dijon bourgogne HORSD’OEUVRE · avons fait entendre un commissaire-priseur américain qui a ......

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HORSD’OEUVRE le journal de l’art contemporain, oct. 2013 - mai 2014 dijon bourgogne france europe ... n ° 32 www.interface-art.com LES SOCLES DE L’ART Couverture : B.B.B.D.P. 5/1 (The bit by bit drawing power) © Olivier Nerry, octobre 2013

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Couverture :B.B.B.D.P. 5/1 (The bit by bit drawing power)© Olivier Nerry, octobre 2013

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« L’encyclopédie de la parole » est un projet collectif initiéen 2007 par les Laboratoires d’Aubervilliers. Il réunit despoètes, musiciens, commissaires d’expositions, artistes,producteurs, constituant une sonothèque originale : poésiesonore, clashs télévisuels, documents ethnographiques,séminaires de philosophes, interviews, enregistrementspersonnels, extraits de films… « L’idée de départ était de rapprocher des paroles artistiqueset non artistiques, la poésie comme la parole quotidienne, etde montrer comment des phénomènes qui ont des intentionsd’art, poétiques ou théâtrales, peuvent se retrouver dans destypes de parole qui à l’origine n’ont pas ces intentions-là. Parexemple, dans l’émission de Thomas Baumgartner, nousavons fait entendre un commissaire-priseur américain qui aune parole incroyable, très ciselée, mais qui ne se revendiquepas comme étant artistique. C’est ce genre derapprochements qui nous intéresse. » 1

Cadences, intonations, mélodies, timbres, accentuations,répétitions, chacun des tons est indexé et cet ensemble donnelieu à des performances, expositions, articles, jeux (sur leprincipe du blind-test) et surtout un site Internet(http://www.encyclopediedelaparole.org), devenu laplateforme d’écoute de la collecte. Chorale, par exemple, est un ensemble vocal parlé quiinterprète ponctuellement le répertoire de l’encyclopédie de laparole tandis que Parlement est un solo pour une actricecomposé d’extraits de la même base de données. Cesenregistrements ont fourni la matière d’une écriture théâtraleparticulière, procédant par montage d’une compositionsonore. « En faisant se succéder une centaine de voix àl’intérieur d’un même corps, celui d’Emmanuelle Lafon,Parlement génère un discours transformiste et poétique,traversé par la diversité de la parole humaine » 2.La démarche artistique consiste à se mettre en quête defigures et d’événements connus ou méconnus, oubliés ouvolontairement passés sous silence, ultra-médiatisés ouphénomènes de société. Au gré de ses différentes rencontreset découvertes, le collectif accroit sa base de données etdocumente de manière inédite et lacunaire un pan de notremonde « sonore », réunissant des « genres » de parole.Chaque entrée sémantique mène à un corpusd’enregistrements aussi inattendu que pertinent, toujours en

construction : dans « cadence », on peut passer d’uneTahzzabt récitée par un chœur berbère du Haut-Atlas à unextrait d’un cours sur le Biopouvoir prononcé par MichelFoucault au Collège de France. On peut poursuivre avec unextrait d’une déclaration à la presse en marge du procèsClearstream (2009) de Dominique de Villepin, ralentissantrégulièrement le rythme de sa prose, hachant les mots,découpant syllabes sur syllabes pour finalement s’envolerdans une tirade dont il a seul le secret : « Nicolas Sarkozyavait promis de me pendre à un croc de boucher. (silence) Jevois que la promesse a été tenue ». On peut égalementécouter les psittacismes d’une liturgie catholique, extrait del’émission La Messe sur France Culture en 2011 qui offrent untroublant écho à l’extrait de la cérémonie d’investiture deBarack Obama en 2009 (I, Barack Hussein Obama). Enayant uniquement les sons, l’auditeur se concentre plusfacilement sur la scansion et la structure des mots, sur laponctuation et notre capacité de fabriquer des images àl’écoute d’orateurs, personnalités charismatiques et locuteursplus ou moins habiles. On peut penser ainsi au sémillant JulienLepers dans une lecture de question de l’émission Questionspour un champion, cherchant à faire découvrir la célèbreavenue parisienne des Champs-Élysées… jusqu’auxspectaculaires diérèses respectées à la lettre de FabriceLuchini, s’émancipant de son cadre attribué avec la force etl’humour qu’on lui connait. « Ce sont ces moments-là qui nousintéressent, à la radio comme ailleurs : quand la paroledevient saillante, sort du cadre ou de l’ordinaire, quand il y aquelque chose qui sort de l’étalon de parole. » 3 poursuit JorisLacoste, l’un des membres du collectif, artiste protéiforme,metteur en scène, dramaturge, auteur, artiste plasticien. Laparole, et notamment les formes qu’elle peut prendre, resteson matériau de prédilection. Dès ses premiers textes dethéâtre et de radio, dès ses premiers spectacles, il opère destranslations, il triture la voix et le verbe, sa forme, son sens etsa fonction.

Il y a dans cet essai la volonté d’aller plus loin que la simplesélection « sonore » du Voyager Golden Record. Ce disque aembarqué à bord des deux sondes spatiales Voyager (1977).Il contient des sons et des images sélectionnés pour dresser unportrait de la diversité de la vie et de la culture sur Terre, et

L’enregistrement de la paroleou la réponse de l’autre

est destiné à d’éventuels êtres extraterrestres qui pourraient letrouver. Tout un symbole. Parmi les enregistrements, ceux dumot « Bonjour » dans une multitude de langues, des extraitsde textes littéraires et une sélection musicale issue dedifférentes cultures et époques (Bach, Beethoven, Mozartévidemment, mais aussi une chanson aborigène d’Australie,des percussions du Sénégal, un chant d’initiation d’une fillePygmée du Zaïre, Johnny B. Goode, écrit et interprété parChuck Berry, de la flûte de Pan et tambour du Pérou…). LaNASA a nommé un comité de sélection afin de constituer lecontenu du disque. « E.T. voici ma compile ». On repenseégalement aux préoccupations d’un John Giorno, désireux derendre la poésie accessible à la culture de masse, de mêmesdes enregistrements continus du réel avec le travail visuel etsonore effectué par Jonas Mekas, qui résonnent comme desfigures tutélaires. Le projet n’est pas sans évoquer égalementl’exposition d’Harald Szeemann « Quand les attitudesdeviennent forme » en 1969 4. Le commissaire de l’expositionnota dans le journal qu’il tenait : « Plus les artistes arrivaient,moins nous faisions de choses. La Kunsthalle est devenue unforum de discussion, un lieu de rencontre ». Pour HaraldSzeemann, la fabrication d’une exposition est basée sur uneintuition personnelle appelée « intention intensive », pas surl’histoire de l’art, ni l’esthétique. L’art est une attitude, celapeut arriver partout, pas nécessairement dans un musée nidans une institution. Szeemann a dit que nous nous figurionstoujours le passé à travers ses objets, son style. Maintenant,nous verrons le passé à travers son intensité. C’est sensiblement la même énergie que nous retrouvons dansla sélection de l’Encyclopédie de la parole, une attentionéveillée de noter l’élargissement du domaine de la parole viales réseaux sociaux et les plateformes de vidéos devenuescaissons de résonnance mondiale. Cette encyclopédieparvient dans le temps et la diversité de ses choix à formulerl’épistémè de la parole d’une époque, chacune de ses prisesde paroles, de ses prises de positions renvoie à une façon depenser, de parler, de se représenter le monde, qui s’étendraittrès largement à toute la culture, de « faire le tour de laquestion » pour revenir à l’étymologie du mot encyclopaedia.« Ce que je cherche dans la parole, c’est la réponse del’autre. » 5

L’Encyclopédie est en train de trouver une réponse…

Julien BLANPIED

1. Joris Lacoste dans http://www.syntone.fr/article-la-parole-au-centre-entretien-avec-l-encyclopedie-de-la-parole-67707365.html2. Idem.3. Idem.4. LIVE IN YOUR HEAD: When the Attitudes Become Form. Works, Concept,Processes, Situations, Informations (Kunsthalle Bern, 1969).5. Jacques Lacan, Écrits, Édition Seuil, 1966.

* Ce texte n’a, à dessein, pas de cohérence interne.Les artistes ont parfaitement compris que « medium is the message » :

1. À l’heure de la postmodernité, de l’altermodernité ou de l’hypermodernité, selonles humeurs, ils ne veulent plus s’enfermer dans une théorie, un programme écritnoir sur blanc, simplement annoté et amendé au fil du temps. Les créateurscontemporains évoluent dans un espace-temps mobile et doivent eux-mêmes fairepreuve de mobilité s’ils veulent rester pertinents quant au monde dont ilssouhaitent parler. Le temps des moines stakhanovistes façon Opalka et Burensemblent, pour le meilleur et pour le pire, révolus. Les artistes, devenusmultimédias, déclinent leur vision selon plusieurs plateformes. Le cas d’un jeuneartiste comme Alex Israel est de ce point de vue parlant, puisque l’essentiel de sontravail est délivré par une websérie, des interviews de stars (c’est lui qui pose lesquestions), des peintures représentant des couchers de soleil (qu’il n’a du restepas réalisées lui-même) et une marque de lunettes de soleil. Dès lors, la lecture deson œuvre est à faire en creux, en négatif, sans pour autant que la cohérence del’ensemble échappe au récepteur. Des personnages surfeurs, des has-been sur leretour parlant de leur mode de vie, et l’accessoire-clé du style de vie californien,associés aux peintures abstraites/décor de cinéma chacun des surgissements del’artiste est comme une note de musique qui toutes assemblées forment un accordparfaitement compréhensible. L’artiste a simplement choisi de laisser son travailparler pour lui.

2. Il s’agit pour eux de se protéger à la fois de l’emprise des anciens, mais aussi duridicule de l’Histoire. Écrire des manifestes, faire du texte une œuvre d’art, placarderson avis à des fins politiques et sociales. Tout cela semble bien académique auxdernières générations qui se reconnaissent peu dans cet engagement total del’artiste. Les déclarations des artistes théoriciens avaient souvent valeur deprophétie. Kandinsky, Marinetti, Mondrian, Weiner, Atkinson, et Kosuth, d’unecertaine manière, avaient chacun l’ambition de faire bouger les curseurs, d’influersur la société. À une époque caractérisée par le pessimisme et le relativisme, écrireune bible peut sembler hors de propos, même lorsque l’on pense que l’art est endemeure de proposer l’inattendu. Force est de constater que les personnessusmentionnées, si elles ont laissé un tatouage indélébile sur la peau de l’art, ont

Le medium et le messagedans les grandes lignes, échoué à révolutionner le monde et peuvent tout au plusêtre considérées comme les collaborateurs secondaires de mouvements bien plusvastes. Rédiger un texte qui prévoit par avance ce que l’on doit faire induit unemoralisation de l’acte artistique et une subordination de la pratique à la loi, qui cadremal avec l’état d’esprit ultramoderne plutôt tourné avec la réaction au monde et lepragmatisme – je schématise, bien entendu.

3. L’époque, aussi, est aux intermédiaires. L’écrit, et par extension le logos, estdevenu la chasse gardée de toute une foule d’intercesseurs qui cherchant, à existerpar eux-mêmes et à sortir de l’ombre des seuls indispensables, firent acte depropriété sur la rédaction. Bien des artistes s’en trouvent soulagés : fournir untexte revient pour beaucoup à admettre que l’œuvre est insuffisante, dépendanted’un adjuvant, se séparant ici d’un des constituants de l’ADN de l’art contemporain,la sacro-sainte autonomie.

4. Les artistes ont cessé de revendiquer la propriété absolue du sens de leur œuvreet ont parfaitement compris que laisser travailler les tiers, c’est aussi laisser éclaterle sens. Dans un monde ultra communicationnel, dont les mots-clés sont « opensource », « shareware » « réseau social », autoriser l’appropriation de sa propreœuvre par d’autres est un enjeu contemporain capital, une obligation tacite. Cecipeut être envisagé comme une conséquence du travail critique fourni par lesartistes eux-mêmes. Duchamp et Warhol ont notamment établi que la part deresponsabilité de l’artiste dans la création d’une œuvre d’art était sérieusement àreconsidérer. Le premier prenait acte du caractère conventionnel, programmatiquede l’art, mais aussi du fait que l’artiste n’est en rien totalement libre, ni totalementcréateur. Le second pensait que l’artiste étant le produit de son temps, même l’idéeà l’origine de l’art ne peut être revendiquée comme propriété de l’artiste, celle-ci luiayant été soufflée par l’air du temps, ou bien des tiers en chair et en os. Dès lorsla figure du démiurge, faisant surgir l’or du néant, n’a pas plus cours et semble êtrele relent désuet d’une époque terminée de l’art. L’artiste, au somment du trianglede Kandinsky, est descendu de son piédestal et a retrouvé sa qualité d’hommecomme les autres.

Nicolas-Xavier FERRAND

être prises ou enregistrées, celles que notremémoire collective n’a pas retenues, cellesque l’on s’interdit de montrer par pudeur ousouci de l’autre… ». MKA exhume, crée oumasque volontairement ces images. C’est icique l’artiste, à l’inverse du chercheur, est librede se déporter. En choisissant une narration etune esthétique propre à son objet, il le placeen dehors des purs faits que présentel’historien pour l’orienter vers sa destinationlogique, le lieu d’exposition. L’Histoire sur laquelle s’appuie MKA estégalement indissociable de son expériencepersonnelle et familiale. Né en Guyane, il setrouve pour la première fois à 15 ansconfronté au déplacement obligatoire vers lamétropole s’il veut poursuivre ses études. Sesœuvres se ponctuent d’allers-retours entre lecercle familial et les faits historiques. Il exposeainsi à l’occasion de « Kannibalen » auKunstverein de Bielefeld en 2013, des vues del’inventaire d’objets africains appartenant àson grand-père, l’entomologiste ÉmileAbonnenc. Cette manière de mettre en récit

l’Histoire a l’avantage d’impliquer plusfortement le spectateur en offrant un meilleurpotentiel d’identification. L’artiste, quant à lui,se retrouve plus libre d’utiliser son matériaucomme il le souhaite. On reproche parfois à MKA d’user dedidactisme. Loin de s’en défendre, ilrevendique en partie la valeur pédagogiquedont peuvent se charger ses travaux. Encherchant à réhabiliter une Histoire peu oupas connue, il tente d’informer le spectateurd’événements absents ou tronqués desmanuels scolaires ou des médias. De plus, sesmatériaux de base comme le cinéma et lesrevues militantes de l’époque ont pourfondement même des principes didactiquesqui leur permettent de diffuser leurpropagande. L’artiste se permet d’ailleursd’en jouer presque ironiquement quand ilnomme son exposition à la galerie MarcelleAlix à Paris en 2011 : A minor sense ofdidactism.

Aurélien PELLETIER

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Langage à être regardé et/ou choses à être lues *

Les derniers projets filmiques de l’artiste Redmond Entwistle observent, entre documentaireet fiction, le tournant vers le langage à partir de la fin des années 60 en déconstruisant lesmonuments, agrégats des sédiments de l’histoire, qu’il s’agisse des artistes, de leursproductions ou de leurs discours. Cette recherche émane « d’un désir de comprendre notreobsession, la mienne incluse, pour les documents de pratiques éphémères et la nature decette nostalgie » 1. Monuments, réalisé en 2010, ramène d’entre les morts Robert Smithson, Gordon Matta Clarket Dan Graham. Nous les suivons dans une déambulation dans le New Jersey où ils discourentou discutent. Leurs paroles proviennent de leurs propres textes et interviews. Des plans deslivres cités passant au Xerox sont montés en parallèle au début du film ; une manière designifier au spectateur que les paroles prononcées appartiennent au discours sur l’art.Redmond Entwistle met en place un dispositif qui permet une mise à distance avec ladimension mythique des artistes et de leur discours révélant la narration en palimpseste surle New Jersey. Le jeu de la résurrection est accentué par des artefacts parfois peuconvaincants (la perruque de Robert Smithson en particulier) qui posent d’emblée les acteursen caricatures. L’affectation de la déclamation des textes écrits, en décalage avec labanalité du paysage suburbain traversé produit un effet comique, en particulier lorsque, surleur chemin, des quidams (une femme promenant son chien par exemple) prolongent ladiscussion avec la rhétorique des critiques d’art ayant interviewé les artistes.Le film dessine au delà du discours une cartographie à la fois concrète et spéculative duNew Jersey par le croisement de leurs trois perspectives. Redmond Entwistle a travailléplusieurs fois sur le New Jersey ; il partage avec les artistes invoqués un double rapportcritique et intime avec ce territoire (ses grands-parents y habitent) ; Robert Smithson y est néet Dan Graham y a grandi. Or, comme Gordon Matta Clark, originaire de New York, leurtravail sur ce territoire émanait d’un intérêt spécifique pour les dynamiques urbaines, entrecentre et périphérie.Walk Through (2012) est une prolongation du questionnement sur le discours. Entwistleprend pour sujet le mythique Post-Studio de Michael Asher à CalArts qu’il a lui-même

Monuments, Redmond Entwistle, 2010, Courtesy of Redmond Entwistle and LUX, Londres

Mathieu Kleyebe Abonnec, Ça va, ça, on continue, 2012, double projection synchronisée, son, HD, 28’40’’

fréquenté à la fin des années 90. Il a interviewé d’anciens participants du cours puis a faitrejouer les textes par des acteurs en recréant un Post-Studio fictif. Ces plans sont montés avecdes images d’archives de CalArts et de la classe de Asher reprenant une forme dedocumentaire stéréotypé (mouvement de caméra dans les images, voix off dramatique)rappelant vaguement le style des Hollywood stories. Les films précédents d’Entwistle sur Belfast (Belfast Trio, 2009) ou sur le New Jersey (Paterson– Lodz, 2006, Skein, 2008) tendent à dévoiler des aspects structurels de territoiresgéographiques spécifiques. Dans Monuments, il s’agissait de montrer la réitération du récitmoderniste dans cette recherche de l’authenticité dans les marges, de la périphérie urbainevers le centre. Dans Walk Through, le territoire a été conçu en fonction de ses structuresidéologiques. L’école CalArts a incarné à ses débuts l’utopie d’une nouvelle approchepédagogique des pratiques artistiques, marquée par la volonté d’abattre les hiérarchiesentre les étudiants et les professeurs, en particulier dans la classe du Post-Studio. Le filmdémontre, à travers les témoignages, comment, finalement, les structures de pouvoir serecréent inévitablement. Walk Through a une portée plus politique, traitant de manièrefrontale les questions du rapport entre langage et pouvoir et de la reproduction sociale.Une certaine mythologie s’est développée autour du cours de Michael Asher. Or, à traversle recours à des points de vue variés, le film renvoie à une réalité concrète du Post-Studio,un cours où les artistes développaient leurs compétences rhétoriques. Le dispositif de «reenactment différé » de la parole révèle la monumentalité potentielle du discours. Entwistleexplore les limites du dispositif de Asher dans un contexte de productivité et de compétitivitéoù le langage devient une compétence porteuse de valeurs.Ainsi Monuments et Walk Through génèrent de manière non linéaire une histoire del’Histoire de l’Art à travers les sous-textes de la grande Histoire moderniste, dans laperspective d’une échappée à l’autorité du discours. Redmond Entwistle questionne lesreprésentations de la mémoire en jouant avec des procédés proches du reenactment. Lereenactment est une manière de remettre en mouvement l’histoire à travers le corps. Il nes’agit pas pour Entwistle de performances rejouant un événement mais plutôt d’un processusde réappropriation entre documentaire et fiction. Le processus cognitif est comparable :remettre en scène des éléments de l’histoire est une manière de la relire, comme il ne resteque les corps figés de l’histoire, les monuments, masses immatérielles devenant sculpturales.La radicalisation linguistique des années 70, clairement énoncée dans le terme « Post-Studio », a induit l’appropriation de la critique par les artistes. À partir de là, et dans uncontexte de pratiques de plus en plus immatérielles, le discours s’est fait de plus en plusconcret et matériel, le document s’étant élevé au statut de monument.

Barbara SIRIEIX

* Traduction du titre du communiqué de presse de l’exposition à la Dwan Gallery en juin 1967 « LANGUAGE to beLOOKED at and/or THINGS to be READ » écrit par Robert Smithson, un texte ayant valeur de manifeste sur le statutdu langage dans l’art, signé du pseudonyme « Eton Corrasable », référence à un type de papier machine effaçable.1. Citation de l'artiste.Redmond Entwistle est un artiste né en 1977 à Londres. Il vit et travaille à New York.

Histoires manquantesTraiter de faits historiques et politiques dontles participants sont pour certains toujoursen vie nécessite une pleine maîtrise de sesoutils. Cela signifie également s’exposeraux critiques sur les plans artistiques autantqu’historiques.

Dans son film Ça va, ça va, on continue(2012), Mathieu Kleyebe Abonnencs’interroge sur la place donnée à la parole età ceux qui s’en servent, du témoignage àl’exposé de l’historien en passant par la miseen scène. Un jeune historien portugais, ici ledouble de l’artiste, est notamment présentédans un amphithéâtre devant un auditoiremajoritairement noir. À la fin de son exposéles critiques commencent à pleuvoir. On luireproche de parler de manière exclusive d’un« Autre » qu’il ne connaîtrait pas et dont ilusurperait la parole. Tous les textes du filmsont en fait tirés d’ouvrages théoriques etlittéraires, dus à des auteurs tels que BellHooks, Trinh T. Minh-Ha ou Pepetela, mis enfiction pour l’occasion à travers les scènes devie des deux personnages principaux. Ici lamise en abyme est totale. MKA parvient àréunir dans son film la plupart des composantsqui ont constitué sont travail jusque-là.L’Histoire d’abord ; le film s’ouvre sur larépétition d’une pièce de théâtre interprétéepar des adolescents qui rejouent des épisodesde la guerre d’indépendance de l’Angola. Letravail de recherche ensuite, et avec luil’histoire personnelle, puisque l’artiste se meten scène à travers le personnage duchercheur. Les socles théoriques enfin, avecces extraits de textes empruntés à des auteursque l’on imagine fondamentaux pour lui. L’artiste endosse la casquette d’historien pour

la préparation de son travail. De la mêmemanière que ce dernier, il s’agit d’épuiser lesujet choisi, d’en faire suffisamment le tourpour être libre ensuite afin de lui donner laforme voulue. C’est à partir de là que leglissement vers l’œuvre peut s’opérer. MKAs’intéresse à l’Histoire quand elle commence àlui « résister », lorsque les faits ne suffisentplus à créer du sens, ou lorsqu’ils viennentsimplement à manquer. Les faits sont ici ceuxde l’exercice du pouvoir colonial et de la luttearmée des peuples pour s’en défaire.L’artiste s’emploie à remplir les creux aussibien qu’à créer des vides. En témoignePréface à des fusils pour Banta (2011), undiaporama enrichi de trois voix off, qui seprésente comme la préface d’un film réalisépar Sarah Maldoror dans les années 70 enGuinée-Bissau pendant la guerred’indépendance contre les colons portugais.Le gouvernement algérien, alorscommanditaire, décide de confisquer lesbobines dès le premier visionnage et le filmdisparaîtra avant d’avoir été terminé. Àl’inverse, la série de photographies At thehands of persons unknown, (2004/2007)représente des lynchages où les scènesd’horreur sont occultées, ne laissant voir queles éléments environnants. Une des quêtes del’artiste pourrait bien être celle de « l’imagemanquante ». En octobre 2011, DorkZabunyan ouvrait au BAL, à Paris, unséminaire sur ce sujet. Dans le texted’introduction nous pouvions en lire cettedéfinition : « (…) Encore faut-il distinguerplusieurs espèces d’images manquantes : lesimages qui n’ont jamais existé, celles qui ontexisté mais ne sont plus disponibles, celles quiont rencontré trop d’obstacles pour pouvoir

Eleanor Antin / Eleanora AntinovaEn 1981, à l’occasion de son expositionRecollections of My Life with Diaghilev à lagalerie Ronald Feldman, l’artisteaméricaine Eleanor Antin propose unesérie de performances. Les spectateurs sontinvités à venir écouter l’ancienne ballerineEleanora Antinova leur conter son parcoursde danseuse et notamment sa participationaux Ballets Russes de Diaghilev. Pourl’occasion, la galerie a été transformée ensalon privé « très années vingt ». Despalmiers entourent un tapis oriental aumilieu duquel trône Antinova. Desphotographies à l’esthétique ancienne lareprésentant dans ses rôles les pluscélèbres sont disposées sur les murs et destextes décrivant les ballets sont égalementdistribués au public. Tous les éléments sontréunis afin que les spectateurs prennentconscience de la renommée de ladanseuse qui, quelques minutes plus tôt,leur apparaissait comme une illustreinconnue. Après une brève introductiond’un critique qui rappelle son parcours depremière ballerine dans les Ballets Russes,Eleanora Antinova prend alors la parole.Elle raconte son expérience de danseuseau sein de la célèbre compagnie tout enbuvant des verres d’alcool qui, à lalongue, finissent par l’entraîner vers desconfidences plus personnelles. Des fastesdes Ballets Russes, Antinova raconte salente descente vers l’anonymat et laprécarité. Elle explique qu’afin de gagnersa vie elle en est réduite à danser dans desclubs de tango. Certaines rumeurs affirmentqu’elle aurait même tourné dans des filmsérotiques… La performance se termine enplein mélodrame et, lorsque la lumière serallume, elle rappelle au public qu’elle estdisponible pour des fêtes et soiréesprivées. La performance est un vrai succèsdans le sens où Antin est tellementconvaincante dans le rôle d’Antinova quecertaines personnes vont la voir à la fin enlui proposant une aide financière 1 !

Eleanor Antin est une figure majeure de laperformance bien que son travail restelargement méconnu en France. Elle débutesa carrière artistique dans la peinture pourtrès vite s’investir dans l’art conceptuel.Cependant, son intérêt pour l’histoire et lesthéories féministes, qui se développent dèsla fin des années soixante, lui donne uneplace à part. De nombreux critiques etartistes reconnaissent l’importance de sontravail ainsi que son influence sur lesgénérations suivantes et particulièrementsur l’art féministe. L’avènement de Fluxusva également avoir un impact important surson œuvre dans laquelle Antin cherche àlier art et vie. Pour ce faire, elle créé toutau long de sa carrière un certain nombrede personnages qu’elle incarne. Loin de secontenter d’en esquisser les traitsprincipaux, elle leur attribue une histoireponctuée de réussites mais surtout d’échecsqui leur confèrent un aspect tragi-comique.Ces personnages sont pour Antin unemanière d’aborder la question del’autodétermination et la place que celle-cioccupe dans notre construction identitaire.Cette dernière est alors essentielle au seindes mouvements féministes qui souhaitentremettre en question les normestraditionnelles assignées aux femmes. Dansune interview accordée au commissaired’exposition Howard N.Fox, elle expliqueêtre très intéressée par l’idée de limite. Cesdernières nous sont posées dès notre plusjeune âge puisque notre époque, notreclasse sociale, notre sexe, notrenationalité, sont quelques-uns des élémentsqui, en nous définissant, nous enfermentpar la même occasion.

Antin va tour à tour interpréter un roidésargenté, une infirmière et une danseusequi, au fil des années, donneront lieu à lanaissance du personnage d’EleanoraAntinova. Ce dernier personnage, sansdoute le plus complexe et abouti, naît en

1979, un soir de février, au théâtre duNew York’s Kitchen Center for Video,Music and Dance. À travers lui, Antin neconcentre pas exclusivement son discourssur le genre en utilisant la ballerine commequintessence de la féminité puisqu’elleintègre un autre paramètre en faisantd’Antinova une danseuse noire. EleanoraAntinova apparaît comme une anciennedanseuse des Ballets Russes de Diaghilevqui est parvenue à briser la ségrégationraciale présente dans la danse classique.Afin d’ancrer son personnage dansl’époque actuelle, elle va, durant troissemaines, vivre comme Eleanora Antinovaou du moins comme elle imaginerait vivre.

Ce projet, Being Antinova, va avoir lieu àNew York durant le mois d’octobre 1980 2.Elle tient un journal durant toute cettepériode dans lequel elle confie sesimpressions. Cette expérience, presqueschizophrénique, n’est pas sansconséquence sur sa vie. Durant troissemaines, elle vit dans la peau d’une autrefemme, une femme noire. Pour « rentrer »dans la peau de son personnage, Antinfait appel à des documents d’archives. Ellese renseigne minutieusement sur les BalletsRusses de Monte Carlo en 1942 et 1954,s’inspire de la danseuse américaine MariaTallchief et de la ballerine afro-américaineRaven Wilkinson. À ces éléments réels, elleajoute des histoires fictives qu’elle formuleà l’aide des stéréotypes et archétypesculturels modernes pour nourrir sonpersonnage 3.

Eleanora Antinova est l’occasion pourAntin de multiplier les histoires en créantun parallèle entre fiction et réalité.Antinova est exclue du monde de l’art àcause de sa couleur de peau mais elle estégalement victime d’une exclusion socialedue à la vieillesse et à la perte sa gloired’antan.

La position qu’occupe Eleanor Antin ausein de l’art conceptuel et des mouvementsféministes de l’époque la rend inclassable.Il est difficile de catégoriser clairement sapratique artistique, cette dernière mêlantrigueur d’une recherche conceptuelle etautodérision 4. Elle accorde dans sestravaux une place prépondérante à lanarration et à l’autobiographie, deuxéléments fondamentaux dans l’artféministe. Si elle est très critique envers lesystème artistique et la difficulté pour unefemme d’y trouver sa place, elle l’estégalement envers le courant féministemajoritaire de l’époque dit essentialiste.Elle refuse, contrairement à d’autres artistesde sa génération, telles que Judy Chicagoou Miriam Shapiro, de considérer lesrapports entre les hommes et les femmesde manière manichéenne. Les premiersétant les dominants et les secondes lesdominées. En complexifiant la constructionidentitaire, en remettant l’expérienceindividuelle au premier plan et en adoptantune esthétique nouvelle, Eleanor Antin est,à bien des égards, une artiste novatrice.

Clothilde MORETTE

1. H.N. Fox, Eleanor Antin, Los Angeles CountyMuseum of Art.2. E. Antin, Being Antinova, Astro Artz, 1983.3. Smith, Enacting Others, Duke, 2011.4. L. Soutter, « Community vs. Context in the Receptionof Eleanor Antin’s Retrospective », Revue n.paradoxa,n°14, fev. 2001.

Lors de la dernière dOCUMENTA (13), Kader Attia a marqué les esprits à traversune installation singulière, forte, déroutante : La réparation, de l’Occident auxcultures extra-occidentales. Le visiteur pénètre dans une sorte de cabinet decuriosités orné de vitrines anciennes emplies d’ouvrages portant à la fois sur lapériode coloniale et sur la guerre 14-18.Au loin, on aperçoit un diaporama faisant défiler les images des soldats blessés dela Première Guerre Mondiale, les « gueules cassées », au côté de masquesafricains. Les visages meurtris ont été soignés par les premières tentatives dechirurgie réparatrice tandis que les masques ont été réparés avec des matériauxdes colons qui ne sont pas d’origine, comme par exemple des pièces de monnaie dela République française. Les réparations s’appliquent ainsi sur les « gueulescassées » tout comme sur les objets africains sur lesquels apparaissent deséléments étranges. Lors de la Grande Guerre, de nombreux soldats des coloniesd’Afrique ont été également envoyés sur le front. Les visages et masquesreconstruits semblent autant d’allégories des tentatives de « réparer l’Histoire »,de la restituer.Sur des étagères en métal se dressent des sculptures en bois de ces mêmesvisages déformés des soldats. Elles ont été réalisées par des artistescontemporains, au Sénégal, à la demande de Kader Attia. D’autres objets hybrides,témoins de l’histoire, sont présentés dans l’installation : des douilles en étainretravaillées et sculptées en vases par les « poilus », divers objets hybridesintégrant des matériaux de réparation. Ainsi, l’objet hybride réinterprète l’histoiretout en proposant une histoire différente. La scénographie de ce dispositif rappellecelle des musées ethnographiques dans lesquels parfois ces objets hybrides, nonconsidérés comme authentiques, n’auraient pas forcément eu leur place. Attiaopère ainsi une tentative de réhabilitation de ces artefacts, de leur histoire, quilaisse transparaître les faces cachées de l’Histoire. L’artiste questionne ainsil’histoire coloniale et postcoloniale. Il s’interroge sur ce qui a été fait et ce quicontinue d’être fait aujourd’hui pour réparer l’Histoire.« La réparation n’est pas une restauration mais plutôt la création d’un nouvel objetdans lequel se mélangent différentes histoires, des expériences sociales etpersonnelles. » (Jacinto Lageira 1)Ce concept de réparation est développé et approfondi par l’artiste dans sonexposition récente à KW Institute for Contemporary Art à Berlin, Reparatur (26.05– 25.08.2013), tout au long d’une dramaturgie en cinq actes.Il prolonge ainsi son œuvre commencée à la dOCUMENTA en se positionnant plutôtcomme anthropologue, chercheur, archiviste. Il se réfère clairement aux écrits d’unFrantz Fanon et de ses théories anticolonialistes. Dans une interview avec la

commissaire Ellen Blumenstein, Attia explique : « J’ai réalisé quelque chose defondamental : la réappropriation est un processus de réparation. Je comprendsréparation comme une reconstruction dans un sens large, une sorte d’outil qui peutêtre appliqué à des thématiques politiques, culturelles et scientifiques pour examinerleurs diverses interactions ».Ainsi, dans le premier acte de son exposition, l’artiste s’intéresse aux transfertsculturels élaborés dans la relation entre le monde occidental et le continent africainà travers la musique. Le jazz et le blues créés par les descendants africains desesclaves d’Amérique du nord et du sud sont intégrés, lors de l’indépendance despays africains dans les années 60-70, à des formes de musiques traditionnelles.Les formes hybrides des musiques composées sont montrées à travers lespochettes de disques. Cette nouvelle culture musicale est considérée par Attiacomme une réparation de l’histoire. La déambulation dans les différentes salles deKW semble mener le visiteur d’un musée ethnographique avec masques hybrides enbois et miroirs et dessins anatomiques, à un cabinet de curiosités avec l’installationde la dOCUMENTA et jusqu’à un muséum d’histoire naturelle dans lequel sontexposés des animaux sauvages taxidermisés : panthère, hibou, singe sontconfrontés à leur masque stylisé en bois. Deux façons très différentes de contrôlerla nature par deux civilisations opposées. L’une, occidentale, s’attache à la mimésisla plus fidèle à travers la taxidermie, et l’autre, africaine, développe une mimésis pluslointaine, presque abstraite à travers les masques de ces animaux.Dans une autre salle, on découvre la vidéo d’un oiseau-lyre australien qui a opéréune mutation étrange de son évolution, en lien avec l’invasion progressive de lacivilisation sur son propre territoire. Capable d’imiter parfaitement les chants desautres oiseaux afin d’échapper à ses prédateurs, il a également assimilé dans sesanalogies vocales, les sons de son nouvel environnement : le son d’un appareilphoto, celui d’une alarme de voiture ou bien même d’une tronçonneuse.Par ces différents exemples, Kader Attia tente ainsi d’expliquer comment, à traversla nature et la culture, les systèmes de vie sont basés sur des réparations sans fin.La réflexion autour de la réappropriation et de la réparation constitue un véritabletournant dans le travail de Kader Attia. Au-delà des thématiques liées aux conditionsde vie et d’intégration des immigrés ou bien de l’identité conflictuelle d’une culturedéracinée qui se réfère à sa propre histoire, l’artiste tourne une nouvelle page deson œuvre pour se consacre à une histoire plus universelle.

Adeline BLANCHARD1. In : Repairing Resisting, Jacinto Lageira. Professeur d’Esthétiques à l’Université de Paris 1 Sorbonne etcritique d’art. Texte pour l’installation de Kader Attia, catalogue de la dOCUMENTA (13).

Kader Attia : L’Art peut-il réparer l’Histoire ?

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F.B. : Comment définirais-tu son rôle à présent ?J-A.C. : On pourrait considérer Johnny comme une structureassez conceptuelle, dans laquelle les statements auraient étéremplacés par ce personnage avec qui on est amené àpartager certaines humeurs, certaines situations. Il ne s’agitpas d’un double psychanalytique, je préfère en parler enterme biologique. Je l’envisage davantage comme un moteur,un cerveau autonome qui me permet de produire des choses.Johnny ne me parvient pas, il n’est pas enfoui en moi et je n’aipas besoin d’aller creuser quoi que ce soit pour le trouver.C’est un organe d’appréhension du réel que j’utilise commeprocédé plastique afin de proposer des objets.

F.B. : Johnny m’apparaît finalement comme unnégatif du « That Person » de Matt Mullican 1.L’artiste laisse surgir cet autre lorsqu’il est dansune sorte de transe : « That Person » est unemanifestation de son inconscient, qui génère sespropres œuvres, sa propre esthétique. Il y acependant un point de jonction entre « ThatPerson » et Johnny. Un intérêt commun pour ceque produit la société de consommation, unpenchant sincère, sans ironie, pour les stars decinéma notamment…J-A.C. : Oui, Johnny est une sorte de greffe qui pousse sur letravail, c’est une présence un peu « alien » grâce à laquelleje peux introduire une certaine dimension d’affect. C’est ce qui

Si l’on s’en tenait à une simple observation des formes,l’œuvre de Jean-Alain Corre (né en 1981, diplômé del’école d’art de Lyon en 2006) apparaîtrait davantagecomme celle d’un sculpteur – produisant principalement desmachines mystérieuses et des assemblages cryptés – quecelle d’un auteur, rattachant sa pratique plastique à ununivers fictionnel où se côtoieraient, parmi d’autres, lesconstructivistes russes, Raymond Roussel et Demi Moore.Une telle superficialité serait évidemment trompeuse et, pouraccompagner ses étranges constructions, Jean-Alain Corre acréé Johnny. Johnny n’est pas le double de l’artiste, il est unesorte de moteur conceptuel, un geyser à idées. Il est aussi unsocle, un appui qui établit la jonction entre deux champs decréation, tel un passeur à la frontière du récit et de l’objet.

Franck BALLAND : Quand Johnny est-il apparu danston travail ? Qu’est-ce qui a motivé sa création ?Jean-Alain CORRE : La première fois que j’ai eu recoursà Johnny, c’était en 2006. Johnny était le personnage principald’un texte que j’avais écrit et qui s’intitulait « Johnny àl’usine ». Je racontais une expérience de travail que j’avaisvécue, alors que je faisais de l’intérim et que j’avais passé desjournées entières à caresser des lardons pour les faire tenirdans des barquettes. Je n’avais pas envie d’employer lapremière personne et j’ai choisi ce prénom, qui me semblaitplutôt lambda, pour parler de mon expérience. Trois ansaprès, j’ai construit une machine en rapport avec ce texte, unesculpture projetant de la lessive intitulée Generatorscape, quej’ai installée chez Néon, à Lyon, en 2009. Il y a des écartsentre le récit et l’objet, mais la matière abstraite de l’histoire,tout ce rapport au lieu de production était évident. Dès cemoment là, Johnny a fait office d’intermédiaire entre l’œuvre etmoi. Comme on demande régulièrement aux artistes de parlerde leur travail, Johnny est aussi rapidement devenu unesolution me permettant d’expliciter certaines choses,notamment avec ces petits textes que j’ai continué d’écrire.Finalement, ce qui n’était qu’une solution a pris de l’épaisseur,et Johnny fait maintenant entièrement partie de mon travail.

F.B. : Tu parles d’un prénom lambda, mais Johnnyest un prénom importé, et peut en cela faire écho àcertaines caractéristiques de tes pièces, danslesquelles on rencontre également des élémentsculturels importés. J-A.C. : Johnny mélange les cultures françaises et américaines.Comme Johnny Halliday si on veut, qui a importé deschansons des États-Unis et les a simplement traduites. Johnnym’a permis d’établir un univers de référence, et de venir reliermes pièces à cet univers qui est principalement nourri par mesexpériences, par les films que je vois, ou certaines sitcoms quiont accompagnée mon adolescence.

© Jean-Alain Corre, University Dream, 2011, Musée des moulages, Lyon

Romantique Johnny : entretien avec Jean-Alain Correexplique par exemple qu’en regardant Demi Moore, dansGhost, j’ai eu envie de faire de la céramique. Sans cette scènedu film, je n’ai aucune raison d’utiliser ce matériau. Ce rapportau premier degré m’intéresse. Avec Johnny, je peux alterner lesstades de fascination et de distanciation. Il n’y a aucune ironiepar rapport à Demi Moore, ni pour toutes ces sitcoms, commeBeverly Hills ou Premiers Baisers. Ces programmes peuventparaître légers mais je m’intéresse à leur façon de créer unenvironnement, et j’aime les mettre sur le même plan quel’urbanisme d’une ville. C’est à partir de ce constat que j’aistructuré mon travail en épisode, un peu comme ces feuilletons.

F.B. : Comment s’organise le travail d’écriture desdifférents épisodes de Johnny et quel statutaccordes-tu à ces textes, ou bribes de textes,parfois visibles dans tes expositions ?J-A.C. : Il n’y a pas de systématisme dans leur écriture.Certains textes sont venus avant les pièces, et d’autres après.Je ne souhaite en tout cas pas faire de cette étape un principe.Par ailleurs, ce n’est pas un élément auquel il est nécessairede se raccrocher pour saisir mon travail. Je disperse les signesde l’univers de Johnny en espérant que quelque chose puissese passer sans explication. Je le présente souvent comme unpersonnage sans scénario parce que ses apparitions neconstituent pas une histoire ; il erre simplement au cœur d’ununivers dans lequel je viens piocher.

F.B. : Au delà des références qui constituent latoile de fond de l’univers de Johnny, il semblefinalement que tu recherches, dans la réalisationde tes objets, une forme de travail plus empirique ?J-AC. L’œuvre pour moi c’est une sorte de jardinage.J’apprécie le travail de Michel Blazy pour cette raison. Moiaussi, il faut que je regarde pousser ce que je fais, comme unjardinier avec sa pelouse. Le monde végétal me semble plusintéressant que le monde animal : il est bien plus plastiquequand on prend conscience de sa manière d’exister. Si l’on s’entient à l’exemple des plantes, certaines mutent très rapidementpour s’adapter à un milieu, et d’autres peuvent avoirnaturellement deux types d’ADN différents. C’est un peu commesi deux individus n’en constituaient alors plus qu’un seul : unbras viendrait de l’un, et l’œil de l’autre. Les œuvres de Johnnyse situent entre cette pratique, disons proche de l’agriculture, etlui associent un champ de référence plus quotidien, qui auraitdavantage à voir avec le prospectus de supermarché.

1. Matt Mullican est un artiste américain né en 1951. Son travail s’organise autourde deux pôles a priori distants : d’un côté, l’artiste développe une cosmologiecomplexe, fondée sur la création d’un code couleur auquel il rattache l’ensembledes éléments constitutifs du réel ; de l’autre, en ayant recours à l’hypnose, il libère« That Person », cette entité romantique – fascinée par les fleurs, les bébés et leschansons d’amour – qui sommeille en lui.

Kader Attia, La réparation, de l’Occident aux cultures extra-occidentales, dOCUMENTA (13), 2012 - © Photo : Roman März

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Latifa Laâbissi : TémoignageLa chorégraphe et performeuse Latifa Laâbissi fonde l’association FigureProject en 2008. Elle est invitée en résidence aux Laboratoiresd’Aubervilliers de septembre 2013 à avril 2014, et présentera Self PortraitCamouflage le 11 décembre 2013 dans le cadre d’une session de travailRuser l’image 2. Sa dernière pièce Adieu et merci sera présentée au CentrePompidou du 20 au 22 novembre 2013 dans le cadre du Festivald’Automne. En janvier et mars 2014, Latifa Laâbissi sera invitée enrésidence à l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon et animera unworkshop avec Mathieu Klebeye Abonnenc.

DÉSIRS ET FORMATION« Je ne peux me départir d’un contexte qui est le mien, la danse, où la danse abstraiteaméricaine prévalait en France au moment où je me forme dans les années 80. L’esthétiquedominante était celle de Merce Cunningham. Il a fait école et transmis une technique decorps très spécifique sur de nombreux aspects qui, malgré tout, convoquait fortement latechnique du ballet classique pour pouvoir interpréter son vocabulaire chorégraphique.Donc, j’avais envie d’aller directement à la source qui me passionnait et j’ai fait unedemande de bourse pour étudier à l’école Cunningham aux États-Unis. Mais au même moment, et de façon plus inconsciente, j’avais aussi le souci et le désir derendre compte d’un autre état de corps où le visage, notamment, serait mobilisé, où lagrimace du monde pourrait apparaître, des rapports à la domination, la violence et lacruauté que je ne trouvais pas du tout traduits, voire même lissés par la danse abstraite.C’était très physique comme sensation. Je le ressentais à travers mon intérêt pour les filmsde P.P. Pasolini (dont La Rabbia, La Rage), de A. Kurosawa, R.W. Fassebinder ou, dans unautre registre, S. Eisenstein, F.W. Murnau… Si je suis touchée par ce cinéma et en particulierpar la façon dont Pasolini est connecté aux rites populaires dans ses fictions ou sesdocumentaires, c’est parce qu’à travers la langue se nouent toujours la question de l’altérité,de l’autre, les corps, les chants et la danse. La distorsion, la conjonction entre politiqueet poétique, d’un point de vue sensible, est une ressource énorme pour aborderl’aliénation et la contestation. Dans le cinéma burlesque, de Buster Keaton à Tati, j’aiégalement trouvé des créateurs qui utilisent le rire avec l’idée d’un drame sous-jacent etjouent avec les forces du trauma. J’avais suffisamment à apprendre chez Cunningham et je me suis plongée dans cettetransmission de façon totale, presque stakhanoviste. Quand je suis revenue en France, en1988-1989, je ne voyais rien dans mon environnement qui se rapprochait de cetteconjonction que j’essayais de faire entre la danse abstraite américaine et la traductionphysique d’un espace de crise, sauf F. et Stein de Dominique Bagouet ou May B de MaguyMarin. C’est aussi au théâtre que je l’ai trouvée, en faisant des workshops avec unepersonnalité telle que Ariane Mnouchkine, qui travaillait avec les masques de la Commediadell’Arte ou les masques balinais, et la possibilité à travers eux de faire remonter desarchétypes, une sorte de visage du monde.

DANSE ET CONTEXTE CULTURELJ’ai d’abord fait beaucoup d’expériences d’interprète avec plusieurs chorégraphes (Jean-Claude Gallotta, Loïc Touzé, Jennifer Lacey et Nadia Lauro, Boris Charmatz, Robyn Orlin,Dominique Brun). C’est assurément avec Self Portrait Camouflage en 2006, que je me suisautorisée à faire un geste d’auteur, un solo. En amont il y avait eu le projet collectif Morceau,signé à quatre, et d’autres pièces. J’appartiens à une génération de transition, où passer d’interprète à chorégraphe ne s’estpas fait dans une rupture. Un peu avant les années 80, il y avait une hiérarchie presqueétanche entre ces deux métiers et en aucun cas on ne transitait de l’un à l’autre, à de raresexceptions près. Je précise « en France », parce qu’aux États-Unis il y avait déjà euénormément d’expérimentations dans les années 70 avec le décloisonnement desdisciplines. En Allemagne, Pina Bausch avec le Tanztheater assumait déjà des régimes decréation variés. Mais en France demeuraient encore la vieille question du medium et leproblème de sortir des catégories. Avec un certain nombre d’artistes1, nous avons fait partie des « Signataires du 20 août1997 » pour des raisons politiques, afin de faire valoir un art plus expérimental et uneréflexion sur nos pratiques. L’expérimental n’était pas pris en compte dans les grandesdiscussions déterminant, entre autres, quelle était la fonction d’un centre nationalchorégraphique. Par ailleurs, les critères établis pour attribuer des subventions à un artistenous paraissaient liés à un académisme délirant. Pour ne donner qu’un exemple, on pouvaitentendre dans les débats de commissions : « Tiens, mais c’est quand même bizarre, cettepersonne prétend faire des pièces ou danser, or elle n’a pas un physique de danseur! »C’était hallucinant, mais ces remarques nous étaient rapportées et comptaient dans lesdécisions, ce n’était pas anecdotique. Et puis la grande bataille portait sur lapluridisciplinarité, le fait que les artistes chorégraphes pouvaient avoir recours à la parole,à différents médiums. S’il y avait trop de paroles dans un spectacle, trop d’images, si lemotif du solfège de la danse, en tant qu’élément repéré, n’était pas suffisant en terme decoefficient danse, alors ce n’était pas considéré comme de la danse. Les échanges, la miseen place de laboratoires de travail, nous ont amenés à brasser les statuts du chorégrapheet du danseur, à revendiquer une attitude performative aux limites de l’acte artistique et dela non danse. Céline Roux parle très bien de cette période 2.

RÉFÉRENCES ET MOTIVATIONC’est à partir de là que je me suis posé la question : comment traduire une idée, un désir,mon intuition ? Et puis un jour, j’ai vu le film de Suse Byk sur Valeska Gert (1892-1978), laseule trace de danse que l’on a d’elle, hormis ses tournages avec Fellini, Pabst et Renoir. Ils’agit, en 1925, de trois danses : La Mort, Canaille et Maquerelle. C’était saisissant. Commesi d’un seul coup se présentait à moi le concentré de ce que je n’arrivais pas, ne m’autorisaispas à formuler corporellement ou intellectuellement, et qui était en attente dans maconstruction psychique. Du coup, je me suis engouffrée dans ce début de la modernité endanse en Allemagne, et un peu plus tard du côté du Japon avec l’œuvre d’Hijikata Tatsumi.Ce sont les deux sources principales qui m’ont donné accès à ce dont j’avais besoin,clairement formulé par ces deux danseurs-là. Différemment chez Mary Wigman (1886-1973)et Hexentanz, sa Danse de la sorcière de 1914 qu’elle a reprise en 1926. Mais toujours unretour vers l’Histoire comme moyen d’appréhender l’époque présente.

Dans Phasmes (2001), j’ai eu besoin d’incorporer, tant d’un point de vue physique, pratiqueque théorique, ce qu’il en était de ces danses, de leurs tensions, de leurs pulsions et de leurcontexte d’émergence. J’avais besoin de le faire en passant par l’apprentissage des œuvres,physiquement, pour éclairer la question de la violence sociale et des régimes de dominationqui se reconduisent sous différents visages. L’essentiel de mon travail s’articule autour dustatut du minoritaire, de la mise à l’index des minorités. J’essaie d’interroger lecommunautaire, d’assigner des opérations aux questions alors que le risque est de retirertoute complexité. Je me suis donc appuyée sur les travaux de la danse expressionniste allemande, chezValeska Gert pour ce qui concerne le grotesque, et chez Mary Wigman dans sa façon deconvoquer les affects. Tout cela bien sûr n’était absolument pas valide dans la danseabstraite américaine. Alors que dans l’Allemagne du début du XX e siècle, ce régimeperformatif faisait partie de la grande tradition du cabaret pour faire la satire politique del’époque, représenter des figures minoritaires, la prostituée, le mendiant, ainsi que la figurede la mort qui était un des grands refoulés de l’immédiat après-guerre.

LA PART DU RITE, ÉCRAN SOMNAMBULEAvec Mary Wigman, il y a une espèce de bloc intense. J’ai voulu le mettre en valeur encréant deux pièces à partir de son engagement. Écran somnambule (2009) reprend la seule trace filmique de la Danse de la sorcière et mepermet de me concentrer sur les figures qui provoquent l’effroi. Il y a en elles ce que ClaudeRaban, un psychanalyste, reconnaît comme un mélange d’attirance et de rejet. Il voit dansles figures de Wigman et de Gert, un élément commun à leur élaboration, même si les deuxfemmes se détestaient et que leurs façons de conduire le corps n’avaient rien de comparable :un potentiel apotropaïque, une capacité d’exorciser les forces de destruction, les hantises.C’est quelque chose de fascinant. Cela a aussi à voir avec un projet en préparation quis’appelle « Figure toxique », et que je débute avec une rapeuse, Casey, à qui j’aidemandé d’écrire un rap pour une danse macabre. Le chant autant que le corps physiquene cherchent pas à échapper à la violence mais, au contraire, à la penser. Ils travaillentavec la crise, le rugueux, la déformation de la langue, la dénonciation de situationssociales. Casey est très loin du rap commercial. Quant à La Part du rite (2012), c’est à la fois une conférence prononcée par Isabelle Launaysur les danses amateurs de l’Allemagne des années 20, et une manipulation de corps. Troisartistes en danse y sont évoqués : Rudolf Laban, Martin Gleisner et Jean Weidt, dont lesambitions et les esthétiques étaient très différentes, posant la question de ce qui fait autorité,de ce qui constitue les moyens d’une initiation et d’un éveil ou d’un assujettissement. Le titrede la pièce a été pris à Aby Warburg dans sa conférence Le Rituel du serpent 3 qu’il adonnée en 1923 alors qu’il était interné en Suisse et voulait démontrer sa vaillance. L’espacede la mise en scène de la parole évoque le rituel. La question du rite m’intéresse, je me suisdocumentée auprès de Jean Rouch, auprès de Maya Deren qui a fait des études sur lespratiques vaudou en Haïti et qui a aussi inclus l’expression corporelle et la danse dans sesfilms. La forme du rituel permet aussi de consentir une sorte de contrat avec le public.

Histoire de la danse, ambiguïté des forces en présence, part d’inconscient, je souhaitetravailler avec ces éléments-là, avec une distance plus grande aussi pour essayer de medécoller du sujet et manifester ce qui est en jeu. Je n’ai pas de message univoque à fairepasser, mais quelque chose qui serait au croisement de ce qu’on désunit, une formed’archaïsme contenant du savoir et un savoir dont on aurait enlevé la substance archaïque.J’essaie de convoquer ces deux forces, de dire qu’elles sont conjointes, agissantesensemble, qu’elles permettent de traduire une forme d’oubli à la fois individuelle etcollective, et une situation contemporaine. C’est nécessaire de travailler avec les deux, alorsque nous avons soit l’illusion d’appartenir à un monde qui serait déterminé par son évolutionet des logiques rationnelles, soit d’être menés par une part archaïque qui peut nous terrasser. »

Entretien réalisé avec Martine LE GACseptembre 2013

1. Chorégraphes, chercheurs, historiens de l’art, de la danse, dont Boris Charmatz, Nathalie Collantes, EmmanuelleHuynh, Isabelle Launay, Laurent Pichon, Loïc Touzé, Christophe Wavelet.2. Céline Roux, Danse(s) performative(s) – Enjeux et développement dans le champ chorégraphique français (1993-2003), L’Harmattan, Paris, 2007.3. Aby Warburg, Le Rituel du serpent : Récit d’un voyage en pays Pueblo, traduit par Sibylle Muller, Macula, Paris, 2003.

Pour en savoir plus sur Latifa Laâbissi La distorsion de la langue et du corps, cf. www.ensa-dijon.fr

Latifa Laâbissi, La Part du rite, 2012 - © Photo : Margot Videcoq

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Jean-Yves Jouannais : L'Encyclopédie des guerres

L’Encyclopédie des guerres de Jean-Yves Jouannais débutepar un extrait de Medal of Honor sur une musique de Gangof Four. Premier mixage et signe avant-coureur de ce qui vasuivre, pour considérer les batailles de l’Iliade à la SecondeGuerre mondiale, à partir de récits inventés et d’autresvrais, avec leurs blessés, leurs morts et leur terreur effective.La fiction le dispute au témoignage dans une œuvre quiprend la forme d’un abécédaire dont les différentes« entrées » sont dévoilées au rythme d’une conférence-performance par mois. Depuis septembre 2008 auCentre Pompidou, et octobre 2010 au théâtre de Reims. La48e séance à Paris s’est tenue le 19 septembre 2013.

Dans le contexte actuel, des jeux vidéo tels que Medal ofHonor, Battlefield ou Call of Duty, et des génériques de lachaîne BFM TV se donnent des airs de ressemblance dansle réalisme des personnages et les tonalités qui annoncentl’action. Or, ce sont d’un côté des jeux de tir subjectif sur unmode virtuel, de l’autre des informations « en temps réel ».Dans les deux cas, des accès à la représentation desconflits, entre imaginaire et traces de réalité qu’unspectateur n’est pas supposé confondre, mais dont lesécrans multiplient les registres et les formats. Comme le faitsavoir la 12 e Biennale de Lyon, placée sous le signe de latransmission et de la narration : « des histoires émergentdans un océan d’images » 1.

Jouannais s’est mis dans la peau d’un copiste, d’un compèrede Bouvard et Pécuchet, pour donner consistance au chapitremanquant sur la guerre dans « l’encyclopédie critique enfarce » de Flaubert qui trouvait son entreprise absurde à plusd’un titre. Puisque le temps dilue les données, que la mémoireest sélective, « chrono-fautive », Jouannais est marqué par lecaractère « digestion bovine » de l’histoire, sa rumination, ettout ce dont il faut se rappeler pour se permettre au bout dela connaissance d’en ajouter un autre bout.Annoncée initialement comme devant se dérouler entreAdieu et Zouave, L’Encyclopédie des guerres a commencépar Abeilles, puis par Abats, et ne cesse de s’enrichird’inserts. Outre les phrases tirées de différents types delivres, des extraits de films et des photos, parfois quelqueobjet, chanson ou poème participent à sa constructionnarrative. Un tel arsenal détient des éléments déjàtransposés par la culture : les archives du Débarquementnourrissent par exemple un film qui sert de référence à unjeu vidéo, qui sera à son tour adapté au grand écran enallant piocher ses héros dans le vivier des stars en vogue.Littérature, musique, photo et cinéma s’épaulent par leursqualités respectives pour mieux cerner un phénomène qu’entoute objectivité rien ne permet de saisir. Il en ressort laconscience que tout conflit armé est transmis par des écrits,des sons et des visuels constituant déjà en eux-mêmes, avecleur hardiesse et leurs limites, des relectures de faitsauxquels l’accès direct a disparu.

Pas de développement chronologique donc, un jeu plutôt surles temporalités et une multiplicité d’angles d’attaqueconnectés par la force des mots. Avec Barrage, développé

Jean-Yves Jouannais, L'Encyclopédie des guerres - © Courtesy Hervé Véronèse Centre Pompidou, Paris

lors de la 38 e séance, l’anagramme Bagarre sortait del’ombre et avec lui toute une série d’allusions : notamment auSiège de Tyr par Alexandre le Grand, aux châteaux de sabledressés contre la mer par Jouannais avec sa fille, en mêmetemps qu’une réflexion sur la façon dont un chef d’arméechoisit ses épithètes pour consigner ses mémoires. Lacréation littéraire est en action, l’Encyclopédie est en marche. Ce mouvement est à la mesure des échanges générés par la« conversion d’une bibliothèque de non guerre enbibliothèque de guerre ». Jouannais a cédé sesBeaudelaire, ses Gide et ses Huysmans, sa collection d’ArtPress contre le 14 de Echenoz, le 2666 de Roberto Bolañoà cause de son dernier chapitre, et un atlas russe contenantla photo d’un militaire avec un dessin de frontière au traitrouge. 800 à 1000 livres sont ainsi sortis de leursrayonnages pour faire l’objet de trocs le week-end2. Uncorpus involontaire mais ciblé s’élabore ainsi, uniquementconsacré aux récits de guerre, que rejoindra bientôt lacentaine d’ouvrages réunis par son grand-père maternelpassionné de Résistance française. Aujourd’hui, la bibliothèque de Jouannais, qui inclut unpersonnage de son invention, Félicien Marbœuf « le plusgrand écrivain sans œuvre », ne compte que des livres écritsen français ou traduits: 70% sur l’épopée napoléonienne et laSeconde Guerre mondiale – un pourcentage qui pourraits’inverser avec les commémorations prochaines de 1914-1918.Une autre dominante touche à une littérature nord-américaine.Il y a très peu de chose sur la guerre russo-japonaise ou lesguerres papoues, zouloues, dites « ethniques », et rien surl’Amérique du Sud. Un contre-exemple récent est laprésence de Hautes Terres, la guerre des Canudosd’Euclides Da Cunha, relatant les campagnes de 1896-1897 de la jeune République brésilienne. La lecture cet étéde La Guerre du feu, écrit par Rosny en 1911, pourrait faireremonter l’exposé des guerres non à l’Iliade mais aupaléolithique…

Devant cet état des lieux, mouvant au possible, Jouannais sepose souvent la question de la légitimité de sa démarche –« Je ne sais pas ce que c’est que la guerre, mais je prétendspourtant en faire les récits » –, démarche que pourraient luicontester un casque bleu, un témoin direct ou un historien. SiJouannais n’a pas vécu la guerre, il en assimile les ressorts etles étapes par les expressions d’autrui. L’Encyclopédie fait lapreuve que la perception de la guerre jaillit bel et bien d’uneconjugaison de bribes, de recoupements de sourceshétérogènes. Une vision résulte de ces lignes de fuite, unesorte de décadrage actif. Du champ de bataille, Jouannaisconstruit le chant et le hors-champ. Sans se départir de larigueur liée aux références, il remet chaque citation dans soncontexte, fait des parallèles, procède à des digressions,permet de saisir, à la lumière d’un détail ou d’une anecdoteen apparence loin des faits, ce qui a pu conduire à leurdéclenchement, leur épaisseur et finalement participe autrouble que laissent durablement les conflits.La pureté n’est pas le propre de l’Histoire. Oublieuse,lacunaire et scénarisée, elle défie quiconque en quête decohérence de séparer les élucubrations des dates brutes et

de la gravité des actions commises. Aucune n’existe dansl’absolu, toutes se tiennent et se transforment avec le temps.Si je peux craindre cette déformation, cette dérive, alorsj’apprécie d’autant qu’un auteur comme Jouannaiss’intéresse justement à la forme, se préoccupe de lasilhouette à donner à son étude et à l’énonciation de soncontenu. Et s’il redoute parfois les amalgames, peut trouverdémoralisant de bricoler sur la durée avec des choses quine coïncident pas, le fil de son projet reste tendu sur l’ordrealphabétique. Il a trouvé son axe.La progression du mélange des récits, des images et descommentaires voit s’avancer une forme artistique qui a déjàengendré ses premiers délices dans le Narrative Art 3, oùtextes et photos au mur attendent leur lecteur, leurspectateur, dans la position de la peinture. Je me sensencore plus la fille de Jean Le Gac en étant à l’écoute de lamanière de faire de Jean-Yves Jouannais. Il s’agit pour luid’épuiser un sujet par la parole. Entre découpes,parenthèses et dévalement, chaque conférence-performancedémontre la puissance du langage. En un clin d’œil, desréalités sans commune mesure sont articulées entre elles.L’Encyclopédie des guerres est l’art de faire des liens pourdéfinir une trame de lecture alors que la compréhension desévénements se donne sous des jours disparates.

L’aspect fragmentaire est la clef de l’entreprise 4. Celle-ci, enraison du foisonnement des connaissances, est vouée àl’incomplétude, malgré une compilation ardente et unecuriosité certaine. Dans cette incomplétude même, se trouve lachance d’un inachèvement et d’une synthèse, le projet de touteune vie. Roman Opalka disait de son œuvre, qui consistait àpeindre la suite des entiers naturels, qu’elle le mettait devantl’infini, auquel seule la mort confère toute son intensité. Lerécit des guerres contient par excellence ce principe.Que Jouannais analyse finement des images ou raconte parcœur un épisode, qu’il se justifie ou se demande s’il y croitencore, s’adosse dans sa chaise ou arpente la scène, il faitjaillir les dispositions du chercheur : intelligence et sagacité,doutes et repentirs, mémoire et persévérance. Parce qu’ils’implique afin de « déterminer le type de curiosité que luiinspire ce sujet », la représentation sous nos yeux est autantcelle de la guerre que celle des conditions de l’enquête.

Jouannais peut dès lors se confronter librement à sesobsessions, traquer les fantômes. Toutes les facettes deguerre qu’il choisit de mettre en exergue sont le reflet de cequi le concerne, de ce que lui sont le désir de victoire, lesmanœuvres des armées et le choix des armes, jusqu’à lamoindre saillie dans le paysage avant le silence destombeaux, sans compter les retournements de situation, lesuspense. A travers sa collecte, il déniche des proposd’auteurs aussi passionnés que lui et, les égrenant à hautevoix, se refait son arbre généalogique. Une lignée dont l’undes proches est son grand-père paternel mort lors de laguerre de 1939-1945.L’Encyclopédie semble un autoportrait en devenir,s’identifiant aux décisions d’Achille, à la sagesse d’Ulysse,à ses errances ; ses aïeuls sont le général Poilloüe de Saint-Mars, le colonel Bardin ou l’un des troufions quicombattaient jadis. Et la trouille du plus petit, c’est la sienneaussi. Le type qui s’est fait descendre pour avoir soufflé dansun pipeau, et le type qui l’a descendu – bêtement –, cesont ses forces en lui, nourricières et prédatrices, les aspectsfondamentaux et opposés de la psyché. L’énergie vitale veutarracher l’ombre mortelle de ses pouvoirs et se reconnaîtdans ce qu’il nomme la Force et le Pessimisme de la force.

Ce miroir tendu permet de considérer les menaces que fontpeser les guerres, la crainte d’y être confronté, mêlée aucourage d’affronter l’adversaire tapi en soi. Que l’auditeurvienne apprivoiser ses peurs, démasquer ses faiblesses, ouse mettre à l’abri de l’actualité dans l’intimité d’une parole,le plaisir de se laisser conter des histoires l’attend séanceaprès séance. Parce que Jouannais incarne cette figure complexe, laportée symbolique de l’Encyclopédie des guerres gagne lespectateur. Venez aux prochaines rencontres de 2013, les17 octobre, 21 novembre et 12 décembre!

Martine LE GAC

1. Cahier du journal Le Monde n°21352, 12/09/2013 – art contemporain.2. À la galerie France Fiction Paris 3 e, pendant un Salon de Montrouge, auPrintemps de Septembre à Toulouse avec l’école des Beaux-Arts et,récemment, à la librairie L’Atelier Paris 20 e.3. Mouvement artistique international caractérisé par l’utilisation de la photoassociée au texte et, plus tard, à la peinture (expositions fondatrices Story,1973 et Narrative Art, 1974 à New York, galerie John Gibson, puis à Romeet à Milan, avec David Askevold, John Baldessari, Bill Beckley, PeterHutchinson, Jean Le Gac, David Tremlett, William Wegman et Roger Welch.4. Fragmentaire elle aussi, l’encyclopédie de Novalis, Le Brouillon général(1798-1799), “se joue de toutes les divisions et de tous les cloisonnementshabituellement dressés entre les arts, les sciences et le monde quotidien”. Cf.sa traduction par Olivier Schefer, Paris, Allia, 2000.

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Chapelle du Genêteilrue du Général Lemonnier53200 Château-Gontiertél. 02 43 07 88 96ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h➤ « Last Garden » Michel Blazy :jusqu’au 17/11/13➤ Pierre Besson : 18/01 - 23/03/14

Synagogue de Delme33 rue Poincaré57590 Delmetél. 03 87 01 35 61ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h,dim. de 11h à 18h, fermé du21/12/13 au 03/01/14➤ « Schizophonie » L. Abu Hamdan,L. Echakhch, S. Hayes, Hiwa K, F. Leibovici, E. Simpson and B. White(Open Music Archive), A. Piper, The Otolith Group, Commissairesinvités : Anna Colin et Sam Thorne :26/10/13 - 16/02/14

appartement/galerie Interface12 rue Chancelier de l’Hospital21000 Dijontél. 03 80 67 13 86ouvert de 14h à 19h du mer. au sam. et sur rdv. fermé les jours fériés ➤ « Collapse(s) (et autres systèmesdéceptifs) » Jérémy Laffon : jusqu’au 26/10/13 ➤ Sophie Dejode & BertrandLacombe : 07/12/13 - ../01/14

Entrepôt 9 - Galerie Barnoud9 Bd de l’Europe21800 Quétignytél. 03 80 66 23 26ouvert les mer., ven. et sam. de15h à 19h et sur rdv➤ « Ecritures » Henri Michaux, Gil Joseph Wolman : jusqu’au 21/12/13

Centre d’art et de rechercheGwinZegal(org. Frac Bretagne)3 rue Auguste Pavie22200 Guingamptél. 02 96 44 27 78 ouvert du lun. au ven. de 9h30à12h30 et de 13h30 à 15h30, fermé le mer.➤ « Ligne de mire » Mathieu Pernot :jusqu’au 24/11/13

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Villa du ParcParc Montessuit 12 rue de Genève 74100 Annemassetél. 04 50 38 84 61ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h30, fermé les jours fériés➤ « A heures fixes, pas une minute àperdre » Raphaël Julliard, PascalSchwaighofer, Marie Velardi : jusqu’au21/12/13➤ « La République » Expositioncollective, commissaire : PrésidentVertut : 16/01 - 22/03/14➤ « Le syndrome de Bonnard » Enpartenariat avec le Mamco : 04/04 - 07/06/14

Le Granit1 faubourg de Montbéliard90000 Belforttél. 03 84 58 67 50ouvert du mar. au sam. de 14h à 18hle mer. de 10h à 18h ➤ « Fixer l’ombre (Fixing shadows) »oeuvres de la collection du muséeNicéphore Niépce : jusqu’au 03/12/13

Centre international d’art et du paysageÎle de Vassivière 87120 Beaumont-du-Lac tél. 05 55 69 27 27ouvert du mar. au dim. de 11h à 13het de 14h à 18h➤ Fernanda Gomes : jusqu’au 05/01/14➤ Sheela Gowda : 19/01 - 23/03/14➤ Peter Buggenhout : 13/04 - 22/06/14

Frac Franche-Comtécité des arts / 2 passage des arts 25000 Besançon tél. 03 81 87 87 00ouvert du mer. au ven. de 14h à 18h,sam. et dim. 14h à 19h ➤ « Sound-Houses #1 » A. Lucier, T. Johnson : jusqu’au 01/12/13➤ « Four Walls » F. Baudevin, T. Arce,N. Eigenheer, J. Hentsch, A. Hildbrand,F. Joiris : jusqu’au 26/01/14➤ « All-In » Mohamed Bourouissa :jusqu’au 01/12/13➤ « Promenade Blanche / WeisseReise » Susanna Fritscher : 25/01 - 11/05/14 ➤ « Exposition des œuvres de lacollection » 15/02 - 16/03/14➤ « Exposition monographique » Jean-Christophe Norman : 12/04 - 25/05/14

La Box9 rue Edouard-Branly18000 Bourgestél. 02 48 24 78 70ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18h,fermé les jours fériés➤ « Satisfaction-without-delay » A Constructed World & Speech andWhat Archive : jusqu’au 16/11/13➤ Jean-Michel Sanejouand : 28/11 - 21/12/13 ➤ « Projections animalières »commissariat : Caroline Picard :16/01 - 08/02/14 ➤ « Glissements de terrain.Cartographie, Pensée, Paysage »proposition de Joan Ayrton : 17/02 - 19/03/14➤ « Ghost nature : Le fantôme de lanature » commissariat : Caroline Picard :27/03 - 26/04/14

Yona Friedman, La Box, Février 2013.© Jean Frémiot

La Passerelle41 Rue Charles BerthelotQuartier Saint-Martin 29200 Bresttél. 02 98 43 34 95ouvert le mar. de 14h à 20h et du mer.au sam. de 14h à 18h30, fermé dim.,lun. et jours fériés➤ « Séries » Jugnet + Clairet ➤ « L’intranquillité » Wilfrid Almendra➤ « Moukimbi Moukengui » MarcosAvila Forero : jusqu’au 04/01/14➤ « le Musée Antidote » FlorianFouché : 31/01 - 03/05/14➤ Cécile Paris : 31/01 - 03/05/14➤ François Feutrie : 31/01 - 03/05/14➤ Goldiechiari : 31/01 - 03/05/14

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Chapelle des Annonciades(org. Frac Alsace)place Albert Schweitzer67500 Haguenautél. 03 88 90 29 39ouvert du mer. au dim. de 14h à18h, fermé les 01/11/13,25/12/13 et 01/01/14➤ « Pièces Montrées - Frac Alsace, 30 ansde collection » : 12/10/13 - 09/02/14

Exos Lucius68, rue Lamartine - 71800 La Clayettetél. 03 85 84 35 97ouvert les ven., sam. et dim. de 14h30 à 18h30 et sur rdv ➤ « Hors Champs » Sylvie Bonnot : jusqu’au 10/11/13

Fonds Hélène & Edouard LeclercAux capucins 29800 Landerneau tél. 02 29 62 47 78ouvert tous les jours de 10h à 18h,fermé les 25/12/13 et 01/01/14 ➤ « Joan Miró, l’arlequin artificier »Joan Miró : jusqu’au 03/11/13➤ « la bande dessinée en liberté... » :15/12/13 - 11/05/14

Frac Limousin impasse des Charentes 87100 Limoges tél. 05 55 77 08 98ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h,fermé les jours fériés➤ « Défilé de sculptures » C. Andre,D. Aubertin, M. Berkhemer, B. Culbert,G. Ettl, R. Fauguet, I. Hamilton Finlay,M. François, G. Gabellone, A. Godard,C.-J. Jézéquel, M. Kienzer, L. Le Deunff,M. Le Royer, D. Marcel, S. Marsden,G. Matta-Clark, A. Molinero, O. Mosset,C. Piot, P. Roehr, A. Rodcenko, V. Skoda,R. Smithson, J. Stockholder, S. Tritz, P. Van Caeckenbergh, A. Vasseux, J. Vieille, C. Visser : jusqu’au 01/02/14➤ Stéphanie Cherpin : 21/02 - 31/05/14

L’attrape-couleursplace Henri Barbusse - 69009 Lyon tél. 04 72 19 73 86 ouvert du mer. au sam. de 14h à 18het dim. de 14h à 17h➤ « Passer » Nicolas Fouré : jusqu’au 26/10/13➤ « Hasta el Fin » Lola Gonzalez :jusqu’au 21/12/13➤ « Anarchisony#5 » Zoé Benoit :11/01 - 01/03/14➤ Carte Blanche à Broadcast posters :29/03 - 01/06/14

Frac Paca20 boulevard de Dunkerque13002 Marseilletél. 04 91 91 27 55ouvert du mer. au sam. de 10h à 18hdim. de 14h à 18h, nocturne un ven.par mois jusqu’à 21h, fermé le lun. etles jours fériés➤ « Ulysse » Hans Op de Beeck,Jean-Christophe Norman, FranckPourcel et Stéphane Le Mercier : jusqu’au 22/12/13➤ Eric Hattan : 31/01 - 04/05/14

La Kunsthalle Mulhouse16 rue de la Fonderie68100 Mulhousetél. 03 69 77 66 47ouvert du mer. au ven. de 12h à 18h, sam. & dim. de 14h à18h, fermé les 01/11/13, 25-26/12/13 et 01-02/01/14➤ « sous nos yeux » partie 2, M. Akrim,G. Ciancimino, S. Dawood, N. Esber, P. Esquivias, P. Gomez-EgaHa, C. Henrot,M. Larbi Rahali, Y. Rahmoun et O. Vilanova : jusqu’au 17/11/13➤ « Régionale 14 » exposition collective :29/11/13 - 12/01/14➤ « Tired of Reality » commissaireMartha Kirszenbaum : 12/02 - 27/04/14

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Si vous souhaitez que vosmanifestations soient annoncéesdans l’agenda du prochainnuméro, une participation de30 Euros minimum est demandée.

Granville Gallery 23 rue du Départ75014 Paristél. 01 43 22 41 94 ouvert du mer. au sam. de 15h à 19h➤ « Travaux spécifiques » D. Buren etC. Mosta-Heirt : 25/10 - 21/12/13

Parc Saint-Légeravenue Conti58320 Pougues-les-Eauxtél. 03 86 90 96 60ouvert du mer. au dim. de 14h à 18het sur rdv➤ « bottled water branded water »Gabriel Kuri : 19/10/13 - 09/02/14

Frac Bretagne 19 avenue André Mussat - CS 8112335011 Rennes Cedextél. 02 99 37 37 93 ouvert du mar. au dim. de 12h à 19hfermé le 25/12/13 et le 01/01/14➤ « Archeologia » W. Almendra, B. Botella, C. Bove, E. Chambaud, P. Convert, P. Gilardi, J. Maria Gusmao& P. Paiva, L. Le Deunff, B. Lippert, A. Morin, L. Skaer, V. Yassef : jusqu’au 24/11/13➤ « Histoires et géographies » L. Antunes, R. Artschwager, I. Baxter, J. Beech, A. Csörgö, B. Huws, J. Koester, F. Lucien, E. Lusito, R. Morris,C. Moth, T. Mouraud, J. Prévieux, B. Probst, R. Smithson, W. Swennen :jusqu’au 24/11/13➤ « Processing the world » Dieter Roth :14/12/13 - 09/03/14➤ « Le Centre du monde » I. Arthuis,R. Bacon, B. Beaucane, A. Budding, D. Colosi, D. Delepeire, M. Dinahet,M. Duprat, L. Estève, D. Evrard, Y.-N.Genod, G. Goiris, P. Joly, C. Lamarche,D. Linders, T. Kelly Mason, J. Modé,N.G., X. Noiret-Thomé, S. Reuzé, Q.S. Serafijn, M. Stamenkovic, P. Van der Eeden : 22/03 - 11/05/14

Dieter Roth, Grafik & Bücher, Akademie d. Künste Berlin, 13. avril-20 mai 1973affiche, Collection Frac Bretagne © The estate of Dieter Roth

Fondation Fernet-Branca(org. Frac Alsace)2 rue du Ballon - 68300 Saint-Louis tél. 03 89 69 10 77ouvert ts les jrs de 14h à 19h, sauf lun.et mar.➤ « Pièces Montrées - Frac Alsace,30 ans de collection » : 20/10/13 - 23/03/14

Frac Alsace1 espace Gilbert Estève67600 Sélestattél. 03 88 58 87 55ouvert du mer. au dim. de 14h à18h, fermé le 01/11/13 et du23/12/13 au 01/01/14➤ « Pièces Montrées - Frac Alsace, 30 ans de collection » : 06/10/13 - 23/02/14

Musée d’art moderne etcontemporain(org. Frac Alsace)1 place Hans Jean Arp67000 Strasbourgtél. 03 88 23 31 31ouvert de 10h à 18h, fermé le lun.& les 01 et 11/11/13, 25/12/13et 01/01/14➤ « Pièces Montrées - Frac Alsace, 30ans de collection » : 05/10/13 - 09/02/14

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HORSD’ŒUVRE n° 32édité par l’associationINTERFACE12 rue Chancelier de l’HospitalF - 21000 Dijont. : +33 (0)3 80 67 13 [email protected]

Conception graphique &responsable de la rédaction :

Frédéric Buisson

Coordination, contacts Agenda :

Nadège Marreau

Ont participé à ce numéro :

Franck Balland, AdelineBlanchard, Julien Blanpied,Nicolas-Xavier Ferrand,Martine Le Gac,Clothilde Morette, AurélienPelletier, Barbara Sirieix

Relecture :

Stéphanie Jager

Couverture :

OLIVIER NERRY,B.B.B.D.P. 5/1 (The bit by bitdrawing power), octobre 2013

Double page intérieure :

DANIEL BURENEncres sur papier offset lysgalilée 250 gr, avec 4 couleurs(Bleu, Jaune, Rouge, Vert) pourune édition (horsd'oeuvre n°32),travail in situ: Daniel Buren 2013

Impression : ICO17 rue des Corroyeurs - DijonTirage 5 000 exemplaires

ISSN : 1289-9518 - semestrielDépot légal : octobre 2013

Publié avec le soutien del’ensemble des structuresannoncées dans l’agenda et du :

INTERFACE - HORSD’OEUVRE12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL21000 DIJONtél. : 03 80 67 13 [email protected] : 420 x 594 mm (impression offet)

CHRISTIAN MARCLAY [horsd’oeuvre n°27 - 2011]Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artistePrix unitaire : 100 € + 7 € de frais d’envoi

CÉCILE BART [horsd’oeuvre n°28 - 2011]Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artistePrix unitaire : 50 € + 7 € de frais d’envoi

LISE DUCLAUX [horsd’oeuvre n°29 - 2012]Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artistePrix unitaire : 35 € + 7 € de frais d’envoi

PEDRO CABRITA REIS [horsd’oeuvre n°30 - 2012]Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artistePrix unitaire : 100 € + 7 € de frais d’envoi

MATHIEU MERCIER [horsd’oeuvre n°31 - 2013]Tirage : 200 ex. signés à froisser par l’acquéreurPrix unitaire : 50 € + 7 € de frais d’envoi

nouveauté

DANIEL BUREN [horsd’oeuvre n°32 - 2013]Tirage : 30 ex. certifiés par l’artistePrix unitaire : 100 € + 7 € de frais d’envoi

ensemble des 4 couleurs (rouge, bleu, vert, jaune)Tirage : 80 ex. certifiés par l’artistePrix unitaire : 250 € + 15 € de frais d’envoi

Diffusion R-Diffusion : http://www.r-diffusion.org/

éditions d’artistes