusé largement, en dehors de la Société Voltaire, à partir de listes de personnalités et de spécialistes intéressés par les thèmes en jeu ou sur la base de contacts établis par les coordinateurs. Nous souhaitons vivement que les lecteurs de ce numéro prennent l’initiative de relayer personnellement cet appel, en nous informant des suites. L’idéal serait pour nous, avouons-le, que ce débat puisse retenir l’attention de non-voltairiens, dans l’étonnement peut-être d’y découvrir un texte d’exception, a priori méconnu, qu’ils puissent sentir les concerner aussi, parfois de très près comme on l’a vu dans le passé. La pluralité, voire l’éclatement de ses inté-rêts, mieux constaté, poserait d’ailleurs le problème ultime du statut du document et de sa valeur d’usage, surtout dans la conviction qui est la nôtre que ces pages, parmi d’autres chez Voltaire, plus ou moins bien repérées, sont irréductibles à toute lecture univoque et d’abord à une lecture littéraire au sens étroit.

Nous ne saurions mieux faire, pour évoquer ce vœu d’accueil et d’échange, que de partager avec nos lecteurs ces quelques lignes écrites en 2005 par Henri Meschonnic, en réponse à une invitation qui lui était faite d’intervenir : « Je vous suis reconnaissant de votre lettre et de tous les documents que vous m’avez envoyés. Je ne connaissais pas ce texte de Voltaire. Un immense merci de me l’avoir fait connaître. Je l’ai lu de près, de même que toutes les réactions qui l’accompagnent dans ces Cahiers Voltaire que, j’avoue, je ne connaissais pas non plus. Vous m’avez fait travailler, et c’est pourquoi surtout je vous suis reconnaissant ». Connaissance et reconnaissance : ce que nous pouvons nous apporter mutuellement. On ne regrette jamais de voir retourner à des tâches plus importantes celui qui, en vous souhaitant bon travail, vous remercie de l’avoir « aidé dans le [s]ien ».

Une traduction anglaise du Des conspirations par les soins de George Gordon- Lennox sera bientôt disponible sur le site de la Société Voltaire.

D’autres contributions sont annoncées pour 2013. Nous souhaitons recevoir les propositions de textes destinés à CV 12 avant le 30 avril prochain à notre adresse élec-tronique de coordination : [email protected]. Le texte type, d’environ 2000 à 8000 signes, est rédigé en français ou en anglais, pourvu d’un titre et signé des nom(s) et qualités de son ou ses auteur(s). La publication de textes plus longs peut être envi-sagée : prière d’en faire la proposition à la même adresse, avec un résumé du projet.

Pierre Dumesnil, Stéphane Pujol et André Magnan

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Pour une archive des génocides 159

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✒ Thierry Camous, Le philosophe, la Raison et la conspiration des émotions

Voltaire écrit à l’âge de la Raison. Pour les philosophes des Lumières, user de Raison, c’est rendre le monde intel-

ligible afin de produire du droit et de la norme. Là est le secret de l’espérance en la philosophie, dont Voltaire fait preuve à la fin de son discours Des conspirations contre les peuples ou des proscriptions. « C’est à la philosophie, qui fait aujourd’hui tant de progrès, d’adoucir les mœurs des hommes ; c’est à notre siècle de réparer les crimes des siècles passés », lisons-nous.

Avec ce luxe de l’historien nous jugeons cette espérance en la philosophie, de ma-nière anachronique, follement naïve. Cependant, on le sent bien, si, fort logiquement, Voltaire parvient à expliquer ces phénomènes qui pour nous aujourd’hui relèvent de la « mass violence » par « l’intolérance » religieuse, et s’il en exclut la guerre, phéno-mène lié au droit, le comportement des foules qui, au-delà des obscures et égoïstes motivations des puissants, se laissent aller à commettre le meurtre de masse, le terrifie et l’interpelle à la fois. Voltaire note ainsi : « Si des officiers et des soldats courent au combat sur un ordre de leurs maîtres, cela est dans l’ordre de la nature ; mais que, sans aucun examen, ils aillent assassiner de sang-froid un peuple sans défense, c’est ce qu’on n’oserait pas imaginer des furies même de l’enfer », et plus haut : « Un homme modéré, humain, né avec un caractère doux, ne conçoit pas plus qu’il y ait eu parmi les hommes des bêtes féroces ainsi altérées de carnage qu’il ne conçoit des métamorphoses de tour-terelles en vautours ; mais il comprend encore moins que ces monstres aient trouvé à point nommé une multitude d’exécuteurs ». Que de consternation et d’accablement dans de telles phrases ! Que d’impuissance aussi, dans l’incapacité même à formuler le « pourquoi ».

Il faut dire qu’il y a là une donnée qui échappe complètement aux présupposés du penseur de Ferney, prisonnier du paradigme de la Raison. Car si la superstition et l’intolérance religieuse, si les ambitions politiques des factions, de ces Marius, Sylla ou Auguste qu’il pourfend, sont bien des causes de la violence de masse, de celles qui s’intègrent bien dans sa grille de lecture d’homme des Lumières, elles n’en sont pas toutes les causes. À la question « Comment s’est-il trouvé des barbares pour les [les crimes dénoncés] ordonner », le philosophe opposera donc les arguments fourbis depuis longtemps et partagés par de nombreux penseurs de son siècle, mais à cette autre interrogation : « et tant d’autres barbares pour les exécuter ? », point de réponse, mais une désolation, un abattement, que même la foi en un avenir de l’homme illuminé par la Raison peine à dissiper.

Car, le sage de Ferney ne peut envisager, ou peut-être ne peut-il tout simplement pas l’écrire, que le ressort essentiel de la violence de masse dans l’histoire demeure émo-tionnel. L’intolérance est émotion. Le ressentiment et la peur guident les mouvements des foules assassines, des paysans allemands du début du XVe siècle, des esclaves en révolte de Spartacus ou des Hussites qui dévastèrent la Bohême et la Moravie. Peur de disparaître, colère noire contre la misère ancestrale. Et la philosophie des Lumières allait se montrer, contrairement aux douces illusions de Voltaire, bien incapable de réfréner le tourment émotionnel qui allait emporter l’humanité contemporaine. Dix ans seulement après ce Des conspirations contre les peuples ou des proscriptions, l’Écossais Smith, au nom même de ces Lumières et du progrès de l’humanité, théorisera une pensée grosse de maintes tempêtes. En demandant à chacun de privilégier sa réussite

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160 débats

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individuelle, sa philosophie va porter une prodigieuse évolution sociale et politique, vidant de son contenu le contrat social naissant, laissant une humanité orpheline de solidarité, de lien, elle qui, déjà, voyait se rompre les chaînes rassurantes qui la liaient à Dieu. Dévastations coloniales, au nom de la liberté du profit, plongeant l’Afrique et l’Asie dans le carnage ; révolutions sociales, universalistes, égalitaristes, du retour absolu à la solidarité ; révolutions particularistes de nation et de race des totalitarismes bruns, Terreur rouge et brune, sont les deux faces hideuses d’une même révolte et d’une même souffrance, d’une humanité rendue folle de colère et de terreur par le culte de la liberté né malencontreusement dans le giron des Lumières. D’une humanité qui aujourd’hui encore refuse obstinément d’accepter que son sort soit remis entre les mains des salles de marchés – ressentiment séculaire des humiliés – ou de la techno-cratie bruxelloise – peur de voir la communauté dissoute au bénéfice d’une simple communauté d’intérêts privés.

Une humanité qui, aujourd’hui comme hier, doit vaincre le paradoxe ultime, celui qui l’a toujours tuée. Car les révolutions sont toujours, quelles qu’elles soient, grosses de violence et de barbarie, qu’il s’agisse des révolutions égalitaires, française ou russe, des révolutions égalitaires et nationales, chinoise, vietnamienne ou cambodgienne, ou des révolutions particularistes dites « libérales », anglaise ou américaine. Elles définissent un nouvel Autre, voire un Autre absolu, aristocrate, bourgeois, colonia-liste, impérialiste, loyaliste. Elles génèrent des contre-révolutions, vendéenne, terreur blanche en Russie, intervention américaine au Vietnam ou sud-esclavagiste précipitant la guerre de Sécession aux États-Unis, et se dotent des moyens de les éradiquer, répon-dant à une barbarie par une autre barbarie, terreur contre terreur. Et qui pourra dire que la terreur rouge en Russie, ou que la violence des « Bleus » en Vendée furent pires que le déchaînement destructeur qui s’abattit sur les « papistes » irlandais ou écossais ou sur la Confédération sudiste ravagée par les colonnes de l’Union ?

Pour autant, même instruite du passé, l’humanité doit continuer à s’indigner. Comme jamais, plus que jamais, elle doit résister à l’oppression, mais comme jamais, plus que jamais, sans sombrer, une fois de plus, une fois de trop, dans la barbarie.

✒ Jean-Michel Maldamé, À propos d’un texte de Voltaire. Quelle origine du mal ?

Si d’aventure, je lisais le texte de Voltaire en me limitant à un fragment ou à un seul des événements rapportés, je serais en droit de procéder à un examen circonstancié. En quête d’intelligence des faits, la méthode scientifique serait bienvenue. L’épisode serait placé dans son contexte ; il prendrait place dans le déroulement d’une longue série d’événements qui tissent l’histoire des personnes concernées. Il me faudrait faire ap-pel aux ressources de la sociologie et considérer les éléments spécifiques de la culture impliqués dans la situation. Il serait aussi opportun de procéder à une analyse des rapports entre les forces politiques et de tenir compte des contraintes économiques pe-sant sur les acteurs. Il serait aussi nécessaire d’entrer en psychologie pour voir quelles étaient les émotions, les motivations et les raisons des acteurs. Tout ceci serait œuvre de raison et comme tel devrait s’imposer. Au terme de cette démarche, je pourrais dire que j’ai pu comprendre quelque chose de ce qui s’était passé.

Or dans le langage commun, de comprendre à excuser il n’y a qu’un pas. En effet, l’ordre des raisons conduit à penser que cela devait advenir ainsi. L’effet de surprise

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disparaîtrait et les sentiments d’indignation ou de douleur passeraient au second plan. Ce serait une manière d’écarter tout scandale ; les choses seraient remises dans l’ordre naturel des choses – question politique, philosophique ou psychologique, mais hélas réduction idéologique.

Pourtant, la lecture du texte de Voltaire écarte cette démarche qui est apparue comme une esquive. La mise en série des malheurs évoqués confronte à la répétition du pire. Le constat de la permanence des processus où s’efface toute grandeur humaine, s’il n’interdit pas l’examen scientifique et l’analyse rationnelle, montre que ces expli-cations peuvent éluder la question qui est posée : d’où vient le mal ? En effet, deux éléments paraissent à la conscience du lecteur. D’abord, l’audace de poser la question de l’origine du mal et ensuite le courage de s’impliquer dans sa réponse.

En réponse à la première question, la situation est contrastée. Une première ré-ponse consiste à redire la leçon du catéchisme quand il fait référence au « péché origi-nel ». Cette doctrine s’enracine dans un texte de la Bible, un conte moral qui résiste à tout simplisme. Le récit met en scène un « jardinier » dupé par plus rusé que lui ; inscrit dans une théologie de l’alliance, il dénonce une désobéissance coupable, puisque le don du Dieu d’Abraham médiatisé par une Loi, la Torah symbolisée par l’arbre de la connaissance du bien et du mal, est récusé. La lecture attentive du récit montre qu’il a été écrit pour rendre raison de l’Exil. Il enseigne que le peuple élu a perdu la Terre pro-mise (symbolisée par le Jardin) à raison de sa désobéissance et les prophètes affirment que ce malheur est une juste punition. En le plaçant en tête de la Torah, le rédacteur ultime de la Bible, a voulu en faire la figure universelle du malheur. Pour souligner la responsabilité humaine et corrélativement innocenter Dieu de toute responsabilité du mal, la théologie latine a donné au patriarche de l’humanité, Adam, une condition quasi divine par des dons allant bien au-delà de sa nature. Ainsi la faute est inexcusable et tous les malheurs du monde sont justifiés. Plus encore, ce mythe a été inséré dans une perspective plus large encore en développant les harmoniques de la notion de chute, dans un temps qui précédait le temps. Les grands schèmes de la Gnose qui décrivent une cosmogonie angélique sont alors convoqués pour expliquer que l’homme n’est qu’un maillon dans la chaîne de la révolte de l’esprit puni par son enlisement dans la matière et dans les inconforts de la chair marquée du signe de la mort. Pourquoi cette fuite en avant, sinon parce que ce mythe, pris comme compte rendu historique, se détruit lui-même ? Que fait-il, sinon mettre en scène l’accusation de l’autre ? L’homme dit : c’est la femme ; la femme dit : c’est le serpent… et la modernité commence lorsque que serpent à son tour dit : c’est le dieu qui m’a fait serpent. Donc si tout va mal, c’est la faute du créateur.

L’apologétique entre en jeu ; elle cherche à justifier Dieu ; au sens premier des termes, elle écrit une « théodicée ». Il lui est très difficile d’éviter que cette « justifica-tion de Dieu » ne soit par contrecoup une justification de l’ordre du monde et donc une légitimation du mal, considéré comme « moindre mal ». La référence à Dieu cautionne donc un ordre qui est un déni de justice. Que faire sinon exiler Dieu dans l’au-delà de l’inaccessible ou bien récuser son existence et combattre la figure emblématique de l’oppression de celui qui se présente comme le Tout-puissant disant par le pro-phète Isaïe : « Je crée le bien et je crée le mal » (Isaïe, XLV, 7) ?

Le ciel étant vide, il reste à faire face à la réalité présente. L’étude la plus élémen-taire des phénomènes impliqués dans la présence du mal montre qu’ils ne peuvent être pris de manière isolée et qu’il faut considérer les liens et les interactions. On est donc renvoyé à la notion de Nature – ennoblie d’une majuscule. Le monde n’est pas une

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collection disparate, mais un tout. La Nature est cette puissance inscrite en tout ce qui naît et advient. La science actuelle se construit sous le paradigme de l’évolution. Cos-mogenèse, biogenèse, anthropogenèse… Tout évolue. Or l’explication rationnelle de cette production des êtres dans une grande échelle où s’inscrit homo sapiens, fait appel à ce que l’on appelle par euphémisme « mécanisme ». La loi de l’évolution est une loi de sélection, sélection du « plus apte » et donc extinction voire élimination des autres. Mère Nature ne serait-elle qu’une marâtre ? Le tri sélectif n’est pas l’ordre despotique du Pantocrator de l’Antiquité, mais il est sans doute plus cruel, car plus universel et d’une certaine manière aveugle, puisqu’on ne saurait lui attribuer un dessein et discer-ner une finalité à son jeu.

Pris entre ces deux références dont l’insuffisance est patente, tant pour l’esprit que pour le cœur, ne serait-il pas possible de faire l’éloge du détachement ? La mise à dis-tance de tout ce qui est malheur ; la solitude du sage qui sait que l’on peine en vain et qu’il est plus important de bâtir sur l’inaccessible de ses hauteurs ou dans les profon-deurs de la forêt un « havre de paix », une maison de paix et de silence où tout serait disposé selon la perfection figurée par le cloître des monastères médiévaux ou des sanctuaires bouddhiques qui défient le temps du haut de leur montagne. Hélas, la considération de la réalité montre qu’il y a là bien des illusions. Nul n’esquive le combat et ce qui semblait un jardin tranquille est le lieu du combat. Les utopies de l’isolement ne durent pas. Pour cette raison, les premiers moines chrétiens n’avaient pas ces illu-sions, puisqu’ils déclaraient aller au désert pour combattre les forces du mal à l’œuvre dans le monde, se plaçant comme en avant-garde sur le front de la lutte contre le mal radical. La reconnaissance qu’ils ont obtenue et leur singulière fécondité à la source de la civilisation atteste que leur vie portait du fruit car ils commençaient le combat en soi-même. Ils ne se séparaient pas des autres. Ils allaient les rejoindre, car dans leur dépouillement, ils apprenaient que chacun porte en soi le pire et qu’il est long le chemin de la purification du cœur et du désintéressement, cher à Emmanuel Levinas.

La longue série d’oppressions relevées par Voltaire montre que le malheur est par-tout et que nul n’y échappe, ni culture, ni institution, ni communauté, ni couple, per-sonne quel que soit son âge ou sa condition. Elle montre aussi qu’il est vain d’accuser autrui sans avoir commencé à s’interroger sur sa manière de vivre et de s’engager dans la relation au monde. Ma grand-mère disait à l’enfant turbulent que je fus : « Si tu veux courir vite, regarde loin et si tu veux voir loin, commence par regarder au fond de ton cœur ». Allons à ce point comme à une source.

Deux perspectives se présentent. Elles sont au principe des formes de la civilisation. La première, qui est hélas la plus commune, consiste à dire que le commencement de la vie consciente est la peur. Tant pour les peuples primitifs que pour les petits enfants, le sentiment premier serait l’effroi devant un monde inconnu et menaçant. Ce sentiment mènerait à construire des mythes et des pratiques pour tenter de conjurer les forces du mal. Peu à peu, la connaissance des rapports entre les choses, la perception des régula-rités et des lois permettrait de prévoir et donc de se libérer de la peur. L’âge de raison viendrait avec la compréhension et la maîtrise de l’action. Telle est l’audace fondatrice de la modernité. Pourtant, la peur serait toujours là, car la menace n’a été que déplacée, le temps qui vient sera un temps de pénurie et de désarroi. L’étroitesse du temps n’est pas abolie.

Une autre perspective reconnaît que ce qui est premier, loin d’être la peur, est l’émerveillement ou l’admiration. Le premier regard sur le monde est l’étonnement de ce qui se donne par le fait même d’exister. Ainsi le moteur de la parole, de la pensée,

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de l’action est-il la volonté du bien et du beau : l’art de vivre commence par les choses les plus simples et les plus pures. Ce n’est pas une évasion ! En effet, le regard fondé sur la reconnaissance de la valeur des choses est blessé par ce qui ne devrait pas être. Plus le bien est reconnu comme bien, plus le mal est perçu comme injuste et du même mouvement dénoncé.

Il y a ainsi deux formes d’émotion fondatrice : l’une est centrée sur soi, l’autre sur autrui. La première fait l’égoïsme, la seconde ouvre un chemin de relation et de vie don-née. Ce sont là les fondements qui sont la source de bien des attitudes qui s’investissent dans la manière d’être vis-à-vis de soi, d’autrui et du monde des vivants.

Aimer c’est avoir peur pour ceux que l’on aime. Telle est l’expérience fondatrice de toute relation d’estime et corrélativement la source de la vie. Elle commence par la perception du mal : impossible de ne pas être scandalisé par le mal et par sa répétition où se redouble l’injustifiable. Impossible de ne pas entrer en résistance contre les men-songes et les impostures et donc de ne pas commencer par faire un travail de vérité. Le cœur de cette attitude est bien la reconnaissance de la valeur de ce qui est, tandis que le mépris de soi, d’autrui et du monde engendre la peur et déclenche la chaîne du malheur évoquée dans la longue série du texte de Voltaire.

Paraît alors le maître mot de la condition du combat : « Espérer contre toute espé-rance ». Car l’espérance est dans le refus ; elle surmonte l’indépassable lassitude face à l’intolérable car elle donne la force de le récuser sans se laisser vaincre par le découra-gement. Plus on avance, plus l’intolérable paraît comme tel. Ainsi s’ouvre l’horizon qui est celui de la vraie vie. La béatitude des cœurs purs et des artisans de paix passe par la persécution pour la justice pour aller jusqu’à la vision de Dieu. Peut-être que Rim-baud est un ce ceux qui ont le mieux ouvert la voie : « Ô Pureté ! Pureté ! Cette minute d’éveil qui m’a donné la vision de la pureté ! – par l’esprit on va à Dieu ! Déchirante infortune ! »

✒ Julien Métais, L’homme à l’assaut du temps

Dans son Des conspirations contre les peuples ou des proscriptions (1766), Voltaire fait une recension des « assassinats publics » qui ont émaillé l’histoire humaine jusqu’à son époque. Il entend montrer que l’on ne peut espérer corriger l’homme que grâce à la philosophie « qui fait aujourd’hui tant de progrès » et dont le rôle principal est « d’adoucir les mœurs ». Pourtant nous savons que le siècle des Lumières, en dépit de sa croyance indéracinable dans le pouvoir libérateur de la raison, n’a pu empêcher dans la suite des siècles la perpétuation de massacres comparables à ceux rapportés par Voltaire. La question se pose donc de savoir comment la raison qui fait toute la dignité de l’homme, en ce qu’elle représente un pouvoir de défascination considérable censé le préserver de toute entreprise nocive, a pu permettre voire encourager l’élimination systématique de peuples innocents.

Et, en effet, si comme le remarque Voltaire, « la guerre paraît l’état naturel de l’homme », avec le développement de la culture au long des siècles, avec le raffinement spirituel qui se dégage lentement de la gangue de l’ignorance, avec le progrès arraché aux lourdes ténèbres de l’histoire, l’homme devrait logiquement s’éloigner de cet état de guerre premier et jouir en toute quiétude des fruits de la paix et de la liberté. Or il n’en est rien. L’incompréhension que suscite cette constatation explique la souffrance de notre philosophe devant l’absurdité de la condition humaine : « Ce tableau soulève

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tellement le cœur… » Car c’est bien la raison qui enseigne la conjonction cuisante de la barbarie et de la culture : « Jamais les esprits ne furent plus cultivés, les talents en plus grand nombre, la politesse plus générale » que dans ces périodes de proscriptions. Bien avant les philosophes du XXe siècle et leur dénonciation de la barbarie nazie, Voltaire éprouve un douloureux sentiment d’incrédulité, de vertige aussi devant ce processus de dédoublement indéfini qui conduit la raison à engendrer librement et en toute impunité la figure de sa propre négation. La raison se dévore elle-même, engagée dans un débat insoluble, car livrée tout entière à la possibilité de son anéantissement. Et il est vrai que sitôt que l’homme s’avise du signe de sa grandeur, sitôt que sa raison tel un miroir réfléchissant lui découvre l’étendue illimitée de son pouvoir, elle ne peut pas ne pas concevoir le besoin de réaliser ce pouvoir, fût-ce en le tournant contre elle-même, ne serait-ce que pour tenter d’en mesurer l’étendue. Car loin de se borner à agir localement sur la destinée humaine, la raison veut s’assujettir tout l’ordre du concevable et à travers lui le champ d’ombre invisible qui derrière les mots échappe à sa prise. Si bien que chaque fois que l’homme part en guerre contre lui-même, chaque fois que sa rage de destruction s’abat sur un peuple, son but secret est d’exterminer à travers ce peuple la racine du visible enfoncée dans l’invisible – but toujours voué à l’échec et se heurtant au possible comme à la limite ultime de son expression. La raison promène sur le monde son linceul ensanglanté comme l’expression victorieuse de sa plus haute défaite.

De là l’importance cruciale accordée dans cet opuscule à la violence qui gouverne le cours de l’histoire avec une constance infaillible. Et sans doute la violence est-elle aussi présente dans le règne animal mais elle se ramifie dans le cas particulier de l’homme en cruauté, c’est-à-dire en jouissance spécifique prise à humilier et à anéantir son alter ego. Or la cruauté qui s’est elle aussi raffinée au long des siècles n’exprime peut-être que l’emprise croissante et intolérable de la culture sur l’homme. L’homme est un être que la culture accable et qui ne trouve d’autre réponse à cet accablement que de ruiner le principe de sa croissance spirituelle. C’est à cette condition que sa jouissance se purifie et devient digne de satisfaire et de réjouir son appétit des confins. C’est dire que la raison est contaminée dès le début par la monstruosité de ses expressions possibles, de sorte que le développement de la culture est en même temps et de façon nécessaire besoin de profanation de l’invisible. Mais comme la raison ne peut terrasser l’invisible sans se terrasser elle-même, elle est conduite à fragmenter l’intensité de sa force en l’objecti-vant sous la figure d’un peuple ou d’un groupe d’individus représentant la partie la plus éloignée de son expression violente et sauvage : « Las Casas dit que ces peuples détruits étaient d’une espèce douce, faible et innocente… ». Éliminer cette partie qui n’est plus elle lui permet de se rassurer sur sa légitimité ainsi que sur sa capacité à gouverner, fût-ce au prix du sacrifice de vies innocentes. Où l’on voit que la raison est prête à tout pour confondre les éléments de discorde potentiels qu’elle renferme malgré elle. Et c’est justement le rôle du tyran d’en venir à bout sans s’inquiéter de ce qu’il adviendra de ceux qui ne sont plus.

Car il est clair que le peuple ou le groupe humain que le tyran est sur le point de « proscrire », de rayer de la carte du monde n’a plus rien de commun avec ce dernier, si ce n’est qu’il gêne l’accomplissement de ses projets et interdit à son ambition de se déployer comme elle le voudrait. Ces victimes potentielles ne sont qu’une abstraction que la cruauté du tyran rend plus odieusement sensible à son désir de conquête et de domination. Dès lors leur élimination est le meilleur moyen de sauvegarder l’intégrité d’un empire toujours menacé par la sourde vitalité des communautés opprimées. Cette

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élimination ne pose aucun problème moral au tyran puisqu’elle est conçue comme une opération d’assainissement grâce à laquelle il s’assure la perpétuation de son ordre intérieur. En somme, du point de vue du tyran, est justifiée toute proscription visant à garantir les conditions de stabilité d’un pouvoir fort et autoritaire. Mais ce qui est vrai à l’échelle d’un peuple l’est également à l’intérieur d’une communauté d’individus. Ainsi le racisme à travers le prisme duquel l’autre est perçu comme une menace poten-tielle gênant la tranquillité de son ordre propre, obéit dans son principe à ce processus d’exclusion. Et bien qu’il ne se traduise pas par l’élimination de tel ou tel individu, il n’en répond pas moins à une logique de violence exclusive qui, si les conditions de son expression se trouvaient réunies, se conclurait peut-être par la mise à mort pure et simple des individus jugés indésirables. En ce sens, la réflexion de Voltaire revêt une portée générale et est susceptible de multiples ramifications.

Mais qu’on ne s’y trompe pas, le véritable ennemi du tyran n’est pas l’homme ou la raison – sous la multiplicité de ses figures possibles – mais la pointe même du devenir, avec sa part de surprises et de nouveautés imprévisibles. C’est pour endiguer le cours du temps que le tyran se met en tête d’exterminer une partie de son peuple. Car le temps, c’est déjà le peuple en marche contre un pouvoir toujours exposé à la contestation de mouvements populaires spontanés. C’est ce dont témoigne aujourd’hui, de façon magistrale, dans le monde arabe, ce qu’il est convenu d’appeler le « printemps arabe », exprimant le perpétuel débordement du temps sur lui-même. De là la violence du tyran qui décime la foule populeuse des têtes révoltées, de peur que, le devançant, elles ne fassent rouler sa tête dans les profondeurs du vide. Pour lutter de manière efficace contre la métamorphose du temps, le tyran se retranche derrière l’artifice d’un ordre immuable, répandant la peur et l’épouvante jusqu’au fond de la vallée de l’histoire. C’est que le rêve du tyran est de faire de la raison l’héritage d’un monde sans mémoire, sans s’aviser que la mémoire du monde est le seul héritage pour lequel il vaille la peine de sacrifier sa vie. C’est dans cette perspective que prend sens la recension faite par Voltaire : le devenir humain est sans cesse rattrapé par une poignée d’hommes tyran-niques qui se mettent en travers de son chemin et deviennent à leur tour la proie de ce qu’ils récusent et dont ils se font les ennemis opiniâtres, le passage du temps. Quiconque s’oppose à l’épanouissement des virtualités du devenir humain est le jouet inconscient de ce dont il prétend se garantir, car il agit depuis le temps qu’il voudrait arrêter, en sorte que chaque fois qu’il s’applique à en canaliser et orienter l’expression, il est défait par la somme des intensités qui le parcourent et le traversent et préparent le moment prochain de sa chute. Le temps œuvre à trancher dans la nuit la tête indignée du tyran posée sur l’inquiétude des jours.

Pour cette raison peut-être Voltaire en appelle, à la fin de ce texte, aux philosophes, hommes de lumière et de réflexion, seuls capables d’humilier « l’ambition qui op-prime » et de triompher de la « basse férocité ». Et, en effet, qui est plus à même que le philosophe de percevoir, sous le défilé ininterrompu du temps, l’instant fatidique où luit en son éclat incorruptible la figure épanouie du possible, qui se communique et se propage à chacun de ses membres ? qui est plus à même d’accueillir en son sein la création pour l’élever dans l’invisible et accomplir à travers elle sa métamorphose ineffable ? qui mieux que lui connaît le cœur de l’homme et peut veiller sans faiblir à la conduite de sa destinée ? L’appel à la tolérance ne serait qu’un vœu pieux s’il n’y avait le philosophe – sage ébloui, revenu de l’âpre contrée de la folie – pour témoigner en vérité de la grandeur du monde qui vient.

Bien sûr, la tâche du philosophe ne saurait consister à exercer des fonctions poli-

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tiques éminentes – il est loin le temps où Platon assignait au philosophe la mission de gouverner les âmes en vertu d’un pouvoir politique souverain. Bien plutôt doit-il œuvrer inlassablement de la place qui est la sienne à la lente assomption du visible dans l’invisible. Et il ne peut y parvenir que s’il manifeste un complet détachement vis-à-vis des jouissances faciles que la société propose à l’âme égarée, que si l’esprit de justice qui anime et guide chacun de ses actes obéit dans un même élan aux exigences d’une rigueur infaillible. Bref, le philosophe doit assumer le rôle de témoin de l’invisible, et ce rôle, il ne peut l’assumer que dans la retraite de la solitude, là où, en paix avec lui-même, il œuvre à la juste promotion de la création, à l’étoilement du cœur derrière la haute barrière de signes qui le sépare en même temps qu’elle lui donne l’avant-goût du pays de son inachèvement. Mais cela suppose d’abord qu’il consente à congédier la vieille raison et ses prétentions exorbitantes à réduire et à immobiliser ce qui est dans les filets indécents du langage, qu’il renonce à tout droit sur l’imprescriptible pour, plein d’une humilité fervente, entrer renouvelé dans la palpitation d’un acte où le cœur et l’esprit se poursuivent en une chevauchée fantastique le long de la ligne d’horizon du possible.

✒ Paolo Quintili, Se dire encore voltairiens ?… Le Souverain Mal et sa banalité

Encore Voltaire, ce Voltaire ! Eh bien oui, il faut le redire, car on peut encore le dire librement. Notre monde a besoin de la pensée de Voltaire, plus encore qu’il y a dix ans, lorsque les Cahiers Voltaire nous proposaient de réfléchir sur ce court et grand texte, le Des conspirations contre les peuples ou des proscriptions de 1766. Il ne cesse de solliciter notre sensibilité historique et critique autour de ce qui se passe dans le monde, dans notre monde, le monde comme il va.

Je disais en 2001, devant ce tableau descriptif et explicatif des barbaries et infamies commises par des hommes sur des hommes, que nous discutions souvent, mon ami et maître Jacques D’Hondt et moi, de cette étonnante capacité voltairienne de syn-thèse ironique sur son époque : « Oui, il nous manque aujourd’hui un Voltaire !… ». Aujourd’hui, Jacques D’Hondt me manque, disparu le 10 février 2012, il fut l’un des philosophes français les plus voltairiens du XXe siècle, auteur d’une Idéologie de la rup-ture (1978, 2012), pointant les dégâts d’une pensée qui prétend « rompre » les liens de la continuité historique et critique avec son passé et congédier ainsi l’homme lui-même comme un simple « pli » de l’histoire (M. Foucault). Alors, après la nouvelle réédition de l’Idéologie de D’Hondt, nous pouvons essayer encore de revenir, plus résolument, sur notre question de 2001 : « Pourquoi l’on ne peut pas ne pas se dire voltairien ? »

C’est vrai : on ne trouve presque rien de comparable au Des conspirations de Voltaire, ni dans la littérature générale, ni dans la philosophie politique du temps. Seul peut-être le Diderot « clandestin » écrivant between the lines, anonyme, son apologie de ce « Spartacus noir » qui aurait vengé, un jour, l’humanité des opprimés contre ses bour-reaux, pour l’Histoire philosophique et politique des deux Indes de l’abbé Raynal, aura su s’indigner à ce point de la misère de l’homme, et « se fâcher d’être né, d’être homme ». Cependant, ce qui rend absolument unique l’approche de Voltaire et qui le rend encore plus proche de nous, c’est sa mise en scène du Souverain Mal dans l’histoire, parallèle à ce mal physique qui avait frappé le prétendu « meilleur des mondes », à Lisbonne, le 1er novembre 1755. « Lisbonne est abîmée, et l’on danse à Paris… ». Onze ans après

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le tremblement de terre de 1755, après ce tableau du mal de la nature, mal subi, non voulu, voici le tour du Souverain Mal, le Mal infligé par l’homme à l’homme, le Mal de la séparation et de l’indifférence, ce « Mal radical » (I. Kant) qui néanmoins pourrait, devrait être évitable, dépassable, évité, dépassé à l’âge de la Raison humaine. Hélas, il n’en est rien, nous dit Voltaire. On constatait en 2002, on constate à nouveau en 2012, que le Souverain Mal n’en a jamais fini de hanter une humanité qui pourtant, grâce à ses progrès techniques, a su atténuer le poids de ce mal physique indépassable qu’une « Nature Marâtre » (G. Leopardi) ne cesse d’infliger elle-même à ses enfants rebelles. Le pire, nous montre Voltaire, c’est que l’on peut faire ces constats, ces comptes et ces décomptes de « conspirations contre les peuples », les génocides, les massacres, les persécutions, sans perdre notre sang-froid. On les représente, ces événements, ils arri-vent toujours, et leur récit dès lors – l’Ancien Testament en est riche, de ces infamies qui n’ont rien de « sacré », au contraire ! et que Voltaire ne se lasse pas de souligner, indigné – fait en sorte que ce Mal devienne irrémédiablement banal.

Le Souverain Mal, comme l’a bien vu Hannah Arendt à propos du criminel nazi Eichmann, dans les hauteurs de ses abîmes, lorsqu’il est inséré dans le cadre d’un récit finaliste, a l’apparence et fait l’effet d’une chose banale. L’Infâme se présente déjà dans ce texte de 1766 (comme dans tant de comptes rendus de la presse actuelle) sous le chiffre phénoménologique de la banalité. Pour se justifier et s’absoudre, au nom d’une Cause supérieure, Dieu, la Vérité, la Justice... Voltaire quant à lui nous a mis et nous met en garde. « Méfiez-vous », dit-il entre les lignes, « méfiez-vous de regarder d’un œil distrait ces faits d’histoire qui ne cessent de côtoyer le chemin de l’humanité ». Et la le-çon, cette leçon d’humanité – un « humain » ineffaçable, un pli dans l’étoffe du temps – se diffuse encore et toujours comme un geste sans retour, radicalement opposé à toute manière cynique ou « réaliste » (la raison d’État !) de regarder et de juger le monde. C’est exactement sur ce point que nous ne pouvons pas ne pas nous dire voltairiens.

Voltaire nous est nécessaire, précisément là où il semble se montrer à la fois le plus ironique et le plus « indigné-d’être-homme ». Sans jamais cesser d’être l’un et l’autre, d’être les deux, homme et indigné, comme il le faut.

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Contributeurs

Karine Bénac-Giroux, maître de conférences HDR, Université des Antilles-Guyane, Martinique

Roger Bergeret, des Amis du vieux Saint-Claude, historien et chercheur comtois

Andrew Brown, directeur, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire, secrétaire de la Société Voltaire

Thierry Camous, professeur agrégé d’histoire, chercheur associé au CNRS

Jean-Daniel Candaux, chargé de recherches, Bibliothèque de Genève

Sébastien Charles, professeur titulaire de philosophie, Université de Sherbrooke

Laurence Daubercies, doctorante en langues et lettres, Université de Liège

Pierre Dumesnil, maître de conférences, Telecom & Management SudParis

Béatrice Ferrier, maître de conférences, Université d’Artois, Arras

Marie Fontaine, professeure agrégée de lettres classiques, Lycée R. Poincaré, Bar-le-Duc, doctorante à l’Université de Rouen

Stéphanie Géhanne Gavoty, maître de conférences, Université Paris-Sorbonne

Gérard Gengembre, professeur émérite de littérature française, Université de Caen

Linda Gil, Université Paris-Sorbonne, Università Roma Tre

Gianluigi Goggi, professeur de littérature française, Università di Pisa

Felicia Gottmann, docteur en littérature française, chercheur au sein du projet « Europe’s Asian centuries : trading Eurasia 1600-1800 », University of Warwick

Véronique Heute, professeure certifiée de lettres modernes, Collège César-Lemaître, Vernon

Ulla Kölving, directeur de recherches, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, Ferney-Voltaire, rédacteur des Cahiers Voltaire

Stéphane Lamotte, enseignant au Lycée Albert Ier, Monaco

Édouard M. Langille, professeur de français, St Francis Xavier University, Antigonish

Pierre Leufflen, voltairien, chercheur, Nîmes et Paris

Mélanie Lopez, docteure en droit public, chargée de cours à l’Université d’Artois, Arras

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298 contributeurs

André Magnan, professeur émérite, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, président d’honneur de la Société Voltaire

Florence Magnot-Ogilvy, maître de conférences, Université Paul-Valéry Montpellier 3, IRCL, IUF

Jean-Michel Maldamé, dominicain, professeur émérite à l’Institut catholique de Toulouse, membre de l’Académie pontificale des sciences

Benoît Melançon, professeur de littérature française, Université de Montréal

Julien Métais, enseignant en philosophie

Jean-Noël Pascal, professeur de littérature française, Université de Toulouse-Le Mirail, vice-président de la Société Voltaire

Gillian Pink, research editor, Voltaire Foundation, doctorante, University of Oxford

Benjamin Pintiaux, École de danse de l’Opéra de Paris, Université Paris-Sorbonne

Martial Poirson, professeur de littérature française et arts du spectacle, Université Stendhal-Grenoble III et UMR LIRE-CNRS

Stéphane Pujol, maître de conférences, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, Collège international de philosophie

Paolo Quintili, professeur d’histoire de la philosophie, Università di Roma et Collège international de philosophie, Paris

Philippe Rocher, bibliothécaire d’État, CERHIO-Le Mans

Alain Sager, philosophe, Nogent-sur-Oise

Alain Sandrier, maître de conférences, Université Paris Ouest Nanterre La Défense

Charlotte Simonin, Lycée Poincaré, Nancy

Geneviève Sion-Charvet, docteure en histoire et en sciences des religions, chercheuse associée au Centre de Recherches et d’études Histoire et Société à l’Université d’Artois

David Smith, professeur émérite, University of Toronto

Anne Soprani, écrivain et éditrice

Kees van Strien, ancien professeur d’anglais au Vietland College, Leyde

Willem, dessinateur de presse

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Table des matières

études et textesAndrew Brown, « Minerve dictait et j’écrivais » : les archives Du Châtelet retrouvées 7

Andrew Brown et Pierre Leufflen, Voltaire et Émilie Du Châtelet dans la rue Traversière (II) 27

Karine Bénac-Giroux, Les vacillements du sujet dans les réécritures d’Œdipe, de Corneille à La Motte 47

David Smith, Du nouveau sur Voltaire 59

Stéphanie Géhanne Gavoty, Radiographie d’une protestation : Voltaire dans son cabinet de travail d’après la lettre « Sur les prétendues Lettres de Clément XIV » 67

Kees van Strien, Gerard Roos (1730-1812), traducteur et champion de Voltaire 85

Stéphane Pujol, Avant-propos. Voltaire et le scepticisme 101

Stéphane Pujol, Voltaire et la question du scepticisme 104

Sébastien Charles, Entre pyrrhonisme, académisme et dogmatisme : le « scepticisme » de Voltaire 125

Édouard Langille, Candide : « pulp fiction » 149

débatsPour une archive des génocides (IV). Coordonné par Pierre Dumesnil, Stéphane Pujol et

André Magnan. Thierry Camous, Le philosophe, la Raison et la conspiration des émotions (159) ; Jean-Michel Maldamé, À propos d’un texte de Voltaire. Quelle origine du mal ? (160) ; Julien Métais, L’homme à l’assaut du temps (163) ; Paolo Quintili, Se dire encore voltairiens ?… Le Souverain Mal et sa banalité (166) 157

Voltaire à l’école (III). Coordonné par Alain Sandrier et Béatrice Ferrier. Geneviève Sion-Charvet, Voltaire et le fait religieux au « Bac pro » (169) ; Alain Sager, De l’athée au citoyen : pour un enseignement voltairien du fait religieux dans l’école républicaine (176) ; Véronique Heute, La découverte du fait religieux dans Le Monde comme il va (1748) (180) ; Philippe Rocher, Voltaire et les jésuites (1860-1995) (182) ; Mélanie Lopez, Entre religion, faits religieux et éducation à la citoyenneté : quelle place pour Voltaire dans l’enseignement secondaire en Espagne ? (187) 168

enquêtesSur la réception de Candide (X). Coordonnée par André Magnan. Contributions

de Marie Fontaine, Stéphanie Géhanne Gavoty, Linda Gil, Benoît Melançon et Charlotte Jeanne Simonin 193

Sur les voltairiens et les anti-voltairiens (XI). Coordonnée par Gérard Gengembre. Contribution de Benoît Melançon 217

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300 table des matières

actualitésÉphémérides pour 2012 (Roger Bergeret, Laurence Daubercies, Pierre Leufflen,

André Magnan et Anne Soprani) 223Relectures (Jean-Noël Pascal, Quand Voltaire écrivait, de Lyon, à Beuchot…) 250Manuscrits en vente en 2011 (Jean-Daniel Candaux) 258Bibliographie voltairienne 2011 (Ulla Kölving) 264Thèses (Felicia Gottmann, Stéphane Lamotte, Gillian Pink. Section coordonnée

par Stéphanie Géhanne Gavoty) 276Comptes rendus (Gianluigi Goggi, Ulla Kölving, Florence Magnot-Ogilvy,

Benjamin Pintiaux, Martial Poirson, Alain Sager, Alain Sandrier. Section coordonnée par Alain Sandrier) 280

Contributeurs 295

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cahiers voltaireLes Cahiers Voltaire, revue annuelle de la Société Voltaire,

sont publiés par le Centre international d’étude du XVIIIe siècle

Rédacteur Ulla Kölving

Comité de rédaction François Bessire, Andrew Brown, Roland Desné, Ulla Kölving, André Magnan, Jean-Noël Pascal, Alain Sager, Alain Sandrier

société voltaireConseil d’administration

Président François Bessire Président d’honneur André MagnanVice-présidents Roland Desné, Jean-Noël Pascal Secrétaire Andrew Brown

Rédacteur des Cahiers Voltaire Ulla Kölving Responsable du Bulletin Françoise TilkinMembres Jean-Daniel Candaux, Béatrice Ferrier, Stéphanie Géhanne Gavoty,

Pierre Leufflen, Stéphane Pujol, Martial Poirson, Stéphane Pujol, Jürgen Siess, Dominique Varry

Correspondants

Allemagne Ute van Runset, Richardstr. 68, D-40231 Düsseldorf

Belgique Françoise Tilkin, Département de langues et de littératures romanes, 3 place Cockerill, B-4000 Liège ([email protected])

Canada David Smith, 9 Deer Park Crescent #1104, Toronto, Ontario M4V 2C4, Canada ([email protected])

Grande-Bretagne Richard E. A. Waller, Department of French, University of Liverpool, P. O. Box 147, Liverpool L69 3BX, G. B. ([email protected])

Grèce Anna Tabaki, Département d’études théâtrales, Centre de recherches néohelléniques, 48 avenue Vas. Constantinou, 11635 Athènes, Grèce ([email protected])

Italie Lorenzo Bianchi, Via Cesare da Sesto 18, I-20123 Milano ([email protected])

Suède Sigun Dafgård, Hornsgatan 72, S-11821 Stockholm ([email protected])

Tunisie Halima Ouanada, Bloc 58, app. 1002, Village méditérranéen, 2018 Rades, Tunisie ([email protected])

New York Jean-Pierre Bugada, Rue de la Loi 155, B1040 Bruxelles ([email protected])