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LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE BIMESTRIEL NOVEMBRE-DECEMBRE 2005 N° 4 P308613 Editeur responsable: Martine Van Dooren, rue des Petits Carmes 15, B-1000 Bruxelles - Bureau de dépôt Bruxelles X SERVICE PUBLIC FÉDÉRAL AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COMMERCE EXTÉRIEUR ET COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT 40 ans de coopération belge au Maroc L’allégement de la dette et les Objectifs du Millénaire

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L E J O U R N A L D E L A C O O P É R A T I O N B E L G E

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SERVICE PUBLIC FÉDÉRAL AFFAIRES ÉTRANGÈRES, COMMERCE EXTÉRIEUR ET COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT

40 ans de coopération belge au Maroc

L’allégement de la dette et les Objectifs du Millénaire

2 DIMENSION 3 • LE JOURNAL DE LA COOPÉRATION BELGE • 04/2005

Dans ce numéro

L E J O U R N A L D E L A C O O P É R AT I O N B E L G E

40 ans de coopération belge au Maroc 3

Sommet du Millénaire +5 8Répétitions et reconfirmations

L’allégement de la dette et les 10Objectifs du MillénaireDe la charge à son levier

Rubrique 14La petite dimension

Le Rapport d’activités 2004 de la DGCD 16

EditorialL’eau est la matière première la plus précieuse de notre planète, tant pour les besoins quotidiens de l’homme que pour l’agriculture et

l’économie. A l’occasion des 40 ans de coopération au développement de la Belgique avec le Maroc, notre premier reportage porte une attention spéciale à plusieurs projets d’eau et d’assainissement réalisés par notre pays. Les secteurs prioritaires de la coopération belge au Maroc sont l’approvisionnement en eau, la purification de l’eau, la formation professionnelle, l’agriculture et les soins de santé. Cette coo-pération bilatérale directe représente la plus grosse part (76%) du budget que la Belgique consacre au développement du Maroc. La coopé-ration bilatérale indirecte s’opère à travers le cofinancement de projets d’organisations non gouvernementales, la coopération universitaire et la coopération via les institutions scientifiques. La coopération multilatérale, enfin, s’effectue via le financement de projets d’organisations internationales.L’article «De la charge à son levier» présente quelques initiatives lancées au cours des dernières années par la communauté internationale pour réduire l’endettement des pays les plus pauvres, principalement africains, et le rendre plus viable. Ces initiatives constituent un impor-tant pas en avant puisque l’allégement de la dette se voit maintenant intégré dans la lutte contre la pauvreté, et donc dans la réalisation des Objectifs du Millénaire. Notre troisième article, pages 8 et 9, fait le point sur ces ODM en cette année 2005, à l’occasion du Sommet du Millénaire +5 à New York.«La petite dimension» enfin est une nouvelle rubrique proposant des brèves sur la coopération au développement belge et internationale. n

La rédaction

Photo de couverture: Maroc. Approvisionnement en eau potable.

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La coopération belge au Maroc a fait du chemin depuis l’arrivée des premiers immigrés en Belgique, en 1965. Aujourd’hui, on parle d’appui à la démocratie, de dia-logue politique renforcé, d’écoute dans le respect,

à l’heure pourtant de la méfiance internationale envers les pays musulmans. Dans le jargon de la coopération, on évolue de l’approche «projet» vers l’approche «programme», et du «que voulez-vous que l’on fasse ?» au «que voulez-vous faire ?». Le

ministre belge de la coopération, Armand De Decker, notait lors de sa visite au royaume chérifien en mai dernier, «Nous avons tenté, trois semaines après le coup de projecteur du Roi Mohamed VI sur les droits humains, d ’être, à notre tour plus humains et moins technocrati-ques». «Mais le vrai problème, ajoutait-il, constatant la diversité des réalités marocaines est la dualité du pays : intégré dans le monde moderne où nous sommes, avec des populations rurales qui vivent dans un autre temps».

40 ans de coopération belge au Maroc 1965-2005 : 40 ans de coopération belgo marocaine et d’histoire commune qui place le Maroc dans les

premiers pays partenaires de la coopération belge, après le Congo, le Rwanda et le Burundi. En 2004,

la Belgique a consacré 10,736 millions d’euros à la coopération au développement avec le Maroc.

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Moyens et domaines d’interventionLa coopération bilatérale directe représente aujourd’hui environ 3⁄4 de la coopération belge au Maroc. Au départ, il s’agissait essentiellement de coopération uni-versitaire et scientifique, «particulièrement orientée vers le secteur agronomique, accompagnée d’un appui institutionnel, notamment au Ministère de l’Agricul-ture, précise Johan Bruylandt, responsable du desk Afrique du Nord à la DGCD. Les projets se sont ensuite concentrés sur la problématique de l’eau potable, l’aménagement de périmètres agricoles, et la formation professionnelle dans divers secteurs. Au niveau de la coopération indirecte, de nombreuses ONG belges ont toujours été très actives et un pro-gramme de financement des ONG locales a été initié en 2003». Dans le secteur de l’eau, la Belgique à participé au développement d’une expertise marocaine dans la gestion globale du cycle de l’eau. Dans la Wilaya (municipalité) de Ouarzazate, la Belgique a appuyé, dans le site magnifique du barrage El Mansour Eddahbi, l’installation

d’une station de pompage et d’épuration pour fournir de l’eau potable, d’un système d’adduction d’eau de 25 km, et d’une station de lagunage qui permet un assainissement des eaux usées à des fins notamment d’irrigation agricole. Une expertise réelle pour des projets durables, puisque également viables économiquement est ainsi acquise : l’ONEP, l’Office national de l’eau potable, partenaire principal, enregistre un recouvrement de 100 % dans la distribution d’eau potable sur tout le territoire.

Investir pour la femmeLe genre, autre priorité pour la Belgique, est une question plus déli-cate. La fameuse réforme du code de la famille démarre timidement. Lors de la visite du ministre, un espace multifonctionnel pour les femmes qui devait être en fonction ne laissait place, dans la Kasbah de Taourirt à Ouarzazate, qu’à des panneaux didactiques. Pour le ministre, il faut être particulièrement attentif à la politique locale : «J’ai discuté avec des jeunes dans les bidonvilles de Casablanca. Ils ne se

sentent pas intégrés. Il faut promouvoir la confiance à l’égard des élus locaux en faisant évoluer les rapports entre l’autorité et la population. Regardons ce centre multifonctionnel pour les femmes qui ne fonctionne toujours pas. En effet, il ne faut pas être dupe, il s’agit là d’un processus lent de reconversion des mentalités qui, de la même manière que la relation entre un poli-cier et un citoyen, nécessite une évolution des relations entre les hommes et les femmes».

Dans d’autres domaines, le Maroc est «bon élève». Selon la Banque mondiale, il est le deuxième pays au monde sur le plan de la facilité de création d’entreprise. «Il faut deux jours pour créer une entre-prise grâce à un guichet unique», se réjouit Mouaâd Jamai, le directeur du CRI. «Nous savons tous que le

développement n’est pas possible sans investissement. Les acteurs privés doivent prendre le relais des interventions publiques», ajoutait Armand

L’émancipation de la femme est surtout une question de change-ment de mentalité.

Massa : Réservoir semi enterré de 1000 m3. Alimentation en eau potable des centres de Massa, Tinghir Imintanoute et Tarfaya. A droite : décanteur lamellaire de la station de traitement à Tlat Lakhasas

Hé oui, l’eau sort du robinet. Mission accomplie!

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(Suite en page 6)

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La clinique Assalam (qui signifie la Paix) est installée dans une rue du même nom qui arpente Tanger (410 000 habitants). Imaginée

il y a 7 ans par la volonté de six médecins-chirurgiens formés au Nord, elle ouvrait ses portes il y a quatre ans sur un vide : chirurgie générale, plastique, orthopédique et traumatologique, ophtalmique, coeliochirurgie, gynécologie, cardiologie, analyses et examens divers et multiples, etc. Un cabinet de généraliste ouvert 24/24, des urgen-ces avec soins de suture, salle de plâtre. En sous-sol, trois blocs opé-ratoires ornés de cialithèques, les lampes opératoires, que montre avec une fierté mêlée de soulagement Mohamed Zaidi, chirurgien et, pour l’occasion, guide de la maison. «Les blocs opératoires sont chaque jour stérilisés», précise-t-il.

Transfert de compétencesEn amont, six actionnaires, qui ont chacun vidés leurs poches: «pour acheter un nouveau respirateur, il a fallu quatre ans, souffle Mohamed Zaidi. Ici, on en a deux». Parmi ces «auto-finançeurs», quatre belges d’origine marocaine, formés à l’Université catholique de Louvain, l’UCL. Leur envie était de retrouver leur pays d’origine. Mais aussi, comme en témoigne Hassan Chergui, chirurgien, cette démarche reflète un choix dans la façon même d’envisager la pratique de leur métier, celui d’«être un médecin de trop à Bruxelles, ou un médecin pour 2 250 personnes ici». «Il faut avoir une autre motivation que celle du statut de médecin et ce qui l’entoure souvent ; un salaire en Belgique équivaut à dix salaires ici», ajoute-t-il. Ce qui vaut aussi pour les malades, qui ne bénéficient pas du système de la sécurité sociale qui rembourse les prestations comme en Belgique. Assalam a créé un fonds qui permet de combler certaines pertes et soigner des personnes non solvables. «On a facilement 10 % de factures impayées. Par exemple, un enfant dont les parents n’avaient pas assez d’argent a nécessité 30 jours d’hospitalisation avec 5 interventions au bloc opéra-toire, pour des métastases pulmonaires…» Mais c’est au cas par cas, et pour autant, on ne peut pas dire que la clinique Assalam fasse dans le «social», comme le relève Hassan Chergui : «Le client paie, c’est une clinique privée», et sa clientèle provient avant tout de la classe

Assalam, un havre de paix… médicaleEn visite officielle au Maroc pour préparer la commission de décembre, le ministre De Decker se devait de visiter ses anciens voisins schaerbeekois. Quatre belges d’origine marocaine ont ouvert à Tanger la clinique Assalam en 2001. Aujourd’hui, c’est une affaire qui roule, et pourrait bien intéresser BIO.

moyenne. «Une personne qui demande un examen sans être solvable, nous ne la prenons pas. Nous parlons d’un fonds d’aide uniquement au niveau des urgences, pour lesquelles nous ne demandons pas de chèque préalable.»

Besoins de fondsDu haut de ses quatre ans, trois étages et quarante employés, la clinique Assalam peut être fière de son succès, bien qu’elle en soit parfois victime : les locaux de la rue de la Paix sont devenus trop étroits, les lits, trente, trop peu nombreux. «A partir du 15 juin, cela devient difficile, car il y a aussi de nombreux ressortissants marocains de Belgique qui viennent ici se faire opérer, parce que c’est moins cher». De plus, tout en ayant l’avantage de se faire soigner près de leurs familles au Maroc, ils sont couverts par la sécurité sociale belge pour ceux qui sont affiliés, car Assalam est une clinique reconnue par la SECU belge. «Nous voulons disposer d’un nouveau bâtiment, plus moderne, pour pouvoir accueillir plus de patients, où il serait possible d’améliorer la qualité hôtelière, et ainsi attirer les gens par un minimum de confort». La clinique compte une salle d’accouchement, «pour 300 à 400 accouchements l’année, témoigne Mme Kashani, gynécologue installée à Assalam depuis octobre 2004. Il nous arrive de refuser du monde». Des bâtiments neufs permettraient également de déve-lopper de nouvelles disciplines quasi inexistantes dans la région : «Les conditions actuelles ne nous permettent pas de nous étendre à l’oncologie ou à la chirurgie cardiaque, alors qu’il n’y a pas de service d’oncologie dans toute la province du Nord, qui fait quand même deux fois la Belgique !». Assalam est à la recherche d’un autre terrain, «mais s’il nous revient cher, le patient supportera la dette». Ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention de représentant de BIO, qui visitait la clinique en mai dernier, et qui serait partant, pour l’instant encore en parole, pour prêter à Assalam afin de lui permettre d’élargir ses murs, et ses horizons. n

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L’agriculture est un sec-teur majeur de l’économie marocaine, en effet c’est un pays rural dont l’acti-vité de la population est essentiellement agricole. Le pays compte 30,1 mil-lions d’habitants, dont plus de 46 % vit en milieu rural. Les dernières projections démographiques montrent que 14 millions de person-nes résideront en milieu rural en 2020, même si l’exode rural est compensé par l’accroissement démographique.Le secteur agricole représente, selon les années, de 12 à 20% du PIB total. Les années 1999 et 2000 par exemple, ont été carac-térisées par une forte sécheresse récurrente, qui, en faisant chuter lourdement le PIB agricole, a entraîné la stagnation de l’ensemble de l’économie marocaine. Le secteur agricole, prin-cipal employeur du pays, occupe une place prépondérante dans l’économie marocaine. 40% de la population active dépend de ce secteur, qui représente 78% de l’emploi en milieu rural. En période de sécheresse, c’est toute une frange de la population qui est touchée : les agriculteurs et leurs familles, qui restrei-gnent fortement leur consommation, mais également les com-merces de proximité qui voient leur chiffre d’affaires chuter.

Les disponibilités en eau ne conditionnent donc pas seu-lement le développement de l’agriculture, mais également celui des autres secteurs pro-ductifs ainsi que la possibi-lité de couvrir les besoins de la consommation humaine, que ce soit en milieu urbain ou rural.L’agriculture a bénéficié d’investissements massifs

par la construction de barrages et l’équipement de grands périmètres irrigués.Les principales productions agricoles sont les céréales (blé, orge, maïs), les légumineuses (fèves, pois, lentilles, haricots), les cultures maraîchères et les plantes sucrières. L’arboriculture fruitière, notamment les agrumes et les olives, fournit un complément non négligeable.A l’exception de quelques importantes unités industrielles occupant plus de 200 salariés, près de la moitié des entre-prises marocaines ont moins de 50 ouvriers. Si l’Etat a en effet réalisé quelques grands ensembles (raffinage de pétrole, pétrochimie), les investisseurs privés préfèrent de petites unités moins coûteuses et de rentabilité immédiate: textile (sous-traitance), tapis, industries alimentaires.

De Decker. En ce sens, BIO – Belgian Investissement Organisation (www.b-i-o.be) , institution financière belge de développement bila-téral, peut être un maillon : entre urgence d’un fond de roulement et perspectives de développement, mais aussi un moyen de financer les micro-crédits visant à favoriser la création de petites et moyennes entreprises. BIO soutient les PME dans les pays en développement via une prise de capital à risque, ou financement à moyen et long terme via des prêts, selon le contexte du pays. BIO peut devenir un acteur important de la coopération au Maroc.

La coopération belge envisage également de s’impliquer davantage dans le Nord du pays, par un soutien à des projets sociaux et urbains en participant à l’émergence des PME.

EnjeuxS’investir dans le nord du Maroc, c’est donner un signe à la com-munauté marocaine de Belgique, qui vient principalement du Rif et de la région de Tanger. Mais les enjeux sont également ailleurs. Driss Jettou, le premier ministre marocain, demande à la Belgique son appui pour un statut privilégié à l’approche des 10 ans du pro-cessus de Barcelone (partenariat euro-méditérranéen, retardé par

l’élargissement de l’UE). Driss Jettou, ainsi qu’Armand De Decker, ont revendiqué et souligné le rôle stratégique que joue le Maroc par rapport au continent africain. En terme d’enjeux, le ministre belge notait : «Le plus important sera celui de l’immigration», pas unique-ment marocaine, mais aussi subsaharienne, le Maroc étant un pays de passage privilégié des candidats immigrants. «Il faut négocier la question de la pression migratoire dont ils sont un élément essentiel. Ce sont des projets difficiles et délicats à mener. Pour cela, il faut augmenter la connaissance mutuelle, le respect des cultures, via un long dialogue politique.» n

Maude Malengrez – InfoSud

Pour de plus amples informations sur la Coopération belge au Maroc, visitez les sites www.dgcd.be/fr/pays_partenaires/ index.html et www.btcctb.org (cliquer ‘projets’ et ensuite ‘pays’). La DGCD et la Coopération Technique Belge – CTB (l’agence d’exécution de la Coopération gouverne-mentale belge) ont édité également un dépliant (gratuit) sur la Coopération belge au Maroc. Pour commande : [email protected] et [email protected]

Un handicap majeur du territoire marocain, pays de contrastes, ce sont les ressources en eau qui constituent la principale contrainte pour le développe-ment rural.

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Lancé en 1995, le Programme d’approvisionnement groupé en eau potable des populations rurales

(PAGER) est exécuté par la Direction générale de l’hydraulique avec l’appui de la Coopération techni-que belge (CTB).

Le Royaume de Belgique a offert un montant de 3.938.535 euros au Royaume du Maroc pour la construction de petites infrastructures d’approvi-sionnement en eau. Le montage financier est un cofinancement entre l’Etat (via la contribution belge), les communautés rurales, à hauteur de 15 %, et les associations, à hauteur de 5 %.

L’intervention s’inscrit dans le cadre plus vaste de la politique nationale marocaine de l’eau, qui a pour but de combler le grand retard en matière d’approvi-sionnement en eau potable des zones rurales grâce à l’aménagement de systèmes d’approvisionnement en eau potable adaptés au milieu rural et gérables par les bénéficiaires eux-mêmes.

Grâce à ce projet, 25.000 personnes dans 70 villages (douars) ont accès à l’eau potable. Il accorde une attention parti-culière aux femmes et aux jeunes filles marocaines puisque ce sont elles qui ont généralement la lourde charge du portage de l’eau. Les femmes peuvent ainsi consacrer plus de temps à d’autres activités, et les jeunes filles peuvent retourner à l’école. L’amélioration des conditions de vie des populations rurales contribue aussi à freiner l’exode rural.

Le projet implique d’autre part une protection de l’écosystème. Les douars, qui sont de plus en plus petits, enclavés et dépourvus de sources d’énergie durables, sont de ce fait aussi particulièrement vulnérables à la sécheresse et exposés à l’exode. Certains villages ont même vu partir les deux tiers de leurs habitants au cours des deux dernières années. L’eau a le pouvoir de déplacer des milliers de personnes. Les populations s’installent à proximité de l’eau et se déplacent rapidement quand survient la sécheresse. Le projet a donc un impact réel sur leur environnement naturel et empêche le dépeuplement progressif de nombre de villages isolés dans la Wilaya d’Agadir.

La décentralisation de la gestion des systèmes d’approvisionnement en eau par une approche participative et la création d’associations d’usagers a également induit une dynamique durable dans les villa-ges. Elle favorise aussi l’implication de la population dans d’autres domaines ainsi qu’une sensibilisation environnementale plus vaste: gestion des déchets solides et liquides, préservation des richesses naturelles, conservation des sols, etc.

Depuis le début du projet, en avril 2001, 20 réseaux d’adduction en eau potable ont été construits et confiés aux associations. Ils approvisionnent 45 communes et 17.000 personnes, qui étaient auparavant privées d’eau potable et bien souvent d’eau tout court. D’ici la fin de juillet 2006, sept nouveaux réseaux d’adduction en eau potable desserviront 25 communes et 7.800 personnes supplémen-taires. n

Contact : E-mail: [email protected] ; site web: www.pageragadir.com

Approvisionnement en eau potable dans la Wilaya d’Agadir

25.000 personnes dans 70 villages ont accès à l’eau potable grâce au projet. Celui-ci accorde une attention particulière aux jeunes filles et aux femmes marocaines puisque c’est en général à elles qu’incombe la corvée de l’eau. Photo: complexe sanitaire dans le village de Bouirik.

Le projet d’approvisionnement en eau potable dans la Wilaya d’Agadir a fait l’objet du FOCUS de juillet 2005 du site web de la Coopération technique belge. Cliquez sur Projets et ensuite sur Focus.

[email protected]

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Sommet du Millénaire +5

La réforme de l’Organisation des Nations unies qui fête cette année son

soixantième anniversaire, la réforme du Conseil de sécurité, un accord

sur le désarmement et la non-prolifération des armes nucléaires, la lutte

contre le terrorisme, la composition d’un Conseil des droits de l’homme,

l’intervention humanitaire dans des pays menacés de génocide ou de puri-

fication ethnique et, bien sûr, un bilan intermédiaire des huit Objectifs de

développement du Millénaire (ODM), cinq ans après leur ratification par les

191 Etats membres et leur promesse de les réaliser d’ici 2015… Autant de

questions épineuses qui, parmi d’autres, ont été au coeur des débats des

180 chefs d’Etat et de gouvernement réunis à New York en septembre dernier, pour un Sommet

qui fut non seulement historique mais aussi le plus important de l’histoire des Nations unies.

Hélas, les attentes élevées sont rarement satisfaites, et il n’en a pas été autrement au Sommet du Millénaire. Les réactions au document final vont de «Vague» à «Des lignes de force pour un nouvel agenda pour

l’avenir» en passant par «Un compromis mou». Le volet dévelop-pement du document final comprend 17 pages des 35, un nombre considérable et à la hauteur des ambitions de ce Sommet. Il est en tout cas encourageant que les Etats membres des Nations unies aient à nouveau souscrit aux ODM, soulignant ainsi leur responsa-bilité commune envers la réalisation de ces objectifs: la réduction de moitié de l’extrême pauvreté et de la faim dans le monde par rapport à 1990, l’éducation primaire pour tous, la lutte contre le sida, etc. (voir ci-contre). En ce qui concerne les ODM, celui-ci a donc été un Sommet de répétitions et de «reconfirmations».

Sortir l’Afrique du cercle vicieuxDans son discours devant l’Assemblée générale, le Premier Ministre Guy Verhofstadt a déploré le peu de progrès réalisés en Afrique au niveau des ODM. «Si l’évolution actuelle se poursuit, l’Afrique n’atteindra pas la réduction de moitié de la pauvreté extrême en 2015, mais seulement en 2150. Alors que les Nations unies fêtent leur soixantième anniversaire, l’espérance de vie, en Afrique, ne dépasse pas les 46 ans. Six jeunes sur dix sont porteurs du virus du sida. Des 35 pays les plus pauvres du monde, 31 se trouvent en Afrique. Depuis 1998, des conflits armés en Afrique centrale ont déjà coûté la vie à plus de quatre millions de personnes, le nombre de victimes le plus élevé depuis la seconde guerre mondiale. (… )

Répétitions et reconfirmations

Nous devons aider l’Afrique à sortir de ce cercle vicieux. Et nous savons comment procéder. Nous savons quels sont les besoins de l’Afrique: une stabilité politique et économique permettant d’assurer sa croissance économique, des investissements en infrastructures et en soins de santé, des possibilités équitables sur le marché mondial et, bien sûr, la paix.»

Le Premier Ministre belge a insisté dès lors sur le respect des accords conclus et des promesses faites. Trop de promesses n’ont pas été tenues: des promesses de certains dirigeants africains, de nombreux dirigeants occidentaux et, surtout, de toute la commu-nauté internationale. «Actuellement, la Belgique consacre 0,45% de son PIB au développement et respecte ainsi son engagement d’atteindre d’ici 2010 l’objectif de 0,7%.»

Et le Premier Ministre Verhofstadt de conclure son allocution devant l’Assemblée générale par le constat que la Belgique consacre deux tiers de son budget de la coopération à l’aide aux pays les moins avancés, le chiffre le plus élevé au monde.

Le Ministre des Affaires étrangères Karel De Gucht et le Ministre de la Coopération au développement Armand De Decker ont eux aussi participé au Sommet de New York. n

Pour plus d’informations : http://www.un.org/french/sum-mit2005/

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Sommet du Millénaire +5

1. Eliminer l’extrême pauvreté et la faim. Dans le monde entier, et surtout en Asie, les taux de pauvreté sont à la baisse partout, sauf en Afrique subsaharienne. Non moins de 50 des pays les plus démunis, soit une population totale de 900 millions de personnes, sont plus que jamais embourbés dans la pauvreté. A travers le monde, ce sont près de 1 milliard de personnes qui doivent ainsi survivre avec moins de 1 dollar par jour: un sixième de la population mondiale. La lutte contre la faim n’est pas encore gagnée, loin de là. Plus de 1⁄4 des enfants dans les pays en déve-loppement sont sous-alimentés. Et les conflits et les catastrophes naturelles aggravent encore la pauvreté et la faim.

2. Assurer l’enseignement primaire universel. Cinq régions en développement enregistrent des progrès, mais la situation demeure préoccupante en Afrique subsaharienne, en Asie du Sud et en Océanie. Quelque 115 millions d’enfants n’ont pas encore accès à l’enseignement primaire.

3. Promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes. L’inégalité entre les sexes décroît lentement dans les pays en développement, ce qui n’empêche que la situation des femmes reste souvent incertaine, car elle bénéficie de moins de chances d’enseignement et de travail rémunéré. La bonne nouvelle est que plus de 80 pays – avec en tête le Rwanda! – prennent des mesures explicites pour assurer la participation des femmes à la vie politique.

4. Réduire la mortalité infantile. Le taux de mortalité infan-tile diminue chez les enfants de moins de 5 ans, mais pas assez rapidement. Dans le monde entier, 30.000 enfants dans cette catégorie d’âge meurent encore chaque jour de maladies pour-tant curables.

5. Améliorer la santé des femmes enceintes. Le nombre de femmes qui meurent pendant la grossesse ou à l’accouchement a aujourd’hui diminué dans les pays en développement (quelque 500.000), sauf dans ceux où l’accouchement comporte toujours des risques importants. Le taux de mortalité maternelle est le plus élevé en Afrique subsaharienne.

6. Combattre le VIH/sida, le paludisme et d’autres mala-dies. Le sida est la principale cause de morts prématurées en Afrique subsaharienne. En Afrique australe, plus d’un quart de la population adulte est séropositive. De plus en plus de femmes et de jeunes filles sont infectées et le nombre d’orphelins du sida augmente de façon préoccupante. Les ravages provoqués par le virus du sida en Afrique sont tout simplement catastrophiques. Mais le paludisme aussi continue à faire de nombreuses victimes en Afrique.

7. Protéger l’environnement. Bien que la plupart des pays souscrivent au développement durable, le progrès se fait toujours attendre. Les forêts tropicales et les espèces animales et végétales rares continuent à disparaître, les sols continuent à se dégrader, les changements climatiques ont les conséquences désastreuses que l’on connaît, l’effet de serre se poursuit, la couche d’ozone s’amincit. La population urbaine, notamment dans les bidonvilles, grossit et dépassera bientôt en nombre la population rurale dans les régions en développement. Il n’existe guère de plans pour loger décemment les habitants de ces taudis. La bonne nouvelle est qu’aujourd’hui, de plus en plus d’habitants des pays en développe-ment ont accès à une eau potable salubre. La moitié toutefois ne dispose pas encore d’installations sanitaires décentes.

8. Mettre en place un partenariat mondial pour le déve-loppement. Les pays riches ne satisfont pas les attentes. Il faut plus d’aide, une annulation des dettes, une ouverture des marchés aux produits en provenance des pays en développement, une réduction des subventions agricoles dans les pays riches... L’idéal du marché libre est loin d’être réalisé. L’aide publique au dévelop-pement s’est élevée, l’année dernière, à 79 milliards de dollars, un record, mais en même temps le niveau le plus bas par rapport au revenu national brut des pays donateurs. n

Source: Objectifs du Millénaire pour le développement Rapport 2005 (rédigé par 25 agences ONU et organisations internationales, publié en juin 2005) – http://www.un.org/french/millenniumgoals/

Les 8 Objectifs du Millénaire: la situation en 2005

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L’allégement de la dette et les Objectifs du Millénaire

De la charge à son levierLors du dernier sommet du G8 à Gleneagles, en juillet 2005, une proposition a été lan-

cée en vue d’un allégement supplémentaire de la dette des pays les plus démunis dans la

perspective des Objectifs de développement du Millénaire (ODM). La déclaration finale

du Sommet du Millénaire des Nations unies du 14 au 16 septembre 2005, entre autres, a

en effet souligné expressément l’importance d’un allégement supplémentaire de la dette

pour réaliser les ODM. Les principes de la proposition du G8 ont été formellement

approuvés lors de l’Assemblée annuelle du FMI et de la Banque mondiale fin septembre.

La présente contribution tente de jeter quelque lumière sur les raisonnements à la base du recours à l’allégement de la dette et sur les détails concrets des plans envisagés antérieurement et actuellement.

Pourquoi et quand ?Il incombe aux organisations donatrices (tant bilatérales que mul-tilatérales) de faire le meilleur usage possible des fonds publics, et donc de les répartir de manière optimale sur les différents instru-ments de coopération au développement à leur disposition, afin de réaliser ainsi le développement et la lutte contre la pauvreté dans les pays bénéficiaires. L’allégement de la dette est un des instru-ments à cet effet, comme le sont par exemple aussi l’aide projet, l’aide budgétaire, l’aide alimentaire et d’autres formes d’aide d’ur-gence ou encore l’assistance technique.

Les organisations donatrices ont recours à l’allégement de la dette quand elles accordent des concessions sur les crédits qu’elles ont consentis ou repris (p.ex. dans le cadre des crédits à l’exportation), ou quand elles aident à financer un allégement de la dette consenti par des tiers, par exemple quand elles donnent aux pays les moyens de racheter leur dette à un taux substantiellement inférieur. Les donateurs bilatéraux occidentaux, réunis au sein du Club de Paris, accordent depuis longtemps un allégement de leurs créances. Si celui-ci a été fort limité dans un premier temps et a consisté en un rééchelonnement à des conditions plus favorables ou en une annu-lation partielle d’une partie du service de la dette (paiement des intérêts et amortissement du capital emprunté) que devaient mais que ne pouvaient payer ces pays (ce qu’on appelle dans le jargon l’allégement du service de la dette), il est devenu plus important à partir du milieu des années 1990, avec la remise partielle du mon-tant total de l’encours (allégement de l’encours de la dette). Depuis Tout comme ce petit véhicule, l’économie des pays les plus démunis est

écrasée par l’endettement.

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L’allégement de la dette et les Objectifs du Millénaire

la fin des années 1990, l’allégement de la dette pour les pays les plus démunis est une pratique courante dans le cadre de l’initiative PPTE (voir ci-dessous).

Quand et pour quelles raisons l’allégement de la dette peut-il cons-tituer une forme d’aide relativement «meilleure»? Il convient de souligner qu’un emprunt conclu équivaut à un contrat et qu’il est important pour les pays bénéficiaires de le respecter, entre autres en vue de l’obtention de nouveaux crédits. Parfois pourtant, il vaut mieux recourir à un allégement de la dette.

Payer ou faire face à la faillite ?Les paiements contractuels du service de la dette sont souvent si élevés par rapport aux moyens disponibles que les pays peuvent seulement les rembourser partiellement, de sorte que les arriérés continuent à s’accumuler. L’allégement de la dette représente alors en premier lieu un «apurement comptable» de la partie qui ne sera pas ou ne peut quand même pas être payée. Il s’agit dans ce cas donc d’un allégement «virtuel» de la dette, en ce sens qu’il ne procure pas de moyens supplémentaires au pays bénéficiaire. Cela ne signifie pas pour autant qu’il soit dépourvu de sens. Des remboursements trop élevés peuvent en effet donner lieu à toutes sortes de mécanismes «pervers», aussi bien dans le pays bénéficiaire qu’au sein des organi-sations donatrices et chez les autres donateurs externes.

Dans le pays débiteur, les paiements de la dette accaparent non seulement des moyens qui pourraient autrement être affectés à d’autres postes bénéficiant plus directement au développement, mais présentent surtout le risque que le pays ne prenne, en vue du remboursement de cette dette, toutes sortes de mesures si néfastes (contracter un nombre excessif de crédits intérieurs, avoir recours à la presse monétaire, prélever des impôts trop lourds dans certains secteurs, etc.) que toute l’économie s’en trouve dés-tabilisée et la croissance influencée négativement, avec toutes les conséquences que cela implique. Or, dans de telles circonstances, le secteur privé (aussi bien national qu’étranger) se sent peu enclin à continuer à investir dans le pays tant que le problème de la dette n’est pas résolu. Les organisations donatrices (surtout bilatérales) de leur côté affecteront une partie de leur nouvelle aide (bilaté-rale) pour aider les pays à rembourser leurs vieilles dettes au lieu d’octroyer une aide sur la base de critères de pertinence pour le développement.

L’allégement de la dette peut mettre fin à cette spirale négative. C’est en outre un outil qui, en comparaison avec certaines autres

interventions, peut être mis en oeuvre rapidement. Dans la mesure où l’allégement de la dette est appliqué à des dettes qui seraient autrement effectivement remboursées, il n’est plus «virtuel» et permet de libérer dans le budget public de réels moyens supplé-mentaires pour des dépenses pertinentes pour le développement. Ce dernier argument est devenu un élément clé de la discussion sur les ODM. A l’échelle mondiale, l’allégement de la dette devient ainsi un moyen permettant de libérer raisonnablement rapidement des fonds supplémentaires dans des secteurs prioritaires pour réaliser les ODM. Mais il importe aussi, dans le contexte d’un budget de développement fixe, de peser l’avantage relatif de l’allégement de la dette face à celui d’autres instruments d’aide. Et, bien entendu, on ne peut remettre plus de dettes qu’un pays n’en a effectivement!

La situation devient plus intéressante encore quand, après avoir fait accepter un allégement de la dette, la pression exercée par l’opinion publique des pays riches mène à la mobilisation de plus de ressour-ces pour le budget de la coopération au développement, en d’autres mots à des moyens additionnels. C’est là somme toute aussi un des points clés de la réalisation des ODM: l’accroissement de l’aide publique au développement (APD). Cela signifie par conséquent que l’allégement de la dette ne doit plus être mesuré par rapport à d’autres interventions possibles, mais qu’il se transforme en un outil optimal dès qu’un des arguments susmentionnés est valable. 1

De la charge à son levier

1 Il faut toutefois à cet égard se garder d’une «fausse» additionnalité dans les statistiques de l’APD: l’allégement de la dette est - souvent très généreusement - pris en compte pour la réalisation de la norme de 0,7%, et peut en ce sens contribuer à une augmentation substantielle de l’APD sur papier, sans qu’en fait le pays récipiendaire ne bénéficie effectivement de moyens supplémentaires.

Si seulement l’argent poussait sur les arbres!

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L’allégement de la dette et les Objectifs du Millénaire

Si l’on en analyse les avantages, il y a toutefois également lieu d’examiner les risques pouvant découler de la nature même de l’allégement de la dette. Il est à cet égard révélateur d’étudier l’ana-logie entre l’allégement de la dette et un autre «nouvel» outil de la coopération au développement, à savoir l’aide budgétaire directe sous forme de dons: dans la mesure où le service de la dette sur la dette annulée aurait effectivement été payé, un dollar de service annulé équivaut à un dollar d’argent frais. L’annulation incondition-nelle de l’encours de la dette équivaut par conséquent aussi à une aide budgétaire pluriannuelle non affectée sous forme de dons. Il est donc recommandé que ce qui vaut pour l’aide budgétaire directe, vaille aussi pour l’allégement de la dette: que les donateurs puissent contrôler l’affectation effective des fonds à des dépenses prioritai-res, dans un cadre ODM, par exemple leur concrétisation dans le document DSRP pour ce qui concerne les pays les plus démunis, et que cet allégement requière d’autre part aussi un minimum de qua-

lité au niveau de la politique économique et de la gestion des fonds publics.

L’initiative PPTE L’initiative PPTE a été lan-cée en 1996 en guise de réponse de la communauté internationale des créanciers au constat qu’un certain nombre de pays en dévelop-pement subissaient en effet bon nombre des effets per-vers susmentionnés, et qu’un allégement de la dette mûre-ment réfléchi et mieux coor-donné pourrait apporter une réponse optimale. Les pays PPTE (pays pauvres très endet-tés ou «Heavily Indebted Poor Countries», HIPC, aujourd’hui 42 au total), comptent parmi les pays en développement les plus pauvres, avec des dettes qui excèdent une valeur seuil déterminée. Le principe PPTE prévoit de rétablir la viabilité des det-tes (elles doivent en d’autres mots redevenir payables) en les allégeant jusqu’à la valeur seuil, l’allégement étant

réparti au prorata sur les différents (groupes de) créanciers. Les créanciers qui jusque-là n’avaient pas octroyé d’allégement de la dette (principalement les institutions multilatérales comme le FMI, la Banque mondiale et une série de banques régionales de dévelop-pement) ont eux aussi concédé un allégement de leurs créances, ce qui est considéré comme une percée majeure.

L’allégement total de la dette est donc différent pour chacun des pays PPTE, mais les ramène en principe tous au même point: une dette viable. Les pays post-PPTE sont dès lors aussi censés rem-bourser toutes leurs dettes restantes, comme prévu contractuelle-ment. Pour bénéficier de l’allégement de la dette, ils devaient toute-fois remplir un certain nombre de conditions, comme le maintien de la stabilité macro-économique (dans le cadre d’un programme FMI), ou l’obligation d’adopter et d’exécuter un DSRP (Document straté-gique de réduction lutte contre la pauvreté). Tout cela doit dans un

Protestation mondiale contre la « décapitation » par la hache de l’endettement.

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L’allégement de la dette et les Objectifs du Millénaire

premier temps assurer l’affectation effective des moyens libérés par la remise de dettes PPTE aux dépenses publiques prioritaires. Un nouveau cadre de suivi du FMI et de la Banque mondiale, le Cadre de viabilité de la dette (CVD) ou «Debt Sustainability Framework» (DSF) doit garantir la viabilité durable de la dette.

A ce jour, 18 pays ont accompli le trajet PPTE du début à la fin et ont ainsi obtenu l’allégement «irrévocable» de la dette. Une dizaine d’autres pays se trouvent environ à mi-chemin et bénéficient d’un accord de principe qui détermine l’ampleur de l’allégement. Ils ont ainsi le temps d’élaborer un DSRP et de commencer à l’exécuter, pour entrer en ligne de compte pour une annulation de dette définitive, et se voient entre-temps octroyer une partie de l’allége-ment promis, sous la forme d’un allégement du service de la dette. L’allégement de la dette concédé atteint actuellement environ 33 milliards de dollars (en valeur actuelle).

En un mot: le programme PPTE a pour objectif de ramener les dettes des pays les plus démunis au monde à un niveau acceptable, à condition que les autorités de ces pays fassent preuve de bonne gestion. Son objectif final est la réduction de la pauvreté.

Qu’en est-il de la nouvelle proposition du G8 ?La nouvelle proposition du G8 de septembre 2005 est parfois abusive-ment présentée comme un allégement de 100% de la dette, alors qu’en fait elle incite la Banque mondiale, le FMI et la BAD (Banque Africaine de développement) à annuler toutes les créances restantes des pays qui ont (auront) accompli la totalité du trajet PPTE. Il s’agit plus con-crètement en première instance des 18 pays post-PPTE. Cet allégement supplémentaire de la dette se monterait à environ 40 milliards de dol-lars (soit environ 17 milliards de dollars en valeur actuelle).

Même si les détails concrets ne sont encore tout à fait clairs, les intentions et implications principales qui peuvent être dégagées de l’initiative sont les suivantes: • comme il n’apparaît pas toujours clairement que l’initiative PPTE

a assuré la viabilité de la dette, l’allégement supplémentaire doit ramener la dette de ces pays à un niveau plus viable;

• l’initiative doit également libérer des moyens supplémentaires pour la réalisation des ODM. Strictement parlant, il s’agit globa-lement de moyens supplémentaires dont bénéficieront les insti-tutions concernées quand elles seront compensées à 100% par des fonds supplémentaires (des pays riches). Ceux-ci sont garantis «en principe», une des conditions formelles étant que la «capacité financière» des institutions doit être préservée. Mais il doit aussi s’agir de moyens supplémentaires qui ne seraient autrement pas disponibles pour la coopération au développement. Ces moyens peuvent dès lors être mis à disposition des pays en développe-ment, en ce compris les pays post-PPTE ;

• l’initiative ne va pas immédiatement procurer aux pays concernés davantage de moyens disponibles. En effet, les problèmes de juste répartition sont évités étant donné que la réduction de la dette est en principe déduite de la nouvelle aide future que ces pays recevront des institutions en question. Plus que des moyens sup-plémentaires, ces pays reçoivent donc une plus grande partie de l’aide totale sous la forme d’allégement de la dette.

En guise de conclusion, remarquons que la réduction de la dette est non seulement une opération d’apurement comptable mais qu’elle s’est aussi déjà traduite par davantage de moyens disponi-bles, susceptibles d’être affectés dans le cadre de la réalisation des ODM. La nouvelle proposition du G8 implique aussi en principe des ressources supplémentaires, même si elle ne prévoit pas l’annulation à 100% de la dette. La réduction de la dette peut donc contribuer à atteindre les ODM, en générant des moyens supplémentaires et en assurant une affectation plus productive de l’aide. C’est toutefois une illusion que de penser que la réduction de la dette peut à elle seule assurer la réalisation des ODM. Même en cas d’annulation à 100%, il faut bien plus de moyens pour réaliser les ODM qu’elle ne peut en dégager. n

Danny Cassimon IOB (Université d’Anvers) – Groupe de recherche en

appui à la politique DSRPwww.ua.ac.be/dev

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La petite dimension

Rapport mondial sur le développement humain 2005

«La coopération internationale à la croisée des chemins : l’aide, le commerce et la sécurité dans un monde marqué par les inégalités.»

Une semaine avant le sommet de l’ONU, le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) rendait public son rapport sur le développement humain. Celui-ci donne un avertissement sérieux aux dirigeants de la planète, «Les ODM peuvent être atteints d’ici 2015 mais seulement si tous les acteurs accélèrent et étendent leur action dès mainte-nant». Il dénonce en effet un manque de fonds et de volonté politique : «Plus d’aide, de réformes commerciales en faveur des plus pauvres et le main-tien de la paix à long terme sont des éléments vitaux pour éradiquer l’extrême pauvreté».

Le rapport 2005 se penche sur les trois piliers de la coopération interna-tionale : l’aide au développement, le commerce international et la sécurité. Le premier souffre, selon le rapport, de sous financement et de mauvaise qualité. Il est «l’un des axes les plus efficaces de la lutte contre la pauvreté» mais la «conditionnalité excessive» et le «manque de coordination» nuit à son effica-cité. Le second, le commerce, pourrait être un excellent catalyseur de déve-loppement mais les politiques commerciales des pays riches continuent à refuser une part équitable de la prospérité mondiale aux pays les plus pau-vres en imposant des règles injustes. Quant à la sécurité, si elle a démontré sa fragilité et son importance plus que jamais ces dernières années, elle est aussi vecteur et conséquence de la pauvreté. Ces trois domaines sont interdépendants : difficile de développer des échanges commerciaux sans paix durable ; de maintenir la paix sans le bien-être que peuvent offrir un commerce plus juste et l’aide au développement.

Chaque année, le rapport mesure la richesse relative – “l’index de dévelop-pement humain (IDH)” - des différents pays selon les critères de revenus, d’espérance de vie et d’éducation. Si les pays scandinaves sont encore à la tête du dernier classement, la Belgique se retrouve en 9ème place suivie des Etats-Unis ; en queue de liste, nous trouvons le Niger (177ème ) qui a volé la place de dernier à la Sierra Leone (176ème). Et si la santé, le niveau d’ins-truction et la démocratie ont globalement gagné du terrain, ils ne doivent pas faire oublier que 18 pays ont un score inférieur à celui de 1990 sur l’IDH, 12 d’entre eux faisant partie de l’Afrique Subsaharienne, les 6 autres de l’ex-Union soviétique. Le rapport dénonce également les inégalités extrêmes, parfois à l’intérieur d’un même pays : les 500 personnes les plus riches du monde auraient un revenu combiné plus important que celui des 416 millions les plus pauvres. Or «dans notre monde interdépendant, cons-truire l’avenir sur des fondations de la pauvreté de masse au milieu de l’abon-dance est économiquement inefficace, politiquement insoutenable et moralement indéfendable». n

Panorama des actions de la Belgi que en faveur des victimes du tsunami

A la fin de 2004, vous étiez nombreux à vous émouvoir du désastre causé par le tsunami qui avait ravagé les côtes de l’Océan indien. Les dons ont afflué de toute part. Le gou-vernement belge de son côté, débloquait un budget pour un montant qui totalise en moins d’un an plus de 15 millions d’euros (dont 10 millions DGCD aide d’urgence et réhabilita-tion et aide alimentaire). Jusqu’à présent, il a pu ainsi apporter une aide d’urgence importante (plus de 5 millions d’euros), des aides alimentaires (4 millions d’euros) et structurelles (presque 3 millions). Ces aides concernent principalement l’Indonésie, le Sri Lanka et secondairement les Maldives et les Seychelles.

Ainsi, au lendemain de la catastrophe, la Belgique fournissait d’importante quantité de matériel de première nécessité et de l’aide alimentaire par le canal de la Croix rouge de Belgique, la rode Kruis Vlaanderen et le PAM. Mais au-delà des actions urgentes, elle n’oubliait pas que les millions d’ha-bitants des côtes ont perdu dans la catastrophe leur unique moyen de subsistance. Un budget de 15 millions d’euros a été réservé dans le cadre de la reconstruction et échelonné sur une période de 3 ans. La Belgique contribuera à un fonds indonésien à concurrence de 8 millions d’euros en trois ans. Via plus de 6 projets de la FAO, l’Etat belge fournissait des intrants (semences, outils) pour l’agriculture et la pêche. De

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La petite dimension

Une fois de plus, le célèbre navigateur et construc-teur de bateaux Fons Oerlemans et sa femme Kee Arens se proposent de traverser l’Océan atlantique à bord d’une embarcation spéciale, un bateau ayant la forme d’une gigantesque bouteille (11 m de long, 7,5 tonnes). En collaboration avec Humane Connection, une jeune organisation d’aide belge, Oerlemans veut arrimer à cette traversée une campagne de sensi-bilisation intitulée «Message in a Bottle». Ce projet bouteille est le septième d’Oerlemans (depuis 1974) et sa sixième aventure océanique.Par cette campagne, Oerlemans entend inciter les chefs de gouvernement à accorder l’attention requise aux conditions de vie réelles de millions d’enfants dans les pays pauvres et rappeler l’importance de l’éducation de base qui servira de tremplin à leur épanouissement futur. La Direction Programmes de sensibilisation de la DGCD soutient le projet «Message in a Bottle».La bouteille quittait Anvers le 17 septembre 2005 et mettra le cap sur New York avec pour commencer des escales en Méditerranée, aux Canaries, aux Îles du Cap-Vert et à Dakar. Dans la capitale sénégalaise, où la bouteille doit arriver en janvier 2006, des milliers de lettres d’enfants racontant leur histoire seront embar-quées au cours d’une fête comprenant notamment un concert de Youssou N’dour en compagnie du groupe belge Laïs. Le bateau bouteille poursuivra ensuite sa route transatlantique vers le Brésil, les Caraïbes et enfin la côte ouest des Etats-Unis. Les lettres seront remises officiellement à New York en mai 2007. Le retour à Anvers est prévu pour septembre 2007.L’organisation Humane Connection soutient des projets locaux dans la région de Fatick, à quelque 360 km au sud de Dakar. Elle se concentre sur les soins de santé, l’approvisionne-ment en eau, l’agriculture et l’entrepreneuriat, mais vise surtout la mise en place d’une infrastructure éducative durable. n Pour en savoir plus: www.humanecon-nection.org

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Panorama des actions de la Belgi que en faveur des victimes du tsunami

même, il aidait les rescapés à se reconstituer des moyens de subsistance via l’OIT et le PNUD pour un montant de plus de 2.5 millions d’euros. La Défense quant à elle exécutait des projets et mettait ses avions au service du transport de l’aide. Les militaires belges se sont retroussé les manches dans le Sud du Sri Lanka au lendemain de la catastrophe. Cette opération, appelée «Tsunami Solidarity» consistait dans un premier temps en des actions de sauvetage, et dans un second temps, en des opérations plus «durables» comme la réhabilitation des infrastructures de base et de pêche. De même, le PNUD participait à la réhabilitation d’un port dans les Maldives. n

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Le Rapport d’activités 2004 de la DGCD donne un aperçu des réalisations, chiffres et statistiques de la coopération officielle belge. Il contient six chapitres, chacun ayant son propre thème :

• La coopération gouvernementale: concentration des moyens et efficacité accrue de l’aide

• La coopération non gouvernementale : contrôle de la qualité• La coopération multilatérale : une politique de concentration• Le Fonds belge de Survie : pour une plus grande sécurité alimentaire en

Afrique• Les programmes spéciaux : contribuer à des stratégies de sortie de crise• La sensibilisation : pour une plus grande implication de la société civile

Le rapport (63 p.) existe en trois langues (Français, Néerlandais, Anglais) et est disponible gratuitement.

Comment consulter ou commander le Rapport d’activités 2004 de la DGCD ?

- Version pdf : www.dgos.be/fr/rapport--_activités/index.html- E-mail : [email protected] - Adresse postale : Direction Presse et Communication (P&C) Rue des Petits Carmes 45, 1000 Bruxelles

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