DÉVOISEMENT VOCALIQUE EN FRANÇAIS

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DÉVOISEMENT VOCALIQUE EN FRANÇAIS Author(s): Pierre Martin Source: La Linguistique, Vol. 40, Fasc. 2 (2004), pp. 3-21 Published by: Presses Universitaires de France Stable URL: http://www.jstor.org/stable/40605036 . Accessed: 16/06/2014 04:21 Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at . http://www.jstor.org/page/info/about/policies/terms.jsp . JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact [email protected]. . Presses Universitaires de France is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to La Linguistique. http://www.jstor.org This content downloaded from 91.229.229.129 on Mon, 16 Jun 2014 04:21:30 AM All use subject to JSTOR Terms and Conditions

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DÉVOISEMENT VOCALIQUE EN FRANÇAISAuthor(s): Pierre MartinSource: La Linguistique, Vol. 40, Fasc. 2 (2004), pp. 3-21Published by: Presses Universitaires de FranceStable URL: http://www.jstor.org/stable/40605036 .

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DÉVOISEMENT VOCALIQUE EN FRANÇAIS1

par Pierre Martin Université Laval, Québec

What are the structural and functional factors that condition French vowel devoicing ? To answer this question, we interviewed 56 informants, of both sexes, and of Belgian, Canadian, French and Swiss origin. The informants were asked to read a two page text in which were

carefully placed 60 words containing the voweb /U , /y/ and /u/, taken from all environ- ments of the speech chain. Thus, our corpus contains 3 300 vowels. The structural properties closely scrutinized are type of vowel devoicing, stress, number of syllables, their nature, the posi- tion of the syllable in the word, the preceeding and following consonants, vowel length, and the value of each vowel's first three formants. Among the functional variables studied are sex and

geographic origin of the informants.

Introduction

Le dévoisement vocalique en japonais est bien connu. Dans cette langue, les voyelles fermées /i/ et /m/, plus brèves que les trois autres voyelles, connaissent régulièrement des variantes dévoisées entre consonnes sourdes, en syllabe inaccentuée ; il peut en être ainsi en syllabe ouverte finale, si la syllabe n'est pas accentuée et si elle est suivie d'une pause. Occasionnellement, la voyelle /o/, puis les voyelles /a/ et /e/ peuvent également être dévoisées2.

1. La recherche qui sous-tend le présent article a été conduite dans le cadre de mon séminaire de phonétique à l'Université Laval lors de l'hiver 2004. Je tiens à exprimer ici ma plus vive gratitude aux étudiants qui ont collaboré très activement à sa réalisation : Antheia Donn Cadette-Blasse, Izabelle Grenon, Frédéric Landry, Marie-Claude Pratte, Adèle Saint-Pierre, Melanie Thibeault et Antoine Tremblay. Sans leur contribution, la synthèse que nous présentons ici n'aurait pu voir le jour.

2. Cf. entre autres T. Akamatsu, Japanese Phonetics : Theory and Practice, Newcastle, Iin- com Europa, 1997, p. 36-43 ; M. E. Beckman, « Segment duration and the mora in Japa- nese », Phonetica, 39, 1982, p. 113-135 ; L. Chris et K. Yuen, «The perception of Japanese

La Linguistique, vol. 40, fasc. 2/2004

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Le problème du dévoisement vocalique en français est beau- coup moins bien connu. Il existe en définitive relativement peu d'études sur le sujet3. Smith (2002) a montré que la courbe mélo- dique a un impact sur le dévoisement vocalique en français, car celui-ci apparaît plus souvent à la fin d'une phrase affirmative qu'à la fin d'une phrase interrogative. Par ailleurs, selon cet auteur, on produit davantage de voisement en syllabe ouverte qu'en syllabe fermée ; enfin, selon elle, les femmes dévoiseraient plus que les hommes.

En ce qui a trait à la variété québécoise du français, le pro- blème avait été abordé il y a quelques décennies déjà par Jean-Denis Gendron4. Pour ce linguiste québécois, il n'y a pas de dévoisement vocalique en français dit « général » (= « norme du langage soigné de Paris » !). En revanche, en français « cana- dien », il peut y avoir désonorisation des voyelles inaccen- tuées /i y u/ dans le voisinage de consonnes sourdes. Gendron a étudié la prononciation «soignée» de 16 Canadiens de «classe instruite », provenant de Montréal ou de Québec mais résidant à Paris (depuis moins de deux ans). Trois des 16 informateurs avaient apparemment modifié profondément leur prononciation, sous l'influence du parisien. Les enregistrements ont été effectués à partir de la lecture d'une liste de mots. Voici les principales conclusions auxquelles Gendron est arrivé :

Seules les voyelles fermées (/i y u/) sont susceptibles d'être désonorisées en français. La désonorisation peut être totale ou partielle et, dans ce cas, la portion sonore se trouve le plus sou- vent vers la fin. Les voyelles sourdes, parfaitement articulées sauf pour le voisement, conservent leur durée, séparent les

devoiced vowels», CSL 36: The Main Session, vol. 36, 1, 2000, p. 531-547 ; M. S. Han, «Unvoicing of vowels in Japanese », Study of Sound, Phonetic Society of Japan, 10, 1962, p. 81-100; M. Higashikawa, K. Nakai, A. Sakakura, H. Takahashi, «Perceived pitch of whispered voice. Relationship with formant frequencies : A preliminary study », Journal of Voice, 10, 2, 1996, p. 155-158 ; M. Kitahara, « Pitch accent, phrase tones, and vowel devoi- cing in Tokyo Japanese », JASA, 101, 5 1997, p. 3195 ; A. Tsuchida S. Kiritani, S. Niimi, « Two types of vowel devoicing in Japanese : Evidence from articulatory data », JASA, 101, 5, 1997, p. 3177.

3. Cf. G. Laeufer, « Patterns of voicing-conditioned vowel duration in french and english », Journal of Phonetics, 20, 4, 1992, p. 411-440 ; A. Ni-Chasaide et C. Gobi, « Contex- tual variation of the vowel voice source as a function of adjacent consonants », Language and Speech, 36, 1993, p. 303-330 ; C. Smith, « Prosodie finality and sentence type in french », Language and Speech, 45, 2, 2002 p. 141-178 ; C. Smith, «Vowel devoicing in contemporary french», French Lanmape Studies, 13, 2003, p. 177-194.

4. J.-D. Gendron, « Désonorisation des voyelles i, u et υ et des "semi-consonnes" », Tendances phonétiques du fiançais parlé au Canada, Paris, Klincksieck, et Québec, Les Presses de l'Université Laval, 1966, p. 45-55.

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consonnes qui les entourent et conservent pleinement leur fonc- tion syllabique. De même, elles conservent leur spectre acous- tique, même vidé de l'élément voisé ; elles gardent en effet leurs 2e et 3e formants, même si ceux-ci apparaissent moins net- tement. La voyelle /i/ se désonorise le plus, suivie de /y/, puis de /u/. L'entourage sourd favorise nettement la désonorisation. La longueur du mot n'intervient pas et la désonorisation n'augmente pas avec la fréquence (usage du mot. La rapidité du débit est un facteur de dévoisement chez la plupart des sujets.

Pourquoi le dévoisement touche-t-il particulièrement les voyelles fermées ? La désonorisation se produit davantage entre deux occlusives qu'entre une occlusive et une constrictive, ou qu'entre deux constrictives. Cela veut donc dire que plus les consonnes environnantes demandent d'énergie articulatoire (les occlusives), plus les voyelles perdent leur sonorité. Toutefois, si cette condition était la seule à intervenir, les voyelles seraient dévoisées en syllabe accentuée et dans les monosyllabes, ce qui n'est pas le cas. H ne pourrait donc s'agir que d'un facteur parmi d'autres. D'autre part, on sait qu'une voyelle est d'autant plus brève que son environnement consonantique est fort, et que plus la voyelle est fermée plus elle est brève, nécessitant de par son caractère fermé moins d'effort articulatoire. Il devient donc évident que les consonnes sourdes ne communiquent leur carac- tère sourd à la voyelle qu'à condition que celle-ci soit suffisam- ment brève. Ce n'est donc que pour une émission vocalique à durée restreinte que les cordes vocales, écartées pendant la consonne qui précède et en prévision d'un écartement pour la consonne qui suit, ne se rapprochent pas, manquant de réaliser le mouvement phonatoire prévu. En définitive donc, pour Gen- dron, la désonorisation s'expliquerait par la faiblesse articula- toire inhérente au caractère fermé des voyelles, surtout lorsque celles-ci sont placées dans des syllabes faibles mais entourées de consonnes fortes.

Nous avons naturellement voulu vérifier les résultats obtenus par Gendron et, surtout, étendre notre analyse à d'autres fran- cophones, en observant au passage tout effet éventuel de sexe. Nous avons donc considéré à la fois des facteurs structuraux et fonctionnels. Voici les paramètres que nous avons retenus : la voyelle dévoisée et le type de dévoisement acoustique observé,

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la consonne qui précède, la consonne qui suit, le mot, le nombre de syllabes, la position de la syllabe dans le mot, le type de syllabe ; le sexe et la provenance nationale de l'informateur ; la perception de l'accent par le descripteur ; la durée de la voyelle étudiée et les fréquences de ses trois pre- miers formants.

Corpus

Les trois voyelles étudiées sont /i/, /y/ et /u/. Notre cor- pus comprend 60 mots, soit 20 mots par voyelle. Le choix des mots s'est fait en fonction des critères structuraux mentionnés ci-dessus. À cela s'ajoute le fait que nous avons choisi de placer chaque voyelle dans un environnement consonantique complète- ment sourd, si bien que, théoriquement du moins, 100% des voyelles de notre corpus auraient pu être dévoisées. Nous avons rédigé un court texte contenant tous les mots du corpus qui suit. Nous avons fait l'hypothèse qu'il était très probable qu'une lecture décontractée d'un texte amusant livrerait plus facilement les dévoisements anticipés que la prononciation monocorde de mots isolés à partir d'une liste (comme l'avait fait Gendron). Naturellement, l'avantage principal de prendre la même liste de mots pour tous les informateurs est que cela permet la comparaison systématique et une analyse statistique plus con- cluante.

phonème lil

syll. syll. anté- pénultième pénultième son qui son qui

2 syll. 3 syll. 3 syll. précède suit

syll. ouv. pitons hôpital pitonnait [p] [t] titan attitude titanesques [t] [t] quitter acquitter quittancer [k] [t] chicane échiquier chicanier [(] [k]

syll. fer. pistaches épiscopes pistolets [p] [s] fiston confisqua fiscaliste [f] [s] fiction fictionnel [f] [Jk]

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phonème lyl

syll. syll. anté- pénultième pénultième son qui son qui

2 syll. 3 syll. 3 syll. précède suit

syll. ouv. putois amputé putatif [p] [t] tuteur statutaire tutoiement [tl [tl cupide occupée cutanés [k] [p], [t] futé affûtée futuriste [f] [t]

syll. fer. pustules opuscule pustuleux [p] [s] fustets offusquer fustiger [f] [s] suspendre suspectait [s] [s]

phonème lui

syll. syll. anté- pénultième pénultième son qui son qui

2 syll. 3 syll. 3 syll. précède suit

syll. ouv. poupée époutir pouponner [p] [p], [t] pousser repousser poussiéreux [p] [s] coupure découpé coupaillaient [k] [p] souper assoupit soupesa [s] [p]

syll. fer. couscous acoustique couscoussier [kl [s] soustraire essouch(e)ment soustractions [s] [s], [f] pousse-pousse [p] [s] touche-touche [t] [f]

Lors des enregistrements, il a été demandé à chaque informateur de lire le texte comme s'il s'agissait de raconter une histoire à un ami. Nous avons insisté sur le fait que nous n'étions pas intéressés de savoir s'il pouvait lire correctement ou en fonction d'une norme quelconque. Nous avons indiqué à chacun que nous vou- lions étudier le langage naturel et spontané. Nous leur avons donc suggéré de prononcer autant que possible comme dans la vie de tous les jours, en évitant un ton trop formel, didactique, ou relevé. Cela dit, il est bien évident que, comme il s'agissait d'une

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lecture et que, d'autre part, les enquêtes avaient lieu en chambre anéchoïque (à l'Université Laval), avec micro-tête et devant magnétophone, la prononciation obtenue ne pouvait être celle que les locuteurs utiliseraient dans des conversations à bâtons rompus avec des amis. S'agissant du dévoisement vocalique, en définitive, il est donc plus que probable que le seuil observé ici puisse être dépassé en conversation courante. Dans ces circons- tances, l'ordre de grandeur relevé constituerait davantage un niveau minimal.

Enregistrements, segmentation et échantillon

Les enregistrements ont été faits à l'Université Laval, dans une salle sans écho. Nous avons utilisé un micro-tête Shure et un magnétophone Marantz. Les cassettes magnétiques ont été numérisées par la suite en utilisant un poste informatique équipé d'une carte d'acquisition Antex Studio Card 2000 et d'un pro- gramme d'analyse acoustique appelé MultiSpeech (de Kay Ele- metrics). Tous les mots du corpus ont été numérisés, filtrés et segmentés sur la base d'un double examen oscillographique et spectrographique. La méthode de segmentation acoustique a été la suivante : entre deux consonnes occlusives, une première éti- quette a été placée sur la barre d'explosion, la seconde étiquette étant placée à la fin des formants vocaliques, ou après la zone de bruit dans le cas des voyelles chuchotées. Cette segmentation présente évidemment le désavantage d'attribuer à tort la transi- tion consonantique (à savoir l'explosion, ainsi que le délai d'établissement du voisement, le cas échéant) aux voyelles, mais elle a le mérite de la simplicité d'exécution et de la possibilité d'application systématique. Comme nous le verrons dans l'analyse des résultats, nous avons tenu compte des conséquences de ce choix dans l'interprétation des durées vocaliques obtenues. Par ailleurs, entre deux consonnes fricatives, les étiquettes de début et de fin de voyelle ont été placées de part et d'autre de la zone où se trouvait soit le maximum d'énergie spectrale, avec pleine présence d'harmoniques sur la ligne oscillographique, soit un affaiblissement marqué des bruits au-delà de 5 000 Hz. Par conséquent, dans ce cas, les transitions consonantiques ont été attribuées, comme il convient, aux consonnes environnantes et

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non pas à la voyelle. Lorsque l'environnement consonantique était mixte (occlusive + fricative, ou l'inverse), les principes décrits ci-dessus ont été appliqués selon la nature de chaque consonne.

Nous voulions savoir s'il est vrai que le dévoisement vocalique est le fait des seuls francophones québécois. Nous avons donc décidé d'ajouter à notre échantillon des francophones provenant de Belgique, de France et de Suisse, afin de comparer systémati- quement leur comportement sur ce point. Pour des raisons prati- ques, la majorité des informateurs ont été recrutés sur place, à l'Université Laval, parmi la population étudiante. Notre échantil- lon comprenait au départ 56 informateurs, répartis également selon le sexe (28 filles, 28 garçons) et la provenance (14 informa- teurs par pays). Dans l'analyse des résultats, nous avons exclu une informatrice de l'échantillon : une Suissesse dont l'accent était parfaitement québécois ! La moyenne d'âge des 55 informateurs est de 25 ans. L'échantillon est constitué à 62 % d'étudiants du bac canadien (= licence française) et à 26 % d'étudiants de maî- trise. Pour 76 % des non-Québécois, le temps passé au Québec n'excède pas six mois. Et pour 16 % d'entre eux seulement, le temps passé au Québec excède une année. À l'écoute, nous avons repéré des traces d'influence québécoise dans la prononcia- tion de 5 de ces 41 personnes, dont trois étaient au Québec depuis plus d'un an.

L'ANALYSE DES RÉSULTATS

Les 60 mots du corpus ont produit 3 300 voyelles. Chaque voyelle a été analysée acoustiquement, notamment pour y déceler du dévoisement. Nous avons cru bon de distinguer entre trois types de dévoisements : la syncope, caractérisée par une dispari- tion complète de toute trace acoustique de la voyelle (périodicité, présence d'harmoniques, formants stables), remplacée par du bruit, très souvent au-delà de 5 000 Hz ; le dévoisement com- plet, sans périodicité, mais avec une intensification du bruit dans des zones analogues à celles où se trouvent les formants des voyelles étudiées, ou plus simplement avec un affaiblissement du bruit au-delà de 5 000 Hz ; et enfin, le dévoisement partiel, caractérisé par une absence de périodicité en début de voyelle,

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avec présence éventuelle de formants5. Les résultats du dévoise- ment acoustique varient selon le phonème étudié, comme on peut le voir dans le tableau qui suit.

Pourcentage de dévoisement acoustique par phonème

/i/ /y/ /u/

Syncope 4,5 2,6 0,6 Dév. complet 19,8 13,5 10,5 Dév. partiel 43,6 54,4 67,8 Sans dév. 31,9 29,3 20,8

La syncope et le dévoisement complet touchent environ 24 % des /i/, 16% des /y/ et seulement 11% des /u/, ce qui confirme l'idée de Gendron sur ce point. En revanche, si l'on ajoute à cela le dévoisement partiel, on peut dire que le dévoise- ment atteint environ 68% des /i/, 71% des /y/ et 79% des /u/, ce qui est considérable compte tenu du type de produc- tion analysé (lecture d'un texte). En somme, /y/ et /u/ sont davantage marqués par le dévoisement partiel. Le pourcentage global de voyelles non dévoisées sur le plan acoustique est d'environ 32% pour /i/, de 29% pour /y/ et de 21% pour /u/. Bref, le taux global de non-dévoisement est plutôt faible pour l'ensemble du corpus.

Il est instructif de comparer les résultats obtenus pour le dévoisement acoustique avec ceux obtenus en termes de dévoi- sement perçu par les descripteurs. L'analyse auditive du corpus faite indépendamment de l'analyse acoustique par sept des des- cripteurs livre les pourcentages de dévoisement perçu suivants : 30 % pour /i/, 24 % pour /y/ et 20 % pour /u/. On peut donc constater que le taux de dévoisement perçu semble manifeste- ment ne pas tenir compte du dévoisement partiel. En effet, pour chaque phonème, les taux de dévoisement perçu par les descrip- teurs s'alignent plutôt sur l'addition de la syncope et du dévoise- ment complet, même s'ils restent généralement un peu plus élevé que ceux-ci. Pourquoi, dès lors, les taux perçus seraient-ils quelque peu plus élevés que les taux acoustiques ? Sans doute

5. On trouvera en annexe une illustration spectrographique de chaque type.

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parce que, connaissant bien l'objet de notre recherche, les des- cripteurs ont été particulièrement attentifs (trop ?) au dévoise- ment. Et probablement aussi parce que des dévoisements partiels plus marqués ont été perçus comme des dévoisements complets. Quoi qu'il en soit, ces résultats nous amènent à considérer que la frontière entre voisement et non-voisement doit être tracée entre le dévoisement partiel (= + voisé, malgré tout) et le dévoisement complet (= - voisé, avec la syncope, bien entendu).

En faisant l'étude auditive du corpus, les descripteurs devaient également indiquer si le dévoisement se produisait sous accent ou hors accent (perçu). Le tableau qui suit donne les résul- tats obtenus.

Pourcentage de dévoisement acoustique

Sous accent Hors accent

Syncope 2 3 Dév. complet 12 15 Dév. partiel 53 58 Sans dév. 33 24

Le dévoisement acoustique semble donc se produire davantage hors accent (18% contre 14%). D'autre part, les pourcentages de dévoisement perçu par les descripteurs, bien qu'encore une fois plus élevés, vont dans le même sens : 26 % de voyelles dévoi- sées perçues hors accent contre 23 % sous accent.

Selon l'informateur, et toutes voyelles confondues, la four- chette du dévoisement acoustique va de 0 à 22 % pour la syn- cope, de 0 à 50 % pour le dévoisement complet, de 17 à 87 % pour le dévoisement partiel, et de 0 à 63 % dans le cas des voyel- les non dévoisées. Pour l'ensemble des informateurs, la moyenne s'établit à 2% pour la syncope, à 14% pour le dévoisement complet, à 53 % pour le dévoisement partiel, et à 30 % pour les voyelles non dévoisées. En résumé, selon l'informateur, la varia- tion est très grande.

Comme l'atteste le tableau qui suit, le dévoisement acous- tique varie beaucoup selon la provenance de l'informateur. Ainsi, on peut observer que les 14 informateurs belges dévoisent le moins, alors que les 14 informateurs québécois dévoisent le plus.

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Notamment, chez ces derniers, le taux de syncope et de dévoise- ment complet est nettement plus élevé que pour le reste de l'échantillon.

Pourcentage de dévoisement acoustique par provenance

Belgique France Québec Suisse

Syncope 0,4 0,8 8,1 0,9 Dév. complet 6,4 14,4 25,6 11,9 Dév. partiel 61,5 57,0 40,2 62,8 Sans dév. 31,3 27,5 26,1 24,2

Le dévoisement acoustique varie également selon le sexe de (l'informateur. La syncope et le dévoisement complet touchent 20% des voyelles chez les garçons, mais seulement 14% des voyelles chez les filles. En revanche, le dévoisement acoustique partiel, peu perçu comme tel par l'oreille, est de 53 % chez les garçons mais de 58 % chez les filles. Le taux de voyelles non dévoisées est sensiblement le même : 27 % (garçons) contre 28 % (filles). En combinant sexe (F = filles, G = garçons) et provenance (B = Belges, F = Français, Q= Québécois, S = Suisses), et en se concentrant sur la syncope et le dévoisement complet, on note qu'après les Québécois les garçons français et les garçons suisses ont le taux de dévoisement le plus élevé.

Pourcentage de dévoisement acoustique par sexe et provenance

FB GB FF GF FQ, GQ, FS GS

Syncope 0,5 0,2 1,2 0,5 9,0 7,1 0,6 1,2 Dév. complet 8,4 5,4 8,9 19,6 22,6 28,6 4,7 18,1 Dév. partiel 61,2 61,8 60,2 53,5 43,6 36,9 68,3 58,1 Sans dév. 29,9 31,9 29,5 26,1 24,8 27,4 26,4 22,4

Fait à noter, chez les sept informateurs non québécois (de sexe masculin) qui dévoisent le plus, soit trois Français et quatre Suis- ses, seuls deux d'entre eux sont au Québec depuis plus de six mois, restreignant d'autant les possibilités de contagion linguis-

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tique. Quant aux deux non-Québécoises qui dévoisent beaucoup, l'une (Française, de Dax dans les Landes) venait tout juste d'arriver au Québec, alors que l'autre (Belge, de Bruxelles) y était depuis six mois seulement. Par ailleurs, trois des cinq informa- teurs chez qui nous avons cru repérer une faible influence québé- coise ont un taux de dévoisement bien inférieur à la moyenne (de 8 %, 7 % et 0 % respectivement). Bref, s'il y a une influence qué- bécoise sur l'échantillon non québécois, elle est extrêmement limitée, voire inexistante.

Le dévoisement acoustique varie aussi selon les mots. Pour ceux-ci et toutes voyelles confondues, la fourchette va de 0 à 15 % pour la syncope, de 0 à 49 % pour le dévoisement complet, de 22 à 93 % pour le dévoisement partiel, et de 0 à 73 % dans le cas des voyelles non dévoisées. Pour l'ensemble des mots et toutes voyelles confondues, la moyenne du dévoisement vocalique s'établit à 3 % pour la syncope, à 15 % pour le dévoisement complet, à 55 % pour le dévoisement partiel, et à 27 % pour les voyelles non dévoisées. Bref, la variation est très grande selon les mots. Parmi les dix mots les plus touchés par le dévoisement on retrouve (dans l'ordre) : découpé (49 % de syncope et dévoisement complet), attitude (44 %), acquitter (42 %), titanesques (42 %), statutaire (42 %), hôpital (41 %), quitter (40 %), titan (36 %), cutanés (33 %), quittancer (31 %). Pour ces dix mots, on remarque que la voyelle dévoisée la plus fréquente est /i/ et que, dans tous les cas, la voyelle est entourée d'occlusives. Les dix mots les moins tou- chés par le dévoisement sont (par ordre décroissant) : fiscaliste (5 %), fiston (4 %), fustiger (4 %), épiscopes (4 %), couscous (2 %), pustules (2 %), pustuleux (2 %), soustraire (2 %), touche-touche (0 %), essouchement (0 %). On constate alors pour ces dix mots, que la voyelle dévoisée est entourée d'au moins une fricative et que cette voyelle est en syllabe fermée. De plus, /u/ figure au bas du classement.

L'impact sur le dévoisement de plusieurs autres facteurs struc- turaux a été considéré. Il s'agit du nombre de syllabes, de la posi- tion de la syllabe dans le mot, du type de syllabe, du son qui pré- cède et du son qui suit. Les résultats obtenus en ce qui a trait à ces variables sont consignés dans les tableaux qui suivent (en % arrondis). D'après nos résultats, le nombre de syllabes intervient, mais surtout, il appert que le dévoisement (syncope + dév. com- plet) est fortement catalysé par la syllabe ouverte.

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Pourcentage de dévoisement acoustique

par nombre de syllabes

2 syll. 3 syll.

Syncope 2 3 Dév. complet 12 16 Dév. partiel 61 52 Sans dév. 25 28

Pourcentage de dévoisement acoustique

par type de syllabe

Fermée Ouverte

Syncope 2 3 Dév. complet 7 20 Dév. partiel 51 58 Sans dév. 41 18

Par ailleurs, la position de la syllabe dans le mot ne semble pas être un facteur très significatif

Pourcentage de dévoisement acoustique selon la position de la syllabe

Antépénultième Pénultième

Syncope 2 3 Dév. complet 14 15 Dév. partiel 53 57 Sans dév. 30 26

En revanche, la nature de la consonne qui précède exerce une influence considérable. En effet, tous les types de dévoisement sont hautement favorisés par la présence d'une occlusive (sur- tout /t/).

Pourcentage de dévoisement acoustique selon le son qui précède

ρ t k f s S

Syncope 18 0 2 3 9 Dév. complet 13 24 22 10 6 14 Dév. partiel 62 63 73 34 44 31 Sans dév. 24 5 4 54 47 45

Dans le cas de la consonne qui suit, l'influence prépondérante des occlusives demeure, bien qu'elle soit moins marquée en ce qui concerne /k/.

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Dévouement vocalique en français 1 5

Pourcentage de dévoisement acoustique selon le son qui suit

ρ t k s J

Syncope 14 6 2 0 Dév. complet 17 24 13 7 0 Dév. partiel 67 56 32 54 64 Sans dév. 14 17 48 37 36

La durée acoustique des voyelles a également été étudiée. On note que les voyelles sont généralement plus longues chez les filles que chez les garçons, même si les différences semblent faibles. Au demeurant, le Test de Student effectué sur nos don- nées indique clairement que la variation par sexe est statistique- ment significative.

Durée moyenne des voyelles par sexe (en millisecondes)

/i/ /y/ /u/

Filles 65 70 73 Garçons 60 67 72

D'autre part, les voyelles non dévoisées sont généralement plus brèves. Cela s'explique sans doute par le fait que celles-ci nécessi- tent plus d'énergie. Et si les voyelles complètement dévoisées sont plus brèves que les voyelles partiellement dévoisées, c'est sans doute parce qu'elles sont déjà en quelque sorte sur la voie de la syncope.

Durée moyenne (en ms) des voyelles selon le dévoisement

/i/ /y/ /u/

Dév. complet 60 66 64 Dév. partiel 70 74 77 Sans dév. 55 58 64

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16 Pierre Martin

Comme il apparaît dans le tableau qui suit, l'environnement consonantique semble avoir une très nette influence sur la durée des voyelles (plus longues entre occlusives).

Durée moyenne (en ms) des voyelles selon les consonnes environnantes

/i/ /y/ /u/

Occlusives 75 78 74 Fricatives 52 55 65

Mais en réalité cela est dû, en partie tout au moins, à notre méthode de segmentation. En effet, rappelons que, pour des raisons de simplicité et d'uniformité de découpage, dans les cas d'occlusive + voyelle (et non pour les fricatives), la transition consonantique vers la voyelle a été attribuée à cette dernière dans les calculs de durée. Or l'examen que nous avons effectué de 72 cas d'occlusives devant /a/, /e/ et /o/ a permis de dégager une durée moyenne d'explosion et de délai d'établis- sement du voisement de 20 ms, ce qui représente 19 % de la durée totale de réalisation de ces voyelles. Ainsi, en soustrayant ce pourcentage de la durée des voyelles entourées d'occlusives, on arrive à des résultats beaucoup plus mitigés, réduisant (dans le cas de /i/ et /y/), voire anéantissant (dans le cas de /u/) l'impact de cette variable.

Durée moyenne (en ms) des voyelles -19% (transition) pour les occlusives

/i/ /y/ /u/

Occlusives 60 63 60 Fricatives 52 55 65

Enfin, la provenance nationale des locuteurs semble être quelque peu un facteur de variation. Dans le tableau qui suit, on peut voir en effet que la durée des voyelles, surtout pour /i/, est infé-

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Dévouement vocalique en fiançais 1 7

rieure chez ceux qui dévoisent le plus, soit les Québécois. L'idée de Gendron d'un lien entre durée (brève) et dévoisement se trouve ici confirmée.

Durée moyenne (en ms) des voyelles selon la provenance

/i/ /y/ /u/

Belges 65 68 75 Français 63 68 70 Québécois 58 67 70 Suisses 65 71 76

En dernier lieu, nous avons examiné les valeurs formanti- ques des voyelles /i/, /y/, /u/. Naturellement, les formants vocaliques varient selon le sexe. Dans le tableau qui suit, nous présentons les valeurs des trois premiers formants chez les filles et chez les garçons6.

Valeurs moyennes des formants (en Hz)

Filles Garçons

/i/ /y/ /u/ /i/ /y/ /u/

F! 273 276 290 F, 222 228 238 F2 2 419 2 121 1172 F2 2 037 1809 1040 F3 3 267 2 771 2 745 F3 2 808 2 385 2 301

6. Précisons que les valeurs moyennes des trois premiers formants indiquées ici intè- grent forcément des valeurs de voyelles dites « relâchées ». Car il n'a pas été tenu compte de cette distinction perceptive dans notre étude pour la bonne et simple raison, qu'il est extrêmement difficile, voire impossible de le faire systématiquement sur des voyelles dévoi- sées. Or, comme l'on sait, le relâchement des voyelles fermées et plus précisément leur ouverture (prononcer /i/, /y/, /u/ respectivement comme [i], [y] et [υ]) rendent acousti- quement /i/ et /y/ plus compacts mais /u/ plus diffus : les formants 1 et 2 se rapprochent dans le cas de /i/ et /y/ et s'éloignent dans le cas de /u/. Par conséquent, sur un corpus de voyelles tendues uniquement les valeurs moyennes pourraient varier quelque peu par rapport à celles présentées ici. Enfin, le relâchement vocalique des voyelles fermées est sans doute pratiqué plus systématiquement par les Québécois mais, pour les voyelles non dévoisées du corpus tout au moins, nous l'avons relevé dans notre échantillon chez des informateurs de toute provenance.

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18 Pierre Martin

On sait que, en matière de discrimination auditive et donc de reconnaissance (perceptive) des timbres vocaliques, l'écart (la dif- férence) entre les formants est tout aussi important que les valeurs formantiques réelles. Or, si l'on compare les écarts en Hertz entre les formants des filles et des garçons, on arrive à des résul- tats qui pourraient nous faire douter des possibilités d'identifi- cation de mêmes timbres vocaliques et donc de mêmes unités lin- guistiques entre sexes. Toutefois, lorsque l'on exprime plutôt cet écart en pourcentage de F2? on constate que les différences entre sexes s'estompent :

Écart F2-Fi en Hertz Écart FrFi en % de F2

Filles Garçons Filles Garçons

/i/ 2 147 1 816 /i/ 88,7 89,1 /y/ 1 846 1 581 /y/ 87,0 87,4 /u/ 882 803 /u/ 75,2 77,2

D en va de même des différences entre second et troisième for- mants, ainsi que l'atteste le tableau qui suit. En somme, sur le plan de l'identification linguistique, le système s'appuie sur de réelles valeurs formantiques, bien sûr, mais également sur les rap- ports entre les formants. Bref, la structure prime sur la substance.

Écart F3-F2 en Hertz Écart F3-F2 en % de F3

Filles Garçons Filles Garçons

/i/ 848 771 /i/ 25,9 27,5 /y/ 650 576 /y/ 23,4 24,2 /u/ 1 572 1 261 /u/ 57,3 54,8

Nous avons observé des différences importantes entre for- mants selon le dévoisement. Aussi bien chez les garçons que chez les filles, les valeurs du premier formant baissent en passant des voyelles non dévoisées aux voyelles partiellement voisées, puis aux voyelles complètement dévoisées. Au demeurant, cela est valable pour chacune des trois voyelles.

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Dévouement vocalique en fiançais 1 9

Fi des voyelles selon le dévoisement

Filles Garçons

Complet Partiel Sans dév. Complet Partiel Sans dév.

/i/ 246 274 277 /i/ 198 222 229 /y/ 263 270 289 /y/ 211 226 236 /u/ 251 289 304 /u/ 224 237 245

Dans le cas du second formant, cette tendance est inversée chez les filles, tout au moins pour /i/ et /y/, ce qui signifie que les voyelles dévoisées sont plus diffuses que les voyelles voisées. Pourtant, chez les garçons, rien de systématique ne peut être dégagé sur ce plan.

ï 2 des voyelles selon le dévoisement

Filles Garçons

Complet Partiel Sans dév. Complet Partiel Sans dév.

/i/ 2 479 2 421 2 397 /i/ 2 025 2 049 2 030 /y/ 2 134 2 125 2 111 /y/ 1803 1815 1801 /u/ 1 102 1 155 1 256 /u/ 1 081 1 018 1 086

Enfin, chez les garçons comme chez les filles, les valeurs du troi- sième formant de /u/ baissent en passant des voyelles non dévoi- sées aux voyelles partiellement voisées, puis aux voyelles complè- tement dévoisées. Mais dans le cas de /i/ et /y/, c'est plutôt le contraire.

F3 des voyelles selon le dévoisement

Filles Garçons

Complet Partiel Sans dév. Complet Partiel Sans dév.

/i/ 3 414 3 268 3 206 /i/ 2 806 2 828 2 784 /y/ 2 836 2 756 2 777 /y/ 2 412 2 366 2 402 /u/ 2 649 2 735 2 799 /u/ 2 281 2 291 2 333

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20 Pierre Martin

Synthèse des résultats et conclusion

Nous avons voulu vérifier quels étaient les facteurs structu- raux et fonctionnels qui conditionnent le dévoisement vocalique en français. Plusieurs de nos résultats confirment les idées avan- cées par Gendron en 1966.

La désonorisation peut être totale ou partielle. Les voyelles sourdes conservent leur durée, séparent les consonnes qui les entourent et conservent pleinement leur fonction syllabique. Elles conservent leur spectre acoustique, même vidées de l'élément voisé. La voyelle /i/ se désonorise le plus, suivie de /y/, puis de /u/. L'entourage sourd favorise nettement la désonorisation, qui par ailleurs se produit davantage entre deux occlusives. Plus les consonnes environnantes demandent d'énergie articulatoire, plus les voyelles tendent à perdre leur sonorité. D'autre part, une voyelle est d'autant plus brève qu'elle est fermée, nécessitant moins d'effort articulatoire. Les consonnes sourdes ne communi- quent leur caractère sourd à la voyelle qu'à condition que celle-ci soit suffisamment brève. Ce n'est donc que pour une émission vocalique à durée restreinte que les cordes vocales manquent de se rapprocher.

Nous avons analysé 3 300 voyelles provenant de 56 locuteurs d'origines diverses. Le taux de dévoisement complet (y compris la syncope) et partiel observé est dans l'ensemble assez élevé compte tenu du type de production analysé (texte lu) : 79 % pour /u/, 71 % pour /y/ et 68 % pour /i/. Parmi les facteurs qui catalysent le dévoisement, il faut ranger le sexe et la prove- nance des locuteurs (plan fonctionnel), puis la durée des voyelles, les consonnes environnantes, l'accent, le nombre et le type de syllabes (plan structural). Enfin, en ce qui a trait à l'analyse formantique, les différences acoustiques observées entre sexes dis- paraissent lorsqu'on envisage la chose en termes de rap- ports structuraux, ou plus précisément d'écarts (en %) entre les formants.

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ANNEXE

Spectro 1 : [i] sans dévoisement dans « hôpital » ([ d ρ i t a 1])

Spectro 2 : [y] avec dévoisement partiel dans « amputé » ([ α ρ y t e])

Spectro 3 : [u] avec dévoisement complet dans « souper » ([ s y ρ e])

Spectro 4 : syncope du [i] dans « attitude » ([ a ts ts Y d])

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