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    I.. e present livre comprend: 1 0 les quinze articlesparus dans la France Musicale sous Ie nom de Fabred'Olivet en 1842, 1843 et 1844 fil publu!s incompIete~ment par Rene Philipon en 1896 (Par is, Chamuel ;2' edition, uno, Paris, Chacornac); 20 quatre articles: Origine de la ltfusique et Coup d'rell sur la1llusique sacree et celeste , parus dans la meme revueen~O, sans indication precise d'auteur, mais cer-tainement extra its du manuscrit qui auraif eM com-munique c i la revue en 1842.

    En I'absence du manuscrii origilwl, la successiondes chapiires ciani inceriaine, ceux-ci ont e ie classes

    dans l'ordre qui a paru le plus logique.En appendice soni reproduits : 1 0 deux articles

    parus dans la revue en 1844 et 1852 : De l'harmoniechez les Grecs et les Romains ", et Origine de lanotation el de la musique moderne , qui semblenipouvoir eire attribues c i Fabre d'Olivet, mals ont pro-bablemeni eM adaptes par les redacteurs de la revue;2 deux articles: Jl.fusique des Phenieiem et desEgyptiens , du Dictionnaire de musique theoriqueet historique de Escndier, directeur de la France Musi-cale.

    Certaines repeti tions font supposer que le manuscritoriginal, qui eomportaii certainement des ehapiiressur la musique des Hindous (voir page 84) et des PIu?-niciens, peui-etre aussi sur celie des Egyptiens et desHebreux, etait compose de fragments destines c i eirerevus, ce qui expliqueraU pourquoi Fabre d'Olivet n'apas publie ce travail.

    Ceite edition copt 'l 'Iete done seuletneni les deux pre-cedentes; elle n'est pas d_efinitiue.

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    m eE S D ES A NO IEN S S UR LA M US IQ UE(I)

    Je vais examiner Ia musique, en general, commescience el cornme art, el lacher de Caire sortir de celexamen un systeme theorlque el pratique Condesur Innature et reunlssant les principes trouves par les an-ciens avec les connaissances acquises par les mo-dernes.

    Celte elude et ces resul tats scront plus importantsqu'on ne croil; car Ia musique n'est pas seulement,

    commc 011 se I'imagine aujourd'hui, l 'art de combinerles sons ou le talent de les rcproduire de la manlere laplus agreable it I'orellle : cecl n'cst que sa partie pra-tique, celle d'on resultent des Cormespassageres, plusou moins brillantes, suivant les temps et les lieux, Iegolit et Ie cap~ic des peuples qui Ies Cont varier demille maniere a muslque, envisagee dans sa partiespeculat ive, es, omme la deflnissaient les anciens, laeonnalssance de I'ordre de toules choses, In science desrapports harmoniques de l'univers; elle repose sur des

    (1) La publication cst annonc~c oinsi dons le num~ro du25 septembre 1842 de la France Mu.icale: 4-

    co Nous eommeneens auJourd'hul la publication d'un trn,'al lim!dit de Fabre dOllvet . savant orlentaliste et hablle muslclen. ..J . ! lOI ' l - l 'Pgrl s en 1825. Scs b .Mtlers on t (tobve dans les paplersde eet ~crh'arn. aussl orlilinal que profond. un ouvralle InlltulC!:La musique ezpliqu~e comme .cience et comme art, eI consi-d~ree dan e. rappor', analogique. al1ec les mg.Mre. religieuz.la mgthologie ancienne et l'hi.toire de la terre. Cet ouvmlle.qui Joint II dO$observations touJoun neuves, I 'a lt ralt piquantde la forme et Ie m~rl tc d'uno clarl6 parfal tc. DOUS a 616confh\ .avec aulorlsaUon d'en oxtralre toul co qui pourralt COD vonII' auxlocteurs do la France IIlusicale.

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    10 LA. MUSIQUE EXPLIQUEE

    ments prcpres a leur inspirer Ie go(it de Ia musi ue,s'etaient distingues par leurs meeurs douce et I urespect pour Ia divinlte. IIfait Ietableau Iepi s flatleurdes ffltesou Ia jeunesse arcadienne s'aceoutui i1.-dl'enfance, a chanter des hymnes religieux. en l'honneurdes dieux et des heros du pays, et ajoute : J'ai rap-porte ces choses pour engager les Cynethes a donnerla preference a la musique, si jamais Ie cielleur inspireIe desir de s'appliquer aux. arts qui humanisent lespeuples; car c'est Ie seul moyen qui leur reste pourdepouiller leur ancienne ferocite. Ainsi Polybe atta-chalt a la musique Ie pouvoir d'adoucir les moeurs,Longtemps avant , Platon avail reconnu dans cet artune influence irresist ible sur la forme du gouverne-ment, et n'avait pas craint de dire qu'on ne pouvait

    faire aucun changement dans la musique sans en effec-tuer un correspondant dans Ia const itut ion de I'Etat ,Cette idee, sulvant ee philosophe, appartenait a Damon,qui avail donne des le~ons d'harmonie a Socrate; maisapres l'avoir reeue lui-meme de Soerate, il l'avait forldeveloppee par ses etudes et ses meditations. Jamaisil ne perd, dans ses ouvrages, I'oceasion de parler dela muslque, et d'en demontrer les efIets. II assure,des Ie commencement de son livre des Lois, que, dansIa musique, sont enfermees toutes les parties de I'edu-cation. L'homme de bien, avalt -il dit d'ail leurs, est fIe seul excellent musicien, parce qu'il rend une har-:monie parfaite, non 'Pas avec une lyre ou avec d'autres \instruments. mais avec Ie total de sa vie. I) Ce philo-sophe se garde bien. comme Ie vuIgaire eommeneaitit Ie faire de son temps, de placer la perfection de lamusique dans la faculte qu'elle a d'afIecter agreable-ment l'Ame; il assure, au contraire, que rien n'est pluseloigne de la drolte raison et de Ia verit6. La beautede Ia musique conslste, selon lui. dans la beaute msmede Ia vertu qu'eUe inspire. II pense qu'on peut recon-

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    COlltlllESCIENCE fiT cOllum AnT II

    naltre les inclinations des hommes par l'espece demusique qu' ils aiment ou qu'ils louent , et veut qu'onforme de bonne heurc leur goftt sur cette science, enla faisant entrer dans l'education des jeunes gens,d'apres un systeme fixe et bien ordonne, (I Un Etatgouvernc par de bonnes Iois, dit-il, ne laisse j amais aucaprice des poetes et des musiciens. ce oq~ie?nccrneles bases de I'educat ion dans la musique; I l regIe ceschoses ainsl qu'on les pratique en Egypte, au la jeu-nesse est aceoutumee a suivre ce qu'il y a de plusparfait, tant dans la melodic que dans la mesure et la

    forme du mode. IILe systeme musical que Platon avail en vue dans ce

    passage ctait originaire d'Egypte; porte d'abord enGrece .par Orphee, quant a sa partie pratique, il futensuite developpe par Pythagore, qui en explique lapartie theorique assez ouvertement, eachant seulcmentle principe fondamenlal de la science, dont il reservela connaissance aux seuls lnitles, alnsl qu' iI en availpris l'engagement dans les sanctuaires; car, les pretresegyptiens ne communiquaient les principes des sciencesen general . qu'apres les plus terribles 6preuves et lesserments les plus solennels de selaire ou de ne les livrerqu'a des hommes dignes de les 'Possed~r. ~oi1a laca~sede ce long silence que Pythagore exigeal t de ses dis-ciples et I 'origine de ces .voiles mysterieux dont il lesobligeait, it son tour, de couvrir leurs ensei~ncm~nt~.

    TLe systeme musical que nous possedons aUJourdhut, .

    nous elant venu des Grecs par les Romains, est donc: ~quant it son principe eonst itut if, le meme que celuides antiques Egypt_'ns; il n'a varie que dans Ies fo~-

    ~eR pratiques qui~ dengure~t qu'on en peut Iael-lement eearter comme je me propose de Ie montrer.C'est ce meme ~ysteme que Thnee, de Locres, regardaitcomme Institue par les dieux pour Ie perfectionnementde rAme, et dans lequel il voyait cette musique celeste

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    12 LA MUSIQUE EXI'LiQUEE

    qui. dirigee par la philosophie, peut Iacilement habi-tuer, persuader, forcer la partie sensible de I'amed'obeir A l'Intellectuelle, adoucir sa partie irascible,calmer sa partie coneupiscible, et les empecher toutesdeux de se mouvoir centre la raison ou de rester oi-sives quand la raison les appelle.

    France Mu.icalc. 25 .ePlembrG

    l*S~lon e que Platon ajoule, au passage que j'ai rap_;

    porte es. pretre~ egypti~ns avaicnt tr~cc dcs. modelesde re et d harmonie, et les avaient fait graversur d~ l.ables exposees aux yeux du peuple dans Icstempl~1 n'etait permis Apersonnc d.. e rien changer it !

    ces modeles, en sorte que les memes lois reglant tou>ee qUI concernait la musique, Ia peinturc ct la sculp-tu~e, on ~oyait des ouvrages. de c~sdeux derniers arts, .qUI duraient depuis dix mille ans, on enlendait deschants qui remontaientA la meme epoque. Platen, etaisant mention de ce long intervalle de temps, etcomme s'il eut senti que la posterlte Ie revoqueralt lmdoute, a soin de Ie repeter : II Quand je dis dix milleans, ajoute-t-il, ce n'est pas pour ainsi dire. mais it laletlre, dix mille ans : aussi dolt-on regarder une pa-reille institution comme un chef-d'oeuvre de legisla-tion et de polilique. II

    L'antiquite de ce systeme musical en laisse lnfererl'universallte, Aussi Ie trouve-t-on, avec des modlflea-lions diverses, repandu sur tous les lieux de la terrequ'habltent encore ou qu'ont habites les nat ions civl- .lisees : l 'Arabie, la Perse, l 'Inde entiere, la Chine n'enont pas d'autre. Les Arahes, comme ils en conviennenteux-memes, t iennent leur musique des Persans, LesPersans la tiennent des Hindous, quoiqu'Us aientquelque peine a I 'avouer; mais cela est dcmonlrc par

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    Ie nombre et la conformite de leurs modes. Les uns etles autres aUribuent un grand pouvoir it cette musi-que, dont Ie systeme, qui est Ie meme que celui desEgypliens et des Grecs, ne difIere essentiellement du1Iotre que par les deviations de l'un et de l'autre, etpar les formes exlerieures (Iue les temps et les lieuxont fait varier. Quant n la musique chlnoise, elle estau fond la meme que celle des Egyptiens, comme I'abien observe l 'abbe Roussier, et consequemment lameme que celie des Grecs, malgre la difIerence de phy-sionomie qu'elle ofIre au premier coup d'oeil . Je ta -cherai d'eclairer ceUediffleulte en montrant, quand iIen sera temps, comment il est possible que les Egyp-liens et les Chinois aient eu Ie merne systeme musicalsans se Ie donner les uns les autres, mais en Ie pre-nant tous les deux a une source commune.

    Je vais, dans ce chapitre, et pour I1C pas trop m'ecar-ter de mon premier dessein, me horner a prouver que ]Ies Chinois ont eu de temps immemorial , sur la puis-sance morale de la muslque, les meme idees que lesGrecs. /./"\. .

    Le celebre \:ong-Tse que nos premiers mission-nalres, dans I ur de tout latlniser, ont nommeConfucius, Kong-Tsee, Ie Socrate de In Chine, apresavoir appris a fond In muslque comme Ie sage Atbe-nien, reconnaissait, dans cette science, Ie moyen Ie

    plus sur et le plus aimable de reformer les meeurs pu-bliques et de les renouveler entlerement.

    II pensait, comme Platon I'a exprlme quelques sie-cles apres0ue la musique devait atre considereecomme ~es premiers clements de I'cducalion, ~que sa perte ou sa corruption etait la plus silre mar-que de la decadence des Empires. Kong-Tsee etnit. apeu de chose pres, eontemporaln de Pythngore et dusecond Zoroastre; sans connattre ces hommes divlns,sans m~me avoir entendu parler d'eux, iI professait 1j

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    14 LA ),IUSIQUB EXPLIQUEB

    leur meme doctrine. Aussi proCond moraliste que IeIegislateur des Perses, il avail penelre aussi loin quePylhagore, dans Ie prlnclpe des sciences.

    Le systeme musical de sa patrie lui etait parCaite-ment connu, et i1 paralt meme qu'il s'etalt rendu Cort

    habile dans la pratique de la musique. On lit, dans le-Lun-Yu, que ee philosophe, jouant un jour du king,un bon paysan, qui passait devant sa porte: s'arretapour l'entendre, et que, touche de I'harmonie que ren-daient les pierres sonores de cet instrument, il s'ecrla : Oh I que celui qui joue ainsi a l'time occupee degrandes choses! Il

    Cette veneration que Kong-Tsee avait pour la mu-sique, iI I'avait pulsee dans les livres sucres de sa na-tion. Ces livres ne parlent de cette science que pourIa louer et en raconter les merveilles.

    Selon Ie Li-Ki, elle est l'expresslon et I'image deI'union de la terre et du ciel; ses principes sont im-muables; elle fixe I'elal de loutes choses; eUe agitdirectement surI'ame et Cait entrer I'homme en com-merce avec les esprits celestes. Sa fin principale est deregler les passions. C'est elle qui enseigne aux peres etaux enCants, aux princes et aux sujets, aux marls etaux femmes, leurs devoirs reelproques. Le sage trouvedans sea accords une source Inepuisnble d'instructionet deplalsirs, avec des regles invariables de conduile.

    Le Chou-l(ing, livre canonlque de premier ordre, rap-porte que l 'Empereur Chun, en nommant un officier 'pour pre sider sur cette science, lui dit : Je vous .charge de presider it la musique : enseignez-Ia, auxfils des grands, pour leur apprendre IIa llier la droitureavec la douceur, Ia politesse avec la gravite, la bonteavec Ie courage, la modestie avec Ie meprls des vainsamusements. Les vers expriment les sentiments del'Ame, Ie chant passionne les paroles, la musique mo-dule Ie chant, l'harmonie unit toules les voix et ac-

    COM ME SCI BNCE ET COM ME A RT 15

    corde avec elles les divers sons des instruments : Ieseoeurs les moins sensibles sont touches, el I'hommes'unit II I 'esprit . II Rouei etait le nom du sage dontl'empercur avait Cait choix pour lui confler cet impor-tant emploi. C'est de lui, qu'iJ est ecril dans Ie meme

    livre, dont I'antiquite rcmonte II plus de deux milleans au-dessus de celle ou I'on place l'appurltlon del 'Orphee grec, qu'iJ savait adoucir les hommes lesplus Ceroces, remplir leur ame de transports delicieux,et au moyen de son art, animant la pierre sonore desinstruments, attirer les anlmaux et les Caire tressaillird'aise auteur de lui. J'aurais trop II Caire, si je vou-lais ciler en delail tous les textes des lines chinoisqui par lent de In musique,

    Pan-Kou, le plus Inmeux historien de la Chine, as-sure que toute la doctrine des Kinq sert II prouv~rIn necessite de cette science. Les poetes el les ornteursla deflnissent, I'echo de In sagesse, In maltresse et Inmere de In vertu, le messager des volontes du Tien,nom qu'Ils donnent n l'etre supreme: In science quidevoile cet etre ineffable et ramene l'homme vers lui.Les ecrlvalns de tous les uges lui attribuent la puis-sance de Caire descendre sur la terre les esprits supe-rieurs, d'evoquer les manes des ancetres, d'inspireraux hommes l'amour de Ia vertu et de les porter it lapratique de leurs devoirs. Veut-on savolr, disent-ils'l

    si un royaume est bicn gouverne, sl les moeurs deshabitants sont bonnes ou mauvalses? QU'on examinela muslque qui y a cours. II

    En renechissant ur ces I e que des hommes, telsque Pythagore et ong- Tsee, 0 t egalement adopteeset qu'its ont Cait ad s disciples en des con-trees si eloignees, apres les avoir pulsees dans leslivres sacres des deux plus anciennes nations dumonde, il est difficile de les croire depourvues de toutCondement et d'attribuer au hasard seul leur singu-

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    16 ~USIQUE 8XPuQvmt

    llere coincidence. I me semble, malgr6 ce qu'en peuldire un certain De orde, qui n'a fait ses quatre vo-lumes in-4 que 'Pour prouver la sup6rioril6 de notremusique, que celle sup6riorit6 n'esl rien moins queprouvee el qu'Il ne paralt pas du tout, comme iI Iedit, que les anciens fussenl absolument des ignorantsen cet arlo II est bien vrai que nos symphonistes mo-dernes, ne pouvant rien comprendre nux merveillesdont parlent les anciens, prennent Ie parti de les nier;mais une denegation n'est pas une reponse, et it nesuffit pas de dire qu'une chose n'est pas vraie pourqu'elle ne Ie soil pas. ~

    II faut le prouver,,.e(' cela est impossible, it mainsde prendre pour une preuve irresistible, ce raisonne-ment qu'lls fonl en s'enfermant dans le cercle vicieux

    que leur suggere I 'amour-propre : nous sommes tressavants en musique, et notre musique est la meilleuredes musiques possibles; or, nous ne saurians pour-tant y voir ee que les anciens voyaienl dans la leur,ni effecluer par son moyen ee que les anciens effec-

    , tuaient : done les anciens elaient des ignorants. desvisionnaires, des ruslres : fort bien. II n'y a la-dedansqu'un 'Point it reprendre : c'est qu'on y pose en Caitcequi est en quest ion (1).

    France Jllusicale, 2 oetobre 1842.

    . , - - - - - - - - - - - - - - - - - - . - - - - - - - - - - - - -(1) La preml6rc parlie de co cbapltre et Ie d6but de la

    deultl6me lont rcprodults presque IUt6raiemcnt par Escudlerda nB Ion Dlctionnaire de musique. article a Anciens (Pofuslquedes)

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    CO)l) tB SCIENCEET cal l l iE ART 17

    v8R IT AB LB O AU SE D ES EF FET S M OR AU XDB LA M U SJOU E

    Sans ehercher it nier une chose aussi bien demontreeque la puissance morale de la mu~ chez les an-clens, cherehons plutet il dccouVTh~s causes de cettcpuissanc~ perdons, s' eut, la mauvaise habitudeque l'igl1'6rance et I paress 110US ont fail contraeterde nier effrontement ce qui sorl de la sphere de nosconnalssanecs, et de trnlter de vislonnaires au d'Im-posteurs ceux qui ant vu dans la nature des chases ceque nous n'y voyons pas. Tachons de nous persuaderque la vue lntellecluelle de I'homme peut s'etendreau se raecourcir camille sa vue physique, penetrer avecplus au molns de justcsse et de force dans I'essencedes chases, comme dans l'espace, et embrasser il laCoisdans l'une ou l'autre sphere un nombre plus aumains considerable de rapports, suivanl que les clr-constances la Cavorisent au qu'elle s'est exercee il les

    saisir; sachons qu'iI est des differences notables d'indi-vidu il individu, de peuple it peuple; conslderons lestemps et les Ileux, les revolutions politiques et les:vicissitudes de la nature, et souvenons-nous que dansun brouillard epais. 'Par exemple, un homme disl in-guera mains les objels, quolque doue d'une excellenle ,vue, que celui qui, avec des yeux mains pen~er ts,les aura examines dans Ie calme d'un air p Or.l 'Europe, couverte pendant longtemps d'un broul ardspirituel, a perdu les lumieres etrangeres qu'elle avail

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    18 LA lIUSIQUB BlU'LIQUEE

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    re~ues de I'Afrique et de I'Asie; I'irruption des hordesseptentrionales a entralne sur el le toute l'epalsseurdes ombres cimmerlennes. \.o.uoique ses habitantssoient gcneralement dou~ne vue morale assesferme et qu'ils possedent meme un esprit d'investi-

    galion plus penetrant et beaucoup plus actlf que celuides nations aslatlques, ils n'ont pas pu neanmolnsacquerir les memes connaissances inlellectuelles, aC8}!'edes tencbres profondes qui les envlronnaient.~es sciences physiques, donl lls onl allume les

    flambeaux, leur ont bien servl, il est vrai, pour seconduire dans cette longue nuil; mais, quelque brillantqu'ait etC leur eclat , i. l n'a ~ leur m~e lafOrlDtLexterieure des ~' 'I csrvrai qu'ils ontconnu cette forme exterleure beaucoup mieux que lespeuples antiques, t\ cause de ces memes sciences phy-siques dont Ie besoin les a forces de s'eclalrer, etqu'lls ont portees a un degre de perfect ion qu'el lesn'avaient jamais atteint dans aucun temps; aussi'peut-on etre certain qu'au moment oil la lumiere Intel-leetuelle, brillant sur eux dans toule sa force. auradissipe un reste de lencbres que Ie prejuge, I'igno-ranee et I'orgueil systemalique retiennenl encore, lespeuples de l'Europe moderne verront des choses quen'ontpu voir jamais ni ceux de l'Europe ancienne, nileurs instituteurs, les AsiaUques ou les Africains.

    En attendant que la marche irresistible de I'universamene ce moment heureux, et porte les modernes aufalle de la science, examinons, sans partialite, lesroules que les anciens avalent parcourues, et sachons,aux rayons naissanls de l'inlelligence, les suivresVabord pour les surpasser ensuite.'-1m musique, dont j'al entrepris de falre connaitreles principes, ne consiste pas, comme ~e I'ai deja faitentendre, dans les formes exMrieurr si les formesetalent tout dans cette science, je me garderais bien

    COMME SCIENCE T COMME ART 19

    d'ccrire sur ce sujet; car, oil seraienl mes tilres? Enles regardnnl comme dependanles de la composition,ee serait nux grands maltres, it Pergolese, Gluck.Durante, Leo, Sacchinl, Cimarosa, Handel, Haydn,Iloccherini, qu'il aurait appartenu de les decrlre: ,enles conslderant comme lntimement liees a l'executlon,ce serait aux celebres vlrtuoses, a Ba1thnzard Ferri, aPosi a Faustine Bordoni, comme chanteurs; h Zarno-wic':, h Balbatre, a Gavinies, h Viotti, a Duport, commejoueurs d'instruments, qu'i1 eat convenu d'en parler:mais les Iormes sont passageres, et, moins dans cet tescience que dans aucune autre, elles peuvenl resisterau temps qui les varie: h peine un slecle s'ceouleque trois ou quatre compositions que les amateursjugenicnl immortelles, se sont suecedees, dCtruites, en-

    sevelies toutoh lour. Un savant composileur, un habilesymphoniste, peuvenl bien, sans connaltre, en aucunemanlere, les prlneipes intimes de ces elements, sansmeme les approfondir ell eux-memes. mais inspirespar leur genie ou guides pnr leur talent , fn~onner ceselemenls, selon les regles et Ie goul de leurr~ /'et produire ou rnire entendre une musique qai Ilatteles sens; leur sucees d'abord assez brillnnl sera .Comme ils n'ont songe qu'aux formes sans s'inquiCleren rien.du fond qu' ils employaient et que leurs audl-teurs, ne sentnnt rien au dela, n'ont cherche que le

    plaisir, leur gloire s'cvonouit avec l'edifice qu'lls onteleve, lorsque d'autres formes se presentent et q?eles sens, loujours amis de In nouveaute, les accuell-lent (1). Le plalsir qui avail fait leurs lriomphes est)la cause de leur chule : des qu'Us font naitre I'ennui,

    ils sont morts. '

    (1) Rameou dlsolt : " La muslque se perd; on chango de goatl! . tout moment e, Marcello I'avalt dlt avanl lui en Ilolle, du

    ;omps meme do Pergol6se el de lAo (Bnai sur In MlIslque. tomeIll, pogo 377, el au suppl6meul, page 468).

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    20 LA MUSJQUB BXPLlQUBB

    e n'est jamais par ses formes exterleures que la ')sique exerce sa veritable puissance; ce n'est pasme au moyen des elements qui servent it developper

    ces formes; c'est au moyen des principes qui lesconslituent~outes les fois qu'on s'est imagine que

    les anciendaisaient dependre d'une melodle ou d'uneharmonie quelconque, abstraction Iaite de toute autrechose, les merveilles qu'i1s allribuaient il la musique,on s'est trompe. Celle melodic, cette harmonie n'etaientque I'enveloppe physique d'un principe intellectuelconnu, dont la presence eveillait dans l'Ame une pen-see analogue, et produisait par son moyen, non seule-ment Ie plaisir des scns dependant de la forme, malsl'a!Tection morale dependante du prlnclpe, Celle ,,!Tcc-tion morale ne pouvait jamais mnnquer son clTel tant

    que la 'pensee

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    LA MUSIQUS BXPLIQUEE

    raiso~comme la seule digne d'etre appelee unescience. eUe part ie de la musique servait d'une sortede Ii ou de passage entre ee qui etaitphysique oumoral, et traitait particullerement des principes qu'elledistinguait des formes et des elements. Mais comme,d'apres la marche dogmatique des Egyptiens, les prin-cipes d'aucune science n'etalent devoiles qu'aux seulsinities et dans Ie secret des sanctuaires, il s'ensuivnitque les principes sur lesquels reposait Ie systeme mu-sical des nat ions anciennes, restaient caches au vul-gaire el n'etalent jamais exposes en public qu'a lafaveur des symholes et des voiles allegorlques,

    Enfln, la musique intellecluelle ou celeste etait l'ap-plication des principes donnes par In musique specu-lative, non &s a la theorle, ou la prat ique de I'art pur

    jet simple,A!!_ais a cetle pnrt ie subl ime de In sciencequi avail pour objet la contemplation de la nature etla eonnaissance des lois immuables de I'univers~r-venue alors a son 'Plus haut degre de perfecti~elIeformait une sorte de lien analogique enlre le sensibleet l 'intelligible, et presentalt ainsi un moyen facile decommunication entre Ies deux mondes. C'etait unelangue intellectuelle qui s'appliquait aux abstractionsmetaphyslques et en faisait connaitre les lois harmo-niques, de la manlere que l'algebre, comme partiescient iflque des mathematlques, s'applique, parmi

    nous, aux abstractions physiques et sert a calculer lesrapports. Oeel, je Ie sens bien, n'est point trop facilea comprendre dans retat acluel de nos lumieres, maisnous y reviendrons.

    France Musicale, 23 oclobre 1842.

    * * *

    COMME SCIENCE BT CO)l) IE ART 2 3

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    II est necessalre, avant tout, de repondre au leeteurtente de 'arreter pour me dire que si, comme je I'Dava es eITels morauxde Ia musique dependalent

    la connnissance des principes, ces eITets devraiente reduire a peu de chose, puisque j'ai avoue que Ieulgaire les ignor:iit. CeUe objection n'est specleuseu'autant qu'on la fonde sur I'opinion modeme et

    qu'on transporte nos coutumes et nos moeurs chez lesnat ions ant iques. Chez nous, la mult itude s'est cons-tl tuee juge des beaux-arts. Des art isans, de simplesouvriers, des mercenaires, des hommes sans lumlereet sans gout , remplissenl nos theatres et decident dusort de In musique, Depuis longlemps une revolution,funeste a I'cpuration des lumieres, au developpementdu genie, n transporte la puissance dans In masse et

    a compte les voix au lieu de les peser.Les cris confus d'un peuple en tumulte, ses accla-

    mations ou ses murmures sont devenus la regie dubeau. II n'y a pas un commis marchand, un cleve deprocureur, un presomptueux ccolier, qui, se fondantsur I'opinion de Boileau (1), ne se croie tres compe-tent a prononcer sur Ies productions du genie, et qui,jugeant de la musique 'Par le plus ou moins de plaisirqu'el le lui cause, ne renne ses sensat ions desordon-nees pour In mes e d erfection dans cet art.

    II n'y a pas u croque-nole, un musicien d'orchestreet meme de bal, ui, co ant son oreille dont I'habi-tude et la routine ont e tcles seuls guides, ne se donnehardiment pour juge irrecusable, non seulement desmodes et des tons, mais encore des nombres et de Injustesse des inlervalles admissibles dans les modes.

    CeUesinsuliere anarchie n'existait pas dans les tempsrecules, oil la musique, forte de la simpllclte el de

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    (1) Un clen : pour quinze sols, SODS c:roindre Ie boll,Peut oller ou porterre oltoquer Allllo.

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    t.\ MUSIQUB RXPLIQU!\B

    I'immutabil ite de ses principes, produisait Ies plusgrandes merveilles. Cette science clalt regardee d'unesi haute importance a la Chine, que Ie gouvernements'en reservait Ia direction exclusive, et en prescrivaitles regles par des lois gcnerale~. Le son fondamental,appele !{oung, elait fixe par lui, et les dimensions dutuyau que Ie donnait, gravees sur les monumentspublics, servaient de type metrique universel. Chaquefondaleur de dynastie avail soin de creer une musiquenouvelle, afln de donner une nouvelle physionomie itson empire. On lit dans Ie Li-Ki, un des l lvres cano-nlques de cette nation, que la musique de I'empereurYao clail douce et aimable; que celle de Chun faisailallusion nux verlus d'Yao qu'l l tdchnit d' imiter; quecelie des Hia etail grande, noble el majestueuse, que

    celie des Chang et des Tcheou exprimait une vertule, courageuse et active... Nous avons vu, qu'en

    gypte, les lois regolatrices de la muslque etaient gra-es dans les temples. Platen, qui nous a conservesouvenir de cet te inst itut ion admirable, en t ira la

    preuve qu'il est possible de determiner par des loi~quels sont les chants, beaux par leur nature, et d'enprescrire avec confiance I'observation. Plusieurs sic-cles avant Platon, Pythagore, imbu de Ia doctrineegyptienne, recommnndait n ses disciples de rejeterIe jugement de leur oreil le, comme suscept ible d'er-reur et de variation dans ce qui concernait les prin-cipes harmoniques. II voulait qu'Ils ne reglassent cesprincipes immuables que .sur I'harmonie analogiqueet proportionnelle des nombres.

    C'etait d'apres ces idees et Iesoin que Jes ICgislnteursapporlaient a maintenir In musique dans sa purete quela pluparl des cant iques prennient Ie nom de nomes,c'esl-il-dire Jois ou mOdeles~aton, qui en designe lesdiverses especes sous Je nom d'hymnes, J;hr~nes,pions et dithyrambes, n'heslte pas a dire que la cor-

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    COllNB SCIBNCE ET CONMB ART

    ruption des Alheniens remonte [usqu'b l'epoque Oilils onl abandonne ces anciennes lois musicales;"'cbr,deja de son temps, la multitude s'agitait ,"iv~nt'Pour evoquer a el le seule Ie jugement de la muslque,et Ies thMtres, muets jusqu'nlors, elevaienl la voixpour decider en dernier ressort du merite des ouvra-ges : ce qui fail dire plaisammenl a ce philosophe quele gou\,ernemenl d'Athenes va devenir thentrocrati(lue,

    d'aristocrntique qu'Il Ciait.Les poetes et les musiciens, mal instruits du veri-

    table but de Ia science, qui est moins de flatter lespassions des hommes que de les temperer, avaientdonne lieu n ce desordre, en en voulant secouer cer-taines regles qui les gannienl dans leur fougue; maisIn punilion avail sulvl de pres la faute, car all lieu de

    se rendre llbres, comme ils Ie eroyaient, i1s ~taicntdevenus les derniers des esclaves en se soumettant aucaprice d'un maitre nussi volage dans ses gouts quele peuple. Aristote, quoique presque toujours opposea Platen, n'ose point Ie contredire en ce point, et snit .bien que la musique, devenue independante et Iou-gueuse pour cntrnlner les suffrages de la multitude,avait perdu ses plus grandes ~eautes. Mais, cette har-diesse, condamnee hnutement par les phllosophes,attaquee par les ecrivains satiriques, reprimee 'Par lesdepositaires des lois, n'etait qu'une deviation des prln-cipes. Les pretentious du peuple sur les beaux-arts,loin d'etre fondees comme parmi nous, sur un droitreconnu, n'etaient qu'une usurpation occasionnee, dansles derniers siecles de In Grece, par la faiblesse desart istes, et n 'Iaquel le ceux-ci snvaienl fort bien sesoustraire lorsque leur genie leur en donnait lesmoyens. On sait, par exemple, que les Atheniens, vou-lant agir envers Euripide comtile ils agissaient enversbeaucoup d'autres et Ie forcer de retrancher quelque.chose d'une de ses pieces pour l'accommoder it leur

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    2 6 LA MUSIQUE EXPLIQUEE

    gout , ee poete se presenta sur Ie theatre, et dit auxspectateurs: II Je ne compose pas mes ouvrages pourapprendre de vous; mais, au contraire, pour que vousappreniez de moi. I) II est utile de remarquer qu'aumoment au les Alheniens oubliaient ainsi les ancienneslois musicales et applaudissaient aux accents effernines

    des Ioniens qui, courbes sous Ie joug des Perses, seconsolaient de la perle de leur l iherte en s 'abandon-nant a la licence, ils etaient vaincus a lEgos-Potamospar ces memes Lacedemoniens, dont les Ephores,rigides observateurs des anciennes coutumes, venaientde condamner Ie celebre 'I'imothee it retrancher quatrecordes de sa lyre, en l 'accusant d'avoir, par ses inno-vatlons dangereuses, blesse la majeste de la musiqueet tente de corrompre la jeunesse spartiate.

    C'etait sans doute cet evenement que Pluton avait envue, Iorsqu'Il faisait remonter, ainsi que je viens de

    Ie dire, la corruption des Athenlens a l 'epoque de ladecadence de leur musique. Tandis qu'ils elaienl vain-queurs a Marathon, ils respectaient encore les loisantiques; et eomme les autres peuples de la GreceveiIIaient avec Ie plus grand soin a l'immutabilite decette science; il n'etait permis a personne de porteraUeinte a ses principes, et les modes, une fois regIes,Devariaient plus; les sifflets, les bruits confus de lamultitude, les bat tements des mains et les applaudis- .sements n'etalent pas, dit Platon, Ia regIe qui deeidait

    si cet ordre etaitbien observe. Le poete ni Ie musicienn 'en eraignaient ni n'en esperaient rien. II y avail autheatre des hommes consommes dans In connaissancede la musique, qui ecoutaient en silence jusqu'it Iafln et qui, une branche de laurier it Ia main pourmarque de leur dignite, prononealent sur les ouvragessoumis au concours et contenaient tout dans J 'ordreet dans la blenseance: les Atbeniens savaient alors que,s'U faut juger de la musique par Ie plaisir qu'elle

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    COllU.IE SCIENCE ET COMIIIEART

    cause, ce n'est pas au 'premier venu qu'il nppnrtientd'apprecier ce plaisir, mais it des gens debien, instruitsd'ail leurs des principes de la science et , princlpale-ment, a un seul homme distingu6 entre tous les autrespar ses verlus et ses lumieres.

    Ainsi done, pour revenir a l 'objet de ceUe longuedigression, it l 'epoque oil la musique exereait sa plusgrande puissance, soit en Grece, soit en Egypte, soiten Chine ou ailleurs, le vulgaire, loin de s'en etreconstitue Ie juge, la recevait avec respect des mainsde ses chefs, en reveralt les lois comme l'ouvrnge deses ancetres et I'aimait , comme une product ion de sapatrie et Ull present de ses dieux; il en ignorait lesprincipes constitutifs confles au sacerdoce et connusdes seuls initles: mais ces prlncipes agissaicnt surlui it son insu et par instinct, de In meme manlereque les principes de la politique ou ceux de la reli-

    gion. Ce n'etalt nssurement pns I' Athcnien Ie plus enetat de raisonner sur In const itut ion de In republiquequi l'aimait duvanlnge et qui savait Ie mieux IadCfendre, puisque Demosthene prlt Ie premier la fuileet [eta son bouclier a In bataille de Cheronee. Cen'etalt pas non plus celui qui connaissait en detailles dogmes divins qui respectait Ie plus la divinite,puisque Anitus demanda bien l 'empolsonnement deSocrate. Dans tous les pays du monde, Ie vulgaire estfait pour sentir et agir et non pas pour juger etconnattre: ses superieurs de taus les ordres doiventjuger et connaitre pour lui, et ne lui laisser 'Presenterrien qui puisse lui nulre, quand meme i1 pourraiten etre d'abord physiquement Ilatte, Facile a emouvoiret prompt a se laisser entratner, c'est du bon choixque font ses superieurs que resultent ses bonnes oumauvaises emotions. son entrainement vers Ie bien ouvers Ie mal. Les anciens ~egislateurs, qui savaient cesehoses et qui connaissaient l 'influence que peut avoir

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    LA MUSIQUB EXPLIQUEB

    la musique, s'en servaient, ainsi que je I'al dit, avecun art admirable, un art plein de sagesse, mals telle-ment ignore aujourd'hui qu'on n'en parle que commed'une folie bonne a releguer au pays des chimeras:cet art n'etait pourlant pas tellement difllcile qu'on ne

    pl1t I'employer encore si 1'0n parvenait a rel ircr lascience musicale de l'etrange avilissemenl ou' elle esttombee, Je rechercherai, une autre Iols, quels sont lesmoyens qui nous restent de lui rendre une partie deson eclat.

    France ltfusicale, 30 oclobre 1842.

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    COMME SCIENCE BT COMME ART 2 9

    P O U R O U O I L E S P R IN G lP E S D E L A M U S IO U ES O N T R ES T S IN O O N N U S

    V IO I SS IT U D B S D B V E T TE S O IE N O B

    O RIG IN S D U S Y8 T~ MS M OD BR NS

    Si les sages Egypliens, et, it leur exemple, ceuxdont lls furent les instituteurs, cachnienl avec tantde soin les principes des sciences. et s' ils ne les reve-laienl qu'aux seuls inlties cl dans Ie secret du sane-tunlre, il ne Iaut pas croire que ce Cut a cause del'obscurlte de ces prlnelpes ou de la difllcullc < U J ' j )y avail it Ics comprendrc : on se tromperait Cory. Laplupart de ces principes ct ceux de la mU~i u~ enpartlculler, etaienl d'une extreme simplieite. Maiscelle simplielte meme etait un ecueil redou e, queces hommes prudents avaient voulu eviter. II savaient

    que rien ne merlte la veneration du vulgaire, quece qui I'elonne ou l' inl imide, ce qui est au-dessus desa comprehension, de ses efforts, cequi se voile d'unemysterleuse obscurite. Une chose qui se communiqueaisement , qui brille d'une clarte facile, que chacuu,en la voyanl, en la possedantpour 1a premiere fois,croit avoir toujours vue, loujours possedee, est unechose qui se degrade a ses yeux et qu'Il ne tarde pasa meprlser, C'esl In verite quoit faul bien se garderde livrer a ses outrages. Le vulgaire aime I'crreur

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    30 LA . UUSlgUB BXPLIgUBs

    preclsement a cause de la fatigue qu'eUe lui donneit creer, qu'elle lui coute a comprendre.

    11se l'approprie it Corcede soins, et ,voila pourquoiU y tient; c'est un sentiment d'amour-propre quiI'aUache it son ouvrage, car I'erreur est l 'ouvrage de

    I'homme; et eomme elle est une diversite de sonessence, chaque homme peut avoir la sienne; tandisque la verite, qui emane de l'unite, est commune ittous, est la meme pour tous.

    On nesaurait s'lmaglner combien d'eJTorts inutiles,d'eJTorls it contre-sens, Ies hommes ont Cnits, depuisI'ex. tinction des lumleres et la Cermelure des sane-tuaires antiques, pour relrouver les principes oubllesde la musique; combien de systemes opposes se sontcleves, combattus, renverses lour it tour. II Caut avoirlu tout ce qui a ete eerit sur cet objet, depuis Cassie-dore et Boelhius jusqu'i\ nos jours, pour s'en Cormerune idee.

    ,r Le judieie x Tartini, pres avoir fait une elude pre-i cieuse de ces es, avoue n'y avoir rien trouve

    / qui pllt "eclairer, meme sur la marche diatonique,

    'I dont i1 presume, avec raison, que les anciens avaient

    a dessein cache Ie principe consUlutif. 11est Ires; certain, dil-il (1), que Ie defaut d'une eonnaissanee

    / parfalte du genre diatonique a toujours empeche et

    Iempl!chera eternellement les savants de remonter ala source de I'harmonie... II

    i Ceux qui pensent que ceUe connaissance consistesculement dans I'etude de I'echelle musicale se trom-pent; mais ~eur erreur est involontaire, car, commentesperer de penetrer dans la raison de cette echeIle?Ce n'est point, assurement, au moyen des livres desprofesseurs. 11n'y en a pas un seul qui lraite solide-ment de cette raison primordiale, pas meme parmi

    \ (1) PrincipE delr Armonia. PrU., p. 1.

    COUME SCIENCE BT CO)(MB ART 31

    ceux qui nous sont venus des Grecs. II est bien vraique Pythagore et Platen en ont laisse enlrevoir lesdehors, en decouvrant ce qu'Ils ont juge necessaireau developpement de l'harmonie qu'Hs regardaientcomme la Iol immuable de l'univers; mais Us ont,

    en meme temps, pris un soin jaloux d'en voiler Iesprincipes inl imes dont Us avaient resolu de Caire unmystere, Les ecrivalns grecs posterieurs, tels queDidyme, Arlstoxene, Ptolemee, se sont contentes, parIn suite, de Jeter quelques lueurs sur ces dehors queles deux premiers phllosophes avaient deeouverts etlivres il leurs discussions, sans jamais approcher desprlncipes qui n'etaient pas de leur ressort.

    Roussier, celui de tous les ecrivains modernes quia Ie plus approche de ees principes, aUribue au seulhasard son heureuse decouverte il cet egard, ne jugeantpoint que rien de ce qui a ete ccrit dans ces dernierstemps etH pu Ie meUre sur la voie (1). Je diral, en sonlieu, comment ce savant theorlclen, par son defnutde methode, sa precipitation et ses prejuges, n etecmpcche de tirer de ses travaux Ie Cruitqu'U en devaitattendre, et pourquoi un principe aussi preeleux qu'il

    ait trouve, est demeure sterile entre ses mains.est necessaire, a present, que je prevlenne une

    fflculte' qui pourrait s'clever dans I 'esprit d'un lee-teur attentit, en lui expliquant Ia raison pour laquelle,

    de tant d'inltles qui ont dll connaitre les principesdes sciences en general, et ceux de la mUSiqUe~parliculier, aueun n'a ete tente de les divulguer.

    Les premiers instituteurs des mysteres,penetres esraisons que j 'ai rapportees, et voulant imiter la dlvi-nite qui se derobe a nos sens et se plait it caeher lesressorts de la nature, semerent de difflcul t6s les sen-tiers de l'initiation, s'environnerent des voiles de l'nl-

    (1) Mlmoire aur la musique des anciens.

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    3 2 L A M US IQ UB E XP LI QU EE

    legorie et ne pari ' bord que par la voix. dessymboles, ann de iquer avantage Ia euriosite deshommes, les exciter aire des recherches, et con-naUre leur constance au milieu des epreuves sansnombre qu' i1s leur faisaient subir. Ceux qui parve-

    nalent aux derniers grades de l 'init iation juraient dene jamais trahir les secrets qui leur elaienl confles,el pretaient aux autels de ceres ou d'Isis Ieplus redou-table des serments. II ne leur etait permis, en aucunefalton, d'en ecrire, et ils ne pouvaienl s'en entretenirde vive voixqu'avec les seuls inlties, La peine de mortetait egalement prononcee et contre Ieparjure qui osaitmanquer it ses serments, et contre I'indiscrel qui, sans~tre initle, tentail de profaner 'es mysteres,

    L'opinion elait si forte a cet egard que Ie criminel,quel qu'il ftlt. ne trouvait aucun asile et que chacunle fuyait avec horreur. Le tpoete Eschyle, soupeonned'avoir expose sur la scene un sujet mysterieux,n'echappa qu'avec peine a III fureur du peuple, et neput ~tre absous du crime qu'on lui imputait, qu'enprouvant qu' il n'etait pas inl tle. Latete de Dlagorasful mise it prix pour Ie meme objel. Andocide, Alel-blade furent accuses el coururenl risque de perdre lavie. Aristote Iul-meme n'echappa qu'avec peine auxpoursuites de l'hiCrophante EurymCdon. Enfin Phi-lolafls courut un grand danger, et Aristarque de Samos,

    subit une accusation juridique, l'un pour avoir dl t etI'autre pour avoir ecrit que la terre n'ctalt pas aucentre de I'univers; divulguant ainsi u~rite quePythagore n'avait enseignee que dans ~ voiles dessymboles. S

    Ainsi done, ceux des inl lies que Ia religion des ser-ments n'aurait pas eu la force de relenir, elaientempeehes de parler par Ia crainte des supplices; etcomme tout ce qui concernait les principes elait oralet traditionneJ, i1 dbpendait entlerement de l'hiero-

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    COZoIIIIR SCIENCE ET COlllME ART 33

    phante, seul deposltalre des traditions antiques, demesurer scs revelat ions sur la capacl te reconnue desinit ies, C'cst aussi ce qu'U fit , tant que, les mysteresconservant leur purete originelle, il fut digne lui-meme de recevolr et de conserver Ie depOt sacre qui

    lui etait confle; mais des que In corruption des moeurspubJiques cut entralne celIe des aois. des que Ie sane-tuaire lui-memo ne Iut point il . l'abri du debordement,ct que l 'hierophante cessa d'~tre Ie plus vertueux deshommes, alors, recevant Ia lradition sans l'appreeierni la comprendre, il cn dCdaigna la simpliclte et l 'al-lera de toutes les manieres pour I'accommoder il . sesIausses idees. L'initiation, dcgenerant insensiblement,ne fut plus (IU'Uneceremonie vaine. Les pretres deCeres, comme ceux d'Isis et de Cybele, tomherent dansIe meprls et, par leurs farces ridicules et leurs meeursscandaleuses, devinrent la risee de la populace, Lesecret des mysteres disparut avec la vertu qui enetait la vic. Des protecteurs, tels que Commode, Cara-calla et Domilien, ell cherchanl a rani mer ce cadavre,ajouterent encore it sa corruption, et les mysteres,tout a fait dcgeneres, ne Iurent plus que des ecolesde debauches, lorsque la vertueuse Isis, au l ieu d'unsanctuaire, n'eul plus, it Rome. qu'un l ieu de prost i-tution, connu sous Ie nom de jardin de In Deesse,

    Si quelques hommes priviIegies saislssaient, au

    mil ieu de ce desordre, un reste de verite surnageantsur In masse des erreurs, et osaient Ie produire, ou Usn'etalent pas eompris, ou frappes des traits du ridi-cule, ils lombaient victimes d'une orgueilleuse igno-rance. Les opinions et Ies prejuges du peuple s'eri-geaient de toutes parts en science, et ceux qui avaientdes talents ne les employaient plus qu'a donner it cesillusions une sorle de consistance, en les etayant dequelque apparence de raison. C'est ainsi que Iecelebre Ptolemee, dans 'Ie second steele de I'ere ehre-

    3

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    36 LA IIIUSIQUB EXPLIQUEB

    mersion de l'empire romain qui, envahi, d'un cMe,par une religion, ravage de l'autre par des essaims tou-jours renaissants de Barbaree, prive de vertus et parconsequent incapable de resister a cette double aUaque,ceda de. p art et d'autre, se deehlra lui-meme, et finit,

    en 'S'ecrowant, par eloutIer sous ses debris Ie peu de

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    ienCeS et de Iumieres qui restaient encore.La musique disparu_9.es hordes farouches qui pre-ndaient it l'empire du monde n'etaient point propres,

    dans la rudesse et la grossierete de leur berceau, itgotHer beaucoup les douceurs de Ia melodie, et leculle que leur preparait la Providence. ne dans robs-eurite et nourri parmi la classe lit plus ignorante dupeuple, n 'etait 'point destine it leur inspirer d'abordl'amour des sciences. C'elait un frein impose it leurbarbarie, un ferment necessaire au Cutur rcnouvclle-ment des lumieres, Je ne rappeJlerai point ici l'epou-van table tableau que les ecrivains contemporains onttrace de ces hordes devastatrices. L'historien Proeopeassure qu'un sentiment d'humanite arrete sa plume,et qu'il ne veut pas transmeUre it la posterlte desdetails capables de l'etIrayer. Idace, Isidore, Victor deVite, saint Augustin cherchent en vain des expres-sions assez energiques pour 'peindre les horreurs dontils sont les tristes temoins. Ces Barbares, non seule-ment ignoraient les arts, mais encore ils las mepri-

    saient. Le nom Romain, pour eux, renCermait tout eequ'on peut imaginer de bas et de lache, d'avare et devieleux, IIs regardaient les sciences comme la sourcede ola corruption et de l'avilissement de l'ame. Or, lespremiers ehretiens avaient absolument les memesidees. C'etaient, de l'aveu de tous les historiens, deshommes de la plus basse condition, sans education et.sans Iettres. lis condamnaient tous les arts commepernicicux et Ie commerce comme inique. Un de leursplus celebres ecrivains, Clement d'Alexandrie, pros-

    COIlUlE SCIENCE BT COIllIllBART

    crivait la musique, tant vocale qu'inslrumenlale, etdeCendait surtout de jouer de Ia 1111te. Ainsi les peuplesct la 101 qu'lls devaient subir elaient faits I'un pourl'autre, et la Providence seule pouvait prevoir qu'iJsortirait de eet amalgame effrayant, la nation eclairee

    et sage qui domine aujourd'hui sur l'Burope, et dansIe sein de laquelle les sciences doivent renallre plusbrill antes que jamais.(_ Plularque rapporte qu'un roi des Scythes, nommeAtheas, ayant entendu un habile joueur de ~Clte, ditqu'Il aimait mieux Ie hennissement de son c~al. Onsalt, par une infinite de temoignages. que ces peuples

    .avaient une telle aversion pour les sciences et leslivres qui en traitent, qu'Ils les detruisalent partoutou Ia guerre les rcndait maitres. Le ravage et I 'incendiesuivaient partout leurs pas. Cet esprit de haine et dedestruction fut encore echauffc et nourri par celuid'une religion intolerante, Pres de trois siecles apresleurs plus violentes incursions, et lorsque, fixes depuislongtemps, ils devaient 8tre plus calmes, Ie pape saintGregoire n'en faisait pas moins detruire par leursmains les plus beaux monuments de Rome et br61eraulant de livres antiques qu'll en pou:vait saisir. C'estII ce pape que nous devons les premiers elements dela musique modeme et rle chant qu'on appelle gre-gorien en memoire de son nom. C'est sur ce chant

    que se regie encore not~e elodie et que notre har-monie a pris sa naissanc Saint Gregoire. implacableennemi de tout ce qui ve lt des Grecs et des Romains,qu'Il regardait comme inspires du demon. s'ecartaautant qu'il Ie put de leur systeme musical, et subs-titua au tetracorde ancien un heptacorde, C'est-RfiOequ'au lieu de la quarte, dans laquelle Pythagore avaitrenferme les bornes du mode. ~ pape posa une _!ep-tieme et voulut qu'on entonnat sept sons de suite, au-lieU de quatre, ne donnant, du reste, aucune raison

    3 7

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    38 LA MUS_QUE EltPLlQUBE

    de ee cbangement, et n'appuyant son cchelle musicaled'aucun principe solide.

    Malgr~s~ puissance et -Iesexhortations du venerableBede qui compare it des bt'ltcs brutes eeux qui chan-tent sans savoir ce qu'ils font, Ia musique gregorienne

    Cut longtemps Inconnue dans Ies Gau1es; les peuplesbarbares qui occupaient ees contrees avaient trop peude gOlit, trop peu de fiexibilite dans les organes deIa voix, pour sentir les charmes de Ia musique et cher-cher it s'instruire dans cet art. Leur Jangue sourde,rempJie de sons gutluraux, etait plus pfopre it peindreles croassements des grenouil les et des 'canards quipeuplaient Ies marais d'oil iIs sortaient, que la douce'melodie des oiseaux respirant I'air plus pur des mon-tagnes meridionales. Malgr~ les efforts que firent sue-cessivement en France, Pepin, Charlemagne et LouisIe Debonnaire, Ie chant des egl ises ne consista long-temps qu'en une sorte de psalmodie rauque et mono-tone, dans Iaquelle saint Ambroise avait essaye, avantla reCorme de -saint Gregoire. d'entremeler quelquestraits des chants antiques et quelques debris khappesit la destruct ion. AlCred fit aussi des efforts inutilespour introduire en Angleterre Ie chant gregorien. Lamusique ne put sortir de son engourdissement (1)que lorsqu'une eUncelle de genie pereant In nuit pro-Condequi couvrait .I'Europe, on vit descendre du haut

    des montagnes Occilnniques, les premiers poetes etles premiers chanteurs modernes. Cest aux trouba-dours qu'on doit la renaissance de la musique. Ce sonteux, comme je I'ai dit dans un ouvrage de ma jeu-

    (1) Celle question est ~clalr~e d'une manil lre toute dl ll~renteauJourd'hul grAce aux travaux des B~n~dlc:lIn8 de Solesmes,qui permeltent de Juger autrement les origines, la nature et Invalour du chant dll grigorlon, alnsl quo Ion Inauenc:e en Italled61 108premiers 1116cleset dans les autres pays avant Ie r s1601e.

    COlIME SCIENCE ET COMME ART 39

    nesse, qui, paralssant au milieu des tencbres de l'lgno-ranee et de la superstition, en arreterent les ravages.

    Us ndoucirent I't\prete des moeurs Ceodnles, tlrerentIe peuple de son Cntnl engourdissement, ranimerentles esprits, leur apprirent it penser el firent naltre

    enfin ceUe aurore de lumleres dont Ie jour blenCaisanteclaire aujourd'hui ~es nations.

    France Musicale, 8 janvier 1843.

    Lc regne des troubadours Cut d'environ trois centsans, c'est-a-dire qu'iI s'Ctendit depuis Ie milieu duxr slecle jusqu'au commencement du~

    --Vcrs ce temps, Gui d'Arezzo ayant trouve une nou-velle methode de noter et de solfier la mnsique, Caemtabeaucoup son etude. Malgre eela, ce n'est guere qu'it lacour de ce prince. qu'on rcgarde comme Ie restaurateurdes leUres en France, que eet art se developpa avecquelque eclat. C'est a celle epoque que I'harmonie com-menea II se Caire connattre et que naqult ce qu'onappeUe Ie contrepoint. Jusque-la, Ia musique s'~taitbornee it une sorle de melodle qui, it Ie bien prendre,n'elait qu'une vraie psalmodie chantante a une seulepartie, alnsi qu'on peut s'en convaincre par les manus-crits qui nous restent encore du recueil des chansons

    du COOliede Champagne et du comte d'Anjou. Ainsicelle science, qui s'elait entlerement ~teinte avec l'Em-pire d'Occidenl, Cut ranlmee environ mille ans apres,lorsque la chute de I'Empire d'Orient eontraignantles Grecs d'abandonner leur patrie inondee par lesTurcs, on :vil Ies antiques ~crivains grecs et latinssortir pour ainsi dire de leurs tombeaux. et venirachever ce que les troubadours avaient heureusementcommend. La rerorme de Luther donne en memelemps un mouvement salutaire aux esprits; la decou-

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    4 0 LA MUSIQUE BXI'LJQUBE

    verte de l'Amerique, I'invenlion de l'imprimerie signa-luent aussi eette epoque memorable de I'histoire deshommes. Tout contribua enfin it I 'accroissemenl deslumleres,

    Cependant, it mesure que la musique pratique se per-

    fectlonnait, it mesure que les artistes se Cormaient it18cour de Henri II, ou la fameuse Catherlne de Medicisavait amene ce que l'Italie possedait de parfaits sym-phonistes, les savants du temps cherchaient it fixer latheorie de cet art; ils lisaient Boethius et Guy d'Arezzo,et s'elevaient quelquefois jusqu'it Ptolemee: mais per-dus par la foule de distinctions que font ees ecrivains,Us etaient loin de saisir rien qui pnt les ramener auxprinci.pes Condamenlaux. Roussier assure pourtantqu'un certain Lefevre d'Estaples avait compose, vcrsle milieu du xvr' steele, un ouvrage 6'lCmentaire ou Il

    avail admis les proportions de Pythagore, teUes qu'Illes avail trouvees enoncees dans Guy d'Arezzo et dansBoethlus, Le fait me paraU plus qu'hypothetique, d'au-tant plus que ces auteurs sont fort loin de rien annon-eer de bien clair it ee sujet. Quoi qu'iJ en soit, cetouvrage qui, peut-etre, contenait quelques verites, restaJ8nore, tandis que celui compose peu de temps apres

    (par Zarlin, ohlint un sueces general et propagea lesplus s err~

    arlin, uel nous devons les principes tbeoriquessur uels repose notre systeme moderne, etaitmaitre de chapel le de Saint-Marc it Venise. O n nepeut nier que ce ne mt un habUe artiste et un thea-riden erudit; mais iI manquait de genie pour suivre leseensequenees d'une verite, et de force pour y resterat tache. Quoiqu'iJ conntit fort bien les proport ionsl~times que doivent suivre les sons diatoniqucs.chromatiques et enharmoniques, et qu'il avoue que cesont celles que donnent la nature et In science, eel lesde Pythagore et de Platon, it n'en cree pas moins,

    (-

    COJoIMBSCIBNCE BT CO)tltE AnT ~

    d'apres Ptolemee, une serle de proportions !cactices e~d'intonalions Cnusses,nOn, dlt-ll, de se conformer it In -marche du contrepolnt qui les exlge. Ainsl , suivantlui, on ne peut faire de I'harmonie qu'en violant lesprincipes de l 'harmonie, et Iormer des accords sans

    discorder les volx ct les instruments. Chose elrnnge!c'est que Salinas, celebre ecrivain espagnol, qui combatZarJin par des opinions asses Irivoles, se reunlt it luien ce point et pense de bonne foi, comme lui, qu'Il fautrenoncer ~'la justesse des .. pour en former uneharmonie TmultWe.

    Vincent Galilee, pere du Cameux promoteur du sys-teme de Copernic, Iut Ie seul qui osa s'opposer auxerreurs de Zarl in; mals, it ne put empecher qu'ellesn'envnhissent promptement I'Italie, d'on elles furentportees en Espagne, en France, et dans le reste de

    )'Europe.Les auteurs itnJiens (lui onl ecrit sur la mu .

    Martini merne, ontadopte les proportions actices e cetheorlcien en reconnaissanl presque tous r faus-sete, Le fameux Rameau, en France, et Martini, enItalic, n'ont eu pour but, dans leurs differents sys-temes, que de donner un fondement it ces proportionsqu'ils croyaient inseparables de I'harrnonie. Euler, enAllemagne, les a suivies dans ses eerits sur aa mu-sique; et Ie celebre Descartes, Kircher, d'Alembert ,J.-J. Rousseau, enfln, ct une foule d'aulres, dont Ilest inutile de citer les noms apres ceux-la, n'ont pasetabl i leurs calculs sur autre chose.

    Voici done, d'apres In theorle de Zarlin, genernle-ment adoptee, quels sontles eMments de notre systememoderne : sur sept sons diatoniques : ui, r e , mi, fa,sol, la, si, trois, ut, fa, sol, sont Justes; un, r e ,est alter-nativement juste ou faux. suivant qu'on Ie eonslderecomme quinte de sol ou sixte de (a; et trois, m i, la, si,sont entierement faux.

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    LA MUSIQUB EXPLlQUWt

    Ces sept sons diatonlques donnent quatorze sonS

    Jchromatiques, puisqu'i1s peuvent tous eprouver l'alte-ration du diese ou du bemol, Or, ces quatorze sons --:fI--chromatiques sont tous Caux sans aucune exception. '.,!Pour ce qui est des sons enharmoniques, ils n'existent

    IJa~.On volt, d'apres cet expose, dont

    s preuves que dans l'ouvrage de oussier, vant queje les donne moi-meme, que les v . ,Cor s par cer-tains instruments - et principalement par ceux quiles Corment a In musique, comme le piano, Ie claveein,la harpe ou ia guitare - de suivre des intonationsIaetlces, forcent a leur tour les autres instruments quiles aeeompagnent, de les prendre de meme sous peinede dcton~r; et qu'll resulte de celle methode quenotre genre diatonique est tantot juste et tant tit faux;que notre chromatlque n'offre rlen de juste, et quenous n'avons pas de genre enharmonlque.

    II faut convenir que si c'est, comme I'ont avanceZarlin" Sal inas et Mart ini, et comme l'a cru Rameau,pour avoir une ,.rmonle que nous avons adopte unpareil 5Ysteme,~tre harmonie ne merite guere Ienom qu'elle YOl'~ et qu'on devait .plut tit lui laisserson nom g~de contrepoint?\U faut conveniraussi que nos symphonistes n"o~pas tnnt lieu des"clonner si leur musiquc moderne ne produit pas les

    miracles de l'anclenne, puisqu'Us osent s'ecarter ainsidesvrais principes de la nature et corrompre 'Ia sensi-blUte de l'orellle, au point d'aecoutumer cet organe arecevoir t rois sons faux sur sept diatoniques, a neJamais entendre un seul son chromatique qui soitjuste, et a ignorer tout II fait les charmes du genreenharmonique. Si les Grccs avaient eu un systememusical semblable au netre, je ne comprendrais riennon plus aux merveilles dont ils se vantent; car jeverrais une contradiction palpable entre la CaibJessede

    COM)IB SCIENCE El' COli ME ART 4 3

    la cause ct In force de l'efTel.Moosje puis assurer quela partte clementnire et physique de ce systeme, etroi-tement unie n la partie lntellectuelle et morale" enavail toute la rectitude, et que l'une et l 'autre, aglssanta la fois et sur l'esprlt et sur les sens, doublaient parI'unlte d'actlon leur impression reclproque, II est vraique l'extreme justesse que I'oreille, aceoutumee a cellerectitude, exigeait dans les sons, rendalt l 'executioninstrumentale difflcile et permettait peu de ces traitsbrillants, de ces tours de force, de ces hardls deban-chements oil nos symphonistes placent tout leur me-rite; mals, comme Ie disait un ancien, cite par Athe-nee, ce n'est ni dans la hauteur des sons, ni dansleur rapldlte que consisle I'excel lence de l 'art , moosdans la manlere cnergique et rapide dont les sonss'clevent n la hauteur du sujet.

    France Musicale, 15 janvier 1843.

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    COSIME SCIENCE ET COMME ART 45

    O lUG IN E DE LA M US IQ UE

    Lcs ecrlvalns modernes qui ont ecrit sur la mu-sique, entralnes n leur insu par des prejuges seholas-tlques, et ouhliant ou n'ayant jamais su que I'histoiren'avail pas toujours suivi dans sa marche I'ordrequ'elle suit aujourd'hui, ont place, selon leurs pre-ventions, Ie berceau de In musique tantot chez lesHehreux, tan tot chez les Egyptiens, tan tot chez lesPheniciens, et meme chez les Grecs, donnant pour I'in-

    venteur de l'art, ceux-la Jubal, Osiris ou Hermes, etceux-ei Olen, Apollon ou Mercure. Tous ces peuples,si I'on en excepte les Egyptiens, sont des peuples tresmodernes, relativement a la terre, ou la musique floris-sait longtemps avant Ieur existence; et tous les per-sonnages nommes pour en avoir ctc les inventeurssont, non pas des hommes, comme on a etC bien aisede Ie faire croire pour s"hiler des recherches plusdifllciles, mais des ~tres metaphysiques, a la natureintelligible desquels ces peuples rapportaient l 'ideeplus ou moins elevea qu'I ls se rormaient de I'art mu-

    sical. Qu'on ouvre at qu'on interroge les annales dequelque antique nation que ce soit, on y verra, sansexception, que la musique accordee aux hommescomme une faveur divine, a etc portee du ciel sur laterre par quelque dieu ou quelque etre surnaturel.Aux Indes, c'est DRAIIaIA ou, ce qui est la meme chose,sa Iaeulte creatrice, SARESVATI, qui a donne les prin-cipes de cette admirable science; et c'est ISOURA, unedes personnes de la trinite indienne, qui a ronde Iepremier systeme musical. En Chine, c'est FO-III et

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    4 6 LA lIUSIQUE BXPLIQUEB

    sa fllle, sa seeur ou sa femme NIU-HOAqui ont fourniles ~Jements de la musique, developpes ensulte parHOANG-TV. Les Cbaldeens aUribuaient ces memeschoses a leur Dieu supreme BELUset it. leur premierICgisiateur OANNEs. L e s Egyptiens les faisaient remon-

    ter jusqu'a ISIs et OSIRIS,e t les Thraces, instruitspar les Phenieiens, nommaient OLEN en place deBIl:LVS;Ies Grecs ApOLLONou HERMES;des Celtes,BELLEN, Ie meme qU'ApOLLON, et enfln les Scandinaves,places aux limites septentrionales de l'Europe, disaientde leur ODINou 'VODDENtout ce que les autres peu-pies avaient dit de leurs dieux ou de leurs premierslegislnteurs.

    A cet accord general des nations les plus ancienne-ment civilisees, quelques auteurs chretfens opposentun texte qu'i!s croient contenu dans Ie Sepher deMoise, Ie livre sacre des Hehreux, O U il est dl t, selonla version de saint J~rome, qu'un fils de LAMEeHetde sa premiere cpouse KAnA,appele JOUBAL, Cut Iepere de ceux qui chantent sur la guitare et sur I 'orgue. .On ne peut pas assurement plus mal traduire I'hebreu.Mais, ce n'est pas tant la faute de saint JerOme quecelle des Juifs hellentstes, dont il etait oblige de suivrepas a pas la traduct ion il Iusoire. Cel le t raduction.appelee vulgairement In version des Septante, jouis-sait alors d'une telle Caveur aupres des principaux

    docteurs de l'eglise ehretlenne, qu'iIs la regardaientcomme divineet pr~r~rable a .J'original. Ils n'auraient'POintpermis qu'on s'en mt ecarte d'une maniere tropostensible; aussi malgre tout Ie soin qu'i1 avail eude la suivre dans Ies points les plus amportants, saintJerOme eut-il Ja plus grande peine a faire reeevoir satraduction latine, et se vit-il a la veiJIe d'etre perse-cut~ a cause de quelques Iegers changements qu'navait cru necessaire d'apporter aux endroits les pluschoquants.

    COllllllE SCIENCE BT COMME ART 4 7

    Ce n'est point iei Ie lieu d'examiner pourquoi lesJuiCs hellenistes avaient si mal repondu a la demandeque leur avait Caite Ie roi d'Egypte Ptolemee, en luipresentant en mauvais grec un travestissement plutotqu'une traduction de leur Sepher. QU'il me suffise de

    dire pour Ie moment que leur conscience, oJieepar uneloi divine et Ie serment Ie plus solennel, leur deCen-dait de communiquer aux profanes leurs Ecrituressacrees.

    II est done vrai de dire que dans le passage quinous occupc, Ie sens que presente la version des Sep-tante est encore plus mauvais et plus ~Ioignc de ]'ori-ginal que celui donne par la Vulgate, car JouD.n yestoffert non seulement comme Ie pere des chnnteurs,mais comme celui des joueurs de psalterion et de gui-tare. Saint JeroP.1e en corrigeant ceUe absurdite, asuivi In paraphrase hebraique, mais ceUe paraphrasea etc bien loin de lui monlrer la verite. Comme celexie est au fond d'une petite imporlance, je croispouvoir le donner ici dans son integrile. Le lecteurvoudra bien me Caire grace des preuves, que je nepourrais maintenantlui presenter sans passer de beau-coup les bornes d'une simple digression. Voici la t ra-duction cxacte du texte original :

    (( Or, Ie nom du Irere (de JABAL)etait JOUDAL, eeluiqui Cut Ie pere (Ie 'Principe generateur) de loutes les

    conceptions lumineuses et dignes d'amour. (C'est-a-dire des sciences en general ainsi que des beaux-arts.) II

    Onpeut deja remnrquer une Ires grande dissem-blance enlre ma traduction et les deux versions quej'ai dtces, car il est sans doute .bien different de dired'un eire queleonque qu'il est Ie principe generateurdes sciences et des beaux-arts en general, ou de direen parliculier qu'il es t Iepere des joueurs ou des chan-

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    4 8 LA MUSIQUR EXPLIQUltB

    leurs sur Ie psall6rion, Ia guilare ou l 'orgue. Mais cene serait encore rien si l'on ne pouvail pas infererde ce qui precede une dilTerence encore plus notable.Cette dilTerenceessenlielle vient de ceque, tant dans laversion des Septante que dans celIe de saint Jerome,

    Ie prlneipe generateur des sciences et des beaux-arts,au si l'on veut Ie mot II mot, Ie pere de toutes lesconceptions lumineuses et dignes d'amour, Joubal, estrepresente eomme un homme, fils d'un homme etd'une femme, existant en chair et en as dans un cer-tain pays, Ii une cerlaine epoq~e, jouant au chan-tant reellement sur la guitar landis que c'est uncitre metaphysique universel, un ersonna~ cosmo-&>Hique,ji' I'mnuence et it ]'inspll'ahon duque) sontdus, parmi les hommes de tous les temps et de toutesles nations, les developpements de toutes ces sciencesaimables et brillantes, en general, et en particulierccux de la musique. JOUBALne diITcrepoint, sous ce )

    Crapport, d'ANUBIS, auquel il tient par la racine memede son nom, et l'on sait assez qu'Anubis ne differepas de TAOTII,d'HEnarEs, de MERCURE, considerescomme les createurs de l'tHoquence, de la poesie etde la musique, et partageant celle prerogative avecOSIRIS,ApOLLONet OLEN. Le perc que Moise donneII Joubal n'cst pas davantage un homme proprementdit, c'est un elre de la marne espece que Joubal, un

    tUre metaphysique qui -Ie precede dans I'ordre desgenerations cosmogoniques. II en faut dire autant du'Pere de LAlItECII et de tous les autres personnages quisont nommes avant lui. Si I'on veut lire avec quelqueattention les paroles que Moise met dans la bouchede ee Lamech, meme dans la VUlgate, on sentira Iacl-lement qu'eUes ne peuvent convenir a un homme,quel qu'i) soil. Car quel est l 'homme qui dira serieuse-ment de lui et avec orgueil, que parce qu'j) a tue unhomme dans sa blessure, et un jeune adolescent dans

    COMUB SClBNCR BT COMUB AIlT 4 9

    sa meurtrissure, sa mort sera vengee soixante-dix-septCois?Cela n'a pas de sens.

    Cel le erreur, dont les consequences sont de la plushaute Importance quand on veut approCondir lessciences ant iques, a sa source dans {' ignorance oil la

    pluparl des erudits modernes sont restes touchant lamaniere dont les anciens ecrivaient l 'histoire. Cellemanlere ne ressemblail nullement il la notre. Lesanciens conslderalent les choses en general, et sousleurs rapports metaphyslques, Nous notons avec uneexactitude scruputeuse les dates et les faits; nous sui-vans pas il pas la vie des individus dont Us ne s'oc-cupent nullemenl. Leur histoire, connee il la memolredes hommes, ou conservee parmi les archives sacer-dotales des temples, en morceaux detaches de poesle,cloit loute allegorlque: les hommes en parliculiern'etaicnt rien pour elle; elle voyait partout I'csprituniversel (lui Ies mouvalt, en personnifiait toutes lesIacultes, les opposalt entre elles, ct s'nppl iquait udeerlre leur nnissance, leur marehe et leurs developpe-ments. C'est en transformant ces facuttes spirituelles,ou, si I 'on veut, ees etres moraux en nutant d'individushumains, qu'on est tombe dans des contradictions sichoquantes il l'egard de Moise, et qu'on a deOgure lacosmogonle de cet homme divin au point de la rendremeconnalssable. Une des plus lourdes bevues qu'on

    ait faites, sans doute, a ete, apres avoir vu des hommesIII oil ctaienl des atres moraux, de voir des anneeshumaincs 10.oil etaient des revolutions morales. Ensorte que, quelque longue qu'on ait raUe la vie de cespretendus patriarches, on n'a pas pu, 0.cause de leurpetit nombre, eviler de donner a la terre une origineextremement recente. Ce qui nous a mis en opposi-tion, non seulement avec les traditions des nutres peu-pIes, mals encore avec les earacteres de vieillesse queIe temps, de ses mains puissantes, a partout impri-

    4

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    50 LA . MUSIQUE EllPLIQURE

    mes sur notre globe. L'histoire naturel le depose ICIcontre l'histoire positive. Quand meme Ies annales desChinois ne viendraient pas a I'appul de celIes desHindous, des Assyriens et des Egypliens, qui toutescomptent une foule de si~cles avant I'epoque ou les

    Juifs scriptmures placent Ie commencement du monde,n suffirait d'interroger sans prejuges les antiques mo-numents que la terre porte encore sur son sein, telsque les Pyramides, ~cs cataeombes de Thebes enEgypte; les tcmples de Maha-Bali-Pouram et la caverneElephantine, aux Indes; ou bien examiner enphysi-cien les immenses ruines qu'el le cache partout dansses entraiIles a des profondeurs enormes, pour demeu-rer convaincu que les six mille ans que ces memesJuifs lui donnent d'ant lqul te, ne sont qu'un jour dansIa perlode de sa longue existence.

    F. D.

    France Musicale, 26 mai 1850.

    La musique ne doit donc pas etre conslderee comme~'invention d'un homme, car il n'a jamais existcd'homme sur la terre capable d'inventcr une scienceet il n'en existera jamais. Une science quelconque nes'invente pas. C'est un present que l'esprit humain (1)rait a l 'humanlte, au moyen d'une de ses facultes Inspl-ratrices. La science Insplree, quelle qu'eUe soit, des-cend en principe, enveloppee dans son germe spiri-tuel, informe et faible dans ses premiers elements,mais contenant en soi tous ses developpements en puis-sance. Les premiers hommes qui la reeoivent, a peineen ont-ils une obscure connaissance. PIusieurs msmene 'I'aper~oivent pas du tout, et meurent sans avoir

    COMME SCIBNCE ET COMMB ART 51

    connu ce tresor qu'i1s couvaient dans leur seineD'au-tres en propagent cependant de faibles lueurs. Lesgenerations se succedent landis qu'elle s~ developpeCIl silence, s'accroit et s'etend au milieu d'une nation.Alors quelques hommes plus heureusement organises

    que les autres, s'y dislinguent; et par leurs sucees,eveillent I'attention de leurs contemporains. Une nou-vel le carriere s'ouvre. L'amour de la glolre, cclui deshonneurs ou des richesses, scIon Ie genre de Ia science.cnOamment Ies eoeurs et lui servent maintenant devehicule. Une noble emulat ion pousse mil le rivaux,les excite a se surpasser mutuellement et hate d'au-tant plus les progres qu'lls ont et6 plus lents a I'ori-gine. Enfin, un homme de genie para1t; son regardinvestigateur embrasse Ia science dans son ensemble;il voit d'un coup d'oell ce qu'elle a ete. ce qu'elle estet ce qu'eUe peut clre. U s'en empare hardiment, etr6unissant en un seul faisceau ses rameaux dlvises,leur donne une forme nouvelle. 11force par son ascen-dant valnqueur I'Insplration divine, jusqu'alors dis-seminee, a se concentrer en lui seul, et la reOechis-sant comme sur un foyer lumineux, eclipse tout eequi l'a precede. eelaire tout ce qui doit Ie suivre elne laisse a ses successeurs d'autre espoir que celui del 'lmlter. Cel homme possede I' inspiral ion premieredans quelque genre que ce soit . 11domine la science,

    mais il ne Ia cree ni ne I'invente. Aussi lorsque lui-msme ou quelques sages parmi les nations ecrivcntsur la science qu'Il a Il lustree, e'est toujours a l'Btreunlversel, aDieu meme ou a l'une de ses Iaeultesqu' its en rapportent la creat ion et I 'invent ion.

    Voila queHes etaient les idees des anciens. Aussipeut-on remarquer a ' I'egard de la musique en part l-culler, que les Hindous avant de parler du systememusical de Bharal leur premier legislateur, rapportentI'origine de la science a Brahma et a sa faeulle erea-

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    LA MUSIQUB BXPLIQUEB

    trice Sarcswati, de In meme manlere (Iue les Egyp-tiens nommaient Osiris ou Anubis avant Ta61h; lesGrecs, Apollon, Pan ou Mercure avant Orphee; et que,encore aujourd'hui. les Chinois placent dans In memecirconlance FO-HI et sa fille NW-1I0Aavant HOANG-

    'CY, auquel Us altribuent leurs plus anciennes lois mu-sicales. C'est ainsi que les chretlens orientaux etnolammcnt les Abyssins, les Syriens ctles Armenlens,en nommant plusieurs saint's personnages comme lesinventeurs de Ia muslque, rapportent toujours auSaint-Esprit l'inspiration de la science.

    Quant a ce qui est de determiner d'une maniereprecise, chez chaque peuple, In date de l'apparit ionde I'homme celebre qui, jouissant d'une inspirat ionpremiere, a fixe Ie sort de la science ou lui a donnedes lois, cela serait asscz difficile, surtout pour ceuxdont l 'epoque remonte au dela de trois ou quatre milleans : car. excepte peut-etre en Chine. oit I'on a com-mence de bonne heure a ~crire ce que nous appelonsdes annales, ce n'est guere que depuis une trentainede sieeles qu'on s'est avis~ dans Ie monde actuel,d~crire l'hisloire positive el lemporelle de la maniereque nous Iecrivons aujourd'hui. Avant cette epoque,I'histoire etait, comme je I'ai deja dit, entierementaUegorique; et les pretres qui I'ccrivaient en vers, nes'occupaient des individus que sous Ie rapport de I'es-

    prit qui les animait et qui en Caisait comme des etrescollectiCs. Ainsi dans l'antique Egypte, par exemple,oit tous les rois regnaient sous Ie ,meme nom. on fai-sait I 'hlstolre de la royaule et non celle du roi. Chaquedynastie etail comme un alre parl icuJier qui avail saphysionomie propre. Un musicien, un poete, qui ccri-vaient sur la musique ou sur Ja poesle, n'aurait paspu Caire paraltre son livre sous un autre nom quecelui de TAOTH;et voila. pourquoi on comptalt, dutemps de Manethon, plus de trente-slx miJIe volumes

    co)nm SCIENCE ET cosma ART

    (111iportaient ce nom sacre. Aujourdhui. oit Ie moln-drc compilateur place, avec son nom, cinq ou six lignesde titres academlques et Iitteraires sur Ie Crontispicede son ouvrage, on peut croire avec 'Peine a une pa-reille abnegat ion de sol-meme; mais tel etait I'usagc

    de ces tcmps recules. ,Ainsi ce sernit vouloir perdre en vain beaueoup de

    lemps

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    LA MVSIQVE EXPLIQVEB

    sur Ie Meslra-Stan, c'est-a-dlre de l'lnde sur I'Egypte,esl solidement elablie. On lit dans ces livres que plu-sieurs emigrations successives ont eu lieu d'Asle enAfrique, et que c'est princlpnlement du seln de l'lndeque l'Egypte a reeu ses premieres colonies et ses lois.

    Les ecrivains grees et latins confirmenl toutes ceslraditions en donnant Ie nom d'lndiens aux habitanlsde I 'Afrique les plus voisins de l'Egyple et, eomme Ieremarque lres bien Ie jUdicieux Freret, en conCondanll'Ethiopie avec l 'lnde el Ie Nil avec Ie Gange.

    F. D.

    France ltIusicale, 2 juin 1850.

    COMME SCIENCE ET COMME AnT S5

    TY MO LO GIE O U M OT M US IQ UE

    L B N O MB RB O O NS ID R 8 C O MM B P R IN C lP B M U SIC A L

    Le mol musique nous est venu du grec, mOllsike,par le latin, musica. II est forme, en grec, du mot

    ~ mousa, la muse, qui vienl de l' len, et de la ter- (')f!:f.minaison grecque ike, derivee celle. e mot egyptien .. Z;mas ou mous, signifle propre a generation, laproduction ou Ie developpement exterleur d'un prin-)clpe; c'est-a-dlreIa manifestation formelle ou le pas-

    sage en acte de ce qul elait en puissance. II secompose de la racine (Jail, gui earacterise le principeuniverse!, primordial, el de la racine md, qui exprimetout ee qui se genere, se deve)oppe, se manifeste, )s 'accrolt, prend une forme a l'exterleur, As signifle,dans une infinite de langues, runite, ratre unique,DIEU, et lOci s'appJique il tout ce qui esl Cecond, for-mateur, generateur; il veul dire proprement une mere.

    Ainsi Ie mot grec mousa (muse) s'est applique, dans -]-son orlglne, it tout developpement de prlnelpe, it toulesphere d'activite ou I'esprlt passe de puissance enacte el se revet d'une forme sensible. C'elait , dans sonacception la plus reslreinte, une manlere d'etre,comme I'exprime Ie mol latin mos. La lerminalsonike (ique) indiquait qu'une chose etait rapportee a .une autre par similitude, ou qu'elle en etait une depen-dance, une emanation. On trouve dans loules leslangues du Nord de l'Europe, ceUe terminaison ecriteieh, ;g ou ick, Elle s'aUache au mot celtique aik, quiveut dire egal, et tient it la racine egyplienne et

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    55 LA MUSIQUB EXPLIQUBE

    hebraique ach, symbole de I'identite, de I'cgalile, dela Iraternite,

    Si, d'apres l'ctymologie que jeviens de donner aumot musique, on saisil Ie sens elendu que les Egyp-tiens atlachaient a sa racine, et que les Grecs eux-memes y ont attache dans I'origine, on aura moins de

    peine a concevoir les acceptions diverses sous lesquellesces demiers ont pris leurs muses et I'influence univer-selJe qu'ils onl attribuee a la science qui les designaitparticullerement. On sentira Cacilement pourquoi itseonslderalen! lous les arts d'imilation comme uneappartenance de la musique, puisque, suivant la signi-fication de ce mol, tout ce qui sert a produire la penseeau dehors, n In rendre sensible d'intellecluellc qu'elleelait, a la Caire passer de puissance en acte, en Iarevetissant d'une forme approprlee, lui apparlenait.Les Egyptiens paraissenl n'avoir compte que troismuses: JteMU, 1IIn~me, Arede, c'est-a-dlre celie quiproduit ou g6nere, celie qui conserve ou designe, celie'qui idealise el rend eomprehensible. Les Grecs enporterent Ie nombre jusqu'a neuf, en distinguanldavantage leurs altributs. I1s les dirent filles de Zeus

    ,el de Jlnemosine, c'est-a-dlre de ) 'elre eternellementvivant et de Ja cacune memoratlve, et les nommerent :Clio, celle qui celebre; iJlelpomene, celie qui chanteles Cails dignes de memoire; Thalie, celle qui s'epa-

    I nouit, qui eherehe )'agrement; Euterpe, eelle qui ravit;

    Terpsichore, celle qui se delecle de la danse; Erato,celie qui aime; Calliope, celle 'qui raconte 'les Caitseclatanls; Uranie, celie qui considere Ie del; Polymnie,celie qui expJique les differents arts. Les neuC musesreconnaissaient pour cheC Apollon, le genera leur unl-versel, el prenaienl quelqueCois pour guide Hercule,']e seigneur ou le maitre de I'univers.

    Commeles modernes ont, depuis longtemps, detach6Ia musique proprement dlte de la science musicale

    I

    ! .

    CO)UIS SCIENCB ET COMMS ART 57

    en general, je vais suivre leur usage en ce point eleonslderer la musique comme cetle partie de la sciencequi, pour rendre sensibles les conceptions inlellec-tuelles de I'homme, emploie, a l'exterleur, deux. c16-ments constilutiCs, Ie son el Ie lemps, en les prenanl,run pour matiere et l'autre pour regIe de la Corme

    qu'elle leur donne au moyen de I'art. Mais Ie son, enlanl que production du corps sonore, n'est appre-ciable it l'oreille de I'homme que par les vibrations .qu'iJ communique a I'air, suivanl certains calculsdependant du nombre; it n'acquiert les proprletesmelodlques et harmonlques, c 'est-a-dlre qu'U ne s'cleveou ne s'abaisse, ne precede de l'aigu au grave ou du .grave a I 'aigu, que suivant certaines proportions egale-ment dependanles du nombre: etle temps ne se mesureel nc produil Ie rythmc musical, au moyen duquel laduree de chaque son est reglee, que selon certaineslois de mouvemenl qui dependent encore du nombre:en sorte que Ie nombre se trouve partoul inherent auxclements musicaux et leur est evidemmenl anterleuret necessalre, puisqu'lls n'existent pas sans lui et qu'llsne se meuvenl que par lui. Or, une chose Inherente,anterleure et toujours neeessaire n une autre chose,est irreslst lblement declaree le principe de cette chose.

    Le nombre est donc Ie principe de la musi ue, et -nous pouvons, n I'ai e de ses proprietes connues, de-couvrlr eelles du son et du temps, relatlvement a eettescience. Laissant. d 'ail leurs, a la physique el n lametaphyslque a s'occuper de ce qui concerne leur es-sence partlculiere ou absolue, toul ce qu'U nous Im-porte de savoir du son en lul-meme, c'est qu'iJ se dis-lingue du bruil au moyen de certains rapporls quinaissent encore du nombre, car, comme Je I'ai dil dansun autre ouvrage (I), les bruits ne sont, en effel, que

    0 Notionll lIur le sens de I'oule. >

    J

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    r, J' LA MUSIQUE BltPLiQUEsQa somme d'une multitude de sons divers se raisant

    entendre a la Coiret contrarianl en quelque sorte leurs

    {

    OndUlatiOnS; et "" sons s'eloignent des bruits et de-viennent d'une nature de plus en plus harmonique ia

    mesure que J~orps qui les produit est plus elastique,plus homogene rorme d'une substance dont Ie degr':de purete et e cohesion est plus parfait et plus egal;en sorle que I'on peut conclure qu'un corps esl d'au-tant plus bruyant qu' i1 est plus divise en masses ine~gales de sol idite ~t de contexture et d'autant plus so-nore qu'Il se rapproehe Ie plus de I'homogeneite.

    II resulte des experiences cltees dans I'ouvrage d'ouje prends ceUe assertion, que I'ouie de l'homme s'ou-vre d'abord au bruit et que, passant insensiblement deI'enharmonique il I'harmonique ou de la dlverslte ial'unlte, elle arrive au son. Telle paralt ~tre en tout la

    marche de la nature. L'unite absolue est son but; ladiversite son point de depart; l'unite relative sesmoyens de repos. Les physiciens, qui ont calcule Ienombre de vibrations que Cournissent les corps sonoresdans un temps donne, assurent que Ieson Ieplus graveque notre oreille puisse saisir, est celui d'un corps quidonne vingt vibrat ions par seconde, et Ie son Ie plusalgu celui d'un corps dont Ie nombre de vibrationss'cHeve b .quarante mille dans Iememe espaee de temps.

    France lllusicale, 5 revrier 1843.

    l

    CONNE SCIENCE ET COMME ART 59

    C OU P D '< EIL S UR LA M USIQ UB sA Oa 8g

    0e nombre 12 Corme du ternaire el du quaternaire~_Ie symbole de I'univers et la mesure du son. En

    In expri ant ainsi, je ne Ials que me rendre I'inter-pret es philosophes antiques et des theosophes mo-dernes, dire ouvertement ce que l'hlerophanted'Eleu s et de Thebes ne conflalt qu'aux seuls initiesdans Ie secret du sanctuaire. Ce n'est point, au reste,une opinion ad mise par un certain peuple, dans uncertain temps, au sein d'une con tree partlcullere de

    10 terre; c'est un dogme scienliflque et saere, reeu danstous les sleeles et chez toutes les nations, depuis Ienord de I'Europe jusqu'aux pnrties les plus orientalesde I'Asie. Pylhngore, Tfmee de Locres, Platen en don-nant Ie dodeeaedre pour symbole it l'univers, expo-saient les idees des Egyptiens, des Chaldeens et desGrecs ..ees peuples nvaient des Iongtemps nUribue iadouze dteux principaux Ie gouvcrnement de la nature.Les Persans suivaient it eet egard la doctrine des Chal-deens, et les Romains avaient adopte celie des Grecs.Jusqu'aux extremites de l'Europe, les Scandinaves, enadmeUant Ia division duodeclmale, comptaient aussidouze regulateurs de I'Univers qu'ils nommaient Ases,Lorsque Manes voulut s'emparer de la religion ehre-t ienne pour l'al legorlser et en arreter les Cormes en-core peu assurees, Il ne manqua 'pas d'appUquer Iedodecaedre b . I'Univers, en rappelant Ies gouverneurssuprsmes des anciens qu'll representa, rempUssant l'im-mensite d'une celeste harmonie, et repandant au devantdu pere des fleurs et des parfums eternels. II n'y a

    >

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    60 LA llUSIQUE EXI'LIQUBH

    pas longtemps qu'un theosophe allemand, un cordon-nler nomm~ Boehme, homme d'un genic extraordi-noire. mals prive d'erudition et de culture dans l'es-prit, examinant it part lui 'In nature eMmenlaire elIe systeme de l'univers, fut force, comme Dar un ins-

    tinct irresistible. a prendre Ie nombre zodiacal pourconslituer le regime du monde. II fit plus. il vit dans cenombre ce que je ne saehe pas que personne y ait vudepuis I'exlinction des mysteres antiques, un doubleregime: un regime celeste et un terrestre; I'un spiri-tuel, intelligible el ascendant, l'autre crealurel, sen-sible et descendant.

    L'institutlon du zodinque esl due il l 'applleation dunombre 12 il la sphere supreme. Celle institution, sc-Ion un savant astronome modernc, n'a ete elrnngcrea aucun peuple du monde. Les temples antiques consi-deres comme des images de l'Univers OUregnatt l'etreimmuable nuquel ils elnienl dedies, porlnient tous Iememe nombre et les memes divisions. Les architectesperuvlens n'avaient pas eu a cet egard d'aulres ideesque celles des Egypliens, des Persans, des Romninset meme des Hebreux. Le nombre 12 en s'appJiqunntainsi a l 'Univers el il tout ce qui Ie representalt, claittoujours la manifeslation harmonique des principesde Ja nalure 1 et 2, et Ie mode sous Iequel se eoordon-nnient leurs elements. Aussi elnit-i1 en meme temps

    Ie symbole de la coordinnlion des sons, et comme leIapplique il la lyre d'Hermes, Bocce en parle en termesassez elalrs, et Roussier a fort bien inlerprele ses sen-timents.

    GApres Ie nombre 12, production de 3 et 4 multlplles

    un par I'autre, Ie nombre Ie plus generalement reveretait Ie nombre 7 forme de 3 et 4 reunls, On Ie consl- .

    derail dans les sancluaires de Thebes et d'Eleusiscomme Ie symbole de l'Ame du monde se deployantau sein de l'Univers et lui donnant la vie. Macrobe,

    coaUiE SCIUNCE ET eoualE AnT iiI

    qui nous a trnnsmis beaucoup de mysteres antiques,nous apprend que celle arne dlstrlbuee dans les septspheres du monde qu'elle meut et qu'elle ani me, eldont elle produit les sons harmoniques, ctait designeeemblematiquement par Ie nombre 7, ou figurativement

    par la Ilute il sept tuyaux mise entre les mains de Pan,le Dieu de l'Unlvers. Ce nombre re\'crcpar tous lespeuples. ctait specialement consacre au Dieu de laIumiere, L'empereur Julien pnrle d'une manlere enig-mntlque du Dieu nux sept rayons dont I'intelligencen'est pas donnee a tout Ie monde. Les Brnhmes en sei-gnent encore que le soleil est compose de sept rayons:leurs livres sucres en representent Ie genie nommeSouryn porte sur un char attele de sept chevaux. Lesanciens Egypliens, au lieu d'un char, Imuginaient unvaisseau conduit par sept genies; et Mnrtianus Capella,qui se rend leur interprete, place Ie Dieu du solell aumilieu de ce vnissenu, tenant en ses mains sept spheres,qui com m e autant de miroirs concaves reOechissentIn lumiere qu'iI verse II grands flots. Les lettres chi-nois medltent beaucoup sur Ie nombre 7. lis y attn-client, comme les Pythngoriciens, des idees profondes.Un de leurs livres sacres, Ie Lieou-cbou, dit que c'estun nombre d'un merveilleux qui embarrasse. Ennn,les premiers chretlens em-memes, qUOhJ'I'USprisscnlII tacbe de s'eloigner en tout des idees antiques, n'en

    divlserent pas moins en sept dons l'inOuence de l'Es-pelt-Saint, ainsi qu'on le voit dans les ecrits de saintJuslin, et plus clairemenl encore dans In prose duSaint-Esprit que I'on chante dans les eglises catholi-ques. Tout reeemment un tbCosopbe chretlen exami-nnnt les proprletes du nombre 7, enseignnit avec unegrnnde force de conception, quoique du resle iI nefut pas savant, qu'll ne peut y avolr de mouvementspirituel qui ne soit septenalre, puisque c'est II I Ienombre des ressorls de I'esprlt, et que In force et In

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    6 2 LA MUSIQUB BXPLIQuliB

    resistance qui sonl Ie pivol universcl de toule action,sonl elles-memes les deux bases constitutives aux-

    elles Ie nombre septenaire doit son existence.II esl, je crois, inutile d'enlasser davantage les cita-

    tions, pour prouver I'accord unanime des peuples sur

    I'influence reconnue des nombres 7 et 12, productiondes nombres 3 et 4, soil par la simple addition, soilpar la multiplication. Je vais continuer ma synthese

    ogmatique. 8 .~Les principes fondamentau si et fa roduisent, en

    se developpant d'une maniere J , par quarles oupar quintes, c'est-a-dlre, en procedant de 4 a 3 et de3 II 2, sept sons exaclement semblables. C'est ceue]idcntite 'qui constitue Ie septenalre musical, et quifait appeler ces sons diaioniques, pour les dist inguerde tous les autres sons qui peuvent naUre encore desdeux principes fondamenlaux, mais qui ne se ressem-blent plus, sortanl de l'ordre diatonique pour entrerdans Ie chromatique ou l'enharmonique. Le septenairemusieaI diatonique, issu de la reunion des deux prin-cipes, s'applique, dans l'harmonie celeste, au septe-naire planetalre: non que I'on ail voulu inferer deIll, dans les sanctualres, qu'i1 n'y a que sept planetesprimitives, identiques et reellement Inflnentes dansnolre sysl~me zodiacal, les autres ne pouvant y etreque secondaires, comme Ie sont, dans notre systcme

    musical, les sonstJ, atiques ou enharmoniques. Leson fondamenlal Ii r presente Saturne, celie des pla-nctes Pri~s. us eloignee du soleil. Le son fon-damenta fa epresente V~nus, celle de ees memesplanctes us rapproehee de cel aslre (I). La pre-

    (I) II est trbs uUle d'observer que les anciens appelalentV4Inusou Junon , l a plan~le que nOUBIlppolons lluJourd'hulMercure; et Mercure, Hennh, ou plut6t Stilbou, Ie resplen-dlsl lan t, cel ie que nous appelons auJourd'hul V. !nul l. C 'esl unchangement do nom qui s'op~ra 1'6poquo ota los opinionsvulgalros pr lren l I e del lsus sur les opinions phtl ceephlques. II

    co,.. m SCIENCB BT COMMB ART 63

    miere a un mouvement ascendant par quarles, ellaseconde un mouvement descendant par quintes deceUe manlere :

    Soturne Ie Solell 10 Lune Mars Mercure Jupiter VenURSI MI LA fiE S