Dom Juan, Molière - ActeI, sc.2: éloge de l'inconstance

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Dom JuanActe I, scène 2

L’éloge de l’inconstance

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DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

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1 - Eloge paradoxal de l’inconstance1. Condamnation de la fidélité

Les propos de Dom Juan donnent une image dévalorisante de la fidélité :

Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux!

● Idée de privation de tous les autres plaisirs : cf négations : qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne+ privation précoce : on se lie à demeurer au premier objet + être mort dès sa jeunesse

● La fidélité est comparée à une sorte de mort : s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesseIdée reprise à la fin par la métaphore sommeil :

nous nous endormons dans la tranquillité

➙ Pour  Dom Juan, la fidélité est uniquement un statut social ridicule, une morale sans fondement.

idée d’enchaînement

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1 - Eloge paradoxal de l’inconstance2. Apologie du plaisir de la séduction

Le discours de DJ croise les thèmes du droit/justice et celui de la douceur etdu plaisir ; ainsi, pour lui, la séduction relève du droit (des femmes) etdu devoir (des hommes - cf glissement subtil des pronoms ON➙ NOUS➙ JE)

toutes les belles ont droit de nous charmer

l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos coeurs

l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres

je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes

il faut rendre « à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige»

Le plaisir que procure l’inconstance est souligné par le lexique, par des aphorismes

tout le plaisir de l'amour est dans le changement

mais aussi par l’évocation du nombre/quantité (hyperboles épidictiques)

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DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

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Conclusion intermédiaire/

transition : C e t é l o g e d e l'inconstance répond à l'éloge du tabac. Il met en regard les capacités d'orateur des deux protagonistes mais dans les deux cas, il s'agit d'une déclaration d'hostilité c o n t r e l a p e n s é e morale de l'époque.

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11 - L’autoportrait d’un libertin1. Conquérir est notre destin (Valmont)

La fin de la tirade de DJ est portée par le champ lexical de la conquête militaire

On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

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11 - L’autoportrait d’un libertin1. Conquérir est notre destin (Valmont)

• La conquête est présentée comme un besoin irrépressible :j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs (...) je me sens un cœur à aimer toute la terre; (métaphore + hyperbole)

• Cela s’explique par le plaisir qu’elle engendre :

Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.

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2. Amour et amour propre Cet éloge de l’inconstance fait ressortir la désinvolture du jeu de la séduction : le jeu amoureux, la conquête, a plus d'importance que l'enjeu des sentiments. L'inconstance est l'essence même de la passion : tout le plaisir de l'amour est dans le changement

La femme n’est que l’objet de la conquête qui vise à se rendre maître d’une beauté séduisante, à dominer ce qui a charmé.

je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini,

Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne

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3. Dom Juan, un virtuose de la paroleL’énonciation  «Quoi ? Tu veux...» : Dom Juan rebondit sur les propos de Sganarelle, étonné presque indigné glissement subtil des pronoms ON➙ NOUS➙ JE: passe du ON général (vision globale) à lui-même (pour moi : confidence, exemple personnel) ; puis retour au général (nous) qui prouve qu’il n’est pas le seul ; il veut capter la bienveillance de l’auditoire effacement du TU (=Sganarelle) : le discours s’adresse au public (provocation) Langage soutenu : DJ est un aristocrate (comme le public de la pièce, choqué par ces propos et qui se retrouve plutôt dans la réaction offensée du valet ➙ provocation)

La multiplication des registresRegistre lyrique : 1ère pers, champ lexical de l’amour (vocabulaire galant, précieux)Contraste avec la violence des termes de conquête (l’oxymore 'douce violence' marque une transition)Registre épique : séduction présentée comme technique militaire : champ lexical, expressions hyperboliques, comparaison avec Alexandre clôt logiquement mouvementRythme ternaires (deux premières phrases), style cérémonieux ('la constance n'est bonne...')Registre épidictique de l’éloge : champ lexical, expressions hyperboliques, accumulationsDiscours construit à visée argumentative : connecteurs, ouverture, conclusion, arguments pertinents, ampleur phrases.

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Conclusion

Cette tirade constitue un moment-clef dans l’exposition de la pièce ; le héros y révèle sa caractéristique essentielle : le besoin de conquérir par la séduction.Dom Juan achève l’esquisse de son portrait préparée par Sganarelle en révélant son talent d’orateur, sa maîtrise du discours. C’est le deuxième éloge paradoxal de l’acte 1, et cette revendication assumée d’un choix de vie libertin confirme le caractère provoquant de cette scène d’exposition.

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Autre proposition de plan pour cette tirade I/ Un éloge paradoxal 1. Refus de la fidélité : identification de la fidélité et de la mort ; traitement ironique de la fidélité 2. L’argument de la liberté : thème du lien, conçu comme entrave ; imaginaire spatial de la conquête 3. L’argument de la beauté : le ravissement sensuel que provoque la beauté est un mécanisme naturel ; thème de la douceur II/ L’amour comme combat 1. La métaphore de l’amour comme siège militaire 2. La métaphore de la conquête militaire 3. Dimension héroïque de l’amour : détournement de l’origine guerrière et des valeurs héroïques de l’aristocratie dans une conquête galante. Idéal de maîtrise et de domination qui s’exerce dans une sphère érotique III/ Une tirade séduisante, faite pour ravir… 1. Une argumentation serrée, telle un siège en règle : critique de la thèse opposée ; thèse proposée : l’inconstance ; les moyens de l’inconstance ; amplification conclusive. Analyse des articulations logiques. Dimension dialogique (ex : « non, non… »). 2. La douceur de la séduction : repérer les vers blanc, les balancements, les allitérations et les assonances… Lyrisme du monologue. 3. La maîtrise de Dom Juan impose le personnage : fréquence du « je », Dom Juan en « Alexandre », longueur de la tirade (silence du valet ; parole accaparée par le maître). L’éloge de l’inconstance est aussi celui de Dom Juan par lui-même.

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DOM JUAN: Quoi? tu veux qu'on se lie à demeurer au premier objet qui nous prend, qu'on renonce au monde pour lui, et qu'on n'ait plus d'yeux pour personne? La belle chose de vouloir se piquer d'un faux honneur d'être fidèle, de s'ensevelir pour toujours dans une passion, et d'être mort dès sa jeunesse à toutes les autres beautés qui nous peuvent frapper les yeux! Non, non: la constance n'est bonne que pour des ridicules; toutes les belles ont droit de nous charmer, et l'avantage d'être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu'elles ont toutes sur nos cœurs. Pour moi, la beauté me ravit partout où je la trouve, et je cède facilement à cette douce violence dont elle nous entraîne. J'ai beau être engagé, l'amour que j'ai pour une belle n'engage point mon âme à faire injustice aux autres; je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes, et rends à chacune les hommages et les tributs où la nature nous oblige. Quoi qu'il en soit, je ne puis refuser mon cœur à tout ce que je vois d'aimable; et dès qu'un beau visage me le demande, si j'en avais dix mille, je les donnerais tous. Les inclinations naissantes, après tout, ont des charmes inexplicables, et tout le plaisir de l'amour est dans le changement. On goûte une douceur extrême à réduire, par cent hommages, le cœur d'une jeune beauté, à voir de jour en jour les petits progrès qu'on y fait, à combattre par des transports, par des larmes et des soupirs, l'innocente pudeur d'une âme qui a peine à rendre les armes, à forcer pied à pied toutes les petites résistances qu'elle nous oppose, à vaincre les scrupules dont elle se fait un honneur et la mener doucement où nous avons envie de la faire venir. Mais lorsqu'on en est maître une fois, il n'y a plus rien à dire ni rien à souhaiter ; tout le beau de la passion est fini, et nous nous endormons dans la tranquillité d'un tel amour, si quelque objet nouveau ne vient réveiller nos désirs, et présenter à notre cœur les charmes attrayants d'une conquête à faire. Enfin il n'est rien de si doux que de triompher de la résistance d'une belle personne, et j'ai sur ce sujet l'ambition des conquérants, qui volent perpétuellement de victoire en victoire, et ne peuvent se résoudre à borner leurs souhaits. Il n'est rien qui puisse arrêter l'impétuosité de mes désirs: je me sens un cœur à aimer toute la terre; et comme Alexandre, je souhaiterais qu'il y eût d'autres mondes, pour y pouvoir étendre mes conquêtes amoureuses.