Diagnostic des hyperlymphocytoses

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27 OptionBio | mardi 29 octobre 2013 | n° 497 cas cliniques en hématologie | pratique Cas 1 : Mme D., 53 ans Cette patiente est vue en consultation de méde- cine. La NFS montre : - globules blancs (GB) : 28,1 G/L - polynucléaires neutrophiles (PNN) : 5,39 G/L soit 19,2 % - lymphocytes (Ly) : 20,24 G/L soit 72 % - monocytes : 2,47 G/L soit 8,8 % - hémoglobine (Hb) : 12,8 g/dL, VGM : 84 fl, CCMH : 34 - plaquettes (Plq) : 309 G/L. Mme D. a une hyperleucocytose avec hyperlym- phocytose et hypermonocytose (il s’agit proba- blement d’une seule population cellulaire dont une partie de grands lymphocytes placés par l’automate dans le nuage des monocytes). Une alarme rendue par l’automate signale la présence de lymphocytes atypiques. Un frottis sanguin est réalisé (figure 1). Dans un premier temps, il convient de toujours observer la densité chromatinienne (« meilleure amie » du cytologiste pour aider à classer les cel- lules) des petits lymphocytes et des PNN normaux, puis apprécier la densité chromatinienne des cel- lules anormales. Les lymphocytes sont ici en majorité de grande taille (environ double de celle d’un petit lym- phocyte normal) avec un grand noyau, un cytoplasme peu abondant et une chromatine intermédiaire (ni fine, ni mottée dense) ; en effet, on peut observer de petits grains dans le cytoplasme, ainsi que, dans le noyau, de 1 à 3 nucléoles. À ce stade, quels sont les diagnostics envisageables ? 1. LLC ? 2. LLC en transformation ? 3. Lymphome du manteau ? 4. Lymphome de la zone marginale ? 5. Leucémie aiguë lymphoblastique ? Réponses : 3, 4, 5 Nous ne sommes pas du tout dans le contexte d’une LLC, caractérisée par de petits lymphocytes très denses et mottés, ni dans celui d’une LLC en transformation où les cellules sont souvent très basophiles, relativement hétérogènes avec des Diagnostic des hyperlymphocytoses Le plus souvent de découverte fortuite, le diagnostic d’une (hyper)lymphocytose repose avant tout sur l’hémogramme avec lecture du frottis sanguin et l’immunophénotypage. Quelques cas cliniques sont présentés dans cet article. cellules nucléoléées d’allure prolymphocytaire gardant les petits noyaux des lymphocytes de la LLC. Il est trop tôt pour s’avancer sur un autre diagnostic. Quel examen complémentaire doit être pratiqué en première intention ? 1. Immunophénotypage ? 2. Caryotype ? 3. Recherche de surexpression de cycline D1 (lymphome du manteau) ? 4. Myélogramme ? 5. Biopsie ostéomédullaire ? Réponse : 1 Un immunophénotypage est indiqué en première intention. En effet, cet examen, en cytométrie en flux, étudie l’expression de protéines à la surface des cellules le plus souvent, ou bien à l’intérieur des cellules après perméabilisation : sont recherchées les expressions du CD45 (lymphocytes), du CD19 (lymphocytes B) ou du CD3 (lymphocytes T), celle du CD5, typique- ment exprimé sur les cellules de LLC et celles du lymphome du manteau, etc. Puis est étudiée l’expression des chaînes légères d’immunoglo- bulines (Ig) à la surface des cellules afin d’en montrer la monotypie et affirmer le caractère clonal d’une hémopathie maligne. Le phénotype final est : CD45low CD19+CD10+ CD20+ CD22- IgS- IgMcyt-. Quel diagnostic évoquer ? 1. Lymphome du manteau ? 2. Lymphome de la zone marginale ? 3. Leucémie aiguë lymphoblastique ? Réponse : 3 Les cellules sont bien des lymphocytes B (CD19+) immatures (CD45 faible) et n’expriment pas de chaînes légères d’Ig : elles n’ont pas fini leur matu- ration, ce sont des blastes. Généralement, dans les LAL, les cellules n’expriment pas le CD20, mais cela peut se voir. Attention, le diagnostic morpho- logique a ses limites, notamment ici pour le dia- gnostic de leucémie aiguë, ce d’autant que cette patiente avait bien 28 G/l leucocytes, mais pas de cytopénie associée (pas de thrombopénie, pas de neutropénie). Il s’agit probablement d’une maladie assez proliférante qui n’a pas « laissé le temps » aux cytopénies de se développer. Diagnostic des LAL L’incidence des LAL est de 2-3 cas/100 000 habi- tants/an. Les LAL sont plus typiquement des mala- dies pédiatriques, constituant la moitié des maladies malignes de l’enfant (2 e cancer après le neuroblas- tome chez l’enfant). Chez l’adulte, prédominent les néoplasies chroniques (myélomes, lymphomes). | Figure 1. Frottis sanguin : un PNN et présence de cellules lymphocytaires de grande taille avec un RNC élevé et une chromatine intermédiaire, contenant de 1 à 3 nucléoles.

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cas cliniques en hématologie | pratique

Cas 1 : Mme D., 53 ansCette patiente est vue en consultation de méde-cine. La NFS montre :- globules blancs (GB) : 28,1 G/L- polynucléaires neutrophiles (PNN) : 5,39 G/L

soit 19,2 %- lymphocytes (Ly) : 20,24 G/L soit 72 %- monocytes : 2,47 G/L soit 8,8 %- hémoglobine (Hb) : 12,8  g/dL, VGM : 84 fl,

CCMH : 34- plaquettes (Plq) : 309 G/L.Mme D. a une hyperleucocytose avec hyperlym-phocytose et hypermonocytose (il s’agit proba-blement d’une seule population cellulaire dont une partie de grands lymphocytes placés par l’automate dans le nuage des monocytes). Une alarme rendue par l’automate signale la présence de lymphocytes atypiques. Un frottis sanguin est réalisé (figure 1).Dans un premier temps, il convient de toujours observer la densité chromatinienne (« meilleure amie » du cytologiste pour aider à classer les cel-lules) des petits lymphocytes et des PNN normaux, puis apprécier la densité chromatinienne des cel-lules anormales.Les lymphocytes sont ici en majorité de grande taille (environ double de celle d’un petit lym-phocyte normal) avec un grand noyau, un cytoplasme peu abondant et une chromatine intermédiaire (ni fine, ni mottée dense) ; en effet, on peut observer de petits grains dans le cytoplasme, ainsi que, dans le noyau, de 1 à 3 nucléoles.

À ce stade, quels sont les diagnostics envisageables ?1. LLC ?2. LLC en transformation ?3. Lymphome du manteau ?4. Lymphome de la zone marginale ?5. Leucémie aiguë lymphoblastique ?Réponses : 3, 4, 5Nous ne sommes pas du tout dans le contexte d’une LLC, caractérisée par de petits lymphocytes très denses et mottés, ni dans celui d’une LLC en transformation où les cellules sont souvent très basophiles, relativement hétérogènes avec des

Diagnostic des hyperlymphocytoses

Le plus souvent de découverte fortuite, le diagnostic d’une (hyper)lymphocytose repose avant tout sur l’hémogramme avec lecture du frottis sanguin et l’immunophénotypage. Quelques cas cliniques sont présentés dans cet article.

cellules nucléoléées d’allure prolymphocytaire gardant les petits noyaux des lymphocytes de la LLC. Il est trop tôt pour s’avancer sur un autre diagnostic.

Quel examen complémentaire doit être pratiqué en première intention ?1. Immunophénotypage ?2. Caryotype ?3. Recherche de surexpression de cycline D1 (lymphome du manteau) ?4. Myélogramme ?5. Biopsie ostéomédullaire ?Réponse : 1Un immunophénotypage est indiqué en première intention. En effet, cet examen, en cytométrie en flux, étudie l’expression de protéines à la surface des cellules le plus souvent, ou bien à l’intérieur des cellules après perméabilisation : sont recherchées les expressions du CD45 (lymphocytes), du CD19 (lymphocytes B) ou du CD3 (lymphocytes T), celle du CD5, typique-ment exprimé sur les cellules de LLC et celles du lymphome du manteau, etc. Puis est étudiée l’expression des chaînes légères d’immunoglo-bulines (Ig) à la surface des cellules afin d’en montrer la monotypie et affirmer le caractère clonal d’une hémopathie maligne.

Le phénotype final est : CD45low CD19+CD10+ CD20+ CD22- IgS- IgMcyt-. Quel diagnostic évoquer ?1. Lymphome du manteau ?2. Lymphome de la zone marginale ?3. Leucémie aiguë lymphoblastique ?Réponse : 3Les cellules sont bien des lymphocytes B (CD19+) immatures (CD45 faible) et n’expriment pas de chaînes légères d’Ig : elles n’ont pas fini leur matu-ration, ce sont des blastes. Généralement, dans les LAL, les cellules n’expriment pas le CD20, mais cela peut se voir. Attention, le diagnostic morpho-logique a ses limites, notamment ici pour le dia-gnostic de leucémie aiguë, ce d’autant que cette patiente avait bien 28 G/l leucocytes, mais pas de cytopénie associée (pas de thrombopénie, pas de neutropénie). Il s’agit probablement d’une maladie assez proliférante qui n’a pas « laissé le temps » aux cytopénies de se développer.

Diagnostic des LALL’incidence des LAL est de 2-3 cas/100 000 habi-tants/an. Les LAL sont plus typiquement des mala-dies pédiatriques, constituant la moitié des maladies malignes de l’enfant (2e cancer après le neuroblas-tome chez l’enfant). Chez l’adulte, prédominent les néoplasies chroniques (myélomes, lymphomes).

| Figure 1. Frottis sanguin : un PNN et présence de cellules lymphocytaires de grande taille avec un RNC élevé et une chromatine intermédiaire, contenant de 1 à 3 nucléoles.

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| Figure 2. Vérifier la maturité des cellules : petits lymphocytes/lymphoblastes.

| Figure 3. Vérifier la maturité des cellules : grands lymphocytes/lymphoblastes.

| Figure 4. Frottis sanguin : tricholeucocytes.

Le diagnostic des LAL est fondé sur la cytologie, l’immunophénotypage et la cytogénétique : le caryotype a un impact pronostique très important (en fonction des anomalies de nombre : hyperdiploïdie, hypodiploïdie, et de structure : trans-locations, délétions…) et guide le traitement. La biologie moléculaire permet d’observer certaines anomalies non vues en cytogénétique et est utile au suivi de la maladie résiduelle.La classification des LAL distingue 4 stades : BI (pro-B) avec marqueurs B classiques, BII (B commune) CD10+, BIII (pré-B) avec IgM intracytoplas-mique+, et BIV (leucémies de type Burkitt) avec IgM de surface+.

Conduite à tenir devant une hyperlymphocytoseLa définition d’une hyperlymphocytose varie selon l’âge :- chez l’adulte : lymphocytes > 4 000/mm3

- Chez l’enfant : < 2 ans : > 11 000/mm3

2-4 ans : > 8 000/mm3

5-10 ans : > 6 500/mm3

NB : le nombre des GB peut monter jusqu’à des valeurs très élevées (1 million/mm3) avec une hyperlymphocytose à 300 000 ou 400 000/mm3 cellules circulantes (cela peut être « bien toléré » s’il s’agit de cellules matures d’un syndrome lymphoprolifératif).Démarche1. Vérifier la maturité des cellules : lymphocytes/lymphoblastes (surtout chez l’enfant) (figures 2 et 3).2. Décrire la population lymphocytaire- Cellules monomorphes ou pléïomorphes ? Les hyperlymphocytoses

monomorphes sont plutôt monoclonales et les polymorphes, plutôt réactionnelles, mais ce n’est pas toujours le cas…

- Taille des cellules ?- Rapport nucléo-cytoplasmique ? S’il est très élevé, cela évoque des blastes.- Aspect du noyau : régularité, densité chromatinienne, nucléole ?- Aspect du cytoplasme : basophilie, vacuoles, grains, régularité ?3. Caractère chronique ? Toute hyperlymphocytose doit être contrôlée à dis-tance (2 à 3 mois). Au moindre doute, conseiller un immunophénotypage. La seule « urgence » en hématologie est la leucémie aiguë hyperleucocytaire (> 50 000 GB/mm3).4. Contexte ? Lymphocytose réactionnelle/maligne.

Cas 2 : M. MA, 39 ans- GB : 3,8 G/L- PNN : 0,53 G/L soit 14 %- PNE : 0 G/L- Ly : 3,15 G/L soit 83 %- Monocytes : 0,12 G/L soit 3 %- Hb : 12,2 g/dL, VGM 91 fl- Plq : 70 G/L.Face à ce résultat, un frottis sanguin est réalisé pour vérifier la neutropénie et la thrombopénie (figure 4).

Quelle est la nature de ces cellules ?1. Monocytes ?2. Lymphocytes atypiques ?Réponse : 2Les tricholeucocytes sont de taille moyenne, voire assez grande (les automates les classent parfois en « monocytes »), leur cytoplasme,

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parfois étendu, a des prolongements cytoplasmiques ; leur chromatine est intermédiaire.NB : mieux vaut ne pas les chercher dans les franges du frottis où ils sont trop étalés (figure 5).

Quelles sont les anomalies clinicobiologiques en faveur du diagnostic de leucémie à tricholeucocytes ?1. Anémie ?2. Thrombopénie ?3. Neutropénie ?4. Monocytopénie ?5. Splénomégalie ?6. Infections récidivantes ?Réponse : 1 à 6Typiquement, une monocytopénie, une neutropénie et une thrombopénie se développent précocement (devant toute monocytopénie, rechercher des tricholeucocytes) et sont associées à une splénomégalie (la cellule maligne d’origine est issue de la rate), sans adénopathie périphérique. L’anémie survient souvent plus tardivement : il s’agit d’une « fausse » anémie liée à l’hémodilution due à la splénomégalie. La survenue d’infections récidivantes est également caractéristique. En effet, la prolifération des cellules malignes se fait toujours au détriment des cellules normales. Dans cette maladie, il existe souvent un déficit immunitaire profond, favorisant des infections graves (ex : légionellose), ainsi que des manifestations auto-immunes et/ou une immunoglobuline monoclonale.L’immunophénotypage confirme le diagnostic et permet le suivi de la maladie résiduelle, prédictive de la survenue d’une rechute.

Rappel : la leucémie à tricholeucocytes (HCL)Rare (2 % des leucémies chroniques), elle survient chez des sujets d’âge médian 55 ans, plus souvent chez l’homme que chez la femme. L’HCL est une prolifération lymphoïde B clonale atteignant la moelle, le sang et la pulpe rouge de la rate (splénomégalie).Les tricholeucocytes sont des cellules de grande taille, à noyau arrondi, ovalaire, parfois réniforme, souvent excentré. La densité chromatinienne est intermédiaire, le nucléole parfois visible. Le cytoplasme est étendu, faible-ment basophile, de structure hétérogène avec alternance de zones claires

| Figure 5. Frottis sanguin : tricholeucocytes et lymphocytes villeux.

et gris bleuté. Le contour cytoplasmique est irrégulier avec des expansions. Ils doivent être différenciés des lymphocytes villeux, lymphocytes matures plus petits, bien denses avec quelques prolongements chevelus et un cyto-plasme beaucoup moins abondant que celui des tricholeucocytes.

Cas 3 : Mme Ga, 66 ansCette patiente vient consulter pour la découverte fortuite lors d’un bilan pré-opératoire d’une lymphocytose à 15 G/L. Le reste de la numération est normale : il n’y a ni neutropénie, ni thrombopénie. À l’examen clinique, pas d’adénopathie ni de splénomégalie. Le frottis sanguin (figure 6) montre de nombreux petits lymphocytes matures et des noyaux nus.

À ce stade, quel diagnostic proposez-vous ?1. Leucémie lymphoïde chronique (LLC) ?2. Lymphome du manteau ?3. LAL ?4. Leucémie à prolymphocytes ?5. Leucémie à lymphocytes à grains ?6. Lymphocytose réactionnelle ?Réponse : 1 (LLC)NB : les noyaux nus sont assez typiques de la LLC (sauf en cas d’hyper-lymphocytose très importante) ; leur présence en grand nombre est plutôt de bon pronostic. Il est de règle de rendre la formule de l’automate, ce qui n’empêche pas de regarder le frottis pour rechercher d’éventuelles cellules atypiques qu’il conviendra de décrire sur le compte rendu si elles existent : cellules encochées (caractère non péjoratif), prolymphocytes (si en grand nombre, peu favorable pour le patient)…

La leucémie lymphoïde chroniqueLa LLC est une prolifération clonale et une accumulation dans le sang, la moelle, les ganglions et la rate, de cellules lymphoïdes B exprimant le CD5 et bloquées en phase G0 du cycle cellulaire. Les lymphocytes B sont en nombre supérieur à 5 000/mm3.Il s’agit d’une hémopathie fréquente, de prédominance masculine : 1 nouveau cas par an pour 30 000 habitants dans les pays occidentaux.

| Figure 6. Frottis sanguin : petits lymphocytes matures et noyaux nus.

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L’âge médian au diagnostic est de 65 à 68 ans. Elle ne survient jamais chez l’enfant et est rare avant 40 ans. Elle est également rare en Extrême-Orient ; quelques cas de formes fami-liales ont été décrits.

Pouvez-vous affirmer avec certitude le diagnostic de LLC ?1. Oui ?2. Non ?Réponse : 2L’immunophénotypage est indispensable au diagnostic, objectivant une prolifération CD19+, CD5+, CD23+, CD79b– ou de faible intensité, Ig kappa ou Ig lambda de surface de faible intensité (restriction monotypique) ; il doit être complété par le score de Matutes (tableau I).Une LLC typique est définie par un score de Matutes de 5 ou 4. Un score ≤ 2 exclut une LLC (autre syndrome lymphoprolifératif B). Un score de 3 peut correspondre à une LLC, un lymphome du manteau ou une autre leucémie. En cas de doute, la réalisation d’un caryotype s’impose.NB : autres marqueurs de la LLC : CD20 faible, CD43+, CD38+/-.

La LLC est-elle le plus fréquent des :1. lymphomes B ?2. syndromes lymphoprolifératifs B ?Réponse : 2La LLC est un lymphome, mais pas le plus fré-quent (6,7 % des lymphomes). Les syndromes lymphoprolifératifs B sont un sous-groupe de lymphomes avec cellules pathologiques circulant dans le sang. Les lymphomes les plus fréquents sont les lymphomes diffus à grandes cellules (30,6 %) et les lymphomes folliculaires (22,1 %) ; ces derniers font par-tie des syndromes lymphoprolifératifs car des cellules malignes peuvent disséminer dans le sang, même si cela reste rare (tableau II).

Tableau II. Localisations tissulaires des principaux syndromes lymphoprolifératifs chroniques.

Ganglions Sang Moelle osseuse Rate AutresLLC ++ +++ +++ ++

L. lymphocytique +++ Non Non

L. prolymphocytaire - +++ +++ +++

L. tricholeucocytes - + +++ +++

L. à ly villeux - +++ +++ +++

L. folliculaire +++ + (5 %) ++ (40 %) ++

L. du manteau +++ + (25 %) ++ ++

L. de la zone marginale- SMZL- MALT- Nodal

--

+++

+-

+/-

+-

+/-

+++-- Gastro-intest +++

Tableau I. Score de Matutes.

Marqueur membranaire Points1 0

CD5

CD23

FMC7

Ig surface (S Ig)

CD22/CD79b

Positif

Positif

Négatif/faible

Faible

Négatif/faible

Négatif

Négatif

Positif

Fort

Fort

Cas 4 : M. Mo, 40 ansCe patient vient consulter pour une thrombopénie.- GB : 11,9 G/L- Hb : 14,7 g/dl- VGM : 86 fl- Plq : 105 G/L- PNN : 14 %- Ly : 84 % dont 11 % atypiques- Monocytes : 2 %La numération met en évidence une hyperlym-phocytose ; un frottis est réalisé, montrant des lymphocytes binucléés (figure 7). Le contexte clinicobiologique chez ce patient associe une splénomégalie importante, une IgM

sérique polyclonale à 16,4 g/l, une bêta2 micro-globuline à 3,2 mg/l (légèrement élevée) et des LDH élevées.Un immunophénotypage est réalisé : CD19+ 72 % CD5- CD22+ CD23- FMC7+ IgM+D kappa+ 60 % lambda+ 35 % (répartition polytypique).Le caryotype est le suivant : 48,XY,+3,+18[2]/45,XY,+3,-11,-21[1]46,XY[23]. La biologie moléculaire met en évidence une absence de réarrangement clonal FR1-JH (pas de clonalité au niveau de la lignée B). Il existe bien des anomalies génétiques, mais elles sont polyclonales.

| Figure 7. Frottis sanguin : présence de lymphocytes binucléés.

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cas cliniques en hématologie | pratique

Quel est votre diagnostic ?1. Phase leucémique de lymphome à grandes cellules ?2. Hyperlymphocytose à lymphocytes binucléés ?3. Phase leucémique de lymphome marginal ?4. Leucémie prolymphocytaire ?5. Syndrome lymphoprolifératif inclassable ?Réponse : 2

La lymphocytose à lymphocytes binucléésCette entité rare touche le plus souvent des femmes fumeuses (9 femmes/1 homme). S’agit-il d’une prolifération bénigne ou maligne ? Il pourrait s’agir d’un état pré-lymphomateux ; de rares évolutions vers un lymphome de haut grade ont été décrites (il existe un Registre national de suivi : JF Lesesve, Nancy). Le plus souvent, cette « anomalie » est réversible à l’arrêt du tabac ; elle est aussi parfois associée à des manifestations auto-immunes.

Cas 5 : Mme GA, 55 ansCette patiente consulte pour découverte d’une hyperlymphocytose. La NFS montre :- GB : 12 G/L dont 60 % de lymphocytes- Hb : 13,5 g/dL- Plq : 350 G/L (absence de cytopénie associée).Elle n’a pas d’adénopathie, ni de splénomégalie. Un frottis sanguin est réalisé (figure 8).

Quel est votre diagnostic ?1. LLC ?2. Lymphocytose réactionnelle ?

| Figure 9. Frottis sanguin : évolution vers un lymphome T à grandes cellules.

| Figure 8. Frottis sanguin : présence de grands lymphocytes à grains.

3. Prolifération de lymphocytes à grains (LGL) ?4. Lymphome T ?Réponse : 2, 3Eléments complémentaires : elle n’a pas de signe de polyarthrite rhumatoïde (NB : la présence de LGL est souvent associée à une polyarthrite rhu-matoïde). Sa lymphocytose persiste depuis plus de 3 mois (a priori, elle n’est donc pas réactionnelle). L’étude du réarrangement du TCR montre la pré-sence de 2 clones majoritaires (cellules malignes). Il s’agit d’une prolifération de LGL.

La leucémie à grands lymphocytes à grainsCette prolifération clonale de LGL est caractérisée par une atteinte du sang, de la moelle, de la rate et du foie ; les adénopathies sont très rares. Environ 60 % des patients sont asymptomatiques au dia-gnostic. Une neutropénie sévère est associée (en l’absence de neutropénie, ne s’intéresser aux LGL qu’à partir de 2 000/mm) ; en présence de neutro-pénie, des LGL moins élevés sont à signaler). L’asso-ciation à la polyarthrite rhumatoïde est fréquente.Les lymphocytes à grains de type LGL ont le plus souvent un immunophénotype CD3+, TCR+, CD4-, CD8+. Un réarrangement clonal du TCRβ ou sinon, du TCRγ, est constaté.

ÉvolutionUn an plus tard, le patient revient via le Service des urgences. Sa numération montre :- GB : 134 G/L- Hb : 12,2 g/dl- Plq : 236 G/L

L’automate rend une alarme « granuleux immatures ». Un frottis sanguin est réalisé (figure 9). Les lymphocytes sont de plus grande taille et contiennent des grains plus gros. À l’immuno-phénotype, ils ont tous perdu le CD3.

Quel est votre diagnostic ?1. Prolifération de LGL ?2. Évolution vers un lymphome T à grandes cellules ?3. LAL T ?Réponse : 2. Une prolifération de LGL clonale est un lymphome T.

Dans le contexte d’un syndrome tumoral (splé-nomégalies, adénopathies…) et d’une lym-phocytose, la morphologie lymphocytaire est au premier plan et guide les examens complé-mentaires : immunophénotypage lymphocytaire, éventuellement cytogénétique et/ou biologie moléculaire.|

Déclaration d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

CAROLE EMILEBiologiste, rédactrice scientifique

[email protected]

SOURCED’après une communication de V. Bardet (Hôpital Cochin – Paris).55es Journées de biologie clinique, Paris, janvier 2013.

Les figures sont reprises de la présentation de V. Bardet avec son aimable autorisation.