Dimanche 22 septembre 2019 · Au XXe siècle, de la Riga d’Eisenstein à la Bruxelles d’Horta...
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L’Europe est mouvement. L’historien français Jacques Le Goff écrit dans sa préface du livre Visions
d’Europe que « L’histoire est mouvement. Au sein de ce mouvement, l’Europe est construction. Elle se fait
lentement, dans la longue durée, comme toutes les créations historiques d’importance. ».
Partager le patrimoine entre Européens lors des Journées européennes du patrimoine, c’est permettre aux
citoyens de mieux comprendre ce qui les rapproche en partageant des valeurs communes historiques et
esthétiques dépassant les rivalités et les irrédentismes identitaires. Ces Journées européennes du patrimoine
doivent célébrer avec force la construction de la grande Europe du patrimoine, cent ans après la fin du
Dimanche 22 septembre 2019
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premier conflit mondial et la chute des empires, qui a engendré une nouvelle Europe des États.
Ces Journées européennes du patrimoine s’intègrent dans l’Année européenne du patrimoine culturel 2018.
La plupart des pays européens partagent le même découpage chronologique fondamental : la Préhistoire et
ses grandes périodes, l’Antiquité, le Moyen Âge, les Temps modernes et la période contemporaine. Dans
cette chronologie partagée, la circulation des idées, des artistes et des architectes a permis la création d’un
cadre de vie présentant bien des similitudes sur tout le continent européen.
Si l’existence des grottes ornées paléolithiques rassemble les Européens de l’Ouest, le mégalithisme s’inscrit
dans une révolution néolithique, venue d’Orient, progressant à travers toute l’Europe ; l’émergence des
villes celtes, grecques, romaines et byzantines, aux confluents des routes commerciales maritimes et
terrestres puis de la ville médiévale, engendrent progressivement de grands courants artistiques et
architecturaux communs à de nombreux pays européens.
L’existence de ce patrimoine et de cette culture partagée, dont la langue latine a longtemps été l’un des
ferments, de l’Antiquité au Moyen Âge et jusqu’aux humanistes, constitue un fondement de l’identité
européenne, et donne aux citoyens européens le sentiment diffus d’appartenir à un même monde ; leur
paysage quotidien se nourrit de repères patrimoniaux communs.
Les grands courants artistiques ont débordé les frontières des États, actuels ou anciens : l’Europe
paléolithique s’incarne, entre autres, dans Lascaux et Altamira, l’Europe néolithique dans Stonehenge et
Carnac, l’Europe gréco-romaine dans le Parthénon, le Colisée, le Pont du Gard ou le mur d’Hadrien.
Le cœur de l’Europe carolingienne est à Aix-la-Chapelle, et l’art roman rayonne très largement sur l’Europe
méridionale, de l’Espagne à la Corse, pendant que le christianisme orthodoxe se déploie sur l’Europe
orientale.
Les cathédrales gothiques sont particulièrement présentes en Allemagne, en France et en Grande-Bretagne,
puis la Renaissance s’étend depuis l’Italie.
Vienne, Versailles, Rome, Prague, Rundale et jusqu’aux châteaux « néo » de Louis II de Bavière, voient
s’épanouir et rivaliser splendeurs baroques et grandeur classique.
Au XXe siècle, de la Riga d’Eisenstein à la Bruxelles d’Horta ou à la Barcelone de Gaudi, et à la Vienne du
Bauhaus à celle de Mallet-Stevens et Le Corbusier, l’Art Nouveau, l’Art Déco puis le Mouvement moderne
marqueront à leur tour une grande partie des pays européens.
Mais cet héritage commun admet d’importantes variations régionales. Les formes architecturales, les
courants picturaux ou statuaires se déclinent différemment entre les pays, en fonction des matériaux
disponibles, du contexte économique et des influences politiques.
L’ardoise, la tuile, la terre, la pierre, les essences de châtaigner, les bulbes dorés, les différents types de
pierre, la brique donnent leur caractère aux édifices civils et religieux des différents pays ou régions.
Ces différences se nourrissent parfois d’apports extérieurs en particulier d’Al Andalus : l’art mozarabe
prolonge, en Andalousie, les vestiges du califat de Cordoue, et la présence de l’Empire Ottoman dans les
Balkans imprime durablement sa marque dans le paysage. Cette architecture « importée » apporte une note
orientale à certaines régions européennes.
Le thème des Journées européennes du patrimoine appelle donc à une réflexion sur ce que les éléments du
patrimoine national présentent de commun, et de spécifique, par rapport au reste du patrimoine du continent.
L’Europe du patrimoine, c’est aussi, comment ne pas le rappeler, pour cette année du centenaire de
l’armistice, l’Europe de la mémoire, des crimes contre l’humanité, des guerres et des réconciliations.
Alésia, Azincourt, Pavie, Rocroy, Austerlitz, Waterloo, Sedan, Verdun, Auschwitz, Oradour, Varsovie,
Coventry, Dresde, Mostar ou Sarajevo appartiennent, pour le meilleur et pour le pire, à notre patrimoine
commun, et les témoignages matériels de ces conflits sont devenus des symboles de réconciliation et de paix
entre les peuples européens. L’image de François Mitterrand et d’Helmut Kohl, main dans la main à
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Douaumont, près de Verdun, ou la visite du président allemand à Oradour-sur-Glane, en 2013, illustrent,
entre autres, cette dimension mémorielle commune.
C’est encore l’Europe du sacré :
- avec ses cathédrales gothiques comme Chartres, Canterbury, Séville, Florence, Strasbourg et
Cologne, ses abbayes au rayonnement européen, comme Cluny, Fontevraud, Coimbra ou encore son
architecture byzantine, avec Sainte-Sophie de Constantinople et les églises du Kremlin à Moscou, le
Mont Athos et les monastères des Rhodopes en Bulgarie ;
- avec ses synagogues et ses cimetières, en l’Europe de l’Est (Prague, Budapest, Vilnius, Cracovie,
Berlin) et de l’ouest (Carpentras, Tolède...), repères de communautés vivantes ou témoignages
douloureux d’une histoire faite de persécutions et d’expulsions ;
- avec ses mosquées et palais en Espagne, en Bosnie, en Macédoine ou à Istanbul, avec ses monuments
de l’Europe hors d’Europe, comme la mosquée de Tsingoni, édifice du XVIe siècle récemment
classé au titre des monuments historiques, à Mayotte.
L’Europe du patrimoine, ce sont enfin les monuments emblématiques de la démocratie et de la construction
européenne : la cité antique d’Athènes, les vestiges de l’Europe romaine, répandus dans toute l’Europe en
deçà du Danube, les palais des Empereurs carolingiens, puis des empereurs romains-germaniques, la Magna
Carta anglaise, la salle du Jeu de Paume à Versailles, la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen et
la Constitution polonaise de 1791, les chantiers navals de Gdansk (1981). En Allemagne, le château
médiéval d’Hambach réunit, lors d’une grande fête, en 1832, le mouvement révolutionnaire allemand,
mobilisé en faveur des droits fondamentaux et des libertés politiques, ainsi que pour la démocratie en
Allemagne et en Europe.
Plus proche de nous, Bruxelles et Strasbourg se partagent l’essentiel des bâtiments symboliques de l’Union
européenne et du Conseil de l’Europe : à Strasbourg, le palais de l’Europe, siège du Conseil de l’Europe
depuis 1977, et dû à l’architecte Henry Bernard, la Cour européenne des droits de l’Homme, occupant depuis
1998 un bâtiment de Richard Rogers, et le palais du Parlement européen, œuvre collective de 1998 ; à
Bruxelles, le Berlaymont, siège de la Commission européenne, conçu par Lucien de Vistel et réalisé par
Jean Gilsor, André et Jean Polak en 1960, et le bâtiment Europa, siège du Conseil européen et du Conseil
de l’Union européenne, œuvre de Philippe Samyn and Partners, inauguré en 2016.
Participent aussi de cette catégorie des lieux de mémoire, comme les maisons des penseurs et des fondateurs
de l’Europe, ouvertes au public : Hauteville-House, maison de Victor Hugo à Guernesey, la maison de
Robert Schuman à Scy-Chazelle (57), celle de Jean Monnet à Bazoches-sur-Guyonne (78), celle d’Alcide
de Gasperi à Pieve Tesino (Italie) ou celle de Konrad Adenauer à Bad Honnef (Allemagne).
Patrimoine commun, mais patrimoine divers : le patrimoine européen illustre la réalité même de l’Europe.
C’est cette réalité que l’édition 2018 des Journées européennes du patrimoine illustrera, en cette année
hautement symbolique pour les anciens belligérants de la Première Guerre mondiale, désormais unis, en
Europe, autour d’un passé et pour un projet commun.
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L’HOTEL DU QUARTIER GENERAL - BORDEAUX
DEPUIS L’EXTERIEUR
Au nom du général de corps aérien et de madame Matthieu Pellissier, j’ai le plaisir de vous souhaiter
tout d’abord la bienvenue ici, à l’hôtel du quartier général. Merci de nous accorder de votre temps pour
découvrir l’historique de ce lieu, ouvert au public pour la huitième fois.
Si les pierres pouvaient parler, elles nous raconteraient tout ce qui s’est passé dans cet Hôtel du quartier
Général (HQG) depuis plus de 130 ans.
Si les pierres pouvaient parler, elles évoqueraient ainsi les réjouissances organisées mais surtout des
périodes sombres de notre histoire.
Elles nous diraient aussi comment – de septembre à décembre 1914 – le ministre de la Guerre, replié
dans cet édifice, a connu des moments d’angoisse puis de soulagement en fonction de la situation
militaire ; et pourquoi en juin 1940, une partie de l’exécutif français en déroute est venu s’échouer ici.
Elles pourraient aussi se plaindre d’avoir subi l’Occupation dès le 30 juin 1940 et se réjouir d’avoir connu
le bonheur de la Libération en août 1944.
Vous verrez qu’à défaut de pouvoir prendre la parole, les pierres de l’HQG gardent la trace de ces
évènements heureux et malheureux.
Déjà à l’entrée, vous pouvez voir deux plaques indiquant le passage du général de Gaulle en juin 1940
(une sur le mur d’enceinte et une à droite du perron). Nous nous y attarderons par la suite.
I – PRESENTATION ARCHITECTURALE
Commençons si vous le voulez bien par une rapide présentation architecturale du lieu.
En 1873, la 18e région militaire est créée à Bordeaux. Elle regroupe les départements de la façade
Atlantique (Charente-Inférieure, Gironde, Landes, Basses-Pyrénées) et celui des Hautes-Pyrénées.
Son état-major, qui est aussi celui du 18e corps d’armée, est installé, au départ, à l’hôtel Dalléas
(aujourd’hui musée des Arts décoratifs, rue Bouffard).
La ville de Bordeaux (propriétaire de l’hôtel Dalléas) a, quant à elle, ses quartiers, rue vital Carles.
La bâtisse de l’état-major est peu commode et il s’agit d’une location.
Le ministère souhaitant installer de façon plus définitive cet état-major et la ville de Bordeaux y trouvant
son intérêt, les deux parties optent pour un échange de terrains : la mairie cède ses propriétés rue Vital-
Carles et reçoit en compensation ceux de la caserne Saint-Raphaël (dite caserne municipale, plus bas sur
cette même rue, à l’angle de la rue des Trois Conils) et ceux de la Manutention rue Mably, à proximité
du Marché des Grands Hommes.
C’est en 1878 qu’est signé l’accord entre le Ministère de la Guerre et la mairie de Bordeaux.
L’Hôtel du Quartier Général est construit entre 1883 et 1886.
Il est bâti dès l’origine pour abriter la fonction de quartier général au profit d’abord de la 18e Région
Militaire.
Sans signature ni architecte connu, c’est un édifice néo-classique qui a été conçu fort probablement par
les ingénieurs militaires de la chefferie de Bordeaux, élément du service du Génie de l’époque.
L’acquisition ultérieure de nouvelles parcelles de terrain aménagées progressivement en jardins
permettra de donner à l’hôtel du quartier général sa physionomie actuelle.
Le plan de masse du bâtiment montre clairement une organisation en deux parties distinctes.
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Chacune de ces parties se voit affectée une fonction particulière :
- sur la rue Vital Carles, face à nous, la façade principale qui assure la représentation symbolique de
l’autorité militaire. En somme, c’est la partie officielle
- de l’autre côté, donnant sur le jardin, la partie domestique (que l’on peut qualifier de privative).
Cette dichotomie se retrouve nettement dans les façades du bâtiment.
Face à nous, on voit bien la vocation militaire de ce lieu. Plusieurs symboles sont glissés par ci par là.
Regardez les bandeaux placés au-dessus des fenêtres et au sommet du bâtiment sous le drapeau.
Ce sont des faisceaux (sorte de fagots, d’origine romaine, symbolisant l’autorité) constitués en alternance
de feuilles de chêne et de laurier. Les feuilles de chêne signifiant l’autorité, les lauriers la gloire.
Le premier étage, qui est l’étage dit noble, présente des linteaux ornés de bandeaux de culs de lampe,
rappelant peut-être des boucliers (encore un symbole militaire).
L’avant-corps est surmonté d’un fronton triangulaire.
Le tympan de ce fronton présente de part et d’autre deux trophées composés de cuirasses, de casques,
d’armes et drapeaux autour d’un écu portant en son centre une figure qui peut être interprétée comme
une gorgone.
Cette figure est étrangement surmontée d’un caducée ailé. Il s’agit d’un attribut du dieu Hermès - La
symbolique : Primitivement, le caducée réalise le difficile équilibre de tendances antagonistes autour de
l’axe du monde (les serpents représentent le feu et l’eau, la baguette la terre et les ailes le ciel) : il fut
donc un symbole de paix.
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Quant à la figure de gorgone qui se trouve en dessous, il peut s’agir de la tête de Méduse, décapitée par
Persée, et offerte à Athéna, déesse de la guerre, qui en orna son bouclier.
Enfin, au-dessus de l’écu, une couronne constituée pour moitié de laurier et pour moitié de feuilles de
chêne renforce la solennité de l’HQG en soulignant la force et le pouvoir de son occupant.
La couronne vient de surcroît souligner la récompense et le mérite.
Les symboles rassemblés sur cette façade sont donc d’ordre guerrier (armes, étendards, fascines et
boucliers) et rappellent la vocation du lieu à accueillir une haute autorité militaire (feuilles de chêne et
de laurier). D’ailleurs, on retrouve encore de nos jours des feuilles de chêne brodées sur les képis et les
casquettes des officiers généraux.
Beaucoup plus pacifiques, les pommes de pin présentes sous le balcon sont sans doute une évocation de
la région, et plus particulièrement des Landes.
Comme vous avez pu le constater, l’avant-corps central accueille bien sûr l’entrée principale.
Une marquise en verre et fonte - aujourd’hui disparue - était suspendue sous ce balcon et protégeait le
perron des intempéries.
Je vous invite à présent à pénétrer dans le hall.
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LE PERRON
En montant les marches, vous pourrez remarquer, au seuil du perron, en regardant en bas à droite, que le
premier ventail donnant sur la cave a été en partie muré et comporte une grille d’aération d’origine
germanique. Nous découvrirons plus tard au cours de la visite l’histoire de cette cave, lieu caché de
l’hôtel.
LE HALL
Toutes les salles du rez-de-chaussée sont organisées autour de ce vaste hall dans un plan à six cases.
La distribution se fait donc via ce vestibule ou en enfilade d’une pièce à l’autre.
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Les salles de représentation se trouvent côté jardin (bureau du général, salon, salle à manger, de gauche
à droite depuis le vestibule). Le reste est occupé par des bureaux et par une salle faisant office de
bibliothèque.
Lorsqu’on pénètre dans ce hall, on ne peut s’empêcher de penser à tous ceux qui nous ont précédés et à
tout ce que ces murs ont vu et entendu. Car c’est un lieu de mémoire, témoin de notre histoire nationale,
où se déroulèrent des évènements graves, parfois terribles.
Ici même s’est dénouée une véritable tragédie – celui de l’écroulement de la France en juin 1940.
Mais avant d’aborder ces évènements, vous pouvez voir derrière vous des plaques de marbre où figurent
les noms de ceux qui ont exercé leurs fonctions ici.
Quelques-uns sont connus ou provoquent en chacun de nous quelques bribes historiques. Il y a bien sûr
le général Bigeard qui exerça ici ses dernières activités militaires sous l’uniforme avant d’être secrétaire
d’État auprès du ministre de la Défense fin janvier 1975.
Mais je souhaite davantage m’attarder sur le 2e occupant de ces lieux, à savoir le général Ferron.
Il est nommé général de division le 20 mars 1886, et placé à la tête de la 13e division d'infanterie et des
subdivisions de Bourg, Belley, Langres et Chaumont.
Il devient Ministre de la Guerre du gouvernement (ministre des armées aujourd’hui) de Maurice Rouvier,
du 30 mai au 4 décembre 1887.
C'est lui qui prendra la suite du général Boulanger au ministère de la guerre.
A son départ du ministère, il prit le commandement de la 43e division d'infanterie à Toulouse puis le 18e
corps d'armée à Bordeaux.
Il est élevé au rang de Grand officier de la Légion d'honneur le 30 novembre 1887 et décoré de la Médaille
militaire le 5 juillet 1893.
Le général Ferron a eu un rôle à jouer lors du règlement de la chute du général Boulanger (ce " général
de la revanche " connu pour ses propos belliqueux, ministre de la Guerre en 1886 et 1887, très populaire
à l’origine du boulangisme, mouvement politique français qui menaça la IIIe république).
II – PRESENTATION HISTORIQUE
Bordeaux, capitale de la France
Du général Ferron à la Première Guerre mondiale, il n’y a rien d’essentiel à signaler qui aurait pu
distinguer l’Hôtel du Quartier Général.
Seuls les deux conflits majeurs du XXe siècle vont brusquement projeter l’HQG dans l’histoire.
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A trois reprises, en l’espace de 70 ans, Bordeaux va devenir la capitale de la France : décembre 1870,
septembre 1914 et juin 1940.
Une capitale, certes provisoire, mais ô combien synonyme de défaite (1870), de combativité (1914), voire
de désastre (1940).
Le 4 septembre 1870, Bordeaux apprend la nouvelle de la capitulation de Sedan. Le jour même, la foule
accourue place de la Comédie met à bas la statue de Napoléon III érigée sur les allées de Tourny et
passant par les fossés du Chapeau-Rouge, va la jeter en morceaux dans la Garonne.
Le pays sort de six mois de guerre et de défaites, la misère domine, quarante-trois départements sont
occupés, 400.000 Français faits prisonniers. A l’intérieur du Palais de la Bourse, la plaque sur laquelle a
été gravée la phrase prononcée à Bordeaux en 1852 : « L’Empire c’est la paix ! » est descellée. Les rues
à dénomination impériale sont débaptisées.
Vers 22 heures, près de vingt mille bordelais sont présents quand le maire, Emile Fourcand, proclame la
République par deux fois, tout d’abord du haut du balcon de la préfecture, ensuite depuis le péristyle du
Grand-Théâtre.
Le lendemain, le maire revient sur le Cours du Chapeau-Rouge pour mettre en place comme préfet son
premier adjoint, Simiot, qui le 7 septembre transmet ses pouvoirs à son ami Amédée Larrieu.
1870-71 - Bordeaux capitale de la France
En 1871, Bordeaux est la capitale de la France. Présidée par son doyen d’âge, le comte d’Azy,
l’Assemblée nationale siège le 13 février au Grand Théâtre. Une fois de plus les Bordelais s’amassent
place de la Comédie pour acclamer Victor-Hugo, Thiers et Gambetta.
Alors que Paris est assiégée et affamée, les députés en résidence à Bordeaux mènent une vie de château,
les restaurants chics sont envahis. Les journaux satiriques parlent d’une « République enjuponnée » tant
nombre d’épouses, voire de maîtresse foulent le pavé bordelais.
Gambetta s’est installé en face du grand-théâtre, au grand hôtel de la Paix. Thiers quant à lui, s’installe
au 6 de la rue Esprit-des-Lois chez M. Ducru, propriétaire en Médoc du château Beaucaillou.
Le Café de Bordeaux (en bas à droite de l’hôtel) est à cette époque l’endroit très fréquenté où il faut être
vu. « Le tout-Paris s’y donnait rendez-vous. J’ai entendu là Louis Blanc faire des déclarations sonores
en faveur de l’Alsace-Lorraine et Victor-Hugo crier de tout cœur : Vive la République ! » (H.
Welschinger).
Les Parisiens regagnent la capitale …
Le 10 mars 1871, le gouvernement Thiers décide de quitter Bordeaux pour s’installer à Versailles, les
Parisiens regagnent la capitale et Bordeaux retrouve son calme, le maréchal Mac Mahon devient
président de la République.
Eté 1914 : après avoir traversé la Belgique, le Nord, la Somme et l’Aisne, les Allemands atteignent la
Marne et contraignent le gouvernement à quitter Paris. Bordeaux devient à nouveau la capitale provisoire
de la France.
Le jeudi 3 septembre, le président de la République Raymond Poincaré et le gouvernement dirigé par
René Viviani, sont accueillis dans la capitale de l’Aquitaine.
Le président s’installe à l’hôtel de la préfecture (Hôtel de Nesmond), un peu plus haut dans la rue Vital-
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Carles. Il y tient le Conseil des ministres.
Le Président du Conseil, René Viviani, siège pour sa part à l’hôtel de ville.
Quant au ministre de la Guerre Alexandre Millerand, il s’installe ici à l’Hôtel du Quartier Général
avec son cabinet. Des bureaux assurent la liaison avec le poste de commandement du commandant
en chef des armées, le général Joseph Joffre.
Son ministère s’installe, quant à lui, dans les locaux de la faculté de lettres et de sciences, cours Pasteur
(devenu depuis le musée d’Aquitaine).
Les heures sont difficiles, marquées par la tristesse, l’angoisse et l’attente des nouvelles du front.
L’activité au 29, rue Vital-Carles est ainsi très soutenue, notamment compte tenu de la mission
primordiale consistant à renseigner le Président de la République, le Président du Conseil et les cabinets
ministériels sur l’évolution de la situation militaire.
L’ambiance devient plus sereine après la victoire éclatante de la Marne le 9 septembre 1914. Il faut
souligner que c'est ici, dans l'une de ces pièces, que parvint le message du général Joffre annonçant cette
victoire.
Le 9 décembre 1914 marque le retour de tout le gouvernement à Paris. Le ministère de la Guerre, lui,
demeure à Bordeaux jusqu’au 7 janvier 1915.
Au cours des mois suivants, l’Hôtel du Quartier Général retrouve peu à peu une activité plus conforme à
ses fonctions militaires territoriales.
Quant au 18e corps d’armée1, il sera engagé pendant 4 ans sur divers théâtres d’opération.
Juin 1940 - Le repli du pouvoir en déroute à Bordeaux
Avec le second conflit mondial, l’histoire va à nouveau frapper aux portes du HQG, Bordeaux étant - à
la fin du printemps 1940 - " la capitale tragique " d’une France aux abois.
La France est en guerre avec l’Allemagne depuis septembre 1939.
Le 10 juin 1940, devant la poussée irrésistible sur la Somme et sur l’Aisne des unités de la Wehrmacht,
le gouvernement français quitte Paris.
Après une halte en Touraine, la pression allemande est telle qu’il faut d’urgence choisir un autre lieu
susceptible d’assurer aux pouvoirs publics une relative liberté d’action.
La décision est alors prise, comme en 1914, de s’installer à Bordeaux.
Le 13 juin, la préfecture de la Gironde, la mairie de Bordeaux et le commandement de la 18e région
militaire reçoivent des directives pour prendre " toutes les dispositions utiles " afin de loger les membres
du gouvernement et les cabinets ministériels.
Le lendemain, le 14 juin 19402, le général de corps d’armée Michel Lafont qui commande la 18e région
militaire depuis le 4 juin, cède les locaux de l’Hôtel du Quartier Général au président du Conseil Paul
Reynaud (qui cumule en plus de ses fonctions de chef du Gouvernement les portefeuilles de ministre de
la Défense nationale et des Affaires étrangères).
Paul Reynaud installe au HQG son bureau, son cabinet, ainsi que son logement au 1er étage.
Le général Lafont doit alors transférer ses bureaux du Quartier Général vers les locaux de l’état-major,
1 Pour info : chaque corps d’armée comprend deux divisions d’infanterie, une brigade de cavalerie, une brigade d’artillerie,
un bataillon de génie et un escadron du train des équipages. Environ 40 000 hommes dont 30 000 combattants en 1914.
Pour plus d’information : http://chtimiste.com/regiments/regionmilitairecestquoi.htm#_18e_R%C3%A9gion_Militaire_1
2 Le 14 juin 1940, les Allemands entrent dans Paris déclarée ville ouverte.
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implanté rue de Cursol.
Le président de la République Albert Lebrun s’installe, tout comme son prédécesseur Raymond Poincaré
en septembre 1914, à l’Hôtel de Nesmond, l’hôtel particulier du préfet de la Gironde.
Protégé par des barrages de gardes mobiles et de soldats sénégalais qui sécurisent de part et d’autre ses
accès, la rue Vital-Carles devient alors l’axe stratégique d’exercice du pouvoir et un pôle de convergence
pour de nombreuses personnalités politiques, économiques et militaires.
Pendant quinze jours, l’Hôtel du Quartier Général (qui est, de ce fait, devenu à titre provisoire « un Hôtel
Matignon bis ») voit, dans la fièvre et la précipitation, la conception et le lancement de mesures – parfois
illusoires - imposées par la situation.
LA SALLE DES PORTRAITS
Vous pouvez ici voir les portraits de tous les généraux qui ont commandé la région.
Au-dessus de la porte, une photo du général De Gaulle.
Nommé général de brigade à titre temporaire à compter du 1er juin, puis sous-secrétaire d’Etat à la Guerre
et à la Défense nationale le 5 juin, de Gaulle acquiert en ce début de mois de juin 1940 une stature
politico-militaire.
Suivant le gouvernement lors de son repli à Bordeaux, il séjournera assez peu dans la capitale de
l’Aquitaine (du 14 au 17 juin).
Ses bureaux, installés à la faculté de Droit (située à ce moment-là place Pey-Berland, face à la cathédrale
Saint-André) lui seront dès lors d’une faible utilité, à part le fait qu’ils lui permettront, à la suite de ses
va-et-vient, d’être très proche géographiquement du chef de l’État et du président du Conseil.
Après un entretien au Quartier Général, le 14 juin 1940 avec Paul Reynaud pour tester sa volonté de
continuer le combat, Charles de Gaulle se rend dans la nuit par voie routière à Brest.
Arrivé à Brest dans la matinée du 15, sa mission consiste à étudier la possibilité de créer une zone de
résistance en Armorique (de Pornic au sud de l'estuaire de la Loire à Dieppe), devant faire office de tête
de pont sur le continent (l’histoire a retenu ce projet sous l’appellation de " réduit breton ").
Le réduit breton / De Gaulle et l'espoir d'un « réduit breton »
Promu en mai 1940 général de brigade à la tête de la 4e division blindée, Charles de Gaulle ne peut
pourtant pas empêcher l'inexorable avancée de la Wehrmacht. C'est la débâcle partout. L'armée
française est désorganisée. Les réfugiés déferlent sur les routes. Le gouvernement de Paul Reynaud fuit
Paris déclarée ville ouverte le 10 juin, direction Tours puis Bordeaux.
Le 6 juin, de Gaulle a été nommé sous-secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale. Il prône
l'idée d'un « réduit breton » où se retrancheraient les troupes évacuées de Dunkerque et celles de retour
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de la bataille de Narvik (Norvège). La ligne de défense s'établirait du Mont Saint-Michel à l'estuaire de
la Vilaine, passant par Saint-Aubin-du-Cormier, Châteaubourg, Janzé, Bain-de-Bretagne, Redon...
Quimper serait la capitale administrative et politique. Le Quimpérois Gwenn-Aël Bolloré (un des 177
fusiliers marins du commando Kieffer qui débarquera en Normandie) raconte dans ses souvenirs de
guerre : « On parlait à la radio du réduit breton et quelques velléités de ce genre durent prendre corps,
puisque notre villa fut réquisitionnée pour loger une partie du gouvernement. En l'occurrence, nous
allions héberger Paul Reynaud. »
De Gaulle est envoyé à Rennes les 12 et 15 juin, afin d'y rencontrer les responsables militaires de la zone
Ouest. Les conciliabules se tiennent à l'état-major, rue de Corbin, dans l'hôtel de Boisgeffroi. Mais le
projet est vite abandonné devant la déferlante allemande. Paul Reynaud démissionne le 16 juin et est
remplacé par le maréchal Pétain.
Lors de sa seconde venue à Rennes, de Gaulle ne manque pas d'aller voir sa mère à Paimpont. Elle est
hébergée chez son fils Xavier, frère aîné du général, mobilisé à Coëtquidan comme officier de réserve
dans l'artillerie. C'est à Paimpont qu'ils ont vent de l'Appel du 18 juin, ainsi que le raconte Jean-Paul
Ollivier dans son livre Le Général de Gaulle et la Bretagne : « L'abbé Thouail se précipite vers un
groupe de gens devisant devant la boucherie et leur annonce, haletant : « A la TSF d'Angleterre, un
général français a parlé. Il a dit qu'il fallait continuer le combat et que rien n'était perdu... C'est un
nommé de Gaulle ! » [...] « Monsieur le curé, c'est mon fils que vous avez entendu. C'est lui, Charles
de Gaulle ! »
Madame de Gaulle décède d'une angine de poitrine à 80 ans, le 16 juillet 1940. Sa dépouille sera
exhumée du cimetière de Paimpont en 1949 afin d'être enterrée dans un caveau de famille à Sainte-
Adresse, près du Havre.
Acheminé par un contre-torpilleur, il arrive à l’aube du 16 juin à Londres. Là, il cherche à obtenir des
Anglais des capacités de transport maritime en vue de l’évacuation de troupes vers l’Angleterre ou
l’Afrique du Nord, mais surtout à préparer l’évacuation de Paul Reynaud et de tous ceux - parmi le
gouvernement - qui veulent continuer à se battre.
C’est alors que se met en place – en moins de 24 heures – un projet très audacieux : celui d’une union
totale entre la France et le Royaume-Uni pour la poursuite des combats.
Ce projet complet d’union politique avait pour objectif de prévenir la signature d’un éventuel armistice
franco-allemand et de rendre possible la poursuite de la lutte hors du territoire métropolitain.
En fin de matinée du 16 juin 1940, le général de Gaulle informe Paul Reynaud de cette proposition
d’union. L’accord du cabinet de guerre britannique est transmis à celui-ci, dans l’après-midi. Le texte,
qui doit être proposé au conseil des ministres à 17 h 00, est recopié par Paul Reynaud lui-même, sous la
dictée de Charles de Gaulle.
Mais ce projet d’union franco-britannique sera repoussé par le conseil des Ministres.
C’était – pour Paul Reynaud – sa dernière carte et, à l’issue de ce conseil qui va durer 3 heures, il
démissionne, laissant le terrain libre au maréchal Pétain et aux tenants de la demande d’armistice.
De retour de Londres, de Gaulle atterrit à Mérignac le 16 juin et il apprend que Reynaud a démissionné.
Il se rend aussitôt à l’HQG où Paul Reynaud le reçoit.
Il annonce confidentiellement à ce dernier son intention de continuer le combat en retournant en
Angleterre.
Afin de faciliter sa tâche, Paul Reynaud lui accorde 100 000 francs prélevés sur les fonds secrets et qui
lui seront remis le lendemain matin avant son décollage de Mérignac pour Londres.
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Même si son témoignage est à plusieurs égards subjectifs, le général Spears (que Churchill avait désigné
comme son délégué personnel auprès du président du Conseil français) a dans ses mémoires fait référence
au passage du général de Gaulle rue Vital-Carles ce soir-là.
Il déclare ainsi l’avoir découvert derrière l’une des colonnes du hall du HQG, dans la semi-obscurité,
pâle et légèrement angoissé, à l’issue de son entretien avec Paul Reynaud.
Spears, après être allé à son tour voir Paul Reynaud afin de connaître ses intentions suite à sa démission,
aurait retrouvé de Gaulle au même endroit.
Vu que le hall du HQG n’est pas un lieu propice à avoir une discussion discrète, Spears et de Gaulle
auraient quitté ensemble le HQG, de Gaulle faisant part à l’extérieur du bâtiment de son intention de
poursuivre la lutte en Angleterre et Spears lui proposant son avion le lendemain matin afin de se rendre
Outre-Manche.
Au matin du 17 juin, jour de son départ pour l’exil, de Gaulle fait un bref crochet à l’HQG.
Était-ce pour tenter de convaincre Paul Reynaud – en train de plier bagages - de le suivre (mais qu’il ne
trouva pas) ou tout simplement pour brouiller les pistes ? Cela reste un mystère.
Quoi qu’il en soit, c’est d’ici qu’il part vers Mérignac afin de s’envoler vers l’Angleterre.
Le lendemain deviendra une journée historique : son appel du 18 juin est le début d’une épopée, celle de
la France Libre, et annonce déjà la victoire de 1945.
La démission du président du Conseil Paul Reynaud, meneur jusque-là de tous ceux qui veulent
poursuivre la lutte contre l’Allemagne nazie, survenant le 16 juin, et son remplacement immédiat par le
maréchal Philippe Pétain3, partisan de la fin des hostilités, va marquer de manière symbolique l’histoire
du quartier général.
Dans la nuit du 16 au 17 juin, la France demande aux Allemands, par l’intermédiaire du gouvernement
espagnol, de mettre fin aux combats.
Le lundi 17 juin 1940, les nouvelles autorités gouvernementales arrivent à l’Hôtel du Quartier Général
après le départ de Paul Reynaud.
Le maréchal Pétain, dernier président du Conseil de la IIIe République, installe ses bureaux au rez-de-
chaussée de l’Hôtel du Quartier Général.
Il continuera cependant à loger à l’hôtel Desbarats au 304, boulevard du Président Wilson où il habite
depuis son arrivée à Bordeaux.
Le général Weygand, nouveau ministre de la Défense nationale tout en demeurant commandant en chef
des forces françaises, en profitera pour loger sur place et occuper avec ses services le reste de l’immeuble.
Le 19 juin à 06 h 25, la réponse allemande parvient à Bordeaux.
Berlin est prêt à exposer ses conditions mais il faut que les autorités françaises désignent des
interlocuteurs. Le général Huntziger, choisi pour mener la négociation des conditions d’armistice, est
reçu en fin d’après-midi au HQG par le général Weygand.
Deux jours plus tard, le 21 juin 1940 à 20 h 30, le général Huntziger appelle le HQG afin de communiquer
les clauses de la convention d’armistice voulues par les Allemands.
Dictés au téléphone, ces conditions sont étudiées et analysées dans une atmosphère fiévreuse à l’Hôtel
du Quartier Général par le maréchal Pétain et quelques-uns de ses ministres dans le bureau du général
3 Le maréchal Philippe Pétain est vice-président du Conseil et ministre d’État dans le gouvernement Paul Reynaud depuis le
18 mai 1940. Le 16 juin, sur la suggestion du Président du Conseil démissionnaire de le nommer, il est désigné par le Président
de la République vers 22 heures. Il constitue alors aussitôt le nouveau gouvernement.
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Weygand.
L’étude des exigences allemandes se poursuivra au cours de la nuit du 21 et 22 juin et dans la journée
qui suit à l’hôtel du Préfet.
Les amendements que les autorités françaises souhaitent faire passer sont pratiquement tous repoussés
et, face aux injonctions allemandes d’accepter ou de refuser tel quel l’armistice, un ordre officiel donnant
un blanc-seing à la délégation française part du Quartier Général le 22 juin en fin d’après-midi.
Le 22 juin à 18 heures, l’armistice est signé mais ne prendra effet que le 25 juin.
Le 29 juin, le gouvernement doit quitter Bordeaux, désormais incluse dans la zone d’occupation, pour se
regrouper à Vichy le 1er juillet 1940.
L’Occupation
Les Allemands arrivent à Bordeaux le 30 juin 1940, avec à leur tête le colonel Kreschner. L’un de leurs
principaux objectifs est la prise de possession du HQG.
Le 30 juin, le général Lafont accueille dans la dignité et la douleur le commandant de la 7e armée
allemande, le général d’infanterie Von Kleist qui s’installe à l’HQG.
Le général Ewald Von Kleist, qui s’est illustré au cours de la campagne de France à la tête du Panzer
Gruppe n°1 portant son nom (Gruppe Kleist), aurait été la première haute autorité allemande à séjourner
ici.
Courant juillet, il laissera la place au général Moritz Von Faber du Faur nommé Stadtkommandant
(commandant d’armes) de Bordeaux dès le 1er juillet 1940.
La Stadtkommandantur est pour sa part installée à proximité, place Pey-Berland à l’hôtel Ballande.
Au cours des mois suivants, le HQG ne joue pas un rôle de premier plan et connaît – hormis les travaux
d’aménagement d’un abri bétonné dans la cave - un certain calme jusqu’en août 1944.
RETOUR DANS LE HALL
Je pense que vous avez pu apprécier la densité des évènements qui se sont passés ici au cours de la
deuxième quinzaine du mois de juin 1940.
Nous avons essayé d’aller à l’essentiel, de faire au plus simple et le plus objectivement possible.
L’enchevêtrement des questions posées, la dégradation de la situation militaire, le climat passionné des
entretiens autant que le peu de documents laissés aux historiens ne facilitent pas cette tâche.
Ces journées de juin 1940 à Bordeaux attestent bien que l’histoire s’écrit parfois en lignes brisées et en
fonction des intérêts des uns et des autres…
Et pour illustrer ces folles journées, je voudrais vous raconter une anecdote.
Suivant le désir exprimé par la compagne du président du Conseil Paul Reynaud, la comtesse Hélène de
Portes, les murs de l’appartement privé situé au 1er étage furent recouverts de satin blanc.
N’occupant les lieux que du 14 au 16 juin, Paul Reynaud et la comtesse de Portes n’en profiteront guère.
Ensuite, c’est le général Weygand qui s’installera dans cet appartement de fonction durant moins de 15
jours.
Enfin, dès le 30 juin 1940, ce sont les Allemands qui bénéficieront en dernier lieu de cette réfection
précipitée. Et l’on prétend même qu’ils reçurent la facture à acquitter pour ces travaux de réfection !
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La Libération
Dans l’après-midi du 28 août 1944, jour de la libération de Bordeaux, les colonels FFI Druilhe et
Moraglia arrivent au HQG et entreprennent aussitôt de mettre en place un commandement militaire
régional.
Tout est à faire ; les moyens d’alors sont dérisoires et les difficultés nombreuses. D’ailleurs, la
désignation du nouveau commandant de région ne sera véritablement effective – après de nombreux
soubresauts – qu’à partir de la visite de Charles de Gaulle, alors chef du Gouvernement provisoire, à
Bordeaux le 17 septembre.
FFI et armée régulière ne sont dès lors plus confondues. En effet, à partir de ce moment, le cabinet du
colonel commandant la région demeure seul rue Vital-Carles, l’état-major de la 18e région étant transféré
rue Vauban et celui de l’état-major départemental des FFI place de la Comédie.
A la fin de l’été, les nouvelles autorités militaires vont s’efforcer de :
- participer à l’effort de reconstruction de l’autorité gouvernementale ;
- enrôler dans des unités régulières des maquisards, tout en procédant à leur désarmement ;
- poursuivre le combat contre l’ennemi, notamment à la Pointe de Grave jusqu’en avril 1945 ;
- surveiller la frontière avec l’Espagne ;
- assurer l’internement de prisonniers allemands (plusieurs camps sur la région militaire).
LE BUREAU DU GENERAL
Dans toutes les salles, les boiseries, les cheminées, les parements et la serrurerie sont de style
néoclassique, en accord avec l’esprit architectural du bâtiment.
Les palettes de couleurs employées et installées dans chaque pièce sont elles aussi dans cet esprit.
Le plafond est ici décoré de corniches abondantes, avec un médaillon en applique dans les angles. Le
plancher de ce bureau et des deux autres pièces en enfilade est en parquet posé en chevrons.
L’étendue des responsabilités assurées depuis ce bureau a beaucoup varié au fil du temps.
Jusqu’au 31 juillet 2011, il était occupé par le commandant de la région terre Sud-Ouest, officier général
de corps d’armée de l’armée de terre.
Depuis le 1er août 2011, ce sont des officiers généraux de l’armée de l’air qui assure les fonctions
d’officier général de la zone de défense et de sécurité Sud-Ouest. Le GCA Rondel est en parallèle le
commandant des forces aériennes de l’armée de l’air (543 unités réparties sur le territoire métropolitain
et partout dans le monde avec 23 048 personnes).
Le commandement des forces aériennes est chargé de :
- préparer des forces ayant des capacités militaires conventionnelles, spéciales et d’appui conformes aux
contrats opérationnels ;
- former et d’entraîner des forces aptes à remplir, dans un cadre national, interallié ou international, des
missions :
aériennes de renseignement, de transport, de projection et de combat ;
de soutien technique et logistique à vocation opérationnelle ;
d’appui à l’engagement ;
de surveillance et de contrôle de l’espace aérien ;
de sécurité et de protection-défense, intégrant la défense sol-air ;
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de recherche et de sauvetage, notamment au combat.
LA SALLE A MANGER
Cette pièce sert à l’organisation de nombreuses réunions de travail.
LE SALON
Pouvant faire office d’antichambre au bureau du général ou au jardin ou de lieu de réception, ce salon
présente une grande fonctionnalité.
N’y-a-t-il pas quelque chose d’étonnant dans cette pièce ?
Regardez du côté de la cheminée et vous remarquerez qu’il y a, à la place de l’habituel conduit
d’évacuation de la fumée, une fenêtre !
Et pourtant, cette cheminée peut fonctionner car elle bénéficie de part et d’autre d’un conduit excentré.
Cette solution technique rend ainsi possible la présence bienvenue d’une fenêtre au centre de cette pièce.
CÔTE JARDIN
Nous voici à présent dans le jardin du HQG où nous accueille un quintet issu de la musique des
parachutistes de Toulouse.
Vous pouvez remarquer que la façade arrière est conçue comme une façade domestique, beaucoup plus
épurée que la façade de représentation donnant sur la rue Vital-Carles.
On voit bien aussi l’avant-corps central en forme de demi-hexagone sur toute sa hauteur et l’intérêt
esthétique à éviter qu’un conduit de cheminée (cheminée vue de l’intérieur tout à l’heure) ne vienne
aveugler cet espace.
Cette façade arrière est nettement moins large que celle de l’avant. Les largeurs différentes d’un côté à
l’autre (35 et 24 mètres) s’expliquent par la forme irrégulière de la parcelle, qui n’a pu être acquise en
totalité.
La typologie de l’hôtel particulier ne permettant pas d’accoler le bâtiment à une limite de propriété, le
concepteur a choisi de créer un décrochement pour répondre à celui du terrain côté nord.
Son pendant côté sud est justifié par le seul souci de symétrie.
LES CAVES
Des traces d’un sommaire abri contre les bombardements aériens aménagés à cette époque par les
Allemands subsistent : les portes blindées, les murs renforcés, l’installation de bouches d’aérations.
Une porte d’époque laisse penser qu’ils avaient également prévu un cachot ou geôle.
Voilà, nous arrivons au terme de notre parcours.
J’espère que vous avez pu apprécier cette visite de l’Hôtel du Quartier Général qui, fidèle à sa vocation,
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reste encore le symbole pérenne de la présence militaire en Aquitaine.
EXPOSITIONS (à découvrir au cours de la visite)
LIVRE D’OR (juste avant de quitter l’emprise).
Merci de votre visite.
Descriptif de la bataille de Denain, représentée par l’immense tableau situé dans l’escalier central
du HQG.
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Au centre : Claude Louis Hector de Villars – Peintre : Raymond Monvoisin – 1835 – Dimension : 462
× 545 cm – Propriétaire de l’œuvre : le musée des Beaux-arts de Bordeaux.
La bataille de Denain, qui eut lieu le 24 juillet 1712, est un épisode décisif de la guerre de Succession
d’Espagne 3. Elle se solde par une victoire inespérée des armées françaises commandées par le maréchal
de Villars sur les Autro-Hollandais du prince Eugène. Elle permet après plusieurs défaites françaises de
négocier une paix favorable.
Denain : commune française de la banlieue de Valenciennes, dans le département du Nord. Ancienne
capitale du charbon et de l'acier, la ville est située au cœur du bassin minier.
La bataille de Denain, qui eut lieu le 24 juillet 1712, est un épisode décisif de la guerre de Succession
d'Espagne3. Elle se solde par une victoire inespérée des armées françaises commandées par le maréchal
de Villars sur les Austro-Hollandais du Prince Eugène. Elle permet après plusieurs défaites françaises de
négocier une paix favorable.
Contexte : la guerre de Succession d’Espagne.
La guerre de Succession d’Espagne fait rage depuis 1701, la France est dans une période noire sur les
plans financier et militaire. Les victoires du maréchal de Villars à la bataille de Friedlingen (1702) et à
la bataille d'Höchstadt, en début de guerre, ont été suivies de défaites sans précédent : les alliés ont à leur
tête le prince Eugène et le duc de Marlborough. De plus Villars, qui doit se rendre dans les Cévennes
pour étouffer la révolte des Camisards, est remplacé par Tallard.
En 1708, après la déroute d’Audenarde, la presque totalité des places fortes du Nord de la France sont
sous le contrôle des Austro-Anglais coalisés. À cela s'ajoute une crise économique (l'hiver 1709 est l'un
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des plus rigoureux de ce début de siècle) entraînant famine et surmortalité. Les caisses de l’État sont
pratiquement vides et la population est soumise au lourd fardeau de l’occupation ennemie.
Le commandement de l’armée du Nord est rendu au maréchal de Villars. Celui-ci ne perd pas de temps
et œuvre à sa réorganisation. Les coalisés, pressés d’en découdre, reprennent l'offensive et le 11
septembre 1709, c’est la bataille de Malplaquet. L'armée française est vaincue mais se retire en bon ordre
après avoir infligé aux ennemis au moins le triple de ses pertes, sauvant la France d'une invasion. En
1710 la situation se stabilise, la politique britannique semble s’infléchir : sous la pression des pacifistes,
Marlborough est destitué.
La campagne de 1712
En mai 1712, dans ce contexte calme mais fragile Villars décide de reprendre l’offensive. Les alliés
anglo-bataves sont installés le long de la Scarpe entre Douai et Marchiennes, où est situé le dépôt de
ravitaillement. Ils occupent Denain et Landrecies. Plus tard les Anglais trahiront leurs alliés austro-
hollandais, se repliant soudainement sur les ordres secrets de Londres. Les Français rassemblent une
armée de 200 000 hommes sur la frontière du Nord, s’étirant d’Arras à Cambrai. Villars veut ainsi
contrôler toute offensive ennemie sur les places de Condé-sur-l'Escaut, Valenciennes et Le Quesnoy. Au
mois de juin, Eugène de Savoie prend l’initiative et s'empare du Quesnoy. Le clocher d’Avesnes-le-Sec
est incendié le 17 juillet 1712. Pendant ce temps Eugène de Savoie renforce le camp de Denain par une
ceinture de fortifications. Devant l'impatience de Versailles, Villars doit tenter quelque chose pour
reprendre l’initiative.
Le moulin d'Avesnes-le-Sec, le 23 juillet 1712
Les troupes françaises sont au sud du Cateau à Mazinghien. Après un examen minutieux du dispositif
ennemi, Villars décide dans le plus grand secret de porter son attaque à Denain, grâce aux conseils du
magistrat français, Lefebvre d'Orval, conseiller au Parlement de Flandres qui connaît bien la région et à
la tactique de son second Pierre de Montesquiou d'Artagnan. Des cavaliers sont envoyés tout le long de
la Selle, pour prendre possession des ponts. Ainsi, un détachement arrive à Haspres et prend position
dans la soirée du cours du moulin, bloquant ainsi le franchissement de la rivière. Dans la nuit les troupes
se mettent en marche, elles prennent la direction de Landrecies où se trouve le prince Eugène. Cette
manœuvre de diversion a pour but d’obliger les alliés à se renforcer sur ce point et ainsi alléger leur aile
droite à Denain. L'ennemi mord à l’appât.
À l’aube, Villars fait pivoter le long de la Selle son armée et la dirige en 3 colonnes vers Denain. À cinq
heures du matinnote 1, Villars et ses principaux lieutenants établissent leur plan d'attaque à Avesnes-le-
Sec ; ils choisissent le moulinnote 2 comme point d'observation de la plaine environnante. À 7 h 00 les
fantassins français sont à Neuville-sur-Escaut. Aussitôt, l'ordre de franchir les ponts enjambant l’Escaut
est donné. À 8 h 00, les alliés sont étonnés de la présence française dans le secteur. Albermarle fait
prévenir Eugène. Celui-ci ne s'inquiète pas de la situation. À 13 h 00 l'assaut de la palissade de Denain
est donné. Les sapeurs, haches en main, entraînent l’infanterie qui se rue sur l’ennemie baïonnette au
canon.
Les alliés, pris de panique, s'enfuient et encombrent le pont du moulin, qui s’écroule sous leur poids,
entraînant ainsi la noyade de centaines de fantassins. Eugène, parti trop tard, tente de franchir l’Escaut à
Prouvy pour secourir Albermarle. Sous le commandement de prince de Tingry, des régiments français
venus en renfort parviennent à repousser pendant plusieurs heures les assauts des Autrichiens ; enfin, la
journée déclinant, les Français font sauter le pont pour empêcher qu'il ne tombe aux mains de l'ennemi.
Sur son flanc gauche, Eugène est bloqué par l'Escaut et ne peut contre-attaquer pour prendre Denain qui
reste donc aux mains des Français.
Conséquences
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Cette victoire est une étape décisive dans le règlement de la guerre de Succession d'Espagne où le petit-
fils de Louis XIV, Philippe V d'Espagne et l'empereur Charles VI du Saint-Empire se disputent le trône
d'Espagne.
Cependant, au soir de la bataille, rien n'est joué et le succès de la fin de la guerre dépendra des opérations
qui se dérouleront dans les jours suivants, et qui conduiront les Français à reprendre en quelques mois
les places fortes que les alliés avaient mis deux ans à conquérir