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  • Elments pour un diagnostic sur lcole

    Document gnral prparatoire au

    dbat national sur lavenir de lcole

    Jean-Claude HARDOUIN Professeur des Universits

    Andr HUSSENET

    Inspecteur gnral de lducation nationale

    Georges SEPTOURS Inspecteur gnral de lducation nationale

    Avec la collaboration de Norberto BOTTANI

    Directeur du service de la recherche en ducation Genve

    N 9 Octobre 2003

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    Rapport tabli la demande

    du Haut Conseil de lvaluation de lcole

    Directeur de la publication : Christian FORESTIER

    Secrtariat gnral : 3-5, bd Pasteur 75007 PARIS Tel 01 55 55 77 41

    Ml : [email protected]

    ISSN en cours Conception et impression : DEP/Bureau de ldition

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    Avertissement Ecrire sur lcole ? Vaste programme pourraient dire de jeunes rudits. Soit lon peut crire une somme monumentale, un gros dictionnaire pdagogique, une description volumineuse des structures, des contenus denseignement, des pratiques pdagogiques. Lon a tent de le faire, et parfois louvrage est devenu un classique. Notre objet est tout autre. La France, une fois de plus, sinterroge sur son cole, dit ses doutes, ses perplexits. Lopinion publique est prise tmoin pour trancher dans des dbats idologiques sans issue ou pour arbitrer des querelles de spcialistes. Il nous a sembl utile, la demande du Haut conseil de lvaluation de lcole, de nous limiter quelques questions de fond et de ne pas rechercher une impossible exhaustivit. Nous lavons fait en exposant, avec une froideur excessive peut-tre, les ralits de lcole en ce dbut de sicle, lcole immerge dans la socit, sa gestion et son organisation et lcole aux prises avec les grandes ambitions de formation des jeunes, ses pratiques pdagogiques et ses rsultats. Nous avons pour cela fait appel au souvenir de nos lectures, tudes, livres, comptes rendus de recherches, publications fort nombreuses en France et ltranger, notamment les rapports du Haut conseil, du Comit national dvaluation, du Haut comit conomie, emploi, ducation et de lInspection gnrale. Ils figurent dans les bibliographies classiques que nous ne reproduisons pas. Nous avons utilis nos propres observations, et nous nous sommes appuys, autant que la matire le permettait, sur les donnes chiffres des publications officielles de lOCDE, des services de lUnion Europenne, de lINSEE, de la direction de lvaluation et de la prospective du ministre en charge de lducation. Nous avons rput indiscutables ces donnes. Certains regretteront tels ou tels oublis ; la plupart sont volontaires. Dautres pourront manifester leur dsaccord avec les choix faits dexposer telle ralit de lcole et non telle autre. Nous assumons ces choix. Puissent-ils aider tous ceux qui le souhaiteront changer, avec lucidit et modration, sur notre cole. Elle ne mrite pas lanathme passionnel et pas davantage le dithyrambe potique. Elle demande tous, lves, professeurs, parents le respect ; et elle veut le mriter. Demain plus quaujourdhui. Pour cela, elle appelle de ses vux les bonnes rformes quelle juge ncessaires.

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    Sommaire

    UN REGARD SUR LECOLE : En guise dintroduction p.9 I. UNE EVOLUTION REMARQUABLE. p.9 1-1 La rsultante dune volont politique forte. p.9 1-2 Le collge unique a du mal se mettre en place. p.10 1-3 La croissance du taux daccs au baccalaurat de la dcennie 1985-1995. p.10 1-4 Une volution spectaculaire. p.11 II - UNE PROGRESSION BRUSQUEMENT STOPPEE. p.12 2-1 Le taux de passage 3-2 va baisser. p.13 2-2 Le retournement de tendance de 1996. p.13 2-3 Le dcrochage de la voie gnrale. p.13 2-4 Lobjectif des 80%. p.14 TITRE I : LECOLE : UNE INSTITUTION DANS LA SOCIETE p.17 CHAPITRE 1 : LE SYSTEME EDUCATIF ET LEMPLOI p.19 I -LE DIPLME PASSEPORT POUR LEMPLOI. p.19 1-1 Un lien troit entre le niveau du diplme et lemploi. p.19 1-2 Les sorties du systme ducatif. p.21 II - LEMPLOI DES JEUNES LA FRANCE ET LEUROPE. p.22 2-1 Les comparaisons avec les pays de lUnion Europenne. p.22 2-2 Confirmation du lien entre le diplme et lemploi. p.22 2-3 Un enjeu : la construction dun Espace europen de la formation. p.23 III- POUR LAVENIR EN FRANCE, QUELS DIPLMES POUR QUELS BESOINS EN TERME DEMPLOIS ? p.23 3-1 Des difficults dinsertion prvisibles. p.25 3-2 Leffort faire pour le systme ducatif. p.25 CHAPITRE 2 : LA RECHERCHE DEQUITE p.27 I DES OBJECTIFS DEQUITE p.28 II PERFORMANCES SCOLAIRES ET ORIGINE SOCIO-ECONOMIQUE p.28 2-1 Laccs aux formations post baccalaurat p.28 2-2 Un dterminisme aux racines profondes p.28 2-3 Les disparits saccroissent p.28 2-4 Le redoublement p.29 2-5 Laccs la classe de seconde p.29 III UNE ECOLE ATTENTIVE ? p.29 3-1 Une scolarisation de masse p.29 3-2 Les politiques de traitement ingalitaire en faveur des enfants p.30 3-3 La carte scolaire p.31 IV DES PROGRES SONT POSSIBLES p.31 4-1 Les procdures pdagogiques p.32 4-2 La recherche de la qualit p.32 4-3 Le travail auprs des familles p.32 4-4 La formation tout au long de la vie p.32 4-5 Une politique active en faveur des lves atteints dun handicap p.33

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    CHAPITRE 3 : LES QUESTIONS DE SOCIETE A LECOLE p.35 I LA SANTE DES ELEVES, LABSENTEISME, LA VIOLENCE. p.35 1-1 Quelle prise en charge et avec quels moyens p.35 1-2 La sant p.36 1-3 Labsentisme p.38 1-4 La violence p.39 II LA POLITIQUE DE LINTEGRATION SCOLAIRE p.40 2-1 La scolarisation des lves en situation de handicap p.40 2-2 Les effets de la politique de lutte contre lchec scolaire en milieu populaire p.42 III FILLES GARCONS. DES DIFFERENCES FORTES p.43 3-1 Lorientation en fin de 3 p.43 3-2 Lorientation en fin de 2 et de 1 p.44 3-3 Lorientation aprs la terminale p.45 3-4 Lapprentissage p.46 IV PUBLIC - PRIVE p.46 4-1 Lvolution dans le temps de la part du priv p.46 4-2 Les changes entre le public et le priv p.47 4-3 Caractristiques des tablissements privs p.48 CHAPITRE 4 : LES COTS DU SYSTME DUCATIF. p.51 I - LA DPENSE INTRIEURE DDUCATION. p.51 1-1 La dpense dducation. p.51 1-2 Les cots par lve. p.52 1-3 Les comparaisons internationales pour la dpense dducation. p.57 II - LE BUDGET DE LEDUCATION NATIONALE, PREMIER BUDGET DE LTAT : UN BUDGET DE PERSONNELS p.58 2-1 Le premier budget de lEtat. p.58 2-2 Les marges de manuvre budgtaires sont extrmement rduites. p.58 CHAPITRE 5 : PILOTER LECOLE p.61 I UNE MATIERE COMPLEXE. p.61 II - UN CHALLENGE ADMINISTRATIF. p.62 III - UN SYSTEME CENTRALISE ? p.63 IV - LA QUESTION DE LEPLE. p.64 V - LAFFAIRE DE LA CARTE SCOLAIRE . p.65 VI - LA PLACE DES PARENTS. p.65 VII - LA GESTION PAR LEXPERIMENTATION. p.66 VIII - LA GESTION PAR LE CONTRAT ET LEVALUATION. p.66 IX - LES CADRES DE L ENTREPRISE ECOLE. p.67 TITRE II : LECOLE, UNE AVENTURE PEDAGOGIQUE p.69 CHAPITRE 6 : LECOLE p.71 I - LA FRANCE A FAIT LE CHOIX DUNE SCOLARISATION PRECOCE. p.71 1-1 La monte du prlmentaire et lamlioration des conditions daccueil. p.71 1-2 Les personnels, le fonctionnement, la pdagogie. p.73

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    II - UNE ECOLE PRIMAIRE RESPECTEE ET APPRECIEE. p.74 2-1 Des volutions marquantes et des points de grande stabilit. p.74 2-2 Les rsultats : des progrs ncessaires. p.77 CHAPITRE 7 : LE COLLEGE p.81 I - LE COLLEGE : UNE ENTITE AUTONOME. p.81 1-1 Le collge est effectivement le premier cycle du secondaire, du lyce. p.81 1-2 Le collge nest pas uniforme. p.82 1-3 Une conception particulire. p.82 II - MOYENS ACCORDES AU COLLEGE ET RESULTATS OBTENUS. p.82 2-1 Les moyens. p.82 2-2 Les rsultats. p.84 III - DES QUESTIONS RECURRENTES A TRAITER. p.87 3-1 Pourquoi le collge est-il peru comme le maillon sensible ? p.87 3-2 Les coupures lentre et la sortie du collge sont trop brutales. p.87 3-3 Quel tronc commun pour le collge unique, pour tous et pour chacun ? p.88 3-4 La sectorisation. p.88 CHAPITRE 8 : LES LYCEES. p.91 I LE SYSTEME DES TROIS VOIES ET SES DERIVES. p.91 1-1 Lorganisation du second cycle p.91 1-2 La population des bacheliers augmente et change de texture p.92 1-3 La question des frontires entre bacs p.95 1-4 Lvolution des passages du BEP vers les bacs p.95 1-5 La voie scolaire et lapprentissage p.96 II LA STRUCTURE DES LYCEES p.96 2-1 La seconde de dtermination p.96 2-2 La structure du lyce, quelle polyvalence ? p.97 III LEVOLUTION DES PARCOURS p.100 3-1 Evolution des vux mis par les familles en fin de 3 p.100 3-2 Les taux daccs aux niveaux V et IV de formation p.101 3-3 Les flux dlves de la 3 la terminale p.102 3-4 Le cas particulier des DOM TOM p.102 IV LA CERTIFICATION p.104 CHAPITRE 9 : LENTRE DANS LENSEIGNEMENT SUPRIEUR. p.109 I - LES EFFECTIFS DTUDIANTS DANS LE SUPRIEUR. p.109 1-1 Un accroissement gnral du nombre dtudiants en Europe depuis 25 ans. p.109 1-2 Le bond des effectifs dans lenseignement suprieur. p.110 1-3 Des volutions deffectifs trs contrastes selon les filires. p.110 II - LORIENTATION APRES LE BAC. p.114 2-1 Le choix franais de laccs libre lentre de luniversit. p.114 2-2 Lorientation des nouveaux bacheliers. p.114 2-3 Les motivations des nouveaux bacheliers inscrits en 1 anne de DEUG p.116 III - LES TAUX DCHEC EN DEUG EST-CE LE SEUL DFI ? p.118

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    CHAPITRE 10 : LES EVOLUTIONS PEDAGOGIQUES p.123 I - UNE AFFAIRE DE SPECIALISTES ? p.123 II - DES DISCIPLINES EN INTROSPECTION. p.124 III - DES DISCIPLINES EN INTERACTION p.125 IV - ET DES SAVOIRS ORGANISES. p.126 V - MAIS DES CARENCES ET DES IMPERFECTIONS. p.127 CHAPITRE 11 : ENSEIGNER, UN METIER p.129 I - DES PROFESSEURS TRES NOMBREUX. p.129 1-1 Des masses impressionnantes. p.130 1-2 Les multiples corps de professeurs. p.130 1-3 Des corps divers pour le service de la pdagogie ? p.132 II - LE RECRUTEMENT ET LA FORMATION. p.133 2-1 Le dbat en France et en Europe. p.133 2-2 La question des concours de recrutement. p.134 2-3 Des difficults de recrutement dans un proche avenir. p.134 2-4 Des preuves adaptes ? p.135 2-5 Des contenus de formation en dbat. p.136 2-6 Au del de la formation initiale. p.136 III. DES CONDITIONS CORRECTES POUR EXERCER LE METIER ? p.137 3-1 Les dus du mtier. p.137 3-2 Une charge de travail raisonnable ? p.137 3-3 Ces effectifs bien lourds ! p.138 3-4 Une inutile solitude. p.138 3-5 En matire de GRH : Peut mieux faire ! p.140 UN REGARD INTERNATIONAL Les commentaires de Norberto Bottani p.141 GLOSSAIRE p.149

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    UN REGARD SUR LECOLE : EN GUISE DINTRODUCTION

    Toute lhistoire des politiques scolaires menes depuis 1975 prsente la particularit dune parfaite lisibilit. Elle sillustre dans les courbes dcrivant lvolution des taux daccs par gnration aux diffrents baccalaurats.

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    1980

    Taux daccs aux diffrentes voies du baccalaurat et taux daccs la seconde.

    Lorsquen 1975, Ren Haby instaure le collge unique , cette dcision nintervient pas comme un coup de tonnerre dans un ciel serein : elle sinscrit dans un long programme engag ds le dbut du XX sicle (et mme avant) et qui nest pas encore achev.

    I. UNE EVOLUTION REMARQUABLE. 1-1 La dcision de 1975 est la rsultante dune volont politique forte, ne la Libration, dacclrer la dmocratisation de laccs aux plus hauts niveaux de formation. Jusqualors en effet et malgr luvre accomplie par les III et IV rpubliques, la forte segmentation pdagogique qui subsiste recouvre tout simplement une segmentation sociale relle : aux enfants des catgories socioprofessionnelles (PCS) favorises, les tudes longues (le petit et le grand lyces), aux enfants des PCS dfavorises, les tudes courtes (le court complmentaire et le collge denseignement technique).

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    En 1975, un jeune Franais sur quatre environ obtient le baccalaurat1 et un jeune Franais sur cinq (20%) poursuit des tudes suprieures. De ce strict point de vue, notre pays est alors la trane et se situe loin derrire les autres pays dvelopps comparables : Etats-Unis, Royaume Uni, Allemagne, Japon. Plus grave encore, ces performances plutt mdiocres semblent stre stabilises aprs la forte croissance qui a suivi la Libration et qui a concern les gnrations de la guerre et de laprs guerre : de 1958 1968, le taux daccs au baccalaurat avait doubl, passant de 10% 20% dune gnration avant de stopper sa progression. La dcision du collge unique est en consquence logique, ncessaire et courageuse mais elle est aussitt combattue par tous ceux qui pensent que lon a dj trop brad le baccalaurat et que lenseignement suprieur scolarise beaucoup trop dtudiants. Population franaise de 25-64

    ans en 1982 Population franaise de 25-64 ans en 2000

    Licence et plus 4% 14% BTS, DUT 4% 10% Niveau baccalaurat 8% 13% Niveau CAP 14% 28% CEP ou rien 70% 38%

    Evolution du niveau de sortie du systme ducatif de 1982 2000 1-2 Six ans plus tard, en 1981, lorsquAlain Savary devient ministre, force est de constater que le collge unique a du mal se mettre en place. Plus de 20% des collgiens connaissent encore une orientation prcoce la fin de la classe de 5 vers le collge denseignement technique (CET) devenu lyce denseignement professionnel (LEP aujourdhui lyce professionnel, LP). Cest ce moment, fin 1982, quun recensement va donner une photographie alarmante du niveau de formation initiale de la population franaise alors que le ministre prcdent, Christian Beullac, avait pour la premire fois courageusement essay de placer lcole devant ses obligations en matire de qualification. Ainsi en 1982, prs des trois quarts de la population active franaise (les 25-64 ans ) sont sortis du systme ducatif sans qualification et moins de 20% de cette population possde un niveau suprieur ou gal au baccalaurat (sans en possder ncessairement le diplme) : la France est alors en retard sur ses principaux partenaires. Fort de ce constat, Alain Savary dabord, Jean-Pierre Chevnement ensuite vont prendre une srie de dcisions confortes ultrieurement par Ren Monory :

    - promouvoir en fin de 3 (ds la rentre 1982) le passage en classe de 2 ; - supprimer le palier dorientation de fin de 5 sauf la demande explicite des

    familles2 ; - crer en 1985 le baccalaurat professionnel pour permettre damener une fraction

    de plus en plus importante des titulaires du BEP au baccalaurat. 1 Autour de 20% dune gnration obtient le baccalaurat gnral et 5% un baccalaurat technologique. 2 Pour adoucir cette dcision vcue par beaucoup comme un traumatisme, on invente les classes de 4 et 3 technologiques, dabord au LEP, avec mise en extinction des certificats daptitude professionnel (CAP) en 3 ans post 5, classes qui ensuite, trs rapidement, vont tre transfres au collge. La dcision de 1982 vise reporter au-del de la classe de 3, la possibilit de commencer une formation professionnelle de niveau V (CAP, brevet dtudes professionnelles, BEP), la voie professionnelle sinscrivant entirement dans le second cycle de lenseignement secondaire.

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    1-3 la croissance du taux daccs au baccalaurat de la dcennie 1985-1995. Cest lensemble cumul de ces dcisions, soutenues par un discours politique fort et sans fausses notes de Jean-Pierre Chevnement Franois Bayrou, en passant par Lionel Jospin et Jack Lang, qui explique la croissance spectaculaire du taux daccs au baccalaurat de la dcennie 1985-1995, les dix glorieuses .

    1985 1995

    Bac. gnral 19.8% 37.4% Bac. technologique

    9.6% 17.7%

    Bac. professionnel

    0 8.1%

    Total 29.4% 63.2% Proportion de bacheliers par gnration

    Pendant ces dix annes, le pourcentage de bacheliers gnraux par gnration va doubler, ainsi que le pourcentage de bacheliers technologiques. De plus, grce au baccalaurat professionnel, la France va atteindre 63% de bacheliers contre 30% dix ans plus tt. Il faut par ailleurs remarquer quen parallle, cest tout le systme ducatif qui volue dans la mme direction puisque durant cette dcennie, le pourcentage de jeunes quittant le systme ducatif sans qualification va tre divis par deux pour se stabiliser autour de 7% (contre prs de 25% en 1975). Limpact de ces dix glorieuses sur le niveau de qualification de la population franaise va savrer trs important et sobserve trs bien aujourdhui. Le tableau page 14 montre que le pourcentage dadultes ayant un niveau suprieur ou gal au baccalaurat en 2000 a plus que doubl par rapport 1982 (37% contre 16%), idem pour le niveau CAP pendant que le pourcentage dadultes sortis de lcole sans qualification a t lui, divis par deux (de 70% 35%). 1-4 Une volution spectaculaire. On observe donc une volution spectaculaire en moins de 20 ans qui illustre bien le rapport quil y a entre le flux de sortie du systme ducatif et ltat de certification de la population franaise ; la rapidit dimpact est bien videmment directement lie un diffrentiel entre le flux de sortie du systme scolaire et le flux des dparts de la vie active. Par comparaison avec les autres pays, il est intressant de noter que les bacheliers des annes 1985-1995 ont aujourdhui entre 25 et 35 ans et de comparer comment se situe cette tranche dge par rapport la moyenne des pays de lorganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE).

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    25.34ans 35.44ans 45.54ans 55.64ans 25.64ans

    FranceOCDE

    Pourcentage de la population ayant termin le deuxime cycle de lenseignement secondaire.

    Pour la premire fois en 1995, pour les 25-34 ans, le niveau de certification scolaire apparat suprieur la moyenne de lOCDE alors que pour les gnrations plus ges, il est infrieur. Cette dcennie en a effac trois : grce aux performances atteintes, la France a rattrap son retard et sapprtait sinstaller dans une position de leader.

    II - UNE PROGRESSION BRUSQUEMENT STOPPEE.

    2-1 A partir de 1992, le taux de passage 3-2 va baisser pendant quatre annes conscutivement, faiblement certes, mais suffisamment pour enrayer cette remarquable progression. Alors que les annes Monory - Jospin avaient t marques par une trs forte augmentation du taux daccs au lyce gnral et technologique (de 42.0% 57.3% de 1986 1991, soit 15 points en cinq ans), au moment o est mise en uvre la Loi dorientation qui voulait graver dans le marbre les volutions en cours, tout semble se drgler comme sous leffet dune croissance devenue trop rapide. Si les annes 1980 expliquent et illustrent les dix glorieuses , les annes 1990 sont caractrises par une stagnation et un retour en arrire concentrs sur la seule voie gnrale ; en 2002, 32.6% des jeunes Franais ont obtenu un baccalaurat gnral, cest--dire le mme pourcentage que dix ans plus tt (32.4%).

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    2-2 Le retournement de tendance de 1996. A cause de linertie du systme, le drglement de 1992 napparatra quen 1996. Cette anne-l, pour la seconde fois dans lhistoire du systme ducatif, le pourcentage de jeunes franais obtenant le baccalaurat va baisser3.

    1995 1996

    Bac gnral 37.4% 34.5% Bac technologique 17.7% 17.7% Bac professionnel 8.1% 9.5%

    Total 63.2% 61.7% Pourcentage de bacheliers par gnrations

    Ce retournement de 1996 tait prvisible depuis 1992. Sil napparaissait pas ds 1995 (3 ans aprs la mise en uvre dune rforme des secondes), cest grce la dcision de 1994 de supprimer le redoublement de fin de premire (le doublement tait laisse lapprciation des familles)4, qui va retarder dun an la diminution du taux daccs au baccalaurat gnral. Il faut tout dabord observer que cest la voie gnrale qui explique elle seule le dcrochage, puisque la voie technologique est reste constante et que la voie professionnelle a poursuivi sa progression depuis sa cration. La voie gnrale va donc sengager dans une phase de rcession qui ne semble pas aujourdhui totalement termine5. De 1995 2002, le taux de bacheliers gnraux par classe dge est pass de 37.4% 32.6% soient cinq points de moins, nous renvoyant au dbut des annes 1990. 2-3 Le dcrochage de la voie gnrale. Bien entendu, le dcrochage de la voie gnrale et le report de la croissance de laccs au baccalaurat sur les seules voies technologiques et professionnelles ont ds maintenant des consquences trs visibles sur les performances de notre enseignement suprieur.

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    Enseignement sup.court

    Enseignement sup.long

    FranceOCDE

    Taux dobtention par gnration dun diplme denseignement suprieur (2001) Comme un quart de sicle plus tt, notre pays semble renouer avec une logique malthusienne pour les formations les plus leves, donnant la priorit aux formations 3 Le seul prcdent, qui navait dur quun an tait lanne 1969 qui faisait suite au cru trs atypique de 1968. 4 On notera que cette dcision, pourtant trs controverse, navait eu aucune incidence sur ce qui nest pas tudi ici, cest--dire le taux de russite lexamen. 5 Une tude trs complte serait ncessaire pour comprendre ce qui sest pass. Il serait en particulier intressant de voir si le phnomne sest reproduit lidentique sur tout le territoire ou si au contraire il sest concentr sur des zones particulires.

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    courtes et spectre troit au dtriment des formations longues fort potentiel, linverse de ce que font la plupart des pays qui nous sont comparables. Ce recentrage sur les voies technologiques et professionnelles, visible ds la classe de seconde (augmentation de lorientation vers les BEP), va lencontre de bien des ides reues. Pour beaucoup, la France fait la part trop belle aux formations gnrales et ne dveloppe pas suffisamment les formations professionnelles courtes. La ralit est rigoureusement inverse, comme nous le verrons tout au long de ce rapport. Tout semble se passer comme si les dix glorieuses navaient t quune parenthse, comme si, effray par son audace , le systme stait remis en situation de protger ce qui constituerait une lite en demandant aux voies technologiques et professionnelles de poursuivre seules, luvre de dmocratisation. Depuis linstallation de cette situation de recul, il sest dj coul plus de cinq ans6. Il fallait peut-tre ce laps de temps pour comprendre que lon ntait pas face un accident mais devant un comportement durable dont on ne sortira pas sans tout dabord raffirmer nos besoins en termes de qualifications suprieures avant de se donner les moyens de les atteindre. 2-4 Lobjectif des 80%. Un mot enfin pour revenir sur lobjectif des 80% dune gnration au niveau du baccalaurat, annonc par Jean-Pierre Chevnement, raffirm par Ren Monory, inscrit dans la Loi dorientation de 1989 par Lionel Jospin, poursuivi par Jack Lang et Franois Bayrou. Cet objectif est dfini par laccs la classe terminale de lyce avant passage du baccalaurat ou diplme dun niveau correspondant, toutes formations confondues (enseignement agricole, apprentissage) ; la courbe ci-aprs est bien entendu semblable celle correspondant la somme des trois baccalaurats, avec une trs forte croissance de 1984 1994 (on prend comme rfrence lanne dentre en terminale et non pas celle du passage de lexamen) qui culmine 71.2%, cest dire moins de dix points de lobjectif.

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    Pourcentage dune gnration accdant la classe terminale de lyce.

    6 Il semble que les mesures prises pour le lyce en 1998 et 1999 naient pas permis de redresser la situation. Il apparat mme quelles laient aggrave.

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    Lorsquon observe la progression de dix points entre 1991 et 1994, de 60.5% 71.2%, il est vident que sans le retournement de tendance lobjectif de la Loi de 1989 aurait t facilement atteint avant lan 2000. Peut-tre est-ce justement cette progression trop rapide qui a conduit la pause actuelle.

    * Avant un nouveau dpart ? Cette lecture de la politique ducative au travers du seul taux daccs au baccalaurat peut choquer. On lui oppose souvent le problme des autres , de ceux qui nobtiennent pas le baccalaurat. En ralit, tous ces problmes sont lis, lobjectif des 80% restant incontournable condition de ne pas renoncer donner une qualification tous les sortants du systme ducatif. Il est tout aussi important dessayer de rduire zro (objectif idal) les sorties infra CAP BEP tout en assurant laccs au baccalaurat au maximum dlves car ces futurs bacheliers deviendront les tudiants dont la France a besoin. Les bacheliers gnraux assurent en effet pour linstant, lessentiel du flux dtudiants atteignant le niveau licence et plus et ce flux demeure insuffisant. Cela signifie quil est essentiel de ne pas renoncer permettre, voire renforcer, laccs aux tudes longues pour les bacheliers technologiques dabord et professionnels ensuite.

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    TITRE 1 :

    LECOLE, UNE INSTITUTION

    DANS LA SOCIETE

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    CHAPITRE 1 : LE SYSTEME EDUCATIF ET LEMPLOI

    La qualit de la formation du capital humain est un moteur essentiel de la croissance de nos conomies ; cest lune des rares certitudes que lon possde en ce domaine. Le rle de lcole est dcisif. La formation des jeunes est dautant plus dterminante que lon ne peut manquer dtre proccup par la diminution de leur nombre partout en Europe : le nombre de jeunes de 20-29 ans qui avait augment jusquen 1990 dcline depuis. Les jeunes de moins de 30 ans reprsentent aujourdhui 36% de la population de lUnion Europenne (UE) contre 46% en 1975. La proportion des jeunes est relativement homogne dans les Etats membres, mais cest en Allemagne quils sont les moins nombreux (33%) et en Irlande quon enregistre le pourcentage le plus lev (47%). La France, avec un taux de 39%, se situe un peu au-dessus de la moyenne, mais avec des disparits rgionales (variant de 44% dans le Nord-Pas-de-Calais 36% dans le Sud Ouest, atteignant 52% dans les DOM). Il nentre pas dans le champ de ce chapitre de discuter des finalits ultimes du systme ducatif, mais dapporter plus simplement un clairage essentiellement factuel sur linsertion des jeunes dans la vie professionnelle, en rapport avec loffre de formations qui est propose par le systme ducatif, partant du principe que la formation ne devrait laisser personne sur le cot du chemin menant lemploi. La relation entre la formation et lemploi est complexe. Elle est le rsultat dune confrontation, en information incomplte pour chaque individu, entre dune part, une offre de formations de plus en plus diversifies, au point den rendre la lisibilit difficile, essentiellement issue du systme ducatif et dautre part, une demande de la part du systme conomique et social (entreprises, administrations) pour rpondre ses besoins en matire demploi, avec des rfrences en termes de mtiers le plus souvent mal connus des futurs candidats lembauche. Comment amliorer la relation entre loffre et la demande, sans pour autant considrer que lune doive sajuster systmatiquement sur lautre de manire prioritaire, exclusive ou instantane ? Quelles perspectives pour lavenir et quels enseignements en tirer pour le systme ducatif ?

    I -LE DIPLME PASSEPORT POUR LEMPLOI.

    1-1 Un lien troit entre le niveau du diplme et lemploi

    Le diplme et le taux de chmage Un fait est certain et toutes les observations le confirment, la russite scolaire continue de peser lourdement sur la russite sociale et professionnelle future. Le taux de chmage des jeunes diminue beaucoup avec le niveau du diplme.

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    Les jeunes quittant lcole sans diplme ont t les premiers touchs, depuis la fin des annes 1970, par la monte du chmage. Lvolution de la conjoncture conomique affecte naturellement le march du travail, mais le bagage scolaire influence durablement la carrire professionnelle. La non obtention dun diplme apparat fortement pnalisante sur le march du travail et la situation des moins diplms est toujours proccupante cinq ans aprs la fin de leurs tudes.

    Professions suprieures

    et chefs d'entreprise

    Professions intermdiaires,

    artisans, commerants,

    agriculteursEmploys,

    ouvriersAu

    chmage

    (Contingent ou)

    Sans activit dordre

    professionnel

    Ensemble Taux de

    chmageGrande cole 76 13 4 3 4 100 3Doctorat, DEA, DESS 64 19 7 7 3 100 7Licence, matrise 27 39 21 6 7 100 7DUT, BTS 5 48 38 5 4 100 5Paramdical et social 2 93 2 1 2 100 1DEUG 11 32 34 10 13 100 11Diplms du suprieur 28 38 23 6 5 100 6Bac gnral 3 23 52 8 14 100 9Bac technologique 0 24 57 11 8 100 12Bac professionnel 1 17 68 5 9 100 6CAP/BEP (scolaires) 0 8 70 14 8 100 15CAP/BEP (apprentis) 1 9 70 11 9 100 12Diplms du secondaire 1 16 63 10 10 100 11Brevet 1 8 52 19 20 100 24Aucun diplme 0 4 47 27 22 100 35Ensemble 12,6 24,2 43,5 10,4 9,3 100,0 11,5Situation professionnelle des jeunes sortis de formation initiale en mars 2002 depuis environ cinq ans (en %) (France mtropolitaine) Les derniers rsultats de lenqute Emploi ralise en France (MEN, mars 2002) montrent que plus dun quart des jeunes sans diplme sont chmeurs 5 ans environ aprs la fin de leur formation initiale, contre 13% des titulaires de CAP et BEP et 8% des bacheliers. La situation est nettement plus favorable pour les jeunes diplms de lenseignement suprieur (taux de chmage autour de 5%) qui, en outre, trouvent le plus vite un emploi, en particulier un emploi stable ; cinq ans aprs la fin de leurs tudes, ils exercent quatre fois plus souvent que les bacheliers une profession suprieure ou intermdiaire.

    Le diplme et la nature de la profession Laccs une profession suprieure ou intermdiaire en dbut de carrire dpend avant tout du niveau de diplme obtenu, plus que de lorigine sociale du diplm, cela tant cependant moins vrai pour les diplms du suprieur court. Toutefois, par rapport aux jeunes diplms du suprieur long gnral, ce sont les formations slectives professionnelles courtes (institut universitaire de technologie - IUT, brevet de technicien suprieur - BTS) qui permettent un accs plus rapide et plus stable lemploi, mais avec une qualification moindre (il existe peu de sortants diplms du diplme dtudes universitaires gnrales (DEUG), celui-ci ntant pas conu comme un diplme de sortie). Les diplms des grandes coles, mais galement les troisimes cycles universitaires se distinguent par leur accs bien plus frquent une profession suprieure, cadres suprieurs, ingnieurs, professeurs, professions librales. Ces postes reprsentent respectivement plus de 80% et de 70% des emplois quils occupent, contre 30% pour les titulaires dune licence ou dune matrise et seulement 8% pour les diplms du suprieur court (IUT, BTS).

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    Des risques de dclassement ?

    Selon certaines observations, on assisterait un relchement du lien diplme - qualification, cest--dire certain dclassement des diplmes en dbut de vie active. On constate un dplacement des diplmes, durant la dernire dcennie, vers des emplois de moins en moins qualifis, lexception notable des diplmes de lenseignement suprieur long qui conserveraient un lien fort avec leur cible professionnelle logique, la position de cadre. Si la possession dun diplme constitue, en gnral, un atout pour entrer sur le march du travail, le poste obtenu ne correspond pas toujours au niveau de qualification thorique dfinie pour le diplme en question. La mesure de lcart entre le niveau thorique de qualification du diplme et celui, constat, de lemploi est un exercice difficile. Lapproche adquationniste fonde sur la dfinition dune norme suppose tablir une correspondance entre diplme et catgorie professionnelle demploi est, juste titre, juge insuffisante, pour apprcier le dclassement. Surtout, elle ne permet pas dapprhender plus globalement la valorisation relle du diplme tout au long de la dure de la vie professionnelle du diplm (dclassement par rapport la catgorie socioprofessionnelle, par rapport au salaire, par rapport lopinion propre du titulaire de lemploi...). Quelle que soit lapproche, il apparat que les baccalaurats technologiques ou professionnels sont plus souvent moins dclasss sur le march du travail que les baccalaurats gnraux et quil en va de mme en faveur des diplms universitaires de technologie (DUT) et des BTS.

    Linfluence de la situation conomique Il est vrai quil faut aussi compter avec une forte similitude dvolution entre le taux de chmage et le taux de dclassement, la bonne conjoncture conomique favorisant mme nettement le reclassement . De faon gnrale, lemploi des jeunes est trs sensible lvolution de la conjoncture conomique. Le diffrentiel de chmage entre les plus rcemment sortis de formation initiale et les plus anciens saccentue en priode de ralentissement conomique, au dtriment des premiers. En outre, le recours aux contrats temporaires peut accrotre lemprise de la conjoncture et allonger la priode qui court entre la sortie de formation initiale et lemploi stable. 1-2 Les sorties du systme ducatif Le diplme facilite beaucoup laccs lemploi : face ce constat et compte tenu des volutions du march du travail, comment le systme ducatif doit-il et peut-il ragir, sachant quil nest pas le seul tre concern ? Observons que le systme ducatif a beaucoup uvr :

    Llvation des niveaux de formation et de qualification : 40% des sortants diplms du suprieur Le systme ducatif franais a permis une forte lvation des niveaux de formation et de qualification, en mme temps quune avance de la dmocratisation pour laccs lenseignement suprieur. En lespace dune dcennie, les chances de devenir tudiant ont plus que doubl et elles ont tripl pour les enfants douvriers dont le handicap relatif tend

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    diminuer (la proportion des enfants douvriers qui poursuivent des tudes suprieures est passe de 10% 30%). La population franaise comprend 30% de bacheliers contre 13% en 1975. En 2001, parmi les 770.000 jeunes qui achevaient leur formation initiale, 284.000 soit prs de 40% sortaient diplms de lenseignement suprieur, dont 148.000 de lenseignement suprieur long. Vingt ans auparavant, ils ntaient respectivement que 110.000 et 45.000. Sur ce point, le systme ducatif a correctement rempli sa mission.

    Mais 20% des sortants sans diplme de second cycle du secondaire Mais, malgr cette ouverture de laccs des niveaux de plus en plus levs denseignement de nouvelles catgories dlves, de fortes ingalits subsistent tant pour la russite scolaire que pour celle, souvent lie, de linsertion et des parcours professionnels. Pour sen tenir lexamen des conditions favorables linsertion professionnelle, trop de jeunes sortent encore du systme ducatif sans qualification. Ainsi, 160.000 jeunes sortent du systme ducatif diplms au mieux dun brevet, soit environ 20% des sortants qui se trouvent donc dpourvus de diplme de second cycle du secondaire (CAP, BEP ou baccalaurat). Ils taient 200.000 dans ce cas en 1990 et prs de 300.000 en 1980. Parmi eux, les sortants sans qualification (niveaux VI et V bis, cest--dire ceux qui sortent dune classe du premier cycle, ce qui est rare, ou bien avant la dernire anne dun CAP ou BEP) sont environ 60.000, soit un peu moins de 8% des sortants de formation initiale (certes, ils taient deux fois plus nombreux dans ce cas vers 1980, et quatre fois plus dans les annes 1960). Les sorties sans qualification sont souvent le fait de jeunes ayant rencontr des difficults prcoces au cours de leur scolarit primaire: selon les enqutes, malgr la baisse des redoublements enregistrs dans le premier degr durant les annes 90, les deux tiers de ces jeunes avaient redoubl lcole lmentaire et avaient termin leurs tudes primaires avec un niveau de comptences insuffisant en franais et en mathmatiques. Les donnes portant sur les entres en sixime en 1995, confirment aussi limportance du facteur social (les sorties sans qualification touchent 26.6% des enfants dinactifs, pour 8% des enfants demploys ou douvriers, 2.5% des enfants dagriculteurs et 1.2% des enfants de cadres).

    La recherche dune meilleure intgration entre la formation initiale, la formation professionnelle continue et lapprentissage.

    La ncessit damliorer la formation initiale classique (hors alternance) parat, mme sil faut le regretter, dautant plus ncessaire en France que la formation continue et lapprentissage demeurent, malgr les progrs accomplis et les volonts affiches, insuffisamment dveloppe. Il faut savoir en outre, que la formation continue bnficie avant tout aux salaris dj les mieux pourvus en diplmes. Par ailleurs, les formations par apprentissage (365.000 apprentis) restent fortement concentres sur le niveau V qui regroupe plus de 70% des apprentis, bien quelles connaissent une progression leve dans le suprieur (plus de 50.000 apprentis en 2001 contre 20.000 en 1995, majoritairement au niveau III). Lapprentissage est reconnu favoriser les chances dinsertion professionnelle (7 apprentis sur dix ont un emploi 7 mois aprs avoir quitt le centre de formation pour apprentis (CFA), dont les deux tiers sur des emplois non aids par lEtat). Cependant, celles-ci, comme pour les formations classiques, saccroissent avec les niveaux du diplme et de la formation : les apprentis faiblement diplms ou pas diplms continuent de rencontrer des difficults pour sinsrer puisque moins de la moiti dentre eux occupent un emploi non

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    aid. Cest particulirement vrai pour le niveau V bis (sortant de premires annes de CAP ou de BEP) pour lesquels le taux des emplois non aids est seulement de 40%. Au contraire, les taux dinsertion des niveaux III et IV (BTS, brevet professionnel BP) paraissent trs proches aux environs de 80%. Cest donc vers une approche plus globale, et non spare, entre formation initiale classique , formation continue, et apprentissage (en intgrant galement les dispositifs de validations dacquis) que le systme ducatif est appel voluer encore. Mais cela implique sans doute de changer certains axiomes de fonctionnement.

    II - LEMPLOI DES JEUNES LA FRANCE ET LUNION

    EUROPEENNE (UE) 2-1 Dans les comparaisons avec les pays de lUnion Europenne, pour lemploi des jeunes, la France nest pas toujours la mieux place :

    Linsertion professionnelle des jeunes reste fragile au sein de lUE Au sein de lUE, prs du quart de la population frquente lcole ou poursuit des tudes, proportion analogue celle de la France et les jeunes sont partout en moyenne plus qualifis que leurs ans. Mais, partout galement en Europe, les jeunes sont plus touchs par le chmage, ils prouvent des difficults entrer sur le march du travail et leur insertion est souvent tardive et progressive (il existe une priode de transition dlicate entre la sortie de lcole et lobtention dun emploi stable); mais la France nest pas toujours la mieux place : Ainsi, au sein de lUE, 19% des jeunes de 15-24 ans sortis du systme ducatif et prsents sur le march du travail sont sans emploi ; avec 23,9%, la France se situe parmi les taux les plus levs. Ce pourcentage est de 7% parmi les adultes gs de 25-64 ans (9,1% pour la France). Partout galement, on observe qu niveau dtudes gal, les femmes sont davantage touches par le chmage que les hommes.

    Limportance des emplois temporaires Partout en Europe, les jeunes sont davantage concerns par les emplois temporaires. Au sein de lUE, la proportion demplois temporaires par groupe dge est presque le triple (3 pour 1) chez les jeunes de 15-24 ans, par rapport aux adultes, avec des situations diffrentes selon les pays : elle est de 4 pour 1 en France, de 3 pour 1 en Italie et en Allemagne et de 2 pour 1 au Royaume Uni. En France, au Portugal, en Finlande et en Sude, plus dun jeune salari sur trois a un emploi temporaire. En Espagne, cest le cas des deux tiers des jeunes salaris. 2-2 Confirmation du lien entre le diplme et lemploi. Partout au sein des pays de lUE, les observations confirment que le diplme facilite lemploi : en gnral, les chances davoir un emploi augmentent avec le niveau dtudes. Une constante apparat commune aux pays de lUnion : le taux de chmage est nettement

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    plus faible pour les diplms de lenseignement suprieur. Au sein de la population ge de 25-64 ans, il est en moyenne de 4% (France 5%) contre 7% pour les diplms du secondaire suprieur (France 8%) et 11% pour les jeunes ayant achev au mieux leur niveau de scolarit obligatoire (France 13.8%). 2-3 Un enjeu : La construction dun Espace europen de la formation. Linsertion professionnelle des jeunes sortants du systme ducatif reste fragile en Europe comme en France. On constate en mme temps que les systmes de formation sont assez diffrents et peu harmoniss en Europe. En outre, le niveau des dpenses dducation, globalement partout lev au sein de lUE, ne parat pas non plus tre le dterminant majeur de la russite scolaire et professionnelle. Pour en accrotre les performances, notamment du point de vue de cette fragilit de linsertion professionnelle des jeunes, la confrontation entre les systmes dducation savre invitable. Une premire tape importante dans la construction dun Espace europen de la formation est en cours de ralisation dans lenseignement suprieur. Les diplmes sont dfinis en units de crdits comparables et transfrables ; ils sont dlivrs trois nivaux de sortie communs aux pays membres de lUE, correspondant trois grades : la Licence au niveau bac+3, le Master au niveau bac+5 et le Doctorat au niveau bac+8 (le systme LMD). La France est dj engage dans ce nouveau dispositif europen. La qualit de linvestissement en capital humain nest pas seulement un enjeu national.

    III- POUR LAVENIR EN FRANCE, QUELS DIPLMES POUR QUELS BESOINS

    EN TERME DEMPLOIS ? Quelles sont les perspectives pour linsertion professionnelle des jeunes sortants du systme ducatif (horizon 2010) et quelles en seraient les implications pour le systme ducatif ? Des tudes prospectives rcentes conduites en collaboration entre le Ministre de lducation nationale et le bureau dinvestigation et de la prvision conomique (BIPE) ont permis destimer sur la priode 2000-2010 les besoins de lconomie franaise en matire de recrutements de jeunes sortant du systme ducatif, y compris par professions et secteurs dactivit. La fragilit des hypothses et la complexit de la relation emploi - formation invitent la prudence. Au-del du scnario choisi sur le taux de croissance prvisible de lconomie, les rsultats sont trs sensibles limportance des dparts la retraite, selon lge retenu, mais aussi de manire trs significative, aux comportements des entreprises dans leur arbitrage entre lembauche de chmeurs, de femmes reprenant une activit ou de jeunes sortant du systme ducatif. Mais les rsultats sont galement trs lis au degr de dveloppement de la promotion interne des personnels au sein des entreprises (en rapport avec les politiques de formation tout au long de la vie).

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    2-1 Des difficults dinsertion prvisibles. Le flux dentre dans lemploi des jeunes sur la dcennie 1990 et 2000 tait de lordre de 560.000 par an. Pour les prochaines annes, les prvisions de sortie du systme ducatif sont estimes autour de 750.000 jeunes par an. En se situant aux alentours de ce chiffre, selon les scnarios, les estimations des besoins en recrutement de jeunes laissent penser que des difficults dinsertion restent probables globalement. Et si loffre demploi pour les jeunes est effectivement infrieure la demande, linsertion des plus faibles sera toujours trs dlicate et le dclassement persistant. Par ailleurs, les prvisions selon les secteurs dactivit font apparatre que la part des services devrait continuer daugmenter dans lemploi total : plus rapidement en faveur des services marchands en cas de conjoncture haute que pour les services administrs (ducation, sant, services domestiques, action sociale et administration), qui seraient plus sollicits en cas de conjoncture basse. En revanche, la part de lindustrie et de la construction continuerait de baisser.

    Mais, des risques de tension au profit des hauts niveaux de diplme et au dtriment des plus bas.

    Sachant la sensibilit des rsultats aux hypothses retenues dans les scnarios, il apparat toutefois que ce sont les variations en besoins de formation aux deux extrmits de la chane qui seront les plus marquantes au cours des dix prochaines annes : les sortants du systme ducatif titulaires dun Bac+3 ou plus sont en nombre nettement insuffisant (un cart de 10 points par rapport aux besoins) dans les hypothses de scnarios favorables, mais ils ne sont jamais excdentaires par rapport aux besoins dans les hypothses de scnarios dfavorables. Le contraste est trs significatif pour les niveaux les plus faibles des sortants (DNB au mieux, CAP ou BEP) dont le nombre est excdentaire. Ainsi, la part actuelle des titulaires dun niveau V (CAP, BEP) est suprieure aux prvisions de besoins, tandis que celle des niveaux bac et surtout bac+2 et plus est insuffisante. Laugmentation du nombre de diplms de lenseignement suprieur parat simposer comme une exigence forte du dveloppement conomique. A cet gard, lenseignement suprieur professionnalis constitue un atout pour rentrer plus facilement dans la vie active. 2-2 Leffort faire pour le systme ducatif. Les prvisions sur la structure par niveau de diplme des besoins en recrutements mettent en vidence que la tendance llvation des niveaux de diplme devra se poursuivre, si lon veut coller au plus prs aux besoins de lconomie. Au cours des quinze dernires annes, le systme ducatif a fait preuve dune trs grande capacit dadaptation en dveloppant considrablement, par un choix dlibr, la professionnalisation des formations tous les niveaux. Lenrichissement de la carte des formations et des diplmes offerts sur tout le territoire national est probant. Cela vaut tout particulirement pour lenseignement suprieur professionnalis court, mais aussi de plus en plus pour lenseignement suprieur long. Mais, le systme ducatif franais peut tre caractris comme un systme doffre de formations, sous limpulsion de lInstitution scolaire et universitaire, mais aussi de celle

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    des corps enseignants. Le risque existe alors daboutir un excs de diversification de formations spcialises, peut-tre concurrentes ou devenues inadaptes. Le mode de rgulation de la carte des formations tant en niveau de formation, quen spcialits ainsi quen terme dimplantation gographique sur le territoire mrite toute lattention des partenaires.

    *

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    CHAPITRE 2 : LA RECHERCHE DEQUITE

    LEcole de la Nation ne peut pas tolrer que loffre de formation, que la qualit des matres, que les modes daccs au savoirs, ne soient pas les mmes pour tous. Il ne peut pas y avoir une cole de deuxime classe cheminant quelques coudes derrire une cole de premire classe. Tel est le principe permanent, nouveau exprim dans le premier article de la loi dorientation de 1989.

    I - DES OBJECTIFS DEQUITE Ce principe, commun tous nos partenaires immdiats de lUE et quelques autres, conduit dfinir des objectifs dquit. Ces objectifs peuvent tre concurremment ou sparment : - lgalit des chances ou lquit daccs de tous les jeunes scolariss un niveau

    dtermin ; - une mme cole pour tous, offrant tous les lves les mmes conditions

    dapprentissage ; - des objectifs communs, chaque niveau denseignement, pour obtenir des rsultats

    identiques pour tous les lves. Lon pourrait ajouter des chances gales pour tous dexploiter avec le mme succs, les comptences acquises pour sinsrer socialement et professionnellement, aprs lcole. Les politiques scolaires suivies pour atteindre ces objectifs, sont diffrentes selon les valeurs qui les inspirent. Lon peut cependant dceler, dans tous les systmes scolaires que nous venons de citer, deux grandes lignes de force : - Amliorer lgalit pour tous et pour chacun, afin de rpondre correctement aux

    apptences scolaires, au got de leffort et du savoir, aux intelligences diverses et de conduire chaque jeune au plus haut de ses capacits.

    - Et, en mme temps, stimuler les performances plus remarquables de certains qui parcourront des cursus dexcellence.

    Cette double dmarche de lcole, en France notamment, lui a parfois valu le qualificatif dascenseur social . Lhistoire des lites de notre pays abonde dexemples denfants issus de milieux modestes qui ont connu dans toutes les voies de la russite, conomique, politique, scientifique, des destins riches, parfois exceptionnels. Ce que je suis, je le dois lcole , disent-ils. Lon voit quil sagit ici de traiter un aspect de lcole plus difficile cerner, et surtout mesurer, que bien dautres. Quels sont, en effet, les contours exacts des milieux socio-conomiques, socioculturels dont lon traite ? Ces contours - les dfinitions sociologiques - sont-ils intangibles, immuables au fil des ans, alors que les volutions internes de nos socits sont bouscules

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    par des phnomnes nouveaux ? Citons, par exemple, laccs linformation, les modes de communication, le village plantaire ? Les sorties sans qualification du systme scolaire en 2003 ont-elles le mme sens, les mmes consquences quil y a 20 ou 30 ans ? Ds lors, mesure-t-on avec la mme prcision dans les diffrentes poques les poids relatifs des divers groupes sociaux ? En dessine-t-on de la mme manire les frontires ? La lecture dtudes et des donnes chiffres, de lINSEE par exemple, nous invite la prudence. Les indices dquit sont nombreux7 ; leur interprtation nest pas aise. Et la notion mme dquit, de justice en matire scolaire est loin dtre univoque. Nous limiterons donc ce chapitre quelques mesures de performances ; mais nous nignorons pas les difficults de mthode qui existent pour comparer ces mesures dans le temps et dans lespace. Parce quelles prsentent quelques complexits supplmentaires, nous nanalysons pas dans ce chapitre les variables garons - filles. Pour les mmes raisons et lexception des zones dducation prioritaire, nous ne traitons pas des diffrences de scolarit en fonction des territoires de la Rpublique.

    II - PERFORMANCES SCOLAIRES ET ORIGINE FAMILIALE DES ELEVES

    Le milieu socio-conomique reste lun des principaux facteurs qui influencent la performance des lves . Le constat, tabli par les tudes de lOCDE, avec constance depuis des annes, reste vrai en 2002 en France ; la part du dterminisme social y est considrable. Lobjet de ce rapport nest pas den analyser les causes mais den constater les manifestations lcole. Quelques lments de mesure suffisent pour lillustrer. 2-1 Laccs aux formations post-baccalaurat nest ouvert qu un peu plus de 30 % des enfants douvriers non qualifis ou dinactifs. Mais 80 % des enfants de cadres poursuivent des tudes suprieures. 2-2 Ce dterminisme a des racines profondes. Ainsi, niveau comparable en franais et en mathmatiques lors des valuations effectues en 6, un enfant de cadre prsente 4 fois moins de risque de sortir du cursus sans qualification qu'un enfant de parents inactifs ou faibles revenus. Et lon a dj dit combien psent sur la russite professionnelles et linsertion sociale la longueur et la nature des tudes ainsi que la possession du diplme. 2-3 Les disparits saccroissent lors du passage des lves de lcole primaire au collge.

    7Projet SOCRATES S O 2 . Groupe europen de recherche sur lquit des systmes ducatifs : Lquit des systmes ducatifs europens. Un ensemble dindicateurs ; Universit de Lige, non encore publi.

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    Lcart moyen des performances entre enfants de cadres et enfants douvriers est considrable en CE2. Ces performances sont, en franais 79.8 et 67.5 respectivement ; elles ne sont que 60.3 pour les enfants dinactifs. Le rsultat des performances en mathmatiques est semblable : 73.8 et 63.4 (54.4 pour les enfants dinactifs). Lcart est encore plus grand lentre en Sixime : 78 et 63 en franais (59.2 pour les enfants dinactifs) ; en mathmatiques les performances des enfants issus de milieux modestes sont aussi trs infrieures : 74.9 et 59.1 (53.7 pour les enfants dinactifs)8. 2-4 Les enfants de milieux dfavoriss redoublent plus souvent lors des premires annes de collge ; 44 % de ces enfants entrs en Sixime en 1995 ont redoubl au moins une fois cette classe ou la classe de Cinquime. Seuls 5 % des enfants de cadre ont connu cette difficult. 2-5 90 % des enfants de cadre accdent une classe de Seconde gnrale ou technologique ; seuls 42 % des enfants douvriers ou dinactifs poursuivent en cette classe leur scolarit. Au regard de lquit, ces quelques mesures de performance, ne peuvent pas donner aujourdhui satisfaction ; il convient donc de poursuivre avec plus de dtermination la recherche dquit. Les remarques qui vont suivre montrent que la tche est possible car des progrs ont t accomplis ; il faut donc les amplifier.

    III - UNE ECOLE ATTENTIVE ? Peut-on parler dindiffrence linquit ? Non ; lcole tente de relever un dfi alors mme quelle ne dispose pas de toutes les armes pour le faire ; la tche dpend largement de la situation socioculturelle et des avances ou reculs conomiques du pays. Il ressort dune tude publier sur lquit des systmes ducatifs europens quaucun des systmes tudis (UE + Suisse et Norvge) narrive palier les difficults scolaires lies lenvironnement familial de llve. Lcole use en France de plusieurs moyens pour gommer, autant quelle le peut, les ingalits. 3-1.Elle assure une scolarisation de masse. Un des articles les plus discuts de la loi de 1989 donne la Nation lambition de conduire 80 % de lensemble dune classe dge et dans un dlai de 10 ans, au niveau du baccalaurat (article 3). Des progrs considrables ont t accomplis en une quinzaine dannes. Si 34% seulement dune classe dge accdaient au baccalaurat en 1980, ils taient 70% en 1994, 69% en 2001 dont 62.8% seulement pour les jeunes prpars dans les tablissements relevant du ministre de lducation nationale. Leffort gigantesque accompli a profit toutes les couches sociales, dans des proportions fort diffrentes, il est vrai.

    8 Rapport n 3 du CERC, mars 2003.

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    Ces avances quantitatives notables se sont faites sans que le niveau des connaissances baisse ; la mesure des performances scolaires divers niveaux et sur plusieurs priodes permet de laffirmer. Si 89% des enfants de cadres ns de 1974 1978 sont aujourdhui titulaires dun baccalaurat, seulement 46% des enfants douvriers ont obtenu ce diplme. Mais ils ntaient que 30% de la gnration 1969-1973, moins de 20% pour les jeunes de 1964-1968, 15% pour ceux de 1959-1963. Il convient de noter que cette considrable croissance du nombre des bacheliers issus de familles modestes a surtout concern les baccalaurats technologiques et dans une moindre mesure les baccalaurats gnraux, notamment les sries mathmatiques (actuelle voie S) et littraire (actuelle voie L). Les baccalaurats professionnels accueillent aussi beaucoup de jeunes issus de ces familles. Le cas des enfants denseignants permet de mesurer lefficacit de laccord entre la culture scolaire et la culture familiale. Prs de 80% de ces jeunes bacheliers sont titulaires dun baccalaurat gnral (un peu plus de 70% denfants de cadres suprieurs) et 45% dentre eux dun baccalaurat S (un peu moins de 40% denfants de cadres suprieurs). Seuls 5% environ ont pass un baccalaurat professionnel (8% denfants de cadres). Laccs des enfants de familles modestes lenseignement suprieur a aussi connu une progression remarquable (de 10% 30% en une dcennie). Le tableau ci-dessous permet de visualiser leffort accompli et les rsultats obtenus pour plus dquit scolaire. Elves entrs en 6 en 1962 (1) 1973 1980 1989

    ayant obtenu le bac en fin 60 70 80 90

    1980 1989 le bac gnral : 80 90

    -Non actifs et divers -Ouvriers, contrematres, personnels de service -Agriculteurs -Artisans, commerants -Employs -Cadres moyens, instituteurs -Cadres suprieurs, professions librales, chefs dentreprise, professeurs

    8.4 13.1 17.8 34.3 11.3 16.8 25.9 52.5 14.8 24.4 38.9 71.1 23.4 30.1 39.0 58.7 24.8 29.9 38.7 60.0 49.3 48.8 57.3 76.3 54.6 66.3 74.1 85.3

    9.5 14.3

    12.6 22.5 17.2 39.5 24.5 31 22.7 32.4 39.7 51.7 63.1 71.0

    Ensemble 20.6 28.1 38.5 62.7 24.3 37.0 Proportion dlves, qui, tant entrs en 6 en 1962, 1973, 1980, 1989, ont obtenu le baccalaurat en fin des annes 60, 70, 80 et 90, selon lorigine sociale. In Russir lcole , P.Joutard C.Thlot, Seuil, 1999. (1)Les proportions de 1962 concernent les lves sortis du CM2 et non les seuls lves entrs en 6. Elles ont t lgrement corriges partir des donnes initiales publies par lINED pour recouvrir peu prs 95% dune gnration. Lecture : un enfant douvrier, entr en 6 en 1989, a 52% de chances dobtenir le bac au cours ou a lissue de sa scolarit et 22.5% dobtenir le bac gnral (aux sessions 96 et suivantes), etc. La rduction des ingalits sociales est visible si on rapproche ces valeurs observes pour les diffrents milieux sociaux. Pour le baccalaurat gnral, la comparaison peut se faire entre les entres en 6 en 1962, en 1980 et 1989 (deux dernires colonnes). L encore, la rduction des ingalits sociales est visible. 3-2.Les politiques exprimentes aux Etats-Unis puis tendues au Canada dans les annes 60 et 70, de traitement ingalitaire et de discrimination positive en faveur des enfants, des tablissements, des zones en difficult, rorientes ensuite en direction des familles, ont t suivies quelques annes plus tard en France sous la forme des zones dducation

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    prioritaire (ZEP) et des rseaux dducation prioritaire (REP). Ces rseaux concernent aujourdhui 1.7 millions dlves dont 21.5% de collgiens. Jusqu prsent en France, laction en direction des familles na pas t exploite par lcole. Le soutien apport des parents qui nont pas connu lcole ou qui y ont subi lchec consiste lexpliquer, faire connatre ses valeurs, ses exigences, limportance du diplme, les stratgies pour lobtenir. Un pourcentage trs lev de ces familles sont dorigine sociale dfavorise ; 65% des familles qui envoient leurs enfants dans les 852 collges mtropolitains ZEP sont ouvrires ou inactives ; dans les autres collges, elles ne reprsentent que 40% des familles. Les zones en difficult accueillent un plus grand pourcentage denfants de 2 ans en cole maternelle, soit plus de 40 % (la moyenne nationale ntant que de 30%). Les collges REP reoivent des moyens en personnels, enseignants en particulier, suprieurs de 11.6% la moyenne nationale. Les professeurs encadrent des lves moins nombreux dans les divisions (22.3 lves ; moyenne nationale 24.5). 3-3.La carte scolaire des tablissements et des enseignements a t trs enrichie en 30 ans. Les familles disposent dsormais prs de leur domicile du collge et mme du lyce, comme ils trouvent lcole primaire. Faut-il rappeler leffort exceptionnel dquipement, acclr lorsque sont intervenues les collectivits dpartementales et rgionales aprs les lois de dcentralisation ? Cet effort a puissamment contribu la dmocratisation de lenseignement. Moins souvent cites, les dcisions denrichir le rseau provincial des classes prparatoires aux grandes coles (CPGE) ont permis un plus grand nombre de jeunes aux capacits remarques, de suivre ces formations dexcellence. Si Paris et les grands lyces de la couronne accueillaient en 1970 40% des tudiants de CPGE, ils nen accueillent aujourdhui quenviron 30%. Seul 1 lve sur 5 suit une prparation parisienne ; mais plus de la moiti des prparationnaires parisiens sont issus de lyces de province.

    IV - DES PROGRES SONT POSSIBLES

    De plusieurs enqutes internationales, notamment PISA et SOCRATES, il ressort que leffet du milieu socio-conomique est plus important en France que dans la moyenne des pays examins. Doit-on imputer cette situation au systme scolaire ? Est-elle la consquence dune socit moins homogne ? Les valuations priodiques des politiques de rpartition ingalitaire des moyens ne signalent pas davances significatives. Les scores obtenus aux valuations de Sixime, soit pour le franais 54 en 1996 et 56 en 2002 et pour les mathmatiques 54.3 et 53.6, permettent seulement de croire quil ny a pas eu de dgradation relative des acquis des lves alors que plusieurs indices peuvent laisser penser quil y a eu dgradation sociale. Il convient donc de prendre la mesure, non pas de lchec de ces politiques, mais de leurs limites.

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    4-1 Les procdures pdagogiques mises en uvre dans les classes accueillant des enfants issus de familles en difficult conomique et (ou) culturelle sont trangement semblables celles qui sont suivies dans les tablissements sans complexit particulire. Ainsi les performances des enfants en grand besoin scolaire ne progressent pas suffisamment. Ainsi encore, les flux dorientation des enfants de milieux modestes vers des formations gnrales longues, vers les formations technologiques et professionnelles ne connaissent pas de grandes variations. Il faut donc penser que dautres types dapprentissage pourraient tre plus efficaces et donner de la valeur aux moyens supplmentaires investis.

    4-2 La recherche de la qualit et pas seulement de la quantit, est un moyen pour amliorer les rendements scolaires en zones difficiles. Il faut regretter laffectation de matres trs jeunes et inexpriments, auprs de populations scolaires risque. Leur enthousiasme, leur disponibilit ne compensent pas toujours une comptence professionnelle en cours de construction. Linstabilit des quipes pdagogiques dans les tablissements ZEP est, en outre, beaucoup plus grande que dans les coles, collges, lyces hors ZEP. De quelques enqutes menes, de quelques simples observations dans nos coles, mais aussi des tudes conduites sous lgide de lOCDE, il ressort que le climat au sein des tablissements et dans les classes, nest pas bon en France. Pour des jeunes de quinze ans en 2000, les soutiens dont ils peuvent bnficier lcole, la discipline sont notoirement insuffisants (indices du programme international de suivi des acquis (PISA) de lOCDE). 4-3 Des expriences faites dans dautres systmes scolaires, mais aussi en France linitiative dassociations, il ressort quun travail auprs des familles pour les amener partager les valeurs de lcole, porte des fruits et contribue tirer vers le haut les performances des lves concerns. Un lien existe, en effet, entre les performances des lves et la pratique de lecture ou les pratiques culturelles de leur milieu (en particulier nombre et nature des livres prsents dans leur environnement). Ne reviendrait-il pas linstitution elle-mme de prendre en charge cette cole des parents en les associant la mise en uvre de chacune des phases du projet ducatif ? 4-4 La formation tout au long de la vie pourrait tre cole de la deuxime chance . Mais depuis plus de dix ans, elle ne lest que trs imparfaitement et bnficie surtout aux salaris ayant accompli une bonne scolarit initiale et acquis les diplmes correspondants. Or, lon a vu que beaucoup de salaris issus de milieux modestes nont pas suivi une scolarit de qualit et sont sortis de lcole sans qualification. La validation des acquis de lexprience (VAE), si elle tait plus hardiment pratique, permettrait aussi de mieux corriger les consquences de scolarits initiales cahoteuses ou inacheves. En dispensant de la possession du diplme pour accder une formation ou de la totalit ou partie des preuves pour obtenir un diplme, le ministre de lducation nationale permettra des professionnels dsireux de progresser de corriger le lourd handicap des checs scolaires initiaux.

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    4-5 Une politique active en faveur des lves handicaps doit tre poursuivie. Le ministre de lducation nationale partage cette responsabilit avec le ministre en charge de la sant. Plus que dautres ingalits devant lcole, celle qui touche ces lves est rvoltante. La France, par la loi dorientation de 1975, relaye par la loi de 1989, sest engage dans la voie de lintgration, de lintgration individuelle en particulier, adapte chaque situation avec les moyens appropris (auxiliaires dintgration, soutiens spcifiques,). 52.000 jeunes handicaps sont scolariss dans des classes ordinaires (30.000 en Premier degr, mais seulement 11.300 en collge et 5.900 en lyce). De gros efforts daccueil ont t accomplis. En 10 ans (les annes 90), le nombre denfants handicaps accueillis dans le Premier degr a augment de 46 % et de 38 % ceux qui le sont dans le Second degr. Lintgration collective, dans les classes dintgration scolaire spcialises (CLIS) du Premier degr concerne 48.000 enfants la fin des annes 90, soit 27 % de moins quau dbut de la dcennie ; lintgration individuelle a progress.

    *

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    CHAPITRE 3 : DES QUESTIONS de

    SOCIETE LECOLE Si lcole est un facteur important de transformation sociale, elle est inversement modele et quelquefois limite dans son ambition par la socit dans laquelle elle dveloppe son activit. Ce chapitre vise clairer quelques-unes des contraintes qui psent sur lcole, comment elle sefforce de souvrir tous et toutes et comment se diffrencient aujourdhui lenseignement public et lenseignement priv.

    I LA SANTE DES ELEVES, LABSENTEISME, LA VIOLENCE9

    Pour porter un avis sur le fonctionnement et les rsultats du systme ducatif, il faut aussi considrer les volutions des attitudes, des comportements des enfants et des jeunes quil accueille en tant qulves. Il importe galement de percevoir lattention nouvelle quil porte aux situations particulires des lves et aux difficults quils peuvent rencontrer en dehors de lcole. Cest la fois laccroissement des problmes poss par les conduites des enfants et des adolescents dans les tablissements et la sensibilit de linstitution scolaire aux caractristiques individuelles qui expliquent laugmentation trs sensible des moyens consacrs la prise en charge des questions qui ne concernent pas directement les apprentissages, la transmission des savoirs. 1 - 1 Quelle prise en charge et avec quels moyens ? LEcole accueille les enfants et les jeunes tels quils sont. Elle a d progressivement se doter des services mdico-sociaux ncessaires pour veiller, en troite liaison avec les familles et avec une approche particulire, la sant des lves et au dveloppement harmonieux de leur personnalit. En onze annes, de 1993 2003, le nombre des emplois mis la disposition de laction sanitaire et sociale en faveur des lves a augment de 37% :

    - 23% pour la mdecine scolaire, le taux dencadrement par mdecin est pass de 1 pour 7.300 lves 1 pour 5.660 ;

    - 35% pour les infirmires de sant scolaire, le taux dencadrement est pass de 1 infirmire pour 2.590 lves 1 pour 1.840 ;

    - 54% pour le service social en faveur des lves, le taux dencadrement est pass de 1 assistant(e) social(e) pour 2.930 lves 1 pour 1.870.

    9 (sources : DESCO, DRESS, Haut conseil de sant publique, INSERM).

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    Si bien quau cours de lanne scolaire 2000-2001, - 80% des lves ont, dans leur sixime anne, bnfici dun bilan de sant ; - 70% des lves, essentiellement en fin de 3, ont eu un bilan dorientation qui

    associe mdecine scolaire et conseiller dorientation psychologue ; - 6% des lves ont demand et obtenu un examen mdical ; - les infirmires ont effectu 1.750.000 dpistages, accueilli dans les infirmeries

    11.500.000 lves du secondaire, recens 760.000 accidents (dont 60% daccidents scolaires et 25% daccidents du travail. La moiti des accidents scolaires ont lieu au cours de le vie scolaire et 44% en cours dEPS).

    - 3 tablissements sur 4 bnficient de la prsence rgulire de lassistant(e) de service social (AS). Les AS ont effectu 1.100.000 interventions essentiellement pour des motifs :

    o matriels (1/3) o familiaux (1/4) o comportementaux (1/5) o de conduites risque (5%) o de violences subies (3%)

    Dans le champ du handicap, les AS ont examin 180.000 dossiers pour le compte des commissions dpartementales dducation spciale. Ainsi, les 11.600 emplois (y compris les vacations) permettent des personnels spcialiss de veiller, aux cts des enseignants et des ATOS, au bien tre physique, psychique et social des lves . Cette action a une incidence positive indniable sur les apprentissages, la russite scolaire, la formation du futur citoyen, la prvention de la violence. 1-2 Sant A lvidence, laugmentation des moyens rpond une augmentation des besoins qui sexpriment dans la socit et auxquels lcole est plus attentive. Le traitement des donnes recueillies partir du bilan 6 ans10 donne des informations particulirement riches dont la connaissance claire certaines difficults, notamment dans lapprentissage de la lecture.

    19

    7,55 6

    21

    34

    12

    5 5 6

    14,7

    19

    0

    5

    10

    15

    20

    25

    30

    35

    40

    troub

    les lang

    age

    Enqute bilan (en %) de 6 ans 2000-2001 (doc. DESCO)

    10 Bilan mdical effectu au cours de la 6 anne par les mdecins scolaires.

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    Les DOM et le nord de la France enregistrent la plus forte proportion denfants ayant des caries non soignes. Les problmes oculaires et le port des lunettes sont nettement moins frquents dans le sud-est, les problmes respiratoires sont moins frquents dans le nord-est. La population denfants en surpoids varie du simple au double selon les Rgions (11% dans les pays de Loire, 22% en Corse, 18% en Alsace, 11% en Rhne-Alpes). Pour les jeunes de moins de 15 ans, les accidents reprsentent le risque court terme le plus important et en France plus que dans de nombreux pays europens (ils sont lorigine de 40% des dcs et de 12% des hospitalisations ; la mortalit par accident est suprieure de 30% chez les garons). On observe la fois une surmortalit accidentelle des enfants des classes dfavorises et une diminution importante de la mortalit par accident au cours des dernires annes. Cette baisse est attribue aux effets des politiques prventives. Les maladies graves sont relativement rares dans lenfance mais les problmes de comportement et de sant mentale concernent 10 20% des moins de 15 ans selon lorganisation mondiale de la sant (OMS). Le surpoids et lobsit progressent de manire inquitante. Ils sont en liaison avec les excs alimentaires et la sdentarit. La sant des pr-adolescents et adolescents a beaucoup progress sur le plan somatique depuis 30 ans. il nen va pas de mme sur le plan des comportements :

    - les accidents de la route reprsentent 40% des dcs des 15-19 ans (3 garons pour 1 fille, les 2/3 sont lis lusage des deux-roues) ;

    - le suicide cause 17.5% des dcs chez les garons et 15% chez les filles. Trois suicides sur quatre sont masculins, les tentatives (50 fois plus nombreuses que les suicides aboutis) sont surtout fminines ;

    - ds lge de 14 ans, les jeunes exprimentent lalcool (80%), le tabac (60%). A 18 ans, 40% fument tous les jours et 14% salcoolisent au moins dix fois par mois ;

    - la consommation de cannabis dpasse largement celle des autres substances et se diffuse trs rapidement entre 14 ans (11% dexprimentation, 1% de consommation) et 18 ans (51% et 21%). Un lve sur quatre a expriment une autre substance.

    Les conduites violentes sont aujourdhui trs prsentes. Dans les 12 derniers mois, 1 lve sur 4 dclare avoir vol et un autre quart avoir t ml une bagarre lcole, 17% disent avoir dtrior du matriel scolaire. Un lve sur quatre des 14 18 ans a connu une symptomatologie dpressive (10% en 1993). Toutes ces conduites sont sexues :

    - pour les garons : conduites violentes, vols, absentisme, alcool et cannabis ; - pour les filles : dpressivit, tentative de suicide, trouble du comportement

    alimentaire et prise de mdicaments psychotropes. Force est de constater que les facteurs sociaux (habitat, situation matrimoniale des parents, profession des parents, nationalit) sont moins importants que les facteurs relationnels (entente avec les parents, bien-tre scolaire, intgration avec les pairs). Cest donc sur lamlioration des relations interpersonnelles et intergnrationnelles que leffort doit porter. LEcole est sans doute appele, dans ce domaine, jouer un rle exemplaire.

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    1-3 Labsentisme. Lobligation scolaire accompagne deux autres principes essentiels de la scolarit en France : la gratuit impose ds 1881 et la lacit. Aujourdhui, elle sinscrit dans le droit fondamental de tout enfant lducation. En contrepartie de lobligation pour lEtat dorganiser un enseignement gratuit accessible tous, les parents ont lobligation soit dinscrire lenfant dans un tablissement scolaire, soit de dclarer quil est instruit dans sa famille. Linscription dans un tablissement entrane lobligation dassiduit. Lampleur du phnomne de labsentisme nest pas rigoureusement quantifie mais ses causes sont identifies. On distingue labsentisme de confort, (dorigine familial), de motivation, (consquence dun dsengagement scolaire), de respiration (pour sortir dune situation de stress), conomique, (d au dveloppement des emplois temps partiel et prcaires occups par les lycens notamment en lyce professionnel). Labsentisme des coliers reste un phnomne marginal. Il sagit le plus souvent dun absentisme de confort ou de convenance personnelle pour la famille. Ce phnomne se dveloppe de manire sensible tous niveaux (vacances hors priodes scolaires, les veilles de dparts en cong scolaire) et saccentue avec ladoption de calendriers scolaires diffrents selon les communes et les dpartements, et les niveaux denseignement. Cet absentisme lcole primaire reprsente entre 5 et 20% des signalements faits aux inspecteurs dacadmie. Dans le second degr, labsentisme lourd a concern en 99-2000 :

    - 0,8% des lves qui ont cumul 12 40 demi-journes dabsence non justifies, - et 1 lve sur 1000 qui a dpass ce seuil.

    Cet absentisme se concentre dans les grands tablissements et dans les LP. Il est le plus souvent la marque dun mal-tre. Les absentistes peuvent avoir subi des violences dans, ou aux abords, de lcole, tre en chec, souffrir dune orientation non dsire Labsentisme lourd peut conduire au dcrochage , cest--dire une rupture progressive avec linstitution scolaire. Les tudes de lINSERM, menes sur la base de tmoignages directs et anonymes dlves, rvlent que 15% des lycens ont tendance scher les cours ou sabsenter pour une journe ou plus, 1/3 dentre eux pouvant tre considrs comme absentistes. Lapplication des sanctions pnales est rarissime, les sanctions touchant les prestations familiales sont trs ingalement appliques et souvent ressenties comme injustes. Les mesures de prvention quant elles se rvlent plus ou moins efficaces selon les politiques dtablissement. Elles peuvent avoir un effet positif quand elles entrent dans le cadre dune politique cohrente, installe dans la dure et quelles ne sont pas exclusives dun rgime de sanctions. Il faut dire que le rle des CPE est fondamental. Les expriences lances dans quelques rares tablissements par des professeurs volontaires qui accueillent des lves dcrocheurs montrent que des solutions existent pour rattraper des lves qui ont besoin de conditions dapprentissage diffrentes de celles habituellement offertes.

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    Contrle strict de lassiduit, raction trs rapide ds les premires absences, accompagnement des lves en difficult psychologique, sociales et scolaires sont les moyens auxquels linstitution fait, de plus en plus souvent appel. 1-4 La violence. La monte de la violence, son introduction dans lenvironnement et au sein mme des tablissements, laugmentation de la gravit des actes et la plus grande prcocit des comportements agressifs ont marqu fortement la dcennie 90 et continuent dtre proccupantes. Le sentiment dinscurit que le phnomne des incivilits et de la violence a engendr a grandi plus fortement encore chez les professeurs et les parents que chez les lves eux-mmes. Lampleur du phnomne et son caractre destructeur pour linstitution scolaire a ncessit la mise en uvre de plans de lutte vigoureux depuis 1992 dont le contenu vise cinq objectifs :

    - mieux connatre les phnomnes de violence avec la mise en uvre de deux mthodes successives de recensement ;

    - concentrer les efforts dans les endroits les plus difficiles, mieux ragir quand survient un incident ;

    - mieux prvenir les actes dagressivit par une meilleure organisation des actions, une plus grande prcision dans les objectifs (ex. prvention des violences sexuelles) et un renforcement du travail de lducation nationale avec ses partenaires.

    o Travail mieux organis avec police, justice et gendarmerie, o Cration des comits dducation la sant et la citoyennet (7 8

    tablissements sur 10 sont concerns), o Opration cole ouverte (571 tablissements concerns en 2003), o Mise en place dans les collges de dispositifs relais en 98 sous lappellation

    de classes relais (250 classes) et cration dateliers relais en dehors de lcole en 2003, sous la responsabilit dassociations. (quelques dizaines dunits),

    o Lducation prioritaire. - mieux impliquer les lves eux-mmes et soutenir leurs initiatives ; - renforcer laide aux victimes.

    La mise en uvre de ces plans de lutte a t rendue possible par lattribution de moyens en personnels consquents dans les 9 acadmies particulirement concernes. De 1998 2003 :

    - 2.294 emplois dATOS, 505 emplois et 203 quivalents temps pleins de mdecins pour les vacations,

    - 359 emplois de conseillers principaux dducation, 5.600 emplois jeunes ont t dlgus spcifiquement pour prvenir la violence et les incivilits sans compter les postes de proviseurs vie scolaire supplmentaires implants dans chaque dpartement du plan violence .

    Cette activit considrable, soutenue depuis 1992 et surtout depuis 1997, les moyens mobiliss nont certes pas permis dradiquer la violence mais de contenir son dveloppement et, selon les mesures effectues avec la contribution personnelle des chefs dtablissement, de diminuer le nombre des incidents.

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    Aprs une premire exprience lance en 1998, un nouveau logiciel de recensement permet dapprocher le phnomne, sa nature, sa localisation et son volution. (il sagit sans doute de la premire tentative dans le monde).

    - Les violences physiques sans armes reprsentent 25 30% des incidents, viennent ensuite les insultes et les menaces graves, puis les vols et tentatives de vol pour environ 10%.

    - Les lves sont les acteurs dans 80% des cas, les personnes extrieures dans 5% des cas et les familles (parents, fratries) dans 1.5% des cas.

    - Ils sont aussi les victimes pour moiti, viennent ensuite les personnels pour 1/4. - Ce sont les lves qui, dans 90% des cas, sont victimes des violences physiques

    sans arme. - Les filles sont victimes 80% des agressions sexuelles. - 10% des tablissements dclarent 40% des incidents et 150 tablissements

    seulement sur 7500 dclarent plus de 10 incidents au cours du trimestre ; - les lyces professionnels sont plus exposs que les collges qui le sont plus que les

    lyces gnraux et technologiques ; - le recul des signalement est denviron 10% entre avril 2002 (72.300 signalements)

    et avril 2003 (65.000 signalements) ; - la crainte de la violence semble diminuer depuis aot 2001. Un quart des parents

    (contre la moiti prcdemment) estime que ltablissement frquent par leur enfant est un lieu risque concernant la violence (source PEEP).

    II LA POLITIQUE DE LINTEGRATION SCOLAIRE

    2-1 La scolarisation des lves en situation de handicap. Une problmatique nouvelle. La problmatique de la scolarisation des lves handicaps na sans doute jamais t aussi prsente dans le dbat public quau cours de ces quatre dernires annes. Cette dynamique nouvelle a t impulse depuis avril 99 par la mise en uvre du plan Handiscol , plan qui faisait suite aux constats dinsuffisances graves releves dans un rapport conjoint des inspections gnrales de lducation nationale et des affaires sociales, relatif la scolarisation des lves handicaps. Les mesures prises, visant notamment faciliter la scolarit de ces lves en dveloppant les dispositifs collectifs dintgration (units pdagogiques dintgration UPI- dans les collges) en fournissant des aides techniques et humaines (auxiliaires de vie scolaire) ont eu des effets tangibles : le nombre dlves en situation de handicap scolariss en milieu ordinaire est pass de un sur trois en 1999 un sur deux aujourdhui. 100.000 lves sont scolariss dans le systme ducatif, 100.000 autres sont accueillis dans des tablissements mdico ducatifs (dont seulement 70.000 sont scolariss). La scolarisation de ces lves se heurte encore de vraies difficults, on ne passe pas aisment dune dmarche de sparation, de protection des personnes handicaps une attitude intgratrice.

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    Pendant plusieurs dcennies, il sest agi dorganiser un systme dducation spcialise, juxtapos et distinct du systme ordinaire : sections spcialises internes au systme ducatif, tablissements et services mdico ducatifs sous tutelle du ministre en charge des affaires sociales. Dans cette perspective, la difficult scolaire a longtemps t assimile une dbilit lgre . Au nom de la protection de la personne se trouvaient lgitimes des rponses qui induisaient une marginalisation de fait. Lhritage de cette tradition svit encore dans lcole daujourdhui qui scolarise trois fois moins dlves handicaps dans le second degr (22.000) que dans le premier degr (67.000) avec seulement 4.000 lves en UPI contre 37.000 en classes dintgration scolaire (CLIS). Repenser le rapport la norme. On estime 2 3% dune classe dge le nombre denfants prsentant des maladies invalidantes ou des handicaps. Mais leur poids est beaucoup plus important au plan symbolique. La question pose est la suivante : comment permettre des lves qui scartent de la norme de raliser tous les apprentissages dont ils sont capables, en dveloppant des alternatives crdibles la constitution de filires dexclusion ? De nombreux pays europens ont renonc une terminologie mettant laccent sur le dficit et prfrent parler dlves prsentant des besoins ducatifs particuliers . Cette terminologie prsente lintrt de centrer lattention sur la recherche des rponses adaptes aux besoins plutt que sur les constats de carence. Des avancs notables mais encore fragiles. Le plan Handiscol a permis dinstaurer un vrai dbat public, une meilleure perception des enjeux et de formuler une interrogation sur la manire de concilier les exigences en matire dapprentissages et la souplesse ncessaire pour inscrire des lves qui scartent de la norme dans des parcours scolaires ordinaires. Cependant, les demandes des parents denfants handicaps dpassent les capacits de rponse immdiate du systme ducatif. Les parents exigent aujourdhui que leur enfant handicap soit considr comme un enfant ayant les mmes droits que les autres et, en plus, un droit compensation afin de vivre au milieu des autres et le plus possible, comme les autres. Alors que la ncessit de la scolarisation de ces lves implique la mise en uvre dune diversit de rponses, la demande quasi-exclusive dauxiliaires de vie scolaire, montre que les parents adhrent une solution unique. Ainsi, le situation actuelle est hauts risques car le changement a t trs rapide sans que soient consolids les lments dtayage ncessaires. Dterminer les financements qui relvent de lducation nationale pour assurer les missions qui sont les siennes auprs de ces lves, ceux qui relvent de lassurance maladie ou de laction sociale est une des conditions de succs moyen et long termes de cette politique dintgration.

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    Etablissements scolaires Etablissements et services mdico-

    sociaux

    Etablissements sanitaires

    Intgration individuelle

    Intgration collective

    Premier degr 27.900 48.200 Second degr 17.200 2.800

    Premier cycle 11.300 2.800 (1) Second cycle 5.900

    Suprieur 7.000

    Total 52.100 51.000 87.400 (2) 6.700 (3) Note : des doubles comptes figurent dans ce tableau, dans la mesure o environ 20% des lves prsents dans des tablissements et services mdico-sociaux en 1995 suivaient une scolarisation, partielle ou non, dans des tablissements scolaires.

    (1) Hors SEGPA et EREA (2) Enfants de 6 ans et plus scolariss ; 95% dentre eux ont moins de 20 ans (3) Enfants prsents toute lanne

    Champ : France mtropolitaine et DOM Sources : MEN et MES 2-2 Les effets de la politique de lutte contre lchec scolaire en milieu populaire : les 20 ans de lducation prioritaire. En 2001, 1.800.000 lves sont scolariss dans des tablissements qui relvent de lducation prioritaire . Les tablissements bnficient de moyens supplmentaires : les classes ont des effectifs moins chargs, des postes et des crdits pdagogiques supplmentaires sont attribus, les personnels bnficient davantages de carrire et peroivent une indemnit spciale. Rsultats : En moyenne, les classes de ZEP russissent moins bien que les autres. Le suivi dune cohorte dlves entrs en 6 en 1995 montre que les 13% dlves en collge ZEP ont moins bien russi que les lves jamais scolariss hors ZEP. Mais cette situation apparat trs lie aux diffrences de milieu familial et de russite lcole lmentaire. A caractristiques de dpart comparables, cest le rsultat inverse que lon obtient : les lves de ZEP atteignent plus souvent le lyce denseignement gnral et technologique sans avoir redoubl. Au bout du compte, leurs chances de devenir bachelier sont comparables celles des lves qui prsentaient les mmes caractristiques de dpart mais ont effectu leur scolarit en bnficiant dun environnement social plus favorable 11. Le bilan des ZEP est difficile tablir car elles sont trs htrognes. Globalement, les sries dindicateurs statistiques montrent que les carts de rsultats se maintiennent entre les lves de ZEP et hors ZEP. Pourtant, ce constat conduit dire que la politique des ZEP a eu un effet positif car, en 20 ans, elles ont connu une concentration encore plus forte des difficults sociales et scolaires.

    11 J.P. Caille, DEP.

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    Les ZEP qui russissent amliorer les rsultats de leurs lves prsentent des caractristiques communes :

    - ce sont des zones et des tablissements taille humaine ; - les populations scolaires y sont relativement stables ; - la scolarisation 2 ans y est importante ; - la cohrence des quipes ducatives y est forte et le niveau dexigence scolaire

    lev ; - les projets sont centrs sur les apprentissages ; - le pilotage est rel et assure une cohrence des pratiques ; - linvestissement des collectivits locales est important.

    Outre le fait quelles ont permis de maintenir un niveau dexigence scolaire, les ZEP et REP ont jou un rle ducatif important (mesurable par lvolution contraste du climat scolaire selon les lieux). La richesse et loriginalit des actions menes , confirmes par des enqutes successives, montre le caractre innovant de lducation prioritaire en France . Education formations n62.

    III FILLES GARCONS : DES DIFFERENCES FORTES

    Dans nombre de chapitres, il est mentionn des diffrences significatives entre filles et garons concernant aussi bien le droulement de la scolarit, les rsultats obtenus, les voies de formation empruntes que les conduites risques adoptes. Une analyse plus prcise des diffrences de parcours scolaires et de formation sera propose ici. Elle permettra de mettre jour quelques uns des mcanismes luvre dans le processus dorientation o le choix des familles et les rsultats scolaires jouent un rle tout fait prpondrant. 3-1 Lorientation en fin de 3. A degr de russite comparable, les filles font les mmes choix dorientation que les garons. Comme elles ont des rsultats scolaires suprieurs, elles sont proportionnellement plus nombreuses demander lentre en seconde gnrale et technologique. Filles Garons 2 gnrale et technologique 75 68 BEP 21 26 CAP 3 4 Redoublement 1 2 Vux dorientation des filles et des garons en fin de 3 gnrale. (Source DEP, panel 95) Source DEP. Education formations n63. Le choix de la seconde gnrale et technologique est