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Directeur des Soins Promotion : 2017 Date du Jury : décembre 2017 LA COORDINATION, PIERRE ANGULAIRE POUR UN PARCOURS DE SOINS OPTIMISE, FLUIDE, PERTINENT, UN LEVIER DE PERFORMANCE POUR LE DIRECTEUR DES SOINS. Rachida ABBAS

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Directeur des Soins

Promotion : 2017

Date du Jury : décembre 2017

LA COORDINATION, PIERRE ANGULAIRE POUR UN PARCOURS DE SOINS

OPTIMISE, FLUIDE, PERTINENT, UN LEVIER DE PERFORMANCE POUR LE

DIRECTEUR DES SOINS.

Rachida ABBAS

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017

R e m e r c i e m e n t s

Mes remerciements vont avant tout aux professionnels qui m’ont accompagnés tout au

long de cette formation et qui m’ont permis de me construire une identité, Mme Nathalie

MONTAY, CGDS du GHT Dinan Saint Malo, Mme Nathalie PROVOST, DS au CHU de

Nantes, Mme Muriel DODERO, CGDS au CH des Hôpitaux du Bassin de Thau, tous trois

maîtres de stage.

A mon fils Hugo, qui m’a suivi dans mes turpitudes rennaises et ma grande fille Nawal, qui

a été mon plus fidèle supporter.

Un grand merci à Monsieur Jean-René LEDOYEN et Madame Isabelle MONNIER,

respectivement l’un après l’autre responsable de la filière de Directeur des Soins à

l’EHESP, ils ont su m’accompagner dans mes doutes.

Et un grand merci à notre très précieuse Nelly LEVIEUX, assistante de filière qui nous à

accompagné au quotidien tout au long de notre formation

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017

S o m m a i r e

Introduction .......................................................................................................................... 1

1 UNE GESTION DES ORGANISATIONS SANITAIRES QUI CHANGE DE

PARADIGME ....................................................................................................................... 71.1 Le rôle de l’état dans l’égalité d’accès aux soins de qualité. ................................... 7

1.1.1 L’égalité d’accès à des soins de qualité dans un contexte contraint, impose

d’optimiser la gestion des flux pour favoriser la réponse aux besoins

d’hospitalisation.. .......................................................................................................... 7

1.1.2 La transition épidémiologique oblige à une restructuration du modèle actuel. . 8

1.2 Le contexte contraint oblige à repenser l’organisation territoriale de l’offre de

soins. ................................................................................................................................ 8

1.2.1 Un concept ancien d’aménagement du territoire dont le modèle n’échappe

pas au secteur sanitaire. ............................................................................................... 81.2.2 Une organisation territoriale dont l’évolution s’appuie sur des contraintes et

des valeurs qui sous-tendent notre modèle sanitaire et social. .................................. 10

1.3 Le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT), une opportunité pour répondre à

la nécessité de décloisonnement. .................................................................................. 101.4 Du parcours de soins au parcours de santé une rupture de prisme du «tout

hôpital». .......................................................................................................................... 121.4.1 Un processus centré sur les besoins du patient : les filières, une ressource

structurée et optimisée pour y répondre. .................................................................... 121.4.2 La question du parcours trouve toute sa cohérence dans une approche

territoriale en santé ..................................................................................................... 132 LA COORDINATION FAVORISE LA CONTINUITE DES SOINS, LA FLUIDIFICATION

DES PARCOURS AINSI QUE LA PERTINENCE DES SOINS. ........................................ 15

2.1 Les risques de ruptures de prise en charge pouvant compromettre la qualité du

suivi.. .............................................................................................................................. 15

2.1.1 La continuité des soins un concept plus souvent supposé que défini ............ 15

2.1.2 La continuité des soins doit viser une approche collective et longitudinale. ... 162.2 La coordination, un construit qui conduit à la performance ................................... 17

2.2.1 La coordination, un concept mobilisé dans la théorie des organisations qui

trouve son origine dans l’industrie .............................................................................. 172.2.2 Une organisation sanitaire historiquement cloisonnée en contradiction avec sa

définition multidimensionnelle. .................................................................................... 18

2.3 La santé voit son évolution vers une approche coordonnée et sanctuarisée dans

la loi.. .............................................................................................................................. 20

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2.3.1 Les dispositifs juridiques posent la nécessité de décloisonner ...................... 20

2.3.2 Les dispositifs de coordination existants : « du toujours plus du même ». .... 202.3.3 Leviers mobilisés pour favoriser la pertinence des soins et des parcours. .... 22

2.4 Coordination et santé : les défis de demain pour le Directeur des Soins pour

répondre à la pertinence des soins et des parcours. ..................................................... 24

3 ETUDE DE TERRAIN ................................................................................................. 273.1 Méthodologie ........................................................................................................ 27

3.1.1 Population étudiée ......................................................................................... 273.1.2 Outils et méthode de recherche ..................................................................... 28

3.1.3 Méthodologie d’analyse ................................................................................. 29

3.2 Analyse des données ........................................................................................... 303.2.1 Hypothèse 1 : A travers le Dispositif du GHT, si les acteurs se connaissent et

se reconnaissent la coopération est possible. ........................................................... 30

3.2.2 Hypothèse 2 : Pour rendre efficient le dispositif, l’offre doit être lisible pour

l’ensemble des acteurs du territoire et pour les patients. ........................................... 323.2.3 Hypothèse 3 : La continuité des soins et la fluidification des parcours,

nécessitent une coordination construite autour d’une relation centrée sur un projet

partagé par l’ensemble des acteurs (contractualisée, structurée, rôles identifiés). ... 35

3.3 Limites de l’étude .................................................................................................. 394 PRECONISATIONS .................................................................................................... 40

4.1 Une participation forte du DS dans le cadre de la structuration des parcours en

lien avec les filières ....................................................................................................... 404.2 Optimiser les flux des patients pris en charge dans l’établissement ................... 41

4.2.1 Structurer le parcours. ................................................................................... 41

4.2.2 Favoriser les entrées directes et coordonner les sorties. ............................. 42

4.2.3 Organiser les séjours et repérer les séjours aux DMS aberrantes. ............... 424.2.4 Développer la compétence des professionnels à la coordination. ................. 43

4.3 La mise en place d’un management par la qualité dans le territoire de santé,

opportunité d’une organisation assurant la continuité des soins. .................................. 434.4 La pérennisation rendue possible : construire et consolider des liens durables .. 46

4.4.1 Mettre les ressources au plus prés du terrain, mobilité et contractualisation

constitutives de la confiance partagée. ...................................................................... 46

4.4.2 Fédérer par une participation mutuelle aux staffs ou Réunions de

Concertations Pluridisciplinaires (RCP). .................................................................... 46Conclusion ........................................................................................................................ 47

Bibliographie ..................................................................................................................... 49Liste des annexes ................................................................................................................ I

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L i s t e d e s s i g l e s u t i l i s é s

ANAP:AgenceNationaled'AppuiàlaPerformanceARS:AgenceRégionaledeSantéATIH:AgencedeTraitementdel'InformationHospitalièreAVC:AccidentVasculaireCérébralCGDS:CoordonnateurGénéraldesSoinsCHT:CommunautéHospitalièredeTerritoireCLIC:CentreLocauxd'InformationetdeCoordinationCNAMTS:CaisseNationaled'AssuranceMaladiedesTravailleursSalariésCPOM:ContratPluriannueld'ObjectifsetdeMoyensCREX:ComitédeRetourD’EXpérienceCS:cadredesantéCSPCadredesantédePoleDG:DirecteurGénéralDGARSDirecteurGénéraldel'AgenceRégionaledeSantéDH:Directeurd'HôpitalDPC:DéveloppementProfessionnelContinuDSDirecteurdesSoinsEHESP:EcoledeHautesEtudesenSantéPubliqueEHPAD:Etablissementd'HébergementPourPersonnesAgéesDépendantesEPP:EvaluationdesPratiquesProfessionnellesES:EtablissementdesantéGHT:GroupementHospitalierdeTerritoireHAD:HospitalisationADomicileHAS:HauteAutoritédeSantéHPST:HôpitalPatientSantéTerritoireIPAQSS:IndicateurPourlaQualitéetlaSécuritédesSoinsMAIA:Maisonpourl'Autonomieetl'IntégrationdesMaladesAlzheimerMIP:ModuleInterProfessionnelOMS:OrganisationMondialedelaSantéONDAM:ObjectifNationaldeDépensed'AssuranceMaladiePCME:PrésidentdelaConférenceMédicaled'EtablissementPGFP:ProgrammeGlobaldeFinancementPluriannuelPIB:ProduitIntérieurBrutPMP:ProjetMédicalPartagéPRADOProgrammed'AccompagnementDuRetourADomicilePRS:ProjetRégionaldeSantéPSIRMT:ProjetdeSoinsInfirmierdeRééducationetMédicoTechniquePTA:PlateformeTerritorialed'AppuiSAD:Serviced’aideàDomicileSIH:Systèmed'InformationHospitalierSNS:StratégieNationaledeSantéSROSS:SchémaRégionald'OrganisationSanitaireetSocialSSIAD:ServicedeSoinsInfirmiersADomicileSSR:SoinsdeSuiteetdeRéadaptationURPS:UnionRégionaledesProfessionnelsdeSanté

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Introduction

La maîtrise des dépenses de santé s’est faite en Europe par une rationalisation des moyens,

sur le postulat que « l’offre favorise la demande ». Différentes mesures en vue de réduire

l’offre de soins ont été mises en place.

Depuis les années 1990, les politiques publiques se sont orientées sur la maîtrise des

dépenses de santé à travers différents outils :

-Réduction du nombre de professionnels de santé : numerus clausus, pour exemple

limitation des accès en deuxième année dans les facultés de médecine et pharmacie,

quotas dans les écoles paramédicales limitant l’accès à ces métiers ;

-Limitation des installations dans les territoires considérés somme sur-dotés, pour certaines

professions (infirmiers libéraux, les officines etc.) ;

-Fermetures de lits ;

-Régulation de l’offre de soins par la mise en place d’outils de planification tant quantitatifs

que qualitatifs : installations soumises à autorisation selon des Schémas Régionaux

d’Organisation Sanitaire ;

-Analyse des besoins par un découpage géographique orienté sur des niveaux de recours.

Si le coût de la santé pèse lourd sur les comptes de l’Etat, ce dernier doit cependant

répondre à sa mission et garantir la protection de la santé de la population.

Ce droit fondamental inaliénable est consacré dans le Préambule de la Constitution du 27

octobre 1946 dans son article 11 :

« La Nation garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la

protection de la santé, la sécurité matérielle… ».

Avec la transition épidémiologique, le vieillissement de la population, le changement des

habitudes de vie (ex. sédentarité, nutrition, etc.) les besoins en soins ne vont cesser

d’augmenter alors que la ressource reste rare.

« Il s’agit aujourd’hui de relever par une politique adaptée, les défis touchant à la prise en

charge des maladies chroniques, au vieillissement de la population, aux difficultés

financières d’accès aux soins. Il répond également à un enjeu de simplification des

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 2-

organisations, de capacité à optimiser les ressources partenariales d’un territoire de santé,

afin de rendre efficiente les ressources à disposition. »1

Il importe donc d’optimiser encore l’offre de soins dans une approche territoriale permettant

une accessibilité à tous de soins de qualité.

Face à ce défi, il faut revisiter l‘offre disponible pour la reconstruire sur un modèle visant, en

plus de l’efficience, la complémentarité et la synergie par mise en oeuvre du processus de

coopération élargi.

L’hôpital jusqu’alors hospitalo-centré, doit évoluer et apprendre à travailler « avec » les

différents acteurs. Il ne s’agit pas uniquement de constater le manque de ressources

« publiques » mais aussi de changer le paradigme d’analyse : d’un hôpital omniscient vers

un hôpital ouvert et capable de construire des relations gagnant/gagnant avec chacun des

acteurs de soins de son territoire.

En ce qui concerne l’offre de premier recours qu’est la ville, elle est dotée d’un potentiel

conséquent, mais recentre, elle aussi, la prise en charge sur le secteur libéral, ne faisant

appel à l’hospitalier que lorsque la situation devient top difficile au domicile (fréquences des

sollicitations, technicité importante etc.).

Ainsi, chacun y fait face seul, sans avoir su profiter de l’opportunité d’un maillage qui leur

aurait permis une réponse articulée, adaptée à l’intensité de la prise en charge ; «le bon soin

au bon endroit ».

Par ailleurs la liberté de choix du patient est un principe fondamental de notre système de

santé. La disponibilité de l’information ; comparatif «Le point » des meilleurs hôpitaux de

France, articles de vulgarisation sur internet permettent au patient de s’impliquer de plus en

plus fortement dans ces choix.

Pour ces mêmes raisons, on se retrouve confronté à une multiplication d’actes car la

concertation, la coopération et la transmission d’informations entre offreurs de soins fait

défaut. Ainsi les secteurs cohabitent sans véritablement coopérer, évoluant l’un à côté de

l’autre. La construction de notre modèle hospitalier, ambulatoire, social et médico-social a

1 Exposé des motifs relatifs à la loi de modernisation de notre système de santé, communiqué de presse du 15 octobre 2014 au conseil des ministres.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 3 -

été conçu de manière compartimentée, dès son origine, ce qui a pour effet pervers une

augmentation désordonnée de la consommation des ressources publiques.

Il apparait difficile, dans ce contexte, de tracer une trajectoire de prise en charge opposable.

Si la première grande loi de santé publique de 20042 visait à faire porter au médecin traitant

un rôle de référent et de pivot de la prise en charge, cette tentative reste, aujourd’hui, à l’état

embryonnaire.

Le législateur n’a pas su faire vivre ensemble ces secteurs en y développant une synergie.

Le fonctionnement en silo tend à le rendre insuffisamment efficace alors que l’offre est, selon

les territoires et les spécialités, profuse.

Ainsi les lois santé de 2009 et de 2016 ont eu pour objet de réformer profondément l’offre de

soins et la restructurer pour une meilleure allocation de ressources. Ces lois ont eu pour but

de mieux répartir l’offre sur une base territoriale dans une offre graduée, maillée, qui

coopère afin d’assurer « le bon soin au bon patient au bon moment au bon endroit ».

Le virage ambulatoire chirurgical puis médical imposé dans les Contrats d’Objectifs et de

Moyens (CPOM) des Etablissements de Santé (ES) oblige là aussi à s’interroger sur un

dispositif fluide qui fait entrer le patient dans une trajectoire pensée pour le soigner.

De la même manière, si tous admettent aujourd’hui le caractère multidimensionnel de la

santé, les professionnels continuent à répondre chacun aux problématiques selon leur

champ d’exercice (social, médico-social, sanitaire, santé mentale) sans approche

pluridisciplinaire et encore moins transdisciplinaire.

Trop souvent les professionnels se recentrent sur des objectifs propres à leur spécialité.

Cela rend le parcours, les interactions peu lisibles pour le patient (et pour les autres acteurs).

Le changement de paradigme dans une approche « parcours patient » permettrait de fixer

un objectif global pour lequel chaque acteur apporte sa part contributive selon son champ

d’action. Le tout est plus que la somme des individualités professionnelles et devient lisible

par tous.

Nous avons pu à travers notre propre expérience professionnelle, être confronté à la

méconnaissance de l’offre présente en extra hopstalier. Nous avons pu en éprouver le 2 Loi n°2004-806 du 9 aout 2004 relative à la politique de santé publique

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constat tant dans nos expériences en qualité de professionnel hospitalier, qu’en qualité de

professionnel en HAD (Hospitalisation à Domicile) et médicosocial. Les conséquences tant

dans une inadaptation de l’orientation, ou des conditions de sortie de l’hôpital, ont été la

cause de fréquentes ruptures de prise en charge qui restent préjudiciables pour le patient.

Elles conduisent à une prise de risque, un défaut de continuité des soins et une insatisfaction

à laquelle la perte de confiance s’ajoute. Par exemple certains praticiens pourraient penser

qu’un transfert hôpital – EHPAD (Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées) ne

présente aucune difficulté de coordination car les deux lieux sont dits « médicalisés ».

Pourtant lors de précédentes expériences professionnelles nous avons pu constater que ces

transferts, lorsqu’ils ne s’inscrivent pas dans une dynamique partenariale préexistante,

représentent un réel risque de rupture de prise en charge. Ainsi les personnels hospitaliers

pensent parfois qu’il existe en EHPAD une présence continue d’un médecin ou d’infirmiers,

un accès aux médicaments à toute heure du jour et de la nuit. De fait la couverture de ces

professionnels est limitée à la semaine et en journée. Quant aux médicaments et dispositifs

médicaux, leur stock est circonscrit à un usage courant, propre à chaque patient. En cas de

manque et/ou de nouvelle prescription l’accès est contraint par les heures d’ouverture des

officines de ville.

Par ailleurs notre expérience de coordination en HAD nous a permis de prendre conscience

du potentiel, de la richesse et de la synergie que peuvent procurer l’articulation du

sanitaire/social/ psychologique et des réseaux ville hôpital. Le rôle de l’HAD étant justement

de lier tous ces acteurs dans une approche « pluri et trans-professionnelle » afin de mobiliser

les moyens adéquats quel que soit le moment du parcours de soins.

D’une manière générale, construire des parcours pour les patients dans un contexte de

ressources contraintes, incite à revoir les pratiques des professionnels, leurs modes de

relation, leur organisation, aussi bien en secteur hospitalier qu’en ambulatoire.

Au regard de ces différents constats et en lien avec l’ensemble des corpus théoriques acquis

tout au long de ma formation, différentes questions se posent :

Dans un contexte de profondes mutations culturelles comment le Directeur de Soins peut-il

piloter par le sens des professionnels de santé afin des les accompagner dans les

changements qui obligent l’hôpital à avoir une vision des organisations tant médico-

économique qu’ouverte sur le territoire de santé?

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 5 -

Par ailleurs celle-ci est souvent vécue comme une injonction paradoxale face à son

obligation de service à la population.

Comment réorganiser les activités de soins intra-hospitalières pour répondre à une meilleure

gestion des flux ?

Comment, recentrer l’approche parcours « sur le patient » afin de rendre possible

l’articulation des acteurs d’un même territoire de santé, dans l’objectif d’une prise en charge

globale, sécurisée, cohérente, qui s’appuie sur la totalité de l’offre et des acteurs ?

Comment favoriser le décloisonnement ente les différentes logiques ; médico-soignante

hospitalière, de ville, mais aussi au social et médico-sociale?

Comment favoriser le décloisonnement entre ces secteurs et rapprocher les cultures?

Ainsi la gestion des organisations sanitaires change de paradigme. Bien que l’état ait un rôle

dans l’égalité et l’accessibilité à la santé, le contexte contraint oblige à repenser

l’organisation territoriale de l’offre de soins. Face au cloisonnement, le GHT constitue une

opportunité pour y répondre (I). Cependant la coordination peut favoriser la continuité des

soins, la fluidification des parcours et la pertinence des soins. En effet, si le risque de rupture

de prise en charge peut compromettre la qualité du suivi, la coordination, est, elle, un

construit qui conduit à la performance. La coordination sanctuarisée dans la loi, devenant un

défi de demain pour le Directeur des Soins pemettra de mieux répondre à la pertinence des

soins et des parcours. (II) Une analyse de terrain s’appuyant sur une étude qualitative nous

permettra de répondre à nos interrogations (III) et à faire émerger des préconisations. (IV)

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 7 -

1 UNE GESTION DES ORGANISATIONS SANITAIRES QUI CHANGE DE PARADIGME

Bien que l’état ait un rôle dans l’égalité et l’accessibilité à la santé (1.1), le contexte contraint

oblige à repenser l’organisation territoriale de l’offre de soins (1.2). Face au cloisonnement,

le GHT constitue une opportunité pour y répondre (1.3), posant une rupture du prisme du

«tout hôpital» vers une approche parcours de santé (1.4).

1.1 Le rôle de l’état dans l’égalité d’accès aux soins de qualité.

1.1.1 L’égalité d’accès à des soins de qualité dans un contexte contraint, impose d’optimiser

la gestion des flux pour favoriser la réponse aux besoins d’hospitalisation.

Tout en répondant à une meilleure accessibilité aux soins pour tous, l’Etat est tenu, dans ce

contexte contraint, de limiter le coût social que représenterait une population mal soignée ;

maladies plus complexes, coûts des traitements plus lourds, coût social majoré, arrêts de

travail…

Pour autant, réduire le coût de la santé ne peut s’accommoder d’une politique qui mettrait en

danger la qualité du système le rendant inadapté aux besoins de la population.

Par ailleurs, La demande en soins croit plus vite que le PIB (Produit Intérieur Brut).

L’ONDAM3 (Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie) pose un objectif

d’augmentation de dépense de santé limité à 3,5% en 2002, pour être autour de 2% depuis

2010, alors que la croissance annuelle avoisine les 1% depuis la crise de 2008. Cet objectif

reste constamment dépassé. Même si on note une sous-exécution exceptionnelle en 2015,

qui reste supérieure au PIB. La réforme de l’allocation de ressources apportée par les

ordonnances de 2005 sur la nouvelle gouvernance, qui met en place la T2A et structure

l’hôpital en pôles, a profondément modifié la gestion à l’hôpital, contraignant celui-ci à une

course à l’optimisation. L’intérêt à agir de l’hôpital dans ce contexte réglementaire est de

consommer le moins de ressources possible tout en produisant un maximum de soins.

Ainsi la fluidification des parcours dans le territoire de santé, devient un enjeu phare. Ce qui

assure une disponibilité en lits et permet d’une part de répondre à la demande en soins,

3 L’ONDAM dans la Loi des Finances de la Sécurité Sociale a été introduit par les Ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 8-

mission première de l’hôpital, et d’autre part de viser l’équilibre budgétaire par une juste

consommation de ressources.

Cette politique économique permet de répondre aux besoins d’investissement par un

Programme Global de Financement Pluriannuel (PGFP) qui favorise le développement

nécessaire pour répondre à l’augmentation des besoins en soins de la population. `

1.1.2 La transition épidémiologique oblige à une restructuration du modèle actuel.

Le vieillissement de la population, la prévalence4 croissante des pathologies chroniques et

l’innovation, sont autant de facteurs qui impactent fortement la demande. Les données de

santé publique indiquent une recrudescence des maladies chroniques.

Cette transition épidémiologique implique de penser autrement la prise en charge des

besoins en santé, l’hôpital ne devient qu’un contributeur parmi d’autres de la prise en charge

et ne peut être le seul acteur. La prise en charge des patients chroniques nécessite des aller

et venu à l’hôpital, le suivi devant se poursuivre en extra-hospitalier. La tradition hospitalo-

centrée de l’organisation du système de santé, au-delà d’être coûteuse, devient inadaptée

pour y répondre. L’hôpital ne peut plus y faire face seul. Il doit s’appuyer sur l’offre

ambulatoire, mais cela implique de les connaître et de se faire connaître pour construire un

maillage efficace.

Toute ressource rare ne pouvant être gaspillée, l’Hôpital doit être en quête constante

d’efficience pour pouvoir continuer à remplir ses missions.

Par ailleurs, si la démocratie sanitaire, mouvement enclenché depuis les années 2000, vise

à faire accepter les changements par une démarche participative, elle contribue aussi à

complexifier les choix sociétaux par le principe même de cette co-construction.

1.2 Le contexte contraint oblige à repenser l’organisation territoriale de l’offre de soins.

1.2.1 Un concept ancien d’aménagement du territoire dont le modèle n’échappe pas au

secteur sanitaire.

Le mot territorialisation apparaît au XII siècle et doit son origine au latin « territorium » qui

signifie «étendue de terre qui répond à une autorité ou une juridiction quelconque » 4 Prévalence d’une pathologie : nombre de nouveau cas qui apparaissent pendant une période donnée.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 9 -

Ainsi la notion d’autorité sur un territoire et de régulation introduite par la loi HPST et la loi de

modernisation du système de santé de 20165, répond tout à fait à cette définition.

Le linguiste Alain REY, précise qu’au XVème siècle, le territoire se définit par trois

caractéristiques : appropriable, délimité, porter un nom.

La notion de territorialisation répond ici à une dimension d’appropriation culturelle d’un

espace géographique.

Il s’agit d’une définition loco-locale qui s’autorise la différence. Cette approche nous fait sortir

d’une vision uniforme quantitative et statique en cherchant une adaptation à des

caractéristiques locales. On peut donc considérer que le territoire est une notion polymorphe

à géométrie variable.

Dans une définition plus administrative, la délimitation territoriale apparaît à travers la notion

de chef-lieu qui marque le découpage administratif de l’espace national. Le décret du 9

décembre1789 donne naissance aux départements dont le dimensionnement s’organise

autour du critère d’accessibilité ; une « journée à cheval » pour le chef-lieu de département

et une demi-journée pour le chef-lieu de district. Cette définition défend la nécessité de

rendre accessible les services publics.

Ce découpage a pour objectif d’organiser la gestion administrative dans un mouvement de

déconcentration et de décentralisation. Ce processus s’est organisé dans un mouvement

lent mais progressif dont la dernière vague engage les réformes de 2013 à 2015 en

réformant l’organisation des territoires sur un plan administratif (loi MAPTAM6, votée en

2014, qui prévoit la création de treize Métropoles ; la loi de 2014 relative à la délimitation des

régions, aux élections régionales et départementales, la loi NOTRé7 de 2016, qui redéfinit le

découpage territorial et la redistribution des compétences entre région département et Etat).

Ce dispositif prévoit aussi la réduction du nombre de régions qui passe de 22 à 13, à laquelle

le territoire de santé s’est lui-même calqué.

De manière bien plus ancienne, on trouvait déjà une relation entre géographie et santé dans

le traité sur « Des airs, des eaux, des lieux » (Hippocrate) mettant un lien entre territoire et

apparition des maladies. C’est ainsi que, l’épidémiologie, science qui étudie la répartition des

maladies dans une population et sur un territoire donne toute son importance au lien

géographie et santé 5 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 dite de modernisation de notre système de santé

6 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (1) 7 Loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (1)

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 10-

Un peu plus tard, l’épidémiologie, associe clairement le lien entre l’espace géographique et

la santé. La notion d’épidémie se définit par l’apparition d’une maladie par contagion sur une

circonscription de territoire.

1.2.2 Une organisation territoriale dont l’évolution s’appuie sur des contraintes et des

valeurs qui sous-tendent notre modèle sanitaire et social.

En santé l’approche posée par la carte sanitaire de la loi de 1970 représente un

premier découpage territorial dans une approche quantitative. Puis, la mise en place

du Schéma Régional d’Organisation Sanitaire et Social (SROSS) en 1991 fait

évoluer le découpage en associant un regard qualitatif de l’offre de soins. Enfin, les

lois de 2004 de 2009 et de 2016 font encore évoluer le modèle en définissant le

territoire sur une base populationnelle en lien avec les besoins de santé du territoire

et un égal accès aux soins (SROSS de deuxième génération, Projet Régional de

Santé).

Cependant, si l’évolution du modèle doit répondre à des contraintes économiques

incontournables, la réponse doit permettre de préserver les principes fondamentaux

de notre société et préserver un système de valeurs porté par la création de la

Sécurité social en 1945, qui est de donner des soins à tous selon les besoins de

chacun indépendamment des revenus. Ce précepte oblige à une réflexion profonde

de l’offre sur des critères de qualité, de dangerosité, de pertinence, et d’égal accès.

Ce raisonnement conduit à territorialiser la santé, c’est-à-dire à appréhender celle-ci

à partir des réalités spatiales et des processus afférents. Le concept de territoire

profite de cette évolution jusqu’à s’inscrire dans les réformes successives de ces

dernières années.

1.3 Le Groupement Hospitalier de Territoire (GHT), une opportunité pour répondre à la nécessité de décloisonnement.

La compréhension fine des phénomènes complexes doit permettre au dirigeant d’agir sur

son environnement micro-économique direct afin de l’adapter au mieux au contexte macro-

économique, qui est, lui, en mutation constante.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 11 -

L’institution doit être proactive pour trouver les adaptations de son organisation lui

permettant de remplir ses missions dans ce contexte contraignant.

Tout en visant une approche médico-économique de l’organisation, l’institution doit dépasser

son cadre de référence pour s’inscrire dans un environnent plus large qu’est le territoire de

santé. Ainsi la Loi HPST de 2009 vient renforcer l’amorce de décloisonnement de la loi de

santé publique de 20048 en impulsant la coopération volontaire à travers le dispositif de Communauté Hospitalière de Territoire (CHT). C’est en rendant opposable la coopération

entre établissements, que la loi de modernisation de notre système de santé du 16 janvier

2016 vient encore renforcer le dispositif avec la mise en place des GHT.

Par ailleurs, la Stratégie Nationale de Santé (SNS) de 2013 avait déjà pointé la nécessité

d’organiser les soins autour du patient, en introduisant la notion de « parcours de soins ». La

mise en place des GHT s’inscrit donc dans la continuité de cette dynamique en franchissant

un nouveau cap. Les GHT répondent à l’ambition de recomposer l’offre de soins par une

prise en charge graduée et un maillage de soins de qualité, centrés sur les parcours. Ainsi

tous les établissements publics de santé ont l’obligation de faire partie d’un GHT.

Le Projet Médical Partagé du GHT, élaboré pour 5 ans, précise les conditions de prise en

charge des patients dans le cadre d’une offre graduée sur le territoire de santé. Celle-ci doit

s’organiser autour de filières pour donner une réponse adaptée et optimisée aux besoins de

santé en cohérence avec le diagnostic territorial. Cependant, l’outil de coopération n’est pas

doté de personnalité morale et implique donc une coopération formalisée dans le cadre

d’une convention constitutive.

Ce dispositif est assorti d’une mutualisation de fonctions supports imposée par la loi. Il doit

également se doter d’un Système d’Information Hospitalier (SIH) convergeant, permettant la

mise en place d’un dossier patient commun facilitant la prise en charge coordonnée des

patients au sein du GHT.

L’implication des acteurs dans une approche co-construite centrée sur le parcours patient

contribue à redonner du sens et favorise l’inter-connaissance nécessaire pour construire une

organisation commune.

8 Loi n°2004-806 du 9 aout 2004 relative à la politique de santé publique.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 12-

1.4 Du parcours de soins au parcours de santé une rupture de prisme du «tout hôpital».

Dans une compréhension simple, la notion de parcours (parcours de vie, parcours de

l’usager, parcours de soins, etc.) apparaît comme une nouvelle terminologie permettant de

décrire les pratiques actuelles à l’égard des usagers.

Le parcours recentre l’usager au cœur de l’action de l’institution. Ce n’est plus à l’usager de

s’adapter au modèle mais à ce dernier à se construire en fonction des besoins en santé de la

population. Cette inversion de logique devient la raison d’être de l’institution à travers les

politiques publiques posées par les réformes. C’est ainsi que les deux dernières réformes

hospitalières orientent la structuration de l’offre en imposant cette logique aux opérateurs

hospitaliers.

Il est donc question de la capacité de l’institution à répondre aux besoins et de s’y adapter

par une offre personnalisée. L’objectif n’est plus de prendre en charge et d’offrir des soins

mais bien d’être en capacité d’accompagner les patients dans leur prise en charge au plus

près du besoin en proposant « le bon soin à la bonne personne au bon endroit ». Chaque

acteur de santé du territoire apporte sa contribution pour y répondre.

1.4.1 Un processus centré sur les besoins du patient : les filières, une ressource structurée et optimisée pour y répondre.

Le parcours patient revient à déterminer un trajet de soins. Historiquement, il s’agissait d’un

droit de passage pour les habitants de deux communes assurant un accès à leurs pâturages

respectifs en vertu d’un droit au parcours (1459, Code civil, art. 648, p.118). La notion de

parcours fait appel à une notion de « droit », de « trajet » et « d’individu » donc d’une

réponse personnalisée.

Quant au parcours de santé, il se définit comme un ensemble de dispositifs qui oriente

l’usager dans sa prise en charge. Il est pensé pour l’usager pour l’accompagner vers un but

qui est de l’amener à un mieux-être, de l’amélioration de son état à la guérison complète.

Cette approche situe l’usager comme agissant, il devient acteur en empruntant ce trajet qui

lui a été préparé spécifiquement pour répondre à son besoin.

Si le parcours est centré sur la personnalisation d’une réponse dont l’usager est au centre, la

filière, quant à elle, est la mobilisation de ressources par les offreurs de soins favorisant ce

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 13 -

parcours. Conformément à la loi, elle doit répondre à des exigences d’accessibilité, d’équité

et de qualité des soins pour tous.

1.4.2 La question du parcours trouve toute sa cohérence dans une approche territoriale en

santé

La loi de modernisation de notre système de santé pose l’obligation aux membres parties du

GHT de proposer à travers un Projet Médical Partagé (PMP) la structuration de filières de

soins. Elles doivent répondre à la feuille de route nationale et se compléter par l’analyse

épidémiologique du bassin de population du territoire de santé défini. Chaque Agence

Régionale de Santé (ARS) valide le PMP selon les priorités nationales et les besoins

territoriaux.

Chaque filière, doit mettre en adéquation les besoins et l’offre. Ce qui présuppose une

analyse des besoins par un diagnostic territorial. Elle doit intégrer les données

épidémiologiques prospectives, l’évolution démographique, la pertinence des actes, mais

aussi intégrer le virage ambulatoire et les techniques innovantes.9

La loi est organisée autour de quatre piliers :

• Renforcer la prévention et la promotion de la santé ;

• Faciliter au quotidien les parcours de santé ;

• Innover pour garantir la pérennité de notre système de santé ;

• Renforcer l’efficacité des politiques publiques et la démocratie sanitaire.

La facilitation du parcours santé donne un rôle pivot aux professionnels de santé primaires.

Une équipe de soins primaires est un ensemble de professionnels de santé constitué autour

de médecins généralistes de premier recours, choisissant d'assurer leurs activités de soins

de premier recours définis à l'article L. 1411-11 sur la base d'un projet de santé qu'ils

élaborent. Elle peut prendre la forme d'un centre de santé ou d'une maison de santé.

« L'équipe de soins primaires contribue à la structuration des parcours de santé. Son projet

de santé a pour objet, par une meilleure coordination des acteurs, la prévention,

l'amélioration et la protection de l'état de santé de la population, ainsi que la réduction des

inégalités sociales et territoriales de santé. » (Art. L. 1411-11-1, loi de modernisation de

notre système de santé).

9 Mission Groupement Hospitalier de Territoire, rapport intermédiaire, Jacqueline HUBERT et Fréderic MARTINEAU, mai 2015.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 14-

La loi invite au décloisonnement en abordant la notion de « parcours de santé » qui vient

remplacer la notion de parcours de soins plus centrée sur l’offre institutionnelle.

En effet le trajet n’est plus celui proposé par des offreurs appartenant au GHT qui trouverait

une limite dans la cohérence de la réponse, mais pose les jalons d’une approche

populationnelle beaucoup plus large qui invite à organiser les interfaces entre ville et hôpital.

Les politiques publiques posent comme axe fort le développement des alternatives à

l’hospitalisation. Le virage ambulatoire devient un enjeu fort et représente un défi

organisationnel pour les établissements de santé. Le Plan d'efficience et performance du

système de santé pose le "virage ambulatoire", comme enjeu fort et en assure la promotion.

Une structuration de l’offre par filière, ainsi que le virage ambulatoire, toute discipline

confondue, ne peut se mettre en œuvre sans structuration d’interfaces efficaces entre

établissements de santé, mais aussi entre la ville et l’hôpital. C’est par une coordination

pertinente, une parfaite connaissance des offreurs de soins hospitaliers et libéraux, du

médico-social, des réseaux, par une reconnaissance du rôle et des missions de chacun que

l’on pourra éviter les superpositions qui fait perdre en efficience dans la réponse en santé.

Le Directeur des Soins dans son décret de compétence a pour mission de :

• Contribuer aux processus des décisions institutionnelles et à l’accompagnement de

leur mise en œuvre ;

• Contribuer au développement des partenariats et des spécificités pour la continuité́

de la prise en charge de l’usager.

Ainsi pour accompagner ce changement le Directeur des Soins a une place prépondérante à

travers l’organisation de la structure, le développement des compétences, et la structuration

du parcours patient au sein du GHT. Mais c’est aussi dans la prise en compte de l’extra-

hospitalier que le Directeur des Soins pourra répondre à sa mission de garant de la

continuité des soins. Il se pose en interface des différentes logiques dans un travail

rapproché avec la communauté médicale, les professionnels de santé libéraux, les réseaux

en appui de la direction de l’établissement. Le DS est un acteur concourant à la structuration

de la coordination ville hôpital.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 15 -

2 LA COORDINATION FAVORISE LA CONTINUITE DES SOINS, LA FLUIDIFICATION DES PARCOURS AINSI QUE LA PERTINENCE DES SOINS.

Si le risque de rupture de prise en charge peut compromettre la qualité du suivi (2.1), la

coordination, est, elle, un construit qui conduit à la performance (2.2). Ainsi, la santé voit son

évolution vers une approche coordonnée sanctuarisée dans la loi (2.3). Celle-ci constitue un

défi pour le DS, lui pemettant de mieux répondre à la pertinence des soins et des parcours.

(2.4)

2.1 Les risques de ruptures de prise en charge pouvant compromettre la qualité du suivi

2.1.1 La continuité des soins un concept plus souvent supposé que défini

On ne retrouve pas dans la littérature ni dans la réglementation de définition précise de la

continuité des soins, alors même que la permanence est définie à travers un dispositif

clairement décrit qui est opposable aux établissements de santé.

La continuité des soins se différencie de la permanence des soins. Cette dernière consiste

à mettre en place une organisation afin de répondre par des moyens structurés, adaptés et

régulés, aux besoins de soins non programmées exprimées par un patient. Elle couvre les

plages horaires comprises en dehors des horaires d’ouverture des cabinets libéraux et en

l’absence d’un médecin traitant.

La continuité des soins permet d’assurer le suivi dans la durée des problèmes de sante d’un

patient sans rompre la chaîne des soins et en s’assurant du transfert interdisciplinaire des

données le concernant. De là découle la nécessité de coordination avec les professionnels

de premier recours pour assurer le suivi optimal des patients.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 16-

Les travaux de méta-analyse de Reid et al10, en 2002, clarifient les éléments qui la

structurent :

• L’information qui se transmet d’un soignant à l’autre sur les événements liés à la

maladie du patient et à sa prise en charge ;

• La relation thérapeutique médecin-patient dans sa singularité qui reflète les

transitions s’effectuant entre les différents épisodes de soins ;

• L’approche organisationnelle apte à garantir la coordination des soins. C’est-à-dire la

complémentarité des services qui doivent être synchronisés et structurés, évitant l’absence,

la répétition inutile, et les superpositions.

La continuité des soins doit, de fait, s’appuyer sur :

• Un dossier médical, pour exercer au mieux ces soins sur la durée, après la prise en

charge de la phase aigüe ;

• Une structuration de la transmission d’information en aval, mais aussi en amont, par

des flux permanents ascendants et descendants ;

• Une connaissance des partenaires de leurs rôles respectifs, leur positionnement, leur

niveau d’implication ;

• Une contribution de chacun dans le processus de structuration des relais.

La continuité de soins embrasse les champs de la relation, de la communication et de

l’approche partagée, pour rendre le parcours cohérent et lisible, tant par le patient lui-même

que par les acteurs.

2.1.2 La continuité des soins doit viser une approche collective et longitudinale.

La continuité des soins doit considérer les liens entre les diverses composantes dans l’offre

de soins et les acteurs concourants à la prise en charge du patient, tant pendant la phase

aigüe que la phase de consolidation.

À cet égard, les travaux précités pointent les lacunes inhérentes au transfert d’information

particulièrement entre les soins de base et les soins spécialisés, l’absence et manque

d’uniformité des protocoles de prise en charge ; non formalisés, superposés, chevauchés.

Il apparaît clairement que les manques d’information ont des conséquences néfastes sur la

qualité de la prise en charge et impactent négativement la capacité des professionnels à

10 Reid R, Haggerty J, Mc Kendry R. Dissiper la confusion : concepts et mesures de la continuité des soins. Ottawa : Fondation canadienne de la recherche sur les services de santé; mars 2002.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 17 -

fournir une qualité de suivi et de soins. Ces études mettent en évidence l’importance du

nombre de médecins par épisode de soins dans le risque de rupture de soins. 11La continuité

des soins s’inscrit au-delà de l’épisode de soins et impose une approche globale de la

personne soignée. Elle englobe les phases intermédiaires pour comprendre l’histoire du

patient dans sa globalité et relier les évènements entre eux pour mieux les comprendre, d’où

la nécessité de cette préoccupation à consolider les liens entre professionnels

pluridisciplinaires extra-hospitaliers et ceux des établissements de santé.

Il est donc essentiel de s’intéresser à la dynamique des éléments qui soutiennent la

continuité des soins. Relation et interaction entre individus d’un système, constituent une

dynamique sociale mise en jeu. En effet, on peut considérer que le groupe professionnel en

jeu puisse être perçu comme un système social complexe à lui seul. L’institution elle-même

est un système social à part entière de par son caractère collectif des pratiques.

Le transfert d’information, la relation patient-médecin et les modes de coordination des soins

caractérisent la complexité de cette dynamique. L’étude des jeux d’acteurs, les

interdépendances, la notion de domination, le sens de l’action, la légitimation des règles sont

autant de manières d’approcher le sujet pour mieux comprendre les enjeux, les freins et

leviers à la mise en œuvre d’une telle dynamique (théorie de la dynamique des groupes

selon Kurt Lewin).

2.2 La coordination, un construit qui conduit à la performance

2.2.1 La coordination, un concept mobilisé dans la théorie des organisations qui trouve son

origine dans l’industrie

La question de la coordination sous-tend fortement la notion d’organisation. Elle implique de

mieux structurer et d’optimiser les flux afin d’améliorer l’utilisation des ressources. Ainsi, la

coordination est une approche nécessaire à la performance de l’offre de soins.

Du latin « cum » qui veut dire « avec », et « ordinare » : mettre en ordre, organiser,

coordonner consiste à ordonner des éléments séparés, combiner des actions, des activités

11 Saint-Pierre, Michèle, et Andrée Sévigny. « Approche individuelle et collective sur la continuité des soins », Santé Publique, vol. vol. 21, no. 3, 2009, pp. 241-251.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 18-

distinctes en vue de constituer un ensemble cohérent ou d'atteindre un résultat

déterminé (Larousse).

La coordination traitée par Henry Minstberg en 1970, s’intéresse à l’environnement micro

des organisations. Il définit six mécanismes de coordination pouvant être mobilisés selon la

taille la spécificité et la complexité de l’organisation. Ainsi, lorsqu’une organisation est

complexe, elle impliquerait le recours à une supervision directe qui fait intervenir un acteur

dont le rôle est de remplir la fonction de coordination. Elle vise à organiser, créer les liens

nécessaires entre les tâches réalisées par les acteurs pour créer un ensemble homogène

décloisonné afin d’obtenir une production adéquate.

La coordination, d’un point de vue macro, s’intéresse aux liens tissés entre organisations12,

dans le but de structurer un processus de production qui prend en compte l’environnement

externe et les acteurs directement impactés dans ce processus, de la production à la mise

sur le marché. Cette structuration fait émerger la question du rôle de la confiance et du

contrôle dans la structuration du partenariat comme facteur de réussite (Franck BRULHAR,

XIIème conférence de l’association internationale de management stratégique).

Les théories managériales accordent une place prépondérante à la confiance dans les

relations de partenariat (Lorentz, 1988 ; Baudry, 1992 ; Nooteboom, 1996 ; Ring et Van de

Ven, 1994). La caractéristique du lien en termes de durée et de sélection, sa nature

informelle se construit sur la mobilisation d’un capital confiance des acteurs (Uzzi, 1997)

comme étant le fondement d’une gouvernance sociale et de normes relationnelles.

2.2.2 Une organisation sanitaire historiquement cloisonnée en contradiction avec sa

définition multidimensionnelle.

Edgard Morin13, par ses nombreux travaux, étaye la thèse de la complexité de notre société

moderne individualiste. Cette complexité s’exprime par des paradigmes auxquels nous

sommes confrontés. Elle fait état de la dualité d’une réalité consciente et d’une action parfois

insuffisamment efficace, défendant fréquemment les intérêts individuels et corporatistes au

détriment de l’intérêt collectif.

12 Les modes de coordination et d’organisation des partenariats inter firmes : exploration du rôle et de l’impact respectifs du contrôle et de la confiance au travers du courant « intégratif », Franck BRULHAR, XIIème conférence de l’association internationale de management stratégique. 13 Edgar MORIN, sociologue français contemporain : la pensée complexe.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 19 -

Le secteur sanitaire et médico-social se caractérise par une superposition de dispositifs et un

cloisonnement.

Même si le système de santé français s’est organisé pour répondre aux besoins des

populations, les lois le structurant n’ont pas prévu les liaisons entres les différents champs

de prise en charge. Est-ce à dire que la notion de santé en France a difficilement évolué sur

une vision globale telle que définie par l’OMS ? La santé est un concept qui a fortement

évolué à travers les siècles. D’Hippocrate qui en fait un tout harmonieux, à Descartes un

bien des plus précieux, puis Lerich dans son approche plus physiologique. L’OMS, en 1946,

met en avant son caractère multidimensionnel « un complet bien être physique, psychique et

mental ».

Cette dernière définition qui entend bien globaliser la vision de la santé, vient s’enrichir de

l’interaction harmonieuse de l’individu avec son environnement à travers les déterminants

en santé. Pour autant, cette approche multidimensionnelle n’a pas suffit à créer les ponts

entre les disciplines sanitaires, sociales, médico-sociales, les prises en charge restant

cloisonnées.

Il s’est construit dès son origine par un cadre règlementaire qui marque cette séparation de

fait, cloisonnant le sanitaire et le médico social : le « millefeuille social » à l’image du

« millefeuille administratif ».

Par ailleurs le cloisonnement social /médico-social/sanitaire est historiquement ancré par sa

construction réglementaire. L’hôpital, porté par la première grande réforme de 70, côtoie une

loi de 1975 encadrant le médico social, promise par le législateur comme devant se

différentier du sanitaire, sanctuarisant ainsi le cloisonnement des deux mondes14. Par

ailleurs le développement d’une culture différente rend ces deux mondes peu poreux et la

collaboration presque inexistante.

Le développement d’une culture opposée par essence entre social et sanitaire, se traduit

aussi par une temporalité différente et un regard de défiance vis à vis des acteurs respectifs,

alors même que la définition de la santé de l’OMS inviterait à travailler ensemble.

14 Institutions sociales et médico-sociales : de l'esprit des lois à la transformation des pratiques Broché – 28 août 2013, Jean François BEAUDURET.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 20-

2.3 La santé voit son évolution vers une approche coordonnée et sanctuarisée dans la loi

2.3.1 Les dispositifs juridiques posent la nécessité de décloisonner

La structuration du système de santé se tourne vers une prise en charge par parcours telle

que déclarée 2013 par le Premier ministre : « C’est dorénavant à partir des parcours de la

personne, patient, personne âgée, personne handicapée, que doit s’organiser le système de

santé, pour supprimer peu à peu les ruptures de prise en charge provoquées par le

cloisonnement. »15. C’est vers cette nouvelle approche que la loi de modernisation de notre

système de santé s’est orientée.

La loi HPST de 2009 puis la loi de santé de 2016 posent clairement la nécessité de

coopération entre les offreurs de soins à travers des dispositifs de coopération incitatifs, puis

opposables, notamment en ce qui concerne l’hôpital, par des outils de coopération

structurants et encadrants. Au delà des GHT, les politiques de santé mettent en exergue la

nécessité d’un décloisonnement pour rendre l’offre de soins efficiente.

Par ailleurs, les contraintes médico-économiques et les orientations stratégiques nationales

portées par le virage ambulatoire, obligent l’hôpital à aller au delà du dispositif qui reste

hospitalo-centré. Pour pouvoir y répondre, il lui faut se tourner vers une ouverture de l’hôpital

sur la ville.

Différents plans de santé publics orientés sur des publics ciblés, tel le handicap, la personne

âgée, les patients atteints de pathologies chroniques ont été le point de départ d’émergence

de dispositifs de coordination. Cette profusion a pour effet pervers de rendre illisible l’offre,

tant à l’égard des professionnels de santé que des patients eux-mêmes, et en fait perdre

toute son efficacité.

2.3.2 Les dispositifs de coordination existants : « du toujours plus du même ».

L’exemple de la prise en charge de la personne âgée illustre parfaitement le défaut de

structuration des dispositifs de coordination. Même si l’on reconnaît qu’elle répond

partiellement au besoin par une structuration graduée, elle s’est dotée sur ces 20 dernières

années d’une multitude de dispositifs qui se superposent et s’enchevêtrent. S’y ajoute une

multitude de financeurs, de pilotes, de tutelles, dont les rôles restent peu lisibles tant pour les

15 Communication relative à la stratégie nationale de santé, déclaration de politique générale du 16 janvier 2013

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 21 -

professionnels, les familles, que les patients, ce qui en rend l’accès complexe. Il s’agit d’un

véritable labyrinthe.

En effet, depuis les années 2000, de nombreux dispositifs sont venus étoffer le paysage de

l’offre de soins : réseaux, cellules, soit à l’initiative de la société civile (personnes,

associations ex France Alzheimer etc.), soit à celle des politiques publiques (plan Alzheimer

2004, plan relatif aux maladies neuro dégénératives de 2014, plan de soutien aux personnes

âgées dépendantes de 2003, plan national bien vieillir de 2007, 2009, 2015). Leur mode de

financement, souvent éclectique et multiple, les rend difficilement maîtrisables dans leur

évolution et difficile à structurer avec cohérence.

Les dispositifs en place ont souvent peu de lien les uns avec les autres, et répondent à un

public ciblé, laissant les autres comme « laissés-pour-compte ».

La problématique de la prise en charge de la personne âgée intéresse les politiques

publiques depuis de nombreuses années, et tente de rechercher des solutions structurant

l’offre.

C’est dans la prise en charge de la personne âgée que les premières expérimentations ont

vu le jour, notamment à travers les Centres Locaux d’Information et de Coordination (CLIC).

Leur mission d’appui aux familles a rapidement trouvé des limites par une disparité de

niveau d’action. En effet, ce dispositif laissé à la discrétion des départements, voyait son

intensité d’action inégale et fonction des moyens alloués par ces derniers.

Ce dispositif a été suivi par la mise en place des Maisons pour l’Autonomie et l’Intégration

des malades d’Alzheimer (MAIA), sans pour autant s’y substituer.

Les MAIA sont une méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans

le champ de l’autonomie de la personne atteinte de maladie d’Alzheimer.

Elle associe les professionnels en charge de l’accompagnement des personnes de plus de

60 ans. Après une période d’expérimentation de trois ans, elle s’est pérennisée en 2008.

Cette cellule de gestion de cas complexe prend en charge un public spécifique et vient se

superposer au CLIC pour certaines missions.

L’intégration dans ce dispositif va au delà de la simple coordination. Elle souhaite conduire

les acteurs à co-construire leurs moyens d’action. Il est à souligner l’approche décloisonnée,

harmonisée sur le plan national engagé par ce nouveau dispositif, qui en fait tout son intérêt.

Néanmoins, tous ces dispositifs ont une place inégale dans leur sollicitation. Elle dépend de

la façon dont ils ont su être intégrés par les acteurs dans les filières déjà construites.

La limite du dispositif est liée au fait qu’il ne s’intéresse qu’à un public ciblé.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 22-

Se retrouvent dans un même modèle les dispositifs propres à la prise en charge de la

personne handicapée, des patients atteints de pathologies cancéreuses et de certaines

maladies chroniques. Cependant, il n’existe aucune porosité entre ces derniers et l’hôpital.

Le lien réseau ville - hôpital, quand il existe, est porté par la filière elle-même sans pilotage

par la Direction.

Cependant il reste indéniable que ces réseaux ont pu montrer une certaine efficacité, mais

fonctionnent en tuyaux d’orgue ; diabète, cancer, douleur... De plus, ils sont inégalement

représentés sur les territoires et leur efficacité est trop souvent soumise aux personnes qui

en ont eu l’impulsion (médecins, associations de patients, etc.). Ainsi se pose la question de

la performance de ces dispositifs, du fait de leur structuration en « millefeuille » qui engendre

des surcouts liés à leurs modes de financement éclectiques (départements, associations de

patients, conseils départemental, état, etc.), des doublons, des problèmes d’accès, par un

manque de lisibilité. Ainsi, en réponse, la loi de l’adaptation de notre société au vieillissement

de 201516 souhaite recentrer le pilotage de la mise en œuvre ces politiques en rapprochant

les centres de décision au niveau des ARS.

2.3.3 Leviers mobilisés pour favoriser la pertinence des soins et des parcours.

La pertinence des soins est une priorité nationale, pour laquelle plusieurs leviers

convergents sont ou seront mobilisés. Elle est par ailleurs inscrite dans la loi de financement

de 2015 à travers un décret n°2015-110 du 19 novembre 2015 qui précise le rôle des ARS

dans l’engagement d’un plan d’action pour y répondre. Il fait également état de l’appui de la

Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS), de la (Haute

Autorité de Santé (HAS) et de l’Agence Technique de l’Information Hospitalière (ATIH) à

travers leurs outils sur cette problématique.

La pertinence des soins fait partie des critères inscrits au programme de travail de la HAS

dans le cadre de l’appui à l’amélioration des pratiques professionnelles soutenu par l’Agence

Nationale d’Appui à la Performance (ANAP).

De plus, la pertinence des soins est clairement ciblée dans le manuel de certification des

établissements de santé dès sa version 2010. Elle impose sa prise en compte dans la

politique des Evaluations de Pratiques Professionnelles (EPP). L’objectif est d’en identifier

les enjeux d’amélioration (pertinence des hospitalisations, pertinence des admissions aux

urgences, pertinence du mode d’hospitalisation complète, pertinence de la prescription

d’examens d’imagerie médicale etc.). La Version V2014 renforce ce champ par un lien EPP

16 Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 23 -

pertinence/profil de risque d’établissement. Cette démarche doit être appropriée par tous les

professionnels de santé.

La Haute Autorité de Santé prévoit aussi un élargissement sur le processus d’accréditation

des professionnels médicaux.

Elle fixe des orientations nationales dans le cadre du Développement Professionnel

Continue (DPC) dans sa politique de sécurisation des soins pour 2017 :

- Orientation n° 31 : Amélioration de la pertinence des soins, faciliter au quotidien les

parcours de santé17, promouvoir les soins primaires, favoriser la structuration des parcours

de santé

- Orientation n° 7 : Coordination des équipes de soins primaires pour contribuer à la

structuration des parcours de santé du patient, notamment à l'échelle d'un territoire de santé

- Orientation n° 8 : Coordination des soins entre médecin traitant et médecin

correspondant.18

Si la Haute Autorité de Sante s’est intéressée aux parcours structurant la prise en charge

des maladies chronique, des démarches thématiques nationales d’accompagnement

viennent compléter les démarches régionales. La CNAMTS vient soutenir le dispositif en s’y

associant, soit en mettant à disposition des ARS des indicateurs de comparaison, soit par un

accompagnement de structuration de parcours sur des publics cibles tels que le dispositif

PRADO (Programme d’Accompagnement du Retour A Domicile après hospitalisation), pour

le retour précoce post accouchement…

Au final, la question de la pertinence des parcours de soins, vient interroger à la fois

l’opportunité de la prise en charge mais également la pertinence de l’organisation des soins

dans leur ensemble, allant de l’entrée à la sortie. Il s’agit d’une notion complexe à

appréhender dont les contours sont au cœur du champ d’action du DS.

17 Arrêté du 8 décembre 2015 fixant la liste des orientations nationales du développement professionnel continu des professionnels de santé pour les années 2016 à 2018 18 Arrêté du 8 décembre 2015 fixant la liste des orientations nationales du développement professionnel continu des professionnels de santé pour les années 2016 à 2018

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 24-

2.4 Coordination et santé : les défis de demain pour le Directeur des Soins pour répondre à la pertinence des soins et des parcours.

Chaque offreur y va de sont dispositif. L’hôpital cherche lui aussi à trouver des réponses à

ses problématiques de flux patients ; « bed manageur », cellules d’ordonnancement.

Cependant leur structuration ne prend fréquemment en compte que le flux entrant, et

insuffisamment l’aval. Quand ils s’y intéressent, ces dispositifs de coordination restent

essentiellement centrés sur l’offre de soins institutionnalisée. Ils ne s’appuient que très

insuffisamment sur l’offre ambulatoire ; HAD, réseaux, Services de Soins Infirmiers à

Domicile. Lorsque cela se produit, c’est par une organisation informelle « professionnel de

terrain dépendant » qui tisse son réseau propre pour répondre à des problématiques

individuelles. Or, pour être efficace, cette stratégie doit être formalisée, structurée et portée

par la politique de l’établissement et traduite dans le projet médico-soignant. C’est en cela

que le rôle du Directeur des Soins est fondamental, car il doit construire une vision

opérationnalisable, structurée, formalisée, uniformisée et partagée par tous, de la politique

d’établissement à travers le projet de soins de territoire.

Par son rôle de garant de l’organisation des soins, il participe en lien étroit avec les

praticiens (PCME, Chef de Pôles) :

- A la sécurisation, la continuité des soins et la pertinence de la prise en charge des

patients ;

- A une organisation efficiente qui favorise la disponibilité en lit, permettant à l’hôpital

d’accueillir les patients.

Pour répondre à ses missions il doit s’interroger sur l’opportunité des GHT en construisant

une politique se soins qui permet d’y répondre.

Le Directeur de soins est très fréquemment sollicité sur des problématiques de lits, le

dispositif « lit en tension » est censé porter une solution permettant l’accueil des patients

dans les périodes d’afflux massifs, cependant le dispositif reste actif et tend à se chroniciser.

Son déclenchement et son maintien en dehors de ces périodes, lui fait perdre toute sa

puissance.

Si on peut aisément imaginer que les problématiques de « flux patient » impactent

directement les urgences dans leur placement de patients fragiles et complexes, les autres

secteurs peuvent se trouver désorganisés eux aussi dans la prise en charge programmée.

De plus, il y a un réel risque financier pour l’établissement car une mauvaise gestion des flux

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 25 -

peut compromettre le développement de son activité et donc son positionnement sur le

territoire de santé. Souvent, la question du flux est explorée sous le prisme du placement du

patient entrant. Ne viser qu’à n’organiser l’entrée voire structurer le séjour, ne suffit pas pour

optimiser les parcours. Il importe de s’intéresser à tout le processus de prise en charge :

dispositif d’entrée, régulation des temps de prise en charge et des examens dans l’institution,

organisation de la sortie qui doit être adaptée à l’intensité de soins requis à la sortie.

L’absence de prise en compte du niveau de soins requis peut avoir des conséquences

fâcheuses ; ré-hospitalisation pour le même problème de santé, défaut de continuité des

soins, insatisfaction des patients et des acteurs ambulatoires, dont les conséquences sur

l’image de l’institution peuvent compromettre son développement.

Structurer un parcours par des conventions permettant les « transferts » dans un

établissement de soins de suite, ne permet pas non plus de fluidifier un parcours. Le risque

est de transférer le goulot d’étranglement dans la structure d’aval qui impactera de toute

façon nos prises en charge par effets domino, grippant le flux. Il est donc nécessaire de

réfléchir à d’autres leviers d’action que la gestion de l’entrée et l’orientation de sortie sur les

structures d’aval.

Par ailleurs, l’usager en est au final le principal affecté, n’ayant pas le niveau de service

attendu. Il est donc indispensable de chercher des réponses à ces dysfonctionnements qui

touchent tous les acteurs.

Il faut donc s’assurer de la pertinence de l’orientation. Différentes démarches ont été

entreprises après le vent de l’efficience, la vision plus systémique de l’offre de soins invite à

se penser non plus seul mais comme acteur d’un système interdépendant.

Le patient doit avoir « le bon soin au bon endroit au bon moment », c’est tout l’art de penser

« pertinence ». Si la HAS, invite à engager des EPP sur la pertinence des hospitalisations,

l’ANAP, elle, porte son attention sur l’optimisation des organisations et une maîtrise de la

gestion des lits. Ainsi, il apparaît insuffisant d’envisager une maîtrise des flux ne

s’intéressant qu’aux patients entrants uniquement. On ne peut faire l’économie de la

pertinence des sorties, par une orientation adaptée à l’intensité des soins et la prise en

compte du flux patient dans son ensemble. C’est aussi se prémunir d’une (ré)hospitalisation

qui en serait la conséquence. Une sortie pertinente c’est l’adéquation du niveau de soins

requis par le patient en regard de l’offre vers laquelle il sera orienté (SSR, EHPAD, HAD,

domicile avec ou sans aide, SSIAD).

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 26-

Certains établissements se sont dotés de cellules d’orientation des patients à l’entrée

(cellules d’ordonnancement), ce dispositif de gestion de flux entrant permet d’éviter toute

dérive de transfert vers un autre ES par refus du praticien d’héberger un patient ne relevant

pas de sa spécialité. Il s’agit d’une centralisation de l’admission du patient programmé et en

provenance des urgences par un guichet unique.

Tout ceci nous amène à nous interroger sur le rôle du DS dans le contexte des GHT.

En quoi peut-t-il être un acteur clé de la structuration d’un parcours patient pertinent

qui s’inscrit dans le territoire de santé et favoriser la continuité des soins ?

Pour y répondre nous souhaitons explorer trois hypothèses :

1ère hypothèse : A partir du moment où les acteurs se connaissent et se reconnaissent la

coopération est possible.

2ème Hypothèse : La continuité des soins et la fluidification des parcours, nécessitent une

coordination construite autour d’une relation centrée sur un projet partagé par l’ensemble

des acteurs (contractualisée, structurée, rôles identifiés).

3ème hypothèse pour rendre efficient le dispositif, l’offre doit être lisible pour l’ensemble

acteurs du territoire et pour les patients.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 27 -

3 ETUDE DE TERRAIN

A l’aune des GHT dans un contexte de rationalisation des dépenses, la question de la

continuité des soins fait du décloisonnement des offreurs de soins sur leur territoire un défi

majeur. Nous avons souhaité par une étude qualitative mesurer la perception des enjeux de

la territorialisation en santé par les acteurs de terrain.

Dans un premier temps nous avons souhaité comprendre comment les acteurs

appréhendaient le GHT, mais au delà du GHT, il s’agit d’analyser le positionnement dans un

processus parcours patient territorialisé.

Nous souhaitions aussi observer si la coopération était réelle et quels en étaient les leviers.

Et dans une injonction de fluidification des parcours, la coordination doit répondre à la

construction de liens qui permettent l’articulation des acteurs, tout en garantissant la sécurité

des soins et leur continuité. Mais ce n’est qu’au prix d’une connaissance et une

reconnaissance de l’autre, de son rôle, de ses missions que cette coordination n’est

possible. Ainsi nous avons souhaité vérifier le niveau de réalisation d’une coordination entre

acteurs du territoire.

C’est pour répondre à ces questions que nous avons établi des questionnaires semi-directifs

des différents acteurs d’un territoire de santé.

3.1 Méthodologie

3.1.1 Population étudiée

Nous avons souhaité confronter les différents points de vue des acteurs tant intra que extra-

hospitaliers.

Le travail du Module inter Professionnel (MIP) au décours de la formation à l’Ecole de

Hautes Etudes en Santé Publique (EHESP), a permis de repérer les enjeux de la mise en

œuvre des GHT. Ce travail a aussi nourri nos réflexions pour nous amener à esquisser la

problématique liée à la nécessaire ouverture de l‘hôpital sur la ville.

Puis nous avons élaboré quatre questionnaires, à l’attention des acteurs hospitaliers, et extra

hospitaliers adaptés aux offreurs des soins du territoire et aux acteurs des politiques en

santé.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 28-

Les personnes interrogées n’ont volontairement pas été celles d’un territoire de santé unique

car ce n’est pas l’effectivité d’un maillage et d’une coopération structurée sur un territoire qui

a retenu notre attention mais bien la capacité des acteurs, peu importe leur territoire

d’appréhender les enjeux globaux de la territorialisation et leur engagement ou non dans un

dispositif de coopération structuré centré sur la prise en charge du patient.

Nous avons choisi d’interroger indifféremment les acteurs lors de nos deux derniers stages,

en nous efforçant d’élargir à l’extra-hospitalier. Nous nous sommes également appuyés sur

des entretiens réalisés lors du MIP « le GHT, un processus inachevé » de mai 2017.

Au total nous avons interrogé 18 personnes :

- 2 médecins hospitaliers dont 1 PCME ;

- Directeurs généraux (DG) deux supports de GHT, l’autre partie du GHT ;

- 3 Directeurs de soins (DS) de ces mêmes établissements ;

- 3 cadres de santé de pôles (CSP) : 1 sur chaque établissement (urgences, parcours et

ordonnancement, pole gériatrique) ;

- 2 Cadres de santé (CS) sur 2 établissements différents dont un cadre des urgences et un

cadre d’un service de médecine ;

- 1 Directeur d’EHPAD ;

- 1 cadre d’HAD ;

- 1 médecin généraliste ;

- 1 Directeur Général Adjoint d’Agence Régionale de Santé (DGARS) dans le cadre du MIP

« le GHT un processus inachevé » ;

- 1 agent territorial en charge du contrat local de santé dans le cadre du MIP « le GHT un

processus inachevé ».

3.1.2 Outils et méthode de recherche

Après des entretiens d’exploration, lors de mos différents stages, nous avons pu percevoir

ce qui se jouait dans le cadre de la réforme de la loi santé en cours de mise en œuvre par

les établissements à travers l’élaboration du PMP. Cette première étape, adossée à nos

expériences personnelles dans notre pratique, nous a permis de définir une problématique et

des hypothèses de travail.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 29 -

Dans un second temps nous avons complété nos recherches par une recherche

bibliographique qui nous a permis de mieux cerner les enjeux, clarifier la problématique et

décliner des hypothèses de recherche.

Nous avons ensuite élaboré notre support d’entretien à la lumière de ces hypothèses.

Les entretiens se sont déroulés en face à face à l’aide d’un support d’entretien semi-directif.

Nous avons souhaité laisser une grande liberté de parole ce qui nous a parfois amener à

sortir de la grille afin de recueillir tout ce qui nous semblait pertinent pour l’objet de l’étude.

Nous nous sommes également appuyés sur des entretiens conduits en marge du MIP

réalisés auprès de deux acteurs (DGARS adjoint, agent territorial du Contrat Local de Santé

d’une commune d’un des GHT).

3.1.3 Méthodologie d’analyse

Nous avons fait le choix d’une étude qualitative nous permettant de relever les ressentis et

perspectives attendues. Cette modalité nous semblait la plus adaptée pour répondre à nos

questionnements.

Compte tenu de la taille limitée de l’échantillon de population interrogée, et de la volonté

d’une approche qualitative, nous avons volontairement fait le choix de ne pas élaborer de

données statistiques. En effet, dans ce cadre, elles n’auraient aucune valeur significative et

ne seraient donc ni exploitables, ni généralisables. Nous avons préféré faire émerger les

ressentis verbalisés aux questions posées.

Nous avons fait le choix d’une analyse synthétique autour de chaque hypothèse identifiée

dans ce travail de recherche.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 30-

3.2 Analyse des données

3.2.1 Hypothèse 1 : A travers le Dispositif du GHT, si les acteurs se connaissent et se

reconnaissent la coopération est possible.

A) Un GHT vécu comme une injonction et qui ne permet pas la connaissance de tous les

acteurs constitue un obstacle à la coopération.

De nos entretiens nous percevons une certaine méfiance voire défiance des acteurs les uns

par rapport aux autres. Ils ne sont pas toujours vécus comme des partenaires mais comme

des concurrents. Il en ressort la peur d’être absorbé et de disparaître avec un risque fort de

perte d’identité. Apparaît également une mise en jeu de l’autonomie des ES au profit de l’ES

support du GHT. On trouve l’expression forte de réserve à l’égard du dispositif qui est

largement exprimé par les membres des directions fonctionnelles des ES parties.

Cependant, les directions de l’établissement support interrogées évoquent le GHT comme

coopération gagnant/gagnant. Pour autant, les acteurs parties ne relayent pas le même

discours, et le considèrent au contraire comme un processus précurseur à la fusion : «le petit

sera mangé par le gros » (propos rapporté par 2/3 DH 1/3 DS).

Le discours est bien plus modéré côté direction des soins. Même si le processus

d’intégration et de subordination de l‘établissement support est évoqué, les Directeurs de

Soins trouvent un enrichissement dans la possibilité de partage de pratiques et de

construction de chemins cliniques facilitant l’aval (EHPAD, HAD, SSR).

Les CS et CSP interrogés se sentent moins concernés. Pour eux « rien ne va changer », il

s’agit « d’affichage » (3/3CSP, 2/2CS), même si le potentiel de décloisonnement reste à

explorer pour 2 CSP d’établissements supports (2/3CSP).

Au total, la coopération impulsée par les lois santé de 2016 est considérée comme une

étape intermédiaire à la fusion qui aurait pour objectif premier de faire des économies

d’échelle.

Il émerge de l’étude une crainte importante de perdre le pouvoir de décision (Directeurs

d’établissements parties) dans la mise en œuvre du dispositif de coopération. Par ailleurs,

les acteurs font état d’un risque de réduction des postes de Directeur à laquelle s’ajoute une

augmentation du périmètre de responsabilités.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 31 -

B) Le processus décisionnel obéré à travers les achats, le Département d’Information Médical

de territoire (DIM) et le Système d’Information mutualisé.

A travers la mutualisation des achats prévue dans le cadre des GHT, les Directeurs

regrettent de devoir solliciter l’autorisation du Directeur de l’ES support pour tout acte

d’achat. En effet, un principe de délégation de signature aux Directeurs adjoints des achats

des ES est organisé. Cependant toute délégation ne pouvant être (re)déléguée, le schéma,

ainsi défini exclut de fait le Directeur d’établissement partie du processus décisionnel. Par

ailleurs, dans le cadre des marchés publics conclus par l’établissement support pour le

compte du GHT, il n’est pas prévu de concertation avec les ES parties lors des appels

d’offre. Pour autant, ils devront en assumer un coût non maîtrisé (propos tenus par un

Directeur d’établissement partie d’un GHT).

Concernant les modalités de codage de l’activité de soins, elles devront faire l’objet

d’une uniformisation. Ces modalités, imposées par le DIM de territoire (souvent celui de

l’établissement support) sont vécues comme une ingérence forte.

De la même manière, le système d’information uniformisé, lui aussi, est dans le GHT

de l’étude imposé par l’ES Support et correspond au modèle de ce dernier. Il n’est pas prévu

que l’ES support supporte un coût sur un dispositif dont il est déjà détenteur (propos du

Directeur d’établissement partie).

C) Une mobilité considérée comme forcée.

La question de la mobilité ressort comme « forcée ». Dans un des GHT, un PCME indique

clairement le refus de ses confrères d’intervenir sur l’établissement partie. Quant à un des

DS, la mobilité des compétences paramédicales entre établissements lui semble

inenvisageable à ce jour.

D) Un clivage entre « petits » et « gros » ES, effet pervers du dispositif redouté.

Les directions fonctionnelles redoutent une perte d’attrait des « petits » établissements face

aux « gros ». Mais aussi une perspective non annoncée clairement de restructuration à

terme de l’offre qui conduirait à des transferts d’activités « nobles » et un recentrage sur les

établissements parties sur des activités annexes peu valorisantes ; transformation d’hôpitaux

de proximité en médico- social, soins de suite et longs séjours à l’identique des hôpitaux

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 32-

locaux d’autrefois. Ce schéma est vécu comme un retour en arrière par les acteurs des ES

parties concernés. « L’établissement support récupère toute l’activité de chirurgie, de

réanimation, il va nous rester que la gériatrie… » (2/3 Directeur D’ES partie).

Pour l’ensemble des personnes interrogées, le GHT reste hospitalo-centré. Les parcours

patients envisagés dans la coopération n’intègrent pas d’autres acteurs que ceux du GHT.

Cependant pour un DG d’ES support une réelle construction du GHT montre sa volonté de

s’ouvrir sur la ville : une convention avec les élus locaux a été signée à travers le contrat

local en santé. Néanmoins, cette convention ne s’exprime pas dans les faits. La personne en

charge du contrat local de santé ne sait pas ce qu’est un GHT. Elle n’est pas en mesure de

définir sa relation avec ce dernier. Les actions en promotion de la santé engagées dans le

cadre du contrat local ne font pas intervenir l’hôpital.

Le DGARS adjoint interrogé confirme la nécessité de structurer l’hôpital public dans un

premier temps à travers un GHT centré sur une coopération entre ES. Pour lui, la question

du décloisonnement selon ses propos, est une problématique « qu’il sera temps de régler

ultérieurement ». Il illustre son propos par l’exemple du projet de Plateforme Territoriales

d’Appui (PTA), dont le dispositif permettrait aux acteurs de la ville de trouver une réponse sur

l’orientation complexe en milieu hospitalier de leurs patients. C’est pour lui la réponse au

décloisonnement qu’envisage l’ARS.

3.2.2 Hypothèse 2 : Pour rendre efficient le dispositif, l’offre doit être lisible pour l’ensemble

des acteurs du territoire et pour les patients.

A) Un GHT Vécu comme porteur d’opportunité pour certains acteurs intra mais qui reste à

promouvoir en externe.

Le dispositif permet de répondre à un déficit en compétences médicales (assistants

partagés, consultations de télémédecine, organisation de la permanence des soins). De

plus, la construction du projet médical partagé a permis aux acteurs de se connaître ce qui

favorise la fluidification des parcours particulièrement lors de transferts de patients en ES du

GHT.

La structuration de certaines filières répond au besoin d’éviter pour des patients fragiles le

passage aux urgences par des entrées directes dans les services de spécialité (filière

gériatrique, pédiatrique) (3/3 DS, 3/S CSP, 2/2 médecins). Pour les cadres de proximité,

l’accès à une hospitalisation directe dépend de la disponibilité en lits. Or, le dispositif « lit en

tension » devenant presque permanent rend difficile l’accueil des patients sans passage aux

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 33 -

urgences (2/3 CS et 1/3 CSP sont concernés par ces filières et tiennent le même discours).

Par ailleurs, un médecin généraliste interrogé et un Directeur d’EHPAD, font état de la

difficulté d’accès à un interlocuteur direct et une méconnaissance de l’existence de ces

filières.

B) Une logique par filière qui favorise les flux patients entre établissements. `

Tous les acteurs hospitaliers interrogés estiment que la construction de la filière permet

l’identification de praticiens par spécialité. Elle permet également de se rendre compte qu’on

parle de la même chose, que le langage utilisé est le même. Elle fédère sur la finalité

commune d’une prise en charge qualitative du patient ainsi qu’une facilitation des transferts

entre établissements. La lisibilité en intra-hospitalier semble avoir été structurée par sa

construction dans le cadre du projet médical de territoire (2/2 médecins, 3/3 DS, 3/3CSP)

Cependant les CS sont moins au fait de la lisibilité des acteurs clés de la filière (2/3CS).

C) La connaissance des acteurs reste à promouvoir en extra-hospitalier.

Si en interne la lisibilité est mise en évidence, elle fait clairement défaut en externe.

Lorsqu’ils existent, les réseaux sont fréquemment développés à titre individuel par des

contacts créés au décours des prises en charge, des rencontres informelles entre

professionnels. Elles sont fonction des opportunités de chacun et sont, de ce fait, personnes

dépendantes. Dans des exemples de prise en charge évoqués (gériatrie, Accident

Vasculaire Cérébral (AVC), cardiologie) le médecin généraliste interrogé nous indique

orienter ses patients à des contacts de son carnet d’adresse personnel. A défaut, c’est vers

les urgences qu’il oriente son patient. Il dit par ailleurs « quand j’ai besoin, j’appelle mon ami

sur l’hôpital il arrive à me débrouiller une place dans le service où doit aller mon patient.

Heureusement que j’ai mes entrées à l’hôpital. »

Un autre exemple témoigne de la méconnaissance des filières de soins, pourtant ancienne

en gériatrie : le médecin traitant et le Directeur de l’EHPAD ne sont pas en mesure de parler

d’une filière dans les situations de prises en charge évoquées. A la question clairement

posée de leur connaissance de filières gériatriques sur leur territoire ils répondent qu’ils ne

savent pas si cela existe, ils décrivent maladroitement ce que pourrait être une filière. Le

médecin traitant n’est pas en mesure de décrire la filière AVC sur son territoire. Il traite ses

prises en charge en passant par les urgences de manière systématique.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 34-

Si la construction de filière répond à une structuration graduée dans le GHT, l’offre de soins

doit cependant être connue en externe pour être bien utilisée. Pour être efficace, la filière

doit exister aux yeux des professionnels du GHT, bien entendu, mais aussi plus largement

du territoire.

Cela implique :

• Que les acteurs soient mobilisés dans leur construction, tant en intra qu’en extra

pour la rendre lisible ;

• De rendre le parcours identifiable pour en favoriser l’accès ;

• De construire de la confiance dans la graduation des soins, le parcours pour le

patient et les professionnels qui orientent les patients ;

• De favoriser la communication entre les acteurs et la transmission d’informations ;

• De s’appuyer sur les jeunes professionnels pour qui la nécessité de coopérer est

souvent une évidence car ils s’inscrivent plus volontiers dans la mobilité et dans

l’exercice partagé ;

• De favoriser une acculturation de ce nouveau mode de prise en charge.

D) Un PSIRMT porteur de sens et de partage, qui montre une réelle volonté de coopérer.

Sur la question PSIRMT, les DS interrogés y trouvent du sens. Ils expriment clairement le

« plaisir à construire ensemble » dans un objectif commun de prise en charge des patients.

Dans le processus de construction du PSRMT, la prise en compte de l’identité de chacun

des acteurs a permis à chacun de « se sentir respecté ». Ce qui a été considéré comme un

« facteur clé de succès » pour les acteurs interrogés.

L’harmonisation des pratiques engagée sur les filières du GHT contribue à une prise en

charge optimale en amont et à une cohérence sur l’aval. Le projet de soins partagé adossé à

la filière investit une dimension plus large de la prise en charge et du parcours patient, limité

jusqu’alors à un chemin clinique dans un ES.

Les Directeurs des Soins évoquent le « plaisir », en travaillant sur des problématiques

communes, de partager et de sortir de l’isolement inhérent à la fonction.

En plus de l’aspect « harmonisation des pratiques » le développement de compétences

partagées sur le territoire fait l’objet d’un projet pour un CGDS (Coordonnateur Général des

soins) de GHT. S’agissant d’un GHT d’ES fusionnés, cela peut expliquer cette démarche.

Autre exemple : les DS d’un autre GHT travaillent sur des outils communs (procédures et

protocoles) ; prise en charge des plaies et cicatrisation, prise en charge de la nutrition,

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 35 -

« conditionnement » des enfants aux urgences pour transfert sur l’ES support après

passage aux urgences de l’ES partie. L’objectif est bien d’éviter la démultiplication des actes

qui serait liée à des pratiques différentes : « ce qui est fait dans un ES ne doit pas être défait

pour être refait différemment dans un autre ES du GHT » (propos tenus par un CGDS du

GHT).

Au total, si la coopération est fonction des acteurs, elle repose aussi sur des réseaux

préexistants, ce qui démontre que le besoin est réel. La loi santé de 2016, en la rendant

obligatoire, lui permet par le GHT de la faire évoluer et de se structurer, préalable nécessaire

à la coordination.

3.2.3 Hypothèse 3 : La continuité des soins et la fluidification des parcours, nécessitent une

coordination construite autour d’une relation centrée sur un projet partagé par

l’ensemble des acteurs (contractualisée, structurée, rôles identifiés).

Les acteurs énoncent la nécessité de travailler ensemble, la coordination semble pour eux

une réponse à la problématique, néanmoins tout reste à faire.

A) Un défaut de structuration du lien entre acteurs du territoire pour accéder à une logique

décloisonnée et coordonnée.

Ces acteurs, qui peuvent pourtant travailler ensemble, nous l’avons démontré

précédemment, n’ont pas structuré les liens de coopération. La question des chemins

cliniques et des parcours reste circonscrite au périmètre du GHT alors que, pour être

efficiente, elle devrait s’inscrire dans une logique ville-hôpital (propos tenus plus

particulièrement par un médecin hospitalier et un DG d’ES support).

N’ayant pas été intégrés à la conception des parcours de soins, les professionnels de la

médecine de ville ont du mal à repérer tant les acteurs que les filières (comme explicité plus

haut). Pour autant, leur association, le plus en amont possible à la définition des chemins

cliniques et des parcours, permettrait à chacun de mieux se positionner de comprendre les

attentes respectives, et de favoriser ainsi, une meilleure connaissance des champs d’action

respectifs (propos du médecin traitant du cadre de l’HAD et du Directeur d’EHPAD). Si

nombreux sont ceux qui adhérents à cette idée (2/2 médecin, 2 /3CSP, et 2/3 Directeurs des

Soins,1/3DH, Cadre de l’HAD) aucun, dans les GHT enquêtés, n’a proposé de le mettre en

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 36-

place. Les personnes ne partageant pas cette idée, avancent l’argument de la complexité de

la mise en œuvre.

Néanmoins, la construction de liens avec la ville existe. Elle passe par des réunions

professionnelles thématiques organisées aléatoirement par les Directions qui ont pour

principal objet de répondre à une logique de conquête de marché auprès des prescripteurs,

mais aussi par les professionnels eux mêmes (réunions organisées par les laboratoires, les

congrès, les associations). Quant aux professionnels médicaux, l’interconnaissance, le

partage de compétences et d’expériences et l’identification d’acteurs en lien avec leur

spécialité est au cœur de leurs préoccupations, mais ces échanges ponctiformes, ne

permettent pas de structurer un parcours coordonné.

B) Une vision du décloisonnement limitée.

En effet, lorsqu’on évoque l’extra hospitalier les acteurs internes ne pensent qu’à l’HAD ou

aux EHPAD, qui reste une vision très institutionnelle. Le cadre de l’HAD interrogé énonce la

difficulté de structurer le recours vers son offre dans le parcours de soins. Les prescripteurs

ne font pas suffisamment appel à l’HAD, alors même que nombre de patients pris en charge

pourraient y avoir recours. Elle met en évidence le défaut de structuration du lien avec l’intra-

hospitalier qui serait la cause de l’exclusion de patients éligibles : « nous sommes sur le

GHT mais l’un des établissements envoie les patients directement en ville, soit avec un

support type prestataire de service, soit vers une prise en charge par des infirmiers libéraux.

Pour autant, beaucoup d’entre eux relèveraient de l’HAD. Leur prise en charge complexe

nécessiterait des soins plus soutenus ». Ce cadre considère que cette mauvaise orientation

est à risque de perte de chance pour le patient et de (ré)hospitalisation évitable.

C) La question du parcours, une définition qui reste à compléter.

La notion de parcours est appréciée comme un trajet du patient dans une approche inter-

ES.

Aucun acteur (sauf un DG d’ES support) n’évoque une approche allant de l’hôpital à la ville.

Les approches « parcours » restent dans un objectif de fluidification des lits pour en éviter la

tension (2 DS, 1 CSP). Le troisième DS et les deux autres CSP n’abordent pas la question

du parcours évoquant d’avoir suffisamment à faire en intra.

Il y a cependant une prise de conscience de la nécessité de structurer le parcours.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 37 -

Pour l’un des établissements, la question est au cœur du débat de la Direction des Soins,

consciente de la nécessité de trouver des solutions pour gérer le flux patient. Il s’agit de faire

évoluer en compétences des paramédicaux pour les positionner sur ces fonctions. Leur rôle

et missions sont encore floues : il s’interrogent sur la palette de compétences, le champ

d’action, la mutualisation de cette mission pour plusieurs services ou encore le

positionnement de l’acteur sur des « portes d’entrée » stratégiques identifiées. Tout reste à

construire.

Le coordonnateur doit-il gérer uniquement le patient programmé ? Tout patient entrant ?

Tout patient complexe ? Tout patient sortant ?

Si la question est posée elle reste encore à l’état de réflexion, ce qui ne permet pas encore

d’agir. Les personnes interrogées sur un établissement sont conscientes du besoin mais ne

savent pas comment s’y prendre : « il faut organiser quelque chose mais on ne sait pas

encore quoi et comment » (1 DS, 1 médecin, 1 CSP).

Pour le cadre d’HAD, l’hôpital n’a pas construit de véritable parcours et celui-ci regrette de

ne pas avoir été associé à la réflexion.

D) Un besoin clairement exprimé de coordination des acteurs, une mise en œuvre que les

acteurs ne savent pas organiser.

Les acteurs hospitaliers, tant les cadres de pôle (2/3) que les Directeurs de Soins (3/3) et

médecins (1/2) énoncent clairement un besoin de structuration du lien vers le recours de

soins primaire sans savoir concrètement comment s’y prendre.

Le dispositif d’ordonnancement mis en place dans un des établissements montre des limites

et ne répond pas à la gestion des flux sortant. Ainsi, une réflexion s’est engagée sur la

possibilité d’identifier des infirmières de parcours chargées de favoriser ce flux. Cependant

ils se retrouvent face à une difficulté de définition de leurs rôles, de leurs missions, ainsi

qu’un positionnement complexe au niveau de la structure de soins. Les outils de

communication externes (lettre de sortie, fiches de liaisons) ne sont pas utilisés de manière

exhaustive « faute de temps » aux dires de ces derniers.

La question de la coordination est posée comme une nécessité, mais les acteurs ne savent

comment la structurer.

Lorsque la question de l’ouverture sur la ville est posée, son intérêt est évident pour chacun

d’entre eux. Néanmoins, ils ne savent pas comment la rendre concrète tant ce champ leur

est éloigné. La question et définition même de la coordination est floue (question posée aux

professionnels de santé médicaux, cadres paramédicaux). Chacun y va de son hésitante

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 38-

définition, et de rôles différemment définis, parfois imagés, derrière ce vocable. Nous avons

été parfois confrontés à une incapacité de dire ce qu’est « coordonner » (1/2 médecin, 1

médecin libéral, 1/3 CS).

Un des médecins hospitaliers interrogé fait état de freins qui obèrent la capacité de

développer l’ambulatoire. Pour lui, la coordination est un moyen à mettre en œuvre.

Néanmoins, il énonce clairement ne pas savoir comment s’y prendre. Pour les Directeurs

des Soins, la question de l’ouverture sur la ville répond également à la nécessité de rendre

plus disponibles les lits en interne afin de ne plus subir une gestion tendue des lits.

E) Un modèle organisationnel qui reste à inventer.

Les DS et les professionnels médicaux et paramédicaux pensent qu’il faut réinventer des

modèles organisationnels et identifier des acteurs repérables. Mais ils font preuve d’une

grande difficulté dans la définition du « quoi » et du « comment » le faire. Ils n’ont pas de

réponses claires à ce jour. De manière assez globale, il ressort de ces entretiens un extra-

hospitalier qui reste opaque aux yeux de la majeure partie des acteurs interrogés. Seule la

lettre de sortie à l’attention du médecin traitant rendue obligatoire par les IPAQSS

(Indicateurs Pour l’Amélioration de la Qualité et de la Sécurité des Soins) et la fiche de

liaison pour les infirmières libérales, pas toujours complétée, sont identifiées comme « outils

de coordination ». Or, coordonner requiert bien d’autres critères qu’un document papier de

transmission d’information.

La coordination doit faire appel à :

• Une communication structurée ;

• Une contractualisation formalisée du processus ;

• Une confiance et reconnaissance des acteurs et de leur positionnement dans le

parcours ;

• En plus d’une délégation de chaque partie sur un acteur identifié dans la mission de

coordination.

C’est l’ensemble des critères qui conduit à rendre effective la coordination. Or, si la

communication peut exister, elle reste acteur dépendant et les outils sont peu nombreux.

L’insuffisante connaissance et reconnaissance des acteurs ainsi que la contractualisation

informelle et aléatoire, sont autant d’éléments qui empêchent la confiance nécessaire à

l’action.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 39 -

Par ailleurs, le financement de la mission de coordination, dont le retour sur investissement

est peu palpable, rend le modèle complexe à construire (1 DS et 1 DH évoquent cet aspect).

3.3 Limites de l’étude

Cette étude n’est pas statistiquement significative au regard de la taille de l’échantillon. Elle

permet juste de mettre en lumière les points critiques au vu des réponses aux questions

posées. Les acteurs extra-hospitaliers interrogés sont peu nombreux et n’en représentent

pas l’exhaustivité. Les réseaux, les associations, les paramédicaux libéraux les URPS

(Union Régionales de Professionnels de Santé), auraient permis d’enrichir l’analyse et de

porter un regard plus large sur la question de la coordination dans la réalité de son

expression. Par ailleurs, il existe des professionnels aguerris à la coordination (réseau MAIA,

médecins coordonnateurs d’EHPAD, d’HAD) qui auraient pu apporter un éclairage par leur

regard sur l’exercice qu’ils en ont aujourd’hui (leviers et freins).

Notre expérience en HAD nous a permis d’identifier des difficultés dans la reconnaissance

de ce rôle par les professionnels, ainsi que les limites de la fonction dans l’action : le

coordonnateur oriente mais ne fait pas de prescription par exemple.

Il serait intéressant d’élargir cette étude plus massivement pour en vérifier son effectivité.

Cependant, la question du temps imparti pour faire ce travail de recherche ne nous permet

pas d’aller au delà.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 40-

4 PRECONISATIONS

Au regard de notre enquête, plusieurs propositions émergent et placent le DS comme un

acteur clé concourant à la structuration du parcours patient sur le territoire de santé. En effet,

le DS est au carrefour des logiques administratives, médico-économiques, et soignantes. Il

participe à la mise en œuvre des moyens requis pour assurer une prise en charge des

patients en cohérence avec le projet d’établissement, à travers un Projet Médico Soignant

Partagé. Il définit les organisations de soins nécessaires pour répondre aux besoins. Il

représente le trait d’union entre ces différentes logiques institutionnelles et concourt à

transformer cette pluralité en unité d’action.

La fluidification des parcours est bien entendu un enjeu majeur poussé par des contraintes

qui obligent à réduire les séjours et à promouvoir des sorties précoces ainsi que

l’ambulatoire. Il importe donc de structurer un parcours coordonné sur le territoire, faisant

appel aux ressources disponibles dans celui-ci et qui s’assure d’une orientation pertinente et

sécurisée et économiquement responsable pour notre système de santé. Il s’agit d’éviter les

chevauchements inutiles, la multiplication d’examens et d’éviter de placer les patients dans

un dispositif en millefeuille, mais de permettre la synergie de tous les acteurs. Cette synergie

permet à chacun et donc à l’hôpital d’utiliser la stricte ressource nécessaire en s’appuyant

sur l’acteur le plus pertinent dans la continuité du processus de prise en charge du patient.

4.1 Une participation forte du DS dans le cadre de la structuration des parcours en lien avec les filières

Etre force de proposition dans la construction des parcours permet au DS de mettre en lien

les différents acteurs médico et paramédicaux hospitaliers, avec les professionnels de santé

et du social de l’extra-hospitalier. C’est par la cohérence de la mise en lien de ces acteurs

que le parcours peut être optimisé. Les filières définies dans le cadre des GHT doivent être

dotées d’une « structuration opérationnelle » lui permettant une mise en œuvre concrète.

Il s’agit pour le DS de permettre une prise en charge pertinente en lien avec les acteurs

repérés dans le territoire (les médicaux, les paramédicaux et les professionnels du social). Il

faut donc structurer ce parcours en l’inscrivant dans son environnement (le territoire) en

organisant et en faisant connaître aux acteurs les interfaces qui le rend opérationnel.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 41 -

Pour ce faire, il faut :

- Définir les parcours de soins c’est-à-dire un chemin clinique élargi à l’ambulatoire dans une

approche « Home to Home» ;

- Repérer les acteurs impliqués dans ce parcours ;

- Organiser des groupes de travail incluant les différents acteurs impliqués dans ce parcours

(médicaux, paramédicaux, médico-sociaux, sociaux, réseaux, SSIAD, SAD, HAD) pour le

construire en l’adossant à la filière ;

- Définir ensemble la contribution de chacun ;

- Formaliser cette coopération ;

- Identifier un coordonnateur du processus, garant des flux qui doit être reconnu et lisible

pour tous et par tous ;

- Formaliser le cadre du recours à celui-ci, son rôle et ses missions.

- Structurer par des outils appropriés et appropriables le processus de prise en charge.

4.2 Optimiser les flux des patients pris en charge dans l’établissement

4.2.1 Structurer le parcours.

Pour répondre à cet objectif il faut structurer l’accessibilité aux parcours de prise en charge

en orientant le patient au bon endroit au bon moment. La question du flux et de l’accessibilité

doit être à double sens : favoriser le flux vers l’hospitalier, ainsi que le flux vers la ville.

Il faut donc prendre en compte plusieurs sous-objectifs :

• Eviter les goulots d’étranglement aux urgences par des admissions directes dès que

cela est possible ;

• Favoriser l’accès à la filière par une orientation sur le bon interlocuteur ;

• Organiser la réponse adaptée ;

• Favoriser une sortie bien orientée et sécurisée du patient.

Le prérequis est la co-construction avec les acteurs tant intra, qu’extra-hospitaliers de la

filière sur laquelle s’adossent les parcours, afin qu’elle puisse être appropriée, répondre aux

besoins, être identifiée et lisible pour chacun.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 42-

Il faut concevoir les outils de liaison et d’information afin que les acteurs puissent, par des

canaux identifiés, rendre effectifs les flux d’information, facilitant ainsi l’action.

Apres sa structuration, il faut communiquer (en interne et en externe), identifier un

référent permettant l’accès à la filière et donc au parcours (pour l’intra GHT et pour les

professionnels de la ville).

4.2.2 Favoriser les entrées directes et coordonner les sorties.

Il est nécessaire de favoriser les entrées directes des patients nécessitant une

hospitalisation afin d’éviter le passage par les urgences. Ceci permettra de recentrer les

urgences sur leur raison d’être tout en évitant au patient une attente longue. Un pré-

diagnostic par téléphone peut être organisé afin de mieux orienter le patient.

Pour exemple de mise en œuvre, d’une cellule de régulation des admissions et des sorties

pourrait être un dispositif d’orientation vers le bon interlocuteur de la filière concernée. Cela

permettrait aussi de structurer et de coordonner une sortie nécessitant des soins de support

au domicile (par soins de support nous entendons kinésithérapie, matériel médical,

psychologue, infirmiers, réseaux...).

La cellule doit s’assurer que les professionnels de santé qui interviennent au domicile aient

l’information nécessaire pour poursuivre les soins. C’est aussi s’assurer que le médecin

traitant, puisse poursuivre la coordination de la prise en charge.

Ces modalités sont opérantes dans les structures d’HAD. Lors de chaque admission, une

évaluation médicale, psychologique sociale et environnementale est réalisée et permet

d’organiser la sortie vers le domicile dans les conditions les plus adaptées et les plus

sécurisées, afin de limiter tout échec d’HAD. Il s’agit selon nous d’un dispositif transposable

à l’hospitalier.

4.2.3 Organiser les séjours et repérer les séjours aux DMS aberrantes.

En hospitalier, cette cellule doit aussi avoir pour mission la facilitation de l’admission des

patients, en structurant le dispositif d’entrée. L’ordonnancement des lits doit aussi rendre

possible la mise en lien du demandeur avec le référent de la filière. Ce dernier prend la

décision d’hospitalisation, puis passe le relais à la cellule afin qu’elle organise l’admission et

programme les examens prévus en lien avec le parcours du patient.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 43 -

Cette cellule pourrait aussi être saisie pour faciliter la sortie des patients pour lesquels une

DMS aberrante aurait été identifiée (dispositif d’alerte pouvant être organisé par le bureau

des entrées ou les cadres supérieurs de pôle).

4.2.4 Développer la compétence des professionnels à la coordination.

Pour structurer l’interface permettant la coordination de la prise en charge, il faut former des

professionnels dans cette approche pluridisciplinaire et renforcer leur vigilance dans la mise

en oeuvre d’une orientation adaptée et sécurisée du patient.

Selon nous, il ne s’agit pas d’un nouveau métier, mais d’une autre modalité d’exercice qui

s’inscrit dans l’inter-professionnalité au carrefour du médico-soignant, du social et de

l’environnemental. Il s’agit bien de développer un axe spécifique de prise en charge telle

qu’elle devrait être exercée par les professionnels aujourd’hui, en cohérence avec la

définition multidimentionnelle de la santé. Pour exemple, l’infirmière coordonne dores et déjà

lorsqu’elle intervient sur une prise en charge en lien avec l’aide soignant et l’agent hospitalier

au sein d’une unité de soins. On parle d’infirmier « chef d’équipe » qui coordonne les soins

requis au patient. C’est ce qui nous amène à affirmer que la coordination n’est pas d’un

nouveau métier mais une compétence présente qu’il faut apprendre à développer.

La coordination est un mode d’exercice que l’on retrouve dans les EHPAD, les HAD, les

réseaux, la santé mentale. L’hôpital, par cette démarche, doit rattraper les autres secteurs

plus habitués à travailler « avec ». Il lui reste à développer, lui aussi, cette approche

systémique de la prise en charge.

4.3 La mise en place d’un management par la qualité dans le territoire de santé, opportunité d’une organisation assurant la continuité des soins.

Il importe pour chaque étape d’amener les acteurs à définir les risques et à prévoir des

actions leur permettant de les éviter. Le DS doit s’appuyer sur tous les acteurs du territoire

contribuant à la prise en charge. Le DS mobilise ses compétences en organisation et en

qualité pour déployer l’approche parcours.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 44-

En effet, dans tout processus, les interfaces sont des « zones à risque » de

dysfonctionnement. C’est sur ces temps que la coordination a tout son sens et permet de

maîtriser les flux.

Ainsi, il apparaît essentiel dans le cadre d’un groupe de travail pluri-

professionnel de territoire de :

• Définir les interfaces correspondant au chaînage des activités entre les acteurs ;

• Repérer les risques, les qualifier, les prioriser ;

• Définir et mettre en place les actions permettant de les éviter ou de les atténuer ;

• Favoriser l’amélioration des pratiques professionnelles par une démarche de

gestion des risques structurée sur un système déclaratif (par un portail de saisie)

et la mise en œuvre de retour d’expérience à travers des Comité de Retour

d’Expérience (CREX) de parcours.

Le DS doit aussi s’intéresser à la pérennité du dispositif dans ses modalités de financement

afin de le rendre réalisable. S’il est force de proposition, c’est après analyse du « possible »

qu’il peut répondre à sa mission, et s’assurer ainsi de la validation d’un tel projet par son

Directeur d’établissement.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 45 -

Illustrationd’unedémarchedemanagementparlaqualitésurunparcoursdesoinsidentifié:

«Risqueidentifiédedéfautdepriseenchargeliéàunmanquedecompétencesdesprofessionnelslibérauxenregarddel’intensitéetdelaspécificitédessoinsàprodiguerensortied’hospitalisation».

Ø Repérer les risques au décours du parcours de prise en charge les faire partager et

favoriser le Retour d’expérience.

Ø Repérer l’ensemble des compétences spécifiques requises en fonction des prises en

charges du parcours

Ø Etablir un programme de formation de réajustement destiné aux professionnels libéraux

pour faire évoluer leurs compétences et assurer une continuité des soins. Ce programme

sera défini par un groupe pluri-professionnel de territoire élargi composé de

professionnels hospitaliers du GHT et professionnels extra hospitaliers.

Ø S’appuyer sur une équipe mobile dédiée à la continuité des soins qui sera chargée

d’évaluer et de former les professionnels libéraux.

Ø Evaluer, avant chaque relais de prise en charge, la compétence du soignant.

Ø Identifier les acteurs et valider les compétences acquises par ces derniers en lien avec

celle identifiées pour assurer la prise en charge en sortie d’hospitalisation. Etablir un

recensement des professionnels libéraux paramédicaux formés à la spécificité du

parcours afin d’identifier les acteurs formés pouvant rapidement être sollicités.

Ø Poser la question des modalités de financement du dispositif :

Ø Un appel d’offre sur les pratiques innovantes ou un PHRIP pourrait permettre de lancer la

démarche à l’impulsion du projet ;

Ø En phase de routine il faut cibler une augmentation de l’activité d’ambulatoire, de

sortie précoce d’hospitalisation (suivi de l’indice de Performance de la Durée Moyenne de

Séjour (IPDMS), de l’évolution du taux de recours à l’ambulatoire chirurgicale et

médicale) et s’appuyer su des recompositions capacitaires dont l’impact sur le

titre 1 permettrait de rationaliser les coûts

Indicateurs : IPDMS, suivi du taux d’ambulatoire médical, suivi du taux d’ambulatoire

Chirurgical, suivi du taux et du motif de ré-hospitalisation évitables, nombre de professionnels

extra-hospitaliers formés sur le parcours ciblé, réseaux, social, médico-social

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 46-

4.4 La pérennisation rendue possible : construire et consolider des liens durables

4.4.1 Mettre les ressources au plus prés du terrain, mobilité et contractualisation constitutives de la confiance partagée.

La mobilité doit faciliter l’exercice au plus près du terrain. Il s’agit de répondre à l’accessibilité

des usagers à l’offre de soins dans sa globalité. Il importe dans cet objectif de construire des

partenariats conduisant à la connaissance de l’autre. Néanmoins, pour pouvoir être mise en

œuvre, elle doit être valorisée et explicitée.

Au delà de l’exercice partagé des professionnels médicaux, la mobilité doit intéresser

l’ensemble des professionnels de santé. Elle permet le partage et l’harmonisation des

pratiques par une construction autour d’un langage commun et de buts partagés. La

coordination implique la coopération des acteurs, la concertation qui en découle favorise

l’ajustement mutuel des pratiques.

4.4.2 Fédérer par une participation mutuelle aux staffs ou Réunions de Concertations

Pluridisciplinaires (RCP).

Le travail hospitalier est un travail collectif qui s’articule autour des trajectoires des

personnes (Strauss A. la trame de la négociation). Or, soigner est un travail collectif

complexe qui s’articule autour des trajectoires des patients. Ce travail suppose une

collaboration entre professionnels de différentes disciplines et de coordination entre leurs

activités. Le staff apparait comme incontournable dans le cadre du suivi et de la sécurisation

de la prise en charge. Il faut donc intégrer dans ces staffs ou RCP les acteurs extra

hospitaliers pressentis dans le relais, en amont de la sortie d’hospitalisation. Les RCP ne

doivent pas être réservées à la prise en charge de patients en Soins palliatifs ou en

Cancérologie, elles ont toutes leur place dans un parcours de soins formalisé et plus encore

dans la prise en charge de tout patient chronique.

De la même manière, il nous semble important de poursuivre ces échanges après la sortie

du patient. Le recours à ces staffs ou RCP pouvant être à notre initiative ou à celle de l’aval.

C’est ainsi promouvoir un lien qui favorise la confiance et permet d’assurer une continuité et

une sécurité des soins. Elle a aussi pour intérêt de rassurer en facilitant une réadmission

pour « répit » ou pour toute dégradation de l’état de santé. Ces modalités doivent être

prévues dans le parcours de soins et être contractualisées.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 47 -

Conclusion

La coopération répond à l’enjeu de la complexité croissante des situations de soins

auxquelles nous devons faire face. Produire des soins fait appel à de nombreux critères et

on ne peut aujourd’hui être compétent seul. La compétence individuelle est insuffisante, il

faut construire une compétence collective coordonnée pour répondre à nos missions.

Pour y répondre cinq opérations clés s’imposent (la compétence collective, G. Le Boterf) :

• Construire une représentation partagée, car elle peuvent être déférentes pour

chacun des acteurs contributifs : la culture du sanitaire est différente de celle du

social.

• S’accorder sur le résultat attendu. Il s’agit de définir le but commun qui implique

d’identifier les coopérations et contributions tout au long du parcours. Chaque

partenaire doit connaître et identifier ce que l’autre attend de lui ;

• Identifier le moment et le contenu des synthèses et collaborations en rendant compte

de l’avancée intermédiaire et du résultat final ;

• Mettre en place des rencontres permettant la circulation d’information entre les

acteurs, traduisant l’avancée vers l’objet final ;

• Identifier et réunir les conditions matérielles de réussite du parcours (système

d’information, management, logistique, interface, outils, etc.) préalable au processus

commun.

Le GHT qui oblige les établissements à coopérer ensemble impose à chacun des

acteurs d’apporter sa contribution au processus. Ainsi le DS garant de la qualité et de

l’efficience de l’organisation des soins, joue un rôle clé. Pour pouvoir répondre à ses

missions, il doit s’ouvrir sur le « possible » de l’extra-hospitalier qui est une opportunité à

saisir. Interface entre les différentes logiques, le DS contribue à l’unité d’action en traitant

avec chacun des opérateurs et acteurs en charge dans un parcours patient. Facilitateur,

négociateur, organisateur, le DS peut potentialiser, par le PSIRMT de territoire, le parcours

du patient et rendre plus accessible l’hôpital tout en le recentrant sur la prise en charge de la

phase aigüe. C’est par la confiance et la clarification des rôles de chacun que la coordination

peut permettre d’accéder à une meilleure prise en charge des usagers sur un territoire de

santé.

En effet au vu de notre étude, on peut conclure que les professionnels intra, reconnaissent

l’utilité de travailler en réseau, mais ils ont du mal à mettre en sens ce qui leurs semble

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 48-

paradoxal : diminution de la DMS d’un coté / meilleure prise en charge du patient de l’autre.

Cela témoigne d’une difficulté à percevoir la relation gagnant / gagnant entre l’hôpital et ses

partenaires, mais aussi de considérer à sa juste valeur la place de la véritable ressource de

tous ces acteurs au service des usagers. Par ailleurs en extra-hospitalier, l’accès à la

ressource hospitalière reste complexe et le partenariat ainsi que la coordination doivent en

faciliter la lisibilité et l’accès.

Le DS, parce qu’il concourt à formuler, valider, partager et mettre en œuvre les objectifs de

prise en charge des patients, il constitue un pivot et acteur incontournable qui permet de

passer d’une pluri-professionnalité à une trans-professionnalité.

Il ne s’agit pas pour l’hôpital de s’investir seul dans la coordination des parcours, ce qui peut

être vécu par les partenaires extérieurs comme une volonté hégémonique de l’hôpital sur la

médecine de ville, mais de permettre, en positionnant le patient au cœur du processus, à

tout le monde de travailler ensemble sur une base lisible (et donc restituable) pour et par le

patient et les professionnels de santé eux-mêmes.

C’est une véritable mutation culturelle dans laquelle le DS a un rôle premier à jouer dans un

travail collectif avec l’équipe de direction dans son ensemble, le PCME de son établissement

mais aussi en lien avec tous les autres acteurs du GHT et du territoire de santé.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 49 -

Bibliographie

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Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 50-

Conférences et Rapports : Lesmodesdecoordinationetd’organisationdespartenariats interfirmes :explorationdurôleetde l’impactrespectifsducontrôle et de la confiance au travers du courant « intégratif », Franck BRULHAR, XIIème conférence de l’associationinternationaledemanagementstratégique,juin2003CongrèsUNIOPSScolloqueHenryArchimbault,DominiqueBalmary,etal,juin2009Communicationrelativeàlastratégienationaledesanté,déclarationdepolitiquegénéraledu16janvier2013Propositionderecoursetbonnespratiquesfacilitantl’hospitalisationdespatientsenprovenancedesurgences,RapportduDRPierreCarli2013(présidentduCNUH).MissionGroupementHospitalierdeTerritoire,rapportintermédiaire,JacquelineHUBERTetFrédericMARTINEAU,mai2015.FranckBRULHAR,XIIèmeconférencedel’associationinternationaledemanagementstratégique,Janvier2017

Ouvrages : Accompagnementdesparcours:unerésolutionorganisationnelle,MarieAlineBloch,éditionDunod2016,310PCoordinationetparcours:ladynamiquedumondesanitaire,socialetmédicosocial,MarieAlineBloch,LéonieHénaut,DanielHavis,éditionDunod2014,315pConcevoirdesplateformesdeservicesenactionsocialeetmédicosocial,MarieAlineBlochJeanRenéLoubat,JPHardy,etal,éditionDunod2016372pInstitutions sociales etmédico-sociales : de l'esprit des lois à la transformation des pratiques, Jean François BEAUDURETBroché–2013,Latramedelanégociation,AnselmStrauss,éditionL’HARMATAN,1991Lesmodesdecoordinationetd’organisationdespartenariats inter firmes :explorationdurôleetde l’impactrespectifsducontrôle et de la confiance au travers du courant « intégratif », Franck BRULHAR, XIIème conférence de l’associationinternationaledemanagementstratégique.Structurerlesparcoursdesoinsetdesanté,MouradAissou,JeanPierreDanos,AlexiaJolivet,éditionsLEH2016,240p

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 I

Liste des annexes

Annexe 1 Questionnaire destiné à l’intra hospitalier

Annexe 2 Questionnaire destiné à l’extra hospitalier

Annexe 3 Questionnaire orienté mémoire de recherche : DGARS adjoint (MIP 2017)

Annexe 4 Questionnaire orienté mémoire de recherche : agent territorial contrat local de

santé (MIP 2017).

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique – 2017 II

Annexe 1Questionnaire pour les acteursintrahospitaliers

Q 1 : Pour vous le GHT C’est quoi ?

Relance territorialisation …La prise en compte des besoins du territoire ?

Q 2 : A votre avis que peux vous apporter le GHT dans votre pratique du quotidien ?

(positif/ négatif/ limites/perspectives).

Q 3 : Comment se sont construites les filières ? Le PMSP ?

Relance ; quels impacts sur les parcours, et leur fluidité, sur les acteurs

Q 4 : Qu’est ce que cela vous a apporté (positif/ négatif/ limites/ perspectives).

Q 5 : Connaissez-vous les autres acteurs de votre territoire de santé ?

Q 6 : Avez-vous déjà travaillé avec eux, dans quelles circonstances, les liens entre vous

sont ils formalisés ?

Q 7 : Des rencontres sont-elles organisées entre les acteurs ?

Relance : à quelles occasion ? Concernent-elle les acteurs Hospitaliers, libéraux,

réseaux?

Q 8 : quels en sont les objectifs, les finalités, qui est à l’origine de ces rencontres ?

Q 9 : Quels sont vos points communs avec vos partenaires ? Comment vous

coordonnez-vous ?

Relance : pour vous coordonner c’est quoi ?

Q 10 : Qu’avez vous mis en place pour assurer la continuité des soins ? Quels sont les

outils ? Estimez vous que la continuité des soins est assurée ? Sinon que proposeriez-

vous?

Q 11 Pensez vous que le GHT peut favoriser la coordination ? Que proposeriez vous ?

Pensez vous que décloisonner peut avoir un intérêt ? Comment y arriver ?

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 III

Annexe 2 Questionnaire pour les acteursextrahospitalier

Q1 : Pour vous l’hôpital c’est quoi ? Filières et parcours patients qu’est ce que cela vous

évoque ? Citez moi des filières de prise en charge organisées.

Q 2 : Avez-vous été associé à l’hôpital pour la construction des filières au sein du GHT ?

Q 3 : Vous sentez-vous un partenaire de l’hôpital au sein des parcours patients ?

(modalités d’admission et structuration des liens)

Q 4 : Avez-vous l’occasion de rencontrer d’autres acteurs du territoire (hôpital, réseaux,

etc) Quels en sont les objectifs, les finalités, qui est à l’origine de ces rencontres ?

Q 5 : Quels sont vos points communs avec vos partenaires ? Comment vous

coordonnez-vous ?

Relance : la coordination c’est quoi ?

Q 6 : Donnez moi des exemples de prise en charge avec orientation vers l’hôpital ?

Comment vous y prenez vous face à un besoin d’hospitalisation ? (Patient âgé ? AVC ?).

Q 7 : Avez-vous identifié des acteurs à l’hôpital pour y adresser vos patients ?

Q 8 : Qu’avez vous mis en place pour assurer la continuité des soins ? Quels sont les

outils ? Estimez vous que la continuité des soins est assurée ?

Relance : ruptures de prise en charge, difficultés rencontrées ?

Q 9 : Pourriez vous me donner des exemples sur des situations difficiles ?

Relance : Qu’est ce qui a bien fonctionner ? Qu’est ce qui a mal fonctionné ? Quelle en

était la cause ?

Q10 : Quand, comment et pourquoi travaillez vous avec l’hôpital et d’autres acteurs du

territoires de santé.

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 - 5 -

Annexe3Questionnaire:DGARS(MIP2017)

Q 1 Quelles sont les principales caractéristiques du territoire (populationnel, démographie médicale, pathologie, maillage des soins de premier recours)? Q 2 Les GHT ont-ils utilisé des outils pour appuyer leurs projets médicaux partagés sur les caractéristiques de leurs territoires ( diagnostic territorial ? SROS? Organisation de consultations?) Q 3 Le calendrier et la méthodologie de mise en œuvre des GHT (contraint) sont-ils des freins ou des accélérateurs à la logique de territorialisation de l’offre de santé ? Q 4 Quelle a été l'implication des élus locaux, des acteurs ambulatoire ? Q 5 Le décloisonnement a t il été pris en compte ? Relance : médico-social, la ville ? Comment ? Q 6 Quel premier bilan et quelles perspectives stratégiques Q 7 La mobilité médicale représentent-ils des freins à la réussite des GHT? Comment les surmonter? Relance : Qu’en est il de la mobilité des professionnels paramédicaux ?

Rachida ABBAS - Mémoire de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique - 2017 6

Annexe4Questionnaire:agentterritorialduContratLocaldeSanté(MIP2017)

Q 1 Quel rôle joue l’hôpital sur votre territoire (place, importance, emploi) ? Q 2 Quels liens entretenez vous avec l’hôpital ? Q 3 dans le cadre des actions de prévention que vous menez il y a t il une collaboration des acteurs hospitaliers ? Q 4 Que pouvez-vous me dire du GHT ? L’offre de soins permet-elle de répondre aux besoins du territoire ? Q 5 Avez vous joué un rôle dans son processus d’élaboration ? Q 6 Si je vous dis « décloisonnement entre ville et hôpital » qu’est ce que cela vous évoque ?

Q 7 si de vous dit coordination qu’est ce que cela vous évoque ?

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ABBAS Rachida Décembre 2017

FILLIERE DIRECTEUR DES SOINS Promotion 2017

La coordination, pierre angulaire pour un parcours de soins optimisé, fluide, pertinent, un

levier de performance pour le Directeur des Soins.

Résumé :

Avec la transition épidémiologique, le vieillissement de la population, le changement des

habitudes de vie, les besoins en soins ne vont cesser d’augmenter alors que la ressource reste

rare. Il faut faire face au défi de simplification des organisations et d’optimisation des ressources

d’un territoire de santé.

Ceci implique de revisiter l‘offre disponible pour la reconstruire sur un modèle visant, plus

d’efficience, de complémentarité et de synergie par mise en oeuvre d’un processus de

coopération élargie. L’hôpital jusqu’alors hospitalo-centré, doit évoluer et apprendre à travailler

« avec » les différents acteurs. Il ne s’agit pas uniquement de constater le manque de ressources

« publiques » mais aussi de changer le paradigme d’analyse : d’un hôpital omniscient vers un

hôpital ouvert et capable de construire des relations gagnant/gagnant avec chacun des acteurs

de son territoire de santé. Ainsi le GHT peut constituer une opportunité pour le DS de répondre à

la continuité des soins par le développement de partenariats avec la médecine de ville, afin de

fluidifier les parcours dans un contexte contraignant. Ainsi, réduire la durée d’hospitalisation et

développer l’ambulatoire ne peut faire l’économie d’un relais sécurisé. La coordination reste un

champ de compétence à développer et doit s’inscrire dans une construction partagée du

parcours intégrant tous les acteurs. Le DS, parce qu’il concourt à formuler, valider, partager et

mettre en œuvre les objectifs de prise en charge des patients, constitue un pivot et est un acteur

incontournable qui permet de passer d’une pluridisciplinarité à une trans-disciplinarité.

Mots clés : coordination, coopération, GHT, pluridisciplinarité, pluri-professionnalité, trans-professionnalité, ambulatoire, lien ville hôpital, décloisonnement, hospitalo-centrisme, parcours de soins, optimisation, pertinence, flux, gestion des lits, continuité des soins, synergie, optimisation, partenariat L'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique n'entend donner aucune approbation ni

improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions doivent être considérées

comme propres à leurs auteurs.