Devenir Mères Et Pères Sur Le Tard (colloque Université de Nancy 2012)

7/24/2019 Devenir Mres Et Pres Sur Le Tard (colloque Universit de Nancy 2012)

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H. Levilain : Devenir mres et pres sur le tard : les ngociations conjugales d'une ingalit de

vieillissement entre hommes et femmes dans M. Legrand, I. Volry (Dir.) Genre et parcours de vie :

vers une nouvelle police des corps et des ges ?PUN, Nancy, 2013 (pp. 41-52)

Devenir mres et pressur le tard: les ngociations conjugales dune

ingalit de vieillissement ente hommes et femmes

Herv Levilain

Le brouillage contemporain des ges est souvent analys dans les mdias

comme tant le rsultat dun affaiblissement des catgories dges ou mme

une disparition des ges. Moins intgres par les individus, les catgories

dge auraient perdu leur force de normativit et ne guideraient plus aussi

efficacement les pratiques et comportements : Les femmes voudraient

devenir mres la limite de la vieillesse, les mres voudraient ressembler

leur fille et les !eunes "filles souvent# voudraient tout la fois accder au$

privilges des adultes tout en refusant, ensuite, de le devenir.

Les nombreu$ travau$% qui se dveloppent depuis quelques annes dans la

perspective dune sociologie "dynamique# des parcours de vie conduisent

relativiser fortement cette lecture dcliniste au profit dune analyse plus

&istorique. Le parcours des ges nest plus organis au!ourd&ui comme il

pouvait ltre dans le cadre de l'tat social ou dune socit paysanne. (u

dcoupage ternaire du parcours des ges ont succd une plus grande

fle$ibilit temporelle et une dstandardisation des parcours. )our autant,

parler de fle$ibilit temporelle ou de dstandardisation des parcours

nimplique pas labsence de rgulation, ni non plus la disparition des normes.

Lob!et de cette communication est ainsi de mettre au !our certaines formes

de ces rgulations et de montrer lefficace nouvelle des normes dge. *n

sappuiera pour cela sur une rec&erc&e portant sur la parentalit tardive+

cestdire le fait pour un &omme ou pour une femme davoir un enfant un

ge relativement avanc et donc au$ limites des bornes dge.

La parentalit tardive constitue un bon analyseur de la transformation du

parcours des ges et des discours autour des normes dge. -epuis quelques

% *n se contentera ici de renvoyer la prsentation trs synt&tique de avelli "+//0#

+ ette rec&erc&e 1(2 a t ralise avec Marc 3essin "et (rnaud 4gnierLoillier pour la partie statistique#.


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annes, les maternits tardives survenant c&e5 des femmes de 6/ ans et

plus ont en effet accd dans les mdias au statut de 7 problme de

socit 8. 'lles sont ainsi souvent dcrites comme des formes e$emplaires de

transgression des normes dordre social "refus de vieillir#, symbolique "risque

de transmission# ou biologique "risque mdical#. ertaines lectures mettront

ainsi plut9t laccent sur leffacement des normes dge et le !eunisme des

socits de la modernit : la maternit tardive est alors e$plique par une

valorisation e$cessive de la !eunesse qui conduirait les femmes plus que les

&ommes au refus de vieillir. -autres porteront plus spcifiquement sur les

effets de lactivit fminine : entres tard sur le marc& du travail, les femmes

dipl9mes auraient arbitrer entre activit professionnelle et maternit et,

privilgiant leur carrire, ces femmes 7 battantes 8 ne penseraient que

tardivement avoir des enfants. 'nfin, les dernires font des maternits

tardives une consquence des drives de la science : dans des socits de

toute puissance mdicale, la disponibilit de la procration mdicalement

assiste ")M(# donnerait au$ femmes la fausse assurance de pouvoir avoir

des enfants tout ge, au risque de bouleverser lordre des gnrations.

)la;ant au centre la question de lge normal au double sens dge moyen

"statistique# et dans la norme mdicale et sociale pour une femme pour

avoir des enfants, ce discours apparaa seconde caractristique est d=tre fortement genr : la paternit tardive

ny est en effet presque !amais questionne alors mme que, du fait de la

persistance des carts dge "3o5on %??/#, une mre 7 ge 8 correspond,

bien souvent, un pre luimme encore plus 7 g 8. e discours mdiatique

contribue en ce sens la genrification des seuils d=ge car, en regard de la

maternit, il fait de la quarantaine un &ori5on difficilement dpassable et du

seuil des 6/ ans, un compte rebours du temps restant pour avoir des

enfants@.

@ Le seuil de la quarantaine tend au!ourd&ui devenir une borne ngative d=augmentation du risque de ne

plus avoir d=enfants alors que, !usquau$ annes %?A/, il tait plut9t une borne positive de diminution du

risque d=avoir des enfants puisquil sidentifiait la mnopause.

*n peut aussi observer que ce seuil, plut9t moins marqu pour les &ommes, fonctionne parfois pour eu$

comme un compte positif, par rapport lloignement de la quarantaine.


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( lencontre de ce discours, on peut observer que les maternits tardives ne

constituent pas un p&nomne nouveau et ne sont pas tou!ours apparues

comme un problme "3essin, Levilain, 4gnierLoilier +//B#. 'n effet,

!usqu=au milieu du +/e sicle, les maternits tardives taient frquentes car,

dans les familles nombreuses, les derniers enfants taient bien souvent

tardifs. 'n milieu paysan, le vocabulaire a gard la trace de ces situations

suffisamment frquentes pour ne pas tre vraiment anormales. -e nos !ours,

le p&nomne est moins &omogne et les maternits tardives renvoient

deu$ configurations distinctes. *n y trouve ainsi des familles nombreuses,

notamment en milieu populaire mais aussi des familles plus malt&usiennes et

qui peuvent tre correspondre au prolongement d=une vie de couple sans

enfant ou des situations de recompositions familiales "un enfant naissant

dans le cadre d=une nouvelle mise en couple pour au moins un des parents#.

-u fait de sa composition nouvelle, le p&nomne a connu une volution

sensible : aprs avoir dcru tout au long du CCesicle, les maternits tardives

augmentent sensiblement depuis les annes %?D/ et laugmentation sur

cette dernire priode est encore plus prononce c&e5 les pres tardifs. Le

p&nomne touc&e ainsi aussi bien les &ommes que les femmes. El met en

!eu de nouvelles formes de famille. Le p&nomne de la parentalit tardive

ne se rduit pas au$ seules maternits et ne tient pas seulement lge de la

mre : celuici nest que la consquence de la transformation de la famille et

des modalits de passage du couple la famille quil sagit maintenant

dobserver.

Les transformations dudevenir parent

La priode des annes A/ voit de nombreuses transformations concernant

aussi bien la dfinition de la !eunesse que celle de la famille mais aussi le

modle de relations entre &ommes et femmes. ette priode est ainsi celle

de laccs pour les femmes une plus grande indpendance et autonomie

relative par rapport au$ &ommes "et au modle de Monsieur Fagne)ain# ce

quindique, par e$emple, laugmentation cette poque des tau$ de

scolarisation et de salarisation. ette priode est aussi celle oG le primtre

de la !eunesse estudiantine stend et la !eunesse se prolonge. 'lle trouve


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aussi un nouveau contenu positif puisque, selon *. Falland "%??0#, dans des

socits devenant plus mobiles oG le statut ne s&rite plus, elle devient un

ge de$primentation. La famille va aussi conna


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plus de temps pour voir dans un"e# partenaire, le bon con!oint.

)ar ailleurs, dans le conte$te dune plus grande galit formelle entre

con!oints "en particulier dans les couples biactifs dipl9ms# le passage la

famille suppose que les individus y consentent et sy sentent prts. El doit

donc intervenir au moment opportun pour c&acun des con!oints. *r, les

&ommes et les femmes ne disposent pas dautant de temps pour avoir des

enfants et le bon moment pour un &omme nest pas forcment le mme que

pour une femme, ce qui impose de ngocier le moment du passage la

famille et assure la sync&ronisation des calendriers masculins et fminins

"Levilain, +//D#. ( linverse, pour certains couples, pris par leurs

investissements et limpression pour c&acun de nen pas avoir fini avec sa

!eunesse, la question ne se pose pas et nest pas lordre du !our. 'nfin, pour

dautres &ommes ou femmes, cest la situation con!ugale qui interdit le

passage la famille. Leur couple ne leur appara


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autour du passage la famille soprent dans un cadre den!eu$ plus c&args

surtout lorsque la femme atteint la quarantaine car une conception tardive

peut appara


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suite une EF ou parfois une fausse couc&e et tout se passe si cette

prcdente conception mme si elle avait dbouc& sur un avortement

rouvrait le c&amp des possibles et interdisait au$ &ommes les plus rticents

la paternit de persvrer dans leur logique moratoire "3essin, Levilain +//B#.

Un travail des normes

(u dbut des ngociations con!ugales, se trouve souvent un vnement au

statut indtermin et qui va, ds lors, donner lieu un travail interprtatif

important : Loubli de la pilule estil seulement une erreur tec&nique Les

remarques de sa con!oint"e# sur lapproc&e de la quarantaine sontelles

anodines )eu peu, au fil des ngociations6 qui senclenc&ent, cet

vnement indtermin prend statut dvnement con!ugal : il sy !oue, dans

le cadre de lengendrement par pro!et, la vrit de la relation et ce qui fait

que, ensemble, on fait couple dans lattente ou non, du moment de faire

famille. 't lorsque le cadre est ce point c&arg den!eu$ con!ugau$, il ne

reste plus au$ individus qu fuir ou se faire une raison.

(u centre des raisons que lon se donne pour faire famille se trouve souventla diffrence de genre. -ans certains cas, celleci est pose sous la forme

dune diffrence irrductible, dordre se$u, entre &omme et femme devant

la maternit. est par e$emple ce que lon retrouve dans le discours de

certains pres qui font de la nature ou du biologique une grille

dinterprtation de lvnement : le bb est l , la maternit, cest

quelque chose qui est tellement naturel . Le$plication par la nature ou la

biologie permet ces &ommes, plut9t rticents au dpart lide de

"re#devenir pres, de se faire une raison puisqu=ils pensent ainsi cder un

principe indpassable et non leur con!ointe H luniverselle condition des

&ommes et des femmes. ette figure appara


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le veulent pas, certaines femmes pensent trouver dans la nature une parade

ultime soit en leur vitant de tomber enceintes "puisquelles sont trop

vieilles#, soit encore en esprant, lorsquelles dcouvrent quelles le sont, que

la nature fera bien les choseset quune fausse couc&e viendra les dlivrer de

leur sort.

Dans dautres rcits de pres, cest la psychanalyse plutt que la nature qui va

permettre de donner sens lvnement. La dngationou lacte manqucontraceptif

permettent de faire exister et prendre en compte le dsir denfantjusqualors mconnu

de sa conjointe. La question du genre renvoie ici lingalit des calendriers

masculins et fminins qui rend le dsir plus pressant chez lun que chez lautre. Plus

quune nature qui simpose, la temporalit fait alors partie des paramtres que ces

couples qui sont les plus proche dun discours dgalit formelle doivent intgrer et

ngocier.

Dans ces ngociations conjugales, les normes dge sont galement fortement

prsentes et sont mobilises, en combinaison avec le genre, pour peser sur la dcision

et amener chacun se positionner. Certains hommes vont se dire trop vieuxpour avoir

un enfant. A linverse, certaines femmes vont opposer aux atermoiements de leurs

conjoints le risque quil soit bientt trop tard. Chacun de ces arguments peut tre

relativis ou mis en balance avec d'autres : la jeunesse relative (tu nes pas si vieux)

ou lge dans son poque (aujourdhui, 60 ans nest pas tre vieux) peuvent treopposs la mesure chronologique de lge (fix par ltat-civil). Les carts d'ge

peuvent aussi tre minors en rappelant leur enjeu conjugal (je le savais au dpart).

Le vieillissement professionnel et les perspectives de carrire qui seffilochent sont

aussi des arguments cls dans ces ngociations puisquils peuvent permettre dinciter

les hommes investir leur paternit autrement.

La mesure de lge nest donc pas univoque : elle se combine trs souvent avec la

question du genre car lingalit des calendriers fait que, en regard de la conception,

les femmes sont vieilles plus tt que les femmes. Elles sont aussi exposes un

risque mdical que les hommes ne connaissent pas ou peu. A linverse, pour les

hommes, le problme de la tardivet se dfinit plus souvent (du moins dans les

entretiens raliss) en regard de la possibilit de transmettre et achever lducation de

ses enfants. Cest alors le temps de la transmission qui dfinit la paternit avec cet

enjeu spcifique, que le projet de devenir pre malgr leur ge, leur impose, disent-ils,

une vraie responsabilit : celle de rester jeune pour ne pas faire des enfants quils ont

eu tardivement, des enfants de vieux. Ce qui leur permet aussi de mieux rsister au

vieillissement.

Conclusion


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La relative dstandardisation des parcours de vie dans les socits

contemporaines nimplique pas labsence de rgulation, ni la disparition des

normes H cest la conclusion provisoire que lon peut proposer partir de

cette analyse des ngociations con!ugales de lingalit de vieillissement c&e5

les parents tardifs.

(u centre de ces ngociations se trouve la question du moment opportun

pour faire famille. Les femmes disposent en effet de moins de temps que les

&ommes pour avoir des enfants H ingalit dordre biologique "dans le cadre

de la reproduction se$ue# mais aussi sociale puisque les femmes disposent

ainsi de moins de temps que les &ommes pour vivre leur !eunesse, avoir des

enfants "et les lever et duquer# et faire carrire. Len!eu des ngociations

con!ugales est de permettre la sync&ronisation des calendriers masculins et

fminins : elle amne c&acun des partenaires intgrer les contraintes de

genre et se positionner par rapport son ge.

Lautre en!eu de ces ngociations est dordre biograp&ique car la parentalit

comme exercice consenti de la parent suppose lengagement des individus

dans un pro!et. -ans beaucoup de situations, le pro!et ne pre$iste pas

lvnement et cest au fil des c&anges entre con!oints, que lvnement va

faire sens et va venir sinscrire dans une biograp&ie individuelle et con!ugale.

e processus est minemment social : il rsulte dune construction en miroir

oG lge, le genre, le destin, la nature, son &istoire de famille sont convoqus

pour interprter, convaincre ou imposer et construisent ainsi une image de

soi.

-ans le !eu de ces c&anges et surtout pour des parents tardifs, lge a un

caractre central mais na aucun caractre univoque : lge de ltatcivil peut

tre mis en balance avec ltat du corps, lesprit "une !eunesse conserve# ou

encore le conte$te. El a aussi un usage stratgique : trop mettre en avant son

ge pour ne pas avoir denfant cest aussi risquer de se vieillir et vieillir au$

yeu$ de son con!oint. *n peut ainsi dire que le rapport l=ge sest modifi et

que les normes ont perdu de leur valeur imprative : elles simposent moins

par inculcation quelles ne sont, en quelque sorte, reconnues et agies par les

individus, participant ainsi de la fabrication du soi.

-e ce point de vue, le travail de lge quoprent ces couples au fil desngociations nest peuttre pas trs diffrent de celui du groupe des pairs ou


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des parents ladolescence mais aussi du travail de mobilisation de soi ou du

travail quotidien du corps par la parure, le sport ou lest&tique et qui permet

au$ individus de marquer ou se dmarquer de leur ge. ar, audel du rite

dinstitution, lge se travaille et posons que, dans le modle contemporain

dducation vers lautonomie, les parents font grandir leurs enfants par un !eu

de prescriptions qui positionne en miroir leur comportement dans lc&elle

des ges "7 tu es trop grand maintenant 8, 7 au!ourd&ui nous pouvons 8 etc#

pour les amener grandir cestdire adopter les comportements attendus

leur ge. e mode de parcours des ges que lon peut qualifier de plus

biograp&ique au sens oG lge de ltatcivil ne dfinit pas lindividu mais est

un point de repre pour quil se dfinisse na pas fait dispara


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