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Oscaret les

Vendanges du Seigneur

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Fred Ardève

Oscaret les

Vendanges du Seigneur

Roman

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Ardève, Fred 1937- Oscar et les Vendanges du Seigneur roman ISBN imprimé 978-2-923959-53-5 ISBN numérique pdf 978-2-923959-31-3 ISBN numérique ePub 978-2-923959-81-8 I. Titre.PS8605.H466O82 2012 C843’.6 C2012-942291-6PS9605.H466O82 2012

Infographie des pages couvertures et intérieures : Yvon BeaudinRévision et correction : Josyanne Doucet et Yvon BeaudinMise en page : Marcel Debel et Yvon Beaudin Illustration de la page couverture : aquarelle de Clarisse CheseauxConception de la page couverture : www.yvonbeaudin.comImprimeur : Marquis

La maison d’édition remercie tous les collaborateurs à cette publication.

Les Éditions Belle Feuille68, chemin Saint-André Saint-Jean-sur-Richelieu, QC J2W 2H6Téléphone : 450 348-1681Courriel : [email protected] : www.livresdebel.com

Distribution:BND Distribution4475, rue Frontenac, Montréal, Québec, Canada H2H 2S2 Tél. : 514 844-2111 poste 206 Téléc. : 514 278-3087 Courriel : [email protected]

Dépôt légalBibliothèque et Archives nationales du Québec—2012Bibliothèque et Archives Canada—2012

Tous droits de traduction et d’adaptation réservés© Les Éditions Belle Feuille 2012Les droits d’auteur et les droits de reproduction sont gérés par CopibecToutes les demandes de reproduction doivent être acheminées à : Copibec (reproduction papier) - 514 288-1664 - 800 717-2022 Courriel : [email protected]

Imprimé au Québec

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Qu’est-ce que le présent ? Un moment où nous pouvons utiliser le passé et anticiper l’avenir. Mais pour le spiritualiste, le passé et le présent ne sont pas n’importe quel passé ni n’importe quel présent. Par passé, j’entends seulement ce qui appartient à cette tradition véridique dont l’essentiel se transmet, intact, depuis des temps immémoriaux. Et l’avenir, c’est tous les éléments qui viendront s’ajouter dans le sens de l’universalité. Car l’avenir, l’avenir véritable va dans le sens des valeurs universelles, fraternelles.

Le spiritualiste doit donc vivre dans le présent avec toutes les acquisitions du passé, mais en même temps se projeter dans l’avenir, avec toute l’immensité de son âme et de toute la puissance de son esprit. C’est cela une vie riche, la plénitude.

Omraam Mikhaël Aïvanhov1

1 Pensées quotidiennes. Éditions Prosvéta.

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Avant-propos

Voici la présentation des trois livres de cette trilogie.

« Oscar et les Vendanges du Seigneur »

Le personnage d’Oscar apparaît d’emblée très important. Un jeune homme venu de nulle part, comme tombé du ciel, il devient ouvrier agricole chez Joseph et Maria.

Joseph donnera sa part semi-autobiographique, avec ses années de jeunesse, ses travaux de la vigne et cela, en symbiose avec le cheminement de l’inconnu de la montagne… Avec des aides providentielles, Oscar obtient les moyens de concrétiser ses généreuses visions…

« Oscar et Hélène dans la Naissance de la nouvelle Terre »

Et voici le titre du deuxième livre, qui se vit dans notre période actuelle… Oscar et Hélène vont-ils relever le fabuleux défi de conserver leurs déterminations d’altruisme et de justice sociale ?

Quant au troisième volume, il progressera dans la mise en place de la nouvelle vie, cette évolution qui les conduira dans un futur… Il représentera les mêmes héros, dans une société transformée par l’esprit de partage et de fraternité…

L’auteur

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Prologue

Nous prenons notre repas du soir, tous les trois autour de la grande table de la salle à manger. Ma femme, Marie Berclaz, qu’on appelle Maria, se tient assise plus près de ses fourneaux. Je suis placé en face d’elle, devant la fenêtre, moi, Joseph Berclaz, le patron, propriétaire de la maison du « Puits qui chante. » À ma gauche, se trouve notre ouvrier agricole, regardant au-dehors tomber les dernières feuilles de novembre. Oui, cela fait un peu plus d’un an qu’Oscar vit avec nous.

En mangeant quelques fruits, je demeure bien pensif. Tout au plus, je suis les pas de Maria arrivant avec la soupière. Elle avance en silence, donnant, elle aussi, un coup d’œil au chêne majestueux qui étend ses ramures d’or sur fond de soleil couchant. Tout à coup — pourtant, elle connaît son chemin mille fois refait au cours des ans —, de son pied elle s’accroche au tapis, perd quelque peu l’équilibre, et laisse s’échapper de ses mains le contenant de soupe encore fumant. Oscar se lève d’un bond, saisit au vol le large récipient de faïence et, sans en égarer une seule goutte, il le pose délicatement sur la table. Maria éclate d’un rire nerveux, en esquissant un pas de danse, et Oscar commence à rire lui aussi, sous mes yeux écarquillés.

Quatre ans, oui, plus de quatre ans qu’on n’avait jamais remarqué la moindre manifestation de joie dans cette famille. Ainsi, tout en prenant un peu de soupe et une tranche de pain, je pensais à notre longue tristesse… Et Oscar, pouvait-il exprimer une quelconque gaieté, lui, auparavant ? Comment le savoir ? Jusqu’à aujourd’hui, je ne l’ai même jamais vu sourire… Pour ma femme,

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je comprends, je l’éprouve moi-même, depuis la mort d’Yvon dans cet accident de ski, nous n’avons pas eu le cœur à rire. Mais lui là, quel acrobate pour accrocher cette soupière !

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Première partie

Chapitre 1

L’inconnu des mayens2

Oui peut-être, pouvons-nous nous estimer moins responsables ? À la mi-avril cette année-là, le temps devenait très beau pour la saison. Depuis plusieurs jours

déjà, à tous leurs moments de liberté, Yvon et ses copains se livraient à ce qu’ils appellent le ski de printemps ou le ski hors-piste. Ils allaient pratiquer leur sport favori dans tous les endroits possibles, avec l’espoir que la neige demeurerait assez solide pour les supporter.

Mais ce samedi matin là, Yvon était parti seul, selon ce que nous avons appris par la suite. Avec ses skis, il s’était rendu à la cabane de la Crête, à plus de deux mille mètres d’altitude. Le refuge venait de s’ouvrir et le surveillant des lieux était sur place, avec une dizaine de skieurs-alpinistes, sans doute aussi de ces « mordus » du hors-piste.

Deux charmantes jeunes filles de la ville se trouvaient parmi eux. La soirée semblait tranquille, et pendant que le gardien, Ernest, préparait un frugal repas dans la cuisine, Yvon lui avait parlé de son projet du lendemain matin :

2 Mayen, correspond à chalet. Pâturage occupé au printemps et en automne, devenu, le plus souvent, une résidence secondaire.

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— Je souhaite descendre à ski la combe du « Dérochoir », avait-il dit. Personne n’a osé s’y lancer, jusqu’à ce jour !

Ernest s’était montré particulièrement inquiet :

— Je te signale que cette tentative me paraît très, très téméraire.

Mon fils, déjà habitué à des échanges de vues souvent opposés avec le gardien des lieux, avait joyeusement répliqué :

— J’ai tout étudié dans les moindres détails, tu n’as pas de soucis à te faire.

Ernest avait encore rajouté, manifestement préoccupé :

— Mais as-tu pensé au soleil d’avril sur le bas de la pente, alors que celle-ci tourne en plein sud est ?

Yvon aurait répondu avec une pointe d’agacement :

— Je partirai avant quatre heures du matin pour effectuer la traversée du glacier. Ensuite, il me faudra grimper vers l’arête des Hauts-de-Cris, pour finalement descendre le « Dérochoir ». J’arriverai en bas, pratiquement dans les pâturages, avant le lever du soleil.

Le repas fut particulièrement joyeux, on ouvrit une bonne bouteille de vin blanc, on racontait des histoires. En face d’Yvon était placée la plus belle des deux demoiselles. Souvent, leurs regards se croisaient avec plus d’intensité. Mais soudain, alors que quelques-uns parlaient de jouer aux cartes, Yvon refusa qu’on remplisse son verre, et se leva pour annoncer qu’il devait aller dormir, en raison du réveil très matinal qu’il avait prévu. On le taquina quelque peu, et la jeune fille lui demanda quel était son projet. Piqué au

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vif, un peu décontenancé, il lui répondit qu’il voulait descendre le « Dérochoir » à ski.

Un peu plus tard dans la soirée, on s’étonna de ne plus revoir la charmante personne. Était-elle aussi partie se coucher ? Le lendemain, le gardien s’était levé largement après cinq heures, il avait eu juste le temps de voir Yvon s’en aller en toute hâte. « Il est très tard, trop tard, pour le Dérochoir », pensa-t-il.

Quelques heures après, en bas dans la station de montagne, sur la terrasse du Belvédère, plusieurs clients discutaient ferme. Certains, munis de jumelles, prétendaient avoir suivi depuis un bon moment la descente vertigineuse d’un skieur, dans le versant du « Dérochoir ». Quelques-uns affirmaient résolument avoir vu la plaque de neige et de glace se dérober sous lui, alors qu’il abordait la dernière crête… Un soleil éclatant faisait briller encore le reste d’une poussière cristalline… Peu après, deux guides transportés par hélicoptère ont retrouvé son corps au bas de la pente. Notre fils chéri n’était plus qu’un pantin sans vie.

Oui, quel destin avait placé un écueil gracieux et imprévisible, un premier et dernier moment de feu et d’amour, sur la route dangereuse du skieur de l’impossible ?

La montagne nous avait pris Yvon... Et la montagne nous avait donné Oscar... Cette étrange coïncidence se manifesta soudain à moi en cette froide soirée de novembre. Oui, après ce repas où la soupière avait failli se renverser et après ce moment inoubliable où le rire s’exprima à nouveau dans notre famille, j’avais réalisé que le Seigneur ne nous avait pas abandonnés.

Au printemps, il y a plus de quatre ans, Yvon se tua à ski sur les pentes du « Dérochoir ». Un an et quelques mois plus tard, au début de septembre, j’avais découvert, près de notre chalet à

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la montagne, le corps toujours en vie de celui que nous appelons aujourd’hui, Oscar.

Depuis la mort de notre fils, Maria n’avait guère envie de passer un séjour au chalet, il s’y trouvait trop de souvenirs sans doute. Cependant, chaque année, après la saison des vacances d’été, je continuais mon habitude d’y effectuer une visite assez rapide, pour m’assurer que tout demeurait correct, bien en ordre. Nous devions aussi contrôler que les foins avaient été fauchés — nous ne possédons plus de bétail, mais les propriétaires sont dans l’obligation d’entretenir leurs champs. Nous confions généralement cette tâche à un éleveur, qui habite à l’année dans les hauts pâturages. Ce dernier garde le fourrage pour ses bêtes en compensation de son ouvrage.

Le travail avait été accompli correctement cette année-là et la prairie était coupée au ras du sol. Un amoncellement d’herbe sèche se trouvait encore sous les arbres, dans la pente en contrebas de la route et non loin de l’habitation. Le tas était recouvert d’une matière transparente. Après avoir pratiqué le tour de la propriété, visité l’intérieur du chalet, vérifié la réserve de bois pour l’hiver, je m’apprêtais à repartir... Et ce fut alors que j’entendis un faible gémissement qui semblait venir de l’amas de foin.

En m’approchant avec précaution, j’avais remarqué une sorte de déchirure dans le plastique, sur le haut et sur le côté de l’empilement. Mais plus aucun son ne me parvenait... J’ai moi-même appelé : « Il y a quelqu’un ? »... Je n’avais pas de réponse. Au bout d’un moment, je pensais repartir, lorsqu’un nouveau gémissement se fit entendre, presque à mes pieds... Pas de doute, me disais-je, une personne se trouve cachée à cet endroit, il s’agit probablement d’un ivrogne qui cuve son vin...

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Brassée par brassée, je finissais par éliminer suffisamment de foin, pour découvrir une masse inerte lovée dans la matière souple... Le corps était chaud, il respirait faiblement, comme dans un râle. Délicatement, je le retournais pour essayer de reconnaître quelqu’un... « Quelle horreur ! » m’écriais-je. La face de l’individu ne présentait qu’une seule plaie noircie, sanguinolente, affreuse. La chevelure n’existait plus. Je ne pouvais voir que des blessures, des coupures, des ecchymoses, des brûlures. Comme une poupée de chiffon, les membres semblaient disloqués. Pourtant, je pouvais supposer qu’il s’agissait d’un homme et sans doute d’un homme encore jeune...

Que faire ? C’était certain qu’il me fallait de l’aide au plus vite... Commodément, nous disposons d’un appareil téléphonique, et j’ai appelé immédiatement la police cantonale, à Sion. La standardiste m’a passé un chef... L’adjudant de gendarmerie qui m’a répondu a pris tout son temps, il n’apparaissait pas l’homme à s’engager dans des décisions précipitées. J’ai dû donner les détails de la situation du blessé, de l’emplacement du corps, ainsi que tous les aspects de l’environnement, les voies d’accès, la reconnaissance des lieux, ma propre position. Ensuite, il m’a demandé d’attendre un instant à l’appareil... Je devenais comme une boule de nerfs, mais il n’était pas question de faire aller les choses plus vite. Au bout de cinq minutes, j’ai entendu la voix de l’adjudant :

— Une voiture avec deux agents et une ambulance avec deux infirmiers viendront dans quinze à trente minutes. Vous devez vous tenir à disposition pour le constat. Cela ne devrait pas être très long... Mais en attendant, mettez une couverture sur le blessé, sans plus.

— Merci de procéder au plus vite, dis-je, ensuite le chef raccrocha.

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Effectivement, une demi-heure plus tard, je percevais, sur la route d’au-dessous, les sirènes de police... Et déjà, autour de moi, il se trouvait du monde. À ma demande, l’éleveur, propriétaire du tas de foin, était accouru tout de suite. Un couple de voisins, les Rapaz du chalet d’au-dessus, avaient saisi mes va-et-vient désordonnés. La mère Perrau, qui ne manque jamais rien de ce qui se passe, se montrait là aussi. En outre, je pouvais voir une dizaine de promeneurs et les occupants de quatre voitures qui venaient de s’arrêter un peu plus haut...

Les gendarmes placèrent leur véhicule au bord de la route et l’ambulance s’engagea dans notre chemin d’accès. Tout de suite, je m’étais avancé vers eux, et le plus âgé me tendit la main en me demandant :

— Vous êtes Joseph Berclaz ? Je suis le sergent Rochat, et voici le caporal Ducharme... Où se trouve le blessé ?

Le temps de hocher la tête en signe d’assentiment, de les saluer rapidement, et nous prenions la direction du tas de foin, suivis des deux infirmiers... et des autres curieux... Le sergent s’arrêta immédiatement et se retourna en direction du caporal :

— Fais monter toutes ces personnes au bord de la route, lui demanda-t-il fermement, et qu’ils n’en bougent plus ! Nous pouvons avoir besoin de leur témoignage !

— Bien sergent ! répondit le caporal, tout en se dirigeant vers les suiveurs intéressés qui regagnaient déjà leur point de départ, comme un troupeau de chèvres.

Devant le sergent et les deux infirmiers, je déplaçais délicatement le tissu qui recouvrait le corps... Les trois hommes exprimèrent un sursaut et une sourde exclamation en le voyant.

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Mais tout de suite, l’esprit professionnel reprit le dessus. Les deux ambulanciers pratiquèrent les premiers contrôles de l’état du blessé...

— Son cœur bat faiblement, dit le premier.

— Son pouls semble aussi très faible, mais correct, poursuivit le deuxième.

— Est-ce qu’on peut le transporter ? demanda le premier, à l’adresse du sergent.

— Oui, allez-y, on ne peut pas le laisser là, répliqua le sergent Rochat.

Après avoir dit cela, il l’examina plus en détail. Ensuite, le blessé fut lentement placé et sanglé dans le brancard, alors que le policier me questionnait :

— Ainsi, vous ne le connaissez pas ! Vous ne possédez aucune idée sur l’identité de cet individu !

— Non, sergent ! lui répondis-je, je n’en détiens aucune idée.

Alors, le sergent remonta au bord de la route. Puis il s’adressa d’une voix forte et bien articulée, à toutes les personnes qui se trouvaient là :

— Je vous avertis, ce n’est pas beau à voir ! Mais je veux que vous tous qui êtes présents, vous donniez un coup d’œil au blessé que nous allons conduire à l’hôpital sans attendre. Je souhaite savoir si quelqu’un, parmi vous, tient une petite idée sur cette personne... Sans doute son visage ou ce qui en reste, ne vous dira rien, mais il est possible que vous puissiez reconnaître... son corps... ou ses

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vêtements... ou quelque chose... Cela se déroulera dans le bon ordre… Vous allez tous vous placer au bas du chalet et venir, l’un après l’autre, à notre appel… Ensuite, le caporal Ducharme, qui se trouve ici, prendra vos noms, adresses et numéros de téléphone...

Précisément, les ambulanciers remontaient la pente avec leur brancard, et l’exposèrent derrière l’ambulance... Ils ouvrirent la protection de toile, et tous défilèrent, comme pour les enterrements, mais cette fois chacun présentait un regard exprimant autant la peur que la curiosité. Dans tous les cas, il n’y eut, après un moment de stupéfaction, que gestes de dénégation ou haussements d’épaules... Pas de doute possible, aucun de nous ne connaissait la victime.

Les ambulanciers étaient repartis en direction de l’hôpital, pour y conduire le blessé... Auparavant, avec leur aide, le sergent s’était assuré qu’aucune pièce d’identité, aucun objet ne se trouvaient sur le corps, ou dans les vêtements de l’inconnu. Curieusement, il était vêtu d’articles de sport, avec un survêtement du même type. Pas d’alliance, pas de montre, tout cela était bien mince pour obtenir un quelconque signalement...

— Nous ne découvrons rien ! dit le chef. Je téléphone au service d’identification de la sûreté, pour qu’ils réceptionnent ses affaires à l’arrivée de l’ambulance... Il faudra peut-être faire appel au médecin légiste... Bon... et là, il s’adresse au caporal... En attendant, fais dégager tout le monde, à part Monsieur Berclaz, et vous ?

Il se tourna vers l’éleveur qui se trouvait à mes côtés.

— Je suis le propriétaire du tas de foin, dit-il, avec un geste en contrebas.

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