117Les Cahiers nouveaux N° 88 Juin 2014

Démarche territoriale « Wallonie picarde 2025 »

117-121Toni Da CostaCindy DuchâteauWallonie picarde 2025

117

C’est au début des années 2000 que se dessinent les prémices de ce qui allait devenir quelques années plus tard la Wallonie picarde. À l’époque, le Hainaut occidental, « far west » du Hainaut, peine à s’imposer sur l’échiquier wallon. Les pro-jets lui feraient-ils défaut? Que du contraire ! Ses potentialités sont nombreuses et son ambition à la hauteur de ce qu’il a à offrir. Conscients de cette réalité, des acteurs-clé du territoire vont alors se mobiliser et unir leurs forces à la faveur d’un avenir meilleur en instaurant une réflexion autour d’une vision commune de développement. La dynamique va peu à peu s’amplifier et s’accom-pagner d’un changement de dénomination. Exit le Hainaut occidental, on parle désormais de Wallonie picarde. Un nouveau nom qui ne relève pas de la coquetterie sémantique mais qui traduit une réelle volonté de s’affirmer comme un terri-toire à part entière…

De la prise de conscience à la structurationdes idées

Dès 2006, la montée en puissance de la dyna-mique va rapidement démontrer la nécessité de doter le territoire d’une instance de discussion : le Conseil de développement était né. Composé d’une septantaine de membres issus de tous mi-lieux (économie, enseignement, culture, politique, …), le Conseil de développement fédère les forces vives du territoire et donne corps à la démarche. À la fois lieu de débats et laboratoire d’idées, il se réunit environ tous les deux mois et a pour voca-tion de définir, impulser et mettre en cohérence des projets porteurs pour le territoire. Dans la

foulée, un autre organe consultatif va également voir le jour : la Conférence des Bourgmestres de Wallonie picarde. Lancée officiellement en septembre 2008, la Conférence des Bourgmestres permet aux dirigeants des communes inscrites dans la dynamique territoriale Wallonie picarde de confronter leurs opinions, de débattre des stratégies à adopter et surtout, d’affirmer une volonté et une ambition communes pour leur région. Alors que les missions dévolues aux auto-rités locales ne cessent de s’étoffer, la réflexion sur bon nombre de matières (la mobilité en est un excellent exemple) ne peut pertinemment plus se mener uniquement à l’échelle d’une commune. Désormais, l’enseignement s’envisage au niveau des bassins scolaires et la santé à celui des bassins de soins, les mandataires se doivent donc de dépasser les individualités communales pour aller à la rencontre des besoins de l’ensemble des habitants du territoire. Deux structures tech-niques, l’asbl Wallonie picarde « WAPI 2025 » et Culture.Wapi viennent compléter le dispositif. La première se chargeant de l’animation territoriale et la seconde se concentrant exclusivement au volet culturel.

Un projet pour un territoire

Dès son installation, le Conseil de développement s’est attelé, avec le soutien de l’Institut Jules Destrée, à l’élaboration du Projet de Territoire Wallonie picarde 2025. L’ambition étant de construire, ensemble, une vision d’avenir partagée par tous et répondant aux grands enjeux identifiés pour le territoire à l’horizon 2025 : la mise en place

Au-delà du marketing territorial…, la création d’un territoire avec un contenu prospectif

118

d’un nouveau mode de gouvernance, la valorisa-tion des atouts liés à sa position géographique, le renforcement de son attractivité, son positionne-ment comme une région d’excellence sur le plan environnemental, la réalisation d’un développe-ment spatial équilibré, la dynamisation de ses po-tentialités économiques et le développement des solidarités au service de ses habitants. Plusieurs étapes ont précédé l’écriture de ce document. Préalable indispensable à la mise en œuvre d’un projet d’une telle ampleur, le diagnostic s’est en grande partie appuyé sur le Livre blanc du Hainaut occidental (étude réalisée en 2001 par le DULBEA-Centre d’Économie régionale et de la Technologie) avant d’être complété par les conclusions issues de groupes de travail thématiques auxquels ont participé des membres du Conseil de dévelop-pement et des experts. Partant du diagnostic, le Conseil de développement a ensuite identifié les enjeux à long terme pour le territoire et organisé trois forums publics afin de nourrir la réflexion. Au terme de ce processus, sept axes stratégiques ont été retenus pour constituer les lignes de forces du Projet de Territoire :

1. Piloter le territoire au moyen de structures de gestion tournées vers le développement durable2. Mobiliser les atouts de deux proximités métro-politaines3. Consolider et communiquer une image de qua-lité connue et reconnue4. Affirmer les réalités d’une région verte et ouverte5. Valoriser un réseau de villes attractives et accueillantes6. Actionner tous les leviers du dynamisme écono-mique pour un emploi de qualité7. Positionner l’humain au cœur des solidarités

Restait enfin à les décliner en actions concrètes. Mi-2007, un appel à contributions a été lancé au sein du Conseil de développement mais égale-ment auprès d’institutions et d’organisations du territoire pour la confection de fiches d’actions stratégiques. Celui-ci a débouché sur la validation du Projet de Territoire Wallonie picarde 2025 com-portant 18 projets structurants et 60 chantiers.

Un territoire à la croisée des chemins

La Wallonie picarde occupe une situation géo-graphique centrale aux portes de la Flandre et des deux grandes métropoles européennes Lille et Bruxelles. Une position stratégique donc et qui constitue un véritable atout dans le cadre d’un projet de développement comme le sien. Conscient de cette réalité, le territoire a su saisir les opportunités qui se présentaient en s’inscrivant dans l’ambitieux projet de l’Euro-métropole Lille-Kortrijk-Tournai. Concrétisée en janvier 2008, cette initiative transfrontalière vise à supprimer les frontières entre les versants français, wallon et flamand qui la composent et ainsi devenir une véritable métropole d’envergure européenne et internationale. L’intégration de la Wallonie picarde au sein de l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai a déjà

permis la réalisation d’un certain nombre de projets au bénéfice du territoire et surtout de ses habitants. Parmi ceux-ci figurent la mise en place du Forum de l’Emploi, un important événement de recrutement, la réalisation du crématorium « Les Blancs Arbres », une infrastructure que vient ren-forcer un projet de coopération transfrontalière en matière de crémation, l’amélioration des liaisons ferroviaires, la signature de conventions entre hôpitaux simplifiant l’accès aux soins, la réalisa-tion d’une carte touristique ou encore la créa-tion d’évènements culturels tel Next, le festival international des Arts de la Scène. Parallèlement aux relations nouées avec l’Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai, la Wallonie picarde envisage maintenant un rapprochement avec la métropole bruxelloise. C’est dans cette perspective que le Conseil de développement a constitué un groupe de travail dédié à cette thématique. Ce dernier mène une réflexion sur les actions à déployer pour valoriser ses spécificités et ses atouts, attirer les investisseurs dans des créations et développe-ments d’entreprises et amener le grand public à la découverte de l’offre touristique et culturelle.

Des ambitions mais surtout du concret pour tous les Wallons picards

Fruit d’une collaboration entre le Conseil de déve-loppement de Wallonie picarde et l’Institut Jules Destrée, le Projet de Territoire clôture, certes, un important travail de réflexion sur le devenir de notre région mais ne constitue pas pour autant un aboutissement.Il marque, au contraire, le point de départ d’une aventure que les différents acteurs du terri-toire ont décidé de mener ensemble pour faire de la Wallonie picarde une région ambitieuse et gagnante, capable de faire face aux défis et de se positionner par rapport aux métropoles qui l’entourent.Sous son égide, le territoire a déjà mené, et continue d’impulser, toute une série de chantiers. Liés tantôt à l’économie, tantôt à la culture, à l’environnement ou encore au social, ces chan-tiers influencent le quotidien des Wallons picards et façonnent le territoire de demain, celui qu’ils laisseront à leurs enfants et petits-enfants.

La mise en œuvre d’un plan marketing pourla Wallonie picarde

La Wallonie picarde s’est engagée dans une démarche de promotion et de communication afin de véhiculer l’image forte d’un territoire de qualité et en mouvement. Début 2010, une plate-forme de marketing territorial a été mise en place pour, d’une part, mettre en cohérence les actions et, d’autre part, être force de proposition pour une affirmation ambitieuse, progressive et partagée de la Wallonie picarde. Les réflexions menées au sein de cette plate-forme ont abouti à un plan marketing dont les actions sont structurées en fonction de cinq publics cibles identifiés : les ins-titutions, le grand public, les entreprises et inves-tisseurs, le public touristique et enfin le public culturel. Un certain nombre de ces actions sont

119

aujourd’hui réalisées comme la mise en place et la diffusion d’une identité graphique, la requalifi-cation de la signalétique routière (mise en place de nouveaux panneaux à l’effigie de la Wallonie picarde le long de l’autoroute A 8 et aux portes d’entrée du territoire), la réalisation d’un maga-zine économique « Business in Wapi » présentant l’essentiel de l’actualité économique de la région ou encore l’édition de différents supports à voca-tion touristique tels que le guide de la Wallonie picarde, le guide groupes, la carte touristique, …L’objectif est de donner à la population une fierté de participation au développement d’un territoire, de capter différents types de clientèle pour favori-ser la consommation touristique sur le territoire, de véhiculer une image de qualité qui aide à l’attractivité du territoire pour des investisseurs, entreprises et habitants potentiels.

Du bassin de soins au bassin de santé transfrontalier

C’est en janvier 2009 qu’a vu le jour le Centre Hospitalier de Wallonie picarde, plus commu-nément appelé « CHWAPI ». À l’initiative de la Mutualité chrétienne Hainaut Picardie et de Solidaris Mons Wallonie picarde, cette associa-tion rassemble alors les trois hôpitaux de Tournai et Péruwelz : l’Association Interhospitalière du Tournaisis (AIT), la Clinique Notre-Dame et le RHMS Tournai-Péruwelz. L’objectif poursuivi est clair, il s’agit de limiter la concurrence entre les petites structures hospitalières au profit d’une utilisation optimale des ressources et de la

qualité des soins offerts aux patients. Le proces-sus d’intégration hospitalière va se poursuivre et aboutir, le 1er juillet 2010, à la fusion des trois hô-pitaux. Une fusion qui va permettre, notamment, la constitution de pôles de compétences, la mise en place de nouveaux services aux patients et le développement de services lourds. Actuellement réparties sur quatre sites, les activités hospita-lières seront, à l’horizon 2019, rassemblées sur les sites Union et Notre-Dame. Du côté du Centre Hospitalier de Mouscron, d’importants travaux de construction, démarrés en novembre 2006 sur le site du CHR, ont permis d’accueillir sur un site unique l’ensemble des activités. Inaugurée en janvier 2010, la nouvelle infrastructure propose une offre médicale claire à laquelle sont venues s’ajouter des compétences nouvelles (coronogra-phie en cardiologie, dépistage et traitement des apnées du sommeil en pneumologie, lithotritie en urologie…) et des nouveaux services spécia-lisés (médecine nucléaire, médecine physique, oncologie, radiothérapie…). L’offre de services aux patients ne se limite pas au CHM, des collabora-tions et des conventions hospitalières régionales et transfrontalières complètent l’offre de soins.

L’organisation d’un service public transfrontalieren matière de crémation

Inauguré le 22 janvier 2010, le Crématorium des Blancs Arbres, à Hacquegnies (Frasnes-lez-Anvaing) vise à répondre à un besoin sen-sible sur le territoire de la Wallonie picarde. Le Crématorium des Blancs Arbres est établi sur un

Le Crématorium des Blancs Arbres à Hacquegnies (Frasnes-lez-Anvaing).

120

terrain de quelque 4,3 hectares situé en bordure de la RN60 Leuze-en-Hainaut/Renaix et à proxi-mité immédiate de l’autoroute A 8-E 429 Lille-Bruxelles. Adossé à un parc cimetière ouvert sur le paysage du Parc naturel du Pays des Collines, il comporte deux salles de cérémonie, une cafétéria, et un local technique accueillant deux fours (avec possibilité d’extension) dotés d’une ligne de filtration des fumées. Le maître-mot ayant guidé la conception des lieux est la qualité. Elle se retrouve tant dans l’architecture du bâtiment, son intégration paysagère et celle du parc cimetière attenant, que dans la gestion courante du bâtiment et de ses fonctions, qui sera empreinte des valeurs fondamentales que sont l’humanisme et l’ouverture aux diffé-rents rites, cultes, et souhaits des défunts et des familles. Dernière dimension majeure du Crématorium des Blancs Arbres, sa caractéris-tique transrégionale : géré conjointement par l’Agence intercommunale IDETA et l’intercom-munale Westlede, le crématorium se destine en effet à la fois à la population de Wallonie picarde (Tournai-Ath-Mouscron), du Sud de la Flandre orientale qui n’est pas directement desservie par les deux crématoriums actuels de Westlede (Lochristi et Sint-Niklaas) et du Nord de la France.

Le développement de centres de technologiesavancées et des outils de formation

Afin d’améliorer la qualité de la formation dispen-sée par les filières qualifiantes, la Wallonie picarde a investi dans l’équipement de ces dernières de manière à les doter d’équipements de pointe en adé-quation avec les nécessités du marché du travail. Étudiants, demandeurs d’emploi, travailleurs, les quatre centres de technologies avancées présents sur le territoire s’adressent à différents publics qui y trouvent un cursus adapté à leurs besoins.

La valorisation de l’Hôpital Notre-Dameà la Rose de Lessines

Fondé en 1242, cet Hôtel-Dieu du Moyen Âge a fait l’objet d’importants travaux de restauration et de valorisation permettant à cet élément d’attrac-tion majeur pour la Wallonie picarde de conserver son aspect et son mobilier des 16e et 17e siècles. En poussant les portes, le visiteur se retrouve transporté à travers huit siècles de médecine et d’histoire dans un parcours muséal de vingt salles entièrement restaurées. Le site dispose également d’objets d’arts précieux et authentiques, d’ins-truments médicaux d’un autre âge et de riches collections pharmaceutiques qui sont autant de

Le jardin intérieur de l’Hôpital Notre-Dame à la Rose de Lessines.

121

témoignages de l’art de pratiquer la médecine autrefois et de son évolution. Reconnu patrimoine exceptionnel de la Wallonie, c’est désormais vers un nouveau projet ambitieux que se lance l’Hôpital Notre-Dame à la Rose : sa reconnaissance comme patrimoine immatériel de l’Unesco. Pour mener à bien ce projet, il s’associera à des partenaires fla-mands (Bruges, Gand, Anvers, Geel) et à des sites remarquables en France tels que Beaune, Tournus, Baugé, Hautefor ou encore Tonnerre.

Le développement des énergies renouvelables

Inauguré en juin 2011, le Parc éolien de Leuze-Europe constitue une double innovation. Sa localisation, d’abord, dans le périmètre d’un parc d’activité économique et le partenariat qui le porte, ensuite, constitué d’une coopérative citoyenne (CLEF), d’une intercommunale (IDETA) et d’un groupe privé (ELECTRABEL).Ses dix éoliennes ont la capacité de produire en moyenne chaque année 52 millions de kWh, ce qui équivaut à la consommation électrique de 15 000 ménages moyens et à une économie annuelle de 22 000 tonnes de CO2 émises dans l’atmosphère. Les projets immobiliers portés par les intercommunales de développement écono-mique du territoire font également l’objet d’une attention toute particulière par la mise en place d’équipements de production d’énergie.

La réalisation d’un Schéma d’Accessibilité etde Mobilité pour la Wallonie picarde

Destinée à appréhender les enjeux de la mobilité et de l’accessibilité en Wallonie picarde, cette étude est la clef de voûte aux multiples actions de terrain

Pensons aujourd’hui la Wallonie picarde de demain.

Le Parc éolien de Leuze-Europe.

qui façonneront la mobilité à l’échelle des 23 enti-tés du territoire. S’inscrivant dans une logique de développement durable, ce Schéma formule toute une série de propositions regroupées en trois grands axes : améliorer la complémentarité des modes et des exploitations du transport de voyageurs, faire de la logistique une véritable valeur ajoutée de la Wallonie picarde, achever et moderniser les infrastructures. Outre la dimen-sion wallonne picarde, ces trois axes doivent également être envisagés sous l’angle de ses relations avec les régions voisines et le reste de l’Europe afin de renforcer la vocation de « terri-toire charnière » de la Wallonie picarde.

Pensons aujourd’hui la Wallonie picardede demain

Un projet de territoire n’est pas un document figé. Il est appelé à vivre et à s’imprégner des évolutions que connait le territoire et des enjeux qui en résultent. C’est pourquoi, la troisième mandature du Conseil de développement (2013-2016) sera en partie destinée à son actualisa-tion. Afin d’impliquer les acteurs du territoire dans cette démarche, différents ateliers rassemblant forces vives et citoyens ont été organisés de mai à septembre 2013.Ces « Ateliers du Territoire » marquent ainsi les prémices d’un processus de réflexion et de posi-tionnement devant aboutir à la définition de la stratégie que la Wallonie picarde entend impul-ser à l’horizon 2014-2020. Cet enrichissement progressif du Projet de Territoire, témoin d’une dissémination efficace de la démarche et d’une réelle appropriation par les acteurs de terrain, en fera un outil efficient et durable.