Édito - Réseau Canopé · Utiliser des maximes en instruction civique et morale ? ... Un cartable...

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Interview : MichelTozzi ....................................................................... p. 2 L’éthique professionnelle des enseignants ....................................... p. 6 L’instruction morale à l’école primaire : oui, mais laquelle ? ........ p. 8 Progressions pour l’école élémentaire en instruction civique ..... p. 9 Quelle éducation civique et morale aujourd’hui ? ........................... p. 10 À l’école, il faut enseigner la morale ................................................. p. 11 L’EPS au service de l’éducation à la citoyenneté ........................... p. 12 Construire la règle en EPS .................................................................. p. 13 L’éducation civique au collège ............................................................. p. 14 Enseigner la morale à l’école ............................................................... p. 16 Mayotte enseigne la morale ................................................................. p. 17 Éthique et culture religieuse ............................................................. p. 18 L’enseignement de la morale chez nos voisins ................................ p. 19 Les cours de morale en Belgique ........................................................ p. 20 sommaire sommaire Septembre 2012 La chorale : une école de la citoyenneté .......................................... p. 21 Utiliser des maximes en instruction civique et morale ? ............. p. 22 Le règlement d’école ............................................................................. p. 24 Fable, morale et moralité .................................................................... p. 25 Faut-il couper la tête du Petit Poucet ? .......................................... p. 26 Étudier la Marseillaise en cycle 3 ..................................................... p. 28 Autres temps, autres mœurs ? .......................................................... p. 29 Une charte d’usage des TUIC dans l’Essonne ................................ p. 30 La MGEN, acteur de terrain au côté des enseignants .................. p. 32 Un cartable numérique, la numériclé91 ............................................ p. 33 Le CDDP, une structure essonnienne en mutation ......................... p. 34 Zoom : le projet coopératif ................................................................. p. 35 Il suffisait d’y penser ........................................................................... p. 35 Bibliographie ........................................................................................... p. 36 Édito Un système qui ambitionne de mettre lʼélève en son centre ne peut pas se priver dʼune réflexion approfondie sur la manière de rendre cet élève ac- teur, de lui faire partager le sens de lʼaction édu- cative engagée à son égard et, donc, les valeurs qui la sous-tendent. Lʼélève-sujet doit pouvoir observer, réfléchir, dire, agir « en connaissance de cause » pour apprendre et devenir progressi- vement un citoyen éclairé et autonome. Les sujets abordés dans ce numéro sont autant de vecteurs qui peuvent contribuer à la mise en œuvre concrète de ces préceptes, et le contenu des différentes contributions est plutôt éclai- rant quant à lʼattitude générale à adopter en tant quʼadulte « exemplaire », responsable de la for- mation des élèves qui nous sont confiés. Ainsi, la morale ne saurait être une accumulation de prin- cipes assénés et la philosophie à lʼécole – quel que soit lʼâge des élèves - ne doit pas se résumer en un étalage de connaissances. Il sʼagit bien plus dʼoccasions de travailler, de façonner, de pétrir des matériaux à travers des démarches où lʼin- teractivité, voire lʼeffacement – temporaire – du maître sont essentiels pour permettre la cons- truction des concepts, lʼécoute et le respect entre pairs. Cette Ecole-là est exigeante, parfois déstabili- sante, mais nous aide assurément à porter notre ambition éducative. Jʼadresse un chaleureux merci aux contributeurs et vous souhaite à tous une lecture vivifiante. Christian WASSENBERG Directeur académique des services de lʼÉducation nationale de lʼEssonne

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Interview : MichelTozzi ....................................................................... p. 2L’éthique professionnelle des enseignants ....................................... p. 6L’instruction morale à l’école primaire : oui, mais laquelle ? ... ..... p. 8Progressions pour l’école élémentaire en instruction civique ..... p. 9Quelle éducation civique et morale aujourd’hui ? ........................... p. 10À l’école, il faut enseigner la morale ................................................. p. 11L’EPS au service de l’éducation à la citoyenneté ........................... p. 12 Construire la règle en EPS .................................................................. p. 13L’éducation civique au collège ............................................................. p. 14Enseigner la morale à l’école ............................................................... p. 16Mayotte enseigne la morale ................................................................. p. 17Éthique et culture religieuse ............................................................. p. 18L’enseignement de la morale chez nos voisins ................................ p. 19Les cours de morale en Belgique ........................................................ p. 20so

mmair

esommaire

Septembre 2012

La chorale : une école de la citoyenneté .......................................... p. 21Utiliser des maximes en instruction civique et morale ? ............. p. 22Le règlement d’école ............................................................................. p. 24Fable, morale et moralité .................................................................... p. 25Faut-il couper la tête du Petit Poucet ? .......................................... p. 26Étudier la Marseillaise en cycle 3 ..................................................... p. 28Autres temps, autres mœurs ? .......................................................... p. 29Une charte d’usage des TUIC dans l’Essonne ................................ p. 30La MGEN, acteur de terrain au côté des enseignants .................. p. 32Un cartable numérique, la numériclé91 ............................................ p. 33Le CDDP, une structure essonnienne en mutation ......................... p. 34Zoom : le projet coopératif ................................................................. p. 35Il suffisait d’y penser ........................................................................... p. 35Bibliographie ........................................................................................... p. 36

Édito

Un système qui ambitionne de mettre lʼélève en son centre ne peut pas se priver dʼune réflexion approfondie sur la manière de rendre cet élève ac-teur, de lui faire partager le sens de lʼaction édu-cative engagée à son égard et, donc, les valeurs qui la sous-tendent. L̓ élève-sujet doit pouvoir observer, réfléchir, dire, agir « en connaissance de cause » pour apprendre et devenir progressi-vement un citoyen éclairé et autonome.

Les sujets abordés dans ce numéro sont autant de vecteurs qui peuvent contribuer à la mise en œuvre concrète de ces préceptes, et le contenu des différentes contributions est plutôt éclai-rant quant à lʼattitude générale à adopter en tant quʼadulte « exemplaire », responsable de la for-mation des élèves qui nous sont confiés. Ainsi, la morale ne saurait être une accumulation de prin-cipes assénés et la philosophie à lʼécole – quel que soit lʼâge des élèves - ne doit pas se résumer en un étalage de connaissances. Il sʼagit bien plus dʼoccasions de travailler, de façonner, de pétrir des matériaux à travers des démarches où lʼin-teractivité, voire lʼeffacement – temporaire – du maître sont essentiels pour permettre la cons-truction des concepts, lʼécoute et le respect entre pairs.

Cette Ecole-là est exigeante, parfois déstabili-sante, mais nous aide assurément à porter notre ambition éducative.

Jʼadresse un chaleureux merci aux contributeurs et vous souhaite à tous une lecture vivifiante.

Christian WASSENBERGDirecteur académique des services de

lʼÉducation nationale de lʼEssonne

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PHILOSOPHIE À L’ÉCOLE ET INSTRUCTION CIVIQUE ET MORALE

Catherine Mercier-Benhamou, 53 ans, vient dʼêtre nommée Directrice académi-que adjointe. Elle succède à Dominique Bourget, muté en Maine et Loire.

Elle a débuté sa carrière dans lʼacadémie de Nice par des postes de surveillante, puis exerce comme conseillère dʼéducation.

Très vite, elle devient personnel de di-rection et occupe des fonctions de prin-cipal adjoint.

Elle effectue une courte incursion dans lʼacadémie dʼAix-Marseille où elle ac-cède à son premier poste de principal et rejoint ensuite son académie dʼorigine.

Formatrice de ses pairs ainsi que dʼautres catégories de personnels, elle participe activement à des groupes de pi-lotage académiques ayant forte relation aux territoires, à la gestion des ressources humaines et à la culture de lʼévaluation. Cʼest également pour elle lʼoccasion de sʼassocier à des groupes consultatifs du conseil général et au pilotage départe-mental des classes et ateliers relais.

Mutée dans lʼacadémie de Créteil, elle oc-cupe plusieurs postes de proviseur, est pré-sidente de GRETA1 et assure les fonctions de directrice de deux CFA2 et dʼune UFA3.

Au cours de son passage dans cette aca-démie, elle est successivement chargée de mission dʼun inspecteur dʼacadémie DSDEN4, puis dʼun recteur.

En mai 2011, elle contribue aux travaux menés par la commission sénatoriale « Mission commune dʼinformation sur le système scolaire », sur le thème des ex-périmentations.

À la DSDEN5 de lʼEssonne, elle assu-re, entre autres, le suivi des collèges et dʼun certain nombre de dossiers trans-versaux tels lʼaccompagnement éducatif, les problématiques des élèves à besoins particuliers, lʼenseignement des langues vivantes…

1. Les Greta sont les structures de lʼÉducation nationale qui organisent des formations pour adul-tes dans la plupart des métiers.2. Centre de formation dʼapprentis.3. Unité de formation par apprentissage.4. Directeur des services départementaux de lʼÉducation nationale.5. Direction des services départementaux de lʼÉducation nationale.

Depuis plus de 10 ans les prati-ques à visée philosophique se sont développées à lʼécole. Où en som-mes-nous aujourdʼhui ?

Les pratiques philosophiques, lancées aux États-Unis par Matthew Lipman dans les années 1970, ne sont lan-cées en France que dans les années 1996-1998 par des praticiens qui sʼy sont autorisés dʼeux-mêmes. Inno-vation partie de la base, elle a très vite intéressé lʼinstitution Éducation nationale, parce quʼelle permettait dʼatteindre des objectifs du système éducatif :- la maîtrise de la langue et en par-ticulier de la langue orale, puisque ce sont essentiellement des discus-sions ;- lʼéducation à la citoyenneté, puis-quʼil sʼagissait aussi dʼapprendre à sʼécouter donc à respecter lʼautre ;- lʼéveil à la pensée réflexive, élé-ment fondamental.

Des IA1, IEN2, CPC3 et formateurs dʼIUFM4 ont demandé des formations initiales ou continues pour former les enseignants à ces pratiques.

Leur développement comporte trois caractéristiques en France :• Il a été favorisé par les program-mes de 2002 et de 2006 dans lʼensei-gnement primaire, qui mettaient lʼac-cent sur la littérature de jeunesse et institutionnalisaient une demi-heure hebdomadaire de débat réglé. Beau-coup de compétences des progres-sions des programmes de 2008 sont développées par la discussion à visée philosophique.• On l'observe surtout à lʼécole pri-maire, beaucoup moins au collège si ce nʼest dans les SEGPA5. Il con-cerne les élèves en difficulté, plutôt dans les zones dʼéducation prioritaire ou les zones sensibles. Cʼest curieux, parce que la philosophie peut paraître très difficile. Mais ce sont des enfants très intéressés par les problèmes exis-tentiels et elle peut énormément les aider à y voir plus clair en eux-mê-

Michel Tozzi est professeur des universités émérite en scien-ces de l’éducation. Il est l’un des précurseurs et des princi-paux acteurs de la philosophie pour enfants en France.

mes et à vivre avec les autres.• Une diversité des méthodes déve-loppées depuis quinze ans, contraire-ment à dʼautres pays.

Vous avez des méthodes :- où lʼenseignant nʼintervient pra-tiquement pas comme lʼatelier philo de lʼAGSAS6 et Jacques Lévine ;- où lʼenseignant intervient beau-coup, comme la méthode dʼOscar Brénifier, où cʼest lui qui conduit complètement le groupe classe ;- où le maître est animateur dʼéchan-ges qui ont lieu entre les enfants eux-mêmes, comme la méthode de Mat-thew Lipman ou la mienne.

Elles se sont relativement dévelop-pées en France. Le cours dʼinstruc-tion civique et de morale peut être aujourdʼhui un bon support pour continuer.

Justement, en quoi les activités à visée philosophique peuvent-elles participer à lʼenseignement de lʼinstruction civique et morale à lʼécole ?

L̓ instruction civique renvoie à la phi-losophie politique où lʼon réfléchit sur la justice et les grandes valeurs qui la fondent, comme lʼégalité ou lʼéquité. Instruction civique et phi-losophie politique sont donc com-plémentaires. La réflexion philoso-phique éveille lʼéducation citoyenne chez les élèves.

Pour la morale, que lʼon appelle souvent éthique en philosophie, cʼest lʼun des grands domaines avec la phi-losophie politique, la métaphysique ou lʼépistémologie. La réflexion sur lʼéthique ou la morale sur le bien, le bon, le devoir, le respect, etc., est le domaine privilégié de cette partie de la philosophie. Que ce soit pour lʼins-truction civique avec la philosophie politique ou sur la morale avec la ré-flexion éthique, la philosophie est un domaine privilégié de référence pour la réflexion des élèves.

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Quelles activités peuvent être con-duites en classe, dans le cadre des pratiques à visée philosophique liées à lʼinstruction civique ?

Dans le cadre de lʼinstruction civique ou dans celui de lʼenseignement de la morale, une activité très intéressante est la discussion à visée philosophi-que. On peut essayer : - dʼorganiser des échanges à visée réflexive avec les élèves ;- de définir les mots utilisés comme lʼégalité, la justice, le respect ; - de faire des distinctions concep-tuelles. Il y a notamment deux con-ceptions de la justice, la justice-éga-lité et la justice-équité. On essaye de définir les mots pour savoir de quoi lʼon parle ; - de se questionner, parce que cʼest en réfléchissant à des questions que lʼon développe sa réflexion ;- dʼargumenter son point de vue ; pas simplement dire ce que lʼon pense mais penser ce quʼon dit, en validant rationnellement son point de vue.

La discussion à visée philosophique est un échange entre élèves animé par lʼenseignant. Celui-ci veille à ce quʼil y ait une certaine rigueur dans les dif-férents processus de pensée : la pro-blématisation, la conceptualisation et lʼargumentation. Il est intéressant dʼutiliser un certain nombre de sup-ports :- des petites maximes, citations de philosophes ;- des œuvres de littérature de jeu-nesse, avec des textes consistants qui peuvent faire réfléchir les élèves ;

- les mythes puis-que ce sont des histoires.

Les enfants ai-ment quʼon leur raconte des histoi-res. Elles parlent de lʼorigine, des grands problèmes archétypaux qui ont toujours inté-ressé les hommes. Nous utilisons beaucoup les my-thes platoniciens comme lʼallégo-rie de la caverne

où lʼon réfléchit sur la vérité, ou le mythe de Gygès sur le rapport en-tre le pouvoir et le bien, le mythe de lʼandrogyne sur lʼorigine de lʼamour, etc.

La discussion à visée philosophique apparaît comme un moyen de déve-lopper la réflexion aussi bien dans lʼéducation civique que lʼéducation morale.

Y a-t-il des risques de dérive dans la conduite de ce type dʼactivités ?

Il pourrait y en avoir deux sortes :- le conditionnement, où lʼon profite dʼêtre un adulte pour imposer ses pro-pres idées aux élèves, transmettre ses propres valeurs. Ceux-ci sont très in-fluençables, aussi bien sur le plan po-litique que moral. Ce serait une dérive dans la mesure où cela enfreindrait le principe de laïcité. On nʼa pas à con-ditionner les enfants, mais à les aider à réfléchir par eux-mêmes ;- être moralisateur. Un enseigne-ment de la morale moralisateur con-siste à inculquer « un catéchisme républicain », un certain nombre de valeurs sans quʼelles soient discu-tées, approfondies, simplement parce que ce sont des valeurs quʼil faut res-pecter. Cela ne développe guère la réflexion personnelle et lʼautonomie.

Quelles précautions pourrait prendre un enseignant pour éviter ces dérives ?

Il faudrait surtout apprendre aux élè-ves à penser par eux-mêmes et non à

penser ce que le professeur pense… Comment avoir un enseignement de la morale non moralisateur ? Pour développer le jugement moral, il faut les confronter à une situation qui met en balance soit son propre intérêt avec des valeurs citoyennes ou morales, soit plusieurs valeurs parce quʼil peut y avoir à choisir entre deux valeurs. Par exemple, je parlais de justice-égalité et de jus-tice-équité. Parfois, pour être juste, on a à choisir entre donner la même chose à tout le monde et donner plus à ceux qui ont moins : deux concep-tions de la justice qui sont dʼégale dignité. Cʼest assez délicat, cʼest un dilemme moral. Il faut délibérer, es-sayer dʼargumenter les deux points de vue pour voir celui qui serait, dans la situation déterminée, le plus légitime, parce que la morale est toujours en contexte.

Apprendre aux élèves à penser par eux-mêmes en développant leur ju-gement moral par la réflexion, la dé-libération, lʼargumentation, cʼest à mon avis ce qui permet dʼéviter aux élèves dʼêtre conditionnés ou mora-lisés.

Sʼil y avait deux ou trois conseils que vous souhaiteriez donner à un enseignant pour mettre en place des activités philosophiques en classe dans le cadre de lʼensei-gnement de lʼinstruction civique et morale, lesquels seraient-ils ?

Dʼabord, mettre en place un disposi-tif de discussion qui organise le débat pour éviter quʼil se passe dans le dé-sordre. Cʼest extrêmement sécurisant pour les élèves parce que ça leur don-ne des repères. Ce nʼest pas évident dʼanimer une discussion en classe, ça lʼest encore moins dʼanimer une dis-cussion à visée philosophique avec des exigences intellectuelles. Il faut se mettre au clair sur un dispositif structuré, structurant pour les élèves. Je mʼinspire beaucoup de la péda-gogie institutionnelle en essayant de mettre en place un certain nombre de fonctions chez les élèves : - un président de séance qui donne la parole ;- des règles : donner la parole dans

1. Inspecteur dʼacadémie.2. Inspecteur de lʼÉducation nationale.3. Conseiller pédagogique de circonscription.

4. Institut universitaire de formation des maî-tres.5. Section dʼenseignement général et profession-

nel adapté.6. Association des groupes de soutien au sou-tien.

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- les études de cas, par exemple le partage dʼun gâteau lors dʼun anni-versaire. Est-ce quʼon doit donner la plus grosse part au plus fort car il peut frapper les autres ? À celui qui est le plus gros parce quʼil a plus be-soin de nourriture ? Ou au plus petit parce quʼil a plus besoin de manger pour grandir ? Ou faut-il la donner à celui qui a eu le meilleur résultat à lʼécole ? Ou alors à celui qui a le plus travaillé ? Faut-il donner la même part à chacun ? Faut-il plutôt donner les plus grosses parts à ceux

dont les parents ne peuvent pas ache-ter des gâteaux ? Ou alors ne pas en donner à un tel parce quʼil a été puni pour une bêtise ? On a là, à partir du partage dʼun gâteau, les différentes conceptions de la justice : une jus-tice fondée sur la force, sur les be-soins, sur le mérite, sur lʼégalité, sur lʼéquité, sur la conformité à la loi... Cʼest extrêmement intéressant ; - les dilemmes moraux, où lʼon demande aux élèves de soutenir les deux points de vue pour se faire une idée sur la question. Cʼest cela déve-lopper le jugement moral. Par exem-ple, y a-t-il des cas où il est légitime de désobéir ? Faut-il punir de la peine de mort quelquʼun qui a tué ? Faut-il avoir la possibilité dʼavor-ter ? Ça, cʼest pour les élèves un peu plus grands. Est-il moralement légi-time de se suicider ? Faut-il appeler héros celui qui tue un ennemi pen-dant la guerre et assassin celui qui

tue en temps de paix ? Le terrorisme peut-il être justifié par la noblesse de la cause invoquée ? La violence peut-elle être un moyen dʼêtre juste ? Faut-il punir quelquʼun qui vole un pain parce quʼil est pauvre et quʼil a faim ? On a un certain nombre de questions où lʼon peut, avec des ar-guments, soutenir les deux points de vue. Cʼest précisément quand on ré-fléchit sur des arguments quʼon ren-tre dans le point de vue dʼune thèse ou dʼune antithèse qui répond à une question dont la solution est diffici-

le. Cela développe le jugement réflexif, et particulièrement

le jugement moral lors-quʼil sʼagit de problèmes

éthiques. Les dilemmes moraux sont excellents

pour développer le jugement moral dans les cours de morale.

Dans lʼun de vos ar-ticles à paraître, vous distinguez une appro-

che de lʼenseignement de la morale fondée sur

la philosophie rationaliste des Lumières, de celle qui

sʼintéresse au développement de lʼempathie chez les indivi-

dus. Pouvez-vous nous préciser cette distinction ?

Ce sont les professeurs belges de morale non confessionnelle, laïque, qui mʼont éclairé sur ce point. Ils se sont aperçus que la culture et notam-ment la raison ne protégeaient pas de la barbarie. Ils prenaient lʼexem-ple des nazis qui pouvaient être très cultivés, aimer la musique classique, etc., et qui nʼont pas hésité à organi-ser des camps de concentration. Cela signifie que, si en même temps que lʼon éduque la raison on nʼéduque pas la sensibilité, on perd ce quʼest le respect du visage dʼautrui. Lʼen-seignement de la morale ne doit donc pas passer uniquement par la raison, mais aussi par le développement de la sensibilité. Il devrait donc avoir deux piliers : - développer la raison, parce que cʼest ce qui permet de juger, de se faire un point de vue en réfléchissant, en examinant le pour et le contre ;- prendre en compte aussi la sensibi-lité. Cʼest la façon dont on est affecté par le monde qui nous environne et

lʼordre où elle est demandée, donner la priorité à ceux qui ne se sont pas exprimés, tendre la perche à ceux qui nʼont pas encore parlé ; - un reformulateur, qui sʼentraîne à écouter ce que disent les élèves pour pouvoir le redire (à partir du CE1) ; - un secrétaire de séance, qui essaye de comprendre ce qui se dit, de le no-ter pour être capable de le renvoyer à la classe ;- des observateurs (au cycle 3) ; - les discutants, avec un cahier des charges : essayer dʼintervenir ; éviter les redites, apporter des idées nouvelles pour faire avancer le débat et sʼen rendre responsables collecti-vement.

Ensuite, il faut être au clair sur les exi-gences intellectuel-les que jʼai rappe-lées tout à lʼheure.

Enfin, choisir des supports qui per-mettent lʼéveil et le développement de la pensée réflexive. Plusieurs supports sont intéressants :- la littérature de jeu-nesse dont jʼai dit un mot précédemment. Par exem-ple si vous prenez le conte de Thierry Dedieu, Yakouba, lʼimage de cet adolescent qui, pour devenir guerrier, doit tuer un lion. Il rencontre un lion blessé et ne le tue pas. Cela pose la question de savoir ce quʼest le courage. Est-ce que cʼest de tuer le lion ? Est-ce que cʼest de revenir dans sa tribu sans avoir tué le lion parce quʼil était blessé ? Là, on va avoir une réflexion philosophique sur le courage, comme Platon dans Le Lachès ; - les mythes comme celui de Gygès. On le retrouve dans Le Seigneur des anneaux. Porter un anneau qui rend invisible autorise à faire ce que lʼon veut sans le regard et le jugement dʼautrui. Le problème cʼest de sa-voir si, quand on a le pouvoir, on va forcément faire le mal ou si on peut lʼutiliser pour faire du bien. On voit comment, à partir du mythe, on peut poser un problème politique qui est le rapport entre le pouvoir et le bien, comme avec Yakouba où lʼon posait le problème moral du courage com-me vertu éthique ;

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notamment par autrui. Lʼempathie est la capacité à se mettre à la place dʼun autre. Tant que lʼindividu ne se place pas du point de vue de celui qui a été injurié en se disant : « Et moi, quand je me fais injurier, quel effet ça me fait ? », il nʼy a pas ce principe de réciprocité qui fait que lʼon peut comprendre lʼautre.

Alain Berthoz, professeur honoraire au Collège de France, a montré que la haine, le racisme, le dogmatisme et le fanatisme quʼil engendre viennent de ce que lʼon nʼa pas été éduqué à changer de point de vue, à se placer du point de vue de lʼautre. Cʼest la grande différence entre la sympathie et lʼempathie. Dans la sympathie, comme avec un ami, je fusionne un peu avec lʼautre. Je suis tellement affecté par lʼautre que je reste dans mon point de vue. Dans lʼempathie, je me mets de son point de vue à lui, je me déplace. Me placer dʼun autre point de vue que le mien me permet dʼenvisager les choses autrement. Le cas dʼinjures est très important. Quand on est du point de vue de ce-lui qui injurie, on a une logique de lʼacteur : par exemple « Je me sens méprisé, jʼinjurie ». Alors que si lʼon se place du point de vue de lʼautre, on se dit : « Quʼest-ce que ça fait dʼêtre injurié ? ». Être injurié, cʼest un coup de poing, un coup de poing avec le langage. Cʼest le fait dʼêtre agressé dans sa propre personne, hu-milié. Quelquʼun qui injurie et qui se met à la place de celui qui est injurié peut sentir quʼil est en train de faire du mal. Cʼest important pour lʼédu-cation de la sensibilité. Cʼest celui qui nʼest pas capable de se mettre à la place de lʼautre qui va le frapper, le torturer dans les cas les plus graves, sans lui-même souffrir du mal quʼil fait à lʼautre.

Un colloque a eu lieu récemment à lʼUNESCO7 sur les pratiques philosophiques. Comment sʼar-ticulent la philosophie à lʼécole aujourdʼhui et lʼinstruction ci-vique et morale dans les autres pays ?

On ne parle pas dʼinstruction civique dans tous les pays. En Angleterre, on nʼest pas un citoyen de la république anglaise, on est un sujet de Sa Ma-jesté. Lʼidée de citoyenneté est une

idée bien française par rapport à une République. Ainsi, cʼest en fonction des traditions historiques et politi-ques du pays que lʼinsertion dans la nation ou dans lʼÉtat va se faire8. Nos voisins belges ou les québécois ont privilégié eux, non pas une ins-truction civique au départ, mais une éducation à lʼéthique. En Belgique, il y a un cours de morale de deux heures par semaine du CP à la ter-minale. On va y trouver tout ce dont jʼai parlé sur lʼéveil du jugement moral. Il sʼétendra progressivement jusquʼà la citoyenneté. Cʼest par le biais de la morale que lʼon éduque à la citoyenneté. Un nouveau cours dʼéthique et de religion est mis en place au Québec, tout à fait laïque. Lʼaspect religieux est ce que lʼon appelle en France lʼenseignement du fait religieux. En éthique, on apprend aux enfants à développer leur juge-ment moral, en particulier lʼouver-ture à différents points de vue, quʼils soient politiques, religieux ou sur les préférences sexuelles. Ce sont des manières différentes de la France parce que la France a des traditions de laïcité. Elle a coupé la tête au roi, ce qui nʼest le cas, ni en Belgique, ni en Angleterre. On ne jure pas en France comme aux États-Unis sur la Bible. Donc, nous avons une par-ticularité qui fait que, pour nous, lʼinstruction morale et civique se fait dans le cadre dʼune République, dans le prolongement de lʼidéologie des lumières, avec une tradition ra-tionaliste. Ce sont les anglo-saxons qui ont mené une action sur lʼéveil à la sensibilité parce quʼil y a des ty-pes de philosophie où la morale est fondée sur le sentiment.

Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Oui, sur la dérive du conditionne-ment dans la discussion à visée phi-losophique.

Quels que soient les différents cou-rants de pratique philosophique en France, jamais lʼenseignant ne dit son point de vue. Comme cela les élèves ne sont pas dans le désir de bonne réponse du maître. Un élève se demande ce que le maître vou-drait quʼil dise pour lui faire plai-sir. Comme le maître ne dit pas son point de vue, on ne peut ni lui faire plaisir, ni lui rentrer dedans pour

7. United nations educational, scientific and cul-tural organization. 8. Se référer aux articles des pages 17,18, 19 et 20 de ce numéro.

sʼaffirmer soi-même, pour se poser en sʼopposant. Quand on nʼest plus dans le désir de bonne réponse, on est dans son propre désir de pensée. Cela évite tout conditionnement.

Mais ce nʼest pas pour autant quʼon ne doit pas éviter les sujets un peu brûlants. Le philosophe Paul Ricœur distinguait deux conceptions de la laïcité :- la laïcité dʼindifférence. Tu peux penser ce que tu veux, mais moi cela mʼest indifférent. Cela nʼinvite pas à la confrontation, au débat, chacun reste isolé dans son point de vue ;- la laïcité de confrontation. On dis-cute précisément de ce sur quoi on nʼest pas dʼaccord, mais on en discute dʼune manière réglée, structurée, ar-gumentée, pour valider son point de vue et comprendre celui de lʼautre. Cette laïcité de confrontation est très intéressante parce quʼelle développe le jugement réflexif.

La morale qui développe le juge-ment moral évite dʼapprendre par cœur un certain nombre de valeurs. Une valeur ne sʼapprend pas par cœur, elle se pratique ; aussi faut-il en comprendre le bien-fondé. Dans une discussion à visée philosophi-que, on écoute lʼautre et on le res-pecte car si on parle tous en même temps on ne sʼentend plus. La valeur dʼécoute, elle, a aussi une valeur de fonctionnement du groupe. Les enfants seront beaucoup plus sensi-bles à des modes dʼorganisation qui montrent que le respect de la parole dʼautrui est une condition même du dialogue, que si on leur dit « Il faut vous respecter les uns les autres », quʼon lʼécrive au tableau et que tous en chœur répètent : « Respectons-nous les uns les autres ». On peut le dire, mais entre le dire et le faire, cʼest toute la différence entre la mo-rale prescriptive et une morale qui est progressivement chez lʼenfant le fruit du jugement réfléchi.

Une interview réalisée par Thierry BOUR,

transcrite par Michèle PELLOUX.

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Morale ou éthique ?

Si chacun sʼaccorde à dire que la morale recouvre le champ des nor-mes et prescriptions impératives, des obligations, le terme dʼéthique recouvre quant à lui trois acceptions possibles selon les auteurs et les contextes.

Lʼéthique descriptive est lʼétude des différentes conceptions morales et de leurs évolutions. Lʼéthique prescrip-tive ne se distingue pas de la morale proprement dite, elle en est syno-nyme. Lʼéthique appliquée est la re-cherche pratique de « la vie bonne », de la meilleure façon dʼagir dans un contexte où des choix sont possibles, en référence à un système de valeurs pluriel.

De laquelle sʼagit-il lorsquʼon parle dʼéthique professionnelle des ensei-gnants ? Un peu des trois.

Commençons par l’éthique descriptive

Cʼest sans doute une banalité de dire que dans lʼécole française coexistent chez les enseignants plusieurs systè-mes de valeurs, plusieurs conceptions éthiques de leur profession. Ainsi, dans le 1er degré, jusquʼà une date ré-cente du moins, dominait une éthique centrée sur les élèves et leurs appren-tissages, alors que dans le second degré la majorité des enseignants se retrouvait dans une éthique plus éli-tiste, centrée sur « lʼexcellence » et des savoirs disciplinaires « de haut niveau » : tradition culturelle des écoles normales dʼun côté, de lʼuni-versité de lʼautre. Cette opposition est peut-être un peu schématique car les conceptions éthiques des enseignants sont sans doute plus variées et plus subtiles, mais elle explique la réser-ve pluriséculaire des enseignants du secondaire à lʼengagement éducatif, quʼils ont sous-traité dès le début du XIXe siècle à des personnels subalter-nes, surveillants et surveillants géné-raux devenus « conseillers dʼéduca-tion » en 1970.

Poursuivons par l’éthique prescriptive

Y a-t-il ou faudrait-il une morale pro-fessionnelle pour les enseignants ? La question est importante mais nécessi-te avant dʼêtre traitée un détour pour évoquer lʼautre système dʼobligations professionnelles auquel, comme tous les fonctionnaires, les enseignants sont soumis : le droit. À lʼécole, non seulement tout le droit sʼapplique, mais de plus il existe des obligations professionnelles propres aux person-nels. Les règles de cette déontologie juridique, comme il convient de lʼap-peler, ne sont pas rassemblées dans un code comme pour les professions libérales, mais relèvent de textes disparates allant de la Constitution (respect de la laïcité) aux arrêtés mi-nistériels définissant les programmes dʼenseignement, en passant par la loi Le Pors de 1983 (accomplissement du service, information du public, discrétion professionnelle, obéissan-ce aux instructions). Par définition lʼÉtat nʼimpose pas à ses fonction-naires dʼautres obligations que juri-diques. En vertu de quoi, sʼil existe des obligations professionnelles non juridiques, des déontologies morales, elles ne pourraient être que celles que des enseignants auraient librement décidé de se donner. En pratique, jʼen discerne au moins trois.- La première découle dʼune certai-ne lecture de lʼarticle L111-1 du code de lʼéducation : « Outre la transmis-sion des connaissances, la Nation fixe comme mission première à lʼécole de faire partager aux élèves les valeurs de la République (…) Dans lʼexer-cice de leur fonction, les personnels mettent en œuvre ces valeurs. » Cette lecture consiste à voir dans cette der-nière phrase lʼidée dʼune conduite moralement irréprochable, exemplai-re des enseignants dans lʼexercice de leur métier. Une morale au service du droit.- La seconde morale consiste, à lʼop-posé de la précédente, à sʼaffranchir des règles du droit, notamment de la

L'ÉTHIQUE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS

La question de l’enseignement de la morale à l’école, ou encore - ce qui revient au même - de savoir si l’école publique doit se préoccuper d’éduquer ou bien se contenter d’instruire, est aussi ancienne que l’école publique elle-même. Elle date précisément de la Révolution française.

En réplique à La Chalotais qui, dans son Essai sur lʼÉducation nationale écrit : « Je prétends revendiquer pour la nation une éducation qui ne dépende que de lʼÉtat », Condorcet répond, quelques années plus tard, dans son Premier mémoire sur lʼIns-truction publique : « Lʼéducation pu-blique doit se borner à lʼinstruction [...] parce quʼune éducation publi-que deviendrait contraire à lʼindé-pendance des opinions [...]. Or, la liberté de ces opinions ne serait plus quʼillusoire si la société sʼemparait des générations naissantes pour leur dicter ce quʼelles doivent croire ». Ce débat, entre dʼun côté le souci de la cohésion sociale et de lʼautre celui de la liberté individuelle, rebondit au début du XXe siècle entre Jaurès, par-tisan dʼune Éducation nationale, et Clémenceau, favorable à une instruc-tion publique, qui lui réplique : « Si je devais choisir entre la République et la liberté, je choisirais la liberté. » Aujourdʼhui, il est loin dʼêtre clos entre les défenseurs des deux piliers éducatifs du Socle commun et leurs détracteurs, qui pensent à lʼinstar du SNES1 que « lʼécole nʼest pas là pour enseigner des attitudes normatives aux élèves ». Toutes les sociétés dé-mocratiques cherchent de nos jours à opérer une synthèse de ces deux pré-occupations majeures, en sʼefforçant de trouver les formes les mieux adap-tées à leur situation et à leur temps.

En France, la morale a donc été réintroduite à lʼécole. Cʼest moins cette décision que je voudrais com-menter ici que la question de savoir ce qui, en conséquence, est attendu des enseignants. Ou encore : ensei-gner la morale aux élèves implique-rait-il une éthique particulière pour les enseignants ? Autre manière de le dire : doivent-ils être exemplaires et constituer des « modèles » pour leurs élèves ? Pourquoi alors deux termes qui, on va le voir, ne sont pas forcé-ment équivalents : la morale pour les élèves, lʼéthique pour leurs maîtres ? Commençons donc par clarifier ces notions.

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règle dʼobéissance aux instructions, au nom dʼune morale se voulant su-périeure au droit lui-même. Cʼest le cas de ces instituteurs qui refusent dʼenseigner des programmes offi-ciels qui ne conviennent pas à leurs conceptions éducatives ou pédagogi-ques. Ces « désobéissants », comme ils se nomment, se réfèrent au grand mouvement de la désobéissance ci-vile, qui de Gandhi à Martin Luther King sʼest opposé, souvent efficace-ment, à nombre dʼoppressions. On doit cependant sʼinterroger sur les arguments susceptibles de fonder la supériorité dʼune conception morale des programmes scolaires sur leur définition juridique dans un état dé-mocratique. Une morale au-dessus du droit.- La troisième morale sʼappuie sur lʼarticle premier de la Déclaration universelle des droits de lʼHomme de 1948 : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits… ». En distinguant ainsi la dignité humaine des droits hu-mains, la Déclaration introduit une dimension morale à côté, voire au-dessus du droit (symboliquement, les rédacteurs ont fait précéder la dignité). Cette morale consiste donc, à côté dʼun droit scolaire inégalitaire par essence (les droits et obligations dʼun élève ne sont pas ceux dʼun en-seignant), à introduire comme règle de lʼécole le respect de lʼégale di-gnité de tous, adultes et élèves, bons et mauvais élèves, filles et garçons, Blancs et Noirs, etc. ; et donc à sʼin-terdire et à condamner les conduites et les principes jugés indignes : vio-lences, incivilités, racisme, sexisme, humiliations ; et ceci quʼils soient ou non juridiquement répréhensibles. Ainsi les propos racistes constituent une infraction pénale, mais pas le racisme en lui-même. Une morale à côté du droit.

Abordons enfin l’éthique appliquée

Elle consiste, on lʼa vu, en la recher-che par chaque enseignant de ce quʼil juge être la meilleure - ou la moins mauvaise - façon dʼagir, en fonction des circonstances et en référence à un système de valeurs. Contrairement à beaucoup dʼautres métiers aux nor-mes plus contraignantes et mieux contrôlées, lʼinstitution scolaire ac-

corde aux enseignants ce quʼil est convenu dʼappeler une « liberté pé-dagogique », en fait une autonomie juridiquement définie par lʼarticle L912-1 du code de lʼéducation, qui dispose que : « Les enseignants sont responsables des activités scolaires des élèves », et modérée par lʼarticle L311-3 du même code, qui introduit le respect des programmes et des ca-pacités des élèves : « Les program-mes constituent le cadre national au sein duquel les enseignants organi-sent leurs enseignements en prenant en compte les rythmes dʼapprentissa-ge de leurs élèves. » Mais comme le remarque le sociologue Philippe Per-renoud : « Lʼautorité énonce des pro-grammes et multiplie les directives mais ne se donne guère les moyens

dʼen contrôler la mise en œuvre dans les classes. » Pourtant constate-t-il, « très peu dʼenseignants sʼautorisent des écarts majeurs aux programmes et aux règles », comme sʼils « se sen-taient comptables du bien public au-delà et au besoin en dépit des injonc-tions ministérielles ». Autrement dit, les enseignants disposent dʼune liber-té pédagogique de fait bien plus vaste que celle que le droit de lʼÉducation leur reconnait ; mais il semble globa-lement quʼils nʼen abusent pas !

Quʼest donc cette liberté pédagogi-que, sinon la possibilité pour une très grande variété dʼéthiques profession-nelles (ce que chacun estime bien de faire avec ses élèves) de se déployer assez librement dʼune école à lʼautre, voire au sein de la même école dʼune classe à lʼautre, et dans lʼenseigne-ment secondaire dʼun professeur à lʼautre dans la même classe. Bien sûr, il existe des injonctions institution-

nelles au « travail en équipe », mais là aussi il ne sʼagit que de recomman-dations dʼordre éthique et non pas ju-ridique : a-t-on jamais entendu parler dʼun enseignant sanctionné parce quʼil préférait travailler seul ?

Pour conclure

Revenons à notre problématique de départ, les conditions éthiques de lʼenseignement de la morale à lʼécole. Dʼune part il y a le droit : les enseignants doivent enseigner les programmes, notamment celui-là. Dʼautre part il existe des morales pro-fessionnelles, adoptées et promues li-brement par certains enseignants : les premiers sʼimposent dʼêtre exemplai-res ; les seconds décident de désobéir publiquement (ce qui nʼest pas moins exemplaire, mais quel exemple !) ; les troisièmes font de la morale pratique dans leurs classes, en appliquant aux élèves peu respectueux de la dignité des autres la fameuse « règle dʼor »

morale : « Est-ce que tu aurais aimé quʼil te fasse ce que tu viens de lui faire ? Non ? Alors ne fais

pas à autrui ce que tu nʼaime-rais pas quʼil te soit fait ! » Enfin, le vaste domaine de la « liberté pédagogique » per-met, surtout dans un domaine comme lʼenseignement de la morale, le déploiement dʼune infinie variété de conceptions en matière éducative et péda-

gogique. La question est de savoir, au-delà

même de lʼinstitution, si les parents, et plus largement les citoyens accep-teront toujours cette situation. Ou bien si apparaîtra demain une deman-de de davantage dʼautorité, de plus dʼengagement de lʼÉtat. Car on ne peut pas faire porter aux enseignants la responsabilité de cette grande li-berté : ce serait en effet à lʼÉtat - si la Nation le souhaitait - de définir éven-tuellement un cadre éducatif et péda-gogique juridiquement plus exigeant, et de se donner les moyens de le faire appliquer.

Jean-Pierre OBIN, inspecteur général de lʼÉducation

nationalewww.jpobin.com

1. Syndicat national des enseignements de second degré.

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L’INSTRUCTION MORALE À L’ÉCOLE PRIMAIRE :OUI, MAIS LAQUELLE ?

L’instruction civique et morale, déjà présente dans les programmes 2008 du CP au CM2, s’inscrit dans les compétences 6 et 7 du socle commun : sociales et civiques ; autonomie et initiative. L’ob-jet de cet article consiste à expliciter les orientations données par la circulaire du 25 août 20111

relative à « l’instruction morale à l’école primaire » qui développe les objectifs de cet enseignement et présente une démarche pédagogique de nature à les atteindre.

Pourquoi cette circulaire sur l’instruction morale

à l’école primaire ?

• Instruction civique, instruction morale : une distinction à établirL̓ instruction civique participe à lʼéducation du citoyen par une meilleure connaissance des textes, des symboles et des institutions de la République.

L̓ instruction morale, enseignement à part entière, amène lʼécole à pren-dre en compte la personne dans sa li-berté individuelle ainsi que dans ses relations avec autrui. • Enjeux sociétaux et éducatifs Les objectifs définis par cette circu-laire permettent de fixer les princi-pes mêmes de la morale, au travers du respect des valeurs et des règles communes qui se traduisent par des droits et des devoirs acceptés par tous et par chacun. À ce titre, les contenus de cette circulaire ré-pondent aux attentes de notre so-ciété, notamment dans la réponse de lʼécole face à lʼincivilité et la violence. Lʼexemplarité de lʼensei-gnant favorise pleinement la prise de conscience de ce quʼest la liberté individuelle basée sur un ensemble de droits et de règles à respecter, re-connus par tous et permettant dʼac-céder à lʼidée du bien. Quelle démarche pédagogique ?

• Le lien entre les contenus des programmes 2008 et ceux de la cir-culaire en questionDans la plupart des classes, cet en-seignement se traduit essentiellement par la mise en place de débats organi-sés à la suite dʼun événement particu-lier survenu dans lʼécole et souvent par lʼélaboration de règles de vie de classe. Les élèves travaillent ainsi certains aspects de lʼinstruction civi-que et morale.

différents thèmes, non hiérarchisés, peuvent être exploités en classe à partir de supports diversifiés : mo-rale des fables, textes à caractère littéraire, situations pédagogiques, maximes. Ces dernières sont recom-mandées pour mettre en exergue une valeur ou une règle fondamentale.

Depuis la rentrée scolaire 2011, le site Eduscol2 propose des ressour-ces et références à disposition des enseignants. Cet outil recueille un ensemble de maximes, regroupées en fonction des quatre grands do-maines, concernant le bien et le mal, le vrai et le faux, la sanction et la réparation, le respect des règles, le courage, la loyauté, la franchise, le travail, le mérite individuel, la dignité, les droits et les devoirs, la liberté individuelle et ses limites, lʼégalité, la politesse, la fraternité, la solidarité, lʼexcuse, le respect, lʼhonnêteté, la justice, la tolérance, la maîtrise de soi.

Pour conclure

L̓ instruction morale à lʼécole pri-maire sʼinscrit dans une pratique exigeant un regard bienveillant de lʼenseignant vis-à-vis de lʼélève pour lʼaider à appréhender, de manière ex-plicite, dès le plus jeune âge, la no-tion de respect dʼautrui, valeur essen-tielle à construire et à renforcer dans le cadre de lʼécole.

Bernard CALVET, IEN ASH

Martine LAGEAT-FABRE, IEN à Brétigny-sur-Orge

1. http://www.education.gouv.fr/pid25535/ bulletin_officiel.html?cid_bo=57284 2. http:/ /eduscol.education.fr/cid57309/l- instruction-morale.html

En complément, lʼenseignement de lʼinstruction morale à lʼécole pri-maire, de nature tout à fait parti-culière, doit permettre à lʼélève de se construire une « conscience mo-rale » en sʼappuyant sur des valeurs positives qui doivent faire lʼobjet dʼun enseignement structuré et pro-gressif.

• Les modalités de cette démarche pédagogiqueCette pratique sʼinscrit sur un temps régulier, quotidien, plutôt situé en début de journée. Il sʼagit de placer les élèves en situation de réflexion collective et individuelle en rap-port à des situations morales. Au-delà des situations vécues dans les classes, cet enseignement sʼappuie sur des lectures, des récits, des évé-nements, dans et hors lʼécole, qui permettent de dégager une problé-matique morale adaptée à lʼâge des élèves. Lʼenseignant leur demande ensuite dʼargumenter, de justifier, ce qui permet de développer les com-pétences langagières relatives à la maîtrise de la langue française. Cette démarche sʼappuie sur lʼutilisation de maximes concises et courtes qui permettent une mémorisation aisée des principes moraux. Par ailleurs, il est essentiel quʼune trace écrite soit élaborée et mémorisée par les élèves.

Il ne sʼagit donc pas dʼintroduire un cours magistral mais de mener une analyse collective, structurée qui conduit à une pensée argumentée et justifiée.

Quels contenus ?

La circulaire demande de travailler à partir de thématiques dans quatre grands domaines : lʼintroduction aux notions de la morale, le respect de soi, la vie sociale et le respect des personnes, le respect des biens. Ces

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PROGRESSIONS POUR L’ÉCOLE ÉLÉMENTAIRE EN INSTRUCTION CIVIQUE ET MORALE

Le ministère de l’Éducation nationale, dans le bulletin officiel numéro 1 du 5 janvier 20121 met à la disposition des enseignants un ensemble de progressions relatif à divers domaines disciplinaires, du CP au CM2 : français, mathématiques, sciences, découverte du monde, EPS2, histoire, géogra-

phie et instruction civique et morale à laquelle cet article est consacré.

Les progressions présentées donnent des repères aux équipes pédagogiques pour organiser lʼenseignement de lʼinstruction civique et morale. Deux documents sont mis à disposition sur le site Eduscol3, lʼun concerne le cy-cle des apprentissages fondamentaux et lʼautre, le cycle des approfondisse-ments. Pour chacun de ces niveaux, les connaissances acquises dans la classe antérieure sont à consolider.

Le cycle des apprentissages fondamentaux

À ce stade, les objectifs de lʼinstruc-tion civique et morale concernent les règles de politesse, de coopération et de respect, dans un souci de lʼacqui-sition progressive de la responsabilité et de lʼautonomie.

Au CP et au CE1, il sʼagit dʼaborder, en complexifiant dʼune année sur lʼautre :• La découverte des principes de la morale- les premiers principes de la mo-rale ;- des notions de droits et de de-voirs.• Lʼapprofondissement de lʼusage des règles de vie collective- des usages sociaux de la politesse ;- la notion de respect des autres ;- des modalités de coopération à la vie de la classe.• Lʼéducation à la santé - lʼhygiène corporelle ;- lʼéquilibre de lʼalimentation.• Lʼéducation à la sécurité - les objets et la sécurité : prévenir, protéger, alerter, intervenir auprès de la victime ;- une sensibilisation aux risques liés à la navigation sur Internet. • Lʼéducation à la sécurité routière pour les piétons, passagers et rou-leurs• La connaissance de symboles de la République

Le cycle des approfondissements

Les objectifs visent la compréhen-sion des grands principes de lʼaction morale. Les élèves doivent apprendre la différence entre les principes uni-versels (les droits de lʼhomme), les règles de lʼétat de droit (la loi), et les usages sociaux (la civilité).

L̓ enseignement sʼappuie sur trois éléments :- des situations concrètes : lʼétude de maximes, dʼadages, de morales tirées de fables, de textes divers pré-sentant une problématique morale ;- lʼapprentissage de lʼargumentation ;- lʼélaboration dʼune trace écrite qui formalise une interprétation simple et partagée.

Du CE2 au CM2, il sʼagit dʼaborder, en complexifiant dʼune année sur lʼautre :• Les éléments de connaissances et de compétences sur lʼestime de soi, le respect de son intégrité et de lʼin-tégrité de personnes- les principales règles de politesse et de civilité ;- les contraintes de la vie collec-tive ;- les règles de sécurité, lʼinterdic-tion des jeux dangereux ;- les gestes de premiers secours ;- la capacité dʼalerter le 15 ;- les règles élémentaires de sécurité routière ;- les connaissances sur les risques liés à lʼusage dʼInternet ;- la responsabilité de ses actes ou de son comportement.• Les éléments de connaissances et de compétences sur des règles de droit dans lʼorganisation des rela-tions sociales - les notions de droits et de devoirs, la compréhension des valeurs, des textes fondateurs, des textes de la république française et de lʼUnion européenne ;- la déclaration des droits de lʼHom-

me et du citoyen (uniquement pour les CM1 et CM2).• Les éléments de connaissances et de compétences sur les règles élé-mentaires dʼorganisation de la vie publique et de la démocratie - le refus des discriminations de toute nature ;- la connaissance de ce quʼest la dé-mocratie représentative ;- lʼélaboration de la loi et de son exécution ;- les enjeux de la solidarité nationale.• Les éléments de connaissances et de compétences sur les traits consti-tutifs de la nation française - quelques caractéristiques du terri-toire français ;- quelques étapes de lʼunification française.• Les éléments de connaissances et de compétences sur lʼUnion euro-péenne et la francophonie - la diversité des cultures et la cons-truction européenne ;- les pays francophones.

Cet ensemble de progressions repré-sente des points dʼappui essentiels pour venir en aide aux équipes péda-gogiques et il peut être utilisé libre-ment, voire modifié dans le cadre des activités dʼenseignement scolaires. Ce travail mérite une réflexion col-lective quant aux modalités de mise en œuvre dans les différents niveaux de classes pour assurer la nécessaire cohérence des enseignements et la continuité des apprentissages, dans le cadre des attendus du socle com-mun de connaissances et de compé-tences.

Bernard CALVET, IEN ASHMartine LAGEAT-FABRE, IEN à

Brétigny-sur-Orge

1. http://www.education.gouv.fr/pid25535/ bulletin_officiel.html?cid_bo=58619 2. Éducation physique et sportive.3. http:/ /eduscol.education.fr/cid57309/l- instruction-morale.html

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QUELLE ÉDUCATION CIVIQUE ET MORALE AUJOURD’HUI ?

Après une analyse des évolutions historiques relatives à l’enseignement de l’éducation civique, François Galichet définit les trois axes autour desquels l’instruction civique et morale doit être conduite aujourd’hui dans les classes.

De toutes les disciplines scolaires, l'éducation civique est celle qui a le plus changé. Changement de nom dʼabord. Elle sʼest initialement ap-pelée instruction civique, ce qui indiquait son assimilation au savoir. Conformément à la philosophie des Lumières, lʼinstruction était supposée engendrer par elle-même un change-ment dʼattitude et une adhésion aux valeurs républicaines. Parallèlement, lʼéducation morale était chargée dʼin-culquer des règles de comportement pour la vie quotidienne ; mais le lien entre lʼune et lʼautre était assez va-gue.

Puis lʼinstruction civique est devenue éducation civique : on avait pris cons-cience du fait que le civisme relevait de lʼaffectivité autant que de lʼintelli-gence, et de la pratique autant que de la théorie. Elle sʼest du même coup élargie à des démarches pédagogi-ques nʼimpliquant plus seulement des savoirs, mais des savoir-faire et des savoir-être. De ce fait, elle a pour ainsi dire annexé lʼéducation morale qui avait pratiquement disparu en tant que telle.

Instruction versus éducation

Dans les années quatre-vingts, une nouvelle appellation sʼest imposée : lʼéducation à la citoyenneté. Cette fois, il sʼagissait de souligner le fait quʼelle ne se limitait pas à être une discipline déterminée, mais devait imprégner et enrichir les autres dis-ciplines. Toute pratique et toute con-naissance ayant nécessairement une dimension politique, il devenait pos-sible et nécessaire de faire prendre conscience de cette universalité en installant la citoyenneté au cœur de la vie de la classe.

Dès lors, lʼimportant nʼétait plus de dispenser des connaissances ou de modeler des comportements, mais de favoriser une socialisation démocratique passant par tous les aspects de la vie de la classe, une ap-propriation coopérative des appren-

tissages, une solidarité de tous les instants, une ouverture à la significa-tion civique et écologique des savoirs. L̓ éducation morale ne se distinguait plus de lʼinstruction civique : lʼune et lʼautre se fondaient dans et par le concept global de citoyenneté.

Il semble bien quʼaujourdʼhui un nouveau changement soit amorcé. Le retour aux savoirs fondamentaux, la mise en veilleuse de compétences qui concernent la socialisation et la co- opération et le retour emblématique à la leçon de morale traditionnelle constituent un retour dʼautant plus notable quʼil ne paraît pas nécessai-rement correspondre aux évolutions actuelles du métier dʼenseignant.

Comment expliquer ce virage ? La société des années 80 était partagée entre un individualisme compétitif propre au fonctionnement capitalis-tique de lʼéconomie et un désir de solidarité ressenti comme une com-pensation nécessaire aux contraintes de cette économie. Dans ce contexte, lʼéducation à la citoyenneté contreba-lançait les risques de désagrégation et de contestation sociale engendrés par la brutalité des évolutions éco-nomiques. Il fallait cultiver un na-tionalisme quelque peu passéiste et nostalgique pour prévenir les dérives dʼune mondialisation sans freins et sans contrôle.

Aujourdʼhui, ces dérives sont évi-dentes et la crise leur donne une signification de plus en plus criante. La nation ne pèse plus grand-chose dans le contexte dʼune situation qui échappe à lʼemprise des États. En té-moigne lʼévolution des programmes de géographie des lycées, qui fait disparaître lʼétude et même la carte de la France au profit des seuls éche-lons européens et régionaux.

Les trois dimensions de l’instruction civique et morale

Quelle pourrait être une éducation ci-vique et morale dans un tel contexte ? La citoyenneté dʼaujourdʼhui ne peut plus sʼenfermer dans un cadre natio-

nal. Elle ne peut être que mondiale et viser lʼuniversalité. En ce sens, elle se rapproche de lʼéducation morale voire sʼidentifie à elle. L̓ une et lʼautre se développent selon trois axes.

Le premier concerne la relation au monde. Les disciplines scolaires, notamment lʼhistoire et la géographie, fournissent déjà de nombreuses con-naissances à son sujet. Dans ces conditions, lʼéducation civique ne saurait consister à en ajouter quel-ques unes, mais plutôt à proposer une autre approche, irréductible au savoir. Le voyage est la manière ci-toyenne dʼaborder le monde. Il subs-titue à la connaissance théorique lʼexposition directe à la rencontre, à la contestation imposée par lʼaltérité et aux exigences liées à la vie en commun. Rousseau en faisait « une partie de lʼéducation » et lui a con-sacré un chapitre entier de LʼÉmile. Le voyage sous toutes ses formes (visites, sorties, classes vertes, etc.) est donc la première forme de lʼédu-cation civique et morale.

Le second axe concerne la relation à autrui, considéré individuellement comme personne. La citoyenneté lʼaborde sous le double mode de la relation coopérative et pédagogique. Mon concitoyen est à la fois celui avec qui je collabore - dans le travail, la vie associative, les loisirs - et celui que jʼenseigne - dans le débat démo-cratique, la vigilance critique, lʼini-tiation mutuelle. Il faut que ces deux

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À L’ÉCOLE, IL FAUT ENSEIGNER LA MORALE

Cet article présente une action menée en équipe d’école visant à élaborer un règlement commun constitué de contenus parta-gés par tous les acteurs.

Et si nous commencions par nous entendre, entre adultes, et par nous fixer quelques règles incontournables dʼun fonctionnement dʼécole respec-tueux ?

Soutenus par lʼinspectrice de lʼÉdu-cation nationale de la circonscription, cʼest ce que nous avons souhaité fai-re en 2007 avec la participation des conseillères pédagogiques, de lʼOC-CE1, de la référente du REP2 et de la psychologue scolaire. Nous avons pu réfléchir en équipe de cycle, lors dʼun stage dʼécole intitulé « Continuité et cohérence pour les élèves de la PS au CM2 ».

Une des finalisations de ce stage a consisté en la rédaction dʼun document de référence que nous

avons souhaité humoristique pour pouvoir être appréhendé positive-ment par tous les enseignants, ti-tulaires ou de remplacement, ainsi dʼailleurs, que par tout le personnel de lʼécole.

Nous lʼavons nommé « Les douze commandements ». Il est affiché dans lʼécole et mis à disposition de chaque enseignant, en bonne place, dans sa pochette « Registre dʼappel et docu-ments de lʼécole ».

Un autre document spécifique à lʼécole maternelle a ensuite pu être élaboré. Davantage centré sur les apprentissages et le climat dʼécole, il permet dʼassurer cohérence et har-monie à notre fonctionnement dʼéco-le. Cʼest la « Charte de lʼécole mater-nelle Paul Gauguin ».

1 Ta parole à chaud et à froid, tu maîtriseras.2 A chaque élève, tu tʼintéresseras.3 En cas de besoin, secours tu demanderas.4 Si besoin, aide tu apporteras.5 A la parole de lʼélève, attentif tu seras.6 Avec les parents, tes mots tu pèseras.7 Pour toute conversation privée, tu tʼisoleras.8 Tout « a priori », tu éviteras. 9 La confiance, tu nourriras et tu préserveras.10 L̓ enfant vers lʼélève citoyen, tu accompagneras.11 Toutes les différences, tu respecteras.12 Cette charte tu respecteras, sinon, puni tu seras !

Et heureux à Gauguin tu seras

Les douze commandements

Lʼéquipe pédagogique du groupe scolaire Paul Gauguin de Courcouronnes

1. Office central de la coopération à lʼécole.2. Réseau dʼéducation prioritaire.

aspects se retrouvent dans la vie de la classe sous la forme du travail en équipe et du monitorat entre élèves.

Le troisième axe structure le rapport à soi. Être citoyen, cʼest être capable de rendre compte à soi-même des raisons dʼagir, mais aussi dʼhésiter. Cʼest être en mesure de dialoguer constamment avec soi et de pratiquer ce quʼon appelle une citoyenneté ré-flexive. Hannah Arendt faisait de ce dialogue intime le fondement de la conscience morale. Cette compétence sʼacquiert dans et par le débat philo-sophique à lʼécole.

L̓ éducation civique et morale aujourdʼhui ne saurait se réduire à des recettes ou à des gadgets. Elle ne peut ni ne doit être livrée aux aléas de la démagogie ou du populisme. Elle ne consiste ni dans un corpus de savoirs ni dans la soumission à des règles. Organisant le triple rapport au monde, à autrui et à soi, elle passe par des pratiques pédagogiques qui per-mettent et enrichissent ce rapport.

François GALICHET,professeur des universités émérite

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Mode ou besoin, la notion de citoyenneté et de socialisation touche aujourdʼhui toutes les disciplines scolaires. Tradi-tionnellement, on considère les mathé-matiques ou le français comme des dis-ciplines de « transmission de savoirs » et lʼon attribue fréquemment des « vertus plus éducatives » à lʼinstruction civique et morale, lʼart ou lʼEPS1.

Dans les différents écrits concernant la socialisation ou la sociabilité, reviennent souvent la notion dʼapprentissage des relations à autrui, la notion dʼensemble de connaissances, de compétences, de normes et de valeurs qui permettent de sʼintégrer dans la vie sociale.

Par la mise en jeu du corps, des interac-tions entre élèves et adultes, des contacts, du rapport à la règle, lʼEPS est indubita-blement source dʼattention et de réflexion sur le développement et la mise en place de relations sociales.

Quelques pistes pour construire une « programmation

socialisante »

Hormis les différences de capacités mo-trices, la perception de lʼenvironnement, des règles, de la relation à autrui et le rôle de lʼadulte varient en fonction de lʼâge des enfants. Avant sept ans, lʼélève a ten-dance à considérer lʼaction comme auto-risée ou non, lʼenseignant est alors vu comme un poseur de limites. À partir de sept ans, il sʼinstalle une reconnaissance entre pairs et lʼégocentrisme diminue. Puis, après onze ou douze ans, lʼidée de réciprocité apparaît, de même que la prise en compte des différents points de vue. Il est important dʼintégrer ces cons-tats dans la réflexion sur les activités car on programme souvent une APSA pour ses spécificités motrices en oubliant les compétences sociales et affectives quʼel-le met en jeu.

A propos des sports collectifs

Les sports collectifs participent à lʼédu-cation à la citoyenneté. Cette idée large-

L’EPS AU SERVICE DE L’ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ

Les activités physiques, sportives et artistiques (APSA) sont généralement programmées selon les habiletés motrices qu’elles mettent en jeu ou qu’elles développent. Mais puisque les APSA ont bien d’autres vertus, ne peut-on les programmer autrement ?

ment répandue conduit souvent à les pro-grammer afin de favoriser la coopération et améliorer lʼentente entre élèves… Il est surprenant dʼobserver pourtant que, bien souvent, les effets réels sont loin de ceux attendus.

La pratique dʼun sport collectif impli-que de sʼorganiser pour surmonter les difficultés que génèrent la confrontation à lʼéquipe adverse et lʼacceptation de règles. Néanmoins, des conflits peuvent apparaitre car lʼactivité en elle-même est étroitement liée à la notion de com-pétition, de score et donc à la volonté dʼêtre vainqueur, parfois même à tout prix.

La connaissance de quelques éléments historiques sur les sports collectifs per-met dʼéclairer les pratiques et les mo-dalités de jeu. Prenons deux exemples. L̓ objectif du handball, après la première guerre mondiale, consistait à dévelop-per lʼentrainement physique des jeunes en privilégiant le contact et la rapidité. Le basketball permettait dʼoffrir une ac-tivité pour calmer une classe de jeunes difficiles, en interdisant les chocs et les contacts.

On le voit, telle ou telle pratique engen-dre inévitablement des comportements différents. Programmer un cycle rugby, ultimate2 ou basketball permet plus faci-lement de développer la coopération que la mise en place dʼun cycle handball ou football, bien quʼils fassent tous partie dʼune même catégorie.

Du côté de la création

Des activités comme lʼacrosport, la gymnastique rythmique, le cirque ou la danse apparaissent rarement au premier plan des programmations et pourtant el-les permettent la coopération et lʼinté-gration de tous. Chaque élève, fille ou garçon, du plus grand au plus petit, du plus agile au moins agile, du plus lourd au plus léger peut être intégré dans une figure ou une chorégraphie grâce à ses capacités physiques et/ou créatrices. Les contacts et la tenue de différents rô-

les sont incontournables. Toute produc-tion ne peut être réalisée et prendre sens quʼavec la participation et le regard de lʼautre.

Les autres APSA comportent-elles toutes

une entrée « sociologique » ?

Toutes y contribuent pleinement, par exemple :• la gestion de la prise de risques pour soi mais aussi pour les autres, en orienta-tion ;• lʼassurance dʼun camarade en esca-lade ;• le développement de lʼautonomie dans lʼespace, la maîtrise des réactions émotionnelles ou encore le respect des règles morales dans lʼapprentissage du code de la route ;• le respect des valeurs et des codes dans les activités dʼopposition ;• le dépassement de soi et le positionne-ment dans lʼéquipe, en athlétisme.

Parer, arbitrer, chronométrer, évaluer… participent au développement de la con-fiance en soi, de la capacité à assumer des responsabilités vis-à-vis de ses ca-marades et relèvent aussi de lʼacquisi-tion de compétences sociales et civi-ques.

Effectuer une liste exhaustive des ap-ports de lʼEPS est difficile. En revanche, il est possible dʼaborder lʼenseignement des APSA en tenant compte des apports socio-affectifs autant que des apports moteurs, ce qui permet de développer des compétences civiques de manière active.

Nathalie GALLET, conseillère pédagogique EPS

à Draveil

1. Éducation physique et sportive.2. Sport collectif utilisant un frisbee et opposant deux équipes de sept joueurs. L̓ objectif est de mar-quer des points en progressant sur le terrain par passes successives vers la zone adverse et dʼy ré-ceptionner le disque.

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Un support privilégié

Le travail sur la règle est un des moyens dʼintégrer les notions de règlement, de loi et au-delà, de comportements sociaux. La repré-sentation largement répandue chez les enfants de la loi ou de la règle est quʼelle est un outil de coerci-tion sociale, de réduction de la li-berté individuelle. Si lʼon souhaite quʼelle soit respectée, il faut dé-montrer quʼelle est un cadre permettant de mieux vivre ensem-ble.

Dans une séance dʼEPS cohabi-tent plusieurs types de règles : ins-titutionnelles (règlement de lʼécole, règles de vie…), groupales (organi-sation de lʼactivité, constitution des équipes…), de sécurité, dʼappren-tissage (contenus dʼapprentissage) et les règles de jeu. Cʼest par ces dernières que nous espérons agir sur les représentations dʼimposi-tion, de coercition liées aux autres règles.

Un jeu collectif ou dʼopposition ne détient pas, en soi, des vertus so-cialisantes. Les pratiques sportives médiatisées montrent quʼun sport collectif peut signifier la haine de lʼautre, la mise en valeur de lʼindi-vidu au détriment du groupe, la cri-tique systématique de la règle et de son représentant, lʼhabileté à con-tourner la règle comme compétence recherchée, etc.

Il est préférable de sʼappuyer sur les jeux plutôt que sur les sports collectifs ; cʼest la démarche utili-sée qui est primordiale.

Un exemple : la balle assiseCe jeu collectif traditionnel peut être utilisé au cycle 2 ou au cycle 3, si travailler le respect de la règle est nécessaire. Il sʼagit de faire évoluer ensemble la règle, pour répondre aux limites du jeu, et comprendre quʼelle le rend plus intéressant pour tous.

CONSTRUIRE LA RÈGLE EN EPS

En EPS1, la construction collective de la règle et son suivi, dans un cadre spatial et temporel con-traint, permettent à l’élève d’en comprendre la nécessité sociale pour un mieux vivre ensemble.

Règle 1 : Elle est minimale. La sur-face du terrain est délimitée. Celui qui est touché par une balle lancée sʼassied où il a été touché (même sʼil bloque la balle). Une fois quʼelle a touché terre, la balle est morte et on peut la prendre. Le gagnant est le dernier debout.

La première durée de jeu est de deux minutes environ.

Constats : Les joueurs assis sʼennuient. Que faire pour que tout le monde puisse continuer à jouer ?Règle 2 : Un joueur assis qui récupère la balle se relève et revient dans le jeu.

Constats : Cʼest le ou les mêmes joueurs qui ont la balle. Comment éviter que les mêmes enfants aient toujours la balle ?Règle 3 : Un joueur ne peut faire deux lancers de suite. L̓ interdiction de deux lancers de suite pourra être levée plus tard (voir règle 7).

Constats : Le porteur de balle poursuit un joueur qui a peu de chances de lui échapper. Règle 4 : Le porteur de balle ne peut pas marcher avec la balle.

Constats : Cette dernière règle entraine une prise rapide dʼinformation et de décision . Rapidement, on observe des alliances. On laisse les alliances se faire et se défaire. On peut aussi les marquer.Règle 5 : Les alliances sont repérées par des dossards.

Constats : Les équipes peuvent être en nombre supérieur à deux. Le porteur de

balle a désormais deux solutions : tou-cher un adversaire ou délivrer un par-tenaire. On ne peut que fuir devant le porteur de balle, il délivre facilement ses partenaires.Règle 6 : Si on attrape la balle sans quʼel-le retombe à terre, on ne sʼassied pas.

Constats : Les tirs et lancers deviennent plus précis, les réceptions aussi. Il y a désormais possibilité de faire des passes et on peut éviter à un partenaire de sʼas-seoir si on intercepte la balle. La passe permet de faire la chasse au joueur et introduit des stratégies complexes.

Si le droit de faire plusieurs tirs de suite est réintroduit, certains élèves se font eux-mêmes des passes ou repren-nent une balle quʼils font mourir en la faisant toucher terre.

Un joueur peut garder la balle trop longtemps, on veut lʼéviter (règle 7) ou on souhaite travailler le dribble (unique-ment fin C3, règle 8).Règle 7 : Les passes à soi-même et le dribble sont interdits (cela dynamise le jeu et fait circuler la balle entre les joueurs).Règle 8 : Le dribble est autorisé (atten-tion, le dribble privilégie les joueurs les plus habiles au détriment des stratégies collectives).

Constats : Le porteur de balle cherche à asseoir ses adversaires. Certains élèves restent longtemps assis.Règle 9 : L̓ équipe qui a gagné est celle qui a tous ses joueurs debout (le porteur de balle est plus enclin à délivrer ses par-tenaires quʼà asseoir ses adversaires).

La construction évolutive des règles sʼétale sur plusieurs séances, elle part dʼun constat fait par les élèves. Leurs propositions peuvent être différentes des propositions ci-dessus. Elles sont discutées, testées avant dʼêtre retenues. Chaque nouvelle règle nécessite des temps de pratique suffisants pour tra-vailler les stratégies et développer les compétences motrices.

Nous avons transformé un jeu paradoxal, individualiste à lʼorigine, en un jeu collectif riche, dynamique et extrêmement complexe dans les stratégies indivi-duelles comme collectives.

Bruno EGRON,IEN ASH, pilote du groupe départemental EPS

1. Éducation physique et sportive.

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L’ÉDUCATION CIVIQUE AU COLLÈGE

L’équipe du collège Jules Verne de Villebon apporte aux enseignants de premier degré un éclai-rage différent sur la mise en œuvre interdisciplinaire de l’enseignement de l’éducation morale et civique.

La circulaire du 25 août 2011 rap-pelle les objectifs de lʼinstruction morale et civique à lʼécole. Elle sou-ligne que dans un contexte dʼévolu-tion constante des comportements individuels et des usages sociaux, il appartient à lʼÉcole (…) dʼasseoir les bases dʼun exercice bien compris de la liberté individuelle au sein de la société. Dans cette orientation, si lʼéducation à la citoyenneté est mise en œuvre dès lʼécole primaire dans le cadre de lʼinstruction morale et civique et se décline au collège dans les programmes dʼéducation civique puis au lycée en ECJS1, cʼest le pro-jet dʼétablissement qui permet dʼar-ticuler la dimension pédagogique et la dimension éducative de cet ensei-gnement et offre à lʼélève un espace pour ses apprentissages et lʼexercice encadré de sa citoyenneté.

Enseignements et vie scolaire jouent alors des rôles complémentaires. Les premiers permettent à lʼélève de con-naitre les valeurs de la République et lʼamènent à réfléchir sur les liens qui existent entre libertés individuelles et contraintes sociales, sur le respect des valeurs partagées ou encore la notion de responsabilité. Quant au cadre de la vie scolaire, au sens large, il lui per-met de confronter ses savoirs au prin-cipe de réalité et de développer ainsi sa réflexion de citoyen, de mobiliser ses compétences sociales et civiques et dʼen développer la maîtrise.

Ces apprentissages sʼéprouvent à lʼintérieur du cadre réglementaire que fournissent le règlement intérieur, le projet dʼétablissement, les actions pé-dagogiques et lʼorganisation même de la classe. À cela sʼajoutent lʼexercice de la représentation collective, à tra-vers les délégués des élèves, ainsi que les instances représentatives, consul-tatives ou délibératives telles que les conseils des délégués ou dʼadministra-tion, entre autres. Par ailleurs, les élè-ves peuvent participer à des instances de pilotage éducatif (comité dʼéduca-tion à la santé et à la citoyenneté), des instances associatives et éducatives (foyer socio-éducatif), mais égale-

ment à des partenariats. Tout cela per-met dʼélargir le champ de leur expé-rience citoyenne au monde.

Les articles qui suivent illustrent la fonction socialisante de lʼécole quand elle offre à lʼélève ces espaces et montrent comment elle lui permet de relier expérience individuelle, ex-périence collective et savoirs, et par cette voie dʼexpérimenter et construi-re sa citoyenneté.

Nathalie IRAM, conseillère principale dʼéducation

Les programmes

Les élèves doivent apprendre et com-prendre les règles communes qui permettent de vivre ensemble. Les droits individuels peuvent entrer en contradiction avec les intérêts collec-tifs. L̓ élève doit appréhender cette tension et comprendre quʼelle est une des clés du progrès des sociétés dé-mocratiques.

Il sʼagit de former un citoyen auto-nome, responsable de ses choix, ouvert à lʼaltérité, pour assurer les conditions dʼune vie en commun qui refuse la violence. Ce sont les atti-tudes de respect de soi et des autres, de responsabilité et de solidarité qui sont mises en évidence.

Les élèves acquièrent progressive-ment les notions clés et le vocabu-laire de la citoyenneté. Ils prennent connaissance de textes essentiels et doivent comprendre les règles et les pratiques de la vie démocratique en France et en Europe, les problèmes des relations internationales, de la dé-fense et de la paix dans le monde. Ils acquièrent les éléments dʼune culture juridique et comprennent le fonction-nement de la justice et les problèmes quʼelle rencontre, le sens de la laïcité et de son rôle dans lʼhistoire de la so-ciété française.

Les activités

Le cours dʼéducation civique est un moment privilégié avec les élèves

car il est souvent très vivant. Nous abordons en effet des problématiques actuelles, ancrées dans le quotidien et donc appréciées des élèves. Cʼest souvent lʼoccasion de faire du travail de groupe, de lʼoral, voire des débats où la prise de parole est aussi chao-tique que ce que lʼon peut voir sur Public Sénat !

Les élèves sont formés à lʼanalyse de situations de la vie quotidienne et des enjeux politiques, par la mobili-sation des connaissances acquises. Ils sont initiés aux méthodes dʼen-quête et de recherche, à la sélection et à lʼanalyse de lʼinformation, au travail avec les technologies de lʼin-formation et de la communication, à lʼargumentation écrite et orale pour préparer au débat.

Enfin, lʼéducation civique doit être liée à la vie scolaire. Elle favorise les projets interdisciplinaires et lʼaccès à des initiatives citoyennes extérieu-res. Vie scolaire et éducation civique renforcent la possibilité de mettre en oeuvre une éducation dynamique à la responsabilité citoyenne par des ac-tions concrètes avec les élèves.

Roxane LIBER, professeure dʼhistoire, géographie

et éducation civique

Le comité d’éducation à la santé et la citoyenneté

Le CESC, dont les missions sont défi-nies par le décret du 9 septembre 2005, permet de préparer des actions de pré-vention qui font partie intégrante du projet éducatif de lʼÉtablissement en terme de contribution à lʼéducation à la citoyenneté et de programme dʼédu-cation à la santé, la sécurité et préven-tion des comportements à risques.

Il doit aider les élèves à adopter des comportements responsables dans le respect de soi, de lʼautre et de lʼenvi-ronnement.

Il réunit, sous la présidence du chef dʼétablissement, les représentants de la communauté éducative : per-sonnels enseignants et non ensei-

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gnants (personnels dʼéducation, so-ciaux, de santé), parents dʼélèves et élèves, collectivités territoriales mais aussi partenaires extérieurs dont lʼex-périence ou les compétences sont re-connues pour les actions auxquelles ils participent.

Ses actions sont déterminées en pre-nant en compte différents indicateurs : analyse des besoins, environnement, diagnostic des problèmes et des res-sources, priorités à développer…

Dans notre collège, les actions choi-sies sont réparties selon les niveaux, en fonction des liens avec les program-mes : risques liés au tabac ; sexualité et contraception ; conduites à risques ; dangers dʼInternet ; sécurité routière ; formation des délégués élèves.

Il est important que lʼélève soit par-tie prenante des actions engagées et que les parents y soient pleinement associés ; cʼest aujourdʼhui une des priorités données au CESC par lʼéqui-pe éducative du collège qui prend soin également dʼinformer, voire dʼasso-cier, les écoles élémentaires.

Le CESC réfléchira cette année aux actions à mener sur la notion de vi-vre ensemble en liaison avec les thè-mes du respect de soi, des autres, de lʼenvironnement et avec une meilleure communication avec les parents.

Catherine LEBRET, principale adjointe

Un exemple d’action initiée par le CESC : le projet Prévention

des risques d’Internet

Sous lʼégide du CESC, une équipe comprenant le professeur documen-taliste, des gendarmes de la brigade de prévention de la délinquance juvé-nile et un animateur multimédia de la MJC2, a mené un projet destiné à sen-sibiliser les élèves de quatrième aux enjeux de lʼutilisation dʼInternet et à ses risques.

L̓ objectif est de faire réfléchir les élèves sur les problématiques liées à lʼusage dʼInternet, au cours de séances dʼapprentissage concrètes.

Les formateurs ont souhaité mener ces ateliers en coanimation afin dʼappor-ter des éclairages complémentaires sur les thèmes abordés et créer une dynamique favorisant les échanges et la participation des élèves.

Ces ateliers ont été précédés dʼun travail sur lʼutilisation dʼInternet en classe de technologie et sur le plura-lisme des médias et le traitement de lʼinformation en cours dʼéducation civique.

Les séances de deux heures, en demi groupe, chaque intervenant disposant de trente-cinq minutes, se déclinent en trois parties : • Recherche documentaire : le pro-fesseur documentaliste réalise un dia-gnostic de départ pour connaître la démarche dʼinvestigation et de recher-che dʼinformation de chaque élève, en observant les pratiques pour cerner les problèmes suscités par les recherches et y répondre par divers exercices.• Validation de lʼinformation : avec lʼanimateur multimédia, les élèves travaillent au prélèvement et au trai-tement de lʼinformation. À partir dʼun document fourni, chaque élève procède à une analyse critique des sources documentaires : repérage de lʼauteur du site et de la page, fonction de lʼauteur, finalité du site et public visé, présentation et nature des infor-mations.• Aspects juridiques : les gendar-mes proposent des pages capturées sur Internet et comportant des textes et photos moralement et pénalement répréhensibles. Les élèves repèrent les informations pouvant faire lʼobjet dʼune infraction pour engager ensui-te un débat sur les thèmes suivants : droit à lʼimage, droits dʼauteur, télé-chargement illégal, vente de produits téléchargés illégalement, contrefaçon, diffamation, injure publique, message contraire à la décence, infraction à la législation sur les stupéfiants.

Le bilan est très positif. Les élèves sont sensibles au contenu des ateliers, à la méthode employée (expérimenta-tion) et au mode de conduite des in-terventions. Ces ateliers contribuent à apporter des repères, astuces et conseils techniques dans la recherche dʼinformation sur le web et à sensibili-ser les élèves sur les nombreuses déri-ves liées à lʼutilisation de cet outil.

Laurent DURBEC, documentaliste

Jeu et sociabilisation à la SEGPA3

Depuis 2004, une animation ludo-thèque hebdomadaire se déroule sur

le temps scolaire dans les classes de SEGPA de la sixième à la troisième. Cette animation bénéficie dʼune im-plication et dʼun suivi régulier des enseignants. Les objectifs sont de :- montrer que les jeux sont accessi-bles à tous ;- découvrir le plaisir des jeux de so-ciété ;- faire découvrir aux élèves leurs aptitudes à la sociabilité et la coopé-ration ;- valoriser leurs connaissances ;- développer leur confiance en eux ;- développer la notion de respect de la règle et dʼautrui.

Pour quʼun jeu se déroule dans de bonnes conditions, les joueurs doi-vent avoir un comportement civi-que, être tolérants, respecter les rè-gles du jeu, le matériel et les autres participants. Lʼanimateur pilote le jeu et réajuste les comportements de chacun si nécessaire. Lors de nos interventions auprès des classes de quatrième et troisième, nous abor-dons des jeux plus complexes ; les élèves sont demandeurs, intéressés et participatifs.

Sur ces animations, nous constatons une évolution dans le comportement des joueurs. Ils deviennent, dans lʼensemble, plus tolérants envers les autres joueurs, les règles du jeu sont plus vite intégrées.

Un autre objectif de cette animation «jeux» est lʼintégration. Un moment de jeux est ouvert sur le temps de midi une fois par semaine à tous les collégiens. Lors de la mise en place de cette animation, les élèves de SE-GPA ne participaient pas, ils se sen-taient en échec et avaient souvent des comportements provocateurs voire agressifs ; ils trouvaient le jeu trop intellectuel pour eux. Depuis nos interventions dans les classes, nous accueillons régulière-ment ces élèves sur cet espace, même sur des jeux quʼils ne connaissent pas, grâce à la relation de confiance que nous avons instaurée avec eux.

Nadine BONNOT, ludothécaire

1. Enseignement civique juridique et social.2. Maison des jeunes et de la culture.3. Section dʼenseignement général et profession-nel adapté.

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ENSEIGNER LA MORALE À L’ÉCOLE

Marcel Pineau, IEN1 pilote du groupe départemental « Culture Humaniste » nous propose une syn-thèse de la conférence de Henry-Georges Richon, IGEN2, présentée lors du séminaire qui s’est tenu à l’ESEN3 du 24 au 26 janvier 2012.

truction civique. L̓ école doit dʼabord sʼoccuper de lʼindividu et du respect de soi. Concernant les valeurs commu-nes, les notions déontologiques (idées du bien et du mal) sont également es-sentielles comme celles des principes dʼhumanité et de raison. Il est impor-tant de faire percevoir que la règle uni-verselle est celle qui souffre des excep-tions individuelles.

• Enseigner comment ?La rédaction de la circulaire5 : ins-truction morale à lʼécole primaire, du 25/08/2011 est partie du constat quʼil y avait nécessité à clarifier les atten-tes concernant lʼinstruction morale à lʼécole, dʼautant que la morale est om-niprésente dans notre société.

L̓ enseignement préconisé par ce texte sʼappuie sur les maximes afin de facili-ter la mémorisation. Celles-ci peuvent, également, dans le cadre de la séance dʼapprentissage, être un point de départ ou un point dʼarrivée. De plus, elles ont la vertu dʼêtre discutables.

Pour conclure

Aujourdʼhui, lʼinstruction morale à lʼécole constitue un enseignement à part entière, comme le prévoient les pro-grammes de lʼécole primaire6. À ce titre, elle doit faire lʼobjet dʼun enseignement régulier dans toutes les classes. Si lʼins-truction civique contribue à la forma-tion du citoyen, en faisant connaître les textes, les symboles et les institutions de la République, lʼinstruction morale postule que lʼécole se préoccupe de la personne, dans sa liberté individuelle comme dans ses relations avec autrui. Marcel PINEAU,

IEN à Savigny-sur-Orge

1. Inspecteur de lʼÉducation nationale.2. Inspecteur général de lʼÉducation nationale.3. École supérieure de lʼÉducation nationale, de lʼenseignement supérieur et de la recherche.4. Instructions officielles.5. BO n°31 du 1er septembre 2011 http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=57284 6. BO HS n°3 du 19 juin 2008.

Les trois écoles de la morale

Dans son propos liminaire, monsieur lʼinspecteur général propose dʼinscri-re la réflexion dans un cadre décrivant trois manières de se positionner quant à la question de lʼenseignement de la morale à lʼécole. Cʼest ce quʼil intitule les trois écoles de la morale que lʼon peut définir ainsi : • Le déontologisme, théorie éthique affirmant que chaque action humaine doit être jugée selon sa conformité, ou non, à certains devoirs.• Le conséquentialisme soutient que les conséquences d’une action donnée doivent constituer la base de tout ju-gement moral de celle-ci. Ainsi, une action moralement juste est celle dont les conséquences sont bonnes. On oppose généralement le conséquen-tialisme aux éthiques déontologiques, lesquelles mettent l’accent sur le type d’action plutôt que sur ses conséquen-ces.• Le perfectionnisme, au sens philo-sophique, désigne une théorie morale et politique, d’ordre conséquentialiste, cherchant à obtenir la plus grande per-fection possible ou l’excellence, chez un être humain.

Ces trois conceptions impliquent des positions divergentes. • La morale ne s'enseigne pas. L'État et lʼécole ne sont pas légitimes et nʼont pas à se substituer aux familles. • La morale doit être enseignée mais ne fait pas lʼobjet de contenus spéci-fiques propres. Cʼest la manière de travailler qui est porteuse de valeurs morales. Cette conception a sous-tendu les IO4 jusquʼen 2008. Lʼensei-gnement de la morale passe alors par lʼapport dʼoutils pour vivre ensem-ble. • La morale doit être enseignée et cet enseignement sʼappuie sur des con-tenus identifiés. Cette position sous-tend les IO de 2008. Elle était déjà à lʼœuvre dans les programmes de 1923, 1942 et 1945.

La morale est une discipline à part entière et ses contenus sont définissa-bles.

Bref historique des instructions officielles

1882 : la morale est en tête des program-mes (1h15 par semaine). Il sʼagit dʼune morale universelle et spiritualiste. 1923 : la morale disparaît au profit de lʼinstruction civique. 1942 : lors de lʼinstauration de lʼÉtat Français, les programmes sont revus. Les notions de patrie, de formation du caractère (principes de soumission et dʼobéissance) ainsi que la référence au christianisme apparaissent. La cons-cience et la liberté individuelle nʼarri-vent quʼen fin de texte. 1945 : la notion de patriotisme est en-core très présente sans grand change-ment avec les IO de 1942. Les élèves sont invités, pour la première fois, à réfléchir et à débattre.1978 : lʼéducation morale et civique est intégrée aux activités dʼéveil. Elle est reléguée en fin des IO. Les notions de respect, de lucidité et dʼesprit criti-que sont mises en avant. 1985 : la morale est intégrée à lʼinstruc-tion civique, (1h par semaine). Elle est mise au service du civisme.1995 : la responsabilité devient le maître mot et reste subordonnée au civisme.2002 : la morale, au sens traditionnel, a complètement disparu.

Entre 1882 et 2002, lʼenseignement de la morale en tant que telle disparait progressivement. Dans ce contexte, les programmes de 2008 et la circulaire de 2012 paraissent révolutionnaires puis-que cet enseignement est réintroduit à lʼécole.

Doit-il exister une instruction morale ?

Actuellement, il nʼy a pas de philo-sophie morale dʼÉtat, néanmoins, les élèves doivent réfléchir à des contenus indiscutables. Ces connaissances sont, cependant, à apprendre.

• Enseigner quoi ?Il faut donner la priorité à la personne sur le citoyen. Cʼest à ce titre que la morale a toute sa place à côté de lʼins-

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MAYOTTE ENSEIGNE LA MORALE

Deux formateurs essonniens exercent actuellement à Mayotte. Ils nous présentent le fruit d’un travail engagé par une équipe locale de pédagogues pour proposer aux enseignants un support de travail adapté aux réalités locales et aux programmes.

Un contexte

Mayotte -101e département français depuis le 1er avril 2011- est soumis aux mêmes exigences dʼenseigne-ment de lʼinstruction civique et mo-rale que le reste de la France. Il nʼen demeure pas moins que le contexte mahorais comporte quelques particu-larités.

Mayotte est une des îles de lʼarchi-pel des Comores, située au nord-ouest de Madagascar. Sa population est en pleine expansion. Les élèves sont dans la grande majorité non fran-cophones, parlant le plus souvent le shimaorais ou le shibushi. Plus de la moitié de ces écoliers est constituée par des immigrés, le plus souvent clandestins, que les écoles scolarisent comme il leur en est fait lʼobligation. Ces spécifici-tés obligent les enseignants à adap-ter leur pédagogie, dans le cadre des programmes qui sont évidemment les mêmes que pour les métropolitains.

Un outil

Afin de répondre aux exigences ins-titutionnelles dans ce domaine, une équipe dʼenseignants1 a développé une démarche originale pour faire in-tégrer les notions indispensables aux élèves. Ces pédagogues2, de statut différent, ont écrit un livre servant de support à lʼenseignement de la mo-rale : « Contes des îles et dʼailleurs, enseigner la morale à lʼécole à tra-vers les contes ». Cet ouvrage a été édité conjointement par le vice-rec-torat et le centre de documentation pédagogique de Mayotte sous lʼégide du Scérén3.

Pour nombre dʼentre eux, les récits ont été choisis dans le corpus tradi-tionnel mahorais afin dʼinterroger des préoccupations de la société locale : mariage forcé, respect des anciens, condition des filles, maltraitance, respect de la nature… Toutefois ces thèmes, ainsi que tous les autres trai-tés dans cet ouvrage, ont une portée universelle.

Une démarche

La démarche proposée a lʼambition de placer les élèves dans une position réflexive. - Dans un premier temps, la lecture du conte (soutenue par des aides à la compréhension) permet aux en-fants de se rendre compte que leurs préoccupations sont partagées par dʼautres. - Dans un second temps, un débat

mené en classe va sus-citer la parole de

lʼenfant.

Ainsi, il pourra catégoriser, défi-nir, mettre en lien le sujet traité avec son vécu et enfin conceptualiser la problématique abordée. Ce travail sera poursuivi, comme les auteurs le suggèrent, par une rédaction - indivi-duelle ou collective - portant sur le thème étudié.

De plus, ce livre propose à lʼensei-gnant des pistes de réflexion lui per-mettant dʼapprofondir le sujet : déter-mination de thèmes philosophiques ou de société, référence à des auteurs. Des proverbes, des poésies, des pho-tographies viennent illustrer les thé-matiques portées par les contes.

Un accompagnement à la formation

Une des spécificités de ce projet réside dans le fait que ce livre fait lʼobjet dʼun accompagnement atten-tif lors de sa mise en place dans les écoles. Les équipes de formateurs, tant au niveau des circonscriptions que de lʼinstitut de formation des maîtres4 favorisent lʼutilisation de cette publication. Les enseignants de

terrain sont ainsi guidés, quand ils le demandent, pour tirer le meilleur parti de ces contes. La formation initiale est aussi lʼoccasion de for-mer les maîtres à lʼenseignement de lʼinstruction civique et morale grâce à cette démarche. Les cours de déon-tologie et de philosophie dispensés à lʼIFM sont aussi lʼoccasion de for-mer les stagiaires à lʼenseignement de la morale.

Une conclusion

Il est intéressant de constater que, dans un des départements français dont la culture paraît très éloignée de celle de la métropole, la problémati-que de lʼéducation à la citoyenneté est une préoccupation quotidienne. Ce que lʼapproche spécifique mise en place à Mayotte a de passionnant, cʼest lʼuniversalité quʼelle met en évidence : les grands thèmes assignés par les programmes ont la même di-mension éthique, quel que soit le con-texte. On peut ainsi se rendre compte que lʼunité du pays va bien au-delà de simples décisions administratives. Elle est constituée de toutes ces ac-tions locales dont lʼesprit se retrouve dans les contenus dʼenseignement. Ce dynamisme est dʼautant plus en-courageant quʼil aura sa traduction dans les comportements de ceux qui sont les adultes de demain.

Marie-Pierre POMARES CHAUFOURFrançois CHAUFOUR,

enseignants maîtres formateurs,à lʼinstitut de formation des maîtres

de Mayotte

1. Équipe dirigée par Thérèse Casteigt, IENA, coordonnée par Jean-Jacques Huvier, délégué aca-démique du Centre de documentation pédagogique (CDP).2. Thérèse Casteigt et Mohamed Anli, IEN ; Michel Viollier, ingénieur du CDP de Mayotte ; Véronique Méloche, professeure de philosophie à lʼinstitut de formation des maîtres (IFM) ; Hervé Dalle-Nogare, enseignant maître formateur et Archimède Saïd, directeur du CEMEA.3. Services culture, éditions, ressources pour lʼÉducation nationale.4. IFM de Mayotte où les instituteurs stagiaires sont formés durant deux ans.

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ÉTHIQUE ET CULTURE RELIGIEUSE :UN NOUVEAU COURS OBLIGATOIRE

DANS LES ÉCOLES DU QUÉBEC

Ce texte aborde brièvement la mise en place du cours d’Éthique et culture religieuse1 à l’école québécoise, ses finalités et compétences disciplinaires. Il présente aussi quelques résultats d’une étude réalisée auprès de soixante-quinze enseignants du primaire à ce propos.

Genèse du programme ÉCR

La création du nouveau programme dʼÉCR sʼinscrit dans lʼaboutisse-ment du processus de laïcisation de lʼensemble du système scolaire qué-bécois pour des institutions scolai-res plus respectueuses de la liberté de conscience et de religion de tous les citoyens2 (MELS, 2008). Dans ce processus, mentionnons quelques-unes des étapes récentes les plus dé-terminantes : - en 1998, la mise en place de com-missions scolaires linguistiques plu-tôt que confessionnelles ; - en 1999, la publication du « Rap-port Proulx » sur la place de la reli-gion à lʼécole ; - en 2000, lʼadoption de la loi 118 sur la déconfessionnalisation du sys-tème scolaire ; - en 2005, lʼadoption de la loi 95 supprimant lʼoption entre le cours de morale non confessionnelle et le cours de religion (privilège jusque-là accor-dé aux catholiques et aux protestants) et annonçant la mise en place dʼun cours dʼÉCR à partir de 2008.

Trois compétences à développer

Cʼest donc dans la foulée de ces chan-gements majeurs quʼun cours dʼÉCR3 est implanté dans les écoles depuis 2008. Ce cours obligatoire est ins-crit à lʼhoraire des élèves, des écoles privées et publiques, à raison de cin-quante heures/année en moyenne. Par ses deux finalités, la reconnaissance de lʼautre et la poursuite du Bien com-mun, lʼÉCR vise à tenir compte de la diversité, promouvoir un meilleur vi-vre-ensemble et favoriser la construc-tion dʼune véritable culture publique commune (MELS, 2008). L̓ ÉCR en-tend développer trois compétences : - Réfléchir sur des questions éthi-

ques (C1), où lʼéthique consiste en une réflexion critique sur la significa-tion des conduites et sur les valeurs et normes que se donnent les membres dʼune société ou groupe pour guider et réguler leurs actions ;- Manifester une compréhension du phénomène religieux (C2), où la culture religieuse est définie en ter-mes de compréhension des éléments constitutifs des religions qui repose sur lʼexploration des univers socio-culturels dans lesquels elles sʼenraci-nent et évoluent ; - Pratiquer le dialogue (C3), cʼest-à-dire développer des aptitudes et dispo-sitions permettant de penser et dʼagir de façon responsable par rapport à soi, à autrui et au vivre-ensemble.

Perceptions des enseignants du primaire

Les résultats dʼune étude explora-toire4, conduite en 2010, sur la per-ception des enseignants à propos de lʼÉCR font ressortir que ce cours constitue un changement positif à 53,3%, négatif à 18,7%, ne change rien à 28,0%. Au niveau des compé-tences à développer, les répondants ont une nette prévalence pour la C1 et la C3 (estimées très importantes à 72% et 84%). La C2 est jugée très importante à 44%. Pour les trois com-pétences, peu de répondants affirment que celles-ci ne sont pas importantes5. Les réponses aux questions à déve-loppement permettent de nuancer ces résultats. En effet, pour la C1 et la C3, les répondants favorables à celles-ci justifient leur réponse en sʼappuyant sur lʼidée que lʼêtre individuel ne peut se construire quʼen relation dialogi-que avec les autres. La presque tota-lité (74/75) ont répondu en ce sens. Par ailleurs, lʼanalyse montre aussi que lʼidée de faire de lʼéthique et du dialogue un cours spécifique nʼest gé-

néralement pas considérée pertinente parce que les élèves réfléchissent et pratiquent le dialogue quotidienne-ment et en de multiples occasions6.

Pour la C2, ceux qui sont favorables justifient leur position en termes de gain en ouverture vers dʼautres cul-tures, alors que ceux qui sont défavo-rables la justifient en termes de perte de notre culture québécoise, une allu-sion au contexte religieux catholique ayant été longtemps prédominant au Québec. Enfin, certaines réserves sont exprimées par rapport à lʼâge des en-fants. À six-huit ans, ils seraient trop jeunes pour suivre ce cours car les compétences nécessiteraient des ca-pacités non atteintes à cet âge.

Une réflexion à poursuivre

La laïcisation de lʼécole québécoise et la reconnaissance de la diversité en tant que valeur nous paraissent des choix judicieux, mais lʼactuel pro-gramme dʼÉCR et ses conditions de formation et dʼenseignement sʼavè-rent-ils une réponse adéquate? Selon nous, il est nécessaire de poursuivre la réflexion.

Nancy BOUCHARD, Jean-Claude DESRUISSEAUX,

Claude GENDRON7

professeurs dʼuniversité au Canada

1. ÉCR.2. Ministère de lʼÉducation, du Loisir et du Sport, Québec.3. Programme sur https://www7.mels.gouv.qc.ca/DC/ECR/.4. Par des chercheurs du GREE et avec lʼAQEP, auprès de soixante-quinze enseignants du primaire.5. Soit : 1,3% (C1), 8% (C2) et 2,7% (C3).6. Soulignons que le dialogue revêt ici plusieurs formes (conversation, délibération, etc.).7. Respectivement professeurs à lʼUniversité du Québec à Montréal (UQAM), en Outaouais (UQO) et à Trois-Rivières (UQTR), Groupe de recherche sur lʼéducation éthique et lʼéthique en éducation (www.gree.uqam.ca).

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L’ENSEIGNEMENT DE LA MORALE CHEZ NOS VOISINS

Dans une tradition laïque et républicaine, l’école française inscrit l’instruction civique et morale dans ses programmes d’enseignement. Qu’en est-il en Allemagne et au Royaume-Uni, pays dans lesquels un enseignement religieux est proposé aux élèves ?

Centralisation et autonomie

En Allemagne : malgré une organi-sation fédérale, toutes les écoles sont tenues de proposer un enseignement religieux et/ou un cours de Lebens-kunde ou compétence de vie. Les élè-ves ont le choix de suivre ou non cet enseignement. Il est à noter que ce cours est obligatoire dans le secon-daire, il sʼintitule alors Ethik.Au Royaume-Uni : le programme national recommandé mais non obli-gatoire sʼintitule PSHE (personal, so-cial and health education). Il propose une partie C, citizenship, optionnelle pour les établissements.

Place de la religion à l’école

Dans ces deux pays dʼEurope, lʼen-seignement de la morale est dispensé à travers un enseignement de la reli-gion qui prend des formes différen-tes.

Au Royaume Uni, on assiste au dé-veloppement dʼune éducation multi-religieuse (multifaith religious educa-tion) avec la reconnaissance officielle dans les programmes nationaux, dʼau moins six traditions religieuses : le christianisme, le judaïsme, lʼislam, lʼhindouisme, le bouddhisme et le sikhisme.

En Allemagne, les cours de religion concernent le catholicisme et le pro-testantisme.

Modalités de mise en œuvre et volume horaire

En Allemagne, seuls des professeurs titulaires dʼune spécialisation uni-versitaire sont chargés de cours de religion ou dʼéthique dʼune durée de quarante-cinq minutes hebdomadai-res. Ils inscrivent une appréciation dans le bulletin scolaire des élèves.

Au Royaume Uni, un coordinateur module et aménage les programmes PSHE + C pour les enseignants dʼune école. Il leur propose également des

ressources et des formations. L̓ en-seignement est dispensé lors des Assembly et des activités de temps de parole, le circle time. Les élèves sont alors assis en cercle, symbole de lʼégalité de participation de chacun, et échangent sur une thématique pré-cise.

Ce programme est transdiscipli-naire. Le volume horaire indicatif est dʼune heure par semaine mais les écoles peuvent choisir dʼorganiser des temps forts tels que Democracy week1 ou Anti-Bullying week2. Il nʼy a pas, à proprement parler, dʼévalua-tion notée. Les élèves peuvent élabo-rer une trace écrite ou un dessin afin de reformuler ou dʼillustrer les no-tions abordées. Enfin, les enseignants prévoient un temps pour que chacun puisse exprimer oralement son senti-ment sur la thématique abordée.

Les inspections dʼécoles, organisées tous les trois ans par lʼOFSTED3, incitent ces dernières à investir ces champs dʼactions. Chaque trimestre, une réunion entre le coordinateur du programme PSHE et le directeur de lʼécole permet un suivi des actions engagées.

Contenus

A la Grundschule, le contenu des programmes est divisé en cinq grands domaines.- Sʼépanouir.- Agir libre et responsable : les élè-ves prennent des responsabilités dans le cadre de projets souvent menés avec des associations. - Vivre avec les autres : les relations humaines sont déclinées de lʼamitié jusquʼà la violence. Les élèves sont parfois formés à la gestion de conflit et lʼécole met la théorie en pratique en instaurant un système dʼélèves médiateurs. - Les valeurs et les normes : le bien, le mal, la culpabilité, la honte, la conscience ; autant de réflexions qui sʼapprochent de la philosophie.

- A la recherche du sens : il sʼagit dʼune réflexion sur lʼhistoire et les valeurs des différentes religions.

Au Royaume-Uni, lʼéducation ci-vique renvoie à la connaissance des institutions (police, hôpital, élec-tions) et de divers aspects de la vie publique. Parallèlement, les ensei-gnants mènent un travail sur les rè-gles de vie en société, the behaviour management.

Il existe un programme supplémen-taire, SEAL (social and emotional aspect of learning), associant les fa-milles au travail scolaire. Il met à dis-position des ressources pédagogiques permettant la gestion des problèmes de comportement ainsi que des aides à la réflexion dans la gestion affec-tive de lʼapprentissage.

L̓ école primaire sʼintéresse plus particulièrement à cinq thèmes : New beginnings ; Getting on and falling out ; Say no to bullying ; Going for goals ; Good to me.4 Par exemple, les élèves préparent un exposé sur un thème donné suivi dʼun débat auquel leurs parents seront associés.

Conclusion

Les rapports entre école, morale et religion sont très dépendants des rap-ports état-société-religion. Dans les écoles européennes, lʼenseignement civique et moral est dispensé par une approche soit laïque, soit religieuse.

Dans ce contexte, lʼEurope trans-met ses valeurs et se construit dans sa diversité.

Christine CANONNE, Owen HODGES,

conseillers pédagogiques départementaux

en langues vivantes

1. Semaine de la démocratie.2. Semaine de la civilité.3. Office for Standards in Education.4. Traduction littérale : Nouveaux départs ; Avan-cer et se marginaliser ; Dire non aux intimidations ; Poursuivre ses objectifs ; Cʼest bien dʼêtre soi.

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pour lʼenseignant, dʼaider le futur enseignant à trouver des points de repère pour déterminer ses choix pédagogiques, pour comprendre ses élèves et pour décrypter les perspec-tives pédagogiques » mises à sa dis-position.

Depuis des années un débat se pour-suit en Belgique francophone.

Il concerne lʼopportunité dʼintroduire un vérita-ble cours de philoso-phie en lieu et place du cours de morale dans les deux derniè-res années de lʼensei-gnement secondaire. Au-delà des ques-tions pratiques sou-levées (formation des professeurs à la philosophie, coût...), se posent celles du rapport dʼune so-ciété à la religion, aux diverses reli-gions reconnues, aux différents ré-seaux scolaires.

Le débat nʼest donc pas clos.

Marianne REMACLE, professeure de morale et animatrice

dʼateliers philosophiques en milieu hospitalier,

animatrice pédagogique du cours de didactique de la morale

à lʼUniversité Libre de Bruxelles

1. Ministère de la Communauté française : pro-gramme du cours de morale non confessionnelle 2001, p.1.2. Dans le respect du décret définissant les nou-velles missions de lʼécole et du décret définissant la neutralité de lʼenseignement de la Communauté française et des principes fondamentaux de la laï-cité.3. Ministère de la Communauté française : pro-gramme du cours de morale non confessionnelle 2001, p.2.4. Professeur de didactique de philosophie et de la morale à lʼUniversité Libre de Bruxelles.

LES COURS DE MORALE EN BELGIQUE

Dans ce pays, l’enseignement moral a dû trouver sa place aux côtés de l’enseignement religieux à l’école. Marianne Remacle présente ici les nouvelles orientations qui animent le débat sur cette discipline.

ment, responsabilité…) ;- des compétences socio-affectives liées à la construction de lʼidentité, du lien social, de lʼouverture au mon-de ;- des compétences décisionnelles liées à lʼengagement individuel et collectif ;- des compétences cognitives liées au développe-ment de la pen-sée réflexive par les trois socles du « penser par s o i - m ê m e » : conceptualisation, problématisation, argumentation2.

Le professeur de morale est à tout le moins celui qui a le devoir de « prendre po-sition, définir son point de vue, formuler son opi-nion, excluant toute propa-gande ou conditionnement et manifester concrètement la valeur de lʼopinion libre, élabo-rée à partir dʼun examen objec-tif des questions et vécue de façon pleinement responsable. Le problème nʼest donc pas dans la limitation de lʼengagement mais dans le sens et les formes que prend celui-ci3. »

Didactique de la morale et de la philosophie

La didactique de la philosophie et de la morale est enseignée dʼune part dans les Hautes écoles formant des étudiants susceptibles dʼenseigner dans le degré inférieur (élèves de douze à quinze ans) et dʼautre part dans les universités formant des fu-turs professeurs du degré supérieur de lʼenseignement secondaire (élèves de quinze à dix-huit ans et plus).

Selon Odile Gilon4, ce cours a no-tamment comme objectifs de sʼinter-roger sur « lʼhorizon philosophique

Depuis lʼindépendance de la Belgi-que en 1830, la question de lʼensei-gnement religieux à lʼécole se pose de façon récurrente et parfois aiguë. Après une crise qualifiée par certains de « guerre scolaire », le parlement belge a voté en 1959 une loi dite du Pacte scolaire afin dʼapaiser durable-ment les tensions liées à lʼorganisa-tion de cet enseignement. Aussi, la Constitution belge prévoit-elle, entre autres dispositions, que les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusquʼà la fin de lʼobligation scolaire fixée à 18 ans, le choix entre lʼenseignement dʼune des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. Ces cours sont dé-nommés « cours philosophiques ».

Le Pacte scolaire conjugue les prin-cipes de liberté dʼenseignement et ceux de lʼobligation dʼorganiser le choix entre le cours de religion et le cours de morale non confessionnelle. Progressivement se met en place un programme intégrant à la grille horai-re hebdomadaire des élèves les cours de religions et le cours de morale, à raison de deux heures par semaine.

Le cours de morale non confession-nelle se propose « dʼexercer les élè-ves et les étudiants, dont les parents ne se réclament dʼaucune confession, à résoudre leurs problèmes moraux sans se référer à une puissance trans-cendante ni à un fondement absolu, par le moyen dʼune méthode de ré-flexion basée sur le principe du libre examen1.»

Finalités du cours de morale non confessionnelle

Le professeur de morale est amené à aider les adolescents à se construire comme personne et comme citoyen et donc à développer :- des compétences éthiques liées à lʼautonomie du jugement moral par le libre examen, au jugement esthéti-que, au choix de valeurs sʼinscrivant dans les fondamentaux de la laïcité (autonomie, justice, liberté, engage-

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LA CHORALE : UNE ÉCOLE DE LA CITOYENNETÉ

L’École se donne pour ambition de contribuer à l’épanouissement individuel de l’élève, de l’amener à une indispensable socialisation. À partir de la pratique régulière du chant en classe, chaque élève peut vivre un moment de partage, de solidarité, de responsabilité et de tolérance qui, au-delà de

l’éducation musicale, le construit en tant que citoyen.

Une école de la vie

Autonomie, initiative, sociabilité et civisme sont des compétences immé-diatement mobilisées et développées par le chant choral.1 En effet, per-mettre à chaque élève de dévelop-per son esprit de groupe contribue à installer un climat de classe serein, propice à l’ensemble de ses appren-tissages mais, à plus long terme, le conduit aussi à construire des repères afin qu’il puisse s’inscrire dans une communauté civique plus élargie. Le futur citoyen qu’il est doit s’éprou-ver, vivre des situations de socialisa-tion et la chorale est une activité qui le permet. Elle développe de nom-breuses compétences et com-portements :- se montrer solidaire et accepter que sa voix se fonde dans un ensemble sans pour autant disparaî-tre ;- se responsabiliser, la voix collective dépendant de l’enga-gement vocal de chacun ;- apprendre la tolérance, en res-pectant la voix de son voisin et les autres voix du chœur ;- s’ouvrir et étudier les différents styles de chants (chansons populai-res, variétés, musiques ethniques, opéra...) en vue de leur bonne inter-prétation ;- accepter avec humilité d’être valo-risé soit en tant que soliste soit en tant que choriste ;- développer cette école de la ri- gueur, de la mémoire et de l’attention avec des répétitions régulières pour aboutir à une juste interprétation des chants et vivre une émotion partagée lors de la production finale.

Le plaisir de chanter ensemble

Au regard de tous les apports du chant choral, le plaisir de faire de la musique ensemble reste primordial. Ce plaisir conduira les élèves à ac-cepter plus facilement les instants de

frustration, dʼéchec, de difficultés re-lationnelles inhérentes à toutes acti-vités en groupe. Cʼest bien pour cela que la bienveillance, la valorisation de lʼenseignant doivent être de tous les instants.

En outre, la chorale est une pratique artistique et induit, de fait, chez lʼélè-ve une certaine mise à nue. Celle-ci doit être gérée par lʼenseignant par des attentes adaptées, sans occasion-ner de gêne. Une bonne connaissance de son groupe classe, en situation de chant choral, est donc indispensable.

Rassurer lʼélève, le mettre « en sé-

curité » quand on propose du chant choral cʼest aussi lui permettre de vivre son propre plaisir de chanter. Chez lʼélève, ce plaisir est lié à plu-sieurs facteurs :- sa participation à un groupe classe étendu (lié souvent au regroupement de deux voire trois classes) ;- une relation spécifique avec le chef de chœur où il perçoit une communi-cation faite de gestes, de regards et dʼune voix utilisée autrement quʼen situation de classe ;- lʼadhésion au projet artistique et la manière dont il va pouvoir y contri-buer lors de son évolution ;

- la découverte de lieux dʼinterpré-tation (scène, théâtre, salle de specta-cle…) ;- la valorisation de son travail par une restitution devant un public.

Le chant choral aujourd’hui

Le répertoire interprété par les cho-rales scolaires a énormément évolué depuis plusieurs années. Le choix important de « pièces vocales » permet à tous les élèves de sʼy re-trouver pour prendre plaisir à chan-ter. De plus, depuis les program-mes 2008, les élèves doivent savoir chanter lʼhymne national2 et con-naître lʼhymne européen3 à la fin du CM2. Ces œuvres sʼinscrivent dans une dimension civique pour une meilleure connaissance des sym-boles de la République française et de lʼUnion européenne.

Dans le même temps, le travail en partenariat avec des formations musicales issues des conservatoi-res ou des écoles de musique lo-cales sʼest développé. Cette ouver-ture de lʼécole sur les structures culturelles de proximité renforce lʼélève dans son sentiment dʼap-partenir à une communauté élargie et le sensibilise aux réalités des professionnels de la musique, à

leur exigence et à leur rigueur.

La pratique du chant choral permet à lʼélève de vivre des expériences collectives fortes, tout en ressentant des émotions artistiques. Le plaisir quʼelle procure le construit et le fait grandir.

Eric HAMON, conseiller pédagogiquedépartemental en éducation musicale

1. Le chant choral à lʼécole, au collège et au ly-cée. BO N°34 du 22 septembre 2011.2. La Marseillaise est un chant écrit par Rouget de Lisle en 1792.3. LʼOde à la joie, dernier mouvement de la neuvième symphonie de Ludwig Van Beethoven, 1823.

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UTILISER DES MAXIMES EN INSTRUCTION CIVIQUE ET MORALE ?

L’utilisation de maximes en instruction civique et morale peut conduire à une construction mani-chéenne du rapport de l’élève au monde. Jean-Charles Pettier montre à l’inverse comment elle peut favoriser l’accès à une pensée complexe et à une citoyenneté éclairée.

Lʼinstruction civique et morale peut-elle passer par lʼutilisation des maxi-mes ? À cette question, plusieurs ré-ponses - parfois antagonistes - sont possibles. On tentera de montrer dans quelle mesure on peut envisa-ger de dépasser ces oppositions par des propositions de mises en œuvre possibles.

Faut-il utiliser des maximes ?

« En aucun cas ! » diront certains qui craignent par cette utilisation de transmettre une vision trop simpliste du monde. Lʼélève, futur adulte, dé-duirait de cette étude une lecture du monde binaire structurée selon un axe du bien et un axe du mal, le camp des bons et celui des méchants. LʼHistoire est malheureusement marquée des massa-cres auxquels une telle vision a pu conduire. On lui préfère alors lʼidée dʼune éducation éthique, éducation au complexe passant par exemple par des prati-ques problématisantes à visée philosophique.

« Sans doute ! » sʼexclame-ront ses défenseurs, écartant les soupçons de démagogie et déci-dant de respecter les préconisa-tions ministérielles. On y voit alors la possibilité de revenir à lʼépoque rêvée de la Troisième République, époque des « fonda-mentaux » où tout allait forcément mieux ! Lʼidée dʼun âge dʼor est im-plicitement véhiculée par le retour à lʼ« instruction morale », selon les termes des programmes. On décide donc de transmettre par lʼétude de maximes une morale à prétention universelle. Ce serait oublier que lʼéducation morale voulue par lʼéco-

le de Jules Ferry était pensée de fa-çon bien plus complexe que ne le laissent penser nos réinterprétations contemporaines lorsquʼelles recou-rent à une imagerie séduisante pour glorifier cette École. Cette image est pourtant éloignée des fonde-ments théoriques du propos et des pratiques réelles des enseignants de lʼÉcole républicaine. « Peut-être, alors ? » si lʼon examine les problèmes sou-levés par les maximes pour permettre à ce mode dʼéduca-

tion de se garder des écueils quʼil peut comporter. Les avantages des maximes sont en effet nombreux. Simples, brèves et claires, elles sont compréhensibles et accessibles à de jeunes élèves car elles correspondent à leur perception spontanée du mon-de. Le bien et le mal sʼy opposent dans une lutte à lʼissue de laquelle le

bien peut espérer triompher. Mais on peut utiliser les maximes sans se li-miter au constat de leur adéquation à une forme de pensée. Au-delà, elles visent cette portée universelle quʼon peut percevoir comme une référence du ministère dans la circulaire de rentrée 2011. Par leur formulation courte et détachée dʼun contexte précis, les maximes permettent de dépasser le problème particulier qui

se pose au quotidien de la vie de lʼélève, pour

quʼil lʼenvisage de façon plus lar-ge, sans rester centré sur lui-même. Devant tant dʼavanta-ges apparents,

les jeux sont-ils faits ? Sans dou-

te pas : confrontant avantages et risques

posés par lʼutilisation des maximes, on com-

prend quʼil ne sʼagit plus de se demander sʼil faut les uti-

liser, mais plutôt comment le faire.

Quel travail avec les maximes ?

Une maxime morale est une phrase simple qui prétend déter-

miner en quelques mots la façon dont un problème dʼapparence

complexe, peut en réalité se com-prendre et se trancher. Sans savoir

encore si lʼon peut limiter lʼétude en classe à une simple compréhension de la maxime, il paraît cependant nécessaire de permettre aux élèves de la saisir.

• Identifier concrètement- Un premier temps de travail con-siste à donner à la maxime un sens concret et accessible pour des élèves jeunes. On peut ainsi proposer une

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image ou une histoire qui lʼillustre. Cela permet aux élèves, notamment les moins à lʼaise à lʼoral, de décrire lʼillustration ou lʼhistoire et de se si-tuer dans un échange et un début de réflexion sur lequel peut sʼappuyer la suite du travail de la classe. - Pour souligner que la réflexion va concerner chacun dʼeux, on peut alors demander aux élèves de pren-dre un deuxième temps de réflexion : « À votre avis, que veut-on nous mon-trer par cette histoire ? ». Il sʼagit de commencer à tenter dʼidentifier la maxime étudiée par une formulation simple.- Dans un troisième temps, sʼagis-sant dʼune éducation morale censée prendre sens au quotidien, les élèves sont sollicités pour citer des exem-ples pris dans leur vie ordinaire. Cela permet dʼillustrer ce quʼelle peut si-gnifier pour eux. L̓ évocation de ces exemples ne présente pas toujours la même difficulté et peut être progres-sive. Il est en effet plus simple de sʼappuyer dʼabord sur des exemples pris dans la vie de la classe et par-tagés par tous, car la part dʼimplicite peut y être plus importante. L̓ échan-ge peut être dʼautant plus rapide : « Cet exemple illustre-t-il réellement la maxime ? Pourquoi ? ».

Élargissant le propos et le complexi-fiant, on peut demander dʼindiquer des exemples tirés de la vie sociale des enfants dans leur milieu proche (lʼécole par exemple). Le cadre peut en être connu de tous sans pourtant quʼun exemple ait été vécu par cha-cun. Il leur faut alors mobiliser de façon plus précise le langage pour expliquer, justifier et indiquer un contexte que les autres camarades ne connaissent pas. Cela implique dʼex-pliciter pour justifier son propos et le donner à examiner.

Dans la même perspective, on peut alors envisager de demander aux élèves, dans un quatrième temps, dʼémettre des hypothèses plus géné-rales, dont la pertinence serait discu-tée : « Selon vous, dans quels genres de situation cette maxime sʼapplique-rait-elle ? ».

Rien de bien révolutionnaire jusque là, la morale est sauve ! Pourtant, le souci dʼune éducation au complexe devrait conduire lʼenseignant à aller plus loin.

• Problématiser pour complexi-fierIl ne faut pas oublier que la portée universelle des maximes peut être mise en doute. Les maximes sont-elles cohérentes entre elles au point quʼelles permettent une éducation morale universelle ? Sans doute pas : on se souvient en effet quʼune règle paraît dépasser la singularité des cultures. Cette règle – dite « rè-gle dʼor » –, indique : « Ne fais pas à autrui ce que tu nʼaimerais pas que lʼon te fasse.»

Il ne sʼagit pas ici de « briser » cette maxime, mais de permettre aux élè-ves dʼen saisir à la fois les limites, la nature et la pertinence.

Les limites, dʼabord : après avoir compris la maxime, on peut sʼinterro-ger : « Cette maxime est-elle toujours vraie ? Connaissez-vous un cas où elle ne sʼappliquerait pas ? Jamais ? Toujours ? Pour personne ? Pour tout le monde ? ». L̓ emploi de cette suite de mots clés permet de problé-matiser les propos tenus avec une vi-sée complexifiante et universalisante. Problématiser les propos peut se fai-re en recourant à une autre maxime qui, avec la même assurance que la première, décrit un précepte moral conduisant à en limiter le contenu. On peut aussi évoquer des exemples contraires à la règle énoncée. Ainsi, lʼon souhaite que nos élèves disent toujours la vérité, mais faut-il quʼils décrivent à leurs parents tout ce quʼils ont fait en classe le jour où ils ont fait le cadeau de fête des mères ou des pères (le mensonge par omis-sion) ? Doit-on dire à une personne âgée, au risque dʼune souffrance im-portante, quʼelle sʼest trompée dans cette recette quʼelle maîtrisait si bien avant ?

Cʼest alors la nature de la construc-tion de la maxime, humaine et cir-constancielle, qui peut apparaître, à lʼinstar de lʼélaboration dʼune règle, dʼune loi. Il ne sʼagit pas non plus, péremptoirement, de la disqualifier dans lʼesprit des élèves. Ce serait là une nouvelle forme de jugement rapide dont on doit leur apprendre à se garder. On cherchera plutôt à leur permettre de lʼexaminer et de la jauger ; par exemple par lʼexamen de ses avantages, motivations et in-convénients : « Que se passerait-il, dans notre société, si lʼon appliquait toujours cette maxime ? Si on ne

lʼappliquait jamais ? Comment faire pour savoir sʼil faut ou non lʼappli-quer ? »

La pertinence du propos tenu sera donc finalement appréciée avec lʼidée que la réflexion nʼest pas arrê-tée, quʼune maxime ne sʼimpose pas, mais nécessite dʼêtre examinée dans le cadre dʼune éducation à une liberté raisonnée qui peut conduire à faire évoluer la maxime.

• Permettre à chacun de se pro-noncerSʼagissant dʼune éducation à la li-berté individuelle on peut demander aux élèves, à lʼissue des échanges : « Et toi, quʼen penses-tu finalement ? Crois-tu quʼil faille toujours respec-ter cette maxime? », ou bien leur de-mander : « Dessine deux situations : une situation où il faudrait respecter cette maxime, une où ce nʼest pas si évident. »

Ce peut être lʼoccasion dʼun retour et dʼun échange qui permet dʼiden-tifier la diversité des positions : une forme dʼouverture à lʼautre et à lʼac-cueil de la différence.

Finalement, on perçoit que lʼuti-lisation de la maxime qui semble présenter lʼavantage de la simpli-cité pour une instruction morale, nʼa dʼintérêt que si cʼest lʼoccasion dʼouvrir à la complexité du monde, à une éducation éthique. Elle devient alors lʼinstrument de cette éducation du futur, une éducation au complexe défendue par Edgar Morin1 et soute-nue par lʼUNESCO2 : une nouvelle forme dʼentrée dans les activités à visée philosophique à lʼécole. La maxime ne résout pas la complexité du monde, mais peut être matière à la poser. Non pour décourager les élè-ves, mais pour leur permettre dʼen-trer progressivement dans le monde difficile quʼils doivent assumer en grandissant.

Jean-Charles PETTIER,professeur de philosophie à lʼIUFM de

Créteil/UPEC3

1. Les sept savoirs nécessaires à lʼéducation du futur, Seuil, 2000. 2. United nations educational, scientific and cul-tural organization.3. Université Paris-Est Créteil.

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Réflexion et démarche

L̓ un des axes forts et prioritaires de no-tre projet dʼécole est la réécriture de ce règlement intérieur que nous voulons davantage lisible, davantage compré-hensible et réellement document de ré-férence commune. Nous lʼenvisageons comme un texte fondateur à destination des parents avec une partie annexe sim-plifiée en direction des élèves.

Réécrire ce règlement dʼécole est pour nous lʼoccasion et la nécessité incontournable de nous réinterroger et de nous accorder sur ce que nous en-tendons par devoirs des élèves, devoirs des enseignants et sur les moyens de les faire respecter…

Notre programme dʼanimation péda-gogique est essentiellement centré sur cette problématique et nous bénéficions du riche concours de lʼOCCE 91.

Nous avons accordé la quasi-totalité des deux jours de pré-rentrée à la prépa-ration dʼun accueil de qualité des élèves et de suite conforme à nos premières at-tentes en matière de règles de vie…

Le recueil, exprimé par chaque en-seignant, des manquements imputa-bles aux élèves, jugés graves et inad-missibles, a permis de définir une liste de quatre faits à traiter en priorité : - les faits dʼincivilité et de violence ;- les mouvements de chahut lors des déplacements ;- les dégradations ou le non-respect du matériel ; - les retards fréquents.

Ces faits concernant essentiellement les temps de récréation ou de dépla-cements, ceux des classes restant mi-nimes, nous avons décidé de concen-trer notre action sur ces lieux et temps communs…

Mise en œuvre

• Présentation des règlesCes quatre principes simples ont été énoncés, commentés et explicités à tous :- présentés par le directeur dès le

matin de la rentrée, à lʼoccasion dʼun grand rassemblement dans la cour de lʼécole, au cours dʼun discours dʼac-cueil et de présentation de lʼéquipe ;- répétés de la même façon à tous les élèves et dans toutes les classes au cours de la matinée, puis à tous les pa-rents, les jours suivants, lors des réu-nions de rentrée.

- Venir régulièrement et à lʼheure à lʼécole…Vous devez venir tous les jours à lʼécole. Seule la maladie est un motif excusable dʼabsence.

Aucun retard nʼest possible… Après 8h30 et après 13h30, les portes de lʼécole seront fermées, ce qui, en cas de retard, vous conduirait à perdre un précieux temps dʼécole…

- Respecter les personnes : vous-même, les autres élèves, tous les adultes de lʼécole ou extérieurs.Se respecter et respecter les autres, cʼest être poli et courtois, cʼest obser-ver une attitude corporelle correcte, cʼest revêtir une tenue décente…

- Respecter le matériel, cʼest avoir sa trousse, ses outils dʼécolier (crayons, cahiers…) en parfait état et veiller à ne pas abimer le matériel (table, chaise, case), ainsi que les équipe-ments collectifs (mobilier, outils de la classe, etc.).

Respecter les locaux, cʼest mainte-nir le rangement et la propreté de sa case, de sa classe, des couloirs, des sanitaires et de la cour.

- Observer et maintenir le calme in-dispensable et nécessaire aux condi-tions dʼapprentissage…Cʼest respecter ce calme dans votre classe, mais aussi veiller au silence total lors de vos déplacements dans les couloirs.

Ces quatre valeurs, sous une forme vo-lontairement simple, sont maintenant affichées dans chaque classe et dans tou-

tes les parties collectives de lʼécole. Une signalétique particulière et commune en permet une parfaite lisibilité.

Nous avons, par ailleurs, interrogé les élèves sur le rôle du directeur. Leurs ré-ponses ont plus largement porté sur la gestion des conflits, « régler les problè-mes ou régler les embrouilles » comme ils le disent.

• Respect des devoirsNotre travail a consisté depuis, pour chacune de ces valeurs, à dresser la liste des devoirs quʼelle implique. De-voirs qui devront être aussi clairement énoncés, commentés, explicités, illus-trés. Trop de règles restent dans le flou car trop implicites.

Très vite, la question du moyen de faire respecter ces devoirs, ou de la réponse apportée à leur non-respect, est apparue. Nos débats animés et en-flammés nous ont permis dʼéchanger : sanction, punition, travail dʼintérêt général, réparation, gradation des ré-ponses, trop ou pas assez de sévérité, trop ou pas assez de souplesse… Pas facile de se mettre dʼaccord ! Pourtant, cet accord est indispensable. La cohé-rence et la cohésion dans nos réponses face aux manquements seront les clés du problème. La moindre distorsion, la moindre faille sont toujours néfastes.

De débats en débats, nous sommes parvenus à convenir quʼil nous fallait absolument, au regard de cette liste de devoirs, faire correspondre une liste de droits : ceux incontournables que nous devons aux élèves, au regard des droits de lʼenfant ; ceux moins obligatoires, mais quʼils apprécient et que nous sommes prêts à leur accorder. Nous comptons nous appuyer sur la jouissance ou la perte de ces droits pour encourager les élèves à les respecter.

Jacky DELARGE,directeur de lʼécole élémentaire

dʼapplication Paul Langevinà Corbeil-Essonnes

LE RÈGLEMENT D'ÉCOLE

Le règlement intérieur de l’école, document obligatoire présenté à chaque premier conseil d’école et distribué aux familles en début d’année, est un support essentiel au service du « bien vivre ensemble ». Tout y est dit pour connaître et partager les règles communes de l’école, gage d’une

parfaite cohabitation…

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FABLE, MORALE ET MORALITÉ…OU LES FABLES SONT-ELLES MORALES ?

Les Fables de La Fontaine font partie des rares œuvres littéraires inscrites de longue date dans la tradition de l’école, pour des élèves d’âges divers. Le ministère de l’Éducation recommande1 ainsi de faire découvrir les plus connues dès le cycle 2.

Mais l’objectif ici est-il l’éducation morale ? L’article souligne les ambiguïtés des textes de ce point de vue, et l’intérêt que l’on peut trouver à les mettre en débat.

Dans le second livre2 dʼEmile, Jean-Jacques Rousseau critique violem-ment la pratique, déjà courante à son époque, consistant à faire lire les Fables de La Fontaine à de jeunes enfants. Il estime en effet que ceux-ci sont incapables de les comprendre et que les enseignants sont bien en peine de les leur expliquer. Dans ces condi-tions, quel peut être lʼeffet dʼune telle lecture ? Il conclut ainsi son analyse de Le corbeau et le renard 3 : Suivez les enfants apprenant leurs fables, et vous verrez que, quand ils sont en état dʼen faire lʼapplication, ils en font presque toujours une contraire à lʼintention de lʼauteur, et quʼau lieu de sʼobserver sur le défaut dont on les veut guérir ou préserver, ils penchent à aimer le vice avec lequel on tire parti des défauts des autres. Dans la fa-ble précédente, les en-fants se moquent du corbeau, mais ils sʼaf-fectionnent tous au re-nard. (...) On nʼaime point à sʼhumilier : ils pren-dront toujours le beau rôle ; cʼest le choix de lʼamour-propre, cʼest un choix très naturel. Quel âge faut-il donc attendre pour faire découvrir ce patrimoine ? Ou bien faudrait-il y re-noncer ? À moins quʼon nʼattende de cette lecture tout autre chose que ce que Rousseau feint dʼy voir…

Morale de la fable et morale usuelle

Quand on fait lire une fable, cherche-t-on en effet à donner une leçon de morale, à travers des exemples quʼil conviendrait de suivre ? Pour éclair-cir la question, référons-nous à un extrait de lʼarticle Moral (adj. qual.) et Morale (n.f.) du Dictionnaire du Français Universel4 : Une fable, court

récit exemplaire, généralement en vers, se termine dʼordinaire par une morale ou moralité. SYN. maxime, règle de vie, pas toujours « morale » au sens usuel du mot. Dans son sens usuel, on dit en effet quʼune histoire est « morale » lorsquʼelle est édifian-te : Les méchants y sont punis et les bons récompensés ; elle est faite pour donner envie de bien se conduire et de fuir le mal5.

Rares sont les Fables de La Fontai-ne qui donnent une véritable « leçon

de morale » : il sʼagit beaucoup plus sou-

vent dʼobserva-tions sur lʼhuma-nité telle quʼelle est. Elles sont parfois cruel-les : La jeu-nesse se flatte et croit tout

obtenir ; La vieillesse est

impitoyable6 et plutôt conserva-

trices. Le fabuliste constate par exem-

ple que La raison du plus fort est toujours la meilleure7, et ne laisse rien espérer dʼun change-ment de gouvernement8 !

Certaines fables rejoignent bien la sagesse populaire, comme Le chat et un vieux rat, qui sʼachève sur ces mots : La méfiance est la mère de la sureté9. Mais quʼy a-t-il ici de « mo-ral » au sens usuel, en effet ? Il sʼagit dʼune règle de conduite pratique, une incitation à la prudence, telle quʼon la trouve dans bien des fables. Le sort de la cigale invite ainsi à la pré-voyance, celui du corbeau à la mé-fiance et celui de la grenouille10 en-seigne la modération. Une morale en résume bien dʼautres : En toute chose il faut considérer la fin11. Si la four-berie est clairement condamnée, cʼest surtout parce que le trompeur risque

fort de se trouver à son tour trompé12, car cʼest double plaisir de tromper le trompeur13.

Moralité…

La plupart des Fables sont hors de portée des élèves, en effet, mais toutes ne le sont pas, à condition de ne pas se tromper dʼobjectif : il conviendra de les lire non comme des exemples, mais comme des situations problé-matiques, dont il convient de débat-tre. Cela permet au moins de réfléchir aux divers sens du mot morale, éga-lement employé bien souvent au sens large : La morale de lʼhistoire… ne se dit pas seulement dʼune fable. La plupart des récits, à commencer par les contes, comportent eux aussi une « leçon ». Rapprocher des fables et dʼautres histoires pour en expliciter la morale est lʼune des nombreuses façons dʼapprendre à lire : réfléchir sur ce quʼon lit, cʼest-à-dire sur ce quʼon est, et sur ce que la littérature en dit.

Joëlle THEBAULT, professeure dʼIUFM honoraire

1. On trouve les deux sélections dʼouvrages re-commandés, pour le C2 et pour le C3, sur le site http://eduscol.education.fr/pid23250-cid50485/ litterature.html 2. Pour lire lʼextrait http://michel.balmont.free.fr/pedago/fablesx/emile.html 3. Fable II, Livre I ; suit La cigale et la fourmi, Fable I, Livre I, toutes deux dʼaprès Esope. 4. Jacqueline Picoche, De Boeck Duculot 2002, dorénavant DFU. 5. DFU, p.572.6. Le vieux chat et la jeune souris, Fable V, Livre XII.7. Le loup et lʼagneau, Fable X, Livre I. 8. Les grenouilles qui demandent un roi, Fable IV, Livre III.9. Fable XVIII, Livre III.10. La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf, Fable III, Livre I.11. Le renard et le bouc, Fable V, Livre III.12. Le renard et la cigogne, Fable XVIII, Livre I.13. Le coq et le renard, Fable XV, Livre II.

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FAUT-IL COUPER LA TÊTE DU PETIT POUCET ?

Caractériser les personnages d’un récit est une activité fondamentale, souvent mise en œuvre dans les classes. On pense moins souvent à évaluer leur conduite d’un point de vue moral. Le dispositif décrit dans l’article qui suit est très ingénieux : il reste, pour l’enseignant qui envisagerait de le

mettre en place, à prévoir les réactions de ses élèves, de façon à faire face aux dérives possibles. Il attire en tout cas, à juste titre, l’attention des enseignants sur la question de la moralité des contes et de leurs héros.

Dans le cadre de lʼopération « Un livre pour lʼété », le ministère de lʼÉducation nationale a offert à cha-que élève de CM1 lʼouvrage Neuf contes de Charles Perrault. Dans une perspective pluridisciplinaire, la lecture du Petit Poucet avec des élèves peut être exploitée en instruc-tion civique et morale. Le dispositif pédagogique décrit ci-dessous a été présenté lors de formations dʼensei-gnants du premier degré au travers de mises en situation. Adapté au niveau du CM2, il peut être con-duit en une ou plusieurs séances et sʼorganise en deux grands mo-ments : la mise en situation et le retour réflexif sur le dispositif. Lʼensemble est présenté de manière chronologique.

Coupable ou non coupable ?

• Récit de lʼhistoire du Petit PoucetDans un premier temps, lʼenseignant procède à la narration (ou à la lec-ture) dʼun résumé du conte. Il sʼagit pour les élèves de se remémorer (ou éventuellement de découvrir) lʼhis-toire du Petit Poucet et de partir dʼune représentation commune pour cette séance. Lʼenseignant peut, par exemple, sʼappuyer sur le résumé proposé par le site communautaire Wikipédia1. Le texte publié dans Neuf contes fera lʼobjet dʼune étude a posteriori.

• Phase de problématisation – con-ceptualisation - argumentationAprès le résumé, lʼenseignant pour-suit lʼhistoire en exposant la situation suivante : « L̓ Ogre se rend au com-missariat de police et porte plainte contre le Petit Poucet pour le vol de ses bottes2. »

Il demande ensuite aux élèves de prendre un temps pour répondre indi-viduellement par écrit, sur une feuille de brouillon, à cette question : « Le Petit Poucet avait-il le droit de voler les bottes ? ». Ils doivent pour cela compléter un tableau comprenant deux colonnes dans lesquelles ils no-tent leurs arguments.

Il avait le droit parce que…

Il nʼavait pas le droit parce

que…

Une mise en commun de lʼensemble des arguments des élèves est effec-tuée par lʼenseignant dans un tableau général.

À partir de cette argumentation, lʼenseignant demande aux élèves de réfléchir aux types de jugement que pourrait prononcer un juge et dʼen expliquer les raisons. Il sʼagit pour

lui de faire émerger la typologie sui-vante :- une peine parce que lʼacte est illégal (cʼest-à-dire contraire au Droit) ;- un acquittement parce que l’acte est considéré comme légal (conforme au Droit) ou légitime (conforme à ce que devrait être le

Droit3 ou à ce qu’il peut tolérer au vu des circonstan-

ces4) ;- une peine avec sursis parce lʼacte est jugé illégal, mais légitime (la con-damnation est sym-bolique).

Ce travail permet de clarifier les concepts de lé-

galité et illégalité, légitimité et illégitimité.

• Le procès du Petit PoucetLʼenseignant demande oralement aux élèves quel type de jugement ils prononceraient a priori dans lʼaffai-re du Petit Poucet : peine, peine avec sursis ou acquittement. Leur réponse ne doit pas être justifiée ni argumen-tée à ce moment de la séance. Leur choix est noté sur une liste dʼélèves. Lʼenseignant annonce alors seule-ment que lʼon va conduire en classe le procès du Petit Poucet. Il opère une répartition à peu près égale des élèves en trois groupes :- ceux qui ont choisi lʼacquittement sont chargés dʼassurer lʼaccusation (groupe 1) ;- ceux qui ont retenu la peine sont chargés dʼassurer la défense du Petit Poucet (groupe 2) ;- ceux qui ont préféré la peine avec sursis devront rendre le jugement (groupe 3).

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Poucet2. L̓ idée originale est née dʼune discussion avec J.-C. Pettier, professeur de philosophie à lʼIUFM

de lʼacadémie de Créteil.3. Dans ce cas, une jurisprudence permet dʼactua-liser la manière dont une loi doit sʼappliquer.

4. La justice est proportionnelle au sens où elle sʼexerce en tenant compte du contexte des faits.

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Ce procédé conduit les élèves à ex-plorer une argumentation opposée à la leur et par là même, à interroger leur propre opinion.

Un temps est laissé aux groupes 1 et 2 pour développer lʼargumentaire quʼils devront respectivement con-duire lors du procès. Parallèlement, le groupe 3 établit une échelle de condamnations possibles dont il se servira pour rendre son jugement. Les sanctions peuvent être en partie imaginaires. Le code pénal français peut être découvert à cette occasion et servir de point dʼappui5. Dans ce groupe, un « président de la cour » est désigné, il sera chargé dʼorgani-ser les débats. Les autres se verront confier un rôle dʼ« assesseurs », de « jurés »6 ou dʼobservateurs.

La salle est disposée de manière à ce que les trois groupes soient répartis dans des espaces distincts ; à lʼinstar dʼun tribunal qui prévoit un espace pour ceux qui rendent le jugement, un pour ceux qui sont accusés, un pour la défense, un pour les témoins, etc. Les débats contradictoires sont conduits.

Pendant ce temps, les observateurs procèdent à lʼévaluation individuel-le des compétences argumentatives des élèves des groupes 1 et 2 à partir dʼune grille préalablement explici-tée par lʼenseignant aux élèves du groupe 3. Elles concernent la qualité de lʼécoute, de la prise de parole, de lʼattitude argumentative, la nature et lʼorigine de lʼargumentaire.

À lʼissue des débats, le groupe 3 se réunit pour arrêter sa décision. Pa-rallèlement, la grille dʼévaluation est présentée aux élèves des groupes 1 et 2 et chaque élève doit procéder à son auto-évaluation.

Le jugement est annoncé par la cour. Il est argumenté au vu des débats. Les élèves des groupes 1 et 2 font part de leur auto-évaluation. Elle est croisée avec celle des observateurs afin dʼenrichir lʼévaluation forma-trice.

L’exploitation pédagogique du dispositif

Le dispositif permet de réaliser des apprentissages dans des domaines variés7. Ils sont indiqués ci-dessous. Selon leur nature, ils peuvent être abordés lors de la mise en situation, lors de séances de prolongement ou lors dʼun retour réflexif collectif avec les élèves en fin de séance.

• Du point de vue philosophique- La clarification des concepts de propriété, de légalité (en tant que res-pect du droit) et de légitimité (en tant que ce que devrait être le Droit).- Le dépassement de la simple opi-nion par : ◊ l’examen des présupposés de sa pensée (Sur quoi se fondent mon avis, mes arguments ?) ; ◊ la mise en œuvre d’une pen-sée dialectique8 (Ce que je dis est-il « vrai » ? Est-ce toujours « vrai » ? Peut-on dire l’inverse ? L’inverse est-il « vrai » ? Etc.) ; ◊ la mise en œuvre d’une pensée critique dialogique9 (au travers de la confrontation et l’examen des ar-gumentaires, de l’étude littéraire du personnage du Petit Poucet…).

• Du point de vue de lʼinstruction civique et moraleDans le domaine de lʼinstruction ci-vique :- lʼorganisation de la justice en France (le code pénal, le fonctionne-ment dʼun tribunal…) ;- le droit naturel à la propriété (en référence à lʼarticle II de la Déclara-tion des droits de lʼhomme et du ci-toyen de 1789).Dans le domaine de la morale :- le respect de la loi et de la proprié-té individuelle ;- lʼétude du portrait moral du per-sonnage du Petit Poucet à partir de ses actes (en lien avec lʼétude litté-raire du texte de Charles Perrault) ;- lʼétude de la morale qui clôt le texte de Charles Perrault.

• Du point de vue littéraire- Étude littéraire du personnage du

Petit Poucet au travers de ses actes, notamment dʼun point de vue moral. Par exemple, le Petit Poucet épie ses parents, provoque consciemment un infanticide (la dévoration des petites ogresses par leur propre père), ment (il prétend à la femme de lʼogre que son époux a été kidnappé), vole (les bottes de lʼogre, lʼor de lʼogre à lʼaide dʼun mensonge), etc.- Le procès et lʼétude du personnage font prendre conscience aux élèves que le Petit Poucet quʼils identifient comme un héros, nʼest pas aussi positif quʼils le pensaient a priori. L̓ analyse à conduire de la dernière partie du texte est édifiante à ce titre. Elle montre que lʼauteur lui-même interroge le caractère peu édifiant du personnage. Cette partie commence par la justification suivante : « Il y a bien des gens qui ne demeurent pas dʼaccord de cette dernière cir-constance, et qui prétendent que le petit Poucet nʼa jamais fait ce vol à lʼOgre ; quʼà la vérité, il nʼavait pas fait conscience de lui prendre ses bot-tes de sept lieues (…) »

• Du point de vue des compétences oralesOn peut faire travailler lʼécoute, lʼex-pression, lʼargumentation.

Au vu de la grille dʼévaluation, il apparaît parfois que des élèves ont utilisé prioritairement ou exclusive-ment un certain type dʼargumentai-res ou dʼattitudes. Il devient alors formateur de leur faire concevoir a posteriori des arguments dʼune autre nature ou de leur faire explorer une autre posture dans un débat qui peut être partiellement rejoué.

Thierry BOUR, IEN à Sainte-Geneviève-des-Bois

5. Code pénal, livre III, titre 1er, chapitre 1er, sec-tion 1, Art. 311-1 à 311-11.6. Par commodité, on ne distinguera pas les dif-férentes juridictions (tribunal correctionnel, pour enfants ou cour dʼassises).7. Quelques éléments cités ici sont repris de lʼarti-cle du même auteur, Lʼinstruction civique et la mo-rale sont-elles solubles dans la citoyenneté ?, paru dans Blé 91 n°47, octobre 2011.8. La philosophie de Socrate ou de Platon.9. J. Habermas.

La grille dʼévaluation est disponible au téléchargement sur le site de la DSDEN de lʼEsson-ne avec la version numérique de ce numéro de Blé 91. Elle a été élaborée dʼaprès lʼouvrage de J. Aubert-Pérès et J. Vieuxloup, Comment donner la parole aux élèves, CRDP de Bretagne, 2003.

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ÉTUDIER LA MARSEILLAISE EN CYCLE 3

Cet article propose des pistes historiques et pédagogiques pour aider les enseignants à étudier la Marseillaise avec leurs élèves.

Des éclairages historiques indispensables

La composition de la Marseillaise dans la nuit du 25 au 26 avril 1792 sʼinscrit dans un contexte très par-ticulier. Le 20 avril 1792, la France déclare la guerre à lʼAutriche et à la Hongrie. Cette déclaration de guerre fait suite à une exacerbation des tensions entre la France et ses voisins européens. En effet, depuis 1789, les monarchies européennes observent avec inquiétude les trans-formations qui sʼopèrent en France. Une partie de la haute noblesse française, dont le propre frère du roi, a fui la France et cherche re-fuge auprès des puissances étran-gères. Ces émigrés mettent sur pied une armée contre-révolutionnaire qui se forme sur la rive droite du Rhin. Le 20 juin 1791, Louis XVI tente à son tour de sʼenfuir. Le 27 août 1791, lors de la déclaration de Pillnitz, lʼempereur dʼAutriche (frère de Marie Antoinette) et le roi de Prusse se disent prêts à rétablir la monarchie en France. Pendant ce temps, Louis XVI use et abuse du droit de veto que lui confère la nouvelle constitution et sa duplicité semble ne plus faire de doute. Pour beaucoup, la guerre permettrait de porter les idéaux révolutionnaires hors des frontières et donc dʼassurer la sécurité de la France mais aussi de pousser le roi dans ses derniers retranchements.

Lʼanalyse du texte de la Mar-seillaise ne peut se faire sans ces éclairages : sʼil sʼagit indéniable-ment dʼun chant guerrier exhortant les Français à sʼenrôler, lʼobjectif nʼest pas seulement de défendre la patrie menacée mais surtout de dé-fendre la Révolution. Défendre la patrie, cʼest empêcher les monar-chies européennes de confisquer les acquis de la Révolution, principale-ment la liberté, et de rétablir par la force, « contre nous de la tyrannie, lʼétendard sanglant est levé », la monarchie absolue.

fiée dans le sixième couplet et appe-lée à soutenir les citoyens en armes. On nʼoubliera pas de rappeler que ce sixième couplet est, avec le pre-mier, privilégié lors des cérémonies officielles. La Marseillaise est donc porteuse dʼun message politique.

Dans un second temps, on étudiera la représentation des ennemis, no-tamment dans le troisième couplet. Sʼil sʼagit ici de faire le lien avec le contexte précis de 1792, il peut être intéressant de prolonger la réflexion sur dʼautres situations dʼoccupation étrangère (colonisation, France du-rant la seconde Guerre mondiale).

Enfin, le cinquième couplet, sou-vent ignoré, mérite une analyse parti-culière car il atténue le message belli-queux, « épargnez ces tristes victimes sʼarmant contre nous », en faisant bien la différence entre les dirigeants et les peuples étrangers asservis.

L̓ analyse de la Marseillaise peut se poursuivre, en lien avec lʼhistoire des arts, lorsquʼil sʼagira dʼévoquer la difficile mise en place de la démo-cratie et de la République en France. De fait, la censure dont a fait lʼobjet la chanson au XIXe siècle, comme le drapeau tricolore ou les représen-tations de Marianne, autres grands symboles de la République, souligne en creux la portée révolutionnaire de son message. Comprendre cette portée révolutionnaire peut se faire à partir dʼune analyse comparée du texte, du Départ des volontaires de 1792, sculpture de Rude (1836) et de La Liberté guidant le peuple, tableau de Delacroix (1830).

On pourra conclure en rappelant que ce nʼest quʼen 1874 que le tableau de Delacroix, jugé trop subversif, sera définitivement exposé au Louvre tan-dis que la Marseillaise attendra 1879 pour être reconnue hymne national.

Corinne KROUCK, docteur en histoire contemporaine et

enseignante à lʼIUFM dʼÉtiolles

Une portée universelle

Par son message dʼémancipation et de résistance à lʼenvahisseur, la Mar-seillaise deviendra naturellement le chant de ralliement des opprimés, avant quʼelle ne soit concurrencée par lʼInternationale à partir de 1888, et de tous ceux qui aspirent à la liberté. En France, cʼest elle qui est chantée sur les barricades en 1830, en 1848, lors de la Commune de Paris mais aussi par les résistants durant la Seconde Guerre mondiale ou par de Gaulle à la libéra-tion de Paris. Mais cʼest aussi lors du « Printemps des peuples » de 1848, quʼelle est chantée en Italie, en Polo-gne, en Hongrie ; elle le sera encore dans la Russie révolutionnaire de 1917 ou dans lʼEspagne des années 1930.

Pistes d’analyse

L̓ étude de la Marseillaise sʼinscrit naturellement dans le programme dʼhistoire de cycle 3 associé à celui dʼinstruction civique et morale. L̓ ob-jectif est de montrer quʼau-delà de sa dimension belliqueuse, ce chant est porteur dʼune des valeurs fondatrices de la République.

Dans le cadre de la séquence sur la Révolution française, une étude pré-cise du texte peut être menée après une nécessaire présentation du con-texte dans lequel la chanson a été composée.

On pourra tout dʼabord repérer les différents destinataires du texte. Si la chanson invite à prendre les ar-mes, elle se veut aussi un avertisse-ment lancé aux ennemis de la liberté, « tremblez tyrans », liberté personni-

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AUTRES TEMPS, AUTRES MŒURS ?

Les élèves peuvent-ils se reconnaître dans les manuels de lecture ? Y trouvent-ils un reflet de la so-ciété qui les environne ? En examinant quelques-uns d’entre eux, l’auteur de cet article nous invite à y réfléchir…

Donner à chaque enfant les clés du savoir et les repères de la société dans laquelle il grandit est la pre-mière exigence de la République et lʼunique ambition de lʼécole pri-maire : ainsi commence le préambule des programmes 2008. Les manuels dʼapprentissage de la lecture ont, par les valeurs et les normes quʼils véhi-culent, un rôle important dans le dé-veloppement de lʼenfant et la repré-sentation quʼil se fait du monde qui lʼentoure.

Examinons cette question à travers quatre ouvrages1 parus depuis un demi-siècle.

L’égalité des sexes

Dans chaque ouvrage, le nombre de filles et de garçons est à peu près équivalent mais quʼen est-il de la représenta-tion de chacun ? Dans Daniel et Valérie, la fillette porte exclusi-vement des robes. La situation est plus con-trastée dans les autres ouvrages, par exemple la couverture de Lec-ture en fête montre des enfants en pantalon. Le choix de lʼhabillement est généralement relatif aux activités pratiquées et non au sexe de celui qui les porte.

Les activités attribuées aux person-nages de chacun des deux sexes ont peu évolué. Si on sʼattend à ce que Valérie tricote pendant que Daniel monte sur lʼâne, on imagine moins que dans Lecture tout terrain, paru en 2007, ce soit encore Ludo qui pra-tique le football, le judo et se déguise en corsaire, pendant que Lida lʼad-mire en portant une jolie jupe ou un costume de reine.

Dans ce même ouvrage un passage est plus inquiétant. Lors dʼune sor-tie, Laura est isolée. Ludo lui offre un gâteau quʼelle refuse car elle est « trop grosse », ce que sʼempresse de démentir Ludo. Est-ce lʼimage

plaintive de la femme enfermée dans une représentation stéréotypée de la beauté que les auteurs ont voulu transmettre à la jeune génération ? Heureusement, quelques lignes plus loin, Laura montrera comment attra-per un crapaud à Ludo qui, admiratif, la complimentera sur le fait quʼelle est « forte ». Il semblerait que Laura nʼait pas conscience du double sens de ce mot puisquʼelle est ravie. Re-marquons cependant que dans Lectu-re en fête, les filles jouent aux billes et les garçons font les courses et cui-sinent. Cʼest rassurant !

La représentation de la famille

Là aussi peu de changement : elle est composée dʼun père et dʼune mère accompagnés de préférence dʼun en-

fant de chaque sexe et vit dans un environne-ment agréable. On est très loin des disparités réelles, tant du point de vue de la constitution de la famille que de la diversité des modes de vie. À ce sujet, remar-quons que les manuels évitent, dans lʼensem-ble, dʼaborder des si-tuations familiales ou matérielles difficiles mais nʼhésitent pas

à présenter des activités onéreuses auxquelles tous les enfants nʼont pas accès : vacances sur la côte dʼAzur, sortie au restaurant…

Dans la seconde histoire dʼAbraca-dalire, intitulée Les bêtises de Boub, lʼauteur présente une famille dont les parents se disputent et omettent de dire certaines vérités à leur petit gar-çon, concernant leur enfance. Cela reste cependant très sage avec une fin heureuse qui garde la « morale » sauve.

La représentation de l’école

Excepté Daniel et Valérie, chaque ouvrage met en scène des enfants à

lʼécole. Mais les élèves y retrouvent-ils leur environnement scolaire ?

Prenons lʼexemple du manuel le plus récent Lecture tout terrain. Qua-tre chapitres sont consacrés à lʼen-vironnement scolaire mais aucun ne place lʼenfant en position dʼélève apprenant ; les représentations ne permettent pas dʼaborder des thèmes comme lʼentraide, dans le travail de groupe par exemple, lʼacceptation des différences… On peut également sʼinterroger sur le choix des prénoms, assez éloignés de ceux qui composent actuellement les listes de classe. Par ailleurs, les douze enfants présents sur la photo de classe ne sont pas re-présentatifs de la diversité sociologi-que de notre société.

Dans Abracadalire, celle-ci nʼest évoquée que sur une des sept photos présentant les enfants dans leur quo-tidien scolaire.

Précisons quʼaucun de ces ouvrages ne présente des enfants en situation de handicap, dans un cadre scolaire.

Pour conclure

Ce travail concernant les normes et valeurs véhiculées par les manuels de lecture au cours préparatoire est très loin dʼêtre exhaustif. Par ailleurs, il ne concerne que quatre ouvrages qui mettent toutefois en évidence le peu dʼévolution dans les représentations de notre société.

Quʼen est-il des manuels que vous utilisez en classe ?

Annick VINOT,conseillère pédagogique à Dourdan.

1. Daniel et Valérie, L. Houblain et R. Vincent, Nathan, 1964.Lecture en fête (livret 1), P. Bonnevie, L. De Coster, N. Luini, O. Vian, Hachette, 1983.Abracadalire (livret 1), D. et E. Fabre, Hatier, 1996.Lecture tout terrain, J. Lurse, Bordas, 2007.Ces ouvrages ont été choisis car ils permettent de comparer des personnages récurrents dans diverses situations.

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UNE CHARTE D'USAGE DES TUIC DANS L’ESSONNE

La charte d’usage des TUIC1 existante était peu compréhensible par les élèves. Elle ne leur per-mettait pas de s’en approprier le contenu, au regard de la formation et de la sensibilisation des mineurs aux risques d’Internet. C’est pourquoi un groupe de PRI2 s’est engagé dans la rédaction

d’une charte départementale à destination spécifique des élèves.

La circulaire n°2004-35 du 18-2-20043 indique les mesures à mettre en œuvre pour garantir le dévelop-pement de l’usage de l’Internet dans le cadre pédagogique. La formation et la sensibilisation des utilisateurs doivent se concrétiser par la respon-sabilisation de chacun à travers une charte d’usage des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’établissement ou l’éco-le. La charte d’usage des TIC est un texte à dimension éducative et ne doit pas se réduire à une liste d’inter-dictions ou à un mode d’emploi des outils informatiques4.

Constats

• Le règlement-type des écoles pu-bliques du département de lʼEssonne fait référence, dans lʼarticle 15-1 Usa-ge de lʼInternet à lʼécole, à la présen-ce dʼune charte qui doit être portée à la connaissance du conseil dʼécole et être connue de lʼensemble des élèves. Force est de constater que même si ce règlement est approuvé en conseil dʼécole, peu ou pas dʼexplications sur cette charte sont données dans cette instance. Dʼautre part, si ce point est abordé entre adultes, on nʼen trouve que très rarement une trace écrite à proximité des équipements informa-tiques des écoles (salle dédiée, classe mobile, TNI5, etc.). Lorsquʼelle est présente, le texte est non accessible aux élèves. • Le domaine 2 du B2i6, dans le texte réglementaire de 2006, com-porte lʼitem suivant : Lʼélève connaît et respecte les droits et devoirs indi-qués dans la charte dʼusage des TIC de son école. De surcroît, dans le B2i actualisé en décembre 20117 et appli-

cable au plus tard à la rentrée 2012, lʼaccent est très nettement mis sur lʼutilisation raisonnée et citoyenne de lʼInternet et des communications électroniques.

Afin que les élèves puissent valider entièrement le domaine du B2i Adop-ter une attitude responsable, il est nécessaire de leur présenter un texte à leur portée qui devra faire lʼobjet dʼun travail en classe. • Pour les écoles, le premier niveau de LabelTice 1er degré8 peut être ob-tenu si lʼitem suivant est validé : Existence dʼune charte dʼusage des TUIC. La charte dʼusage des TUIC est donc une obligation pour la pro-gression des écoles dans ce label, gage de la qualité des équipements et des usages qui en sont faits par les enseignants et les élèves.

Ces trois constats ont guidé notre ré-flexion dans lʼélaboration de la charte départementale dʼusage des TUIC à destination des élèves. Dès le début, il a semblé important que celle-ci soit accompagnée de ressources pédago-giques, afin de permettre aux ensei-gnants de conduire un travail avec leurs élèves qui en comprendront ainsi plus facilement les enjeux, aujourdʼhui dans leur vie dʼélève et demain, dans leur rôle de citoyen res-ponsable.

Élaboration

Cette charte a été élaborée à partir des outils mis à disposition sur le site Éduscol9, ainsi que de nombreux écrits conçus et utilisés dans dʼautres départements.Elle a été structurée en quatre points :

• un préambule ;• une référence à la loi ;• des règles générales ; • des règles concernant lʼInternet.

Les ressources existantes recensées pour lʼaccompagner sont principale-ment des vidéos abordant un certain nombre dʼitems contenus dans la charte. Il est prévu de les compléter par des propositions de séances afin de permettre lʼappropriation de ce document par les élèves de cycle 3.

Utilisation

Une fois rédigée, la charte a été pro-posée en test dans quelques classes de CM2. Les utilisations ont été de plusieurs ordres, de la lecture silen-cieuse à un travail spécifique sur des items ciblés par lʼenseignant.

Les enseignants volontaires ont pour la plupart utilisé les vidéos de Vinz et Lou10. Ces deux personnages abordent sur un ton humoristique de nombreuses questions relatives à lʼutilisation dʼInternet par les élèves (1001 usages dʼInternet, Tout nʼest pas pour toi, Tout nʼest pas toujours vrai sur Internet...). La projection de ces vidéos en classe a donné lieu à des débats permettant à chacun de parta-ger son expérience dʼusage dʼInter-net et ainsi de prendre conscience des droits, des devoirs et des risques dans lʼutilisation de cet outil à la maison ou à lʼécole.

Cette charte a également été présen-tée à un groupe de directeurs dʼéco-les élémentaires, dans le cadre dʼune animation pédagogique qui avait pour objectif de les sensibiliser aux usages responsables des TUIC. Le retour a été très positif, lʼabsence

1. Techniques usuelles de lʼinformation et de la communication.2. Professeur ressource en informatique.3. http://www.education.gouv.fr/bo/2004/9/MENT0400337C.htm 4. Source Éduscol : http://eduscol.education.fr/cid57095/guide-d-elaboration-des-chartes-d-

usage.html 5. Tableau numérique interactif.6. Brevet informatique et internet.7. http://eduscol.education.fr/cid46073/b2i.html 8. Application en cours de création pour le premier degré permettant aux écoles engagées dans lʼutilisa-tion des nouvelles technologies, dʼobtenir un label

reconnu par les différents acteurs institutionnels.9. ht tp: / /media .eduscol .educat ion.fr / f i le / services/99/9/MetaCharte-070206_199999.doc10. L̓ éditeur Tralalere© cherche Comment intéres-ser les enfants dʼaujourdʼhui aux enjeux de société sans être donneur de leçons ? http://www.vinzet-lou.net/

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dʼune « charte-type » à destination des élèves essonniens représentant un obstacle à la validation du domaine 2 du B2i école.

Perspectives

L̓ utilisation par les élèves de cette charte dʼusage des TUIC à lʼécole ne peut se faire sans un accompa-gnement pédagogique. Les ensei-gnants ne pouvant en étudier tous les items sur une seule année scolaire, trois organisations peuvent être envi-sagées :- faire une répartition des items sur les trois années du cycle, en te-nant compte des acquis des élèves au cours de ces années ;- étudier les items qui, à un instant T, ont soulevé une interrogation des élèves ;- faire une sélection dʼitems judi-

La charte à lʼécole du Renne : le directeur témoigne

Cette charte dʼusage des TUIC à destination des élèves a été exposée au cours dʼune animation pédagogique à lʼattention des directeurs de Grigny ; je lʼai ensuite présentée aux enseignants de lʼécole lors dʼun conseil des maîtres. Cette présentation est dʼautant plus nécessaire que le B2i actuel1 ac-corde une place plus importante au domaine relatif à lʼusage raisonné dʼIn-ternet, notamment en ce qui concerne les droits et les devoirs ; cette charte permet de travailler entièrement ce domaine avec les élèves.

Les deux classes de CM2 ont visionné certains films de Vinz et Lou2, ce qui a permis dʼengager un débat avec les élèves. Des fiches pédagogiques, pro-posées par le site de lʼacadémie de la Guadeloupe3, adaptées à notre public scolaire et au contenu de la charte départementale, ont ensuite été utilisées pour approfondir ce travail ; par exemple, un lien a été fait entre chaque film et lʼarticle de la charte auquel il se réfère.

Grâce à ces petits films, les élèves sont en mesure de mieux sʼapproprier les thèmes débattus ; il est à noter quʼils sont particulièrement concernés par la protection de leurs données personnelles et sont assez bien informés des risques encourus.

Cependant, connaître une réglementation ne suffit pas pour lʼappliquer dans toutes les situations. Il est donc envisagé de reprendre régulièrement ces problématiques en classe et en salle informatique afin dʼassurer une bonne formation de tous les élèves de cycle 3.

Ce travail est dʼautant plus important, quʼil est apparu, au cours des débats avec les élèves, que dans de nombreuses familles, Internet était en accès libre, sans aucune règle ni accompagnement de la part des adultes.

Franck LARROUZE directeur de lʼécole élémentaire Le Renne

de Grigny

1. http://media.eduscol.education.fr/file/Certification_B2i/82/6/Referentiel_B2i_ecole_decembre_2011_202826.pdf 2. Se référer à lʼencadré ci-contre.3. http://www.ac-guadeloupe.fr/circonscriptions/bouillante/index6a.htm

VINZ ET LOU

Comment intéresser les enfants dʼaujourdʼhui aux enjeux de so-ciété sans être donneur de leçons ? Cʼest le défi passionnant que nous avons décidé de relever avec « Vinz et Lou » !, telle est la présentation de ce site1 éducatif. Ce dernier pro-pose des pistes de réflexion sur les sujets suivants : lʼalimentation, la citoyenneté, lʼenvironnement et bien sûr lʼInternet.

Chaque rubrique propose des ani-mations et des défis aux enfants ; des pages spécifiques sont réser-vées aux parents et aux éduca-teurs.

Les animations présentent les deux jeunes héros confrontés à des situations concrètes auxquelles ils doivent faire face avec leurs dou-tes, leurs certitudes et les erreurs qui en découlent. Ces mises en si-tuation ont pour objectif dʼinciter les élèves à sʼexprimer, échanger et débattre… sur lʼattitude à adopter. Ceci est grandement facilité par le ton humoristique qui accompagne ces courts métrages.

Les défis donnent lʼoccasion aux élèves de tester leurs connaissan-ces.

La projection de ces animations permet aux enseignants dʼaborder en classe des sujets parfois com-plexes ou délicats sous un angle bienveillant. La fiabilité du con-tenu leur permet de travailler en toute quiétude. En effet, celui-ci est vérifié puis validé par un comi-té scientifique constitué dʼexperts du thème traité.

Un site incontournable souvent méconnu, à inscrire dans vos favo-ris !

1. http://www.vinzetlou.net/

cieux à aborder avec les élèves en te-nant compte de leurs connaissances.

Quelle que soit lʼorganisation rete-nue au sein de lʼécole, on veillera à ce que lʼensemble des items ait été abordé avant la fin du CM2.

Cette charte est actuellement télé-chargeable sur le site Ressources91.11 Nous souhaitons quʼen la signant, les élèves essonniens puissent dévelop-per une meilleure prise de conscience des dangers potentiels dʼInternet et des règles à respecter pour sʼen pro-téger.

Patricia LEROSIER,Alexis TARASSENKO

professeurs ressource en informatique

11. http://www.ressources91.ac-versailles.fr/index.php?page=charte-eleveshttp://www.ressources91.ac-versailles.fr/uploads/file/Charte_eleve_91.pdf

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LA MGEN1 ACTEUR DE TERRAIN AU CÔTÉ DES ENSEIGNANTS

La question des droits et des devoirs s’impose à tous, élèves ou adultes. Quelle assistance les ensei-gnants peuvent-ils donc attendre, et quelle est l’étendue de leur responsabilité ? L’article qui suit montre le rôle que la MGEN peut jouer dans ce domaine.

Agir en fonctionnaire de lʼétat et de façon éthique et responsable est la première des dix compétences énoncées dans le référentiel des pro-fesseurs des écoles, des collèges et des lycées. Elle est exigible dès la prise de fonction de tout nouvel en-seignant. Les situations profession-nelles auxquelles il sera confronté impliquent en effet de nombreuses responsabilités.

Être responsable, cʼest situer son action dans le champ défini par lʼins-titution. Le code de lʼéducation2 sti-pule donc les limites de ce qui re-vient à lʼenseignant : il ne sʼagit pas de faire peser sur lui la responsabilité systématique de tout ce qui peut se passer dans une école. Si quelque chose lui est reproché et conduit à une action en justice, ce sont les de-mandeurs qui doivent non seulement prouver lʼexistence des faits incrimi-nés et démontrer le préjudice, mais encore prouver la faute éventuelle de lʼenseignant.

Un besoin exprimé

Dans le cadre des actions de préven-tion et de soutien, la MGEN a été saisie dʼune demande émanant dʼen-seignants afin quʼelle organise une conférence sur leur responsabilité professionnelle, en réponse au stress, au sentiment dʼêtre exposés à des si-tuations difficiles sans aide ni protec-tion suffisantes. En effet, les condi-tions dʼexercice déjà exigeantes sont devenues au fil du temps, de plus en plus complexes.

Lorsquʼil est intense et quʼil dure, le stress peut avoir des effets graves sur la santé morale et physique des travailleurs concernés. La confron-tation quotidienne à des situations difficiles qui se répètent peut provo-quer des états de nervosité, de fati-gue, dʼhypertension et parfois aussi, de dépression3. Ces états peuvent impacter plus ou moins fortement

les personnes dans lʼexercice de leur métier mais aussi dans leur vie per-sonnelle.

Un réseau

Le décryptage des symptômes avant- coureurs, tout comme celui des pro-cessus à lʼœuvre dans le stress et lʼépuisement professionnel, font partie des outils proposés, au titre de la prévention, par le réseau préven-tion aide et suivi mis en place par la MGEN. Le déploiement de ces réseaux a été initié grâce à lʼaccord cadre du 30 juin 2003 (reconduit et étendu en 2008) signé entre le mi-nistère de lʼÉducation nationale et la MGEN. Ils constituent de réels outils opérationnels de la promotion de la qualité de vie au travail.

Une conférence

Parce que nul nʼest censé ignorer la loi (article 1383 du code civil : cha-cun est responsable du dommage quʼil a causé, non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence), une confé-rence a été proposée aux enseignants, réunissant un juriste confirmé, un psychologue du travail et un IEN4 honoraire.

Ce temps de rencontre a apporté des connaissances théoriques et pratiques permettant de réfléchir sur les enjeux moraux et de responsabilité dans la vie professionnelle et sociale dʼun enseignant.

Dans une société moderne où les conditionnements sont importants et où lʼexercice des responsabilités sʼest complexifié, la vraie liberté professionnelle suppose de solides connaissances, didactiques bien sûr, mais également psychologiques et juridiques.

Rassurer en réaffirmant les contours dʼune pratique professionnelle, ré-duire les risques potentiels en éclai-

rant les professionnels de lʼéducation dans la prise de décision, tels étaient les objectifs de cette rencontre.

Des exemples éclairants

En se référant à la jurisprudence, on peut clarifier certaines situations sus-ceptibles de se présenter : - un arrêt de la Cour de Cassation du 10 mai 2001 statue sur un acci-dent survenu alors que les élèves jouaient au rugby lors dʼune récréa-tion. La Cour a recherché si ce sport était autorisé ou non, puis si lʼâge des enfants était compatible avec sa pratique, si le surveillant était tenu dʼarbitrer la partie et enfin sʼil avait pu voir lʼaccident dʼoù il se trouvait. Cette recherche par paliers lui a per-mis de conclure quʼil nʼy avait pas de faute de surveillance en la matière.- à lʼinverse, en date du 23 octobre 2003, la Cour reconnait la faute dʼun enseignant qui nʼa pas pris les dispo-sitions, lors dʼune sortie de sa classe à la piscine, pour écarter un rouleau de flotteurs placé à un endroit dange-reux.

En qualité dʼacteur de lʼéconomie sociale et solidaire, la MGEN se po-sitionne et sʼimplique dans le débat politique et social. Elle place lʼhom-me au cœur de ses préoccupations et en fait un acteur responsable, capable dʼeffectuer des choix raisonnés.

Marie BEAUPERE, psychologue du travail, intervenante du réseau PAS,

Norbert SANTIN, président de la MGEN Essonne

1. Mutuelle générale de lʼÉducation nationale. 2. Article L911-4. 3. Effets du stress au travail sur la santé, préve-nir les conséquences du stress chronique, INRS, 4 novembre 2011, http://www.inrs.fr/accueil/risques/psychosociaux.html 4. Inspecteur de lʼÉducation nationale.

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UN CARTABLE NUMÉRIQUE, LA NUMÉRICLÉ 91

L’équipe du CDDP d’Évry nous présente ce dispositif lancé en 2009 par la Direction des collèges du Conseil général de l’Essonne.

De quoi s’agit-il ?

La NumériClé 91 est un dispositif dʼaccompagnement des collégiens dans lʼutilisation de lʼoutil informa-tique et des nouvelles technologies. Il sʼagit dʼune clé USB qui est dis-tribuée par le Conseil général, chaque an-née, aux profes-seurs et aux élè-ves des classes de sixième. Le projet consiste à donner aux élèves un outil autonome, un «bureau vir-tuel» : lors de la connexion de la clé USB, un bu-reau apparaît à lʼécran avec des outils, des res-sources et un espace de stockage des productions personnelles. L̓ élève est totalement autonome : il nʼa pas besoin des outils de lʼordinateur sur lequel il tra-vaille, tout se trouve sur sa clé USB.

Dans le cadre de la liaison CM2/6e, la question peut être posée aux ensei-gnants de CM2 : Comment peuvent-ils préparer leurs élèves à son utili-sation ? La NumériClé peut aider à la généralisation des usages et à une meilleure appropriation des outils quʼils retrouveront au collège.

Cette réflexion interdegré est en parfaite cohérence avec les compé-tences attendues par le B2i1, compé-tence 4 : La maîtrise des techniques usuelles de lʼinformation et de la communication, pour lʼécole et le collège.

Que propose la NumériClé 91 ?

• Des outilsLa NumériClé contient des applica-tions librement téléchargeables sur le site www.numericle91.fr/ et déjà

largement utilisées à lʼécole élémen-taire, comme :- une suite bureautique libre pour rédiger, organiser des tableaux, pré-senter le résultat de recherches sous forme de diaporama... ;- un navigateur internet paramétré

pour une meilleure sécurisation des sites visités ;

- une messagerie élec-tronique individualisée

pour correspondre avec une autre classe... ;

- un enregistreur et éditeur audio pour mettre en forme et con-server lʼinterprétation de chants, poé-sies, lectures à voix haute, des dialo-gues en langue vivante... ;- un lecteur multimédia pour lire la vidéo réalisée lors dʼune sortie... ;- un retoucheur dʼimages pour re-cadrer les photos des expériences scientifiques... ;- un visualiseur de fichiers PDF ;- un lecteur de podcast (fichier son, image ou vidéo) pour lire les fichiers MP3 en langues vivantes, enregis-trés par des locuteurs natifs, du site Audio-Lingua2 de lʼacadémie de Ver-sailles... ;- dʼautres outils plus anecdotiques comme un gestionnaire de mots de passe, un convertisseur dʼunités...

• Des ressourcesLa clé contient également de nom-breuses ressources qui peuvent enri-chir les projets dʼécole, notamment

les richesses patrimoniales de lʼEs-sonne :- le livret de jeu dʼÉtiolles, Voyage à Étiolles au temps des rennes et des mammouths ;- la vidéo de la maison Foujita – ate-lier à visiter de lʼartiste peintre esson-nien ;- les documentaires sur la photogra-phie et son musée à Bièvres... ;L̓ intérêt de cette clé réside aussi dans la possibilité dʼenrichissement et de réactualisation des données.

• Un espace de stockageLa NumériClé offre un archivage personnalisé des productions des élè-ves, qui permet de :- sʼorganiser et se repérer dans une arborescence ;- tendre vers un allègement des pro-ductions papier.

L̓ ensemble des applications décrites ci-dessus sont utilisables directement à partir de la clé, sans installation particulière sur lʼordinateur utilisé, à lʼécole ou à la maison.

Sur le site dédié à la NumériClé, sont disponibles :- des tutoriels pour découvrir de nouveaux logiciels ;- une FAQ3 pour répondre aux questions techniques ou de mainte-nance ;- un forum de discussion pour faci-liter des travaux collaboratifs.

Un groupe dʼarticles sur les usages au collège est disponible sur le site du CDDP 914 à la rubrique : TICE et usages.

Corinne SHAMSNEJAD, responsable du pôle ressources du

CDDP 91

1. http://media.eduscol.education.fr/file/Certifica-tion_B2i/82/6/Referentiel_B2i_ecole_decembre_2011_202826.pdf2. http://www.audio-lingua.eu/?lang=fr 3. Foire aux questions.4. http://www.cddp91.ac-versailles.fr/spip.php?rubrique6

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LE CDDP1, UNE STRUCTURE ESSONNIENNE EN MUTATION

Depuis la rentrée scolaire 2011, le CDDP de l’Essonne (CDDP91) vous accueille dans des locaux réaménagés et propose à l’ensemble de la communauté éducative des espaces de ressources et de travail. L’équipe a évolué en conséquence : les propos recueillis ci-après permettent de faire

connaissance avec les nouveaux enseignants qui ont rejoint l’équipe.

créer un Learning Centre3. Nous orien-tons nos utilisateurs, nous les conseillons et leur apportons notre expertise pour toutes ressources éducatives. Les nou-veautés éditoriales du réseau Scérén4 et des éditeurs privés sont présentées au prêt ou à lʼachat. Il est à noter que nous nous déplaçons, sur demande, dans les établis-sements scolaires, les circonscriptions et lors des conférences pédagogiques.

Jean-Marc Barreau, pouvez-vous nous parler du nouveau dispositif « La tournée » dont vous avez la charge ?

Pour faciliter lʼaccès à lʼensemble de la documentation du pôle ressources, ce dispositif permet aux adhérents de la mé-diathèque :- de rechercher et de réserver des docu-ments via internet5 ;- de recevoir dans des relais de proxi-mité les ouvrages retenus ou les com-mandes passées et acquittées auprès de la Librairie de lʼéducation.

Éric Seron, conseiller de bassin et responsable du médiapôle dʼÉvry, vous avez rejoint depuis septembre 2011 le CDDP 91. Quelles sont vos missions ?

Au sein de la mission TICE académi-que, ma mission de conseiller consiste à apporter une aide aux établissements du second degré pour la définition des besoins, lʼaccompagnement des équipe-ments et des expérimentations avec les nouveaux outils et la promotion de pra-tiques efficientes.

Catherine Fargeas et Marco Brighenti, vous êtes formateurs au CASNAV6 de lʼEssonne. Quels avan-tages tirez-vous de votre implantation dans les locaux du CDDP de lʼEsson-ne ?

L̓ activité du CASNAV est centrée sur lʼaccompagnement de la scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France et des enfants du voyage. De lʼorganisation de lʼaccueil à lʼintégration

pleine et entière de ces élèves dans les classes ordinaires, nous apportons une aide aux équipes pédagogiques et édu-catives et une contribution déterminante à la mise en place des moyens dont le système sʼest doté. Nous informons les enseignants et nous leur dispensons des formations. Nous renseignons également les partenaires éducatifs. Notre présence au CDDP nous permet de mutualiser des pratiques et des ressources, chacun bé-néficiant de lʼexpertise de lʼautre. Des exemples concrets de ce partenariat sont en ligne7.

Pour conclure, Mouloud Irbah, quelles sont les perspectives pour le CDDP 91, dont vous venez de pren-dre la direction ?

Avec ses locaux réaménagés, le CDDP91 offre des lieux de formation, de nou-veaux services de proximité, des services dʼaccompagnement dans le domaine du numérique... Grâce à des liens resserrés avec nos partenaires tels que la DSDEN de lʼEssonne, les services du Conseil général dans le domaine de lʼéducation, de la culture et de la jeunesse et les col-lectivités locales, il nous sera possible dʼoffrir à lʼensemble de la communauté éducative du territoire, un large bouquet de services dignes dʼune maison départe-mentale de lʼéducation.

propos recueillis par Corinne SHAMSNEJAD, documentaliste au CDDP

1. Centre départemental de documentation péda-gogique.2. Action européenne qui offre aux enseignants de mener des projets dʼéchange à distance avec leurs élèves à lʼaide des TICE. Pour en savoir plus : http://www.etwinning.fr/3. Pour en savoir plus : http://eduscol.education.fr/numerique/veille- education-numerique/fevrier-2010/rapport- l e a r n i n g - c e n t r e s - m o d e l e - i n t e r n a t i o n a l - bibliotheque-integree-enseignement-et-recherche 4. Service culture éditions ressources pour lʼÉdu-cation nationale.5. http://www.cddp91.ac-versailles.fr/tournee/ 6. Centre académique pour la scolarisation des nouveaux arrivants et des enfants du voyage.7. http://www.cddp91.ac-versailles.fr/spip.php?rubrique145

Patrick Demichel, vous êtes respon-sable du pôle numérique. Quelles sont vos missions ?

Nos objectifs sont multiples : - promouvoir les usages des technolo-gies de lʼinformation et de la communi-cation pour lʼéducation ; - informer les enseignants et les former à lʼutilisation des outils numériques ; - mettre à disposition des matériels in-novants et en valoriser les usages péda-gogiques ; - repérer des ressources en assurant une veille technologique ; - accompagner les projets pédagogi-ques.

Jean-Pierre Greber, vous travaillez au sein du pôle numérique. Pou-vez-vous nous présenter ce nouvel espace ?

Dans ce lieu, vous trouverez :- la gamme complète de tableaux nu-mériques et leurs logiciels dédiés ;- les outils nomades : tablettes numéri-ques, tablettes graphiques, baladodiffu-seurs, classes mobiles, mallettes vidéo et audio… ;- les matériels spécifiques : visuali-seurs, cubes TICE, boîtiers de réponses ;- le pôle langue qui recense, mutualise et accompagne les pratiques innovantes interdegrés ;- le pôle sécurité routière avec simula-teur de conduite et ressources associées ;- le pôle NumériClé qui présente le car-table numérique et ses ressources ;- la présentation dʼautres dispositifs tels lʼenvironnement numérique de travail (ENT), la visioconférence et le etwin-ning2.

Valérie Hermant, vous avez intégré le pôle ressources. Que désigne cette nouvelle appellation ?

Afin de mieux répondre aux besoins des usagers et en lien avec les évolutions numériques, le CDDP a repensé ses mis-sions en intégrant dans un même espace la librairie et la médiathèque, en vue de

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Le bocal des objets qui dérangentMalgré leur interdiction à lʼécole, les jouets, petits objets sont souvent sour-ce de conflits.

En classe de GS, un bocal transpa-rent sert à les récupérer. Il ne sʼouvre que pour recevoir pendant toute la pé-riode de vacances à vacances… Mais il sʼouvre aussi pour restituer, chaque veille de départ en congé… La frustra-tion et lʼattente sont davantage dissua-sives, la transparence du bocal permet à chacun de constater chaque jour que son objet nʼa pas disparu à jamais et quʼil en reste propriétaire…

IL SUFFISAIT D’Y PENSER

LE PROJET COOPÉRATIF : UTOPIE OU MOYEN D’APPRENDRE

ENSEMBLE ?

sont authentiques. Actions possibles :- correspondance et échanges scolaires ;- journal scolaire, site internet ;- rédaction dʼun roman, dʼun conte ou dʼune pièce de théâtre ;- réalisations audiovisuelles : fictions ou documents ;- préparation dʼune exposition.

• Projets centrés sur la réalisationIls placent les élèves dans de véritables si-tuations de construction dans lesquelles ils vont anticiper, réfléchir, fabriquer, valider... En effet, on apprend parce que lʼon fait et par ce que lʼon fait. Actions possibles :- fabrication dʼune maquette pour com-prendre le recyclage des déchets ;- aménagement de la cour pour mieux vivre ensemble à la récréation ;- création dʼun jardin pour améliorer son environnement ;- préparation dʼun repas pour inviter les parents.

• Projets artistiques et culturels Ils permettent aux élèves de rencontrer différentes formes de cultures pour favori-ser un éveil à la sensibilité, une ouverture aux autres et à la différence, une évolution des attitudes et des comportements.Actions possibles :- visites de musées, expositions, monu-ments ;- concerts, spectacles, conférences ;- rencontres avec des artistes : auteurs, comédiens, musiciens…

En conclusion

Le projet coopératif dʼéducation consiste en un projet fédérateur qui implique les élèves dans le cadre des programmes en vigueur et des compétences et connais-sances du socle commun. Les élèves sont ainsi des acteurs, au cœur du processus dʼapprentissage.

Armelle BELLEGO, OCCE 91

1. Office central de la coopération à l’école.

ZOOM !

Madame Bellégo, enseignante détachée à l’OCCE1, nous présen-te l’importance, pour les enseignants, de conduire des pro-jets afin d’impliquer les élèves dans leurs apprentissages.

Le punching-ball à lʼécole maternelle

Est-ce interdit de taper ou de frapper ? Non … mais pas sur un être vivant !

Vieux coussin suspendu au plafond, descendu par un jeu de cordelette, le punching-ball de la classe peut être demandé par un élève qui a besoin de se défouler… Une façon de prendre en compte et de canaliser lʼénergie débordante de certains et de donner un prétexte absolu à la non-violence physique.

Le piège à gros motsCʼest quoi un gros mot ? Cʼest gros comment ? À partir de quand un mot devient gros ? Pourquoi est-ce interdit à lʼécole ?

Ces réflexions menées en classe de GS ont conduit à comprendre quʼun gros mot était surtout interdit en so-ciété, adressé à autrui, car blessant…

Le piège à gros mots est une simple boite munie dʼune porte coulissante fermée à lʼaide dʼun cadenas, percée de petits trous à la façon dʼun hy-giaphone… Les élèves sont autorisés à y « déposer » leurs gros mots éven-tuels… Cette possibilité offerte et ce respect de lʼintime, au-delà dʼaccen-tuer le caractère absolument fautif du gros mot dit à autrui, permet surtout de façon très ludique, de très vite di-minuer les conflits liés aux insultes…À la veille de chaques vacances, ouverture du piège dans la cour et lâ-cher de gros mots !

Nombreux sont les enseignants qui sou-haitent mettre en place des projets avec leurs élèves. Nombreux aussi sont ceux qui y renoncent, sous la pression des pro-grammes à terminer, des apprentissages fondamentaux à assurer et à évaluer.

Et pourtant !Pourquoi privilégier lʼacquisition des

savoirs par rapport à lʼéducation des indi-vidus et la socialisation alors même quʼil est prouvé que les compétences sociales influent grandement sur les compétences cognitives ?

Autonomie, sens des responsabilités, esprit critique, confiance en soi, aptitude à travailler avec les autres, sont autant de qualités qui favorisent la construction des connaissances, lʼaptitude à apprendre que lʼon retrouve au palier 2, compétence 7 du socle commun : Lʼautonomie et lʼinitiative.

Le projet coopératif d’éducation : une réponse aux

questions des enseignants

Le projet coopératif dʼéducation est une démarche pédagogique globale qui impli-que la participation des élèves considérés comme des partenaires actifs. Il tente de répondre à la question Comment allons-nous vivre et apprendre ensemble ?

Le conseil dʼélèves est une instance qui définit le projet de vie de la classe. Il met en place des règles de vie et se réfère à des valeurs telles que la coopération, la soli-darité, le respect de lʼautre. Par ailleurs, il favorise lʼacquisition de connaissances tout en développant les capacités dʼap-prendre et donne du sens aux apprentis-sages. L̓ enseignant le fait vivre à travers un ou plusieurs projets spécifiques au sein desquels sont définis les apprentissages en référence aux programmes.

Les projets spécifiques

• Projets centrés sur la communicationIls placent les élèves dans de véritables situations de communication dans les-quelles les supports et les destinataires

Page 36: Édito - Réseau Canopé · Utiliser des maximes en instruction civique et morale ? ... Un cartable numérique, la numériclé91 ..... p. 33 Le CDDP, une structure essonnienne ...

page 36 BLÉ 91 N° 48 * Septembre 2012 * DSDEN Essonne

Publication gratuiteISSN N° 1269-4010

ISBN N° 978-2-86637-566-9

Directeur de la publicationChristian WASSENBERG, directeur académique des

services de lʼÉducation nationale de lʼEssonneDirecteur de la rédaction

Marie-Christine HEBRARD, inspectrice de lʼÉducation nationale adjointe au DASEN

Directeur dʼéditionMouloud IRBAH, directeur du CDDP

de lʼEssonne

Rédactrice en chefMartine LAGEAT-FABRE, inspectrice de lʼÉducation

nationale

Comité de rédactionThierry BOUR, inspecteur de lʼÉducation nationale

Bernard CALVET, inspecteur de lʼÉducation nationaleDidier DAMET, professeur ressource en informatique

Jacky DELARGE, directeur d é̓cole d a̓pplicationIsabelle DEL BIANCO, inspectrice de

lʼÉducation nationaleMarie-Anne DUDOUYT, conseillère pédagogique

Nathalie GALLET, conseillère pédagogiquePatrick MALATRAY, directeur dʼIMPRO

Michèle PELLOUX, secrétaire du comité exécutif des réseaux de réussite scolaire

Bénédicte RAGUE, conseillère pédagogique IENADanielle RODA, professeure des écoles honoraire

Michel ROMAGGI, directeur de SEGPAJoëlle THEBAULT, professeure dʼIUFM

en lettres modernes honoraireDominique VILLERS, inspectrice de

lʼÉducation nationale

CoordinationCorinne SHAMSNEJAD, CDDP

Annick VINOT, conseillère pédagogique

Maquette et mise en pageCarole FARIA, CDDP

IllustrationsPatrice GOURDET, maître de conférence en sciences

du langage

CorrectionSylviane CHAULEY, professeure des écoles

ImprimerieTAAG

91350 Grigny

Mise sous pliLes élèves de lʼIMPRO Roger Lecherbonnier

de PalaiseauBLÉ est disponible

sur le site de la DSDEN de lʼEssonne : http://www.ac-versailles.fr/

public/ble91Pour toute correspondance :

BLÉ91Inspection de lʼÉducation nationale

École Louise Michel10, rue Louis Armand

91220 BRÉTIGNY-SUR-ORGETél : 01 60 84 29 43 — Fax : 01 60 85 02 81

[email protected]

BIBLIOGRAPHIE

Ces ouvrages sont en prêt au CDDP d’ÉVRY. Les bases documentaires sont consultables sur le site du CDDP : http://condorcet-2.ac-versailles.fr/bcdimulti/MultiBases.cgi

PERLMAN, Janet, La danse des brutes, ONF, 2000LeSite.tv, espace vidéo pédagogique (sur abonnement) propose cette animation, sorte de fable musicale, pour amener une ré-flexion sur la violence à lʼécole, mais aussi pour réfléchir aux moyens de lutter contre le phénomène de lʼagression. Dʼautres vidéos sont disponibles pour traiter différents points du programme dʼinstruction civique et morale.

BRAUD, François, BRÉNIFIER, Oscar, ESPECIER, Sylvie, MOREAU, Nicolas Olivier, 50 activités pour enseigner l’ins-truction civique et morale aux cycles 2 et 3, CNDP, 50 activi-tés, 2011Ce document multisupport (livre et cédérom) propose des fi-ches pédagogiques présentant différentes activités, dans une dé-marche privilégiant la transversalité entre lʼétude de lʼhistoire et de la géographie, du français et de la culture humaniste. Ces

activités font appel à une large iconographie, à lʼétude de textes fondateurs et à la mise en perspective de maximes et dʼadages, mais aussi à lʼexamen de situations concrètes amenant lʼélève et la classe au questionnement et au dé-bat. Dans le cédérom, les enseignants trouveront tous les documents supports imprimables ou projetables.

BOUR, Thierry, PETTIER, Jean-Charles, SOLONEL, Michel, Apprendre à débattre : vie collective et éducation civique au cycle 3, Hachette éducation, Pédagogie pratique à l’école, 2003Cet ouvrage propose des situations de débat conçues et éprouvées en classe, qui sʼappuient sur quelques grands axes de réflexion exploités en fiches pratiques structurées et progressives, cor-respondant à trois niveaux de réflexion des élèves. La première partie de lʼouvrage propose des référents théoriques (contexte dʼapparition du débat, cadre théorique, rôles du maître et des élèves) ; la seconde des situations de conceptualisation et des axes de réflexion autour des droits de lʼhomme et de lʼorganisation de la vie en société.

MERCIER, Marie-Noëlle, 100 idées pour former la conscien-ce morale, Éditions Tom Pousse, 100 idées, 2010L̓ auteure développe les aspects pédagogiques de la formation morale : pratiques de classe en fonction de lʼâge des élèves, mé-thodes. Elle évoque également les valeurs civiques, humanistes et hédonistes quʼil convient dʼinculquer.

Mon agenda coop, OCCE1 Dans cet outil pédagogique illustré, les élèves de cycle 3 dé-couvrent chaque jour une question et une activité pour appren-dre à se connaître et sʼestimer, aller vers les autres et mieux les respecter. Un guide dʼutilisation avec des fiches supports aux activités complète le dispositif.Deux autres titres de la même collection :Mon premier agenda coop, pour le cycle 2.Notre agenda coop, pour le cycle 1 : matériel collectif avec un CD de don-nées.

Corinne SHAMSNEJAD, documentaliste au CDDP

1. Office central de la coopération à lʼécole.