Dogme Et Rituel de La Haute Magie Tome 1 2014

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8/12/2019 Dogme Et Rituel de La Haute Magie Tome 1 2014 http://slidepdf.com/reader/full/dogme-et-rituel-de-la-haute-magie-tome-1-2014 1/160 A   G    L    A             E   L O      H      A    A  D  O N   A      A     U     R    I    E    L A A Editions d'Agapè - Alain Trocmé - Diffusion Gratuite Dogme et Rituel de Haute Magie Eliphas Lévi Zahed ISBN : 978-2-917040-27-0 00001 Tome 1 - Dogme 9HSMJLH*aeacha+[K\A\A\A\L

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    Editions d'Agap - Alain Trocm - Diffusion Gratuite

    Dogme et Rituel de Haute Magie

    Eliphas Lvi Zahed

    ISBN : 978-2-917040-27-0 00001

    Tome 1 - Dogme

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    L G B.

    OUVRAGES DU MME AUEUR.Histoire de la magie, avec une exposition claire et prcise de ses procds, de ses rites etde ses mystres. 1860, 1 vol. in-8 avec 90 gures.12 fr.

    La clef des grands mystressuivant Hnoch, Abraham, Herms rismgiste et Salomon.

    1861, 1 vol. in-8 avec 22 planches.12 fr.

    LHistoire de la Magieexplique les assertions contenues dans le Dogme et Rituel; la Clef desgrands mystrescomplte et explique lHistoire de la Magie. En sorte que, pour le lecteurattentif, il ne manquera rien, nous lesprons, notre rvlation des secrets de la cabaledes Hbreux et de la haute magie, soit de Zoroastre, soit dHerms. Ces livres sont catho-liques, et si les rvlations quils contiennent sont de nature alarmer la conscience des

    simples, il est consolant de penser quils ne les liront pas. Ils sont crits pour les hommessans prjugs, et lauteur na pas voulu plus atter lirrligion que le fanatisme.

    E. L.

    CAHAGNE. Magie magntique, ou rait historique et pratique de fascinations, demiroirs cabalistiques, dapports, de suspensions, de pactes, de talismans, de charme desvents, de convulsions, de possessions, denvotements, de sortilges, de magie de la pa-role, de correspondance sympathique et de ncromancie. 2e dition 1858, 1 vol. grandin-18, broch. 7 fr.

    CAHAGNE. Mditations dun penseur, ou mlanges de philosophie et de spiritua-lisme, dapprciations, daspirations et de dceptions. 1860, 2 vol. in-18.10 fr.

    CAHAGNE.Arcanes de la vie future dvoils, o lexistence, la forme, les occupations

    de lme aprs sa sparation du corps sont prouves par plusieurs annes dexpriencesau moyen de huit Somnambules extatiques, qui ont eu 80 perceptions de 36 personnesde diverses conditions, dcdes diffrentes poques, leurs signalements, conversations,

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    renseignements. Preuves irrcusables de leur existence au monde spirituel. 1848-1860, 3vol. grand in-18. 15 fr.

    GAUHIER (Aubin). Histoire du somnambulisme, connu chez tous les peuples sousles noms divers dextases, songes, oracles, visions ; examen des doctrines de lantiquitet des temps modernes sur ses causes, ses effets, ses avantages et lutilit de son concoursavec la mdecine. 2 vol. in-8.

    10 fr.

    GOUPY. Explication des tables parlantes, des mdiums, des esprits et du somnambu-lisme par divers systmes de cosmologie, suivie de la Voyante de Prevorst. 1860,

    1 vol. in-8.6 fr.

    LAFONAINE.Art de magntiser, ou le Magntisme animal considr sous les pointsde vue thorique, pratique et thrapeutique, par Ce. LAFONAINE. 1860, 3e dition,1 vol. in-8, avec gures.

    5 fr.

    LOUBER (labb J.-B.). Le magntisme et le somnambulismedevant les corps sa-vants, la cour de Rome et les thologiens. 1844, 1 vol.de 706 pages.

    7 fr.

    Paris. - Imprimerie L. MARINE, rue Mignon, 2.\

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    CLASSEMEN E EXPLICAION DES FI-GURES

    ().PREMIRE FIGURE. Le grand Symbole de Salomon. F r o n -tispice

    Le double triangle de Salomon, gur par les deux vieillards de la cabale ; le macropro-sope et le microprosope ; le Dieu de lumire et le Dieu de reets ; le misricordieux et levengeur ; le Jehovah blanc et le Jehovah noir.

    Les petites gures qui sont des deux cts sont analogues au sujet principal.

    2 FIG. Lsotrisme sacerdotale formulant la rprobation 103

    Une main sacerdotale faisant le signe de lsotrisme et projetant dans son ombre la guredu dmon. Au-dessus on voit las de deniers du Tarot chinois et deux triangles superpo-ss, un blanc et un noir. Cest une nouvelle allgorie expliquant les mmes mystres ; cestlorigine du bien et du mal ; cest la cration du dmon par le mystre.

    3 FIG. Le riangle de Salomon

    4 FIG. Les quatre grands noms cabalistiques5 FIG. Le Pentagramme de Faust

    6e FIG. Le tragramme de Sohar

    7 FIG. Les Pentacles dzchiel et de Pythagore

    Le chrubin quatre ttes de la prophtie dEzchiel, expliqu par le double triangle deSalomon.

    Au-dessous, la roue dEzchiel, clef de tous les pantacles, et le pantacle de Pythagore.

    Le chrub dEzchiel est reprsent ici tel que le dcrit le prophte. Ses quatre ttes sontle quaternaire de Mercavah ; ses six ailes sont le snaire de Bereschith. La gure humainequi est au milieu reprsente la raison ; la tte daigle, cest la croyance ; le buf, cest larsignation et le travail le lion, cest la lutte et la conqute. Ce symbole est analogue celui du sphinx des gyptiens, mais il est plus appropri la cabale des Hbreux.

    8e FIG. Addha-Nari, grand Pantacle indien.

    Cette image panthistique reprsente la Religion ou la Vrit, terrible pour les profaneset douce pour les initis. Cette gure a plus dune analogie avec le cherub dEzchiel.La gure humaine est place entre un veau brid et un tigre, ce qui forme le triangle de

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    Kether, de Geburah et de Gedulah ou Chesed. Dans le symbole indien, on trouve lesquatre signes magiques du arot dans les quatre mains dAddha

    CLASSEMEN E EXPLICAION DES FI-

    GURES.

    Nari : du ct de liniti et de la misricorde, le sceptre et la coupe ; du ct duprofane, reprsent par le tigre, lpe et le cercle, qui peut devenir soit lanneaudune chane, soit un collier de fer. Du ct de, liniti, la desse est vtue seu-lement des dpouilles du tigre ; du ct du tigre, elle porte une longe robe toile, et sescheveux mmes sont couverts dun voile. Une source de lait jaillit de son front, coule duct de liniti, et forme autour dAddha-Nari et de ses deux animaux un cercle magiquequi les enferme dans une le, reprsentation du monde. La desse porte son cou une

    chane magique forme danneaux de fer du ct des profanes, et de ttes pensantes duct des initis ; elle porte sur le front la gure du lingam, et de chaque ct trois lignessuperposes qui reprsentent lquilibre du ternaire et rappellent les trigrammes de Fo-Hi.

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    CLASSEMEN E EXPLICAION DES FI-

    GURESQUI SE ROUVEN DANS LE 1 VOLUME RIUEL.1re FIG. Bouc du Sabbat. - Baphomet et Mends. Frontispice

    Figure panthistique et magique de labsolu. Le ambeau plac entre les deux cornesreprsente lintelligence quilibrante du ternaire ; la tte du bouc, tte synthtiquequi runit quelques caractres du chien, du taureau et de lne, reprsente la res-ponsabilit de la matire seule et lexpiation, dans les corps, des pchs corporels. Lesmains sont humaines, pour montrer la saintet du travail, elles font le signe de lsot-risme en haut et en bas, pour recommander le mystre aux initis, et elles montrent deuxcroissants lunaires, lun blanc qui est en haut, lautre noir, qui est en bas, pour expliquerles rapports du bien et du mal, de la misricorde et de la justice. Le bas du corps est voil,image des mystres de la gnration universelle, exprime seulement par le symbole ducaduce. Le ventre du bouc est caill, et doit tre color en vert ; le demi-cercle qui estau-dessus doit tre bleu ; les plumes, qui montent jusqu la poitrine, doivent tre de di-verses couleurs. Le bouc a un sein de femme, et ne porte ainsi de lhumanit que les signesde la maternit et ceux du travail, cest--dire les signes rdempteurs. Sur son front, entre

    ses cornes et au-dessous du ambeau, on voit le signe du microcosme ou le pentagrammela pointe en haut, symbole de lintelligence humaine, qui, plac ainsi au-dessous du am-beau, fait de la amme de ce dernier une image de la rvlation divine. Ce panthe doitavoir pour sige un cube, et pour marchepied soit une boule seule, soit une boule et un

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    escabeau triangulaire. Dans notre dessin nous lui avons donn la boule seulement, pourne pas trop compliquer la gure.

    2e FIG. riangle de Salomon

    3e FIG. rident de Paracelse

    Ce trident, gure du ternaire, est form de trois dents pyramidales superposes sur un taugrec ou latin. Sur lune des dents on voit un jod traversant un croissant dune part, et delautre une ligne transversale, gure qui rappelle hiroglyphiquement le signe zodiacal delcrevisse. Sur la dent oppose est un signe mixte rappelant celui des gmeaux et celui dulion. Entre les serres de lcrevisse on voit le soleil, et prs du lion la croix astronomique.Sur la dent du milieu est trace hiroglyphiquement la gure du serpent cleste, ayantpour tte le signe de Jupiter. Du ct de lcrevisse on lit le mot OBIO, va-ten, recule ;et du ct du lion on lit IMO, quand mme, persiste. Au centre et prs du serpent sym-bolique on lit AP DO SEL, mot compos dune abrviation, dun mot compos cabalis-

    tiquement et hbraquement, et enn dun mot entier et vulgaire : AP, quil faut lire AR,parce que ce sont les deux premires lettres grecques du mot ARCHE ; DO, quil fautlire OD et SEL. Ce sont les trois substances premires, et les noms occultes dArche etdOd expriment les mmes choses que le soufre et le mercure des philosophes. Sur la tigede fer qui doit servir emmancher le trident on voit trois fois la lettre P. P. P., hiroglyphephallode et lingamique ; puis les mots VLI DOX FAO, quil faut lire en prenant lapremire lettre pour le nombre du pentagramme en chiffre romain, et complter ainsiPENAGRAMMAICA LIBERAE DOXA FAO, caractre quivalent aux troislettres de Cagliostro L. P. D. : libert, pouvoir, devoir. Dun ct, la libert absolue ; de

    lautre, la ncessit ou la fatalit invincible; au milieu, LA RAISON, absolu cabalistiquequi fait lquilibre universel. Cet admirable rsum magique de Paracelse peut servir declef aux ouvrages obscurs du cabalistique Wronski, savant remarquable qui sest laissentraner plus dune fois hors de son ABSOLU RAISON par le mysticisme de sa nationet des spculations pcuniaires indignes dun penseur aussi distingu. Nous lui rendonstoutefois lhonneur et la gloire davoir dcouvert avant nous le secret du trident de Para-celse. Ainsi Paracelse reprsente le passif par lcrevisse, lactif par le lion, lintelligence oula raison quilibrante par Jupiter ou lhomme-roi dominant le serpent ; puis il quilibreles forces en donnant au passif la fcondation de lactif gur par le soleil, et lactif les-

    pace et la nuit conqurir et clairer sous le symbole de la croix. Il dit au passif : Obis limpulsion de lactif, et marche avec lui par lquilibre mme de la rsistance. Il dit lactif Rsiste limmobilit de lobstacle ; persiste et avance. Puis il explique ces forcesalternes par le grand ternaire central: LIBER, NCESSI, RAISON. RAISON aucentre; LIBER E NCESSI en contrepoids. L est la force du trident : cen estlemmanchement et la base ; cest la loi universelle de la nature ; cest lessence mme duverbe, ralise et dmontre parle ternaire de la vie humaine, larcheou lesprit, lodoule mdiateur plastique, et le selou la matire visible.

    Nous wons voulu donner part lexplication de cette gure, parce quelle est de la plushaute importance, et donne la mesure du plus grand gnie des sciences occultes. On doitcomprendre aprs cette explication pourquoi, dans le courant de notre ouvrage, nous

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    nous inclinons toujours avec la vnration traditionnelle des vrais adeptes devant le divinParacelse.

    4e FIG. Pentagramme

    5e FIG. Instruments magiques : la lampe, - la Baguette, - lpe, - la Serpe

    6e FiG. Clef du Tot7e FiG. Cercle gotique des vocations noires et des pactes.

    8e et 9e FIG. Divers caractres infernaux tirs dAgrippa, dApono, de divers

    grimoires et des actes du procs dUrbain Grandier

    10e FIG. Signes cabalistiques dOrion

    11e FIG. Caractres infernaux des douze signes du zodiaque.

    12e FIG. Chariot dHerms, septime clef du arot

    13e FiG. Carrs magiques dos gnies plantaires, suivant Paracelse

    14e FIG. LArche

    15e FIG. Clef apocalyptique. - Les sept sceaux de saint Jean.

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    DISCOURS PRLIMINAIRE.

    DES ENDANCES RELIGIEUSES, PHILOSOPHIQUES E

    MORALES DE NOS LIVRES SUR LA MAGIE.

    Depuis que la premire dition de ce livre a t publie, de grands vnements sesont accomplis dans le monde, et dautres plus grands peut-tre encore sont la veille de saccomplir.Ces vnements nous avaient t annoncs comme dordinaire par des prodiges : les

    tables avaient parl, des voix taient sorties des murs, des mains sans corps avaient critdes mots mystrieux, comme au festin de Balthasar.

    Le fanatisme, dans les dernires convulsions de son agonie, a donn le signal de cette der-nire perscution des chrtiens annonce par tous les prophtes. Les martyrs de Damasont demand aux morts de Prouse le nom de celui qui sauve et qui bnit ; alors le cielsest voil et la terre est reste muette .

    Plus que jamais la science et la religion, le despotisme et la libert, semblent se livrer uneguerre acharne et se jurer une haine irrconciliable. Nen croyez cependant pas de san-

    glantes apparences : elles sont la veille de sunir et de sembrasser pour toujours.

    La dcouverte des grands secrets de la religion et de la science primitive des Mages, enrvlant au monde lunit du dogme universel, anantit le fanatisme en donnant la raisondes prodiges. Le verbe humain, le crateur des merveilles de lhomme, sunit pour jamaisavec le verbe de Dieu, et fait cesser lantinomie universelle en nous faisant comprendreque lharmonie rsulte de lanalogie des contraires.

    Le plus grand gnie catholique des temps modernes, le comte Joseph de Maistre, avait

    prvu ce grand vnement. Newton, disait-il, nous ramne Pythagore, lanalogie quiexiste entre la science et la foi doit tt ou tard les rapprocher. Le monde est sans religion,mais cette monstruosit ne saurait exister longtemps ; le dix-huitime sicle dure encore,mais il va nir.

    Partageant la foi et les esprances de ce grand homme, nous avons os fouiller les d-combres des vieux sanctuaires de loccultisme ; nous avons demand aux doctrines se-crtes des Chaldens, des gyptiens et des Hbreux, les secrets de la transguration desdogmes, et la vrit ternelle nous a rpondu : la vrit, qui est une et universelle commeltre ; la vrit, qui appartient la science comme la foi ; la vrit, mre de la raison etde la justice ; la vrit vivante dans les forces de la nature, les mystrieux Eloim qui refontle ciel et la terre quand le chaos a repris pour un temps la cration et ses merveilles, etquand lesprit de Dieu plane seul sur labme des eaux.

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    La vrit est au-dessus de toutes les opinions et de tous les partis.

    La vrit est comme le soleil ; aveugle est celui qui ne la voit pas. el tait, nous nen sau-rions douter, le sens dune parole clbre de Bonaparte, prononce par lui une poqueo le vainqueur de lItalie, rsumant la rvolution franaise incarne en lui seul, commen-ait comprendre comment la rpublique pouvait tre une vrit.

    La vrit, cest la vie, et la vie se prouve par le mouvement. Par le mouvement aussi, parle mouvement voulu et effectif, par laction, en un mot, la vie se dveloppe et revt desformes nouvelles. Or, les dveloppements de la vie par elle-mme, et son enfantementdes formes nouvelles, nous lappelons cration. La puissance intelligente qui agit dans lemouvement universel, nous lappelons le V, dune manire transcendentale et ab-solue. Cest linitiative de Dieu, qui jamais ne peut rester sans effet ni sarrter sans avoiratteint son but. Pour Dieu, parler cest faire ; et telle devrait tre toujours la porte de laparole, mme chez les hommes : la vraie parole est la semence des actions. Une missiondintelligence et de volont ne peut tre strile sans quil y ait abus ou profanation de sa

    dignit originelle. Et cest pour cela que le Sauveur des hommes doit, non seulement detoutes les penses gares et sans but lgitime, mais encore et surtout des paroles oiseuses,nous demander un compte svre.

    Jsus, dit lvangile, tait puissant en uvres et en paroles ; les uvres avant la parole :cest ainsi que stablit et se prouve le droit de parler. Jsus se mit faire et parler, ditailleurs un vangliste, et souvent, dans le langage primitif de lcriture sainte, une actionest appele un verbe. Dans toutes les langues, dailleurs, on nomme Vce qui exprime la fois ltre et laction, et il nest pas de verbe qui ne puisse tre suppl par le verbe

    faire, en diversiant le rgime. Dans le principe tait le Verbe, dit lvangliste saint Jean.Dans quel principe ? Dans le premier principe ; dans le principe absolu qui est avanttoute chose. Dans ce principe donc tait le Verbe, cest--dire laction. Cela est incontes-table en philosophie, puisque le premier principe est ncessairement le premier moteur.Le Verbe nest pas une abstraction : cest le principe le plus positif qui soit au monde,puisquil se prouve sans cesse par des actes. La philosophie du Verbe est essentiellement laphilosophie de laction et des faits accomplis, et cest en cela mme quil faut distinguerun verbe dune parole. La parole peut tre quelquefois strile, comme dans la moisson ilse rencontre des pis vides, mais le Verbe ne lest jamais. Le Verbe, cest la parole pleine et

    fconde ; les hommes ne samusent pas lcouter et lui applaudir ; ils laccomplissenttoujours ! Souvent sans le comprendre, presque jamais sans lui avoir rsist. Les doctrinesquon rpte ne sont. pas celles qui russissent. Le christianisme tait encore un mystre,que. dj les Csars se sentaient dtrns par le Verbe chrtien. Un systme que le mondeadmire et auquel la foule applaudit, peut ntre quun assemblage brillant de mots st-riles ; un systme que lhumanit subit pour ainsi dire malgr elle, cest Un V.

    Le pouvoir se prouve par ses rsultats, et comme la crit, dit-on, un profond politiquedes temps modernes : La responsabilit est quelque chose quand on ne russit pas. Cette

    parole, que des esprits inintelligents ont trouve immorale, est galement vraie si onlapplique toutes les notions spciales qui distinguent la parole du Verbe, la volontde laction, ou plutt lacte imparfait de lacte parfait. Lhomme qui se damne, selon lathologie catholique, cest celui qui ne russit pas se sauver. Pcher, cest manquer le

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    bonheur. Lhomme qui ne russit pas a toujours tort : soit en littrature, soit en morale,soit en politique. Le mauvais en tout genre, cest le beau et le bon mal russis. Et sil fautremonter plus haut jusque dans le domaine ternel du dogme, deux esprits se trouvrentautrefois, chacun desquels voulait la divinit pour lui seul : lun russit, et cest lui qui estDieu ; lautre choua, et devint le dmon !

    Russir, cest pouvoir ; chouer toujours, cest tenter ternellement : ces deux mots rsu-

    ment les deux destines opposes de lesprit du bien et de lesprit du mal.

    Quand une volont modie le monde, cest un Verbe qui parle, et toutes les voix setaissent devant lui, comme le dit le livre des Machabes, propos dAlexandre : maisAlexandre mourut avec son verbe de puissance, parce quen lui il ny avait pas davenir ; moins que la grandeur romaine nait t la ralisation de son rve ! Or, de nos jours ilse passe quelque chose de plus trange : un homme qui est mort dans lexil au milieu delocan Atlantique fait taire une seconde fois lEurope devant son verbe, et tient encore lemonde entier suspendu la seule puissance de son nom !

    Cest que la mission de Napolon a t grande et sainte ; cest quil y avait en lui un Vde vrit. Napolon lui seul pouvait, aprs la rvolution franaise, relever les autels du ca-tholicisme, et lhritier moral de Napolon avait seul le droit de ramener Pie IX Rome.Nous allons dire pourquoi.

    Il est dans la doctrine catholique de lIncarnation un dogme connu dans les coles tholo-giques sous le titre de Communication des idiomes. Ce dogme affi rme que, dans lunionde la divinit et de lhumanit accomplie en Jsus-Christ, le rapprochement des deux na-

    tures a t si troit, quil en est rsult une identit et une trs simple unit de personne ;ce qui fait que Marie, mre de lhomme, peut et doit tre appele M D. (Lemonde entier sest agit pour cette prrogative au temps du concile dphse.) Ce quifait aussi quon peut attribuer Dieu les souffrances de lhomme et lhomme les gloiresde Dieu. En un mot, la communication des idiomes, cest la solidarit des deux naturesdivine et humaine en Jsus-Christ ; solidarit au nom de laquelle on peut dire que Dieucest lhomme, et que lhomme cest Dieu.

    Le magisme, en rvlant au monde la loi universelle de lquilibre et lharmonie rsultantde lanalogie des contraires, prend toutes les sciences par la base, et prlude par la rformedes mathmatiques une rvolution universelle dans toutes les branches du savoir hu-main : au principe gnrateur des nombres il rattache le principe gnrateur des ides,et par consquent le principe gnrateur des mondes, amenant ainsi la lumire de lascience le rsultat incertain des intuitions trop physiques de Pythagore ; il oppose lso-trisme thurgique de lcole dAlexandrie une formule claire, prcise, absolue, que toutesles sciences rgnres dmontrent et justient : la raison premire et la n dernire dumouvement universel, soit dans les ides, soit dans les formes, se rsument dnitivementpour lui dans quelques signes dalgbre sous la forme dune quation

    Les mathmatiques ainsi comprises nous ramnent la religion, parce quelles deviennent,sous toutes les formes, la dmonstration de linni gnrateur de ltendue et la preuve delabsolu, do manent tous les calculs de toutes les sciences. Cette sanction suprme destravaux de lesprit humain, cette conqute de la divinit par lintelligence et par ltude

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    doit consommer la rdemption de lme humaine et procurer lmancipation dnitivedu Verbe de lhumanit. Alors ce que nous appelons encore aujourdhui loi naturelle auratoute lautorit et toute linfaillibilit dune loi rvle ; alors aussi on comprendra que laloi positive et divine est en mme temps une loi naturelle, puisque Dieu est lauteur de lanature, et ne saurait se contredire dans ses crations et dans ses lois.

    De cette rconciliation du Verbe humain natra la vraie morale, qui nexiste pas encore

    dune manire complte et dnitive. Alors aussi une nouvelle carrire souvrira devantlglise universelle. En effet, jusqu prsent linfaillibilit de lglise na constitu que ledogme, et pour cela, sans doute la Divinit ne voulait pas avoir besoin du concours deshommes appels plus tard comprendre ce quils devaient croire dabord. Mais, pourconstituer la morale, il nen est pas de mme, car la morale est humaine autant que di-vine ; et celui-l doit ncessairement consentir au pacte qui sy oblige le plus. Savez-vousce qui manque le plus au monde lpoque o nous arrivons ? Cest la morale. out lemonde le sent, tout le monde le dit, et pourtant des coles de morale sont ouvertes detous cts. Que faudrait-il ces coles ? Un enseignement qui inspirt la conance ;une autorit raisonnable, en un mot, au lieu dune raison sans autorit dune part, et delautre dune autorit sans raison.

    Remarquons que la question morale a t le prtexte de la grande dfection qui laisse ence moment lglise veuve et dsole. Cest au nom de lhumanit, cette expression mat-rielle de la charit, quon a soulev les instincts populaires contre des dogmes faussementaccuss dtre inhumains.

    La morale du catholicisme nest pas inhumaine, mais elle est souvent surhumaine ; aussi

    ne sadressait-elle pas aux hommes du vieux monde, et se rattachait-elle un dogme quitablit comme possible la destruction du vieil homme et la cration dun homme nou-veau. Le Magisme accueille ce dogme avec enthousiasme, et promet cette renaissancespirituelle lhumanit pour lpoque de la rhabilitation du Verbe humain. Alors, dit-il, lhomme, devenu C linstar de Dieu, sera louvrier de son dveloppementmoral et lauteur de son immortalit glorieuse. Se crer soi-mme, telle est. la sublimevocation de lhomme rtabli dans tous ses droits par le baptme de lesprit ; et il se mani-festera une telle connexion entre limmortalit et la morale, que lune sera le complmentet la consquence de lautre.

    La lumire de la vrit est aussi la lumire de vie. Mais la vrit pour tre fconde en im-mortalit, veut tre reue dans des mes la fois libres et soumises, cest--dire volontai-rement obissantes. A la splendeur de cette clart, lordre stablit dans les formes commedans les ides, tandis que le crpuscule menteur de limagination nenfante et ne peutenfanter que des monstres. Ainsi lenfer se peuple de cauchemars et de fantmes ; ainsi lapagode des jongleurs se remplit de divinits affreuses et difformes ; ainsi les tnbreusesvocations de la thurgie donnent aux chimres du sabbat une fantastique existence.Les images symboliques et populaires de la tentation de saint Antoine reprsentent la

    foi pure et simple luttant, laurore du christianisme, contre tous les spectres du vieuxmonde : mais le Verbe humain, manifest et victorieux, a t prophtiquement gur parcet admirable saint Michel, qui Raphal donne vaincre, dune simple menace, un treinfrieur portant aussi la gure humaine, mais avec les caractres de la brute.

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    Les mystiques religieux veulent quon fasse le bien uniquement pour obir Dieu. Danslordre de la vraie morale, il faudra faire le bien pour la volont de Dieu toujours, sansdoute, mais aussi pour le bien lui-mme. Le bien est en Dieu le juste par essence, quine limite pas, mais qui dtermine sa libert. Dieu ne peut pas damner la majorit deshommes par caprice despotique. Il doit exister une proportion exacte entre les actionsde lhomme et la cration dterminante de sa volont qui en fait dnitivement -une

    puissance du bien ou un auxiliaire du mal, et cest ce que dmontre la science exacte dela haute magie.

    Voici ce que nous crivions dans un livre publi en 1815 : Le temps de la foi aveugleest donc pass, et nous arrivons lpoque de la foi intelligente et de lobissance raison-nable, le temps o nous ne croirons plus seulement en Dieu, mais o nous le verrons dansses uvres, qui sont les formes extrieures de son tre.

    Or, voici le grand problme de notre poque : racer, complter et fermer le cercle desconnaissances humaines, puis, par la convergence des rayons, trouver un centre qui est

    Dieu.

    rouver une chelle de proportion entre les effets, les vouloirs et les causes, pour remon-ter de l la cause et la volont premire.

    Constituer la science des analogies entre les ides et leur source premire.

    Rendre, toute vrit religieuse aussi certaine et aussi clairement dmontre que la solu-tion dun problme de gomtrie.

    Voici maintenant ce que dit un homme qui a t assez heureux pour retrouver avant nousla dmonstration de labsolu suivant les anciens sages, mais assez malheureux aussi pourne voir dans cette dcouverte quun instrument de fortune et un prtexte de cupidit.

    Il nous suffi ra ici de dire, par anticipation sur la doctrine du Messianisme, dune part,que lapplication de la raison absolue notre facult psychologique de la cognition pro-duit en nous la facult suprieure de la cration des principes et la dduction des cons-quences, laquelle est le grand objet de la philosophie ; et de lautre part, que lapplicationde la raison absolue notre facult psychologique du sentiment produit en nous la facult

    suprieure du sentiment moral et du sentiment religieux, laquelle est le grand objet dela religion. - On pourra ainsi entrevoir comment le Messianisme parviendra lunionnale de la philosophie et de la religion, en les dgageant lune et lautre de leurs entravesphysiques et terrestres, et en les ramenant, au del de ces conditions temporelles, la rai-son absolue qui est leur source commune. On pourra de plus reconnatre dj comment,par linuence de ces conditions temporelles ou de ces entraves physiques, deviennentpossibles, dune part, lEdans le domaine de la philosophie, et de lautre, le Pdans le domaine de la religion; surtout lorsque ces conditions physiques sont communes celles de lhrditaire dpravation morale de lespce humaine, qui fait partie de sa na-

    ture terrestre. Et lon comprendra alors comment la raison absolue, qui est au-dessus deces conditions physiques, de cette souillure terrestre, et qui, dans le Messianisme, doit d-truire jusqu la source de lerreur et du pch, forme, sous lexpression allgorique de laV Q D E S, laccomplissement de cette prdiction

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    sacre. - Cest donc cette Vierge auguste que le Messianisme introduit aujourdhui dansle sanctuaire de lhumanit.

    Croyez, et vous comprendrez, disait le Sauveur du monde ; - tudiez, et vous croirez,peuvent dire maintenant les aptres du Magisme.

    Croire, cest savoir sur parole. Or, cette parole divine, qui devanait et supplait pour un

    temps la science chrtienne, on devait la comprendre plus tard, suivant la promesse duMatre. Voil donc laccord de la science et de la foi prouv par la foi elle-mme.

    Mais, pour tablir par la science la ncessit de cet accord, il faut reconnatre et tablir ungrand principe : cest que labsolu ne se trouve aucune des deux extrmits de lantino-mie, et que les hommes de parti, qui tirent toujours vers les extrmes opposs, craignenten mme temps darriver ces extrmes, regardent comme des fous dangereux ceux quiavouent nettement leurs tendances, et dans leur propre systme redoutent instinctive-ment le fantme de labsolu comme le nant ou la mort. Cest ainsi que le pieux arche-

    vque de Paris dsapprouve formellement les forfanteries inquisitoriales de lUnivers, etque tout le parti rvolutionnaire sest indign des brutalits de Proudhon.

    La force de cette preuve ngative consiste en cette simple observation : quun lien centraldoit runir deux tendances opposes en apparence, qui sont dans limpossibilit de faireun pas sans que lune entrane lautre reculons ; ce qui ncessitera ensuite une ractiontoute pareille. Et voil ce qui arrive depuis deux sicles : enchanes ainsi lune lautre leur insu et par derrire, ces deux puissances sont condamnes un travail de Sisypheet se font mutuellement obstacle. Retournez-les en les dirigeant vers le point central,

    qui est labsolu, alors elles se rencontreront de face, et, sappuyant lune sur lautre, ellesproduiront une stabilit gale la puissance de leurs efforts contraires, multiplis les unspar les autres.

    Pour retourner ainsi les forces humaines, ce qui semble au premier abord un travail dHer-cule, il suffi t de dtromper les intelligences et de leur montrer le but o elles croyaienttrouver lobstacle.

    L R R. Voil ce quil faut dire la philosophie, et par la simul-tanit et la correspondance des lois gnratrices du dogme et de la science on peut le

    prouver radicalement. L R S. Voil ce quil faut dire lglise, et on lelui prouvera en appliquant au triomphe de sa doctrine de charit toutes les conqutes delmancipation et toutes les gloires du progrs.

    Or, Jsus-Christ tant le type de lhumanit rgnre, la divinit rendue humaine avaitpour uvre de rendre lhumanit divine : le Verbe fait chair permettait la chair de de-venir Verbe, et cest ce que les docteurs de lglise offi cielle nont pas compris dabord ;leur mysticisme a voulu absorber lhumanit dans la divinit. Ils ont ni le droit humainau nom du droit divin ; ils ont cru que la foi devait anantir la raison, sans se souvenir de

    cette parole profonde du plus grand des hirophantes chrtiens : out esprit qui divisele Christ est un esprit de lAntechrist.

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    La rvolte de lesprit humain contre lglise, rvolte qui a t sanctionne par un effrayantsuccs ngatif, aurait donc t, ce point de vue, une protestation en faveur du dogmeintgral, et la rvolution, qui dure depuis trois sicles et demi, naurait eu pour causequun immense malentendu !

    En effet, lglise catholique na jamais ni ni pu nier la divinit humaine, le Verbe faitchair, le Verbe humain ! Jamais elle na consenti ces doctrines absorbantes et nervantes

    qui anantissent la libert humaine dans un quitisme insens. Bossuet a eu le courage deperscuter madame Guyon, dont il admirait pourtant et dont nous avons admir aprslui la consciencieuse folie ; mais Bossuet na vcu, malheureusement, quaprs le concilede rente. Il fallait que lexprience divine et son cours.

    Oui, nous appelons la rvolution franaise une exprience divine, parce que Dieu, cettepoque, permit au gnie humain de se mesurer contre lui ; lutte trange qui devait nirpar un troit embrassement ; dbauche de lenfant prodigue qui avait pour unique avenirun retour dcisif et une fte solennelle dans la maison du pre de famille.

    Le Verbe divin et le Verbe humain, conus sparment, mais sous une notion de solidaritqui les rendait insparables, avaient ds le commencement fond la papaut et lempire :les luttes de la papaut pour prvaloir seule avaient t laffi rmation absolue du Verbedivin ; cette affi rmation, pour rtablir lquilibre du dogme de lIncarnation, devaitcorrespondre dans lempire une affi rmation absolue du Verbe humain. elle fut loriginede la Rforme, qui aboutitA D H.

    LD H! Napolon les prouva par la gloire dont il environna son pe.

    Incarne et rsume dans Napolon, la rvolution cessa dtre un dsordre, et produisitpar un clatant succs la preuve irrfragable de son Verbe. Cest alors quon vit, choseinoue dans les fastes des religions ! lhomme tendre son tour la main Dieu, commepour le relever de sa chute. Un pape, dont la pit et lorthodoxie nont jamais t contes-tes, vint sanctionner, de lautorit de tous les sicles chrtiens, la sainte usurpation dunouveau Csar, et la rvolution incarne fut sacre, cest--dire reut lonction qui fait lesCde la main mme du plus vnrable successeur des pres de lautorit !

    Cest sur de pareils faits, aussi universels, aussi incontestables et aussi brillants de clartque la lumire du soleil, cest sur de pareils faits, disonsnous, que le Messianisme a possa base dans lhistoire.

    Laffi rmation du Verbe divin par le Verbe humain, pousse par ce dernier jusquau sui-cide, force dabngation et denthousiasme, voil lhistoire de lglise depuis Constan-tin jusqu la Rforme.

    Limmortalit du Verbe humain prouve par des convulsions terribles, par une rvolte quia tenu du dlire, par des combats gigantesques et par des douleurs semblables celles dePromthe, jusqu la venue dun homme assez fort pour rattacher lhumanit Dieu :

    voil lhistoire de la rvolution tout entire !Foi et raison ! deux termes quon croit opposs et qui sont identiques.

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    Autorit et libert, deux contraires qui sont au fond la mme chose, puisquils ne peuventexister lun sans lautre.

    Religion et science, deux contradictions qui se dtruisent mutuellement en tant quecontradictions, et saffi rment rciproquement si on les considre comme deux affi rma-tions fraternelles.

    Voil le problme pos et dj rsolu par lhistoire. Voil lnigme du sphinx expliquepar ldipe des temps modernes, le gnie de Napolon.

    Cest assurment un spectacle digne de toutes les sympathies du gnie humain, et nousdirons plus, digne de ladmiration des esprits mme les plus froids, que ce mouvementpareil, ce progrs simultan, ces tendances gales, ces chutes prvues et ces rejaillissementsgalement infaillibles, de la sagesse divine, dune part, panche dans lhumanit, et dela sagesse humaine, de lautre, conduite par la divinit ! Fleuves chapps dune mmesource, ils ne se sparent que pour mieux embrasser le monde, et quand ils se runiront,

    ils entraneront tout avec eux. Cette synthse, ce triomphe, cet entranement, ce salutdnitif du monde, toutes les mes leves les pressentaient : mais qui donc, avant cesgrands vnements qui rvlent et font parler si haut la puissance de la magie humaine etlintervention de Dieu dans les uvres de la raison, qui donc et os les pressentir ?

    Nous avons dit que la rvlation avait eu pour objet laffi rmation du Verbe divin, et quelaffi rmation du Verbe humain avait t le fait transcendant et providentiel de la rvolu-tion europenne commence au XVIe sicle.

    Le divin fondateur du christianisme a t le Messie de la rvlation, parce que le Verbe di-vin tait incarn en lui, et nous considrons lempereur comme le Messie de la rvolution,parce quen lui le Verbe humain stait rsum et se manifestait dans toute sa puissance.

    Le Messie divin avait t envoy au secours de lhumanit, qui prissait puise par latyrannie des sens et les orgies de la chair.

    Le Messie humain est venu en quelque sorte au secours de Dieu quoutrageait le culteobscne de la raison, et au secours de lglise menace par les rvoltes de lesprit humainet par les saturnales de la fausse philosophie.

    Depuis que la rforme et la rvolution sa suite avaient branl en Europe la base de tousles pouvoirs ; depuis que la ngation du droit divin transformait en usurpateurs presquetous les matres du monde et livrait lunivers politique lathisme ou au ftichisme despartis, un seul peuple, conservateur des doctrines dunit et dautorit, tait devenu lepeuple de Dieu en politique. Aussi, ce peuple sagrandissait-il dans sa force dune ma-nire formidable, inspir dune pense qui pouvait se transformer en V, cest--direen parole daction : ce peuple ctait la race vigoureuse des Slaves, et cette pense, ctaitcelle de Pierre le Grand.

    Donner une ralisation humaine lempire universel et spirituel du Messie, donner auchristianisme son accomplissement temporel, en unissant tous les peuples en un seulcorps, tel devait tre dsormais le rve du gnie politique transform par lide chrtienne

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    en gnie social. Mais o serait la tte de ce colossal empire ? Rome avait eu ce sujet sapense, Pierre le Grand avait la sienne, et Napolon seul pouvait en concevoir une autre.

    La fortune des descendants de Pierre trouvait en effet cette poque une digue infran-chissable dans les ruines du sanctuaire des papes, ruines vivantes o semblait dormir lecatholicisme immortel comme le Christ dans son tombeau. Si la Russie et t catholiqueaprs la rforme, la rvolution franaise tait touffe dans son germe. Lempire temporel

    devait appartenir celui qui relverait lautorit spirituelle dans son expression la plussimple et la plus absolue, parce que les faits suivent toujours les ides. Lautorit divine dePierre laptre manquait aux projets du czar Pierre. Ctait une belle chance que la Russielaissait la France. Napolon le comprit ; il releva les autels, il se t sacrer par le succes-seur dHildebrand et dInnocent III, et il crut ds lors son toile, parce que lautoritqui vient de Dieu ne manquait plus sa puissance.

    Les hommes avaient cruci le Messie divin, le Messie humain fut abandonn au mal-heur par la Providence ; car du supplice de Jsus-Christ accus par les prtres devait natre

    un sacerdoce nouveau, et du martyre de lempereur trahi par les rois devait natre uneroyaut nouvelle.

    Quest-ce, en effet, que lempire de Napolon ? Cest une synthse rvolutionnaire rsu-mant le droit de tous dans celui dun seul. Cest la libert justie par la puissance et parla gloire ; cest lautorit prouve par des actes ; cest le despotisme de lhonneur substitu celui de la crainte. Aussi, dans la tristesse de sa solitude Sainte-Hlne, Napolon,ayant conscience de son gnie et comprenant que tout lavenir du monde tait l, eut-il des tentations de dsespoir, et ne voyait-il plus dautre alternative pour lEurope que

    dtre rpublicaine ou cosaque avant cinquante ans. Nouveau Promthe, crivait-il quelque temps avant de mourir, je suis clou un rocet un vautour me ronge.

    Oui, javais drob le feu du ciel pour en doter la France : le feu est remont sa source,et me voil !

    La gloire tait pour moi ce pont que Lucifer a lanc sur le chaos pour escalader le ciel ;elle runissait au pass lavenir, qui en est spar par un abme... Rien mon ls que mon

    nom !

    Jamais rien de si grand que ces quelques lignes nest sorti de la pense humaine : et toutesles posies inspires par la destine trange de lEmpereur sont bien ples et bien faiblesauprs de celle-l : R M F Q M N! tait-ce seulement un hritagede gloire quil croyait transmettre, ou plutt, dans lintuition prophtique des mourants,comprenait-il que son nom, insparable de sa pense, contenait lui seul toute sa fortuneavec les destines du monde ?

    Prtendre que lhumanit sest trompe dans ses mouvements, quelle sest fourvoye dansses volutions, cest blasphmer la Providence. Et pourtant ces mouvements et ces vo-lutions semblent parfois contradictoires ; mais les paradoxes opposs se rfutent lun parlautre, et, semblables aux oscillations du pendule, qui tendent toujours, en se resserrant,

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    vers le centre de gravit, les mouvements contraires ne sont quapparents, et les vritablestendances de lhumanit se retrouvent toujours sur la ligne droite du progrs. Ainsi,quand les abus du pouvoir ont produit la rvolte, le monde, qui ne peut se xer ni danslesclavage ni dans lanarchie, attend linstauration dun nouveau pouvoir qui tiendracompte la libert de ses protestations et rgnera pour elle.

    Ce pouvoir nouveau, Paracelse nous le fait connatre dans les admirables prdictions qui

    sembleraient faites aprs coup, si un assez grand nombre de pages encore ne se rappor-taient lavenir.

    On nlude pas plus lavenir quon ne ressuscite le pass, mais on sen tient toujours cequi est durable ; or, cela seul est durable qui est fond sur la nature mme des choses.Linstinct des peuples se conforme en cela mme la logique des ides, et deux fois lesuffrage universel, plac entre lobscurantisme et lanarchie, a devin la conciliation delordre avec le progrs, et a nomm Napolon.

    On a dit que lempereur lui-mme navait pu concilier la libert et lordre, et que, pourfonder sa puissance, il avait d interdire aux Franais lusage de leurs droits. On a dit quilnous avait fait oublier la libert force de gloire, et lon ne saperoit pas que lon tombedans une vidente contradiction. Pourquoi sa gloire est-elle la ntre, si nous ntions queses esclaves ? Ce mot de gloire a-t-il mme une signication pour dautres que pour deshommes libres ? Nous avions consenti sa discipline, et il nous menait la victoire : las-cendant de son gnie tait le nerf de sa puissance, et sil ne permettait personne de lecontredire, il tait pleinement dans son droit, puisquil avait raison. Ltat, cest moi ! avait dit Louis XIV en rsumant ainsi dun mot tout lesprit des institutions monar-

    chiques. Le peuple souverain, cest moi ! pouvait dire lempereur en rsumant sontour toute la force rpublicaine ; et il est vident que plus son chef avait dautorit, plusle peuple franais tait libre.

    Ce qui a rendu si affreuse lagonie de Napolon, ce ntait pas le regret-du pass, on neregrette pas la gloire qui ne saurait mourir ; mais ctait lpouvante demporter avec luilavenir du monde. Oh ! ce nest pas la mort, murmurait-il, cest la vie qui me tue ! Puis, portant la main sa poitrine Ils ont enfonc l un couteau de boucher et ils ontbris le fer dans la plaie !

    Puis un moment aprs, cet instant suprme o la vie chappe, et o lhomme, illumindj intrieurement de la lumire dun autre monde, a besoin de laisser son dernier motaux vivants comme un enseignement et un hritage, Napolon rpta deux fois ces pa-roles nigmatiques : La tte de larme ! tait-ce un dernier d jet au fantme dePierre le Grand, un cri suprme de dsespoir ou une prophtie des destines de la France ?Lhumanit tout entire apparaissait-elle alors lempereur harmonieuse et discipline,marchant la conqute du progrs, et voulait-il rsumer dun seul mot le problme destemps modernes qui doit tre prochainement rsolu entre la Russie et fa France : L

    LA.Ce qui donne en ce moment plus de chances la France, cest son catholicisme et sonalliance avec la papaut, cette puissance que les anarchistes nomment dchue, et que Na-polon estimait plus forte encore quune arme de trois cent mille hommes. Si la France,

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    comme le voulaient des anarchistes imbciles, se ft ligue, en 1849, avec lingratituderomaine, ou avait seulement laiss restaurer le trne pontical par lAutriche et par laRussie, les destines de la France nissaient, et le Gnie indign de lempereur, passant auNord, accomplissait au prot des Slaves le beau rve de Pierre le Grand.

    Pour les hommes qui simaginent labsolu dans les extrmes, la raison et la foi, la libertet lautorit, le droit et le devoir, le travail et le capital sont inconciliables. Mais labsolu

    nest pas plus admissible dans chacune des opinions spares que lentier nest concevabledans chacune de ses fractions. Foi raisonnable, libert autorise, droit mrit par le devoiraccompli, capital ls et pre du travail ; voil, comme nous lavons dj dit en dautrestermes, les formules de labsolu. Et si lon nous demande quel est le centre de lantinomie,quel est le point xe de lquilibre, nous avons dj rpondu que cest lessence mmedun Dieu la fois souverainement libre et inniment ncessaire.

    Que la force centripte et la force centrifuge soient deux forces contraires, cela nest pas mettre en question ; mais que de ces deux forces combines rsulte lquilibre de la terre,

    cest ce quil serait galement absurde et inutile de nier.

    Laccord de la Raison avec la Foi, de la Science avec la Religion, de la Libert avec lAuto-rit, du Verbe humain, en un mot, avec le Verbe divin, nest pas moins vident, et nous enavons suffi samment indiqu les preuves. Mais les hommes ne considrent jamais commeprouves les vrits quils refusent dentendre, parce quelles contrarient leurs passionsaveugles. A la dmonstration la plus rigoureuse, ils vous rpondent toujours par la diffi -cult mme que vous venez de rsoudre. Recommencez vos preuves, ils simpatienteront,et diront que vous vous rptez.

    Le Sauveur du monde avait dit que le vin nouveau ne doit pas tre enferm dans lesoutres uses, et quil ne faut pas coudre une pice neuve un vieux manteau. Les hommesne sont que les reprsentants des ides, et il ne faut pas stonner si les erreurs incarnesrepoussent la vrit avec ddain ou mme avec colre. Mais le Verbe est essentiellementcrateur, et, chaque nouvelle mission de sa chaleur et de sa lumire, il fait clore dansle monde une humanit nouvelle. Lpoque du dogme obscur et de la ccit intellectuelleest passe, pourtant ne parlez pas du jeune soleil aux vieux aveugles ; appelez-en au t-moignage des yeux qui souvrent, et attendez les clairvoyants pour expliquer les phno-

    mnes du jour.Dieu a cr lhumanit ; mais, dans lhumanit, chaque individu est appel se crerlui-mme comme tre moral et par consquent immortel. Revivre dans lhumanit, telleest lesprance vague que le panthisme et le mysticisme rvolutionnaire laissent leursadeptes ; ne jamais mourir dans son individualit intelligente et morale, telle est la pr-rogative que la rvlation assure chacun de ses enfants ! Laquelle de ces deux ides estla plus consolante et la plus librale ? Laquelle des deux surtout donne une base pluscertaine et un but plus sublime la moralit humaine ?

    oute puissance qui ne rend pas raison delle-mme et qui pse sur les liberts sans leurdonner de garanties, nest quun pouvoir aveugle et transitoire ; lautorit vraie et durableest celle qui sappuie sur la libert, tout en lui donnant une rgle et un frein. Ceci exprimelabsolu en politique.

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    oute foi qui nclaire pas et nagrandit pas la raison, tout dogme qui nie la vie de lintel-ligence et la spontanit du libre arbitre, constituent une superstition ; la vraie religionest celle qui se prouve par lintelligence et se justie par la raison, tout en les soumettant une obissance ncessaire. Ceci est lindication de labsolu en religion et en philosophie.

    De lide que les hommes se sont faite de Dieu ont toujours procd les notions de puis-sance, soit au spirituel, soit au temporel, et le mot qui exprime la Divinit ayant t de

    tout temps la formule de labsolu, soit en rvlation, soit en intuition naturelle , le sensquon attache ce mot a toujours t lide dominante de toute religion et de toute phi-losophie, comme de toute politique et de toute morale.

    Concevoir en Dieu la libert sans ncessit, cest rver une toute-puissance sans raison etsans frein, cest faire trner dans le ciel lidal de la tyrannie. elle a t, dans beaucoupdesprits enthousiastes et mystiques, la plus dangereuse erreur du moyen ge.

    Concevoir en Dieu la ncessit sans libert, cest en faire une machine innie, dont nous

    sommes, malheureusement pour nous, les rouages intelligents. Obir ou tre briss, telleserait notre destine ternelle ; et nous obirions sciemment quelque chose qui com-manderait sans savoir pourquoi : tristes voyageurs que nous serions, enferms dans leswaggons quune formidable locomotive entranerait toute vapeur sur le grand cheminde labme. Cette doctrine panthistique, matrialiste et fatale, est la fois labsurdit etla calamit de notre sicle.

    Cette loi suprme de la libert et de la ncessit rgies et tempres lune par lautre se re-trouve partout et domine tous les faits o se rvle une vertu, une juste puissance ou une

    autorit, quelconque. Dans le monde, quavait tir des tnbres de la dcadence, et quesoutenait sur le chaos de la barbarie la main providentielle de Charlemagne, il y avait lapapaut et lempire, deux pouvoirs soutenus et limits lun par lautre. La papaut alors,dpositaire du dogme initiateur et civilisateur, reprsentait la libert, qui tient les clefs delavenir ; et lempereur, arm du glaive, tendait sur les troupeaux que poussait en avantla houlette des pontifes le bras de fer de la ncessit, qui assurait et rglait la marche delhumanit dans les voies du progrs.

    Quon ne sy trompe pas, le mouvement religieux de notre poque, commenc par Cha-teaubriand, continu par Lamennais et Lacordaire, ce mouvement nest pas rtrogradeet ne donne pas tort lmancipation de la conscience humaine. Lhumanit stait r-volte contre les excs du mysticisme, qui, en affi rmant la libert absolue de Dieu sansadmettre en lui aucune ncessit, anantissait la justice ternelle et absorbait la person-nalit de lhomme dans lobissance passive : le verbe humain, en effet, ne pouvait passe laisser dvorer ainsi ; mais les passions aveugles essayrent de pousser la protestationdans lextrmit contraire, en lui faisant proclamer la souverainet unique et absolue delindividualisme humain. On se souvient du culte de la Raison inaugur NotreDame,et des hommes de septembre maudissant la Saint-Barthlemy. Ces excs produisirent vite

    la lassitude et le dgot ; mais lhumanit ne renona pas pour cela ce qui avait rendu saprotestation ncessaire. Chateaubriand vint alors dsabuser les esprits quon avait garsen calomniant lglise. Il t aimer la religion en la montrant humaine et raisonnable ; le

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    monde avait besoin de se rconcilier avec son Sauveur, mais cest en le reconnaissant pourtre vritablement homme, quon se disposait ladorer de nouveau comme le vrai Dieu.

    Ce que lon demande aujourdhui au prtre, cest surtout la charit , cette sublime ex-pression de lhumanit divine. La religion ne se contente plus doffrir lme les conso-lations de lautre vie, elle se sent appele secourir dans celle-ci les douleurs du pauvre, linstruire, le protger et le diriger dans son travail. La science conomique vient

    au-devant delle dans cette uvre de rgnration. out cela peut-tre se fait lentement,mais enn le mouvement sopre, et lglise, seconde par le pouvoir temporel, ne sauraitmanquer de retrouver bientt toute son inuence dautrefois pour prcher au monde lechristianisme accompli dans la synthse messianique. Si lglise avait rellement ni leVerbe humain, si elle tait lennemie naturelle, par consquent, de toute libert et de pro-grs, nous la regarderions comme morte, et nous penserions quil en sera delle commede la synagogue judaque ; mais, encore une fois, cela nest pas et ne saurait tre. Lglise,qui, dans sa constitution, rchit limage de Dieu, porte en elle aussi la double loi delibert et dautorit contenues, rgles et tempres lune par lautre. En effet, lglise,tout en maintenant lintgrit et la stabilit du dogme, lui a donn, de concile en concile,de superbes dveloppements. Aussi, parmi les hrtiques et les dissidents, pendant queles uns accusaient lorthodoxie dimmobilisme, dautres lui reprochaient sans cesse desinnovations ; tous les sectaires, pour se sparer de la commune ecclsiastique, ont prtextle dsir de retourner aux croyances et aux pratiques de lglise primitive.

    Si lon et parl aux catholiques du XVe sicle ou aux philosophes du XVIIIe dun accordncessaire entre la libert de conscience et lautorit religieuse, entre la raison et la foi, onet indign les uns et fait rire amrement les autres. Parler de paix et dalliance au milieu

    dune bataille, cest, en effet, prendre assez mal son temps et vouloir perdre ses paroles.

    Les doctrines dont nous nous faisons linterprte, parce que nous les considrons commelexpression la plus avance des tendances de lintelligence humaine lpoque o nousvivons, ces doctrines, pressenties depuis quelques annes par un petit nombre despritsdlite, peuvent tre mises aujourdhui avec espoir de les voir accueillies ; mais, il y aquelques mois peine, elles neussent trouv nulle part ni une attention complaisante, niune tribune ni un cho.

    Cest qualors les partis extrmes navaient pas encore t contraints dabdiquer leurs pr-tentions devant la toute-puissance des vnements providentiels, et lon pouvait diffi cile-ment rester neutre au milieu de leur guerre acharne ; toute concession de lun lautretait alors considre comme une vritable trahison, et les hommes qui nabandonnentjamais la justice, tant contraints de la chercher sparment et successivement dans lesdeux causes spares, devenaient suspects tout le monde, comme des rengats ou destransfuges. Avoir des convictions assez nergiques pour prfrer alors son indpendanceconsciencieuse aux encouragements des coteries, ctait se condamner une solitude quintait pas sans apprhensions et sans angoisses. Demeurer isol entre deux armes qui

    sattaquent, nest-ce pas tre expos tous les coups ? Passer de lune lautre, nest-cepas vouloir se faire proscrire dans toutes les deux ? En choisir une au hasard, nest-ce pastrahir lautre ?

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    Ce sont ces alternatives cruelles qui ont pouss des hommes comme M. de Lamennaisde lultramontanisme au jacobinisme, sans leur laisser trouver nulle part ni certitude nirepos. Lillustre auteur des Paroles dun croyant, pouvant de voir se dresser devant luilanarchie et le nant sous le masque du socialisme, et ne trouvant dans son gnie irritaucune justication de lantinomie qui le blessait, na-t-il pas recul jusqu Zoroastre,et na-t-il pas cherch dans les dogmes dsolants du manichisme une explication quel-

    conque de la guerre ternelle des Amchaspan ds et des Darvands ?Mais les quatre annes qui viennent de scouler ont t pleines, pour le monde, den-seignements et de rvlations immenses. La rvolution sest explique et justie uneseconde fois par la cration dune autorit absolue, et nous comprenons maintenant quele dualisme constitutionnel ntait autre chose que le manichisme en politique. Pourconcilier la libert et le pouvoir, il faut en effet les appuyer lun sur lautre, et non lesopposer lun lautre.

    La souverainet absolue fonde sur le suffrage universel, telle est dsormais la notion

    unique de lautorit vritable, en religion comme en politique. Ainsi seront constitus lesgouvernements de droit humain, seconde forme du droit divin, qui est imprescriptibledans lhumanit.

    Cest par lintelligence du vrai et la pratique raisonne du bien que saffranchissent non-seulement les individus, mais les peuples. Sur des hommes dont lme est libre, la tyranniematrielle est impraticable ; mais aussi la libert extrieure des hommes et des multitudes,qui sont intrieurement asservis des prjugs ou des vices, nest quune multiplicationet une complication de tyrannie. Quand la majorit des hommes inintelligents est ma-

    tresse, la minorit des sages est esclave.Aussi faut-il soigneusement distinguer le droit du fait et le principe de ses applicationsdans la politique de lglise.

    Son travail a toujours t de soumettre les fatalits de la chair la providence de lesprit ;cest au nom de la libert morale quelle oppose une digue la spontanit aveugle destendances physiques ; et si, de nos jours, elle ne sest pas montre sympathique au mou-vement rvolutionnaire, cest quelle sentait dune manire surminente et infaillible quel ntait pas la vritable libert.

    Ce sont les abus possibles de la libert qui rendent lautorit ncessaire ; et lautoritna dautre mission dans lglise et dans ltat que de protger la libert rgle de touscontre la libert drgle de quelques-uns. Plus lautorit est forte, plus sa protection estpuissante. Voil pourquoi linfaillibilit a t ncessaire lglise ; voil pourquoi aussitoujours, dans un tat bien gouvern, force doit rester la loi. Lide de libert et celledautorit sont donc indissolublement unies et sappuient uniquement lune sur lautre.

    La tyrannie dans lancien monde ntait que la libert absolue de quelques-uns au prju-

    dice de la libert de tous. Lvangile, en imposant des devoirs aux rois comme aux peuplesa rendu, aux uns lautorit qui leur manquait, et a garanti aux autres une libert fondesur des droits nouveaux, avec la certitude dun progrs rel et dun perfectionnementpossible tous.

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    Si lintelligence humaine ntait pas perfectible, quoi servirait, je vous prie, lenseigne-ment permanent de la Providence, et pourquoi la rvlation se serait-elle manifeste sousdes formes successives et successivement plus parfaites ? La nature nous montre le progrsdans la constitution de tous les tres et naccomplit que lentement ses chefs-duvre. Lemouvement est partout le signe de la vie, et mme lorsquil parait saccomplir en parcou-rant un cercle, dans ce cercle, du moins, il va toujours en avant, et ne donne jamais, en

    revenant sur lui-mme, un dmenti la main qui limprime.La loi du mouvement, si elle ntait point rgle par la Providence dans le ciel et parlautorit sur la terre, serait une loi de destruction et de mort, parce que ce serait une loide dsordre ; mais, dun autre ct, si la rsistance qui rgle le mouvement arrive le pa-ralyser et vouloir larrter, de deux choses lune : ou le mouvement brisera la rsistanceet dtruira lautorit, ou lautorit anantira le mouvement et se suicidera ainsi en dtrui-sant sa propre force et sa propre vie.

    Cest ainsi que le judasme sest renvers lui-mme en voulant sopposer lclosion

    du christianisme, qui tait la consquence naturelle et le dveloppement ncessaire desdogmes de Mose et des promesses des prophtes.

    Le catholicisme nimitera pas le judasme et ne sopposera pas la grande synthse mes-sianique, parce que lglise catholique porte dans son nom mme une promesse duni-versalit, qui assigne davance son vrai nom lglise de lavenir. Rome et Constantinoplene se disputeront pas une seconde fois lempire du monde : o se manifestera le Verbe,l sera le pontife du Verbe. Le sige que reconnatra lobissance du monde sera celuidu successeur de Jsus-Christ ; et tout chef dun petit nombre de dissidents, quels que

    puissent tre dailleurs ses prtextes et ses prtendus titres, ne sera plus devant le suffrageuniversel des nations quun antipape et un sectaire.

    La runion des deux glises grecque et romaine est donc la grande rvolution tout lafois religieuse et civile qui doit tt ou tard changer la face du monde ; et cette rvolutionne saurait manquer dtre le rsultat du dveloppement et de la propagation des doctrineskabbalistiques dans lglise et dans la socit.

    En vain nous dirait-on que lglise se croit parfaite, et affecterait-on de craindre quellene refuse dadmettre la loi du progrs. Nous avons dj rpondu cette crainte par unpassage dcisif de Vincent de Lrins ; mais la question est assez importante pour que nousajoutions ici encore quelques fortes autorits.

    Un savant pasteur anglais, rcemment converti au catholicisme, le docteur John New-man, a publi dans ces derniers temps un ouvrage qui a obtenu la haute approbationde lautorit ecclsiastique, et dans lequel il prouve que le dveloppement du dogme, etpar consquent celui de lintelligence. humaine, a t luvre spciale du catholicisme,considr comme principe initiateur et conservateur, dans lexplication et lapplication deces thormes divins qui sont la lettre du dogme. Avant de prouver sa thse, il tablit vic-

    torieusement lexistence du progrs naturel en toutes choses, mais plus particulirementdans la rvlation. Voici en quels termes il sexprime :

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    Daprs lhistoire de toutes les sectes et de tous les partis en religion, et daprs lanalogieet lexemple de lcriture, nous pouvons conclure raisonnablement que la doctrine chr-tienne admet des dveloppements formels lgitimes, rels, des dveloppements prvuspar son divin auteur.

    Lanalogie gnrale du monde physique et moral conrme cette conclusion : out lemonde naturel, et son gouvernement, dit Butler, est un plan ou un systme, non un

    systme xe, mais progressif, un plan dans lequel lessai de divers moyens a lieu long-temps avant que les ns proposes puissent tre atteintes. Le changement des saisons, laculture des fruits de la terre, lhistoire mme dune eur en est une preuve ; et il en estainsi de la vie humaine. Ainsi les vgtaux et les animaux, quoique forms ncessaire-ment en une fois, grandissent cependant par degrs pour arriver la maturit. Et ainsiles agents raisonnables qui animent les corps sont naturellement ports vers le caractrequi leur est propre par lacquisition graduelle de connaissances et dexprience, et parune longue suite dactions.

    Notre existence nest pas seulement successive, comme elle doit ltre de toute ncessit,mais un tat de notre tre est dsign par le Crateur pour servir de prparation unautre tat et de transition celui qui lui succde. Ainsi ladolescence vient aprs lenfance,la jeunesse aprs ladolescence et lge mr aprs la jeunesse. Les hommes, dans leur im-patience, veulent tout prcipiter. Mais lauteur de la nature semble noprer que daprsune longue dlibration, et arrive ses ns par des progrs successivement et lentementaccomplis... Dieu opre de la mme manire dans le cours de sa providence naturelle etdans la manifestation religieuse, faisant succder une chose une autre, puis une autreencore celle-ci, et continuant toujours, par une srie progressive de moyens qui sten-

    dent au del et en de de notre vue borne. La loi nouvelle du christianisme nous estreprsente dans celle de la nature.

    Dans une de ses paraboles , remarque ailleurs le docteur Newman, Notre-Seigneurcompare le royaume du ciel un grain de snev quun homme prend et sme dans sonchamp. Cette graine est, la vrit, la plus petite de toutes les graines ; mais, quand ellea cr, elle est la plus grande des plantes et devient un arbre ; et, comme le dit saint Marc, cet arbre pousse des branches sur lesquelles les oiseaux du ciel viennent se reposer. Et ensuite, dans le mme chapitre de saint Marc : Le royaume de Dieu est semblable

    un homme qui jette de la semence en terre. Quil dorme ou quil se lve, nuit et jourla semence germe et croit sans quil sache comment, car la terre produit son fruit delle-mme. Ici il est question dun lment intime de la vie, soit principe, soit doctrine, plu-tt que daucune manifestation extrieure ; et il est observer que, selon lesprit du texte,le caractre spontan aussi bien que graduel appartient la croissance. Cette descriptiondu progrs correspond ce qui a dj t observ par rapport au dveloppement ; cest--dire quil nest le rsultat ni de la volont, ni de la rsolution, ni dune exaltation factice,ni du mcanisme de la raison, ni mme dune plus grande subtilit de lintelligence,mais quil agit par sa force native, dont lexpansion et leffet ont lieu dans un moment

    dtermin. Sans doute que la rexion, jusqu un certain point, le rgit et le modie enlappropriant au gnie particulier des personnes, mais toujours selon le premier dvelop-pement moral de lesprit lui-mme .

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    Il est impossible dindiquer plus clairement lexistence des deux lois qui se compltentlune lautre, bien quopposes en apparence, de la ncessit providentielle et de la liberthumaine. Pour les hommes, la nature elle-mme est cette ncessit qui contient et f-conde les lans de leur verbe crateur ; Verbe qui constitue dans lhomme la ressemblancede Dieu, et quon appelle la libert !

    La tactique des hrsiarques et des matrialistes a t de tout temps dabuser des mots

    pour pervertir les choses ; puis daccuser lautorit dapostasie, lorsquelle vengeait, en lescondamnant eux-mmes, les vrits mal interprtes par eux et qui leur servaient den-seignes.

    Vous appelez libert la plus condamnable licence, vous appelez progrs un mouvementtumultueux et subversif ; lglise vous dsavoue, et vous laccusez avec amertume dtrelennemie du progrs et de la libert ! Elle nest ennemie que du mensonge, et vous lesavez bien. Et cest pourquoi, voulant persvrer dans votre guerre contre elle, il faut bientoujours que vous mentiez : autrement, vous seriez daccord avec elle, et il faudrait, bon

    gr, mal gr, que vous subissiez sa puissance.

    Voil ce quon peut dire, au nom de lglise, ses adversaires de mauvaise foi. Mais nousavons rpondre ici des objections plus srieuses. Des catholiques sincres, mais peuclairs, plus attachs la lettre qu lesprit des dcisions ponticales, nous diront peut-tre que, dans ses encycliques au sujet des doctrines de labb de Lamennais, Rome aformellement condamn les ides de libert et de progrs.

    Nous rpondrons par les termes mmes de la premire encyclique : Le pape condamne

    ceux qui, pour rgnrer lglise, veulent la rendre tout humaine, de divine quelle estdans son autorit et dans son principe.

    Donc ce que le juge condamne, ce nest pas laffi rmation du Verbe humain, mais la n-gation du Verbe divin. Lglise est donc ici dans son droit et dans son devoir. Rome avu le principe de son autorit spirituelle attaqu parles uvres de lillustre crivain, et lapreuve quelle ne se trompait pas, et que M. de Lamennais ne croyait dj plus cettetoute-puissance morale dont il avait t nagure le plus zl et le plus puissant dfenseur,cest quil ne sest pas soumis ses dcisions et quil a pass outre, enjambant dun seul pasrtrograde, lglise, le christianisme et la civilisation tout entire.

    Quant la libert que lglise rprouve, cest celle qui a voulu dtrner Pie IX, et qui aconduit lEurope au bord de labme. Mais que peut-il y avoir de commun entre la libertdes enfants de Dieu et celle des enfants de Can ?

    Nous ne croyons donc pas, encore une fois, que lglise romaine laisse prendre lglisedOrient linitiative du mouvement rgnrateur. Limmobilit de la barque de Pierre,au milieu du va-et-vient des vagues rvolutionnaires, nest quune protestation divine enfaveur du vritable progrs.

    out ce qui saccomplit hors de lautorit saccomplit hors de la nature, qui est la loipositive de lautorit ternelle. Lidal humain peut donc suivre deux voies opposes : oudevancer la science par lintuition quelle doit justier plus tard, ou scarter de la science

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    par lhallucination quelle condamne. Les amis du dsordre, les mes captives de lgo-sme brutal, craignant le joug de la science et la discipline de la raison, prennent toujourslhallucination pour guide. Le paganisme a eu ses faux mystiques, et cest ainsi que ledogme philosophique des anciens Hellnes sest chang en idoltrie; le christianisme at aussi affl ig son tour de la mme plaie, et un asctisme inhumain, entranant aprslui comme raction le quitisme le plus immoral, a fait calomnier la pit vritable et a

    loign bien des mes des pratiques de la religion.Un des plus remarquables fantaisistes de notre temps, le paradoxal P.-J. Proudhon, ayantun jour contrarier M. de Lamartine qui tait alors au pouvoir, lana contre les potesune de ces cyniques et loquentes diatribes quil sait si bien faire.

    Nous navons pas sous les yeux cette page emporte comme tant dautres par le tourbillonrvolutionnaire, mais nous nous rappelons avec quelle verve le trop clbre rveur dcla-mait contre la posie et contre les rves ; il tait effrayant de vrit lorsquil reprsentaitltat chancelant et dvoy, prt trbucher dans le sang la suite de quelque joueur

    de guitare que lextase de sa propre musique empchera dentendre les imprcations, lessanglots et les rles ! Voil, scriait-il, ce que cest que le gouvernement des potes ! Puis,schauffant pour son ide, comme cest lordinaire, il arrivait conclure que Nron taitlincarnation la plus complte de la posie leve sur le trne du monde. Brler Rome auxsons de la lyre et dramatiser ainsi la grande posie de Virgile, ntait-ce pas une colossaleet impriale et potique fantaisie ? A la ville des Csars quil sacriait ainsi comme undcor la mise en scne de ses vers, Nron voulait substituer une Rome nouvelle, toutedore et construite dun seul palais !... Oh ! Si la grandeur de laudace et la tmrit desrves font le sublime en posie, Nron tait, en effet, un grand pote ! Mais ce nest niM. Proudhon, ni aucun des chefs du socialisme moderne, qui ont le droit de len blmer.

    Nron reprsente pour nous la personnication la plus complte de lidalisme sans au-torit et de la licence du pouvoir : cest lanarchie de M. Proudhon rsume en un seulhomme et place sur le trne de lunivers ; cest labsolu des matrialistes en volupts, enaudace, en nergie et en puissance. Jamais nature plus dsordonne neffraya le monde deses carts ; et voil ce que les rvolutionnaires de lcole de M. Proudhon entendent parde la posie ; mais nous ne pensons pas comme eux.

    tre pote, cest crer ; ce nest pas rver ni mentir. Dieu a t pote lorsquil a fait lemonde, et son immortelle pope est crite avec des toiles. Les sciences ont reu de luiles secrets de la posie, parce que les clefs de lharmonie ont t remises entre leurs mains.Les nombres sont potes, car ils chantent avec ces notes toujours justes, qui donnaient desravissements au gnie de Pythagore. La posie qui naccepte pas le monde tel que Dieula fait, et qui cherche en inventer un autre, nest que le dlire des esprits des tnbres :cest celle-l qui aime le mystre et qui nie les progrs de lintelligence humaine. A celle-l donc les enchantements de lignorance et les faux miracles de la thurgie !A celle-l ledespotisme de la matire et les caprices des passions ! A la posie anarchique, en un mot,

    les tentatives toujours vaines, les esprances toujours dues, le vautour et la rage impuis-sante de Promthe, tandis que la posie soumise lordre, qui lui garantit une libert in-violable, cueillera les eurs de la science, traduira lharmonie des nombres, interprtera la

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    prire universelle et marchera tantt devant la science, tantt sur ses traces, mais toujoursprs delle, dans la lumire vivante du Verbe et dans la voie assure du progrs !

    Cet avenir prochain du christianisme retremp la source de toute rvlation, cest--diredans les fortes vrits du magisme et de la cabale, a t pressenti par un grand pote polo-nais, Adam Mickiewisch, qui a cr pour cette doctrine un nom nouveau, et la nommele Messianisme.

    Ce nom nous plat et nous ladoptons avec plaisir, pourvu quil ne reprsente pas lidedune secte nouvelle. Le monde est las de morcellements et de divisions, et tend de toutesses forces lunit. Aussi ne sommes-nous pas de ceux qui se disent catholiques et nonromains ; ce qui constitue un contre-sens des plus ridicules. Catholique veut dire univer-sel, or luniversalit nest-elle donc pas ncessairement romaine, puisque Rome est danslunivers ?

    Le XVIIIe sicle a vu les abus de la religion, mais il a mconnu la force de cette mme

    religion, parce quil nen devinait pas le secret. La haute magie chappe lincrdulit et lignorance parce quelle sappuie galement et sur la science et sur la foi.

    Lhomme est le thaumaturge de la terre, et par son verbe, cest--dire par sa parole intel-ligente, il dispose des forces fatales. Il rayonne et attire comme les astres ; il peut gurirpar un attouchement, par un signe, par un acte de sa volont. Voil ce que Mesmer, avantnous, tait venu rvler au monde ; voil ce secret terrible quon enfouissait avec tant desoin dans les ombres des anciens sanctuaires. Que peuvent prouver maintenant les pr-tendus miracles de lhomme, sinon lnergie de sa volont et la puissance de son magn-

    tisme ? Cest donc maintenant quon peut dire avec vrit que Dieu seul est Dieu, car leshommes de prestige ne se feront plus adorer. Dailleurs, la synthse de tous les dogmesnous ramne un seul symbolisme, qui est celui de la cabale et des mages. Les troismystres et les quatre vertus ralisent le triangle et le carr magique. Les sept sacrementsmanifestent les puissances des sept gnies ou des sept anges, qui, suivant le texte de lApo-calypse, se tiennent toujours devant le trne de Dieu. Nous comprenons maintenant lesmathmatiques sacres qui multiplient soixante et douze fois le divin ttragramme pourformer les empreintes des trente-six talismans de Salomon. Ramens par des tudes pro-fondes lantique thologie dIsral, nous nous inclinons devant les hautes vrits de la

    cabale, et nous esprons que les sages Isralites, leur tour, reconnatront quils ntaientspars de nous que par des mots mal entendus. Isral a emport dgypte les secrets dusphinx ; mais il a mconnu la croix qui, dans les symboles primitifs de lgypte magique,tait dj la clef du ciel. Il ne tardera pas la comprendre, car dj il a ouvert son cur la charit. Le cri dangoisse des chrtiens de Syrie a mu les enfants de Mose, et pendantquAbd-el-Kader protgeait nos malheureux frres en Orient et les dfendait au pril desa vie, une souscription souvrait Paris par les soins de lavocat isralite Crmieux.

    La grande nigme des sicles anciens, le sphinx, aprs avoir fait le tour du monde sans

    trouver de repos, sest arrt au pied de la croix, cette autre grande nigme ; et depuis dix-huit sicles et demi, il la contemple et la mdite.

    Quest-ce que lhomme ? demande le sphinx la croix, et la croix rpond au sphinx en luidemandant : Quest-ce que Dieu ?

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    Dj dix-huit fois le vieil Aaswrus a fait aussi le tour du globe ; et la n de tous lessicles, et au commencement de toutes les gnrations, il passe prs de la croix muette etdevant le sphinx immobile et silencieux.

    Quand il sera las de marcher toujours sans arriver jamais, cest l quil se reposera, et alorsle sphinx et la croix parleront tour tour pour le consoler.

    Je suis le rsum de la sagesse antique, dira le sphinx ; je suis la synthse de lhomme. Jaiun front qui pense et des mamelles qui se gonent damour ; jai des griffes de lion pourla lutte, des ancs de taureau pour le travail et des ailes daigle pour monter vers la lu-mireJe nai t compris dans les temps anciens que par laveugle volontaire de Tbes,ce grand symbole de la mystrieuse expiation qui devait initier lhumanit lternellejustice ; mais maintenant lhomme nest plus lenfant maudit quun crime originel faitexposer la mort sur le Cythron ; le pre est venu expier son tour le supplice de sonls ; lombre de Laus a gmi des tourments ddipe; le ciel a expliqu au monde monnigme sur cette croix. Cest pourquoi je me tais en attendant quelle-mme sexplique au

    monde : repose-toi, Aaswrus, car cest ici le terme de ton douloureux voyage.

    - Je suis la clef de la sagesse venir, dira la croix; je suis le signe glorieux du stauros queDieu a x aux quatre points cardinaux du ciel, pour servir de double pivot lunivers.

    Jai expliqu sur la terre lnigme du sphinx, en donnant aux hommes la raison de ladouleur ; jai consomm le symbolisme religieux en ralisant le sacrice. Je suis lchellesanglante par o lhumanit monte vers Dieu et par o Dieu descend vers les hommes.Je suis larbre du sang, et mes racines le boivent par toute la terre, an quil ne soit pas

    perdu, mais quil forme sur mes branches des fruits de dvouement et damour. Je suis lesigne de la gloire, parce que jai rvl lhonneur ; et les princes de la terre mattachent surla poitrine des braves. Un dentre eux ma donn une cinquime branche pour faire demoi une toile ; mais je mappelle toujours la croix. Peut-tre celui qui fut le martyr de lagloire prvoyait-il son sacrice, et voulait-il, en ajoutant une branche la croix, prparerun chevet sa propre tte ct de celle du Christ. Jtends mes bras galement droiteet gauche, et jai galement rpandu les bndictions de Dieu sur Madeleine et sur Ma-rie ; joffre le salut aux pcheurs, et aux justes la grce nouvelle ; jattends Can et Abelpour les rconcilier et les unir. Je dois servir de point de ralliement aux peuples, et je dois

    prsider au dernier jugement des rois ; je suis labrg de la loi, car je porte crit sur mesbranches : Foi, esprance et charit. Je suis le rsum de la science, parce que jexpliquela vie humaine et la pense de Dieu. Ne tremble pas, Aaswrus, et ne redoute plus monombre ; le crime de ton peuple est devenu celui de lunivers, car les chrtiens aussi ontcruci leur Sauveur ; ils lont cruci en foulant aux pieds sa doctrine de communion,ils lont cruci en la personne des pauvres, ils lont cruci en te maudissant toi-mmeet en proscrivant ton exil ; mais le crime de tous les hommes les enveloppe tous dans lemme pardon ; et toi, le Can humanitaire, toi, lan de ceux que doit racheter la croix,viens te reposer sous lun de ses bras encore teint du sang rdempteur ! Aprs toi vien-

    dra le ls de la seconde synagogue, le pontife de la loi nouvelle, le successeur de Pierre ;lorsque les nations lauront proscrit comme toi, lorsquil ny aura plus dautre couronneque celle du martyre, et lorsque la perscution laura rendu soumis et doux comme le justeAbel, alors reviendra Marie, la femme rgnre, la mre de Dieu et des hommes; et elle

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    rconciliera le Juif errant avec le dernier des papes, puis elle recommencera la conqutedu monde pour le rendre ses deux enfants. Lamour rgnra les sciences, la raison jus-tiera la foi. Alors je redeviendrai larbre du paradis terrestre, larbre de la science du bienet du mal, larbre de la libert humaine. Mes immenses rameaux ombrageront le mondeentier, et les populations fatigues se dlasseront sous mon ombre ; mes fruits seront lanourriture des forts et le lait des petits enfants ; et les oiseaux du ciel, cest--dire ceux

    qui passent en chantant, ports sur les ailes de linspiration sacre, ceux-l se reposerontsur mes branches toujours vertes et charges de fruits. Repose-toi donc, Aaswrus, danslesprance de ce bel avenir ; car cest ici le terme de ton douloureux voyage.

    Alors le Juif errant, secouant la poussire de ses pieds endoloris, dira au sphinx : Je teconnais depuis longtemps ! zchiel te voyait autrefois attel ce chariot mystrieuxqui reprsente lunivers et dont les roues toiles tournent les unes dans les autres ; jaiaccompli une seconde fois les destines errantes de lorphelin du Cythron ; comme lui,jai tu mon pre sans le connatre ; lorsque le dicide sest accompli, et lorsque jai appelsur moi la vengeance de son sang, je m e suis condamn moi-mme laveuglement et lexil. Je te fuyais et je te cherchais toujours, car tu tais la premire cause de mes dou-leurs. Mais tu voyageais pniblement comme moi, et par des chemins diffrents, nousdevions arriver ensemble ; bni sois-tu, gnie des anciens ges ! De mavoir ramen aupied de la croix !

    Puis, sadressant la croix elle mme, Aaswrus dira en essuyant sa dernire larme : De-puis dix-huit sicles, je te connais, car je tai vue porte par le Christ qui succombait sousce fardeau. Jai branl la tte et je tai blasphme alors, parce que je navais pas encoret initi la maldiction ; il fallait ma religion lanathme du monde pour lui faire

    comprendre la divinit du maudit ; cest pourquoi jai souffert avec courage mes dix-huitsicles dexpiation, vivant et souffrant toujours au milieu des gnrations qui mouraientautour de moi, assistant lagonie des empires, et traversant toutes les ruines en regardanttoujours avec anxit si tu ntais pas renverse ; et aprs toutes les convulsions du monde,je te voyais toujours debout ! Mais je ne mapprochais pas de toi, parce que les grands dumonde tavaient profane encore, et avaient fait de toi le gibet de la Libert sainte ! Je nemapprochais pas de toi, parce que linquisition avait livr mes frres au bcher en pr-sence de ton image ; je ne mapprochais pas de toi, parce que tu ne parlais pas, tandis queles faux ministres du ciel parlaient, en ton nom, de damnation et de vengeances ; et moi,je ne pouvais entendre que des paroles de misricorde et dunion ! Aussi, ds que ta voixest parvenue mon oreille, jai senti mon cur chang et ma conscience sest calme !Bnie soit lheure salutaire qui ma ramen au pied de la croix !

    Alors une porte souvrira dans le ciel et la montagne du Golgotha en sera le seuil, et de-vant cette porte, lhumanit verra avec tonnement la croix rayonnante garde par le Juiferrant qui aura dpos ses pieds son bton de voyage, et par le sphinx qui tendra sesailes et aura les yeux brillants desprance comme sil allait prendre un nouvel essor et setransgurer !

    Et le sphinx rpondra la question de la croix en disant : Dieu est celui qui triomphe dumal par lpreuve de ses enfants, celui qui permet la douleur, parce quil en possde en luile remde ternel ; Dieu est celui qui est, et devant qui le mal nest pas.

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    Et la croix rpondra lnigme du sphinx Lhomme est le ls de Dieu qui simmortaliseen mourant, et qui saffranchit, par un amour intelligent et victorieux, du temps, et de lamort ; lhomme est celui qui doit aimer pour vivre, et qui ne peut aimer sans tre libre ;lhomme est le ls de Dieu et de la Libert !

    Rsumons ici notre pense. Lhomme, sorti des mains de Dieu, est esclave de ses besoinset de son ignorance ; il doit saffranchir par ltude et le travail. La toute-puissance relative

    de la volont, conrme par le Verbe, rend seule les hommes vraiment libres, et cest lascience des anciens mages quil faut demander les secrets de lmancipation et des forcesvives de la volont.

    Nous rapportons aux pieds de lenfant de Bethlem lor, lencens et la myrrhe des anciensmages, maintenant que les rois de la terre semblent le renvoyer dans la crche. Que lespontifes soient pauvres, mais quils prennent dune main le sceptre de la science, le sceptreroyal de Salomon, et de lautre la houlette de la charit, la houlette du bon Pasteur ; et ilscommenceront seulement alors tre vraiment rois dans ce monde et dans lautre !

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    DE LA

    HAUE MAGIE

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    A

    a alephLe Rcipiendaire.

    Disciplina.

    ENSOPH.

    KETER.

    Lorsquun philosophe a pris pour base dune nouvelle rvlation de la sagesse hu-maine ce raisonnement : Je pense, donc jexiste, il a chang en quelque sorte et son insu, suivant la rvlation chrtienne, la notion antique de ltre suprme.Mose fait dire ltre des tres : Je suis celui qui suis. Descartes fait dire lhomme : Jesuis celui qui pense, et, comme penser cest parler intrieurement, lhomme de Descartespeut dire comme le Dieu de saint Jean lvangliste : Je suis celui en qui est et par qui semanifeste le verbe, Inprincipio erat verbum.

    Quest-ce quun principe ? Cest une base de la parole, cest une raison dtre du verbe.Lessence du verbe est dans le principe : le principe cest ce qui est ; lintelligence, cest unprincipe qui parle.

    Quest-ce que la lumire intellectuelle ? Cest la parole. Quest-ce que la rvlation ? Cest

    la parole ; ltre est le principe, la parole est le moyen, et la plnitude ou le dveloppementet la perfection de ltre, cest la n : parler, cest crer.

    Mais dire : Je pense, donc jexiste, cest conclure de la consquence au principe, et dercentes contradictions souleves par un grand crivain (1) ont prouv suffi samment lim-perfection philosophique de cette mthode. Je suis, donc il existe quelque chose, noussemblerait tre une, base plus primitive et plus simple de la philosophie exprimentale.

    Je suis, donc ltre existe.

    Ego sum qui sum : voil la rvlation premire de Dieu dans lhomme et de lhommedans le monde, et cest aussi le premier axiome de la philosophie occulte.

    1 Lamennais

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    hyha rwa hyha

    Ltreest ltre.

    Cette philosophie a donc pour principe ce qui est, et na rien dhypothtique ni de ha-sard.

    Mercure rismgiste commence son admirable symbole connu sous le nom de tabledmeraude par cette triple affi rmation : Il est vrai, il est certain sans erreur, il est de toutevrit. Ainsi le vrai conrm par lexprience en physique, la certitude dgage de toutalliage derreur en philosophie, la vrit absolue indique par lanalogie dans le domainede la religion ou de linni, telles sont les premires ncessits de la vraie science, et cestce que la magie seule peut accorder ses adeptes.

    Mais, avant toutes choses, qui es-tu, toi qui tiens ce livre entre tes mains et qui entre-prends de le lire ?...

    Sur le fronton dun temple que lantiquit avait ddi au Dieu de la lumire on lisait cetteinscription en deux mots : Connais-toi.

    Jai le mme conseil donner tout homme qui veut sapprocher de la science.

    La magie, que les anciens appelaient le sanctum regnum, le saint royaume ou le royaumede Dieu, regnum Dei, nest faite que pour les rois et pour les prtres : tes-vous prtres,tes-vous rois ? Le sacerdoce de la magie nest pas un sacerdoce vulgaire, et sa royaut narien dbattre avec les princes de ce monde. Les rois de la science sont les prtres de la

    vrit, et leur rgne reste cach pour la multitude, comme leurs sacrices et leurs prires.Les rois de la science, ce sont les hommes qui connaissent la vrit et que la vrit a ren-dus libres selon la promesse formelle du plus puissant des initiateurs.

    Lhomme qui est esclave de ses passions ou des prjugs de ce monde ne saurait tre initi,il ne parviendra jamais, tant quil ne se rformera pas ; il ne saurait donc tre un adepte,car le mot adepte signie celui qui est parvenu par sa volont et par ses uvres.

    Lhomme qui aime ses ides et qui a peur de les perdre, celui qui redoute les vrits nou-velles et qui nest pas dispos douter de tout plutt que dadmettre quelque chose auhasard ; celui-l doit refermer ce livre, qui est inutile et dangereux pour lui : il le com-prendrait mal et en serait troubl, Mais il le serait bien davantage encore si par hasard ille comprenait bien.

    Si vous tenez quelque chose au monde plus qu la raison, la vrit et la justice ; sivotre volont est incertaine et chancelante, soit dans le bien, soit dans le mal ; si la logiquevous effraye, si la vrit nue vous fait rougir ; si on vous blesse en touchant les erreursreues, condamnez tout dabord ce livre, et faites, en ne le lisant pas, comme sil nexistaitpas pour vous, mais ne le dcriez pas comme dangereux : les secrets quil rvle seront

    compris dun petit nombre, et ceux qui les comprendront ne les rvleront pas. Montrerla lumire aux oiseaux de nuit, cest la leur cacher, puisquelle les aveugle et devient poureux plus obscure que les tnbres. Je parlerai donc clairement, je dirai tout, et jai la ferme

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    conance que les initis seuls, ou ceux qui sont dignes de ltre, liront tout et compren-dront quelque chose.

    Il y a