Dialogue Politique Haiti: Deux propositions de l'Amicale des Juristes

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Dans le cadre de l'environnement de dialogue que le President Michel Martelly essaie de créer en Haiti l'Amicale des Juristes ayant a sa tête Me. Rene Julien fait deux propositions. Je vous invite a lire le document.

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L’AMICALE DES JURISTES1, Angle Autoroute de Delmas & Delmas 46

Tél : (509) 37 15 15 68 - (509) 22 30 99 50 E-mail: [email protected]

Dialogue inter-haïtien pour résoudre la crise : Position de L’Amicale des Juristes

L’Amicale des Juristes demeure convaincue que la crise haïtienne, vieille de plus de deux cents ans, est due, en grande partie, au refus des élites de reconnaître la suprématie de la Constitution dans la gestion des affaires publiques pour ne pas sacrifier des intérêts mesquins.

En conséquence, devant la faillite des institutions démocratiques, le plus important aujourd’hui consiste à recréer, en vertu d’un compromis historique, les conditions de fonctionnement de l’Etat sur la base des valeurs républicaines en attendant de rendre possible l’émergence d’une nouvelle Haïti fondée sur le socle du droit.

Evidemment, un dialogue qui se veut en harmonie avec les idéaux de notre indépendance ne saurait ne pas prôner le respect de notre devise : « Liberté – Egalité – Fraternité ». 

Depuis très longtemps, ces valeurs restent le repère essentiel de toute société. Elles conditionnent les manières de penser, d’agir et de vivre. Plusieurs sociétés ont connu leur décadence à cause de la dégradation de ces valeurs. Haïti qui, depuis son indépendance, a toujours voué un total attachement à ces valeurs, voit effriter, aujourd’hui, ses bonnes mœurs au profit de pratiques dépravées. Il faut que des voix s’élèvent pour dire non à cet état de chose. 

Dépendamment, du niveau de conscience avec lequel ce dialogue sera abordé, il peut contribuer à poser effectivement la première pierre de la construction d’une nouvelle Haïti fondée sur l’Etat de droit. « Rien de grand et de durable ne se gagne sans effort. »

Fatigué des incohérences de nos politiciens, de leur façon enfantine d’approcher les choses de l’Etat, il faut craindre qu’un jour, le peuple, comme il lui a été signifié par au moins deux parlementaires de la 49e législature, s’érige en tribunal pour trancher sa propre cause. Un dialogue franc et sincère doit avoir pour but d’éviter au pays une telle catastrophe.

Le dialogue pour résoudre une crise doublement séculaire

Il n’y a pas de doute qu’un grand nombre d’Haïtiens se sont résolus à croire, ces derniers temps, que le dialogue est le meilleur moyen de mobiliser les énergies nécessaires en vue de marquer la rupture ; pourtant, le but n’en est pas clairement défini. En tout cas, L’Amicale des Juristes émet

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le vœu que ce dialogue puisse aller au-delà de nos mesquineries, lesquelles ont façonné toute notre existence de peuple et nous empêchent, à chaque tournant de l’Histoire, de cerner les problèmes d’une nation en citoyens responsables.

Eradiquer le système en cours au profit d’un règne de droit et de justice sociale, tel doit être, en 2014, la préoccupation haïtienne.

Dans le cas qui nous concerne, dialoguer, n’est-ce pas de nous convaincre, de nous persuader sur un projet politique susceptible de bannir définitivement l’ordre ancien ?

En ces moments décisifs de notre histoire, nous ne pouvons laisser aux seules forces rétrogrades du pays le monopole d’un tel dialogue. Ce serait accepter une fois de plus que le peuple soit passé en dérision ou se fasse complice d’une comédie déjà montée de toutes pièces pour donner une satisfaction temporaire ou illusoire aux citoyennes et citoyens haïtiens assoiffés de vivre dans un Etat moderne.

Fort de cette judicieuse remarque, il est fait obligation à des institutions haïtiennes, comme celle de L’Amicale des Juristes, connues pour leurs prises de position constantes en faveur de la justice et du droit, d’imposer leur participation à tout dialogue envisagé, à tort ou à raison, dans le cadre de la résolution de la crise.

Au seuil même des débats, nous devons avoir un discours capable de mettre en contexte l’obstination des Haïtiens à gérer l’Etat avec tant de désinvolture.

Pitit Petyon anfas pitit Desalin ak pitit Kristòf, pèp lavalas anfas pèp makout ak pèp tèt kale, autant de situations susceptibles de rompre les liens de solidarité du peuple avec lui-même, avec toutes les couches sociales qui le composent pour enfoncer davantage le pays dans l’abîme.

Dans tout Etat de droit, les groupes de pression ont toujours associé leur lutte à la cause de la justice et du droit. En Haïti, c’est le contraire ; les éternelles luttes intestines ne le sont que pour pérenniser l’ordre ancien. La preuve est que de la mort, le 17 octobre 1806, de Jean-Jacques Dessalines, le père fondateur de la patrie, à nos jours, la lutte pour le respect des droits fondamentaux n’a pas évolué, elle marque le pas sur place.

Les actes de certains compatriotes haïtiens le sont pour profaner les exploits de nos ancêtres. Souvent, ils ont déstabilisé toutes les valeurs haïtiennes pour faire revenir le pays à la vie tribale. Considérée comme le berceau de la liberté du monde noir, Haïti ne réussit pas, 210 dix ans après la proclamation de son indépendance, à garantir les droits fondamentaux de son peuple. Elle ne fait que tourner à l’envers du monde libre à cause des choix pervers de ceux qui le dirigent, notamment à partir de 1986.

Un dialogue qui se veut franc, sincère et fondé doit s’évertuer à régulariser, une fois pour toute, cette pénible situation. Il vient un moment où l’on ne peut continuer à tergiverser, ni à se livrer au show bise. L’année 2014 doit être une année décisive pour notre peuple. Que ceux qui

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prennent le malin plaisir de diriger l’Etat dans la vilenie comprennent la nécessité de se souscrire à la décision résolue des forces progressistes haïtiennes de conduire le pays sur la voie de l’Etat de droit.

Même si, aux yeux de plus d’un, la communauté internationale partage la responsabilité de la gravité de la situation qui prévaut actuellement en Haïti, l’ONU demeure-t-elle, à notre avis, l’institution la mieux indiquée pour jouer le rôle d’arbitre dans un dialogue haïtien pour la résolution d’une crise aussi profonde ?

Le cadre du dialogue

Aucun secteur de la vie nationale, s’il se veut sincère, n’oserait nier le fait que, malgré sa faiblesse, la Constitution de 1987 demeure encore, en 2014, la référence idéologique d’un peuple déterminé à renverser l’ordre ancien pour le remplacer par un régime de droit. Il est donc souhaitable que le projet de société dont elle est porteuse soit considéré comme le cadre idéal de tout dialogue visant à la résolution de la crise haïtienne.

Un dialogue à double orientation

L’Amicale des Juristes suggère que le dialogue soit réalisé sur deux pistes différentes mais concomitantes :

La première piste devrait être appréciée sur la base d’un programme consensuel de gouvernement visant plus ou moins la régularisation de la gestion de l’Etat pendant le temps qui reste à monsieur Michel Martelly pour boucler son mandat présidentiel.

La deuxième piste devrait déboucher sur la création d’une « Commission Mixte Temporaire » (CMT) de neuf membres chargée :

- de veiller, avant leur exécution, à la conformité constitutionnelle des actes de l’Etat du-rant la présidence de monsieur Martelly;

- de préparer le cas échéant un document motivé sur l’opportunité d’une réforme ou d’un amendement de la Constitution en vigueur ;

- de travailler avec le gouvernement de la République, avec des partis politiques déten-teurs de projets de société jugés conformes, en vue d’élaborer, en toute indépendance, pour les quinze prochaines années, un plan de développement d’Haïti qui met au centre l’être humain dans toutes ses dimensions individuelle, sociale, juridique, politique et éco-nomique.

Ladite commission peut être composée d’un représentant de chaque pouvoir, d’un représentant de l’Office de la Protection du Citoyen, d’un représentant de l’Université d’Etat d’Haïti, de deux représentants des institutions parmi les plus remarquables de la société civile et de deux représentants de

la fédération des barreaux de la République.

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Il est souhaitable que parmi les ouvrages de référence qui peuvent être jugés nécessaires à cette colossale tâche, la commission se fasse le devoir de consulter les différentes dispositions de la Constitution du 29 mars 1987 conçues dans le but de valoriser l’être humain.

Si aujourd’hui le pays a dû faire face à tant de problèmes en matière de droits humains, ce n’est pas la Constitution qu’il faut rendre responsable. Il faut s’en prendre à la façon haïtienne de gérer la chose publique. Fort de cette considération, l’encadrement repensé des experts internationaux est nécessaire à toutes les phases d’élaboration, d’implémentation ou d’exécution du projet en question. Nous terminons notre proposition pour dire haut et fort que toutes conclusions d’une ordonnance haïtienne concernant la crise, qui ne proclament pas la rupture sans équivoque du système répressif en cours dans le pays seront jetées dans la poubelle de l’histoire pour être classées sans suite. Elles seront considérées comme une insulte en plus à la nation.

Fait le 2 janvier 2014.

René JulienPrésident

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