DEUXIEME CENTENAIRE DES ETATS-UNIS - …unesdoc.unesco.org/images/0007/000748/074826fo.pdf · la...

48
Une fenâtrp inn ée) 2, i> ' i ! ^jl/JB DEUXIEME CENTENAIRE DES ETATS-UNIS r 1 Al! » , " } h anticolonialiste r v\v

Transcript of DEUXIEME CENTENAIRE DES ETATS-UNIS - …unesdoc.unesco.org/images/0007/000748/074826fo.pdf · la...

Une fenâtrp

innée) 2,

i>

'

.

i ! ^jl/JB

DEUXIEME CENTENAIRE

DES ETATS-UNIS

r 1

Al! » , " }

h

anticolonialiste

r

v\v

TRESORS

DE L'ART

MONDIAL

112

Etats-Unis

L'adolescent à la rose

Au 18e et au début du 19e siècle, l'art qui se développait en Amérique reflétait fidèlement la vie del'époque. Pour la plupart, les peintres n'avaient pas de formation académique. Dans des re¬marquables par leur simplicité, leur beauté et leurs qualités décoratives, ces artistes nous ont conservéun témoignage précieux du passé américain : scènes de la vie quotidienne, paysages des campagneset des villes du Nouveau Monde avant l'essor industriel, portraits finement restitués, avec humour,tendresse et parfois quelque malice caricaturale. Ce portrait d'un jeune Américain tenant une roseest une peinture à l'huile anonyme de 1710.

Le CourrierJUILLET 1976 29e ANNÉE

PUBLIÉ EN 15 LANGUES

Francais Arabe Persan

Anglais Japonais Hébreu

Espagnol Italien Néerlandais

Russe Hindi Portugais

Allemand Tamoul Turc

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Education,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,112, rue du Trône, Bruxelles 5

ABONNEMENT ANNUEL : 28 francs fran¬

çais. Envoyer les souscriptions par mandatC.C.P. Paris 12598-47, Librairie Unesco,

place de Fontenoy, 75700 Paris.

Reliure pour une année : 24 francs

Les articles et photos non copyright peuvent être reproduitsà condition d'être accompagnés du nom de l'auteur et de lamention « Reproduits du Courrier de l'Unesco », en préci¬sant la date du numéro. Trois justificatifs devront être envoyésa la direction du Courrier. Les photos non copyright serontfournies aux publications qui en feront la demande. Lesmanuscrits non sollicités par la Rédaction ne sont renvoyésque s'il sont accompagnés d'un coupon-réponse international.Les articles paraissant dans le Courrier de l'Unesco expri¬ment l'opinion de leurs auteurs et non pas nécessairement cellede l'Unesco ou de la Rédaction. Les titres des articles et les

légendes des photos sont de la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris, France

Directeur-Rédacteur en chef :

Sandy Koffler .

Rédacteurs en chef adjoints :René Caloz

Olga Rodel

Secrétaires généraux de la rédaction :

Édition française : Jane Albert Hesse (Paris)Édition anglaise : Ronald Fenton (Paris)Édition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Édition russe : Victor Goliachkov (Paris)Édition allemande : Werner Merkli (Berne)Édition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)Édition japonaise : Kazuo Akao (Tokyo)Édition italienne : Maria Remiddi (Rome)Édition hindie : N. K. Sundaram (Delhi)Édition tamoule : M. Mohammed Mustafa (Madras)Édition hébraïque : Alexander Broido (Tel-Aviv)Édition persane : Fereydoun Ardalan (Téhéran)Édition néerlandaise : Paul Morren (Anvers)Édition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Édition turque : Mefra Telci (Istanbul)

Rédacteurs :

Édition française : Philippe OuannèsÉdition anglaise : Roy MalkinÉdition espagnole : Jorge Enrique Adoum

a>r^

£oTS-s-o<o

00)

Illustration : Anne-Marie Maillard t

Documentation : Christiane Boucherm'

Maquettes : Robert Jacquemin «;

Toute la correspondance concernant la Rédaction doitêtre adressée au Rédacteur en Chef.

Page

L'EXPERIENCE AMERICAINE

par Henry Steele Commager

9 L'AMERIQUE VUE PAR LES AMERICAINS

par Robin W. Winks

10 PRIX NOBEL AMERICAINS DE LITTERATURE

12 REVOLUTION AMERICAINE DANS L'AGRICULTURE

Photos

14 DEUX PIONNIERS DE L'INDEPENDANCETHOMAS JEFFERSON ET BENJAMIN FRANKLIN

15 A PROPOS DE LA DECLARATION D'INDEPENDANCE

20 THOMAS PAINE

Un nouveau regard sur le pamphlet le pluspassionné de la Révolution américaine

par Bernard Bailyn

23 QUATRE PAGES EN COULEUR

Photos

29 THOMAS PAINE

LES AVENTURES D'UN CITOYEN DU MONDE

par Jacques Janssens

31 COMMENT NAQUIT LA« LIBERTE »

Photos

34 UNE MOSAÏQUE D'ETHNIES ET DE CULTURES

par Yen Lu Wong et Herbert Chivambo Shore

38 L'IMPORTANCE DES DONATIONS PRIVEES

DANS L'ART AMERICAIN

Photos

40 QUAND L'ETAT SE FAIT MECENE

par Nancy Hanks

44 LES ETATS-UNIS

UNE REVOLUTION QUI CONTINUE

par William W. Davenport

TRESORS DE L'ART MONDIAL

ETATS-UNIS : L'adolescent à la rose

Nos couvertures

Notre couverture représente un fragment

d'un drapeau de 1776 qui, selon une tradi¬

tion qui reste très contestée, serait la

première bannière étoilée de l'histoire des

Etats-Unis : 13 bandes rouges et blanches,

13 étoiles blanches sur fond bleu, symboles

des 13 Etats américains qui constituaient

alors les Etats-Unis. Ceux-ci en comptent

aujourd'hui 50.

En couverture de dos, on voit la torche de

la colossale statue de la Liberté dans la

rade de New York au cours des travaux de

remise en état des 600 vitraux et des lampes,

travaux entrepris à l'occasion du Bicente¬

naire des Etats-Unis (voir aussi page 31).La statue de (a Liberté reçoit chaque annéeun million de visiteurs.

3

i 1

fflLi L

ill h r

1Il . . . '

"i

1um mm

1A

m jgp * il !li1-1 J

SI

il' *A*\ *- '1

w mi

ïïh'vv H MMhn ¡

; r&w I( U: i

>Y;I

1 «

«

S Va^Sïï^E^Sî *SEn'I

la»'" J

^«ti^

a* -

k-ar^.*

Photo © Museum of Fine Arts, Springfield. Mass. The Morgan Wesson Memorial Collection

Ce numéro du Courrier del'Unesco commémore leBicentenaire de laDéclaration américaine

d'Indépendance, le4 juillet 1776, et la fondationdes Etats-Unis en tant quenation indépendante.Il s'agit de la premièrerévolution anti-colonialiste

des temps modernes. Elleprécéda de treize ans laRévolution française.Articles et légendes de cenuméro, tout en se situant

dans la perspective dupeuple américaind'aujourd'hui, font revivrequelques-uns des grandsévénements historiques etquelques-unes des figuresmarquantes de la Révolutionaméricaine.

L'EXPERIENCE

AMERICAINE

par Henry Steele Commager

HENRY STEELE COMMAGER est l'un des spécialistes les plus réputés de l'histoire améri¬caine. Dès 1930, il publia The Growth of the American Republic (écrit en collaboration avecfeu Samuel Eliot Morison). Depuis, il a régulièrement publié des études fondamentales surl'histoire de l'Amérique. Notons parmi ses publications l'important ouvrage de référence Docu¬ments of American History (1934, également en collaboration avec S.E. Morison), ainsi queAmerica : Story of a free People (1942), ouvrage classique écrit en collaboration avec AllanNevins. Professeur d'histoire américaine au Amherst College (Massachusetts) depuis 1956, ila enseigné dans plusieurs universités aux Etats-Unis et à l'étranger. L'article que nous publionsici est extrait de The Revolution as a World Ideal, qui a paru Intégralement dans Saturday Reviewdu 13 décembre 1975.

GRATTE-CIEL D'HIER ET D'AUJOURD'HUI. A gauche, « Les monumentshistoriques de la République américaine », énorme toile (4 m x 3 m) peintevers 1876 par Erastus Salisbury Field pour célébrer le premier centenaire desEtats-Unis. Chaque façade de chacune des tours porte des représentations depersonnages importants, d'événements ou de textes de l'histoire américaine,

depuis ses débuts. Sur la seconde tour, à partir de la droite. Field a évoquécertains épisodes de la révolution américaine. Reliant le sommet de ces« gratte-ciel », des ponts où circulent des machines à vapeur. Field avaitentrepris cette monumentale lors d'un concours ouvert pour lamaquette du bâtiment central de l'Exposition du Centenaire (1876) àPhiladelphie. Ci-dessous, tours de soixante étages, en 1976, à Chicago.

LES hommes qui ont combattupour l'indépendance et fondé la

nouvelle nation américaine étaient les

enfants du siècle des Lumières. Leurs

convictions rejoignaient celles mê¬mes des « Lumières » : l'espèce hu¬maine était une, et les hommes, par¬tout semblables, sujets aux mêmeslois, montrant les mêmes réactions etles mêmes passions, avaient tous lesmêmes droits.

Ces fondateurs croyaient à la sou¬veraineté de la raison, à l'universa¬lité de ses lois ; les buts que la raisondéclarait justes et sensés ne pou¬vaient qu'être atteignables. Lorsqu'ilscréèrent leurs propres communautés,ils les rétablirent sur des lois qu'ilsjugeaient universelles et permanen¬tes ; et ils tenaient pour assuré queles individus comme les peuples de¬vraient partout s'engager tôt ou tarddans la même direction.

Ils croyaient avec Patrick Henry

que l'Amérique avait « élevé un flam¬beau qui éclairerait le monde ». Ilsse réjouissaient avec John Adamsparce que la Révolution américaineavait combattu « pour des millionsd'hommes à venir, et des millions demillions», et parce qu'elle «devaitrépandre la liberté et les lumièresdans le monde entier».

Personne n'a prêché cet évangileavec plus d'insistance que ThomasJefferson. « Nous pensons écrivait-il à son ami Joseph Priestley obéirà des obligations qui dépassent notrepropre société. Il est impossible dene pas voir que nous agissons pourl'espèce humaine tout entière. »

Jefferson revient là-dessus dans sa

dernière lettre. Il salue les « Argo¬nautes » qui ont « lancé » la Déclara¬tion d'Indépendance et la nouvellenation : « Que ce soit pour le monde....un signal : que les hommes se dres¬sent et brisent les chaînes dont

l'ignorance et la superstition religieu¬ses les ont persuadé de se chargereux-mêmes ; qu'ils connaissent lebonheur et la tranquillité d'assurereux-mêmes leur gouvernement. Cartous les yeux sont ouverts ou entrain de s'ouvrir sur les droits del'homme. »

« En se répandant partout, les lu¬mières de la science ont déjà dévoiléà tous les regards cette évidente vé¬rité : la masse des hommes n'est

pas née avec une selle sur le dos,prête à être montée par la grâcede Dieu par quelques privilégiés,nés avec bottes et éperons. »

On peut être, il est vrai, quelquepeu refroidi si l'on pense que lesAméricains, en célébrant le cente¬naire comme le bicentenaire de leur

révolution, se sont contentés de rhé¬torique sans aller jusqu'à la politique

et ont même été près de permet-^tre à la politique de trahir leurs idées. r

5

La génération de l'Indépendance, elle,a traduit ses idées non seulement

en une politique : en des institutions.

Peu de choses sont plus impres¬sionnantes, dans cette génération,que sa faculté de « réaliser ce qu'ontécrit les meilleurs écrivains » c'est-

à-dire de prendre les idées et les prin¬cipes défendus par les philosophespendant des siècles, et de les traduireen institutions.

Car si les « Pères Fondateurs » ont

utilisé l'immense héritage du passé,puisant chez les Grecs comme chezles Anglais du 17° siècle, et s'ensont inspiré, ils ont aussi élaboré desinstitutions qui pouvaient s'appliquerpartout et qui se sont répandues dansle monde.

En premier lieu, ils ont créé unenation. Cela, aucun peuple ne l'avaitfait auparavant : jusqu'alors, les na¬tions n'avaient fait que grandir d'elles-mêmes. Et cette nation, ils l'ont crééesans l'aide d'aucun des insignes,d'aucun des stigmates qui marquaientcelles de l'Ancien Monde : sans mo¬

narque, sans classe dirigeante, sanséglise dominante, sans armée ni ma¬rine, ni même passé historique.

Bien plus, ils ont coulé cette nationdans la forme républicaine, ce queMontesquieu avait estimé impossiblesauf pour de petits territoires et des« Cités-Etats ». Ils ont résolu, pres¬que en l'espace d'une nuit, deux desproblèmes les plus difficiles de toutel'histoire des gouvernements : le co¬lonialisme et le fédéralisme.

LES pays de l'Ancien Monden'avaient jamais su que faire de

leurs colonies, sinon les exploiter aubénéfice de la métropole. Les Etats-Unis ont été dès leur naissance le

pays le plus vaste du monde occi¬dental. Dès le début, et pendant toutle 19e siècle, ils ont été une grandepuissance colonisatrice, avec un ar¬rière-pays qui s'étirait vers l'ouestjusqu'au Mississippi et même jus¬qu'au Pacifique.

Or, par la simple transformation des« colonies » en « états », par l'admis¬sion de ces Etats dans l'Union, sur labase d'une égalité absolue avec lesEtats d'origine, les Pères Fondateursont donné au monde une leçonleçon qui, jusqu'à nos jours, n'a étéapprise que lentement et pénible¬ment.

Cette génération a aussi résolu leproblème du fédéralisme. Ce pro¬blème a hanté les hommes d'état des

anciennes confédérations grecques,ceux de la Ligue Lombarde dans l'Ita¬lie du Moyen Age, des confédérationsde Suisse et des Pays-Bas, ceux duSaint-Empire et de l'Empire britanni¬que. Les Américains, eux, en un peuplus de dix ans, ont mis au point lesprincipes mêmes du fédéralisme etcimenté une union fédérale qui ap¬paraît aujourd'hui comme la plus an¬cienne et la mieux réussie de l'His¬

toire.

Ils ont posé pour principe que toutgouvernement tient son pouvoir duconsentement des gouvernés prin¬cipe certes très ancien mais quin'avait jamais été mis en pratiquealors et qui, même aujourd'hui, n'estpas partout admis. Comment lesgouvernés pouvaient-ils donner leur« consentement » ? Comment pou¬vaient-ils changer un système degouvernement, l'abolir et en instituerun nouveau ?

Il n'existait aucun endroit dans le

monde sauf peut-être certains can¬tons suisses où les principes dela démocratie soient passés dans lesinstitutions. Les Pères Fondateurs ont

inventé la convention constitution¬

nelle, instrument permettant de faire,de modifier, d'abolir et de refaire legouvernement ; c'est-à-dire qu'ils ont,en somme, légalisé la révolution. Demême que le fédéralisme, le principede la convention constitutionnelle a

gagné le monde entier.

Les Américains Institutionnalisent

aussi pour la première fois le prin¬cipe, aujourd'hui familier, selon lequelles pouvoirs du gouvernement sontlimités. En 1766 encore, le Parlementbritannique proclamait qu'il avait ledroit de contraindre les colonies

« dans toutes les circonstances » ; etc'était un lieu commun de l'Histoire

que rois et princes avalent le droitde contraindre leurs sujets.

Mais les Pères Fondateurs ont in¬

sisté sur le fait qu'aucun gouverne¬ment n'avait tous les pouvoirs. Ils ontainsi entouré le gouvernement de con¬trôles, de contrepoids, de limites, derestrictions et d'interdictions pourêtre sûrs que ce gouvernement n'au¬rait pas d'autres pouvoirs que ceuxqui lui avaient été accordés par lepeuple.

Quel monceau d'Inventions et de

dispositifs pour atteindre ce but ! Lesconstitutions écrites, le système fédé¬ral, la séparation des pouvoirs, le lé¬gislatif à deux chambres, les électionsannuelles et enfin, au sommet, laDéclaration des droits : cette dernière,élément de la loi fondamentale, étaitdestinée à protéger les hommes, àleur donner liberté de religion, deparole, de presse et de réunion-Même la Déclaration britannique desdroits n'était pas allée aussi loin.

Limiter les pouvoirs d'un gouver¬nement : c'est là un principe qui, luiaussi, a gagné tous les continents. Iln'a pourtant pas conquis le mondeet rencontre actuellement encore, un

peu partout, des compétiteurs dansl'opinion des hommes. Mais si laliberté couvre aujourd'hui une aireplus étendue qu'en 1776, c'est en par¬tie grâce aux Américains : Ils ontdémontré que des hommes pouvaientcréer un gouvernement et aussi encontrôler l'action.

La génération des fondateurs a étésans conteste la plus créatrice detoute l'histoire américaine. On lui doit

le lancement des Institutions politi¬ques les plus importantes des temps

modernes : la convention constitu¬

tionnelle, la constitution écrite, le fé¬déralisme, la coordination de l'état, lecontrôle du gouvernement, une véri¬table Déclaration des droits, le réexa¬men judiciaire et même le partipolitique car les partis qui nais¬sent après 1790 peuvent être consi¬dérés comme les premiers partis mo¬dernes. Egalement significatives ontété les innovations apportées dans ledomaine social et elles ont eu tout

autant d'influence.

AINSI les Américains de la géné¬ration de l'indépendance ont-

ils établi pour la première fois unetolérance religieuse complète. Bienplus : ils ont aussi séparé l'église del'état et posé le principe corollaire duvolontarisme en matière de religion.

Ainsi et c'était la première foisdans l'histoire moderne ont-ils for¬

mellement subordonné l'autorité mi¬

litaire à l'autorité civile. Ils ont fait

passer dans la pratique, bien plus queles autres sociétés d'Occident, le

principe selon lequel tous les hom¬mes sont « nés égaux ». S'ils ont com¬mis l'erreur tragique de ne pas éten¬dre ce principe aux Noirs, l'erreur,¡ci, ne vient pas de ce qu'ils condui¬saient un mouvement, mais de ce

qu'ils l'ont suivi...

Rappelons-nous qu'il a fallu atten¬dre près d'un siècle avant que leurssuccesseurs résolvent ce problèmed'ailleurs par la violence et qu'unautre siècle a dû s'écouler avant queles Américains soient prêts à accor¬der une sorte d'égalité formelle auxNoirs.

Si le bien-être matériel a été plusélevé dans cette jeune Républiquequ'ailleurs, cela est dû à la chanceplus qu'aux principes. En revanche,ce sont les principes qui ont renducette heureuse fortune accessible à

tous, plus exactement à tous lesBlancs, et qui ont ouvert les portesdu pays à tous les peuples de l'An¬cien Monde.

Pour que cela se perpétue, les Amé¬ricains se sont lancés dans ce qu'onpourrait appeler, faute d'un nom plusapproprié, le programme jefferso-nlen : pour lutter contre l'Ignorance,ils ont créé écoles et collèges ennombre énorme et ouverts à tous. Ils

ont établi la liberté de la presse etencouragé ainsi l'enseignement et ledéveloppement des sciences. Allantmême jusqu'à un certain romantisme,lis n'ont pas hésité à introduire ledroit au bonheur dans la Constitution.

Ce qui a fait agir les Pères Fonda¬teurs ? Un sentiment d'obligation ; lesentiment qu'ils avaient une missionà accomplir non seulement pour tousles peuples de leur temps, mais aussipour la postérité.

C'est pour la postérité qu'ils ontcombattu, fait leurs plans, construit.C'étaient les besoins de la postéritéqu'ils avaient constamment au plus

6

Les effigies géantes de quatre présidents américains contemplent monts etvallées de la région de Black Hills dans le Dakota du Sud (Etats-Unis).Sculptées dans l'escarpement granitique du Mount Rushmore National Memorial,elles représentent de gauche à droite, George Washington, Thomas Jefferson,Theodore Roosevelt et Abraham Lincoln. Chaque effigie a presque la hauteurd'un immeuble de cinq étages. Le sculpteur américain, Gutzon Borglum, a conçuet supervisé la réalisation de ce mémorial pendant 14 ans, jusqu'à sa mort en1941 ; son fils termina l'ruvre.

profond de leur esprit. Cette préoccu¬pation a été parfois exagérée onpense par exemple à la parole de Jef¬ferson : « Assez de terre pour nosdescendants jusqu'à la millième etdlx-millème générations » mais ellen'était pas non plus théorique.

Il est un domaine où le contraste

apparaît particulièrement accusé en¬tre la génération de la Révolution etla nôtre, non révolutionnaire (sinonmême contre-révolutionnaire) : c'estle sens de l'obligation fiduciaire, quenous sommes en train de perdre(c'est-à-dire l'obligation de restitueraux générations futures les biens etles ressources naturelles dont nous

n'étions que dépositaires).

Nous avons sans doute rendu ser¬

vice à la postérité. Mais aujourd'huinous gaspillons les ressources enterre et en eau, nous polluons sanstrêve l'environnement, nous fabri¬quons de formidables armements nu¬cléaires, nous renforçons les anlmo-sltés raciales et nationales, nous

amassons des dettes à l'infini... Agis¬sant ainsi, nous trahissons systémati¬quement cet héritage.

Pour tout le monde occidental, laRévolution américaine a été un cata¬

lyseur. « Toute l'Europe est à noscôtés » écrit Franklin depuis Paris,avec une exagération bien pardonna¬ble. Il est certain que tous les libé¬raux européens étaient avec les Amé

ricains même en Grande-Bretagneou dans le Hanovre britannique. Laguerre a divisé l'opinion britannique,de la même façon que la guerre duViêt-nam a divisé l'opinion améri¬caine et avec la même force. Mais les

opposants sont allés plus loin et ontété plus courageux au 18e siècle quependant la destruction du Viêt-nam etdu Cambodge.

Des philosophes anglais, commePrice et Priestley ont soutenu ouver¬tement la cause américaine. Des hom¬

mes politiques comme Chatham etShelburne, Rockingham et Grafton onttraité de folle cette marche de la

Grande-Bretagne à la guerre.

La guerre, la victoire de l'Amériqueet l'exemple américain ont fortementstimulé les efforts du peuple anglaispour réformer son système politique :élargir les bases du suffrage, mettrefin au scandale des « bourgs pourris »,pousser le Parlement à se réunir tousles ans : le tout en vain.

Très vite, en effet, la réaction quasiparanoïaque à la Révolution française,qui a trouvé son expression typiquedans les Reflections on the Revolution

in France d'Edmund Burke, provoquaen Grande-Bretagne quelque chosequi ressemblait fort à une Terreur.

L'exemple américain a été conta¬gieux ailleurs : en France, Jeffersonaida à esquiser la Déclaration desDroits de l'Homme, et Tom Painetravailla à l'Assemblée Constituante,

en Italie, le fougueux Alfierl célébra lacause américaine par cinq odes à laliberté et d'innombrables drames ;

aux Pays-Bas, des révolutionnairesaussi résolus que Van der Capellenet Van der Kemp luttèrent maistoujours en vain pour rétablir legouvernement aristocratique de cesprovinces.

En Allemagne, Christoph Ebelingdéclara : « L'Amérique doit servird'exemple au monde ». Au Danemarkmême, sous un régime despotique,« tous les navires, rappelle HenrikSteffens, ont hissé flammes et pavil¬lons et tous ont salué au canon la

naissance de cette nouvelle nation. »

L'influence de la Révolution améri¬

caine ne s'est pas bornée à l'AncienMonde. En Amérique latine, les luttespour l'Indépendance sont venues da¬vantage de la Révolution française ;mais les habitants de ce continent sa¬

vaient bien que la révolution françaiseavait abouti au despotisme de Napo¬léon et la révolution américaine à-une

libre république. C'était l'exempleaméricain qu'ils voulaient suivre. Laforce de cet exemple s'est manifestéeà plusieurs reprises depuis deux siè¬cles, et même de nos jours : pourjustifier leurs révolutions, la Rhodésie 'et le Nord-Viêt-nam ont emprunté lelangage, sinon l'esprit, de la Décla¬ration d'indépendance.

La Révolution, l'indépendance, lamise en place d'une nation et denouvelles Institutions politiques : au¬tant d'exemples et de modèles qui ont.été ¡mités dans le monde entier. Malsr

7

k plus important encore a été le spec¬tacle des expériences faites dans cevaste laboratoire économique etsocial qu'étalent les Etats-Unis : spec¬tacle non seulement d'un « auto-gou¬vernement » réussi, mais aussi d'unedisponibilité économique, d'une éga¬lité sociale, d'une liberté religieuse,des vastes possibilités offertes auxassociations privées. Et tout cela étaitaccessibles à tous.

Les Européens du 19e siècle ontété séduits par cette expérience ; ce¬ci pour les mêmes raisons qui ontstimulé les Pères Fondateurs au 18e

siècle : la possibilité se présentaitd'échapper à l'Europe et de créer unnouveau type de société.

Un agriculteur américain, HectorSt. John de Crèvec a ressenti celatout au début de l'expérience amé¬ricaine. Un Européen, écrit-il, devientun Américain « dès qu'il est reçu ausein de notre grande Aima Mater. Ici,des individus de toutes nations se

mêlent pour produire une race nou¬velle d'hommes dont les travaux et la

postérité provoqueront un jour degrands changements dans le monde.Les Américains sont les pèlerins del'Ouest ; ils emportent avec eux l'énor¬me masse des arts, des sciences, desforces et des industries nés depuislongtemps dans l'Est ; et ils boucle¬ront cette grande boucle. »

Crèvecnur souligne un facteur quin'est pas sans importance pour latransformation des Européens enAméricains : « L'Europe ne contientguère que des seigneurs et des fer¬miers. Notre beau pays est le seul àêtre habité par des hommes libres,possesseurs du sol qu'ils cultivent,membres du gouvernement auquel ilsobéissent, auteurs eux-mêmes de leurslois... En Amérique, il y a de la placepour n'importe quel homme... Celuiqui avait faim trouvera à manger ; ce¬lui qui chômait trouvera du travail ;et il y a assez de richesses ici pouraccueillir de tels hommes ».

De ce que décrivait CrèvecTocqueville fit la matière de sa philo¬sophie : à savoir que l'égalité ilemploie le terme démocratie re¬présentait le caractère distinctlf de lavie américaine, et que la destinée del'Amérique, sinon exactement sa mis¬sion, était, par l'exemple et la séduc¬tion, de répandre l'égalité dans l'An¬cien Monde.

Dans leur description et leur ana¬lyse, Crèvecxur et Tocqueville ontlaissé de côté l'esclavage (ils devaientreconnaître et déplorer cette malé¬diction ailleurs). Mais en montrantque la Révolution américaine corres¬pondait selon sa propre deviseà l'avènement d'un nouvel ordre (no-vus ordo saeculorum) aussi bien so¬cial et moral que politique, ils nefaisaient qu'un avec les Américainsqui avaient fait triompher cette doublerévolution.

Tout ceci a quelque chose d'élégia-que... Car nous ne sommes plus unpeuple révolutionnaire. Nous n'inven¬tons plus rien en matière de politique

Photo Abigail Heyman, © Magnum. Paris

Deux traits particuliers caractérisent la vie scolaire et universitaire aux Etats-Unis :l'accent mis sur la pratique de l'athlétisme et de tous les sports, ainsi que lesrelations d'une grande cordialité entre enseignants et enseignés. Ci-dessus,lycéenne fanatique de football. Ci-contre, réunion d'étudiants dans une universitéaméricaine. L'atmosphère reste détendue même si le thème de la réunion estgrave. Dix millions d'étudiants, dont une moitié de filles, fréquentent les 2 800universités américaines et autres centres d'enseignement supérieur. Aux Etats-Unisaujourd'hui, près de 45 pour cent des jeunes entre 20 et 24 ans suivent les coursde l'enseignement supérieur, lequel propose quelque 1 600 types de diplômes.

et de gouvernement. Toutes les gran¬des institutions politiques qui sontaujourd'hui les nôtres ont été inven¬tées avant 1800 ; aucune depuis. Nousn'ouvrons plus nos portes aux pau¬vres et aux opprimés du monde. Nousne pensons plus que l'essentiel denotre mission soit d'alléger les far¬deaux qui pèsent sur les épaules deshommes ; et quand nous nous met¬tons à diffuser notre mode de vie,nous le faisons par la force, non parl'exemple.

Peut-être, en réalisant ce pour quoinous avons autrefois lutté, ce quenous avons autrefois accompli, ceque nous avons alors signifié pourl'Humanité, peut-être pourrons-nousretrouver ces chemins que nous avonsété les premiers à suivre.

Ecoutons donc Tom Paine, lorsqu'ilse réjouit de voir triompher « la plusgrande et la plus complète révolutionque le monde ait jamais connue, révo¬lution si glorieusement et heureuse¬ment réussie. »

« Jamais aucun pays n'a eu autantde portes ouvertes sur le bonheur quecelui-ci. Son départ dans la vie, com¬me l'aurore d'un beau jour, a été sansnuages et plein de promesses. Sacause était bonne ; ses principes jus¬tes et libéraux, son caractère fermeet paisible. Il progressait de la façonla plus heureuse et tout ce qui leconcernait portait la marque de l'hon¬neur. Tous les pays ne peuvent pas sevanter d'une aussi belle naissance. »

Henry Steele Commager

8

Photo Dave Repp © Parimage, Paris

par Robin W. Winks

L'AMERIQUE

VUE PAR

LES AMERICAINS

ROBIN W. WINKS, historien américain,a consacré de nombreuses études et plu¬sieurs ouvrages à l'Amérique du Nord.Professeur d'histoire à l'Université de Yale,

il y enseigne depuis 1957. Parmi ses ouvra¬ges les plus récents, signalons : The AmericanExperience (1970), The Myth of theAmerican Frontier f7S77,J er Slavery (1972).

EN cette année du Bicentenaire

des Etats-Unis, les Américainscélèbrent la naissance de leur nation.

Et ce faisant, les Américains, pour laplupart, volent leur nation, forte etnovatrice à la fois, et cependant in¬comprise et malmenée, affronter sondestin.

Ecartelés entre ces données contra¬

dictoires, nombre d'entre eux en vien¬nent à découvrir la véritable source de

l'indéfectible vitalité de l'Amérique,écartelée entre des desseins divers,

des régions diverses, et diversesconceptions du passé et du présent.

Les Etats-Unis ont accédé à l'exis¬

tence par un acte révolutionnaire, etselon « l'évangile américain », en unseul, en un unique instant : exacte¬ment le 4 juillet 1776. Or la plupartdes nations se volent elles-mêmes ré¬

sultant de forces évolutives, et encore

qu'elles tombent d'accord sur lesdates officielles de leurs fêtes natio¬

nales respectives, il n'en est guère quLse risqueraient à identifier, chacuner

g

PRIX NOBEL

AMÉRICAINS

DE LITTÉRATURE

Depuis 1901, plus de 450 prix Nobel ont été attribuésen physique, chimie, physiologie et médecine, litté¬rature, paix et (depuis 1969) économie, au titre decontributions exceptionnelles « au bien de l'huma¬nité ». Plus de 120 de ces prix ont été décernés à deslauréats des Etats-Unis. Les prix Nobel ont été crééssuivant la volonté d'Alfred Nobel (1833-1896) chi¬

miste, ingénieur et philanthrope suédois. C'est avecla physique (32 lauréats sur les 100 prix attribués de1901 à 1974) la physiologie et médecine (41 lau¬réats sur 112) et enfin la paix (17 lauréats sur 71)que les Etats-Unis viennent en tête. A droite, sixAméricains, prix Nobel de littérature.

SINCLAIR LEWIS - 1930

Premier lauréat américain du prix

Nobel de littérature. Romancier et

fin observateur de la société amé¬

ricaine, il en fait une peinture

satirique. Il acquiert une renom¬mée internationale avec des ro¬

mans comme Main Street (1920) et

Babbit (1922).

EUGENE O' NEILL - 1936

O'Neill disait que son rôle, au

théâtre, était « de mettre à nu les

tares de notre monde » ; il examine

les difficultés de l'homme moderne

dans des pièces comme The Iceman

Cometh (1946, La venue de l'homme

des glaces) et Long Day's Journey

into Night (fuvre posthume, Long

voyage dans la nuit), jouées sur lesscènes du monde entier.

rt pour son compte, l'instant précis oùr elle devint, à proprement parler,

nation.

Mais les Américains, quant à eux,déclarent que les Etats-Unis consti¬tuaient un fait, lors même qu'ils sedéclaraient Etats-Unis, car la célébra¬tion des deux siècles écoulés prenddate à la Déclaration d'Indépendance,en 1776, et non au traité de paix en1783, ni à la ratification officielle de laConstitution en 1788.

La plupart des nations célèbrentleur avènement national lors de l'ins¬

tauration de leur constitution, mais lesAméricains en célébrant la Déclara¬

tion de leur indépendance avant quecette Indépendance ne fût un fait ac¬compli continuent du même coup àtémoigner de la vitalité de la traditionrévolutionnaire dans leur histoire.

Aussi bien sont-ils de plus en plusconscients de célébrer une exception¬nelle période de stabilité politique. Ala vérité, il est peu de nations à tra¬vers le monde qui soient, politique¬ment parlant, aussi vieilles que lesEtats-Unis, et si les Américains peu¬vent parler de leur relative jeunesseculturelle, c'est, politiquement, leurexceptionnelle ancienneté que main¬tenant Ils célèbrent. Certes, il se peutque la Grande-Bretagne, la Suisse, laSuède, le Danemark soient en mesurede retracer la continuité politique quileur est propre durant plus de deuxsiècles sans modification constitution¬

nelle.

Mais la plupart des Nations ontpassé par trois Reich, quatre Républi¬ques, cinq Empires pendant que lesEtats-Unis allaient leur chemin en

vertu de l'un des plus vieux docu¬ments constitutionnels du monde.

Et c'est à cause de cette stabilité

que les Américains se sentent pleine¬ment justifiés de célébrer 1776. Ils ontl'impression qu'il y a, dans l'ensemble,

trois catégories de nations ; celles quifont leurs les fins d'autres nations,qu'elles imitent ; celles qui ont atteintleurs buts et manquent d'élan pours'en assigner de nouveaux, si bienque, entreprenantes autrefois, elles vi¬sent de plus en plus à conserver etdéfendre ce qu'elles ont acquis ; d'au¬tres nations enfin qui s'attaquent à desproblèmes si exaltants, si passion¬nants que ses citoyens y prouvent uneénergie sans défaillance, et qu'ellesservent de modèles à d'autres.

Or les Américains, dans l'ensemble,ont l'impression que les Etats-Unisfournissent un exemple de cette troi¬sième catégorie de nations, encorequ'à propos du Bicentenaire, ils de¬viennent de plus en plus nombreux àredouter que la nation américaine nevire vers la seconde catégorie, c'est-à-dire ces nations qui préservent lepassé plus qu'elles ne préparentl'avenir.

Il est vrai que la plupart des Amé¬ricains savent bien où le bât blesse :

si les desseins nationaux ont été clai¬

rement définis en 1776 d'abord, puispar la Constitution, il faut des effortssans relâche pour qu'ils prennent uneréelle signification dans la vie mêmede chaque Américain.

Il est peu de nations qui aient aussihardiment explicité leur profession defol nationale l'égalité des chancesgarantie à tout homme dans sa quêtepersonnelle de la vie, de la liberté,et du bonheur et aussi ouvertement

avoué à la face du monde leurs dé¬

fauts particuliers. Néanmoins, lesAméricains en général admettent sansdétour que le fait même de ne pascacher leurs défauts prouve que lasociété américaine ne triche pas.

Aussi paradoxal qu'il y paraisse,ils sont fiers de ce que les informa¬tions les plus hostiles à l'Amérique,et diffusées dans le monde entier,

soient fournies par la libre presseaméricaine.

Pour certains Américains, un autreparadoxe se fait jour. En effet, lesdivers moyens d'information de masse-révèlent désormais la vie quotidienneaméricaine dans ses plus menus dé¬tails, si bien que, par choc en retour,l'Américain est désormais conscient

de ce qu'on pense des Etats-Unisdans le monde entier.

Ce que nous avons pris pour del'antl-amérlcanisme n'est autre, pourune bonne part nous nous en ren¬dons compte à présent que la dé¬ception de ceux qui sont (ou quiétaient) nos amis, affligés de ce quenous ne soyons pas devenus ce qu'ilsattendaient de nous.

Ces Européens qui, au 19" siècle,pensaient que les Etats-Unis étaienten mesure d'échapper au Léviathan,d'éviter que ne surgissent un gouver¬nement bureaucratique, de préserverun environnement prestigieux, de gué¬rir les plaies sociales avant mêmequ'elles n'apparaissent, ont été déçusde découvrir que les Américainsn'avaient pas réussi à s'évader del'histoire.

Mais quand eux, les Américains, sepenchent sur les deux siècles de leurhistoire, ils admettent souvent qu'ilsn'étaient en nulle manière tenus de

devenir ce que les autres souhaitaientqu'ils fussent car, après tout, lesbuts vers lesquels tend une nationsont déterminés par son sol, son peu¬ple, son expérience vécue ; elle nepeut les emprunter pour se conformerà ce que d'autres attendent d'elle.

Paradoxalement donc, beaucoupd'Américains sentent que l'heure està l'introspection plus qu'à la commé¬moration qu'il est temps de savoirce qui a été accompli et ce qui resteà faire, et ce qu'il y aurait de mieuxpour que le pays atteigne les buts qui,

10

PEARL S. BUCK - 1938

s romans et ses biographies

lui valurent le prix Nobel. Ses

nombreux ouvrages comme The

Good Earth (1931, La Terre

chinoise), traduit en plusieurs

langues, montrent sa compréhen¬

sion de la Chine et du peuple

chinois, compréhension acquise

s un long séjour en Chine.

WILLIAM FAULKNER - 1949

Ses romans, situés dans un dis¬

trict imaginaire « Yoknapatawpha »,c'est-à-dire alentour sa ville natale

dans le Mississippi, mettent enscène les traditions et l'histoire

du « Sud profond », ainsi Le Bruit

et la lureur (1929). Faulkner y sou¬

ligne des « vérités éternelles »

comme l'amour, l'honneur, la pi¬

tié, la fierté et la compassion.

ERNEST HEMINGWAY - 1954

Le style familier de Hemingway, ses

romans et récits, exaltent un idéal

de courage, d'endurance et d'hon¬

neur et exercèrent une grande in¬fluence sur la littérature mondiale.

Ses premiers romans Le soleil se

lève aussi (1926) et L'Adieu aux

Armes (1929) eurent une célébrité

mondiale. Dernière grande vuvre :

Le vieil homme et la mer (1952).

JOHN STEINBECK - 1962

La plupart de ses romans se si¬tuent en Californie et mettent en

scène avec réalisme et sympathie

la condition des pauvres et des

opprimés. On a pu dire des Rai¬

sins de la colère (1939) histoire

d'une famille emigrant vers la Cali¬

fornie, que c'était là une « case del'oncle Tom du 20' siècle ». Parmi

ses romans les plus célèbres, ci¬tons : Des souris et des hommes

(1937), Tortilla Fiat (1935).

il y a bien longtemps déjà, lui ont ététout à fait clairement et publiquementassignés.

Poursuivant leurs méditations, cesAméricains en viennent à penser queles Etats-Unis subissent en ce mo¬

ment pas mal de changements, donttrois sont si profonds qu'on peut êtrepratiquement certain que l'Américainsera, dans cinquante ans, très diffé¬rent de ce qu'il est aujourd'hui. »

Le premier de ces changementsc'est que, dans la vie américaine,s'efface peu à peu la vieille influencede la « frontière », qui poussait à tou¬jours innover. Car si les Américainsjouissent encore d'une mobilité géo¬graphique et sociale à peu près sansexemple dans d'autres sociétés, cefacteur de mobilité est chez eux beau¬

coup moins significatif aujourd'huiqu'il y a seulement une vingtained'années.

Il n'y a plus désormais à conquérirces espaces où pouvaient se dévelop¬per les expériences sociales et politi¬ques. Cette « frontière » avait contri¬bué à faire des Américains ces

individus paradoxaux qu'ils sontdevenus : tout à la fois agressifs,optimistes, matérialistes, philanthro¬pes et prodigues. (Certes, en un sens,la « frontière » continue à jouer unrôle à travers la structure fédérale

américaine, dans la mesure où cha¬que Etat peut être un laboratoiresocial qui met une législation àl'épreuve longtemps à l'avance, sibien que la nation tout entière nes'engage pas dans une voie inex¬plorée).

Parmi les changements les plusmanifestes, il en est un second : la

foi en l'abondance économique uni¬verselle s'émousse peu à peu. Au¬trefois, il semblait, que non seulementl'avenir regorgeât de promesses, maisqu'il dût aussi assurer la prospérité

de tous ; si quelqu'un n'y accédaitpas, son échec ne relevait que de laparesse, ou peut-être de la mal¬chance, mais non pas de la structurede la société. Faute de « confiture

aujourd'hui », il y aurait de la « confi¬ture demain », car l'histoire améri¬caine se projetait dans l'avenir, tantl'abondance économique naturelleétait indiscutable.

Or aujourd'hui, les Américains serendent compte de plus en plus quel'abondance économique est mena¬cée, sa protection exigeant la perma¬nente intervention d'un gouvernementfort, que nombre de gens soupçonnentde vouloir oblitérer les libertés lo¬

cales. Tout le monde ressent le conflit

que suscite, d'une part une néces¬saire et compétente prévision enmatière économique (et en consé¬quence d'une planification) et, d'autrepart, les vieux adages traditionnels dela libre entreprise. Il se peut que decet affrontement surgisse une sociétévigoureuse et entreprenante, à condi¬tion de maintenir l'équilibre.

Il est dans la vie américaine un

troisième changement, de tous le plusévident. Les Américains ont bénéficié

jadis d'une sécurité nationale sansexemple, sans qu'il leur en coûtâtrien. Séparés de la plupart de leursennemis éventuels par deux vastesocéans, les Etats-Unis n'avaient pasbesoin de sacrifier à la défense une

grande part du revenu national. Iln'existait pas de ligne Maginot amé¬ricaine, pas d'armée de métier, pasde politique des alliances.

De 1815 quand les dernièrestroupes britanniques quittèrent laLouisiane à 1942 quand les pre¬mières troupes japonaises débarquè¬rent sur les îles Aléoutiennes, au largede l'Alaska, l'invasion extra-continen¬

tale fut épargnée aux Etats-Unis. Iln'est guère de nations qui aient béné

ficié, pendant 125 ans, d'une tellesécurité, tout à fait gratuite. Cet étatde choses prend fin dès l'instant quela défense tient une large place dansle budget national. Que les Américainsaient pris conscience qu'il n'est pasde sécurité sans sacrifices, financierset moraux, est aussi un phénomènecaractéristique en cette année duBicentenaire.

S'ils méditent, non sans nostalgie,sur un passé plus idyllique, les Améri¬cains n'en avouent pas moins qu'il neleur est pas nécessaire de s'excuserde ce formidable chambardement de

leur histoire. Ils savent qu'ils ont com¬mis des erreurs et n'Ignorent pas queleurs erreurs pèsent lourd à l'échellemondiale, car un pays qui joue un rôleaussi considérable dans le monde

peut provoquer une catastrophe s'ilvient à faire un faux pas.

Mais la plupart des Américains, etsi critiques qu'ils soient à l'égard deleur propre pays, croient qu'il y a euaméliorations dans le monde à lafaveur de deux siècles d'histoire amé¬

ricaine. Quelqu'un pourrait-il en effetcroire sincèrement sauf à être un

idéologue totalement engagé quele monde serait aujourd'hui plus libresi les Etats-Unis n'avaient pas existédepuis deux siècles ?

Quand les Américains se penchentsur leur évangile laïque, ils sont satis¬faits, et avec raison, d'y voir une irré¬fragable Déclaration des Droits del'homme. SI aujourd'hui les déclara¬tions des droits de l'homme sont

l'apanage de bien des nations, au¬cune d'entre elles n'est, en fait, irré¬fragable. On a eu la preuve derniè¬rement que nul ne peut réussir àimposer ceux qui font fl de la loi, cequi souligne assez que le gouverne¬ment relève des lois, et non deshommes.

La fièvre des élections primaires auSUITE PAGE 47

11

>*lKb A<)i«A<(>i

r

.,

v .\,,V\ \.\ fôfP.i /../ ^/. i ¿«t /,.//>./

' . r . , -«1* ...

1 A . J

-.""< ri '* -

LA RÉVOLUTION AMÉRICAINE DANS L'AGRICULTURE

En 1776, environ 90 pour cent desAméricains travaillaient dans l'agri¬culture. Il n'y en a plus aujourd'hui quo5 pour cent. Mais ceux-ci travaillentdans des fermes industrialisées, pro¬duisent suffisamment pour l'ensemblede la population américaine et per¬mettent encore l'exportation de millionsde tonnes de nourriture. (1 ) La scienceet la technologie ont bouleversé l'agri¬culture américaine depuis que, voilà50 ans, ce vieux cultivateur et sa femmeont commencé à travailler la terre.

A cette époque, un paysan produisaitde la nourriture pour 10 personnes.Aujourd'hui un seul agriculteur améri¬cain peut assurer les besoins de 45 per¬sonnes. (2) Les méthodes scientifiquesd'agriculture ainsi que les machines,comme cette énorme moissonneuse

conduite par une jeune fille, ont permisun énorme accroissement de la produc¬tion. (3-4) Aux commandes de sonmini-hélicoptère, ce paysan prend l'air.Il peut ainsi en quelques minutes sur¬voler toute l'étendue de ses champs.(5) Assis dans son ranch, un éleveuraméricain utilise un circuit fermé de

télévision et un téléphone intérieurpour demander des précisions sur l'unde ses veaux. Ce ranch ultra-moderne

possède un ordinateur et son proprelaboratoire.

Photo Curt Gunthar V Parimage. Parii

DEUX PIONNIERS

DE L'INDÉPENDANCE

A droite, détail d'un grand tableau,dû à l'artiste américain John Trum¬bull; il représente la signature de laDéclaration d'Indépendance en 1776,à ¡'Independence Hall de Philadel¬phie. La scène réunit quelques-unsdes personnages les plus marquantsde la lutte de l'Amérique pour sonindépendance. Ils figurent sur cinqtimbres-poste commémorant le Bi¬centenaire etprésentés sur une seuleplanche par les Etats-Unis. Ci-des¬sus, l'un de ces timbres à l'effigie dedeux grands artisans de l'indépen¬dance, Thomas Jefferson (agauche)et Benjamin Franklin. Jefferson ré¬digea le projet de Déclaration. Ci-dessous, une courte biographie etun bref rappel de son auvre; pourFranklin, voir page 19.

1 - Thomas Jefferson

Thomas Jefferson, de Virginie, rédacteur dutexte de la Déclaration d'Indépendance, troisièmeprésident des Etats-Unis, est le parfait exempled'un homme d'action doublé d'un philosophe. Denos jours, deux historiens modernes l'ont nommé« symbole particulier de la Révolution améri¬

caine » parce que « sa révolte était permanente,éternelle déclaration d'indépendance contre lesforce qui cherchaient, et cherchent encore, àenchaîner l'esprit des hommes ».

Esprit universel, à l'image des hommes de laRenaissance, ses connaissances allaient des ma¬

thématiques à la musique (c'était un violonisteaccompli) en passant par l'architecture, l'astrono¬mie, la météorologie, les sciences naturelles, lalinguistique (il connaissait une demi-douzaine de

langues et rédigea des glossaires de langues in¬diennes) et l'agronomie. A quoi il faut ajouterl'histoire, la politique et l'éducation, sujets qu'ilaborda avec perspicacité et originalité.

Écrivain et philosophe politique

Sa vie durant, Jefferson combattit, la plume àla main, contre « toute tyrannie s'exerçant surl'esprit des hommes ». Il acquit une réputation deprosateur et d'écrivain politique dès la publica¬tion de son premier ouvrage : A summary Viewof the Rights of British America (Aperçu des droitsen Amérique anglaise, 1774), pamphlet dirigécontre les Anglais et leur intransigeance.

Deux ans plus tard il n'avait que 33 ansle Congrès continental des colonies américaines

lui confia la charge de rédiger le projet de Décla¬ration d'Indépendance, eu égard à ses qualitésd'exposition et de clarté. Il rédigea aussi plusieursrapports officiels de grande importance, commeses Notes on the Establishment of a Money Unitoù il recommandait, avec succès, l'adoption dusystème du dollar et de sa division en cents. Ses

Notes on Virginia (1782) contiennent une fouled'observations originales sur la nature ainsi qu'un

exposé de ses croyances et de ses idéaux.

Homme d'Etat

Jefferson fut deux fois élu Président des Etats-

Unis (1801-1809), mais il occupa de nombreuxemplois publics : député dans l'Etat de Virginie,gouverneur de cet Etat, membre du Congrès, mi¬nistre des Etats-Unis en France, Secrétaire d'Etat,et Vice-président. Un but essentiel à toute sa vied'homme politique : donner aux individus uneplus grande liberté. C'est pourquoi, avec JamesMadison, il insista et obtint qu'une Déclarationdes Droits (Bill of Rights), garantissant les libertés

fondamentales de chaque citoyen, soit ajoutée àla Constitution. Il s'agit des dix premiers amende¬ments à la Constitution qui garantissent la libertéde religion, de parole et de presse, d'association,de refus de témoigner contre soi-même, la liberté

d'être jugé par un jury, etc.

Gravure, d'après un portrait perdu, deJefferson; il avait été peint par son amiThaddeus Kosciuszko, à Philadelphie en1798. Kosciuszko (1746-1817), officierpolonais et homme d'Etat, avaitparticipé comme volontaire à la guerred'Indépendance.

Quelques-uns des 6 400 volumes de labibliothèque de Jefferson. Vendus auCongrès en 1815, ils allaient former lenoyau de la grande Bibliothèque duCongrès.

14

Il fut aussi l'un des principaux artisans de l'ex¬pansion américaine vers l'ouest. En 1784, Il rédi¬

gea un rapport sur l'administration des terres à

l'ouest des Monts Appalaches.

S'il avait été adopté, l'esclavage aurait été in¬terdit sur toutes ces terres après 1800. Il convienttoutefois de noter que Jefferson tolérait l'esclavage

dans les premières colonies et que son « pland'éducation » ne s'appliquait pas aux femmes.

En tant que Président, il approuva en 1803l'achat de la Louisiane à ia France. L'acquisitionde cette vaste région, entre le Mississippi et lesMontagnes Rocheuses, doubla presque la super¬ficie des Etats-Unis.

Savant, architecte et inventeur

Les savants aujourd'hui reconnaissent en Jef¬ferson un pionnier, dans plusieurs branches dela science, surtout en paléontologie, ethnologie,géographie et botanique. Président de {'American

Philosophical Society de 1797 à 1815, il a corres¬pondu toute sa vie avec un nombre extraordinaire

de scientifiques et de philosophes.

L'un des architectes les plus marquants de sonépoque, il établit lui-même les plans de « Monti-cello », sa résidence en Virginie.

Elle abrite toute une collection d'inventions In¬

génieuses mises au point par Jefferson : un « poly-,graphe », instrument destiné à polycopier les ma- .nuscrits ; une girouette extérieure, reliée à un ca¬

dran fixé au plafond d'une chambre ; le fauteuilpivotant, un système de lit escamotable ; unehorloge qui indiquait les jours, etc. Il dessina unnouveau soc de charrue, ce qui lui valut unerenommée particulière.

Apôtre de l'éducation

L'attachement passionné de Jefferson à la libertéintellectuelle se traduit aussi par sa lutte pourl'éducation et par le Statut dont il dota lä Virginie(1786). Ce Statut interdisait toute espèce de dis¬crimination religieuse et n'était qu'une partie d'unvaste plan de réformes proposées par Jeffersonpour son Etat, plan qui incluait l'instauration d'unsystème d'enseignement public et gratuit. Maisses compatriotes virginiens n'acceptèrent que sa

proposition de création d'une université.

Après avoir quitté la présidence des Etats-Unis,en 1809, Jefferson consacra le restant de sa vie

publique à la création de la nouvelle université.Il dessina les plans des bâtiments et en supervisala construction jusque dans ses moindres détails ;il établit les cours, recruta les enseignants et

choisit les livres pour la bibliothèque. L'Universitéde Virginie ouvrit ses portes en 1825. Jeffersonmourut le 4 juillet 1828, cinquantième anniversairede la Déclaration d'Indépendance.

SUITE PAGE 19

A PROPOS defWKumwTi

^INDEPENDAN

La Déclaration d'Indépendance des Etats-Unis est l'un des grands documents his¬toriques traitant de la liberté et des droits de l'homme. Dans les quatre pages ci-après, nous reproduisons, avec l'aimable autorisation des éditeurs, des passagesde la Déclaration accompagnés de notes et commentaires tirés de la brochure Aboutthe Declaration of Independence, a Scriptographic Booklet, publiée par Channing L.Beté Co. Inc. 45 Federal Street, Greenfield, Mass., Etats Unis 01301 © 1969 (prix : $ 1).Cette présentation intéressera sans doute tous nos lecteurs, jeunes et moins jeunes.

Qu'esta

que laDECLARATION¿INDEPENDANCE

Lest le document établi parles,représentants de -té colonies et ratifie

le k Juillet X77&, exposant pourquelles raisons les colonies ontdécidé

de se séparer de \ Angleterre1| est destiné, â reoseignecchacun

ici et a le+rancjerCen particulierle roi oeorcjeTn et le parlement"

britannique),,,quant àleursdc\éanceset leurs buts

am declaration. .

o relate lesCAUSESdirectes

de la Révolution

TAXES.EMPECHEMENTS

COMMERCIAUX,CHANGEMENTSauGOUVERNEMENT

et autres griefscontre leCbi

O expose meTHEORIE

REVOLUTIONNAIREde GOUVERNEMENT

fondée sur la notion d' ACCORD oude

rtfArW^eritredirioeantet populationc'est-à-dire que TOUS les hommesjouissent feDRO/TS NATURELSy compris le droite la LIBERTE

que nul individu, nul groupe ne peutsupprimer,,, " quetous les hommesontauss\ ledroft de s'affranchir d'un

aoovfömemenfcp Cûntrecocre. l'exercicedetels droits 15

C'est importantparce qu'ils'agit tie

O la FONDATION docjooveme-rnenfdes ETATS-UNIS

©le SIGNAL qui "dédenche"b GUERRE REVOLUTIONNAIRE

Q du meilleur expose desPRINCIPES delà DEMOCRATIE

ta DECLARATION ¿INDEPENDANCE

O fait état aun PROPOSCOMMON et dan

ensemble d'IDEESPOMMES.

C'«st une dédarat'ton

unanime des nouveau* Etdte

une promesse è tousles Américains eXe chacunà'eux. beb s*\nate\ces saventcw'enes d'êanec ils perdraientd leurs biews et leus vies

cömee que traîtres su roi

PROPOS

ATTRIBUE

A BENJAMIN

FRANKLIN

l'un des

signataires.

_cn

©c'est un memento desfins tie toute

. LEGISLATION et de tout

A GOUV£RN£M£NT.^TchmW

ta MEME garantie.de* DROITS

fondamenteux der NOMME

"VIE. LIBERTEetRECNERCNE DU

DONNEUR"nfa

/~\

Cl elle clarifie lesRAPPORTS entre

HATIONS.

l'idée Cjü'oo empire peut^.FEDERATION

~ LIBREMENT

O ¿ETATS^^¡INDEPENDANTS ne

- r\ dëlér^uantau gouv/emernentT 7 central quedes pouvoirs

preds et limites,

A elle jette les GRANDISW LIGNES dune RlHfXION

POLITIQUE

16

J « il II n |i « ,o

rM * o

valable pourious lespeoplesen Vous lieux . Cestune

définition limpide de l idéed onqouvernGmentchoi sidun COMMUN ACCORD

a l oppo&é dunojouvemement4e DROIT DIVIN parexemple celui d'un roi dontl'autorité procède de Dieu

LA DECLARATION AMiRICAINC

précise ce quevise ce document

"-; \Merlaccenteurla

nécessite de l in

dépendance carles colonsont du

former un nouveau

(jpuvernementpoursauvegarder lesdroite del homme

Explique do monde(y compris

certaines nations

qui peuventdevenirdesal liés)

les raisonsde

deader la rupturepar les colons

S7 T " NSculignea nouveauque les coloniesnontdéclaré leur iodé

pendani qu'àconte-cceur pyre quellesyontété contraintes

^éc&cwñon Unanimetm<jêlau ivniôcl'tphmem/ae.

<Â6 éwiemenlh ÂumamàW/( 'OCÛC

\Ji£¿tf2&.de dMouchezt> Écenà fiouùqiitâqk/i

IctâxzlàxAéjàMM .caifa

kcJi^M^m

mààaeetdu zOàu ok&Lndtííxe uu dcwnerrip

ou

aetííumom&

i(Mae a dkicûcez meauóe¿ oiùéûfc^^

Insiste surl'entente entre

colonies distinctes

naquere enconflit

Les représentantssaventque leurforce dépend

de leurunité-

r Tace á la loi

naturel le'/ aI inverse delà loi

humaine, hommeset nations sont

éaa_yx et ontdroit à lámeme

liberté pditique(donc pas de

titres comme roi

)nnce ,duc;etc)

ce qui rnene a unRÉSUMÉdes ^

PRINCIPES del

DÉMOCRATIE

17

UN RÉSUMÉ

PRINCIPES de la DÉMOCRATIE"

aucunediscus

Sion posible:les droite del homme sont

un (aitd'évidence

le loutduGouvernement

est la

sauvegardedelà tioerté

individuelle

/<i

il est du devoir

du peuple^sàvAsde son pays

de renverser un

mauvais qouveme

mentpourlelpiende ta mapnté

Nous tenons\ pour évidentes par elles-mêmesles vérités suivantes : tous les hommes sont créés

égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains

droits inaliénables/; parmi ces droits se trouvent

la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les

gouvernements sont établis parmi les hommes

pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir é-

mane du consentement des gouvernés. Toutes

les fois qu'une forme de gouvernement devient

destructive de but, le peuple a le droit de la chan-

ger ou de l'abolir, et d'établir un nouveau gouver¬

nement, en le fondant sur les principes et en l'or¬

ganisant en la forme qui lui paraîtront les plus pro¬

pres à lui donner la sûreté et le bonheur. La pru¬

dence enseigne, à la vérité, que les gouverne-

ments établis depuis longtemps ne doivent pas

être changés pour des causes légères et passa¬

gères, et l'expérience de tous les temps a montré,

en effet, que les hommes sont plus disposés à to¬

lérer des maux supportables, qu'à se faire justice

à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles

ils sont accoutumés. Mais lorsqu'une longue suite

d'abus et d'usurpations, tendant invariablement

au même but, marque le dessein de les soumettre

au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de

leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de

pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sé¬

curité future. Telle a été la patience de ces colo¬

nies, et telle est aujourd'hui la nécessité qui les

force à changer leurs anciens systèmes de gou¬

vernement...

ni Roi,n»( Parlementnont led ré¬

delesréduíne.

ni de les

suppnmer

tout

cjouv/ernement

quin'observe

pas ces droits

est injusteetdoirëtre

modifié

les Américains

ont mùrementpeséleurs décisions...

p^ de jugementala léqère

O DROITSde rHOMME

© LOI NATURELLE® REGIEde laMAJORITE

le&Aniéncatn&ûrotQnt "|et» 3 IDEES

FONDAMENTALES fappliquée, à txisteb peuples 1età tous leboowenrtefincnte^

18

prééminence desdroits de l'homme

sur le droit divin des

droits du peuple surceux du roi.

idée importante qui se développe aux17e et 18e siècles. Selon cette théorie

tout l'univers s'ordonne selon un plan

rationnel ; tout homme le perçoit en ob¬

servant le monde qui l'entoure. La loi

naturelle, y compris les droits individuelsà la vie et à la liberté est fondamentale

et plus importante que les lois créées

par l'homme. Celles-ci doivent être mo¬difiées si elles contredisent la loi naturelle.

Importance de laREGLE DE LA MA¬

JORITE quand des

hommes sont pour

la plupart convain¬cus de l'inefficacité

d'un gouvernement,ils ont le droit d'en

changer.

}IDEES FAMILIERESAUJOURD'HUI maisléserions forent

parmi les premiersales mettre en

PIONNIERS PE L'INDEPENDANCE (Suite de la page 14)

2 - Benjamin Franklin

L'un des grands hommes de l'histoire améri¬

caine, Benjamin Franklin, était doué d'un génie aux

multiples facettes et d'un solide bon sens. Durant

une vie longue et bien remplie (1706-1790), ¡I se

consacra à des occupations aussi différentes que

celles d'homme d'Etat et de fabricant de savon,

d'imprimeur et de planteur de choux ; il s'intéressa

aux marées et à la chute des empires. Savant,

il a été l'un des premiers à étudier l'électricité ;

inventeur, personne en Amérique, Jusque dans la

seconde moitié du 19* siècle, n'arriva à l'égaler.

Photo Erich Lessing © Magnum, Paris

Imprimeur, éditeur et homme de lettres

En 1718, à 12 ans, Franklin devint apprenti-imprimeur sous la direction de James, son frèreaîné. A 24 ans, il fonde et publie son propre jour¬nal qui devient rapidemment l'un des plus connusdans les colonies. On pense qu'il a été le premieren Amérique à avoir publié un dessin satirique

* dans un journal. En 1732, il lance son fameux PoorRichard's Almanach (écrit et publié par lui jus¬qu'en 1758), remarquable par les pensées pleinesd'esprit et de sagesse sur la valeur de l'épargne,du labeur et d'une vie simple.

Il apprend par lui-même le français, l'italien,l'espagnol et le latin. Il a contribué à la fonda¬

tion de rAmerican Philosophical Society où scien¬tifiques et autres savants pouvaient se rencontrer.

Homme de réputation mondiale, il n'en conti¬nuait pas moins, pendant longtemps, à se présen¬ter, en toute modestie : « Benjamin Franklin,imprimeur ».

Réformateur social

Franklin lança de nombreux projets de réformessociales et d'instauration d'un esprit communau¬taire. Opposé à l'esclavage, il présida la premièresociété anti-esclavagiste d'Amérique et son dernieracte public fut de signer un appel au Congrèslui demandant d'abolir rapidement l'esclavage desNoirs. En 1737, chef des postes de Philadelphie,il transforma et accéléra les services postaux (cequ'il fit pour l'ensemble des colonies quand ildevint, plus tard, chef général adjoint des postes).

Il mit sur pied la première bibliothèque de prêtde Philadelphie. Il organisa un service de luttecontre l'incendie et réforma les services de policede la ville. Il contribua aussi à la fondation d'une

académie qui, prenant de l'extension, devint l'Uni¬

versité de Pennsylvanie. Choqué par l'absencegénérale d'Intérêt porté aux malades, il réunit desfonds pour édifier un hôpital municipal lepremier en Amérique et soigner les aliénés.

Inventeur et scientifique

Franklin a été l'un des premiers à faire desexpériences sur l'électricité, prouvant en 1752 lanature électrique de l'éclair (voir photo). Ses réa¬lisations scientifiques dans de nombreux domaines

A droite, portrait deBenjamin Franklin parl'artiste écossais David

Martin. Franklin le

commanda pour safamille, à Londres en

1767, puis le légua auConseil Exécutif de

Pennsylvanie.

Photo © Lt. col. M.W. ArpsJr., Roloc Transparency, Box1715, Washington, D.C.

En 1752. Franklinréalisa sa fameuse

expérience : il lança uncerf-volant dans un

orage pour prouver quel'éclair est fait

d'électricité. A partirde quoi, il inventa leparatonnerre. A gauche,modèles utilisés parFranklin pour sesexpériences sur leparatonnerre.Ci-dessous, dessinfantaisiste d'un

artiste (1778) quiimagina une applicationplutôt bizarre del'invention de Franklin.

Photo Boyer © Roger-Vlollet, Paris

lui valurent la notorité : invention du paratonnerreet des lunettes à double-foyer, du « poêle Fran¬klin », qui chauffait mieux avec moins de combus-

tile, des méthodes d'amélioration des sols, d'uti¬

lisation de nappes de pétrole pour réduire la vio¬lence des vagues, etc.

La Royal Society de Londres rendit hommageà l'ensemble de son en l'acceptant pourmembre en 1756, de même que l'Académie desSciences en France, seize ans plus tard. En fait,il faisait partie de la plupart des sociétés savantesd'Europe.

Homme d'Etat et diplomate

En tant qu'homme d'Etat, Franklin occupe unedes premières places parmi ceux qui édifièrent lesEtats-Unis. Délégué au Congrès continental, il futl'un des principaux rédacteurs de la Déclarationd'Indépendance (voir tableau page 14). Il signa lesquatre documents-clés du début de l'histoire des

Etats-Unis : la Déclaration d'Indépendance, le Trai¬té d'alliance avec la France, le Traité de paixavec la Grande-Bretagne et la Constitution desEtats-Unis.

Les services rendus par Franklin en tant queministre en France aidèrent grandement à rem¬porter la guerre révolutionnaire. Il reçut un accueilchaleureux à Paris. Les Français restèrent sous lecharme de son esprit pétillant, de sa sagesse, deson tact et de sa courtoisie. La foule le suivait

dans les rues et des vers furent composés enson honneur. Nombre d'historiens le considèrent

comme l'un des diplomates les plus doués jamaisenvoyés par l'Amérique à l'étranger. Dès 1754,il avait proposé un Plan of Union pour réunir les13 colonies américaines sous un « seul gouverne¬

ment général », plan qui contenait en germe desidées plus tard incluses dans la Constitution desEtats-Unis. Ambassadeur officieux des colonies

auprès de l'Angleterre, entre 1757 et 1775, il s'op¬posa au Stamp Act par lequel le Parlement britan¬nique cherchait à taxer les colonies américaines.Il défendit les intérêts américains avec fermeté

jusqu'à la révocation du Stamp Act en 1766 (voirlégende page 21).

En humaniste et en homme sage, Franklin luttatoute sa vie pour le bonheur, le bien-être et ladignité du genre humain. Il écrivait dans une deses dernières lettres : « Dieu garantit que nonseulement l'amour de la liberté mais encore une

connaissance profonde des droits de l'homme peu¬vent se répandre sur toutes les nations de la,terre, de telle sorte qu'un philosophe puisse fou¬ler n'importe quel sol en disant « Ceci est monpays ».

19

Portrait de Thomas Paine, gravure d'après le tableau del'artiste anglais du 18e siècle George Romney.

THOMAS PAINEUn nouveau regard

sur le pamphlet le plus passionnéde la Révolution américaine

par Bernard Bailyn

Texte © copyright reproduction interdite

LE Sens Commun (CommonSense) est le pamphlet le plus

brillant qu'on ait écrit pendant laRévolution américaine et l'un des

plus brillants qui aient jamais étécomposés en langue anglaise. Com¬ment un fabricant de corsets quakeren faillite a pu l'écrire, un hommequi avait été aussi tour à tour maî¬tre d'école, prédicateur, épicier, etdeux fois renvoyé comme employédes impôts, comment cet homme apu attirer l'attention de BenjaminFranklin en Angleterre et écrire sonpamphlet quatorze mois seulementaprès son arrivée en Amérique, c'estce que personne ne saurait expli-

BÊRNARD BAILYN, historien américain,est un spécialiste de l'histoire sociale, écono¬mique et culturelle des Etats-Unis. Le premiervolume de Pamphlets of the American Revo¬lution s'est vu attribuer le prix des HarvardUniversity Press en 1965. The IdeologicalOrigins of the American Revolution (1967) areçu les prix Pulitzer et Bancroft. L'auteur aprésenté une étude approfondie sur ThomasPaine lors du second symposium sur la Ré¬volution américaine organisé par la Libraryof Congress à Washington en mal 1973.

quer à moins d'expliquer le géniemême.

Car il s'agit bien d'une uuvre degénie, dans sa véhémence, son dé¬sordre, sa rudesse. « Elle a jaillides presses », écrit Benjamin Rush,« produisant un effet qu'on a rare¬ment vu un texte imprimé produire,à quelque époque et dans quelquepays que ce soit. »

Selon Franklin, son impact a été« prodigieux ». Il semble que l'ouvreait touché une fibre extraordinaire-

ment sensible de la conscience poli¬tique américaine dans les temps deconfusion où elle a paru.

Elle a été écrite par un Anglais,non par un Américain. Paine n'avaitqu'une idée fort ténue des affairesd'Amérique. Franklin lui ayant sug¬géré d'écrire une histoire de la con¬troverse avec l'Angleterre, il en fitune brochure passionnée en faveurde l'indépendance américaine.

Mais le Sens Commun ne se bor¬

ne pas à donner une voix à certai¬nes des aspirations les plus profon

des du peuple américain à l'aubede la Révolution : l'euvre évoqueaussi, avec vigueur et sans faussenote, des désirs et des aspirationsqui font toujours partie de la cultureaméricaine aujourd'hui.

Que peut-on tirer de ce documentextraordinaire après deux cents an¬nées ? Etant donné la façon dontnous comprenons aujourd'hui lescauses et le sens de la Révolution

américaine, que pouvons-nous de¬mander à cet ouvrage ? Non pas,à mon avis, si le Sens Commun aprécipité le mouvement vers l'indé¬pendance, question traditionnelle,c'était là son propos déclaré.

Une telle tornade, un cri si per¬çant et si largement entendu d'unbout à l'autre des colonies qui¬conque savait lire a dû en avoirconnaissance de façon ou d'autre

aurait eu bien du mal à ne pasmouvoir quelques personnes. Deshésitants, plus ou moins conserva¬teurs, et qui ne s'étaient pas encorefait une opinion, ont dû alors, sansaucun doute, se poser une fois deplus la question de l'avenir promisà l'Amérique.

Car il semble que l' soitapparue au meilleur moment pouravoir le maximum d'effet. Elle a été.

publiée le 10 janvier 1776. Les pre¬mières escarmouches de la guerred'indépendance avaient éclaté neufmois auparavant ; et sept mois plustôt une bataille sanglante avait eulieu à Breed's Hill, sur la baie deBoston.

Boston, quartier général de l'ar¬mée anglaise en Amérique, étaitdepuis longtemps entourée par lestroupes provinciales. De toute évi¬dence, une espèce de guerre sedéveloppait ; moins évidents étaientles objectifs du conflit.

Le Congrès continental n'arrivaitpas à se mettre d'accord sur l'usa¬ge qui serait fait de la victoire, sivictoire il devait y avoir.

Certains leaders, formant un groupeinfluent qui comprenait en particu¬lier des représentants du Massachu¬setts, étaient convaincus que seulel'indépendance par rapport à l'An¬gleterre pouvait répondre aux be¬soins propres à l'Amérique. Benja¬min Franklin était récemment revenu

de Londres, avec la même opinion ;il avait trouvé à Philadelphie- desgens qui pensaient de même.

Mais telle n'était pas l'opinion do¬minante au Congrès ; et ce n'étaitcertainement pas ce que pensaitl'ensemble de la population.

Aucune des colonies n'avait donné

pour mission à ses délégués de lut¬ter pour l'indépendance ; et le Con¬grès n'avait pas pris une seuleinitiative qui ne soit compatible avecl'idée alors dominante : l'Amériquedevait obliger le Parlement britanni¬que à lui accorder les libertés qu'elleréclamait et à réparer les injusticesdont le monde entier avait été Informé

20

depuis si longtemps et de tant demanières.

On connaît la force des croyan¬ces informulées. Les plus puissantesde ces croyances le sens com¬mun, en vérité allaient toutes àrencontre de la notion d'indépen¬dance.

Opinion excessive ? Ce n'est guè¬re exagérer, en tout cas, de direqu'il aurait fallu être soit insensé,soit fanatique pour réclamer l'indé¬pendance américaine en janvier1776.

Chacun savait que l'Angleterreétait la nation la plus puissante dumonde. Tous ceux dont l'enthou¬

siasme et l'imagination n'oblitéraientpas le sens commun savaient bienque si l'Angleterre cessait de con¬trôler et de protéger ce cordon decommunautés prospères mais fai¬bles établies le long de la côteatlantique, elles deviendraient bienvite la proie des puissances euro¬péennes rivales, nations dont lesprincipes politiques et les institu¬tions étaient à l'opposé de ce queles Américains se battaient pourpréserver.

Il apparaissait surtout que les li¬bertés réclamées par les Américainsétaient, par nature, britanniques :c'était la Grande-Bretagne qui lesavait fait s'épanouir au cours dessiècles. C'était elle qui les avaitintroduites dans une constitution

que l'ensemble du monde occidentalconsidérait comme une des grandesréussites humaines, en raison d'unéquilibre merveilleusement combinéentre les besoins de l'Etat et les

droits de l'individu.

Il n'en était certes pas moins évi¬dent que, depuis quelque temps,quelque chose n'allait plus. On s'ac¬cordait en général pour dire, dansles colonies, que ce fameux équili¬bre de la constitution avait été dé¬

truit, en Angleterre comme en Amé¬rique, par une bande de ministresavides de pouvoir et dévoyés.

L'attention de ces ministres avait

été attirée vers les colonies par lesfaux rapports de certains fonction¬naires coloniaux : ceux-ci voyaientdans le renforcement des pouvoirsde la Couronne aux colonies un

moyen d'accroître leur influence etleur fortune.

On avait déjà attaqué la consti¬tution britannique dans le passé. Surcertains points, il avait même falluprendre des mesures radicales pourrétablir l'équilibre. Mais aucune per¬sonne de quelque poids; ne s'étaitjamais laissé aller à conclure quela constitution même avait tort. Per¬

sonne n'avait jamais mis en doutele principe selon lequel la liberté,telle que la connaissaient les colo¬niaux,, reposait sur un équilibre sta¬ble entre ces trois ordres qu'étaientla monarchie, la noblesse et l'en¬

semble du peuple.

En fait, la liberté avait été créée

par cet équilibre même, chaque or¬dre possédant son propre organede gouvernement : la Couronne, laChambre des Lords, la Chambre desCommunes.

L'équilibre était-il momentanémentrompu ? Eh bien ! Les Américains,comme les Britanniques des tempspassés, se battraient pour le réta¬blir. Ils mettraient les malfaiteurs à

la porte et retrouveraient ainsi laprotection du seul système connuqui garantisse à la fois l'ordre et laliberté.

C'est dans ce système bienfaisantque l'Amérique s'était épanouie :essayer d'en rétablir l'équilibre rele¬vait du plus simple bon sens. Pour¬quoi chercher à détruire la meilleurestructure politique du monde,construite par des générations d'ar¬chitectes constitutionnels dont cha¬

cun avait apporté sa pierre et amé¬lioré les sages mesures de sesprédécesseurs simplement parceque les responsables actuels étaient

vait le Sens Commun, l'avenir de¬meurait totalement obscur - même

l'avenir immédiat. Personne ne pou¬vait alors dire avec certitude quelleorientation de l'Histoire serait par lasuite jugée la bonne.

Mais Paine était certain de

connaître la réponse à toutes cesquestions. L'impact immédiat dupamphlet est venu simplement decette proclamation retentissante etsans nuance : le bon droit se trou¬

vait tout entier du côté de l'Indé¬

pendance, les torts du côté de laloyauté envers l'Angleterre.

L'histoire a favorisé Paine ; ainsile pamphlet est-il devenu prophéti¬que. Mais limitons-nous au contextede l'époque ; ces déclarations pa¬rurent à beaucoup, plus outragean¬tes que prophétiques.

Tout ceci fait partie de l'histoireétonnante de ce pamphlet et expli¬que l'effet extraordinaire qu'il a eusur la conscience des contempo¬rains. A mon avis, l'influence de cette

BOSTON TEA PARTY, c'est sous ce nom qu'un épisode significatif de l'oppositiondes colonies américaines à la couronne britannique est passé dans l'histoire.Protestant contre l'intention britannique de faire pénétrer du thé en Amérique àdes prix supérieurs à ceux du thé hollandais, des colons américains, déguisés enIndiens, montèrent à bord de trois navires anglais à Boston, je 1 6 décembre 1773,et jetèrent la cargaison de thé dans les eaux du port. La réplique britannique futune série de lois très dures connue sous le nom de Intolerable Acts. Réplique quienflamma la colère des colons et devint l'un des facteurs qui aboutirent à la Guerrerévolutionnaire contre l'Angleterre. Quelques années plus tôt, en 1765, le gouver¬nement britannique avait tenté par le Stamp Act (droit de timbre) d'imposer destaxes d'enregistrement aux colons, taxes dont le montant servirait à financer lemaintien des troupes anglaises en Amérique ; la ferme opposition des Américainsentraîna la révocation de cet impôt en 1766.

des pervers et des criminels ?

Et pouvait-on supposer raisonna¬blement que ces faibles commu¬nautés éparpillées le long de la cô¬te atlantique, sans coordination entreelles, pourraient l'emporter sur l'An¬gleterre dans une guerre ? Qu'ellessauraient construire ensuite un sys¬tème de gouvernement débarrassédes insuffisances apparues dans unsystème britannique quasi parfait ?

Dans les semaines où Paine écri-

sur la maturation du mouve¬

ment pour l'indépendance n'est pas lameilleure question à poser.

Nous en savons à la fois trop ettrop peu pour dire à quel point leSens commun a précipité les déci¬sions prises par le Congrès au débutde juillet 1776.

On peut raconter en détail les sta¬des par lesquels est passé le Congrèset comment celui-ci a été conduit ai

voter l'Indépendance. r

21

, Or, plus on regarde de près ce quis'est passé au Congrès dans les dé¬buts de 1776 et moins le Sens Com¬

mun paraît y avoir joué un rôle impor¬tant. Il a certes joué son rôle enarrière-plan ; et beaucoup, au Congrèscomme ailleurs, l'avaient en mémoireau moment où ils ont accepté la dé¬cision finale. en faveur de l'indépen¬dance.

Mais, comme l'a noté John Adams,il y eut au moins autant de genschoqués par le pamphlet qu'il y eneut pour se laisser convaincre - et -nous ne connaîtrons jamais avecprécision la proportion des uns etdes autres.

Il y a un fait beaucoup plus frap¬pant. Ce pamphlet possède quelquechose de bizarre, de démesuré,d'unique - sans rapport avec sonappel retentissant en faveur de l'in¬dépendance.

Cette qualité a été reconnue, sinonclairement définie, par les contem¬porains ; elle donne à l'luvre uneplace à part dans les écrits de laRévolution. Elle nous aide à com¬

prendre, me semble-t-il, quelquechose d'essentiel à cette Révolutionmême.

Son style suffirait à faire du SensCommun un document remarquable,sans commune mesure avec les au¬

tres pamphlets de la Révolution.

Sa première partie, bien distincte,est apparemment un essai sur les

principes du gouvernement en géné¬ral et sur la constitution anglaise enparticulier. Les idées y sont assezabstraites, mais les images fortconcrètes « Le gouvernement,comme le vêtement, est la marqued'une innocence perdue ; les palaisdes rois sont construits sur la ruine

des jardins du paradis. »

Quant à cette « constitution de

l'Angleterre, tellement vantée », elleest « magnifique pour les temps deténèbres et d'esclavage pendant les¬quels elle a été élaborée » ; mais n'arien, déclare Paine, de tellementremarquable en réalité. En effet,« lorsque le monde était submergépar la. tyrannie, le moindre pas quel'on faisait pour s'en éloigner étaitune action glorieuse. »

Qu'en est-il de l'origine véritable deces monarques, auréolée de légendeet sanctifiée parce qu'elle serait issuedu fond des âges ? Il est bien pro¬bable, écrivait Paine, que le fondateurde n'importe quelle lignée royale destemps modernes n'était « rien d'autrequ'un chef de bande, un débauchésans scrupules qui ne devait qu'à saruse et à sa cruauté de commander

les brigands qui étaient ses compa¬gnons ; et qui, par la force et la ter¬reur, rançonnait les gens paisibles etsans défense. »

Les monarques anglais ? « Pas unhomme sensé ne pourrait dire qu'il ya de quoi se vanter de descendre deGuillaume le Conquérant. Un bâtardfrançais, un envahisseur menant une

troupe de bandits qui se déclare roid'Angleterre, en dépit de la résistancedes autochtones, c'est là, dans toutel'acception du terme, un misérable co¬quin. »

Partout, en fait, la monarchie héré¬ditaire « a mis le monde à feu et à

sang. »

Dans sa troisième partie - « Ré¬flexions sur l'état présent des affai¬res américaines » -, le langage dePaine devient plus percutant ; ils'anime. L'émotion atteint là des ni¬

veaux très élevés et le lyrisme decertains passages a dû paraître pro¬phétique même aux contemporains :

« Le soleil n'a jamais fait brillerune cause de plus grand prix. Cen'est pas l'affaire d'un jour, d'uneannée, ni même d'une époque. Lapostérité est directement intéresséeà notre lutte ; elle sera plus oumoins affectée, jusqu'à la fin desâges, par ce qui se passe aujour¬d'hui. Car aujourd'hui est un tempsde semailles pour l'Union ducontinent, et la foi, et l'honneur. La

moindre rupture acceptée mainte¬nant sera comme un nom gravé dansla tendre écorce d'un jeune chêne ;la blessure grandira avec l'arbre etsera lue en lettres énormes par lapostérité. »

Les arguments de cette partie dé¬montrent que l'indépendance amé¬ricaine est indispensable et que lescolonies pourront y parvenir. Cesarguments très élaborés, répondentà toutes les objections que Painea pu entendre.

A travers toutes ces pages d'ar¬gumentation, le ton prophéti¬

que, lyrique des premiers paragraphesdemeure et le sentiment de l'ur¬

gence maintient la tension.

« Tout ce qui est juste et rai¬sonnable écrit Paine plaidepour la séparation. Le sang deségorgés crie, la nature en larmescrie : « c'esf le moment, il faut se .

séparer» .

Maintenant, insiste-t-il, le tempsest venu d'agir : « le présent hiversera précieux si nous savons l'em¬ployer. Mais si nous le perdons oule négligeons, tout le continentconnaîtra le même malheur. »

Il n'y a plus aucune chance de clorela controverse sur une conclusion

apaisante : « aussi puisqu'on ne peutrien faire d'autre qu'en finir, il faut enarriver à une séparation définitive etne pas laisser les prochaines géné¬rations s'entrégorger. »

La plus forte péroraison vient àla fin : « O vous qui aimez l'espècehumaine ! Vous qui osez vous oppo¬ser non seulement à la tyrannie,mais au tyran, avancez ! Partoutl'Ancien Monde est écrasé par l'op¬pression. Partout on extermine laliberté. L'Asie et l'Afrique l'ont chas¬sée depuis longtemps. L'Europe laregarde comme une étrangère, et

PAGES COULEUR

A droite, en haut :

Paysage rural typique de la Nouvelle-Angleterre. Blottie dans la forêt, unemaison de bois peinte en blanc. La :Nouvelle-Angleterre comprend sixdes 13 Etats américains correspondantaux colonies anglaises fondées surla côte atlantique de l'Amériqueau 17e siècle : Maine, New

Hampshire, Vermont, Massachusetts,Rhode Island, Connecticut.

A droite, en bas :

Certaines essences forestières (enparticulier, une variété de hêtre)confèrent à diverses régions del'Amérique une merveilleuse richessede coloris en automne, saison que lesAméricains appellent « été indien »,quand il fait encore chaud. Ici, uneimage d'automne, baignée dans lesors de la lumière et des feuillages.

Double page centrale :Cette extraordinaire image« impressionniste » est unephotographie de New York la nuit,prise par le célèbre photographeaméricain Ernst Haas. Aucune image« réaliste » de New York n'eût été

aussi suggestive que cettere-création lumineuse de la

métropole américaine.

Photos Ernst Haas © Magnum, Paris

l'Angleterre lui a remis l'ordre dedépart. Oh, recevez la fugitive !Sachez préparer à temps un asilepour les hommes. »

Dans la littérature pamphlétairede la Révolution américaine, iln'existe rien qui puisse être com¬paré à ce passage pour l'authen¬ticité de l'émotion, son intensité, etpour l'effet lyrique. Des lecteurs ha¬bitués à une prose plus terne etmoins brillante ont dû sentir les

mots jaillir hors des pages...

Mais la langue ne fait pas tout. Ils'y réfléchit d'autres profondeurs, lesqualités de l'esprit, un style de pen¬sée, la culture personnelle de l'écri¬vain. Il y a quelque chose d'uniquedans la signification intellectuelle dece pamphlet.

La rigueur de l'argumentation, ilfaut le dire, n'est pas la qualité prin¬cipale de l'ouvrage. La logique dePaine montre ses insuffisances à plusd'une reprise. Mais sa grande force,son impact intellectuel, vient non pasd'argumentations serrées sur despoints précis mais de la façon dontsont ruinées les bases mêmes sur les¬

quelles s'appuient les arguments.

Ainsi Paine oblige-t-il le lecteur àréfléchir et à considérer non pointtant un argument ¡ci et une conclu¬sion ailleurs qu'une façon nouvelle deconsidérer l'ensemble des problèmesen question.

Car sous tous les arguments etconclusions explicites contre l'indé¬pendance, se dissimulent certainesprésuppositions tacites et même infor¬mulées, des attitudes, des habitudesde pensée, si bien qu'il était extrême¬ment difficile pour les colons de rom¬pre avec l'Angleterre et de trouver

SUITE PAGE 27

22

'

^iik^M*.

*» '< fe

*.'.. *.

*

*«M. "^ »* -

l

fc

^ *»sk * ;

"l * s1

i _ k^-

wt ,rlr"->'1 fto **

V*-» _*l

ai Uui

. --- » i

;-p---p*

f">l',':' *-*í»

Ke*,. 4

-SÍ

SUITE DE LA PAGE 22

dans la perspective d'une future in¬dépendance la sécurité et la libertéqu'ils recherchaient.

Nulle conception n'était plus pro¬fondément enracinée dans la mentali¬

té britannique ou britannico-américai-ne que celle de cette liberté capablede survivre dans un monde foncière¬

ment ambitieux et égoïste, où l'équi¬libre des forces en présence étaitsi parfaitement institutionnel que nulcontestataire n'était en mesure de

prendre le pouvoir sans une véritableopposition.

Cette conception fondamentale sup-' posait, en outre, au niveau dumonde anglo-américain dans son en¬semble que les trois éléments con¬currents du pouvoir sur le plan socio-constitutionnel la monarchie, lanoblesse et le peuple avaient lemême droit d'intervenir dans la lutte

pour le pouvoir : c'étaient là les élé¬ments fondamentaux du monde poli¬tique.

Et, plus essentielle encore dansce registre des notions constitution¬nelles, était la croyance tacite que lacomplexité du gouvernement étaitbonne, puisqu'elle permettait le jeu detout le système et qu'au contraire unesimplicité de la structure gouverne¬mentale (et donc d'un fonctionnementfacile) était une calamité qui risquaitde conduire à la monopolisation dupouvoir, qui ne pouvait qu'entraînerune tyrannique autocratie d'Etat.

C'est tout ce dogme constitutionnelque Paine a mis en question. Certes,ses conclusions n'ont pas été accep¬tées en Amérique : l'Etat et legouvernement américains se sontconstruits sur les principes mêmesque Paine combattait. Mais après laparution du Sens Commun, il n'a plusété possible d'accorcjer automatique¬ment créance à de telles idées ; etcertaines d'entre elles n'ont plus ja¬mais été admises depuis.

Selon Paine, est faux tout l'ensem¬ble des idées reçues concernant legouvernement. En elle-même, écrit-il,la complexité n'est pas une qualitépour un gouvernement.

Selon lui, la vérité est à l'opposé :« Plus simple est une chose, moins

A gauche, en haut:Un mur peut n'être qu'un mur maispeut aussi servir à jouer le handballaméricain ou à recevoir messages,graffiti, signatures banales, etc.

A gauche, en bas :En 1965 dans les Etats du Sud des

Etats-Unis il y avait 72 Noirs éluscomme représentants aux assembléeslégislatives fédérales, municipaleset des Etats. Aujourd'hui il y en amille. Ici dans le Sud un enfant Noir

joue à côté d'un vieil homme Blanc.

Photos Ernst Haas © Magnum, Paris

elle paraît sujette à se dérégler, etplus elle devient facile à réparer 'encas de désordres. »

La simplicité faisait d'ailleurs partieintégrante de la nature elle-même. Sila constitution britannique avait in¬versé l'ordre naturel, c'était unique¬ment pour servir les intérêts fortpeu naturels de la noblesse et dela monarchie qui n'avaient ni l'uneni l'autre le moindre droit au pouvoir.

La noblesse n'est rien que bran¬ches mortes, reste d'une ancienne

« tyrannie aristocratique » qui s'estefforcée de survivre sous le couvert

de mythologies encroûtées.

La monarchie représentait un mor¬ceau plus résistant : Paine a consacréplusieurs pages à attaquer ses pré¬tentions.

« La brute royale de Grande-Breta¬gne », comme il appelle George III,est une figure constitutionnelle toutaussi ridicule que ses homologuesdu continent. Selon la constitution,ce roi doit certes être parfaitementinformé de toutes les affaires du

royaume et y prendre une part ac¬tive. Mais du fait de sa position so¬ciale, privé de tout contact avec lavie réelle et « mis à part commequelque espèce nouvelle », il est àjamais incapable de remplir de tellesfonctions.

EN fait, déclare Paine, les roisactuels de l'Angleterre ne font

rien du tout sinon la guerre et descadeaux à ceux qui les suivent. Apart cela, toutes les affaires mon¬diales sont entre les mains de la

Chambre des Communes. Toutefois,le roi est en mesure de faire des

dons : il a pu ainsi dénaturer complè¬tement la constitution. Cette chambre

des Communes, qui est son seulconcurrent pour le pouvoir, il peut lamettre à sa botte par des récompen¬ses et par l'intimidation. Cette pré¬tention à l'équilibre de la Constitu¬tion britannique n'est donc qu'unmensonge : « Le "bon plaisir" du roien devient une loi tout aussi réelle en

Angleterre qu'en France, avec cettedifférence qu'au lieu d'être issue dela seule bouche royale, elle est déli¬vrée au peuple sous la forme redou¬table d'une décision du Parlement. »

Personne du moins écrivant en

Amérique n'avait crié de façonaussi directe et sans réserves les

vertus du gouvernement républicain.Il faut voir là le plus grand défi quePaine ait lancé aux idées reçues deson temps. Mais ce n'était que lepremier d'une série.

De page en page, Paine met à nul'un après l'autre les préjugés quiconduisent les habitants des colo¬

nies, consciemment ou non, à refu¬

ser l'indépendance. Amenant au jources préventions secrètes et les pré¬sentant avec mépris, il force la po¬pulation à penser l'impensable, às'interroger sur ce que l'on suppo¬sait évident ; et à faire ainsi le pre

mier pas vers un changement radical.

Ainsi la question de l'indépendanceavait-elle toujours été pensée en ter¬mes que l'on pourrait appeler fami¬liaux : les colonies, après avoir étédes enfants dont la vie dépendait dela « mère patrie », avaient désormaisgrandi ; et il s'agissait de savoir sielles étaient ou non assez fortes poursubsister et prospérer sans aide dansun monde belliqueux. Pour Paine,tout cela était faux. Sur ce pointcomme sur beaucoup d'autres, lesAméricains avaient été induits en er¬

reur par « les anciens préjugés et...les superstitions ».

Si l'Angleterre avait protégé et for¬mé des colonies, c'était uniquementdans un souci très égoïste d'expan¬sion économique. En fait, écrit Paine,les colonies n'ont jamais eu besoin dela protection anglaise elles en au¬raient plutôt souffert. Elles auraientprospéré bien davantage si l'Angle¬terre les avait ignorées. En effet, cetteprospérité a toujours été basée surle commerce de produits nécessairesà la vie, commerce qui ne pouvait quese développer « aussi longtemps quel'Europe conserverait l'habitude de senourrir ».

Sur les grands problèmes, Paine adonc dépassé la simple argumentationen faveur de l'indépendance (quoiqu'ilait fait cela aussi) : il a transformé lesfondements mêmes des questions,obligé les lecteurs à les aborder sousun angle différent et donc exposéà l'examen les bases mêmes de la

controverse, considérées jusqu'alorscomme inébranlables.

Un style saisissant, une polémiquevisant moins les conclusions des ad¬

versaires de l'indépendance que leursprésomptions informulées et ce qu'ilsappelaient des évidences : pour cela,le Sens Commun est un pamphletunique dans la littérature de la révo¬lution américaine. Mais sa qualitéla plus remarquable réside encoreailleurs.

Il y a en effet dans ce pamphletquelque chose qui dépasse ces carac¬téristiques. Quelque chose de plusdifficile à démontrer, mais qui estpeut-être le plus important : il s'agitdes aspects sociaux de la révolution.

Dans quelle mesure la révolutionaméricaine a-t-elle été une révolution

sociale ? Beaucoup d'encre a coulé àce sujet et il me semble qu'un certainnombre de points sont aujourd'huibien établis.

La révolution américaine n'est pasvenue de conditions sociales ou éco¬

nomiques insupportables. Les colo¬nies étaient des communautés pros¬pères et, tout au long des années oùla controverse avec l'Angleterre s'in¬tensifiait, leur économie avait progres¬sé après l'ébranlement qu'elle avaitsubi pendant la Guerre de Sept ans.La révolution n'a pas été faite nonplus de propos délibéré pour refondreles structures sociales, détruire lesdernières survivances de I'« ancien ^

régime » que l'on pouvait trouver en r

27

^Amérique. Et les vices de fonction¬nement qui se développaient n'avaientpas fait naître dans les colonies unétat d'esprit particulièrement révolu¬tionnaire.

Pourtant, de façon indirecte, lemouvement révolutionnaire a eu sa

composante sociale. Mais cette com¬posante est subtile ; elle demeurelatente et se glisse, souvent cachée,parmi d'autres éléments ; elle restedifficile à saisir en elle-même. C'est

chez Paine et dans la prose ardentedu Sens Commun qu'elle trouve sonexpression la plus vigoureuse.

Le ton dominant du Sens Commun

est celui de la rage. Il a été écritpar un homme enragé non pasun homme qui entretenait des dou¬tes raisonnables sur la Constitution

anglaise et sur le rôle des officielsanglais en Amérique, mais un hom¬me qui haïssait l'une et les autreset voulait furieusement les frapper.

Par la chaleur du langage, le pam¬phlet brûlait la conscience descontemporains : sous cette enve¬loppe superficielle, on découvraitune conviction de feu : non seule¬

ment l'Angleterre était corrompue etl'Amérique devait se déclarer indé¬pendante mais, dans leur ensemble,les sociétés organisées et leurs gou¬vernements étaient stupides etcruels ; ils ne se maintenaient queparce que les horreurs systémati¬quement infligées à l'humanitéétaient enveloppées dans un embal¬lage de mythologie et de supersti¬tion qui engourdissait les esprits etempêchait le peuple de se dressercontre ses malfaisants oppresseurs.

Ce que visent la plupart des autresgrands pamphlets de la Révolution,c'est d'étaler des problèmes ardus,prenants et controversés, et de lescommenter valablement. Mais le but

du Sens Commun c'était de dépecer« le monde le monde tel qu'il étaitconnu et organisé ». Le Sens Communn'offre rien de cette logique rigou¬reuse, savante et bien assise qui ca¬ractérise les plus remarquables pam¬phlets américains.

Ce n'était pas pour révéler les réa¬lités inconnues d'un mode de vie futur

qu'écrivait Paine ; pas plus pour con¬vaincre ou expliquer, mais bien pourfaire table rase et détruire. A cet

égard c'est aux pamphlets de Jona¬than Swift qu'il faut comparer le SensCommun et non aux libelles des

pamhlétaires américains.

Car Swift, lui aussi, en une époqueoù le pamphlet jouait un rôle politique,avait l'éloquence meurtrière. Mais l'ar¬me maîtresse de Swift, coupante com¬me un rasoir expédiait sa victime dupremier coup.

L'écriture de Paine n'a rien de la

merveilleuse et subtile ironie de Swift,comme elle n'a rien de la bonne lo¬

gique des pamphlétaires américains.Paine c'est la colère, l'indignation, laviolence, le coup d'estoc.

Certes, la sourde voix de la colèreavait déjà été perceptible en Angle

terre géorgienne dans un registre toutà fait particulier. Elle s'élève dans cer¬tains écrits de libertaires extrémistes :

on l'entend aussi dans les fiévreuses

imprécations de ceux qui dénoncentla corruption de l'Angleterre, ces illu¬minés comme John Brown qui fit sen¬sation en 1757 avec son Tableau des

myurs et principes de l'époque, àl'odeur de soufre.

Mais ce sont les Beaux-Arts qui of¬frent les traits les plus vifs : ainsi deces peintures et gravures de WilliamHogarth qui prit conscience du mondeau sein de ces taudis de Londres et

dans ce milieu parvenu de provinceoù Paine lui-même se débattit en vain.

Quelque chose des mêmes révoltesaffleure dans le mouvement révolution¬

naire américain. Ce n'est pas l'essen¬tiel de la Révolution, certes, mais c'enest une part importante et l'une desplus délicates à restituer.

On en trouve une manifestation

dans la haine que John Adams vouaitau clan bostonien anglophile. On laretrouve chez ces prédicateurs de laNouvelle-Angleterre qui dénonçaientla corruption britannique. Et on la re¬trouve encore dans la rancune de ces

Américains rassis et réalistes qui de¬vaient affronter l'arrogance et les abusde pouvoir de fonctionnaires de laCouronne et subir les mantuvres

d'une tutelle éliminée de l'Amériqueet qui n'avait aucun sens dans lesréalités de la société américaine.

C'est là ce que le Sens Commundonnait magnifiquement à compren¬dre.

Le pamphlet a fait flamber le res¬sentiment qui couvait depuis desannées dans l'opposition américaineà l'Angleterre ; il concentrait commedans un foyer la méfiance vagueque les Américains ressentaient àl'égard de l'ensemble du monde eu¬ropéen, et leurs aspirations à unmonde nouveau, plus libre, plus ou¬vert, indépendant de l'Angleterretous sentiments qui ne s'étaient paslibrement exprimés jusqu'alors.

Le Sens Commun n'a pas lancéle mouvement pour une véritableDéclaration d'Indépendance. Cen'est pas lui qui a fait naître la dé¬termination des chefs de la Révo¬

lution à construire un monde meil¬

leur, plus ouvert aux aspirations deshommes que ce qui existait aupara¬vant. Mais il les a stimulés ; et ¡I a

traduit, amplifié de façon excep¬tionnellement vivante cette colère

née du ressentiment, de la frustra¬

tion, de l'outrage et de la peurqui sert de moteur à toute transfor¬mation révolutionnaire.

Bernard Bailyn

PAINE

aventures

d'un

citoyen

monde

par Jacques Janssens

JACQUES JANSSENS, historien bel¬

ge, est un spécialiste des 75e et 19e siè¬cles. Au nombre de ses ouvrages,signalons : Petite histoiredes États-Unis(Ed. Marne, Paris 1956) ainsi qu'uneimportante biographie Camille Desmou¬lins, le premier républicain de FrancefEd.Libraire académique Perrin, Paris 1973).

28

LA première année de la guerred'Indépendance tirait à sa fin

et, cependant, la confusion régnaitencore dans les rangs américains.En dépit des efforts des leaders pa¬triotes pour consommer la rupturetotale avec l'Angleterre, la majoritédu Congrès continental hésitait à pro¬clamer l'indépendance des Colonies-Unies et à trancher les liens qui lesunissaient à la Mère patrie.

C'est à ce moment, au mois dejanvier 1776, que parut à Philadelphieun pamphlet de quarante-sept pagesqui fit l'effet d'une bombe (voir articlepage 20).

Le retentissement de Common

Sense (le Sens Commun) fut prodi¬gieux. Les cent mille exemplaires quifurent vendus en un rien de temps

propagèrent l'appel à la révolte danstoutes les colonies.

Le Sens Commun fut tout d'abord

attribué à Benjamin Franklin. Quandl'auteur finit par se faire connaître,on apprit avec étonnement que cechampion de l'émancipation améri¬caine, cet adversaire de l'oligarchiebritannique, n'était autre qu'un An¬glais débarqué dans le Nouveau-Monde depuis seulement un peu plusd'un an. Il s'appelait Thomas Paine.

Il était né le 29 juin 1737, à Thetford,petite ville du comté de Norfolk, enAngleterre, d'un père quaker et d'unemère anglicane.

Ce qu'il acquit au contact des« Amis », c'est-à-dire des Quakers, cefut l'horreur de la violence, del'oppression et de l'intolérance soustoutes ses formes.

Sa famille était pauvre, et, à l'âgede treize ans, il dut apprendre lemétier paternel : la fabrication descorsets. A vingt-quatre ans, il entraau service des Douanes et fut bientôt

affecté à la répression de la contre¬bande.

Son énergie l'avait mis en vue par¬mi ses collègues. Le jour où ils réso¬lurent d'attirer l'attention des pouvoirspublics sur leur misérable condition,c'est lui qu'ils chargèrent de rédigerun mémoire contenant leurs doléan¬

ces et leurs revendications. Parti pourLondres, il courut les antichambres

des parlementaires et des gens in¬fluents en vue d'obtenir leur appui.Est-ce vraiment parce qu'il avait quittéson poste sans congé, ou bien n'était-ce qu'un prétexte saisi par le gou¬vernement pour se débarrasser d'uneforte tête ? Toujours est-il que Painefut renvoyé.

La destitution de Paine? Un petitfait sans importance, à première vue.En réalité, c'est peut-être bien cepetit fait qui coûta à l'Angleterre sescolonies d'Amérique.

Paine s'était fait des amis dans le

monde scientifique. Par eux, il futintroduit auprès de Franklin, qui habi¬tait Londres. Le « bonhomme Ri¬chard » lui reconnut des talents et se

prit de sympathie pour lui. Il en arrivaà penser qu'un homme comme Painepourrait être utile en Amérique. Quant

Les épisodes de la lutte pour l'Indépendance des Etats-Unis eurent un telretentissement au-delà des mers qu'ils inspirèrent jusqu'à la mode parisienne.Ainsi cette gravure intitulée « Coiffure à l'Indépendance ou le Triomphe de laliberté » montre un exemple typique des coiffures extrêmement élaborées du18e siècle et qui illustraient des événements d'actualité. Ici, le vaisseaucouvre-chef évoque, sur cette élégante, un combat naval où était engagée le17 juin 1778, la frégate française « La Belle Poule » qui faisait voile vers l'Amériquepour participer à la guerre d'Indépendance.

à l'ancien douanier, la perspectived'émigrer le rebuta d'autant moinsque, tout jeune, il avait rêvé de visiterle Nouveau-Monde.

Paine quitta l'Angleterre au moisd'octobre 1774. Arrivé à Philadelphie,quelques leçons l'aidèrent d'abord àsubsister, puis un imprimeur-librairequi avait entrepris la publication d'unmagazine lui en confia la direction.Grâce à ses efforts, le nombre desabonnés du Pennsylvania Magazinepassa en peu de temps de six centsà quinze cents. Ses articles y étaientpour beaucoup.

Le premier en Amérique, il réclamal'émancipation des esclaves noirs,demanda justice pour la femme, plai

da la cause des animaux. A côté de

cela, Paine traita de la tension crois¬

sante entre l'Angleterre et les TreizeColonies. Il épousait franchement lepoint de vue américain tout en nour¬rissant l'espoir d'une réconciliation.

Quand, en avril 1775, l'escarmou¬che de Lexington eut mis le feu auxpoudres, il n'hésita pas à rallier lesrangs des patriotes qui, réclamant« la liberté ou la mort », levaientl'étendard de la révolution. Paine se

proclamait citoyen du monde, enadoptant cette devise : « Le mondeest mon pays ; ma religion, c'est defaire du bien... »

Républicain par réaction contre le^despotisme royal, il chercha à extir-r

29

(per du cpur de ses compatriotesd'élection les derniers vestiges dusentiment monarchique, et il y par¬vint : quand se posa pour les Etats-Unis la question du régime à adopter,les idées républicaines prévalurentsans trop de peine.

C'est à cette fin qu'il se mit à écrirele Sens Commun. II y exposait l'esquis¬se d'une constitution et les grandeslignes d'un plan de gouvernementlucide et puissant, pratique et cohé¬rent, dont les législateurs de la Penn¬sylvanie et ceux de la Virginie de¬vaient s'inspirer. Une seule de sesidées ne fut pas retenue : l'émanci¬pation des Noirs et leur inclusiondans le « pacte social » en faveurdesquelles il développait des argu¬ments moraux, religieux et écono¬miques.

La parution de son pamphlet valutà Paine une popularité immense. Lepeuple, familièrement, l'appelait Com¬mon Sense, et beaucoup de gens nele connurent jamais que sous ce sur¬nom.

La Déclaration d'Indépendancecombla ses viux. Il ne pensait pas,pourtant, avoir assez fait pour la Ré¬volution. La situation militaire était

critique. Paine suspendit la publica¬tion de son magazine et s'engagea

dans l'armée. Le fusil sur l'épaule,on le vit à la retraite qui suivit lachute du fort Lee. Quand Philadelphietomba à son tour et que Washingtonn'eut d'autre ressource que de seretirer à Valley Forge avec cinq millehommes épuisés et dépourvus de tout,Paine le suivit et partagea les priva¬tions et les souffrances de l'armée.

C'est au camp, à la lueur d'un feude bivouac, après la chute du fortLee, que Paine écrivit la première deses Crises, pour rendre courage auxtroupes en retraite. Espérance,confiance, fermeté étaient ses motsd'ordre. L'enthousiasme que sa prosevibrante éveilla dans le ctur des

soldats, détermina le général Wa¬shington à faire front et à attaquerl'adversaire à Trenton.

En avril 1777, lorsque le Congrèscréa un comité des Affaires étran¬

gères, Paine fut choisi pour en êtrele secrétaire. Son élection n'alla ce¬

pendant pas sans opposition : saprise de position anti-esclavagisteavait, semble-t-M, éveillé une hostilitésecrète à son endroit chez certains

représentants du Sud. C'est en saqualité d'écrivain qu'il fut désigné, etil remplit sa charge avec conscienceet compétence durant près de deuxans.

En 1781, le Congrès, pressé par lebesoin d'argent, lui confia le soinde rédiger une demande d'aide finan¬cière à l'adresse du gouvernementfrançais. Paine, sur le point de fonderun journal, sacrifia ses projets pouraccompagner en France le colonelLaurens. Il fut l'hôte de Franklin à

Passy, et c'est grâce à son interven¬tion que la mission fut couronnée desuccès. L'aide française permit au gé¬néral Washington de poursuivre lacampagne qui devait aboutir à la capi¬tulation du général Cornwallis àYorktown et mettre fin à la guerred'Indépendance entre l'Amérique etl'Angleterre. Laurens, cependant, eneut seul le mérite.

En cette circonstance comme en

tant d'autres, Paine manifesta ledésintéressement le plus complet. Ilavait renoncé à tous ses droits sur

ses pamphlets, même sur le SensCommun, dont le tirage global avaitatteint près d'un million d'exemplai¬res. Ses productions n'enrichissaientque ses imprimeurs. Sa pauvreté étaittelle qu'à deux ou trois reprises, il sevit forcé d'attirer l'attention du

Congrès sur son dénuement. « C'estune chose singulièrement dure, écri¬vait-il à Washington,- que le pays qui

SUITE PAGE 46

L'ADIEU DE WASHINGTON A LA FAYETTE

George Washington est entré dans l'histoire américainesous le nom de « Père de son pays ». Il commandait l'arméequi conquit l'indépendance; il fut président de laConvention qui rédigea la Constitution des Etats-Uniset devint le premier président des Etats-Unis. Son portrait,ci-dessous, fut exécuté alors qu'il était adolescent.Ci-dessous à droite, Washington sur la terrasse de sarésidence de Mont Vernon, Virginie, fait, en 1784, sesadieux à son ami de toujours le général La Fayette quicombattit vaillamment pour l'indépendance américainejoignant, en volontaire, les rangs de Washington. A droite,la célèbre cloche de la Liberté sonnée à Philadelphie lors del'adoption de la Déclaration d'Indépendance en 1776.

Photo USIS, Paris

30

COMMENT

NAQUIT

LA

" LIBERTÉ

H

La statue de « La Liberté éclairant le monde » fut offerte aux Américains par le peuple françaispour célébrer le premier centenaire de l'Indépendance des Etats-Unis. On la voit ici en cours demontage sur l'île de Bedloe, maintenant appelée Liberty Island, dans la rade de New York,pendant l'été 1886. Sur la tablette que la « Liberté » tient dans sa main gauche, on grava une date :4 juillet 1776, commémorant l'Indépendance des Etats-Unis.

SUITE PAGE SUIVANTE

Photo USIS, Paris

31

PETITS SECRETS

D'UNE GRANDE DAME

La statue de la Liberté, avec ses

46 m de haut des sandales à la pointede la torche, est l'une des plus colos¬sales du monde. Dressée sur son pié¬destal de 47 m de haut, elle contem¬

ple d'une hauteur de 93 m le panora¬ma de New York sur plus de 25 km.De la base du cou au diadème, satête mesure 8,50 m. De cuivre mar¬

telé sur armature métallique, lastatue pèse plus de 200 tonnes.

La torche de la Liberté, énorme

lanterne faite de 600 plaques de verre(voir page 3 légende de la couverturede dos). Brandie dans la main droite,elle contient 1 9 lampes brûlant 1 3 000watts. Au-dessous des sept rayonsdu diadème, une plate-forme inté¬rieure d'observation, percée de 25fenêtres, peut recevoir 30 personnes.

Deux escaliers intérieurs en spiralesparallèles de 168 marches chacun,permettent d'escalader la « Liberté »des pieds à la tête. Un escalier sert à -la montée, l'autre à la descente.

UneTour Eiffel habillée par Bartholdi.Le « squelette » de la statue sculptéepar Bartholdi est dû à l'ingénieur.Gustave Eiffel, le père d'une autregéante, la Tour Eiffel, à Paris (1889).Ce bâti de fer est étayé par des colonnes d'acier.L' peut ainsi,grâce à la collaboration du sculpteur et de l'ingénieur, défier lesvents de l'Atlantique.

Dans le socle. Un ascenseur amène les visiteurs de la base du socle

au pied même de la statue. Le socle fut construit grâce à une collectepublique faite aux Etats-Unis.

COMMENT NAQUIT LA «LIBERTÉ» (suite)

« La Liberté éclairant le monde » ne mit pas moins de 20 ansà naître. C'est en 1865 en effet qu'Edouard de Laboulaye,historien français, lança l'idée d'un monument du 100e anni¬versaire de l'Indépendance américaine, et qui serait « érigépar la France et les Etats-Unis en souvenir de leur ancienne

amitié ». L'idée enflamma Frédéric Bartholdi (1834-1904),jeune statuaire français déjà fort célèbre : il sculpterait uneiuvre colossale en métal, transportable aux Etats-Unis enpièces détachées. Pendant qu'un comité, l'Union franco-américaine, collectait les sommes indispensables à ce don dela France, Bartholdi modelait sa statue de fragments enfragments. Ainsi de la main (photo 1) haute d'environ 5 m;de la tête (2) dégagée des gabarits. Peu à peu, à l'étonnement

"CT" '&wti n n n n n Il llllllfl! Il I1IIIIIII u

Photos <& Bibliothèque Nationale. Pans

de Paris ,1a statue se hissait au-dessus de l'atelier de Bartholdi

(3). En avril 1876, elle était entièrement modelée. Bartholdipoursuivit des années encore l'achèvement de sa « fille »,comme il l'appelait, enfin accomplie en 1884. Démontée pièceà pièce, embarquée dans 210 énormes caisses sur un navirefrançais à destination de l'Amérique, puis remontée à NewYork, la « Liberté » était inaugurée le 28 octobre 1886. Un anauparavant, les Américains de Paris avaient offert à la France,en remerciement, une réplique réduite (9 m de haut) de « LaLiberté éclairant le monde ». Elle se dresse depuis lors sur laSeine, à l'île des Cygnes, à Paris (5), non loin de la Tour Eiffel,tandis que dans la rade de New York l'original accueille lesnavires qui entrent au port (4).

Photo Don Hunstein © Snark International, Paris

« *

iimiii n nimm h iiiimiii ?i ¡immi s: khhik i» » » » pi

'^ aiB>tr

WW* ' Là

Hit "*f ft

"1Millirr

BiH

ni

* es

¡Si|s:¡:sl

1!

A. afl

3«U«w<î- -«rr-~t

Ui y- JELtói

-

m t.

Photo Michel Claude - Unesco

par Yen Lu Wonget

Herbert Chivambo Shore

UNE MOSAÏQUE

D'ETHNIES

ET DE CULTURES

ECOUTEZ la grande voix dePaul Robeson dans la Ballade

aux Américains, cet hymne dédié àune nation d'immigrants :Est-ce que je suis un Américain ?Je suis au plus un Irlandais, un Nègre,un Juif, un Italien,Un Français et un Anglais, un Espa¬gnol et un Russe,Un Chinois, un Polonais, un Ecossais,un Hongrois,Un Lithuanien, un Suédois, un Finnois,un Canadien,Et un Grec, et un Turc, et un Tchèque,Et donc deux fois Américain...

Aujourd'hui, deux cents ans aprèsleur naissance et alors que la mytho¬logie de l'assimilation a plus d'un siè¬cle, les Etats-Unis restent le pays deplusieurs peuples, une mosaïque oùinteragissent un grand nombre decultures différentes.

Dans les « pueblos » du Sud-Ouest,ils dansent le Mattachines et la danse

du daim, racontent les histoires dutemps où les Montezumas vivaientdans le voisinage. Si l'on passe parGrant Avenue, à San Francisco, ou parMott Street à New York, les enseignespourront être en chinois.

Présentez-vous pour le permis deconduire en Californie du Sud et l'on

vous donnera un code en trois lan¬

gues. Dans cet Etat, les téléphonistespeuvent parler espagnol ou chinoisaussi bien qu'anglais selon l'endroitd'où l'on appelle.

YEN LU WONG (Etats-Unis) a acquis unegrande notoriété en ce qui concerne lethéâtre chinois et américano-chinois ainsi

que les problèmes d'identité culturelle.Danseuse et chorégraphe, elle appartientà l'Université de Californie, San Diego.

HERBERT CHIVAMBO SHORE, écrivain

américain, dramaturge, directeur de théâtre,est consultant artistique auprès de la Smith¬sonian Institution pour le « Festival ofAme¬rican Folklive ». Spécialiste des influencesde la littérature et du théâtre africains, il

dirige le projet de /'Unesco sur l'innovationculturelle.

Les images et les sons de l'héritageafricain sont encore vivants dans les

églises, dans les rues de Harlem oudans les îles côtières de la Géorgie.

La Nouvelle-Orléans est une villecréole où se mêlent les cultures de la

France, de l'Afrique et de l'Espagne.Il y a un Boston irlandais, un Chicagopolonais, un Cincinnati allemand, unPittsburgh slave, un Gloucester portu¬gais, un Minneapolis Scandinave.

Il existe des « Chinatowns », des

« Petits Tokyos » et des « petites Ita¬lies » dans bien des villes. Sans

compter les centres où se maintient lavie indienne : Taos, Four Corners,Wounded Knee...

Les noms que l'on rencontre dansce pays, ceux des rivières et des lacs,ceux des bourgs et des villes, ceuxdes rues, témoignent de ce plura¬lisme d'une culture. Mississippi, Mis¬souri, Rappahanock et Monangatielachantent l'héritage indien. Californie,Santa Fe, Chimayo, San Francisco,évoquent un passé et un présent es¬pagnols, mexicains et chícanos.

Il y a aux Etats-Unis onze Athènes,huit Moscou, huit Francfort, dix Ge¬nève et sept Waterloo. On peut allerà Holland dans le Michigan, le Ne¬braska et le Minnesota, à London etOdessa dans le Texas, à Stockholmdans le Dakota du Sud.

On trouve une diversité ethniqueaussi grande dans la cuisine. La ri¬chesse et la variété de cette cuisine

sont dues à toute une gamme d'ali¬ments venue d'autres pays, et qui ontété adoptés et adaptés. On venddans ce pays du soul food, des bou¬lettes et des carpes farcies, du beancurd, du won ton, du ramen, de YIrishstew, du scrapple, de la choucroute,du pilaf et du couscous, et bien d'au¬tres choses encore, congelées, fraî¬ches ou en conserve, originaires d'Eu¬rope, d'Afrique, d'Asie et du MoyenOrient.

Certains plats aux noms étrangerssont d'ailleurs américains d'origine :ainsi le chop suey et le chili concarne ; et certaines spécialités del'Ancien Monde, comme la pizza, se

sont épanouies dans l'environnementaméricain pour devenir des spéciali¬tés complexes et recherchées.

Faire le tour des restaurants dans

les diverses régions du pays revien¬drait à entreprendre un véritable tourdu monde de la cuisine.

Certains métiers, et même parfoisdes industries entières, se sont sou¬

vent développés en association avecdes cultures particulières. Les Noirs,-esclaves ou libres, ont marqué de leurempreinte l'agriculture, la décorationdu textile, le travail du fer et du bois,les instruments de musique et les artsen général.

La contribution des Indiens au déve¬

loppement des techniques agricoles età la diffusion des fertilisants est bien

connue.

Les Chinois, eux, ont construit lesvoies ferrées et creusé les mines de

l'Ouest américain au prix d'un travailénorme et avec beaucoup d'habileté ;ils ont aussi beaucoup travaillé etinnové, dans les restaurants et lespharmacies.

Les Irlandais, pour leur part, se sontidentifiés aux réseaux ferroviaires et

aux canaux de l'Est ; les Juifs à l'in¬dustrie du vêtement et au commerce

des aiguilles ; les Slaves, et d'autresimmigrants venus d'Europe Centrale,à la sidérurgie.

Les Italiens ont établi l'industrie du

vin en Californie ; ils ont aussi creuséles souterrains de New York. L'ensei¬

gnement traditionnel des divers corpsde métier fourmille de contes et de

chansons histoires et chants des

mineurs gallois, des pêcheurs portu¬gais, des Polonais qui empaquetaientla viande, des ouvriers agricoles chí¬canos et navajos.

Le Festival .populaire américain,qui a lieu tous les étés à Washington,est une célébration de ce peuple d'im¬migrants ces immigrants qui ontapporté avec eux leurs savoir-faire,leur musique et leur danse, du théâ¬tre, des contes, des ballades, des lan¬gues, des traditions culinaires et desfaçons de vivre.

34

Deux cents ans après leur naissance, les Etats-Unis demeurent un pays où plusieurs peuplescohabitent, pays où des cultures diverses et vivantes s'interpénétrent. Il y a un Boston irlandais,un Chicago polonais, un Pittsburgh slave, un Gloucester portugais et un Minneapolis Scandinave.Il existe des Chinatowns, des petits Tokyos et des petites Italies dans bien des villes, et descentres de vie indienne dans bien des Etats. Mais il y a aussi un mélange accru de races et decultures. Ici, famille de Caroline du Nord, au sud des Etats-Unis, composée de Noirs et de Blancs.

Mais le pluralisme culturel desEtats-Unis contient encore autre

chose que les interactions de plu¬sieurs courants culturels dans le

fleuve de la vie américaine. Car si les

cultures se sont mêlées, elles sontaussi demeurées distinctes. Certaines

ont formé de vastes ensembles dans

les agglomérations. D'autres sont dis¬

persées dans tout le pays. fIl en est que les préjugés et les

contraintes économiques ont forcé às'enfermer dans des ghettos. Et d'au¬tres qui vivent d'une vie digne, fièreet originale dans de petites enclavesrelativement isolées. Dans l'histoire de

ce peuple, la lutte pour l'identité cultu¬relle représente un chapitre impor¬tant ; elle a été longue et difficile.

Quand l'Indépendance a été procla¬mée en 1776, les Etats-Unis étaientdéjà un pays de plusieurs peuples.Espagnols, Français, Italiens, Afri¬cains, Portugais, Grecs, Scandinaves,Allemands et Juifs l'avaient exploré,visité, et peuplé à l'occasion.

A dire le vrai, les premiers immi¬grants ceux dont les descendantsont seuls le droit de se dire Améri¬

cains d'origine sont venus de Si¬bérie des. dizaines de milliers d'an¬

nées avant notre ère, quand le détroitde Bering était émergé.

Ils étaient à peu près un millionlorsque Christophe Colomb, à sonarrivée, commit l'erreur de les appe¬ler « Indiens ». Ils avaient plusieurstypes d'organisation économique etsociale ; ils se regroupaient en confé¬dérations complexes ; ils parlaientplusieurs langues différentes et leurscultures étaient diverses.

L'auteur du Sens Commun, TomPaine, a déclaré lui-même que la fon¬dation et l'édification des treize colo¬

nies avait été le fait d'hommes de plu¬sieurs nations. « C'est l'Europeécrivit-il et non l'Angleterre, qui estla mère de l'Amérique. »

Mais il avait tout de même oublié

quelque chose : en cette veille de larévolution, environ un quart de la po¬pulation américaine n'était ni britan¬nique ni même européenne et allaitjouer un rôle important dans la guerred'Indépendance. Vivaient là environun million d'Indiens et 400 000 Noirs

originaires de l'Angola ou d'autres ré¬gions, orientales ou occidentales, del'Afrique.

Ce n'était qu'un début. Le mouve¬ment des populations et des culturesvers les Etats-Unis entre 1850 et 1920

représente sans doute la plus grandemigration humaine de toute l'Histoire.

Ce pays en expansion a donc eu à

répondre à un véritable défi : à partird'une population qui parlait plusieurslangues, fonder une nation unifiée,une culture cohérente. Les jeunes na¬tions indépendantes font souvent faceau même problème aujourd'hui.

Les responsables, ceux qui gouver¬naient ou contrôlaient le pays, redou¬taient le pluralisme de la populationaméricaine. Ils répondirent à ce défiet l'on vit naître le mythe du meltingpot (le creuset), de l'assimilation.

Ce mythe a été injecté au pays, àgrands efforts et dans tous les sec¬teurs de la société, renforcé par lapropagande, par la contrainte même,par les préjugés. Les écoles, les ad¬ministrations, les employeurs et l'in¬dustrie, tous unirent leurs efforts poursoutenir et enseigner l'assimilation.

Il fallut laisser de côté les langues,les coutumes et les valeurs importéesd'ailleurs et les échanger contre lanouvelle « culture américaine ». Dans

les années 20, la société Ford pré¬senta à ses employés une pièce dethéâtre qui résumait cette exigence àsa façon : des acteurs portant descostumes italiens, polonais ou autreschantaient leurs chansons, dansaientleurs danses « étrangères » avant depénétrer dans une énorme marmite.

Puis ils sortaient de la marmite vê-r

35

d'habits « américains » et chan¬tant l'hymne national des Etats-Unis...Le message était sans équivoque.

En fait, cette « pure culture améri¬caine » que l'on enseignait n'étaitqu'un composé des valeurs, coutumeset convenances du groupe immigrantanglo-saxon. C'est vers le début du19e siècle que l'on avait commencéà vanter la supériorité de la cultureanglo-saxonne, supériorité que l'onétendit peu à peu de façon à y inclureles Allemands et les Nordiques lesblonds Européens du Nord.

Quant à l'apport des autres grou¬pes ethniques, il fut ignoré, minimisé

ou anglicisé. L'explorateur Gio¬vanni Caboto devint ainsi John Cabot

et la musique de jazz des Noirs amé¬ricains fut rebaptisée « Dixieland »nom donné aux Etats du Sud de

façon à faire oublier ses racinesafricaines.

Une hiérarchie des cultures se mit

en place. On classa effectivement lespeuples en assimilables et non assi¬milables. Le racisme s'en trouva

nourri et renforcé en même tempsque s'intensifiait le développementdes stéréotypes ethniques.

L'ASSIMILATION culturelle, etsurtout celle qui se pratiquait

à l'école, a eu des effets dévastateurssur la vie de famille, elle a fait naîtredes conflits graves entre les généra¬tions. On a appris aux enfants à avoirhonte de la langue, des traditions etdes façons de vivre de leurs parents ;et les enfants se mirent à refuser leur

héritage.

C'est ce qu'on appela le « phéno¬mène de la seconde génération ». En1915, le président Théodore Rooseveltdéclarait lui-même : « Il n'y a pas deplace dans ce pays pour un américa¬nisme à traits d'union » (les Germano-Américains, par exemple...).

Mais voici que Jane Addams, lagrande réformatrice de la conditionféminine, créa le premier musée desethnies, ou des immigrants, lorsqu'ellefonda Hull House ; le centre de sacommunauté à Chicago : il fallait queles enfants puissent comprendre leurhéritage et en tirer fierté. Les maî¬tres ignorants qui enseignaient dansles écoles, disait-elle, faisaient du tortà la vie américaine en rejetant lescultures des immigrants.

Ils devraient bien plutôt utilisercette diversité pour élargir la visionque leurs élèves avaient du monde.

Un intellectuel Allemand immigrant,Francis Lieber, écrivit un livrel'Etranger en Amérique où il plai¬dait pour que les écoles s'attachent àmaintenir l'identité culturelle et la

langue des immigrants. En mêmetemps, il s'en prenait au principe del'habitat « isolationniste » ou « sépara¬tiste », soutenant que cela conduisaità une atomisation culturelle du payset que les groupes ainsi isolés étaient

atteints d'une véritable « stagnationmentale ».

Il se créa des banques, des socié¬tés de secours mutuel, des associa¬

tions nationales, des coopérativespour immigrants. Des églises et dessynagogues se fondèrent pour ceuxqui parlaient des langues étrangères,et des journaux, et des stations de ra¬dio. Le sentiment d'identité culturelle

s'en trouva revigoré.

Souvent écartelés entre deux mon¬

des, les membres des divers groupesethniques et culturels en concevaientun trouble intérieur que beaucoupn'ont commencé que récemment àpercevoir et à comprendre.

Cette situation fausse de l'Améri¬

cain immigré a été exposée en 1919dans le livre de Stoyan Cristowe : Unemoitié d'Américain. « Bien que je nesois pas Américain à part entière, jene suis pas davantage ce que j'étaisquand j'ai débarqué ici je ne suisplus Bulgare. Conservant toujourscertaines de mes particularités d'ori¬gine, et juste assez pour m'empêcherde m'assimiler complètement, je mesuis si bien éloigné des Bulgares, audehors comme au dedans, que lorsd'une visite récente à mon ancien

pays, je me suis senti étranger ; j'aid'ailleurs été considéré comme tel. »

L'un des auteurs de cet article, YenLu Wong, a été récemment en Répu¬blique populaire de Chine. Aux Etats-Unis, elle est considérée comme Chi¬

noise. En Chine, malgré ses origines,malgré l'amitié sincère et la sympa¬thie qu'on lui montrait, elle a été ma¬nifestement traitée en Américaine.

Les Noirs américains en visite en

Afrique ont fait la même expérience.Ils ont bien retrouvé leurs racines afri¬

caines, mais aussi tout ce qui les enséparait ; ces différences définissentleur caractère d'Américains.

Les cultures des différentes ethnies

américaines ont certes des liens avec

celles de leur pays d'origine ; maiselles en sont aussi distinctes. On en

trouve une claire démonstration dans

deux sections de ce Festival de la vie

populaire américaine organisé par laSmithsonian Institution.

Ces sections, « Coutumes an¬ciennes dans le Nouveau Monde » et

« Diaspora africaine » font jouer côteà côte les groupes apparentés, ceuxdes Etats-Unis avec ceux de l'étran¬

ger. Ce qu'a apporté le pays étrangerse retrouve bien, mais une différences'observe, qui vient de l'expérience dela vie américaine. Une unité dans la

diversité : tel est la signification nou¬velle et passionnante, de la deviseaméricaine : E pluribus unum.

Les revendications ethniques et lemilitantisme pour l'identité culturelleont fait leur apparition dans les an¬nées 60. Les Etats-Unis ont découvert

alors qu'ils n'étalent pas un « meltingpot » et qu'ils ne l'avaient jamaisété. Conduite par les Noirs, les Chí¬canos et les Indiens, cette nouvelle

quête d'identité a rapidement gagné

d'autres groupes ethniques.

Etre un Américain et s'exprimer entant que tel n'oblige pas à rejeter lescaractéristiques d'un héritage cultureloriginal. Bien au contraire : cela signi¬fie que l'on exprime fidèlement sapropre culture à l'intérieur d'une tra¬me donnée de temps, de lieu et decirconstances. Chaque personne de¬vient un microcosme vivant où inter¬

agissent la culture, la classe, la nationet l'époque.

Les jeunes commencent à décou¬vrir, aux Etats-Unis, qu'il leur estpossible d'enrichir leur vie en la fon¬dant sur les valeurs culturelles origi¬nales de leur propre groupe ethnique

et d'ailleurs également sur cellesdes autres groupes. L'identité cultu¬relle et le pluralisme ne sont pas desobstacles mais des bases de départfécondes si l'on rejette d'une partl'assimilation, d'autre part un ethno-centrisme étroit et chauvin.

SELON le directeur de la Smith¬

sonian Institution, S. DillonRipley, « il existe une peur dans l'hu¬manité actuelle : les hommes ont peurde perdre leur identité. Nous redou¬tons l'union de mega-Etats, de mega-compagnies qui, pour des raisonsd'efficacité, nous coulerait tous ettout entiers avec nos pensées etnos actions dans une vie nouvelle

où les différences entre les groupesseraient rabotées. »

L'histoire semble toutefois montrer

que les hommes, les individus commeles collectivités résistent à ce « rabo¬

tage ». Une assimilation renforcée,avec les contradictions de pouvoir etde classes qui lui sont liées, susciteà long terme des revendications mili¬tantes d'identité culturelle.

Beaucoup plus féconde est la solu¬tion du pluralisme culturel, baséesur les interactions dynamiques etconstructives de groupes culturelsclairement identifiables.

L'identité culturelle est une force

planétaire. La rapidité du développe¬ment technologique, l'urbanisation etles mass media accroissent ses rai¬

sons d'être.

Ces raisons d'être se retrouvent

parmi les thèmes de plusieurs projetsou programmes de l'Unesco, relatifsaux recherches inter-culturelles, à

l'innovation ou au développementculturels. Des millions d'hommes sont

en train de découvrir que la culturequ'ils ont reçue possède des ressour¬ces de grande valeur. Une fois adap¬té au monde actuel, cet héritage cul¬turel pourrait enrichir les relations hu¬maines de notre âge technologique.

Le pluralisme culturel se découvreainsi aux Etats-Unis des possibilitésnouvelles. La conscience que l'on ade sa propre identité dans ce domainedoit permettre de mieux comprendreles réactions de ceux qui relèvent

36

d'identités différentes.

Elle peut susciter un réseau d'in¬teractions dont la cohésion aurait un

pouvoir unificateur beaucoup plusgrand sur les esprits, et dans les faits,que toute unité imposée. Elle peutélargir les horizons, autoriser de meil¬leures prises de conscience, donneraux hommes une meilleure connais¬

sance d'eux-mêmes et une perceptionmeilleure de ceux qui s'abreuvent àdes sources culturelles différentes.

La mythologie de l'assimilationcomme celle de la supériorité cultu¬relle et d'une hiérarchie des-cultures,

ne font en réalité qu'abêtir une nation,qu'émousser sa sensibilité aux grandscourants culturels et intellectuels quiagitent le monde. Une révolution dansl'ouverture culturelle pourrait avoirdes conséquences importantes tantdans la politique sociale d'un paysque dans les affaires internationales.

En ce commencement de leur troi¬

sième siècle d'existence, les Etats-Unis devraient donc franchir une fron¬

tière nouvelle. Cela pourrait conduirece pays à mieux se connaître lui-même et à fonder une communauté

où le pluralisme serait à la fois sourced'avenir, donnée fondamentale etcause de fierté.

Yen Lu WongHerbert Chivambo Shore

1 1 J::

-

*" 4 \. U-ljMllll

quand l'Indien se penchesur son passéQuelque 800 000 Indiens vivent ici et làaux Etats-Unis ou dans les réserves où

se regroupe volontairement la moitiéde cette population. Les Indiens sont entrain de redécouvrir leur passé et leursanciennes cultures tout en s'initiant à

la vie moderne. En haut : collège envoie d'achèvement dans une communau¬

té d'Indiens Navajos; il se trouve dansla réserve Navajo qui couvre 65 000 km2et s'étend sur une partie de l'Arizona,du Nouveau-Mexique et de l'Utah. Aucentre, enfants Navajos en classe;selon la coutume Navajo, de vieillesdames de la tribu participent auxleçons. En bas, au Festival of Ame¬rican Folklife, organisé chaque annéepar la Smithsonian Institution àWashington D.C., deslndienslroquoisdel'Est des Etats-Unis font une démons¬

tration dé Lacrosse, jeu indien tradi¬tionnel, aujourd'hui largement répanduau Canada et aux Etats-Unis.

L'IMPORTANCE

DES DONATIONS PRIVÉES

DANS L'ART AMÉRICAIN

Photo © Olhe Pfeifter, Washington D.C (Revue Toprc)

*

L GOLDEN ^ .

->

1 niAimsi

wwSfSiire

1 .SÉRICAP

MAT »-octao

\ .^^

1> k^f ^^^ ^-

'm V -û- 1

(D 1

ElEcu 1

o 1

,m\

o\ «»O i

O-C

û_

^ b

Photo © Michael Lawton, Washington D.C. (Revue Toprc)

En 1966, Joseph H. Hirshhorn, qui, de Lettonie avait émigréaux Etats-Unis en 1905, fit don aux Américains de son impor¬tante collection de peintures et sculptures modernes, réuniespendant plus de 40 ans. Pour la recevoir, le Congrès des Etats-Unis créa à Washington, D.C, le « Hirshhorn Museum andSculpture Garden », important centre d'art, qui vient s'ajouteraux 2 500 musées et galeries d'art des Etats-Unis. Ils reçoiventchaque année plus de 100 millions de visiteurs. Inauguré le4 octobre 1974, le Musée fait partie de la SmithsonianInstitution, vaste ensemble de musées et de centres de

recherche pour les arts, les sciences et l'histoire. La collectionpermanente du Musée Hirshhorn comprend 4 000 peintureset 2 000 sculptures des années 1850 à nos jours. (1 ) Le Muséeen lui-même, sculpture moderne monumentale, cylindre de25 m de haut, repose sur 4 piliers. Cet édifice suscita nombrede controverses. (2) Le Musée vu du sol ; quelques-unes dessculptures modernes sont exposées dans la vaste cour de35 m de diamètre. (3) A l'intérieur du Musée, les visiteurs

lors d'une grande exposition intitulée « La porte d'or :Artistes-Immigrés d'Amérique, 1876-1976 ». Elle présenteles auvres de 67 peintres, sculpteurs, architectes et photo¬graphes et rend hommage aux artistes-immigrés. Ci-contre,,quelques-unes des suvres exposées dans le cadre de « Laporte d'or ». Les 26 000 fondations privées des Etats-Unisjouent un rôle de grande importance, aidant les arts, leslettres et la recherche. Plus de 2 500 d'entre elles possèdent,les unes des actifs de l'ordre d'un million de dollars, les

autres font des dons de 500 000 dollars par an. Trois des plusgrandes fondations, la Ford Foundation, la RockfellerFoundation et la Duke Endowment distribuent plus de250 millions de dollars par an, les deux-tiers allant à desprogrammes éducationnels ou culturels. Une contributionparticulièrement importante dans le domaine des arts futcelle de 20 millions de dollars, accordée par le A.W. MellonEducational and Charitable Trust pour la construction etl'entretien de la National Gallery of Arts de Washington, D.C.

38

Photo © Gamma, Paris Photo © Gamma, París

FREDERICK KIESLER. Le Gong(1963-1964)Né à Czernowitz, Autriche-Hongrie, en1890. Emigré aux Etats-Unis en 1930.

NAUM GABO. Construction

n° 4 (1959-1961)Né à Briansk, Russie, en 1890. Emigréaux Etats-Unis en 1946.

â

MARK ROTHKO. Bleu, Orange, Rouge(1961)Né à Dvinsk, Russie, en 1903. Emigré auxEtats-Unis en 1913.

GASTON LACHAISE. Femme Debout

(Femme héroïque) (1932)Né à Paris en 1882. Emigré aux Etats-Unis en 1906

WALTER GROPIUS. Projet de concourspour l'immeuble du ChicagoTribune (1922)Né à Berlin en 1833. Emigré aux Etats-Unis en 1937.

-4PIET MONDRIAN. Etude pour Broad¬way Boogie-Woogie (1942)Né à Utrecht, Pays-Bas en 1872. Emigréaux Etats-Unis en 1940.

Photo © Arnold Newman, Hirshhorn Museum and Sculpture Garden,

Smithsonian Institution, Washington D.C.

par Nancy Hanks

QUAND L'ETAT

SE FAIT MÉCÈNEl'épanouissementde la libre création artistiquedans l'Amérique modernefavorisée par l'aide gouvernementale

LA vie c'est ce qui se passependant que nous pen¬

sons à autre chose. » Cette formule

s'applique aussi bien aux nationsqu'aux individus. Lorsque, il y a deuxcents ans, treize colonies se décla¬

rèrent indépendantes de la lointainecouronne britannique, les Pères-Fon¬dateurs établirent de vastes plans des¬tinés à garantir « la vie, la liberté etla recherche du bonheur. »

Ils se mirent immédiatement à la

tâche et instaurèrent un gouvernementreprésentatif. Mais ils différèrent d'au¬tres idéaux, comme l'épanouissementdes arts, but qui fut négligé pendant190 ans.

La plupart des Pères-Fondateurs te¬naient les Beaux-Arts en grande es¬time ; ils pensaient que le gouverne¬ment devait les encourager. L'une deschoses à laquelle pensait Thomes Jef¬ferson en parlant de « la recherche dubonheur», j'en suis sûre, c'était lapossibilité de s'adonner à des activitésculturelles. Il est vrai que d'autres pro¬blèmes pratiques, bien plus urgents àrésoudre, se posaient à cette nationen pleine croissance.

Benjamin Franklin, diplomate éclairéet homme de science à l'esprit émi¬nemment pratique, le dit très simple¬ment : « Chaque chose en son temps ;les jeunes nations sont comme lesjeunes hommes, il faut brimer leurimagination pour en renforcer le senscritique... Pour l'Amérique, un maîtred'école vaut une douzaine de poètes ;

NANCY HANKS qui préside la Fondationnationale des Etats-Unis pour les Arts etle Conseil national pour les Arts, étaitauparavant adjointe au Sous-secrétaire d'Etatdu Département de la Santé, de l'Educationet du Bien-être; elle a été assistante spéciale.Bureau des projets spéciaux, à la MaisonBlanche. Elle a appartenu à la Commissionnationale américaine pour l'Unesco de1970 à 1975.

l'invention d'une machine ou l'amélio¬

ration d'un outil revêt plus d'impor¬tance qu'un chef-d' de Raphaël. »

La Constitution entra en vigueur en1789. Elle était destinée à « assurer

les bienfaits de la liberté pour nous-mêmes et notre postérité. » GeorgeWashington, reconnaissant l'impor¬tance des arts et de l'éducation, écri¬vait que les membres du Congrès de¬vaient faire « tous leurs efforts pouraméliorer l'éducation et les manières

des gens, accélérer le progrès desarts et des sciences, encourager lesBuvres de génie... et veiller avec soinsur des institutions favorables à l'hu¬

manité tout entière. »

Ailleurs, il insiste sur la nécessitéde créer une université nationale pourfavoriser « l'épanouissement des artset des sciences. »

John Adams, notre second Prési¬dent, expliquait dans une lettre à safemme, Abigail : « Je dois étudier lapolitique et la guerre pour que mesenfants puissent avoir la liberté d'étu¬dier les mathématiques et la philoso¬phie, de sorte que leurs fils puissentétudier la peinture, la poésie, la mu¬sique et l'architecture. » A l'époque,il n'y avait nul doute sur le choix despriorités.

La sécurité physique et politique ve¬nait d'abord sur la liste des préoccu¬pations fédérales, suivie de l'économieet du commerce. Les arts n'avaient

qu'à attendre. (Si la vision d'Adamsne manquait pas de noblesse, soncalendrier était trop bien optimiste.Son fils, John Quincy Adams, étudiala politique aussi et devint le sixièmePrésident des Etats-Unis).

Le nouveau gouvernement se voulaitavant tout pratique. Les arts, active¬ment encouragés par les tous pre¬miers colons européens, se virentalors privés de tout soutien officiel.

Dans la première moitié du 16" siè¬cle, les Espagnols construisirent desécoles de missionnaires dans le Sud-

Ouest. Créées sur le modèle des

écoles de cathédrales du Moyen Age,elles accordaient une place privilégiéeà l'enseignement musical et appre¬naient aux élèves non seulement à

composer de la musique, mais encoreà jouer des instruments, voire mêmeà les construire. Cette tradition s'est

malheureusement perdue; et, de l'avisgénéral, les arts restent les parentspauvres de l'éducation publique.

Le gouvernement fédéral s'intéressaaux arts pour la première fois lors dutracé des plans architecturaux desti¬nés à l'édification de la capitale, Was¬hington, D.C. A cette époque, la pla¬nification urbaine était une tradition

respectée. Les plans des premièresvilles de la Nouvelle-Angleterre, parexemple, étaient méticuleusement tra¬cés autour de pâturages, les commons(communaux) qui appartenaient à tousles citoyens.

Construite sur les rives maréca¬

geuses du Potomac, la nouvelle capi¬tale devait être une ville monumentale

où les bâtiments publics refléteraientles idéaux de la République.

Les talents locaux étant rares, lesplans de la ville furent établis parPierre L'Enfant, ingénieur et architectefrançais, qui s'était distingué dansl'Armée continentale. Le Capitole futdessiné par William Thornton, méde¬cin natif des Iles Vierges et qui fit sesétudes en Ecosse. Thornton et Etienne

Hallett, architecte d'origine française,étaient responsables de la plupart despremières constructions, élevées pardes artisans européens et des escla¬ves. Mais une grande partie disparutdans l'incendie de la ville, lors de laGuerre de 1812 contre les Anglais.

D'après le Traité de Gand (qui, en1814, mit un terme à la Guerre), leCapitole et la Maison Blanche furentrebâtis et les premiers débats sérieuxconcernant le patronage des arts parles instances fédérales commença.

Il s'agissait, à l'origine, de décora¬tions destinées au Capitole. Une loifut adoptée pour la commande « de

40

Aux Etats-Unis, le public peut avoir accès à de nombreuses manifestations artistiques grâce àcertaines interventions du gouvernement. Ainsi, au cours de la dernière décennie, de la Fondationnationale des Etats-Unis pour les Arts qui a suscité d'innombrables activités culturelles et permis à5 000 écoles d'inviter des artistes professionnels à présenter eux-mêmes leurs travaux auxétudiants. Ici, répétition d'un groupe de musiciens à New York.

quatre peintures retraçant les princi¬paux événements de la Révolution » ;elles orneraient la rotonde. Quelquesdéputés se demandaient si « le mé¬cénat du gouvernement des Etats-Unis se justifiait. » Mais d'autres avisl'emportèrent et John Trumbull futchargé de l'tuvre.

Artiste qui révéla de bonne heureun talent remarquable, puis héros dela guerre d'Indépendance, Trumbulldevait être sur le déclin de sa carrière

quand il termina ses toiles. La décep¬tion fut générale, même parmi sespartisans les plus fervents au Congrès.Quant aux opposants de la premièreheure, ils insistaient sur le gaspillagedes deniers publics.

Entretemps, en 1832, un âpre débats'était engagé à propos d'une statuecommemorative de George Washing¬ton. « Chaque nation responsable ahonoré la mémoire de ceux qui ontété les sauveurs de leur pays », affir¬mait l'un des « supporters » de lasculpture colossale, en marbre, dontle coût s'élevait à 20 000 dollars.

« Le monument à Washington, nousrelèverons dans notre csur, répliquaun autre, nous ne voulons pas confierce souvenir à de la pierre périssable ».

La motion fut adoptée. L'un des sculp¬teurs les plus en vue à l'époque,Horatio Greenough, qui vécut en Italie,fut chargé de l'exécution du monu¬ment.

Greenough voulant traiter son sujeten « néoclassique », il gratifia « lepère de son pays » d'un accoutrementoù les uns virent une toge et les autresune serviette de bain. Certains jugé-'rent la pose classique, mais les dé¬tracteurs furent scandalisés : Was¬hington avait le torse nu.

La fureur se déchaîna. Bien plustard, en 1876, un visiteur affirmait quecette sculpture restait « l'iuvre d'artla plus ambitieuse et la plus critiquéedu Capitole ».

Mais ailleurs, au Capitole, des con¬cessions furent faites aux goûts lo¬caux. Les chapiteaux des colonnesfurent ornés de feuilles de tabac et de

maïs en lieu et place de l'acanthecorinthienne. Constantino Burmindi,fresquiste italien, décora l'intérieur.Son style, exotique et baroque choquatout à la fois les députés et les ar¬tistes locaux.

En fait les peintres américains man¬quaient de formation et d'expérienceclassique pour la décoration des édi

fices publics. Il n'y avait d'ailleursqu'un marché restreint : portraits etpeinture de genre et de chevalet.

En 1858, un comité d'artistes pro¬testa et le Président Buchanan nommaune Commission des Arts. Celle-ci se

révéla tellement inefficace que, dixans plus tard, un critique concluait :« Depuis des années, l'art a été enquelque sorte, abandonné à lui-même. »

L'historienne Lillian B. Miller rap¬pelle que les préoccupations qui dé¬bouchèrent sur la Guerre civile éclip¬sèrent toute considération de patron-nage artistique pour l'Etat fédéral.Aussi, les progrès enregistrés dans ledomaine culturel furent-ils tous le fait

d'initiatives ou de mécènes privés.

En 1877, une loi fut présentée, éta¬blissant un conseil national des ques¬tions artistiques. Elle ne passa pas.En 1891, le Président Harrison trans¬forma l'École de musique de New Yorken Conservatoire national de musiqueet Anton Dvorak en devint pour troisans le directeur artistique.

L'institution ne bénéficia d'aucun

fonds public et dut finalement fermerses portes. En 1910, le Président Tafucréa une Commission des Beaux-Arts, r

41

( destinée à conseiller la Maison Blan¬che et le Congrès, mais elle limita sescentres d'intérêts à la capitale.

C'est seulement dans le courant des

années 1930 que, pour des raisonséconomiques plutôt que culturelles, legouvernement fédéral s'intéressa auxarts à l'échelle nationale.

Le Président Franklin Roosevelt

créa la Works Progress Administration(WPA, Administration pour l'avance¬ment des travaux), une des nombreu¬ses agences instituées pour tenterd'enrayer la crise nationale, la GrandeDépression.

Il y avait des millions de chômeurs.La WPA engagea nombre d'entre euxdans la construction de routes, ponts,écoles, bibliothèques, hôpitaux, parcset autres travaux publics. Mais HarryHopkins, administrateur de la WPA ditque les artistes « devaient mangeraussi ». Peintres, écrivains, acteurs etmusiciens furent alors employés à unesérie de nouveaux projets publics.

Il fallait avant tout fournir à tout

Américain valide un emploi rétribué,lequel, on l'espérait, préserverait lestalents pendant la crise. Aussi, la na¬ture même du travail proposé était-elle de peu d'importance. Et pourtant,nombreuses furent les euvres de va¬

leur suscitées par cette entreprise.

AUJOURD'HUI, les critiques d'artattribuent à l'action de laWPA,

le fait que la Villle de New York soitdevenue une capitale en matière d'art.La Ville a, en effet, payé les artistespour qu'ils peignent des sujets de leurchoix, et elle a ensuite revendu cestoiles à des fripiers, au mètre carréou même au poids.

Les artistes ont créé 18 000 scul¬

ptures, 108 000 peintures de chevalet,239 727 gravures, 500 000 photogra¬phies et 2 500 peintures murales.Jackson Pollock, Willem de Kooninget Mark Rothko, entre autres, troiséminents peintres modernes purentsurvivre à la Grande Dépression grâceaux subsides de la WPA.

Le Federal Writers' Project (projetfédéral pour les écrivains) s'avéra êtrel'un des projets les plus ambitieux etcouronné de succès. Son but : publierdes séries de guides portant sur l'his¬toire de chacun des Etats américains.

Les administrateurs fédéraux enga¬gèrent des écrivains professionnels etdes amateurs pour compiler ces his¬toires locales ; celles-ci furent ensuiteéditées par des maisons commercialeset mises en vente.

Vaste entreprise à laquelle partici¬pèrent de jeunes écrivains comme :Richard Wright, Conrad Aiken, SaulBellow, Ralph Ellison, John Cheever,Frank Yerby et Kenneth Rexroth.L'ouvre ne suscita pas de contro¬verse, peut-être parce que tous lesécrivains travaillaient dans un même

registre à l'avance défini et sanssurprise.

En revanche et presque dès sa créa¬tion, le Théâtre fédéral fut attaqué detoutes parts. D'abord, on y présentaitdes pièces contemporaines âprementcritiquées par quelques Congressistesqui en étaient choqués moralement etpolitiquement. Ensuite de nombreusesfirmes commerciales objectèrent queles subventions fédérales constituaient

une concurrence déloyale. Le fait estque le Théâtre fédéral semblait fairepreuve d'audace et d'allant alors queBroadway rabâchait des poncifs.

Les critiques applaudissaient et lepublic accourait aux pièces de Sha¬kespeare, aux opérettes de Gilbert etSullivan, aussi bien qu'à ces « LivingNewspapers » (journaux vivants) auxthèmes d'actualité. Avec des acteurs

comme Orson Welles et John House¬

man, 158 compagnies jouèrent devantplus de 25 millions de spectateurs. Onpensait que c'était là les débuts d'un« théâtre national », itinérant et au ré¬pertoire varié. Hélas, les critiques tuè¬rent ce programme.

Des orchestres aussi recevaient des

subventions de la WPA. Ils atteignirentquelque 150 millions d'auditeurs grâceaux concerts en direct et aux retrans¬

missions radiodiffusées. L'Index of

American Design catalogua et préser¬va l'histoire des arts décoratifs aux

Etats-Unis. Des artistes profession¬nels, venus de toutes les branches,enseignèrent leur savoir dans de nou¬veaux centres communautaires.

En tout, la WPA employa 8,5 millionsde personnes qui en faisaient vivreplus de 30 millions. Certaines des

étaient sans valeur et pourtantune génération entière de créateurs etd'artistes américains put traverser laGrande Dépression en continuant àtravailler.

Comme le disait le Président Roo¬

sevelt : « Mieux vaut les fautes occa¬

sionnelles d'un gouvernement qui vitdans un constant esprit de charité queles constantes omissions d'un gouver¬nement gelé dans les glaces de sapropre indifférence. » Avec la fin dela Dépression, les programmes de laWPA furent stoppés, et taries les sub¬ventions fédérales attribuées aux arts

et aux artistes. Mais il y avait eu unprécédent.

En 1951, le Président Harry Trumandemanda à l'ancienne Commission

des Beaux-Arts d'étudier les moyensdont disposait le gouvernement pouraider à nouveau les arts. La commis¬

sion fit son rapport au PrésidentDwight D. Eisenhower qui, en 1958,signa une loi créant et établissant uncentre culturel national à Washington.

Cette institution reçut finalement lenom de The John F. Kennedy Centerfor the Performing Arts (Centre JohnF. Kennedy pour les arts du spectacle)en l'honneur du Président assassiné,le premier des Présidents modernes àaccorder une attention soutenue aux

activités culturelles. Kennedy avaitl'intention de nommer un assistant

pour les affaires culturelles, destiné àle conseiller ; il nomma un Conseil

national des arts, mais après sa mort,cette tâche revint à son successeur,Lyndon B. Johnson.

Résumons une longue histoire : lePrésident Johnson alla personnelle¬ment, en 1965, persuader le Congrèsd'adopter le projet de loi qui devaitcréer la National Endowment for the

Arts (Fondation nationale pour lesarts) ainsi que son pendant la NationalEndowment for the Humanities.

Avant de signer cette loi, le Prési¬dent déclara : « Au cours de la longuehistoire de l'homme, d'innombrablesempires et nations apparaissent et dis¬paraissent. Ceux qui n'ont pas su créerdes �uvres d'art durables sont au¬

jourd'hui réduits à de petites notesdans les catalogues de l'Histoire.

« L'art est le plus précieux héritaged'une nation. Car c'est dans nos

vres d'art que nous révélons à nous-mêmes et aux autres cette vision inté¬

rieure qui nous guide en tant quenation. Et là où il n'y a pas de vision,le peuple périt... Pour récolter des ré¬sultats authentiques et durables, nosEtats et nos municipalités, nos écoleset nos grandes fondations privéesdoivent unir leurs efforts aux nôtres.

C'est dans le bon voisinage de chaquecommunauté que naît l'art d'une na¬tion. Dans d'innombrables villes amé¬

ricaines vivent des milliers d'hommes

aux talents obscurs et inconnus. En

vérité, ce que vise cette loi, c'est ap¬porter une contribution active à cettegrande richesse nationale, c'est revi¬vifier les arts dans notre pays. »

LES deux fondations ont enregis¬trés une forte croissance au

cours de la dernière décennie. La pre¬mière année, le budget de la Fonda¬tion pour les arts s'élevait à 2,5 mil¬lions de dollars. Aujourd'hui, en 1976,il est de 82 millions de dollars.

Somme énorme certes, mais ce bud¬

get ne représente que 40 cents parhabitant, soit le prix d'affranchisse¬ment de trois lettres.

La mission de la Fondation : susci¬

ter et aider le plus grand nombre pos¬sible d'activités culturelles dans la

nation. D'ailleurs, les artistes profes¬sionnels tout comme les organisationsartistiques peuvent s'adresser à laFondation pour en obtenir des sub¬ventions. Il va de soi que nous rece¬vons bien plus de demandes que nousn'en pouvons satisfaire.

Aussi faut-il choisir, mais ce choixn'esf pas le fait de bureaucrates fédé¬raux ou d'hommes politiques. Les dé¬cisions sont prises par des comitésrenouvelables d'experts profession¬nels pour chacun des domaines duprogramme : musique, danse, théâtre,cinéma, télévision et radio, littérature,musées, arts visuels et architecture.(En plus de ces neuf domaines con¬cernant une discipline précise, troisprogrammes interdisciplinaires s'oc¬cupent de questions diverses : donsforfaitaires à des agences artistiques

42

LE

FONDATEUR

DE LA

PENNSYLVANIE

PLAIDE

POUR LES

ÉTATS-UNISD'EUROPE

EN 1693

WILLIAM PENN (1644-1718)

Suj'et britannique, William Penn avait reçu, en 1681,une concession de son souverain sur un territoire amé¬

ricain qui fut appelé Pennsylvanie et perpétua ainsi lamémoire de son nom. Penn fonda la ville de Phila¬

delphie en 1682. Son duvre de légiste inspira la consti¬tution de la Pennsylvanie et l'influence de ses idéeslibérales est présente jusque dans la Constitution desEtats-Unis. Penn joua un très grand rôle dans le quaké-risme. Son nom occupe en outre une place eminentedans l'histoire de la recherche de la paix. Le passageci-après est tiré de son Traité sur la paix présente etfuture de l'Europe, publié à Londres en 1693, et traduiten français dans William Penn et les Précurseurs duMouvement européen, par Armand Langson, éd. Lapensée universelle, Paris 1973.

Si les souverains d'Europe se mettaient d'accord pour serencontrer, par leurs délégués, dans une Diète générale, unEtat ou un Parlement, et y établir des règles de justice àobserver mutuellement par eux tous, se réunir ainsi tous lesans ou une fois tous les deux ou trois ans, ou lorsque celaparaîtrait utile ; pour porter devant cette souveraine assem¬blée tous les différends en suspens qui n'auraient pu êtreréglés avant la session par le moyen des ambassades ; s'ilsétaient d'accord aussi pour qu'au cas où l'une des souve¬rainetés participantes refuserait de soumettre au jugement dela Diète ses réclamations ou prétentions, ou d'accepter etd'exécuter la décision intervenue, ou chercherait une solu¬tion par les armes, ou n'exécuterait pas ses obligations dansle temps fixé par la sentence, toutes les souverainetés réuniesen une seule force obligent cet Etat à se soumettre... alorscertainement l'Europe obtiendrait par ce moyen la paix tantdésirée par ses habitants torturés, harassés. Aucune nationn'aurait la puissance de discuter les décisions prises et,la paix serait donc obtenue et maintenue dans l'Europe.

William Penn

UN

EUROPÉENOBSERVAIT

LES

ÉTATS-UNISEN 1832

ALEXIS DE TOCQUEVILLE (1805-1859)Ecrivain et homme politique français, ¡I séjourna auxEtats-Unis (1831-1832) et publia après son retour àParis un volumineux ouvrage qui restera célèbre :De la démocratie en Amérique, dont nous présentonsici quelques paragraphes.

Aux extrêmes limites des Etats confédérés, sur les confinsde la société et du désert, se tient une population de hardisaventuriers qui n'ont pas craint de s'enfoncer dans les soli¬tudes de l'Amérique. A peine arrivé sur le lieu qui doit luiservir d'asile, le pionnier abat quelques arbres à la hâte etélève une cabane sous la feuillée. Qui ne croirait que cettepauvre chaumière sert d'asile à la grossièreté et à l'igno¬rance ? Il ne faut pourtant établir aucun rapport entre lepionnier et le lieu qui lui sert d'asile. Tout est primitif etsauvage autour de lui, mais il porte le vêtement des villes, enparle la langue ; sait le passé, est curieux de l'avenir, argu¬mente sur le présent ; c'est un homme très civilisé, qui sesoumet à vivre au milieu des bois, et qui s'enfonce dans lesles déserts du nouveau monde avec la Bible, une hache etdes journaux. Il est difficile de se figurer avec quelle incroya¬ble rapidité la pensée circule dans le sein de ces déserts.

L'Amérique est l'un des pays du monde où l'on étudie lemoins et où l'on suit le mieux les préceptes de Descartes.

Souvent l'Européen ne voit dans le fonctionnaire publicque la force ; l'Américain y voit le droit. On peut donc direqu'en Amérique l'homme n'obéit jamais à l'homme, mais à lajustice ou à la loi.

La presse exerce un immense pouvoir en Amérique. Ellefait circuler la vie politique dans toutes les portions de cevaste territoire. C'est elle dont l' toujours ouvert met sanscesse à nu les secrets ressorts de la politique, et force leshommes politiques à venir comparaître tour à tour devant letribunal de l'opinion. C'est elle qui rallie les intérêts autour decertaines doctrines et formule les symboles des partis. Lors¬qu'un grand nombre des organes de presse parvient à mar¬cher dans la même voie, leur influence à la longue devientpresque irrésistible, et l'opinion publique frappée toujours dumême côté, finit par céder sous leur coup. Aux Etats-Unis,chaque journal a individuellement peu de pouvoirs ; mais lapresse périodique est encore, après le peuple, la premièredes puissances.

Alexis de Tocqueville

d'Etats, soutien des arts locaux, eth¬niques et populaires, etc.).

Les décisions du Comité sont revues

par le Conseil national des Arts (corpsconsultatif de la Fondation). Ses listescomprennent des artistes aussi fa¬meux que James Earl Jones, HelenHayes, Charlton Heston, Sidney Poi-tier, Gregory Peck et Clint Eastwood ;des musiciens comme Marian Ander¬

son, Rudolph Serkin, Duke Ellington,Beverly Sills, Billy Taylor, Van Cliburn,Isaac Stern, Leonard Bernstein et Ri¬chard Rogers ; des danseurs commeAgnès de Mille, Edward Villella etJudih Jamison ; des peintres et dessculpteurs comme James Wyeth etDavid Smith ; des écrivains commeJohn Steinbeck, Eudora Welty et RalphEllison.

Chaque projet, artiste ou organisa¬tion ne reçoit qu'une somme relative¬ment modeste. Mais ces petites sub¬ventions fédérales permettent à telécrivain ou tel peintre de terminer une

qui, souvent, reçoit l'approba¬tion du grand public.

Ces subventions ont permis auxthéâtres et orchestres sans buts lucra¬

tifs de boucler leur budget malgrél'augmentation annuelle des coûts.Elles ont permis dans tout le pays à5 000 écoles d'inviter des artistes pro¬fessionnels à tenir des séances de tra¬vail avec les étudiants. Elles ont aidé

des groupes locaux et ethniques àlancer des projets culturels intéres¬sant toute leur communauté. Elles ont

permis à de grandes compagnies de

danses ou d'opéras de se produiredans de toutes petites villes.

Bref, grâce aux activités culturelleset artistiques, cette Fondation vieille

d'à peine dix ans a aidé tous les Amé¬ricains artistes et spectateurs àmieux réaliser ce rêve de « vie, libertéet recherche du bonheur », vieux de200 ans.

« La vie, c'est ce qui se passe pen¬dant que nous pensons à autrechose », à l'avenir. Entretemps, la viede millions d'individus a été enrichie

et les de créateurs américains

sont devenues célèbres dans le mondeentier.

Nancy Hanks

43

« Dans une démocratie, le principe decontestation est tellement précieuxqu'il faut tout faire pour le maintenir »déclarait Thomas Jefferson, auteur de

la Déclaration d'Indépendance. Unprincipe resté très vivace dans la vieaméricaine, ainsi qu'en témoigne cesmanifestants réclamant le pleinexercice des droits civiques pour lesNoirs, à Washington en 1 963 (ci-dessus)et à Montgomery, capitale de l'Alabama,en 1965 (au centre). A New York(tout à droite), on manifeste enfamille pour la paix.

par William W. Davenport

LE Bicentenaire de l'Indépendan¬ce suscite de la nostalgie, quel¬

que satisfaction et un grand déchire¬ment pour les Américains.

Il nous aurait fallu étendre depuislongtemps les principes révolution¬naires et fondamentaux de l'Amérique,selon lesquels « tous les hommesnaissent égaux », aux Noirs, aux autresminorités et surtout aux Indiens, dé¬possédés par nos ancêtres.

WILLIAM W. DAVENPORT, écrivainaméricain, réalisateur de film et professeurd'université, a été de 1968 à 1974 Directeurde Reid Hall, le centre universitaire américain

le plus important à Paris. Ancien professeurd'anglais et de journalisme à l'Université deHawaii, il a écrit de nombreux ouvrages etarticles sur les voyages, l'art et la culture.Signalons, au nombre de ses publications,200 ans d'amitié franco-américaine (publiépar le ministère français de la qualité de lavie, 1975)

Photo Bruce Davidson '^ Holmes-Lebel, Pari-

LES ETATS-UNIS

UNE REVOLUTION

QUI CONTINUELa bataille menée pour les droits ci¬

vils des Noirs se poursuit. Quelquesjalons : 1957, création de la Commis¬sion nationale des droits civils ; 1960 :décision de la Cour Suprême des Etats-Unis, elle stoppe la discriminationdans les restaurants ; en 1963

250 000 citoyens, Noirs et Blancs, mar¬chent sur Washington pour demanderl'application des droits civils et unecomplète égalité raciale ; 1972 : forma¬tion du People's State of the Union,organisation formée de douze groupescomprenant des Indiens, des person¬nes âgées, etc., et qui lutte pour l'ins¬tauration des droits civils.

Plus récemment, le 8 août 1975, leVoting Rights Act (ioi sur le droit devote), a été revu pour pouvoir y inclu¬re plus d'un million d'Américains delangue espagnole et autres minoritéslinguistiques.

Les statistiques indiquent les pro

grès enregistrés : en 1965, dans lesEtats du Sud des Etats-Unis, il yavait 72 Noirs élus aux différents

mandats, national, municipal et dansles Etats. Aujourd'hui, il y en a unmillier.

On compte aux Etats-Unis, une cen¬taine de groupes de défense desdroits civils. L'un des plus anciens etdes plus puissants, VAmerican CivilLiberties Union, fut fondé en 1920« pour défendre les droits de l'hommeétablis par la Déclaration d'Indépen¬dance et la Constitution ». Il comptemaintenant 50 groupes affiliés, dans46 Etats de l'Union et 250 000 mem¬

bres.

Les cas qu'il a porté devant la CourSuprême sont d'une extrême diversité,et vont par exemple du refus des Té¬moins de Jéhovah de saluer le dra¬

peau national, jusqu'à la suppressionde la censure frappant Ulysse, l'ou¬vrage de James Joyce.

44

Gardienne des libertés individuelles,l 'American Union se préoccupe main¬tenant de la condition des Indiensaméricains, ces 400 000 descendantsdes premiers occupants de l'Amé¬rique du Nord. L'expropriation deleurs terres, la destruction de leur

mode de vie ont été rapportées avecéclat par Dee Brown dans son livreBury my Heart at Wounded Knee (En¬sevelis mon ciur à Wounded Knee).Ce best-seller, Case de l'Oncle Tomde notre temps, provoqua en Amé¬rique la prise de conscience d'uneautre injustice raciale.

En 1973, 200 membres de ¡'AmericanIndian Movement se saisirent duhameau de Wounded Knee, dans leDakota du Sud. Ils renversèrent le

gouvernement tribal, et élu, de la ré¬serve des Sioux. Bien qu'il s'agîtd'une lutte intestine, la Maison Blan¬che envoya ses représentants rencon¬trer les Sioux et discuter avec eux

du dédommagement à leur verserpour la spoliation de leurs terresexpropriées par nos ancêtres et en¬quêter à fond sur les doléancesexprimées par les Indiens.

La même année, l'un des plusgrands acteurs américains, MarlonBrando, fit beaucoup parler de luipour avoir refusé l'Oscar attribué par{'Academy of Motion Pictures, Artsand Sciences des Etats-Unis. Il dé¬

nonçait l'industrie cinématographique,laquelle « avilissait les Indiens et n'en

Il y a 2 sièclesune énergiquerevendication

féministe

Abigail Adams

En mars 1776, trois mois avant la Déclaration d'Indépen¬

dance, Abigail Adams présentait dans les termes suivants

la grande revendication des droits de la femme, dans une

lettre à son mari John Adams, l'un des signataires de la

Déclaration, qui sera le deuxième président des Etats-

Unis :

« A ce propos, je souhaite que vous n'oubliiez pas les

femmes et que vous soyez mieux intentionné à leur égard

que ne le furent vos ancêtres. Ne placez pas entre les

mains des maris un pouvoir aussi illimité. Souvenez-vous

que tous les hommes seraient des tyrans s'ils le pouvaient.

Si les femmes ne font l'objet du souci et de l'attention les

plus extrêmes, nous sommes résolues à nous rebeller et à

n'être point tenues à respecter des lois élaborées sans nos

voix ou notre représentation. »

A ces énergiques propos de Mme Adams ajoutons cette

remarque du Français Alexis de Tocqueville qui voyagea

aux Etats-Unis il y a 145 ans (voir aussi page 43) :

« Si on me demandait à quoi je pense qu'il faille princi¬

palement attribuer la prospérité singulière et la force

croissante du peuple américain, je répondrais que c'est à

la supériorité de ses femmes. »

présentait qu'une caricature ». Lesefforts de Brando, redresseur de torts,suscitèrent l'approbation de la jeunegénération américaine, appelée main¬tenant à expier « les péchés de leurspères ».

Je voudrais parler de cette nou¬velle génération, héritière de la Révo¬lution américaine et de la tendance

américaine à critiquer ce qui estaméricain. Dans cette attitude parti¬culière, Robin Winks (voir page 9)voit la preuve que notre société netriche pas, qu'elle est réellement unesociété « ouverte ».

Pendant six années décisives, de1968 à 1974, j'ai bien connu cettegénération alors que j'étais directeurde Reid Hall, à l'époque l'un descentres universitaires américains les

plus importants à Paris. J'ai beaucoupappris des quelque 5 000 étudiantsque j'ai rencontrés pendant cette pé¬riode. A travers leur soif passionnéede justice, de paix, d'égalité racialeet de droits civils, j'ai acquis laconviction que les principes de notrerévolution sont encore vivants et quenous sommes toujours un peuple ré-^volutionnaire. r

45

Chez ces étudiants, et surtout chezleurs dirigeants, c'était la colère quiremportait. Et cette colère, c'était,chez chacun d'eux, l'injustice sociale,la cruauté et la stupidité de la guerredu Viêt-nam qui la provoquaient. Ilsprotestaient. Ils n'étaient pas d'ac¬cord. Et ceux qui les condamnaientavaient oublié les mots de Thomas

Jefferson : « Dans une démocratie, leprincipe de contestation est tellementprécieux, qu'il faut tout faire pour lemaintenir. »

Qu'une guerre impopulaire ait puêtre arrêtée par la désapprobation et

la contestation des citoyens, voilà uncritère de la vitalité de la Révolutionaméricaine.

Autre témoignage de la permanencede cette révolution : une populationavertie et parfaitement informée parune presse libre, peut forcer un prési¬dent à se démettre de ses fonctions

sous l'accusation d'entraves au libre

exercice du système américain, res¬triction du pouvoir exécutif grâce auconcept révolutionnaire de freins etcontre-poids.

Nous possédons une tradition révo¬lutionnaire, l'indispensable liberté et

l'habitude salutaire de nous criti¬

quer nous-mêmes ; nous, Américains,croyons au progrès matériel et moralet à notre propre amélioration, et pardessus tout, nous avons la volontéde parvenir au plein exercice deslibertés individuelles, clairement énon¬cées dans le Bill of Rights (les dixpremiers amendements de la Déclara¬tion des Droits ou Constitution).L'Amérique était une promesse ; ellele demeure.

William W. Davenport

les aventures d'un citoyen du monde (SUITE DE LA PAGE 30)

devait être pour moi un foyer m'aità peine procuré un asile ».

Certains Etats finirent par compren¬dre ce que la Révolution devait à cefranc-tireur qui l'avait si bien- servie,et lui décernèrent des récompenses.Le Congrès les imita en lui votant une« gratification libérale » de 3 000 dol¬lars « en considération de ses services

et des bienfaits qu'ils avaient pro¬duits ».

Retiré dans sa petite maison deBordentown, dans le New Jersey,Paine projetait de mener une viecalme et consacrée à des travaux

scientifiques. Il avait notamment réa¬lisé le modèle d'un pont de fer d'uneconception audacieuse.

Il voulut cependant revoir l'Angle¬terre. Quand il s'embarqua pour l'Eu¬rope, au cours de l'été de 1787, il étaitloin de penser qu'il ne reviendraitqu'au bout de quinze ans dans « sabien-aimée Amérique ».

A Londres, Paine travailla à faire

connaître l'Amérique aux Anglais,mais son but était surtout de provo¬quer une réforme de la Constitution

britannique et d'instaurer le suffragepopulaire. Dans ses Points de vuesur le Rubicon, il renouvelait sa pro¬fession de foi : « Avant tout, je dé¬fends la cause de l'humanité. »

Lorsqu'éclata la Révolution françai¬se, où il reconnut l'influence de la

Révolution américaine, son rêve d'une« République du monde » lui semblaêtre en voie de réalisation. Il exposases conceptions dans Les Droits del'homme, le plus important de sesouvrages. « La cause du peuple fran¬çais, y disait-il, est celle de toutel'Europe, ou plutôt celle du mondeentier ». Ses voyages en France lemirent en rapport avec les chefs dela Révolution. Après la fuite du roiLouis XVI, il publia le premier mani¬feste républicain.

En 1792, la seconde partie desDroit de l'homme, jugée séditieuse,lui valut des poursuites en Angleterre.Frappé d'une sentence de proscrip¬tion, il fut brûlé en effigie, et la fer¬mentation intellectuelle produite parses écrits fut suivie d'une réaction

impitoyable de la part du gouverne¬ment de George III.

Entretemps, en France, l'Assem¬blée Nationale avait conféré à Paine

la citoyenneté française, et quatredépartements l'avaient porté à laConvention. Accueilli triomphalement,le proscrit choisit de représenter Ca¬lais et siégea parmi les députés de laPlaine. Il fit partie du comité chargéd'élaborer une nouvelle Constitution.

Mais il se dépensa sans compter pourtenter de sauver Louis XVI. Avec cou¬

rage, il vota contre la mort du « ty¬ran », ce qui lui attira les haines dela Montagne, c'est-à-dire les ultrasrobespierristes de la Convention.

La Terreur dissipa les espoirs qu'ilavait mis dans la « République Cou¬ronnée ». Son arrestation, générale¬ment attribuée à Robespierre, fut enréalité le résultat d'un complot danslequel, mêlé à ses autres ennemis,trempa le ministre des Etats-Unis enFrance, Gouverneur Morris, aristo¬crate et anglophile.

D'abord dépouillé de son immunitéparlementaire au nom d'un décret ro-bespierriste qui lui déniait la citoyen¬neté française, Paine, trois jours plustard, le 28 décembre 1793, était jetéen prison comme sujet anglais. Il pré¬parait à ce moment la publication dela première partie du Siècle de laRaison, ouvrage où s'affirme pleine¬ment son théisme.

C'est en vain que Paine invoqua sanationalité américaine. Gouverneur

Morris, sur qui il comptait, agit demanière à empêcher toute interven¬tion du gouvernement des Etats-Unis.Une pétition des Américains résidantà Paris et les efforts de ses amis

pour le rendre à la liberté furentinutiles.

Dans sa prison, au plus fort de laTerreur, Paine vit partir, pour la guil¬lotine Desmoulln, Hérault de Séchelleet de nombreux représentants dupeuple. Lui-même n'échappa que dejustesse à leur sort. Ce n'est quetrois mois après la chute de Robes¬pierre, le 9 thermidor (27 juillet 1794),au bout de dix-huit mois de détention,que Paine, malade, fut tiré de prisonpar James Monroe, le successeur de

Morris, et rétabli par la Conventiondans la citoyenneté française et dansson mandat de député.

Malgré la maladie, Paine reprit laplume d'une main ferme et publiabientôt la seconde partie du Sièclede la Raison, méditée en prison, et oùl'on retrouve une critique de la Bible.D'autres ouvrages lui permirent dedévelopper ses idées sur la Révolutionfrançaise.

Malmené par le sort, vieilli, déçudans ses espérances, Paine finit parrentrer en Amérique vers la fin del'année 1802. Il fut bien accueilli parJefferson, devenu Président. Maisses ennemis, avec, à leur tète, Gou¬verneur Morris, se liguèrent contrelui et prétendirent lui dénier le droitde vote.

La publication aux Etats-Unis duSiècle de la Raison lui attira de nou¬

velles persécutions. Les Eglises ton¬nèrent contre ce libre-penseur, contrecet auteur impie. Paine subit les atta¬ques et les outrages sans faiblir.Malgré tout, les Etats-Unis demeu¬raient à ses yeux la terre d'électionde la liberté. Seule ombre au tableau,

I'« Infâme trafic des nègres », contrelequel il reprit la lutte. Il publia encoredivers pamphlets.

Ses dernières années, Paine lespassa dans sa ferme de New Rochelle,don de l'Etat de New York. Les ré¬

compenses nationales qui lui avaientété décernées, l'avaient mis en me¬sure de vivre à l'aise.

Thomas Paine rendit l'âme le matin

du 8 juin 1809, à New York, dans sasoixante-douzième année. Les qua¬kers, qui le tenaient pour un renégat,lui refusèrent d'être enterré dans leur

cimetière, comme il en avait formuléle désir. Il fut inhumé dans sa pro¬priété de New Rochelle. Dix ans plustard, les Anglais réclamèrent ses res¬tes, qui, après diverses aventures,finirent par se perdre.

Personne ne sait ce qu'est devenule corps de Thomas Paine, mais lesouvenir de cet homme bon, coura¬geux, sincère, qui avait l'amour de¡'humanité et la passion de la liberté,n'est pas près de s'éteindre.

Jacques Janssens

46

l'Amérique vue par les Américains (SUITE DE LA PAGE 11)

niveau de l'Etat, qui précèdent l'élection natio¬nale, rappelle aux Américains que leur gouver¬nement est réellement fondé sur le consentement

du gouverné. Et puisque nul ne peut déléguer ceconsentement à qui que ce soit, le droit étantréellement inaliénable, les Américains sont d'au¬tant plus conscients du bon fonctionnement deleur processus électoral. Manquer à l'exercicedu consentement individuel est commettre unesorte de trahison intellectuelle contre la nation.

Certes, les Américains, aujourd'hui comme en1776, sont déconcertés par les problèmes depolitique étrangère. Il en est quelques-uns poursouhaiter que le monde soit évincé. Malheureu¬sement, en tant que nation, les Américains ris¬quent de se laisser gagner par une sorte d'im¬puissance chauvine à parler le langage desautres.

De moins en moins d'étudiants étudient les

langues étrangères ; le nombre d'étudiants amé¬ricains à l'étranger a diminué de moitié en troisans ; on prétend souvent que, puisque le mondeparle anglais, il est inutile d'apprendre une autrelangue, omettant par là un élément peu appa¬rent mais d'importance majeure : une culturen'est intelligible que dans ses termes propresà la lettre, dans la langue propre. Le monde nepeut donc pas être évincé, ce que savent fortbien les Américains intelligents.

Qu'est-ce donc que les Américains attendentdu monde ? On a dit jadis que les Américainsvoulaient être aimés. Ils se plaignent, lassés quel'on dise qu'ils doivent comprendre les problè¬mes de tel ou tel pays, alors que sont bien raresceux qui tentent de comprendre les problèmesaméricains.

Il y a tout un contingent d'experts de l'Amé¬rique (ou qui se prétendent tels) qui dévoilentrapidement leur ignorance du fonctionnement dusystème fédéral, et ne savent pas davantagecomment les régions d'Amérique ont maintenu

leur identité respective, ou même ce que dit laConstitution. On souhaiterait qu'étudiants et spé¬cialistes étrangers apprennent plus sérieusementl'histoire et la littérature américaines, en sorteque tout commentaire, et jusqu'au plus hostileaux Etats-Unis, soit fondé sur une solideinformation.

Mais ils ne sauraient plus longtemps deman¬der à ce qu'on les aime, car deux sièclesd'histoire n'ont pas manqué d'apprendre à lanation, à présent adulte, et même ancienne poli¬tiquement, que s'il y a de solides amitiés entreindividus, il n'en va pas de même entre nations.

Quelqu'un a suggéré, non sans esprit, que lesAméricains avaient quitté le parc de bébés pourle divan du psychanalyste, parce que désormaisils désirent moins être aimés qu'ils ne désirentêtre compris. Peut-être. Mais on peut se deman¬der si la plupart d'entre eux ne s'adossent pasaux deux siècles de leur histoire pour qu'on lesconnaisse simplement un peu mieux.

Pour beaucoup d'Américains, l'année du Bi¬centenaire est une année de méditation. Tous,candidats politiques et éditorialistes, professeurset étudiants, commentateurs de la télévision,tous scrutent le passé pour clairement jalonnerla route de leur avenir.

D'une certaine façon, l'Amérique a toujours étéla terre des recommencements, terre où le my¬the de l'éternel retour- a opéré avec une parti¬culière vigueur. D'une certaine façon aussi,l'histoire américaine a toujours été tournée versle futur.

Où qu'ils aillent, les Américains emportentavec eux une conscience aiguë de leur identitéet demeurent fidèles à leur origine, malgré cettemanie des voyages dont on parle tant ; aussiquestionnent-ils sans cesse cette identité dansl'espoir qu'elle les incite à mieux faire. Fiers de

leur passé, les Américains savent que cette fierté

ne les sert jamais autant que lorsqu'elle estdéfiée, mise à l'épreuve ou renouvelée.

En cette époque de moyens de communica¬tions de masse, nous sommes tous conscientsdu fait que nombre d'idées, concernant l'Amé¬rique ou toute autre nation, et qui passent pourvérité établie, ne sont qu'une suite de clichéset de poncifs.

Au-delà des masques, il y a l'essentiel ; aussifaut-il étudier l'Amérique de la même façon quetoute société complexe et ne pas se laisser im¬pressionner par ceux qui, animés d'intentionsbonnes ou mauvaises, procèdent par générali¬sation à propos d'une nation dont ils n'ontqu'une connaissance superficielle.

Les Américains conservent leur optimisme, ilspressentent que ce qu'ils pourraient être ne leura pas été révélé et que Walt Whitman peut en¬core être leur prophète. Ces temps-ci, ils viventplus à l'aise avec leurs contradictions, tout ensachant que beaucoup sont plus apparentes queréelles et que seules les véritables contradictionsentretiennent le dynamisme de la société.

Le peuple américain est toujours divers, diffi¬cile à appréhender, vivant paradoxe ; ses conflitsinternes sont issus de son dynamisme même,car ainsi que l'écrivait Whitman : « Suis-je encontradiction avec moi-même ? Eh bien oui,avec moi-même. Car je suis innombrable. Il y aen moi des multitudes. »

Robin W. Winks

Pour vous abonner ou vous réabonnerVous pouvez commander les publications del'Unesco chez tous les libraires ou en vous adres¬sant directement à l'agent général (voir listeci-dessous). Vous pouvez vous procurer, sursimple demande, les noms des agents générauxnon inclus dans la liste. Les paiements des abon¬nements peuvent être effectués auprès de chaqueagent de vente qui est à même de communiquerle montant du prix de l'abonnement en monnaielocale.

ALBANIE. N. Sh. Botimeve Nairn Frashen, Tirana.

ALGERIE. Institut pédagogique national, 11, rue Ali -Haddad, Alger, Société nationale d'édition et de diffu¬sion (SNED), 3, bd Zirout Youcef, Alger. REP. FED.D'ALLEMAGNE. Unesco Kurier (Édition allemandeseulement): 53 Bonn 1, Colmantstrasse 22, C.C.P.Hambourg, 276650. Pour les cartes scientifiques seule¬ment : Geo Center, D7 Stuttgart 80, Postfach 800830.Autres publications: Verlag Dokumentation, Possen¬bacher Strasse 2, 8000 München 71 (Prinz Ludwig¬shohe). REP. DEM. ALLEMANDE. BuchhausLeipzig, Postfach 1 40, Leipzig Internationale Buchhan¬dlungen, en R.D.A. AUTRICHE. Verlag GeorgFromme et C°, Arbeitergasse 1-7, 1051 VienneBELGIQUE. Ag. pour les pub. de l'Unesco et pourl'édition française du « Courrier » : Jean De Lannoy,112, rue du Trône, Bruxelles 5. C.C.P. 708-23. Éditionnéerlandaise seulement: N.V. HandelmaatschappijKeesing, Keesinglaan 2-18, 2100 Deurne-Antwerpen.

REP. POP. DU BENIN. Librairie nationale, B.P.294, Porto Novo. BRESIL. FundaçaoGetùho Vargas,Serviço de Publicaçôes, Caixa postal 21120, Praia deBotafogo, 188 Rio de Janeiro, GB. BULGARIE.Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6, Sofia.CAMEROUN. Le Secrétaire général de la Commissionnationale de la République unie du Cameroun pourl'Unesco, B.P. N° 1600, Yaounde. CANADA.Information Canada, Ottawa (Ont ). CHILI. EditorialUniversitaria S.A , casilla 10220, Santiago. REP.POP. DU CONGO. Librairie populaire, B.P. 577,Brazzaville. COTE-D'IVOIRE. Centre d'édition et

de diffusion africaines. B.P. 4541, Abidjan-Plateau.DANEMARK. Ejnar Munksgaard Ltd, 6, Nórregade,1165 Copenhague K. EGYPTE (REP. ARABE D').National Centre for Unesco Publications, N° 1 TalaatHarb Street, Tahrir Square, Le Caire. ESPAGNE.Toutes les publications y compris le « Courrier » :DEISA - Distribuidora de Ediciones Iberoamericanas,S.A., calle de Oñate, 15, Madrid 20; Distribución dePublicaciones del Consejo Superior de investigacionesCientíficas, Vitrubio 8, Madrid 6; Librería del ConsejoSuperior de Investigaciones Científicas, Egipciacas,1 5, Barcelona. Pour le « Courrier » seulement : Ediciones

Liber, Apartado 17, Ondárroa (Vizcaya). ETATS-UNIS. Unipub, Box 433, Murray Hill Station, NewYork, N.Y. 10016. FINLANDE. Akateeminen Kirja-kauppa, 2, Keskuskatu Helsinki. FRANCE. LibrairieUnesco, 7-9, place de Fontenoy 75700 Paris. CC P.12.598-48 GRECE. Librairies internationales.

HAITI. Librairie « A la Caravelle », 36, rue Roux, B.P.111, Port-aux- Princes HAUTE-VOLTA. üb. Attie

B.P. 64, Ouagadougou. Librairie Catholique « Jeunessed'Afrique », Ouagadougou. HONGRIE. AkadémiaiKónyvesbolt, Váci U. 22, Budapest V.A.K.V. Konyvtá-rosok Boltja, Népkoztarsasag utja 16, Budapest VI.INDE. Orient Longman Ltd. : Kamani Marg, BallardEstate. Bombay 1; 17 Chittaranjan Avenue, Calcutta13, 36a Anna Salai Mount Road, Madras 2. B-3/7Asaf Ali Road, Nouvelle-Delhi, 80/1 Mahatma GandhiRoad, Bangalore-560001 . 3-5-820 Hyderguda, Hydera-bad-500001. Publications Section, Ministry of Educa¬tion and Social Welfare, 72 Theatre CommunicationBuilding, Connaught Place, Nouvelle-Delhi 1. OxfordBook and Stationery Co., 17 Park Street, Calcutta 16,Scindia House, Nouvelle-Delhi. IRAN. Commissionnationale iranienne pour l'Unesco, av. IranchahrChomali N° 300, B.P. 1533, Téhéran, Kharazmie Publi¬shing and Distribution Co. 229 Daneshgahe Str., ShahAvenue P.O. Box 14/486, Téhéran. IRLANDE.The Educational Co. of ir. Ltd., Ballymont Road Walkms-town, Dublin 1 2. ISRAEL. Emanuel Brown, formerlyBlumstein's Book-stores : 35, Allenby Road et 48,Nachlat Benjamin Street, Tel-Aviv; 9 ShlomzionHamalka Street, Jérusalem. ITALIE. Licosa(Librería Commissionaria Sansoni, S.p.A.) via Lamar-mora, 45, Casella Postale 552, 50121 Florence.JAPON. Eastern Book Service Inc. C.P.O. Box 1728,Tokyo 1 00 92. LI BAN. Librairies Antoine, A. Naufalet Frères, B.P. 656, Beyrouth. LUXEMBOURG.Librairie Paul Brück, 22, Grand-Rue, Luxembourg.MADAGASCAR. Toutes les publications : Commis¬sion nationale de la Rép. dém. de Madagascar pourl'Unesco, Ministère de l'Éducation nationale, Tanana¬rive. MALI. Librairie populaire du Mali, B.P. 28,Bamako. MAROC. Librairie « Aux belles images »,281, avenue Mohammed-V, Rabat, C.C.P. 68-74.« Courrier de l'Unesco » : pour les membres du corpsenseignant : Commission nationale marocaine pourl'Unesco 20, Zenkat Mourabitme, Rabat (C.C.P.324-45). MARTINIQUE. Librairie«Au Boul'Mich»,1, rue Perrinon, et 66, av. du Parquet, 972, Fort-de-France. MAURICE. Nalanda Co., Ltd , 30, BourbonStreet; Port-Louis. MEXIQUE. Périodiques :SABSA, Servicios a Bibliotecas, S.A., Insurgentes SurN0' 1032-401, México D.F.; Publications : CILA(Centro interamericano de Libros Académicos), Sullivan31 bis, Mexico. 4 D.F. MONACO. British Library,

30, boulevard des Moulins, Monte-Carlo. MOZAM¬BIQUE. Salema & Carvalho Ltda caixa Postal, 192Beira. NIGER. Librairie Mauclert, B.P. 868, Niamey.

NORVEGE. Toutes les publications : Johan GrundtTanum (Booksellers), Karl Johans gate 41/43, Oslo 1.Pour le « Courrier » seulement : A. S. Narvesens,Litteraturtjeneste Box 6125 Oslo 6. NOUVELLE-CALEDONIE. Reprex S.A.R.L., B.P. 1572, Nouméa.

PAYS-BAS. « Unesco Koerier » (Édition néer¬landaise seulement) Systemen Koesing, Ruysdaelstraat71-75, Amsterdam-1007. Agent pour les autreséditions et toutes les publications de l'Unesco : N.V.Martmus Nijhoff Lange Voorhout 9. 's-Gravenhage.POLOGNE. ORPAN-Import. Palac Kultury i Nauki,Varsovie. Ars-Polona-Ruch, Krakowskie - PrzedmiescieN° 7, 00-901 Varsovie. PORTUGAL. Dias &Andrade Ltda, Livrana Portugal, rua do Carmo, 70,Lisbonne. ROUMANIE. ILEXIM, Romlibri, Str.Biserica Amzei N° 5-7, P.O.B. 134-135, Bucarest.Abonnements aux périodiques Rompresfilatelia caleaVictonei nri 29, Bucarest. ROYAUME-UNI.

M. Stationery Office, P.O. Box 569, Londres S.E.1 .SENEGAL. La Maison du Livre, 13, av. Roume,B.P. 20-60, Dakar. Librairie Clairafrique, B.P. 2005,Dakar; Librairie « Le Sénégal » B.P. 1594, Dakar.SUEDE. Toutes les publications : A/B CE. FritzesKungl. Hovbokhandel, Fredsgatan, 2, Box 16356,1 03 27 Stockholm, 1 6. Pour le « Courrier » seulement :Svenska FN-Forbundet,- Skolgrand 2, Box 150-50,S-10465 Stockholm - Postgiro 184692. SUISSE.Toutes les publications : Europa Verlag, 5, Ramistrasse,Zurich. C.C.P. 80-23383 Payot, 6, rue Grenus, 1211,Genève 11, C.C.P. 12.236. SYRIE. Librairie

Sayegh Immeuble Diab, rue du Parlement. B.P. 704,Damas. TCHECOSLOVAQUIE. S.N.T.L., Spalena51, Prague 1 (Exposition permanente); ZahranicniLiteratura, 11 Soukenicka, Prague 1. Pour la Slovaquieseulement : Alfa Verlag Publishers, Hurbanovo nam. 6,893 31 Bratislava. TOGO. Librairie Évangélique,B.P. 378, Lomé; Librairie du Bon Pasteur, B.P. 1164,Lomé; Librairie Moderne, B.P. 777, Lomé. TUNI¬SIE. Société tunisienne de diffusion, 5, avenue deCarthage, Tunis. TURQUIE. Librairie Hachette,469 Istiklal Caddesi; Beyoglu, Istanbul. U.R.S.S.Mejdunarodnaja Kniga, Moscou, G-200. URU¬GUAY. Editorial Losada Uruguaya, S.A. LibreríaLosada, Maldonado, 1092, Colonia 1340, Monte¬video. YOUGOSLAVIE. Jugoslovenska Knjiga,Terazije 27, Belgrade. Drzavna Zalozba Slovenije,Titova C 25, P.O.B. 50, Ljubljana. REP. DU ZAIRE.La Librairie, Institut national d'études politiques,B.P. 2307, Kinshasa. Commission nationale de laRép. du Zaire pour l'Unesco, Ministère de l'Éducationnationale, Kinshasa.

UNE PARISIENNE

A NEW-YORK(voir page 31