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DEVENIR DES DÉVERSEMENTS D’HYDROCARBURES EN MER

GUIDE D’INFORMATIONS TECHNIQUES

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2 DEVENIR DES DÉVERSEMENTS D’HYDROCARBURES EN MER

Les caractéristiques de distillation d’un hydrocarbure décrivent sa volatilité. Dans le processus de distillation, au fur et à mesure que la température d’un hydrocarbure monte, les différents composants atteignent leur point d’ébullition l’un après l’autre, s’évaporent, puis sont refroidis et se condensent. Les caractéristiques de distillation sont exprimées par les proportions de l’hydrocarbure parent qui se distillent à l’intérieur de plages de températures données (Figure 1).

Introduction

Les hydrocarbures déversés en mer subissent diverses modifications physiques et chimiques ; certaines entraînent leur élimination de la surface de l’eau tandis que d’autres favorisent leur persistance. Le devenir de ces hydrocarbures est déterminé par différents facteurs, dont la quantité déversée, les caractéristiques physiques et chimiques de l’hydrocarbure, les conditions climatiques qui prévalent et l’état de la mer. Le fait que les hydrocarbures restent en mer ou viennent s’échouer sur la côte influence également son devenir.

Comprendre les processus et les interactions qui entrent en jeu et altèrent la nature, la composition et le comportement de l’hydrocarbure avec le temps est fondamental pour tous les aspects de la lutte antipollution. Il est parfois possible, par exemple, de prévoir avec un relatif degré de certitude que l’hydrocarbure se dissipera naturellement avant d’atteindre telle ou telle ressource vulnérable, et donc que des opérations de nettoyage ne seront pas nécessaires. Lorsqu’une opération de lutte antipollution active s’impose, le type d’hydrocarbure et son comportement probable déterminent les options les plus susceptibles d’être efficaces.

Ce document décrit les effets combinés des divers processus naturels qui agissent sur les hydrocarbures déversés, collectivement appelés « vieillissement ». Les facteurs qui déterminent dans quelles mesures l’hydrocarbure risque de persister dans l’environnement marin sont abordés en rapport avec leurs conséquences en matière de lutte antipollution. Etant donné que le devenir des hydrocarbures déversés dans l’environnement marin a d’importantes implications pour tous les aspects de la lutte antipollution, ce document devrait être lu en conjonction avec d’autres Guides d’Informations Techniques de cette série.

5Figure 1 : Courbes de distillation de quatre pétroles bruts. Les hydrocarbures restant au-dessus de la température maximale indiquée sont principalement des résidus. Données d’analyses sur les pétroles bruts.

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Température de distillation (°C)

Propriétés des hydrocarbures

Les pétroles bruts ont des propriétés physico-chimiques très différentes selon leurs origines, tandis que de nombreux produits raffinés conservent les mêmes propriétés bien définies quel que soit le pétrole brut dont ils sont dérivés. Les fiouls lourds et intermédiaires, qui contiennent des proportions variables de résidus du processus de raffinage mélangées à des produits raffinés plus légers, ont eux aussi des propriétés très variables.

Le comportement et la persistance d’un hydrocarbure déversé en mer sont avant tout influencés par sa masse volumique, ses caractéristiques de distillation, sa pression de vapeur, sa viscosité et son point d’écoulement. Chacune de ces propriétés dépend de la composition chimique, c’est-à-dire notamment de la proportion de composants volatils et de la teneur en asphaltènes, résines et paraffines.

La masse volumique (ou densité relative) d’un hydrocarbure correspond à sa densité par rapport à l’eau pure, dont la masse volumique est égale à 1. La plupart des hydrocarbures sont moins denses ou plus légers que l’eau de mer, dont la masse volumique se situe généralement aux alentours de 1,025. L’échelle des masses volumiques de l’American Petroleum Institute (exprimées en degré API) est couramment utilisée pour décrire la masse volumique des pétroles bruts et des produits pétroliers, comme suit :

En plus de déterminer si l’hydrocarbure flottera ou non, la masse volumique peut donner une indication générale concernant d’autres propriétés. Par exemple, les hydrocarbures à faible masse volumique (°API élevé) ont tendance à être caractérisés par une forte proportion de composants volatils et une faible viscosité.

°API= –131,5141,5masse volumique

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Température (°C)

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5Figure 2 : Rapport viscosité/température pour les quatre pétroles bruts du Tableau 1.

5Figure 3 : Les hydrocarbures déversés en milieu marin à des températures inférieures à leur point d’écoulement forment des fragments semi-solides. Cette image montre le pétrole brut Nile Blend (point d’écoulement +33 °C) dans une eau de mer à 28 °C. Ces hydrocarbures sont hautement persistants et peuvent parcourir de très grandes distances.

Certains hydrocarbures contiennent des résidus bitumineux, paraffiniques ou asphalténiques, qui ne se distillent pas facilement même à fortes températures, et qui ont tendance à persister longtemps dans l’environnement marin (par ex. le pétrole brut Boscan à la Figure 1).

La pression de vapeur donne une autre indication de la volatilité d’un hydrocarbure, généralement citée en pression de vapeur Reid mesurée à 37,8 °C. Dans la plupart des conditions, une pression de vapeur supérieure à 3 kPa (23 mmHg) est requise pour que l’évaporation se produise. Au-delà de 100 kPa (760 mmHg), la substance se comporte comme un gaz. La pression de vapeur de l’essence, par exemple, est de l’ordre de 40 à 80 kPa (300 à 600 mmHg). Le pétrole brut Cossack a une pression de vapeur Reid de 44 kPa et est très volatil, avec une forte proportion de composants atteignant leur point d’ébullition à basse température. En revanche, le pétrole brut Boscan est beaucoup moins volatil, avec une pression de vapeur Reid de tout juste 1,7 kPa.

La viscosité d’un hydrocarbure définit sa résistance à l’écoulement. Les hydrocarbures à forte viscosité s’écoulent moins facilement que ceux à plus faible viscosité. Tous les hydrocarbures deviennent plus visqueux (c’est-à-dire s’écoulent moins facilement) au fur et à mesure que la température baisse ; certains plus que d’autres, selon leur composition. Le rapport température/viscosité de quatre pétroles bruts est indiqué à la Figure 2. Les unités de viscosité cinématique* sont employées dans ce document, exprimées en centistokes (cSt = mm2.s-1).

Le point d’écoulement correspond à la température au-dessous de laquelle un hydrocarbure ne s’écoule plus ; il dépend de la teneur paraffinique et asphalténique de l’hydrocarbure. En refroidissant, un hydrocarbure atteint une température appelée point de trouble, qui correspond au point auquel les composants paraffiniques commencent à former des structures cristallines. Plus la température baisse, plus cette formation de cristaux compromet l’écoulement de l’hydrocarbure. Lorsque le point d’écoulement est atteint, l’écoulement cesse et l’hydrocarbure passe de l’état liquide à l’état semi-solide (Figure 3). Un exemple de ce comportement est donné pour le pétrole brut Cabinda sur la Figure 2. En refroidissant à partir de 30 °C, la viscosité de cet hydrocarbure augmente lentement. Lorsque le point de trouble (20 °C) est dépassé, l’hydrocarbure commence à s’épaissir de manière exponentielle. Au point d’écoulement (12 °C), la viscosité a suffisamment augmenté pour empêcher son écoulement.

Processus de vieillissement

Les processus individuels traités dans la section suivante provoquent ensemble le vieillissement d’un hydrocarbure déversé (Figure 4). L’importance relative de chaque processus varie cependant avec le temps. La Figure 6 illustre le vieillissement d’une nappe de pétrole brut moyen typique par mer modérée. Il convient également de tenir compte du fait qu’un déversement d’hydrocarbures dérive sous l’effet du vent et des courants (voir le Guide d’informations techniques : Observation aérienne des déversements d’hydrocarbures en mer).

ÉtalementUn hydrocarbure commence à s’étaler à la surface de la mer dès qu’il est déversé. La vitesse à laquelle cela se produit dépend dans une grande mesure de la viscosité de l’hydrocarbure et du volume en question. Les hydrocarbures fluides à faible viscosité s’étalent beaucoup plus rapidement que les hydrocarbures à haute viscosité. Les hydrocarbures liquides s’étalent sous forme de nappe continue mais se fragmentent vite. Au fur et à mesure qu’ils s’étalent et que leur épaisseur diminue, leur couleur évolue du noir ou brun foncé des zones épaisses à une irisation iridescente et argentée en bordure de la nappe (Figure 5). Au lieu de s’étaler en fines couches, les

* viscosité cinématique = viscosité dynamique ÷ densité. La viscosité dynamique est mesurée en centipoise (cP) ou en milliPascals par seconde (mPA/s), unité équivalente dans le SI

5Tableau 1 : Caractéristiques physiques de quatre pétroles bruts typiques. Les couleurs et les groupements correspondent aux classifications données au Tableau 2 (page 8).

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5Figure 4 : Processus de vieillissement sur un hydrocarbure en mer. Une fois l’hydrocarbure échoué sur la côte, certains de ces processus n’entrent plus en jeu.

5Figure 5 : Lorsque des hydrocarbures moyens et légers s’étalent sans obstacle, des films très minces finissent par se former. Ils se présentent sous forme d’irisations iridescentes (arc-en-ciel) et argentées, qui se dissipent rapidement.

hydrocarbures semi-solides ou très visqueux se fragmentent en plaques qui évoluent séparément et peuvent parfois atteindre une épaisseur de plusieurs centimètres. En haute mer, les vents ont tendance à entraîner la formation de bandes parallèles et étroites d’hydrocarbure. Avec le temps, les propriétés de l’hydrocarbure deviennent moins importantes pour déterminer les mouvements de la nappe.

La vitesse à laquelle un hydrocarbure s’étale ou se fragmente est également influencée par les vagues, les turbulences et les courants de marée et autres ; plus les forces combinées sont fortes, plus le processus est rapide. Les exemples sont nombreux d’hydrocarbures étalés sur plusieurs kilomètres carrés en quelques heures seulement et sur plusieurs centaines de kilomètres carrés en quelques jours. Exception faite des petits déversements d’hydrocarbures à faible viscosité, l’étalement n’est pas uniforme et d’importantes variations d’épaisseur peuvent se produire, de moins d’un micromètre à plusieurs millimètres ou plus.

Évaporation Les composants plus volatils d’un hydrocarbure s’évaporent dans

l’atmosphère à un taux dépendant des températures ambiantes et de la vitesse du vent. En règle générale, les composants de l’hydrocarbure dont le point d’ébullition est inférieur à 200 °C s’évaporent dans les 24 heures par conditions modérées. Plus la proportion de composants à faible point d’ébullition – indiquée par les caractéristiques de distillation de l’hydrocarbure – est forte, plus l’évaporation est importante. Sur la Figure 1, par exemple, le pétrole brut Cossack est constitué à 55 % de composants qui entrent en ébullition au-dessous de 200 °C. Cette proportion est réduite à 4 % pour le pétrole brut Boscan.

Le degré d’étalement initial de l’hydrocarbure affecte également le taux d’évaporation. En effet, plus la superficie de la nappe est importante, plus les composants légers s’évaporent vite. Les mers agitées, les vents forts et les températures élevées accélèrent également l’évaporation.

Les résidus de l’hydrocarbure après évaporation ont une densité et une viscosité accrues, ce qui affecte les processus de vieillissement ultérieurs ainsi que les techniques de nettoyage.

Les déversements de produits raffinés, comme le kérosène et l’essence, peuvent s’évaporer entièrement en quelques heures. Les pétroles bruts légers (type Cossack) peuvent perdre plus de 50 % de leur volume durant le premier jour. Déversés dans des espaces confinés, ces hydrocarbures extrêmement volatils peuvent présenter des risques d’incendie et d’explosion, ou des dangers pour la santé humaine. En revanche, les fiouls lourds s’évaporent peu, voire pas du tout, et le risque d’explosion est minime. Ils présentent toutefois un risque d’incendie : des débris enflammés au milieu d’hydrocarbures par mer calme peuvent former une mèche qui suffit à entretenir un feu de fioul vigoureux.

Dispersion Le taux de dispersion dépend largement de la nature de l’hydrocarbure et de l’état de la mer ; il est le plus élevé avec les hydrocarbures de faible viscosité, en présence de vagues déferlantes. Les vagues et les turbulences à la surface de la mer peuvent causer la fragmentation de tout ou partie d’une nappe en gouttelettes de tailles diverses qui s’intègrent dans les couches supérieures de la colonne d’eau. Les plus petites gouttelettes restent en suspension, tandis que les

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5Figure 7 : Image considérablement agrandie (x 1 000) d’une émulsion eau dans l’huile, montrant les gouttelettes d’eau entourées d’huile.

5Figure 8 : Récupération de fioul lourd émulsionné, montrant la couleur rouge/brune typique. L’analyse a montré que la teneur en eau de cette émulsion atteignait 50 %.

Évapora'on

Dispersion

Émulsifica'on

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Sédimenta'on Biodégrada'on

Étalement

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5Figure 6 : Représentation schématique du devenir d’un déversement typique d’hydrocarbure de groupe 2/3, montrant les processus de vieillissement avec le temps. La largeur de chaque bande indique l’importance du processus (d’après un diagramme fourni par le SINTEF).

plus grosses remontent à la surface et soit reforment une nappe par fusion avec d’autres gouttelettes, soit s’étalent en une très fine couche. Les gouttelettes de moins de 70 μm de diamètre environ sont maintenues en suspension par l’effet des turbulences marines sur leur vitesse de remontée à la surface. L’hydrocarbure ainsi dispersé s’intègre dans des volumes chaque fois plus importants d’eau de mer, résultant en une réduction rapide et très sensible de la concentration d’hydrocarbure. La surface de contact accrue présentée par l’hydrocarbure dispersé favorise par ailleurs d’autres processus, dont la biodégradation, la dissolution et la sédimentation.

Les hydrocarbures qui restent fluides et s’étalent sans être altérés par d’autres processus de vieillissement peuvent se disperser entièrement en quelques jours par mer modérée. L’application de dispersants peut accélérer ce processus naturel. Inversement, les hydrocarbures visqueux ont tendance à former des fragments épais à la surface de l’eau, qui ne manifestent qu’une très faible tendance à se disperser, même sous l’effet de dispersants.

ÉmulsificationDe nombreux hydrocarbures incorporent de l’eau et forment des émulsions eau dans l’huile. Le volume d’un hydrocarbure émulsionné peut ainsi être quintuplé. Une concentration combinée de nickel/vanadium supérieure à 15 ppm ou une teneur asphalténique supérieure à 0,5 % au moment du déversement de l’hydrocarbure sont les facteurs les plus favorables à la formation d’une émulsion. La présence de ces composés et des conditions en mer dépassant la force 3 sur l’échelle de Beaufort (vitesse du vent de 3 à 5 m/s ou 7 à 10 nœuds) déterminent la vitesse à laquelle les émulsions se forment. Les hydrocarbures visqueux, dont les fiouls lourds, ont tendance à incorporer l’eau plus lentement que les hydrocarbures plus fluides. Au fur et à mesure que l’émulsion se forme, le mouvement de l’hydrocarbure dans les vagues entraîne la réduction de la taille des gouttelettes d’eau qui ont été incorporées dans l’hydrocarbure (Figure 7). L’émulsion devient ainsi progressivement plus visqueuse. En même temps, les asphaltènes de l’hydrocarbure peuvent précipiter pour enrober les gouttelettes d’eau, augmentant ainsi la stabilité de l’émulsion. Alors que la quantité d’eau incorporée augmente, la densité de l’émulsion se rapproche de celle de l’eau de mer, mais il est peu probable qu’elle la dépasse sans ajout de particules solides. Les émulsions stables peuvent contenir jusqu’à 70 à 80 % d’eau, sont souvent semi-solides, et ont une couleur intense rouge/brune, orange ou jaune (Figure 8). Elles sont hautement persistantes et peuvent rester émulsionnées indéfiniment. Les émulsions moins stables peuvent se séparer en huile et eau sous l’effet de la chaleur solaire, par mer calme, ou lorsqu’elles sont échouées sur le littoral.

La formation d’émulsions eau dans l’huile ralentit les autres processus de vieillissement et constitue la raison principale de la persistance des hydrocarbures bruts légers et moyens à la surface de la mer et sur le littoral. Bien que les émulsions eau dans l’huile stables se comportent de manière analogue aux hydrocarbures visqueux, leurs différences de composition ont des implications en ce qui concerne les options de lutte antipollution.

Dissolution La vitesse et le degré auxquels un hydrocarbure se dissout dépendent de sa composition, de son étalement, de la température de l’eau, des turbulences et du degré de dispersion. Les composants lourds du pétrole brut sont pratiquement insolubles dans l’eau de mer tandis que les composants plus légers, et plus particulièrement les hydrocarbures aromatiques comme le benzène et le toluène, sont légèrement solubles. Or, ces composés sont également les

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5Figure 9 : Récupération manuelle de fioul lourd coulé.

plus volatils et se perdent très rapidement par évaporation, soit généralement 10 à 1 000 fois plus vite qu’ils ne se dissolvent. Par conséquent, les concentrations d’hydrocarbures dissouts dans l’eau de mer dépassent rarement 1 ppm et la dissolution ne contribue pas de manière significative à l’élimination de l’hydrocarbure de la surface de la mer.

Photo-oxydationLes hydrocarbures peuvent réagir avec l’oxygène, entraînant ainsi la formation soit de produits solubles, soit de goudrons persistants. L’oxydation est favorisée par la lumière solaire ; bien qu’elle se produise sur toute la durée du déversement, son effet global sur la dissipation est minime par rapport à celui d’autres processus de vieillissement. Même sous une lumière solaire intense, les films d’hydrocarbure minces ne se décomposent que lentement, soit à raison de moins de 0,1 % par jour dans la plupart des cas. Les couches épaisses d’hydrocarbures très visqueux ou d’émulsions eau dans l’huile ont tendance à s’oxyder en résidus persistants plutôt qu’à se dégrader, en raison de la formation de composés à masse moléculaire supérieure qui créent une couche superficielle protectrice. Tel est le cas des boulettes de goudron échouées sur le littoral, qui sont généralement constituées d’une croute externe solide d’hydrocarbure oxydé et de particules sédimentaires, tandis que l’intérieur est plus mou et moins altéré par le vieillissement.

Sédimentation et tendance à coulerLes gouttelettes d’hydrocarbure dispersé peuvent entrer en interaction avec les particules sédimentaires et la matière organique en suspension dans la colonne d’eau, devenant ainsi suffisamment denses pour couler lentement vers le fond marin. Les eaux littorales peu profondes et les eaux des embouchures de fleuves et des estuaires sont souvent chargées de solides en suspension qui, en se liant aux gouttelettes d’hydrocarbure dispersé, créent des conditions favorables à la sédimentation des particules d’hydrocarbure. Dans les eaux saumâtres, où l’eau douce des fleuves réduit la salinité de l’eau de mer et donc sa masse volumique, des gouttelettes d’hydrocarbure à flottabilité neutre peuvent couler. Les hydrocarbures peuvent également être ingérés par les organismes planctoniques et incorporés dans les pelotes fécales qui tombent ensuite sur le fond marin. Dans quelques cas rares, l’hydrocarbure peut être entraîné avec des niveaux élevés de solides en suspension, sous l’effet d’une tempête, et retomber sur le fond marin. De même, le sable éolien peut parfois être déposé sur un hydrocarbure flottant et le faire couler.

La plupart des hydrocarbures ont des masses volumiques suffisamment faibles pour flotter, à moins qu’ils n’entrent en interaction avec des matériaux plus denses et qu’ils ne s’y attachent. Cependant, certains pétroles bruts lourds, la plupart des fiouls lourds et les émulsions eau dans l’huile ont des masses volumiques proches de celle de l’eau de mer ; même une interaction minimale avec des sédiments peut suffire à les faire couler. Seuls quelques hydrocarbures résiduels ont une masse volumique supérieure à celle de l’eau de mer (>1,025) et coulent lorsque déversés.

Certains hydrocarbures peuvent couler sous l’effet de la combustion, qui non seulement consume les composants plus légers mais entraîne également la formation de produits pyrogènes plus lourds sous l’effet des températures élevées générées. Il convient d’en tenir compte si le brûlage in situ délibéré est envisagé comme technique de lutte antipollution.

Par mer agitée, les hydrocarbures denses peuvent être submergés et passer un temps considérable juste au-dessous de la surface, ce qui rend leur observation aérienne très difficile. Ce phénomène est

parfois confondu avec le cas des hydrocarbures coulants mais, après submersion, l’hydrocarbure refait surface lorsque la mer se calme.

La sédimentation est l’un des principaux processus à long terme qui aboutissent à l’accumulation d’hydrocarbures déversés dans l’environnement marin. La tendance à couler d’un pétrole brut n’est cependant que rarement observée ailleurs que dans des eaux peu profondes, à proximité du littoral, principalement en raison de l’interaction avec celui-ci (Figure 9).

Interaction avec le littoralL’interaction des hydrocarbures échoués avec le littoral dépend avant toute chose des niveaux d’énergie auxquels le littoral est exposé, ainsi que de la nature et de la granulométrie du substrat dont il est constitué.

L’interaction avec les sédiments, cause de la tendance à couler des hydrocarbures, résulte généralement de l’échouage sur un littoral sableux. Sur les plages de sable exposées, les couches d’hydrocarbures peuvent être successivement enfouies et exposées sous l’effet des cycles saisonniers d’accumulation (accrétion) et d’érosion sédimentaires. Même sur les plages de sable moins exposées, les hydrocarbures échoués peuvent être recouverts de sable éolien. L’hydrocarbure mélangé au sable coule s’il est entraîné dans les eaux littorales par les marées montantes et descendantes ou par les tempêtes. Un cycle répétitif se produit souvent, selon lequel le mélange d’hydrocarbure et de sable présent sur la plage est entraîné dans les eaux littorales, favorisant ainsi la libération des particules de sable plus grossières et l’hydrocarbure revient alors flotter à la surface. Ce même hydrocarbure s’échoue de nouveau, se mélange au sable, et le cycle se répète. Une irisation émanant d’une plage de sable peut indiquer que ce processus est en cours.

L’interaction de l’hydrocarbure avec de très fines (<4 µm) particules (les fines ou pélites) sur le littoral entraîne la formation de floculats minéraux-pétrole ou argile-pétrole. Selon la viscosité de l’hydrocarbure, un mouvement suffisant de l’eau peut donner naissance à des gouttelettes qui attirent les fines électrostatiquement. Les fines qui entourent chaque gouttelette empêchent la fusion en de plus grosses gouttelettes et l’adhérence aux plus gros substrats sédimentaires, par exemple le sable ou le gravier. Les floculats stables qui en résultent sont proches de la flottabilité neutre et de suffisamment petite taille pour être maintenus en suspension par les turbulences lorsque l’eau submerge la plage sous l’effet des marées ou des tempêtes. Ils peuvent par la suite être largement dispersés par les courants côtiers et, avec le temps, participer à l’élimination d’une grande partie des hydrocarbures des côtes

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5Figure 10 : Dans le cadre d’une expérience suite à un rejet de pétrole brut, une zone de littoral touchée a été délibérément laissée telle quelle. Cette plaque d’hydrocarbure, d’environ 1 m², persiste après plus de 15 années, constituant un « revêtement d’asphalte ».

abritées (à faible énergie), notamment lorsque l’action des vagues et des courants est trop faible pour que d’autres processus (par ex. l’abrasion sédimentaire) se produisent.

Des sédiments vaseux et des marais sont souvent rencontrés sur les côtes abritées. Dans la majorité des cas, l’hydrocarbure ne pénètre pas dans ces sédiments fins et reste à la surface. Cependant, la « bioturbation », c’est-à-dire la redistribution des sédiments sous l’action d’animaux fouisseurs, permet parfois aux hydrocarbures moins visqueux de pénétrer un peu dans le sédiment par migration dans les trous de vers, le long des tiges de végétaux, etc. Il peut également y avoir incorporation de l’hydrocarbure dans ces sédiments à granulométrie fine pendant les fortes tempêtes, lorsque de fines particules de vase sont remises en suspension dans la colonne d’eau et se mélangent à l’hydrocarbure. Au fur et à mesure que les conditions se calment, la vase se dépose et l’hydrocarbure peut être piégé dans le sédiment. Dans ces lieux abrités, le sédiment peut ne pas être perturbé pendant de longues périodes et, étant donné que les niveaux d’oxygène dans le sédiment sont faibles, très peu de dégradation se produit.

Sur les grèves de galets ou les plages de gravier abritées, les hydrocarbures à forte viscosité peuvent former des couches indurées dites « revêtement d’asphalte » s’ils ne sont pas éliminés par les opérations de nettoyage. Ce phénomène résulte principalement de l’oxydation de la couche d’hydrocarbure superficielle (Figure 10). Les hydrocarbures flottants peuvent pénétrer ces substrats ouverts plus facilement ; le substrat même les protège en empêchant ensuite leur élimination par la mer et les autres processus de vieillissement. Les revêtements d’asphalte peuvent persister pendant plusieurs décennies s’ils ne sont pas perturbés.

Biodégradation L’eau de mer contient divers micro-organismes marins capables de métaboliser les hydrocarbures. Pour ces bactéries, moisissures, levures, champignons, algues unicellulaires et protozoaires; l’hydrocarbure peut être une source de carbone et d’énergie. Largement distribués dans les océans du monde entier, ces organismes sont toutefois plus abondants dans les zones de suintements naturels d’hydrocarbures ou dans les eaux côtières à pollution chronique. Dans ce dernier cas, il s’agit le plus souvent des eaux côtières proches des centres urbains, qui reçoivent les rejets industriels et les eaux d’égout brutes.

Les principaux facteurs qui influent sur la vitesse et le degré de biodégradation sont les caractéristiques de l’hydrocarbure, la disponibilité d’oxygène et de nutriments (principalement les composés d’azote et de phosphore) et la température. Plusieurs composés intermédiaires sont produits au fur et à mesure de la décomposition des hydrocarbures, mais les produits finaux de la biodégradation sont le dioxyde de carbone et l’eau.

Chaque type de micro-organisme impliqué dans le processus a tendance à dégrader des composés spécifiques d’hydrocarbures, d’où la nécessité d’un large éventail de micro-organismes, agissant ensemble ou en succession, pour que la dégradation puisse continuer. Au fur et à mesure de la dégradation, une population complexe de micro-organismes se développe. Les micro-organismes nécessaires à la biodégradation sont présents en nombres relativement faibles en haute mer mais se multiplient rapidement en présence d’hydrocarbures. La dégradation se poursuit alors jusqu’à ce que le processus soit limité par un manque de nutriments ou d’oxygène. En outre, bien que les micro-organismes soient capables de dégrader un grand nombre des composés présents dans le pétrole brut, certaines macromolécules complexes résistent à l’attaque. Ces résidus ont tendance à inclure les composés qui donnent au pétrole sa couleur noire.

Des produits censés accélérer la biodégradation sont disponibles, bien que leur efficacité soit douteuse. En effet, les déficits en nutriments sont peu probables, notamment dans les eaux côtières, et les niveaux d’oxygène ou la température de l’eau sont difficilement modifiables.

Les micro-organismes vivent dans l’eau, dont ils extraient l’oxygène et les nutriments essentiels. Par conséquent, la biodégradation ne peut se produire qu’à une interface hydrocarbure/eau. En mer, la création de gouttelettes d’hydrocarbure, par dispersion naturelle ou chimique, augmente la surface interfaciale disponible pour l’activité biologique et stimule ainsi la dégradation. Par contraste, les hydrocarbures échoués en couches épaisses sur le littoral ou au-dessus de la laisse de haute mer, ont une surface limitée et un contact très restreint avec l’eau. Dans de telles conditions, la biodégradation se produit extrêmement lentement, entraînant la persistance de l’hydrocarbure pendant de nombreuses années à défaut de mesures d’élimination.

La variété des facteurs qui influent sur la biodégradation complique la prévision de la vitesse à laquelle un hydrocarbure peut être éliminé. Bien que la biodégradation ne puisse évidemment pas éliminer les accumulations d’hydrocarbures massives, elle n’en est pas moins l’un des principaux mécanismes à long terme assurant la disparition naturelle des dernières traces d’hydrocarbures sur les littoraux fréquemment submergés sous l’effet des marées ou des surcôtes liées aux vents.

Processus combinés

L’effet combiné des processus décrits ci-dessus est résumé à la Figure 13. Tous entrent en jeu dès que l’hydrocarbure est déversé, bien que leur importance relative varie avec le temps (Figure 6). L’étalement, l’évaporation, la dispersion, l’émulsification et la dissolution sont les plus importants aux premiers stades d’un déversement, tandis que la photo-oxydation, la sédimentation et la biodégradation sont des processus au long terme qui déterminent le devenir final de l’hydrocarbure. La dispersion et l’émulsification sont des processus concurrents : la dispersion élimine l’hydrocarbure de la surface de l’eau, tandis que l’émulsification cause l’augmentation du volume de polluant et sa persistance. Les facteurs qui déterminent si l’hydrocarbure se dispersera ou s’émulsionnera comprennent les

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Remarque : les hydrocarbures à point d’écoulement élevé se comportent comme le Groupe 2 uniquement à des températures ambiantes supérieures à leur point d’écoulement. En deçà, les traiter comme des hydrocarbures du Groupe 4.

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Remarque : les hydrocarbures à point d’écoulement élevé se comportent comme le Groupe 3 à des températures ambiantes supérieures à leur point d’écoulement. En deçà, les traiter comme des hydrocarbures du Groupe 4.

5Tableau 2 : Exemples d’hydrocarbures classifiés selon leur degré API (American Petroleum Institute gravity). Les couleurs de chaque groupe correspondent au Tableau 1 et aux figures 1, 2, 12 et 13. En règle générale, la persistance après déversement augmente avec le numéro du groupe.

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10 000

100 000

1 000 000

100

1 000

10,000

0 10 20 30 40

Hydrocarbures du groupe 2

Hydrocarbures du groupe 3

Hydrocarbures du groupe 4

Visc

osité

cin

émati

que

en c

St à

15

°C

Heures

9

5Figure 12 : Taux d’accroissement de viscosité types dans les eaux modérées à agitées. La viscosité des hydrocarbures du groupe 1 ne dépasse jamais 100 cSt dans l’environnement marin et n’est donc pas illustrée.

conditions du rejet (débit et quantité déversée, rejet en surface ou sous l’eau, etc.), les conditions environnementales (température, état de la mer, courants, etc.) et les propriétés physiques et chimiques de l’hydrocarbure.

Il est important de comprendre l’interaction des processus de vieillissement pour prévoir les modifications des caractéristiques d’un hydrocarbure pendant la durée de présence d’une nappe en mer. Les prévisions d’évolutions possibles des caractéristiques de l’hydrocarbure avec le temps permettent d’établir la persistance probable de l’hydrocarbure déversé et donc l’option de lutte antipollution la plus appropriée. À cet égard, une distinction est souvent opérée entre les hydrocarbures non persistants qui, parce qu’ils sont volatils et peu visqueux ont tendance à disparaître rapidement de la surface marine, et les hydrocarbures persistants qui se dissipent plus lentement et nécessitent généralement une intervention de nettoyage. L’essence, le naphta et le kérosène sont des hydrocarbures non persistants, tandis que la plupart des pétroles bruts, des fiouls intermédiaires et lourds, et des bitumes sont classés persistants*.

Une autre classification divise les hydrocarbures couramment transportés en quatre groupes, en fonction de leur degré API (Tableau 2). L’objectif en est de regrouper les hydrocarbures susceptibles d’avoir un comportement analogue en cas de déversement en milieu marin. En règle générale, plus le degré API de l’hydrocarbure est élevé (et plus la masse volumique est faible), moins il est persistant. Il est néanmoins important d’apprécier que certains hydrocarbures apparemment légers se comportent davantage comme des hydrocarbures lourds en raison de la présence de paraffines. Les hydrocarbures à teneur paraffinique supérieure à environ 10 % ont tendance à avoir des points d’écoulement élevés. Si la température ambiante est basse, l’hydrocarbure sera soit un semi-solide, soit un liquide très visqueux et les processus de vieillissement naturel seront lents.

Un cinquième groupe est parfois reconnu pour les hydrocarbures dont la masse volumique est supérieure à 1 et le degré API inférieur à 10. Ces hydrocarbures sont susceptibles de couler, notamment en eau trouble, et sont parfois appelés LAPIO (Low API Oils – hydrocarbures à faible degré API). Cette catégorie est constituée des fiouls très lourds et des boues d’hydrocarbures résiduelles (Figure 11).

La Figure 12 indique, pour les groupes 2 et 4, les hausses typiques de la viscosité avec le temps résultant de l’évaporation et de l’émulsification à la suite d’un déversement. Elle démontre que l’émulsification influe plus que tout autre processus sur la hausse de viscosité.

La Figure 13 donne un diagramme simplifié du taux d’élimination naturelle des quatre groupes d’hydrocarbures, en tenant compte de l’effet de la formation d’émulsions eau dans l’huile sur le volume de polluant avec le temps. Elaboré à partir d’observations sur le terrain, le diagramme est conçu pour donner une idée de la manière dont la persistance varie en fonction des propriétés physiques de l’hydrocarbure. Le comportement précis d’un pétrole brut individuel dépendra de ses propriétés et des circonstances au moment du déversement. Les conditions météo-climatiques ont une influence particulière sur la persistance d’une nappe d’hydrocarbures. Par exemple, par très mauvais temps, un hydrocarbure du groupe 3 peut se dissiper dans des délais plus typiques d’un hydrocarbure du groupe 2. Inversement, par temps froid et calme, sa persistance peut approcher celle des hydrocarbures du groupe 4. Les hydrocarbures du groupe 4, y compris les fiouls lourds transportés en tant qu’hydrocarbures de soute par de nombreux navires, sont généralement très visqueux et très persistants ; ils comptent parmi les plus problématiques à nettoyer. Leur persistance les rend susceptibles de parcourir des distances considérables en mer et de causer une contamination très étendue.

Modèles informatiquesPlusieurs modèles informatiques sont disponibles, permettant de prévoir la dérive ou la trajectoire d’une nappe d’hydrocarbures. Certains comprennent des prévisions de vieillissement indiquant l’évolution probable de l’hydrocarbure déversé avec le temps, dans des conditions données. Ces prévisions reposent souvent sur des

* Le régime international de responsabilité et d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures établit une différence entre les hydrocarbures persistants et non persistants, ces derniers étant définis comme composés de fractions d’hydrocarbures, (a) dont au moins 50 %, en volume, se distillent à une température de 340 °C, et (b) au moins 95 % se distillent à une température de 370 °C, au cours d’essais effectués selon la méthode D86/78 de l’American Society for Testing and Materials ou toute révision ultérieure de cette méthode.

5Figure 11 : Fioul très lourd sur le fond marin, après son rejet d’une barge endommagée. L’hydrocarbure avait un degré API de 4, soit une masse volumique de 1,04, comparé à une eau de mer à 1,025 (image reproduite avec la permission de la NOAA).

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5Figure 13 : Volume d’hydrocarbure et d’émulsion eau dans l’huile restant à la surface de la mer, indiqué en pourcentage du volume du déversement d’origine (100 %) pour un hydrocarbure typique de chacun des groupes indiqués aux Tableaux 1 et 2. Les courbes représentent un comportement « moyen » estimé pour chaque groupe. Cependant, le comportement d’un pétrole brut particulier peut s’écarter de la tendance générale selon ses propriétés et les conditions environnementales au moment du déversement.

bases de données des caractéristiques physiques et chimiques de différents hydrocarbures, ainsi que sur les résultats de recherches scientifiques et d’observations d’hydrocarbures. Cependant, en raison de la complexité des processus de vieillissement et de l’incertitude quant à l’évolution de la nappe, des prévisions précises du devenir global restent difficiles à effectuer.

Dès lors, il est important de comprendre les hypothèses sur lesquelles les modèles de vieillissement et de trajectoire sont basés et de les prendre en compte au moment d’utiliser les résultats. Dans le cadre des opérations de lutte antipollution, par exemple, les prévisions modélisées devraient être vérifiées par des observations de la distribution et du comportement réels de l’hydrocarbure. En revanche, ces modèles donnent des indications utiles pour orienter les inspections, ainsi qu’une idée du devenir et du comportement probables d’un hydrocarbure particulier. Ils sont également efficaces dans le contexte de l’évaluation des techniques de nettoyage optimales, de la formation et de la planification des interventions d’urgence.

Implications pour le nettoyage et la planification des interventions d’urgence

La tendance des hydrocarbures à s’étaler et à se fragmenter rapidement, surtout par mer agitée, est toujours contraignante pour les techniques de lutte antipollution et ne devrait pas être sous-estimée. Par exemple, les systèmes de récupération des hydrocarbures embarqués, avec des envergures typiques de quelques mètres seulement, manqueront d’importantes quantités d’hydrocarbure déversé une fois que celui-ci se sera étalé et fragmenté sur plusieurs kilomètres. Dans le cas des hydrocarbures à faible viscosité, cela peut se produire en quelques heures seulement. Il s’agit là de l’une des principales raisons pour lesquelles les

opérations de récupération des hydrocarbures en mer éliminent rarement plus d’une fraction minime d’une grande nappe.

La dérive des nappes et la nature changeante des hydrocarbures sous l’effet du vieillissement peuvent déterminer si une intervention, au-delà du suivi de la dissipation de la nappe, est nécessaire. Lorsque des mesures antipollution actives s’imposent, les processus de vieillissement exigent que l’adéquation des techniques de nettoyage sélectionnées soit réévaluée et modifiée au fur et à mesure que la lutte antipollution progresse et que les conditions changent. Par exemple, des dispersants appliqués en mer perdent de leur efficacité lorsque les hydrocarbures s’étalent et que la viscosité de l’hydrocarbure augmente. Selon les caractéristiques de l’hydrocarbure, de nombreux dispersants deviennent considérablement moins efficaces quand la viscosité approche 10 000 cSt. La plupart cessent d’avoir un effet quelconque lorsque la viscosité dépasse de loin cette valeur. Parce que la viscosité de l’hydrocarbure peut augmenter très rapidement, le délai disponible pour l’application de dispersants peut être très court. Ainsi, l’application de dispersant doit être régulièrement surveillée et les opérations d’épandage doivent cesser quand elles deviennent inefficaces (Figure 14).

De même, si des systèmes de récupération mécanique sont mis en œuvre, le type de récupérateurs et de pompes employé devra éventuellement changer en fonction du vieillissement de l’hydrocarbure, de l’accroissement de sa viscosité et de la formation d’émulsions. Par exemple, l’efficacité des récupérateurs à disque oléophiles (qui attirent l’huile) dépend de l’adhésion de l’hydrocarbure au disque (Figure 15). Or, une émulsion agit en tant qu’agent de fluidisation, de telle sorte que lorsqu’un mouvement de torsion est appliqué, par exemple par un disque tournant, les gouttelettes d’eau dans l’émulsion s’alignent toutes dans le même sens. La viscosité est ainsi réduite et l’émulsion est découpée en tranches au lieu d’adhérer au disque. Le même effet se produit avec les pompes centrifuges : l’hélice de la pompe peut tourner sans mouvement efficace de l’émulsion à travers la pompe. Pour

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L’essentiel

• Une fois déversé, un hydrocarbure subit un processus de vieillissement et ses caractéristiques physico-chimiques changent avec le temps.

• L’étalement, l’évaporation, la dispersion et l’émulsification sont importantes aux premiers stades du déversement, tandis que la photo-oxydation, la sédimentation et la biodégradation sont des processus au long terme qui déterminent le devenir final de l’hydrocarbure.

• La vitesse à laquelle ces processus se produisent dépend des conditions météorologiques et des caractéristiques de l’hydrocarbure, dont sa masse volumique, sa volatilité, sa viscosité et son point d’écoulement.

• L’évaporation et la dispersion sont responsables de l’élimination de l’hydrocarbure de la surface marine, tandis que l’émulsification entraîne sa persistance et l’augmentation du volume du polluant.

• L’interaction avec le littoral peut entraîner l’élimination de l’hydrocarbure par la formation de floculats d’argile-pétrole. Il peut également persister dans les lieux abrités, par incorporation dans les sédiments fins ou par la formation de couches indurées dites « revêtement d’asphalte » lorsque l’hydrocarbure se mêle aux grèves de galets ou aux plages de gravier.

• Un petit nombre d’hydrocarbures résiduels sont suffisamment denses pour couler lorsqu’ils sont déversés. Cependant, la plupart des hydrocarbures flottent et peuvent couler uniquement s’ils sont mélangés à des sédiments plus denses.

• Comprendre le devenir et le comportement probables d’un hydrocarbure permet d’optimiser les options de lutte antipollution.

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5Figure 14 : En raison de la forte viscosité de l’hydrocarbure, l’application de dispersant est restée sans effet, comme en témoigne le panache blanc de dispersant autour de l’hydrocarbure.

5Figure 15 : Récupérateur à disque fonctionnant efficacement dans un pétrole brut léger récemment déversé. Cependant, si l’hydrocarbure devenait considérablement émulsionné, l’efficacité de l’opération de récupération serait réduite en raison de l’incapacité de l’émulsion à adhérer aux disques.

cette raison, les pompes volumétriques sont recommandées pour le transfert d’émulsions.

Il est essentiel de bien comprendre le devenir et le comportement probables des différents hydrocarbures, ainsi que les contraintes qu’ils imposent aux opérations de nettoyage, pour préparer des plans d’intervention d’urgence efficaces. En outre, les informations sur les vents et les courants dominants tout au long de l’année indiqueront l’évolution la plus probable des hydrocarbures et les ressources sensibles pouvant être affectées en tel ou tel lieu. Les données sur les types d’hydrocarbures manipulés et transportés peuvent permettre d’effectuer des prévisions concernant la persistance probable des nappes, ainsi que la quantité et la nature des hydrocarbures restants nécessitant éventuellement une opération de nettoyage. Elles aident aussi à déterminer le choix de techniques et de matériels de nettoyage appropriés.

Pour les installations fixes, c’est-à-dire les terminaux pétroliers et les bouées de chargement et de déchargement offshore, lorsqu’un nombre limité de types d’hydrocarbures est concerné et que les conditions météorologiques et marines qui prévalent sont bien connues, des prévisions assez précises sont possibles. Cela simplifie l’élaboration d’un plan d’intervention d’urgence efficace et permet de mettre en place des mesures de lutte antipollution appropriées. Dans les zones de trafic maritime intense, avec des nombres importants de navires en transit, ou lorsque de nombreux types d’hydrocarbures sont manipulés, les plans ne peuvent pas couvrir toutes les éventualités. Il est donc d’autant plus important que le type et le comportement de l’hydrocarbure déversé soient établis dès que possible afin que les techniques les plus appropriées puissent être utilisées si une lutte antipollution s’avère nécessaire.

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GUIDES D’INFORMATIONS TECHNIQUES

1 Observation aérienne des déversements d’hydrocarbures en mer

2 Devenir des déversements d’hydrocarbures en mer 3 Utilisation des barrages dans la lutte contre la

pollution par les hydrocarbures 4 Utilisation des dispersants dans le traitement des

déversements d’hydrocarbures 5 Utilisation des récupérateurs dans la lutte contre

la pollution par les hydrocarbures 6 Reconnaissance des hydrocarbures sur les

littoraux 7 Nettoyage des hydrocarbures sur les littoraux 8 Utilisation de matériaux absorbants dans la lutte

contre la pollution par les hydrocarbures 9 Traitement et élimination des hydrocarbures et

des débris 10 Direction, commandement et gestion des

déversements d’hydrocarbures 11 Effets de la pollution par les hydrocarbures sur les

pêches et la mariculture 12 Effets de la pollution par les hydrocarbures sur les

activités sociales et économiques 13 Effets de la pollution par les hydrocarbures sur

l’environnement 14 Échantillonnage et suivi des déversements

d’hydrocarbures en mer 15 Préparation et soumission des demandes

d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures

16 Planification d’urgence en cas de déversement d’hydrocarbures en mer

17 Intervention en cas d’accident chimique en mer

L’ITOPF est une organisation à but non lucratif, fondée au nom des armateurs du monde entier et de leurs assureurs. Sa mission : contribuer à l’efficacité des interventions de lutte contre la pollution en cas de déversements en mer d’hydrocarbures, de produits chimiques et autres substances dangereuses. De l’intervention d’urgence à la formation, l’éventail de services proposés comprend également l’apport de conseils techniques en matière de nettoyage, l’évaluation des dommages causés par la pollution et l’aide à la préparation de plans d’intervention en cas de déversement. Source d’informations exhaustives sur la pollution marine par les hydrocarbures, l’ITOPF publie ce document dans le cadre d’une série de guides basés sur l’expérience de son personnel technique. L’information qu’il contient peut être reproduite avec la permission expresse préalable de l’ITOPF. Pour tout renseignement complémentaire, merci de vous adresser à :

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