Des ressources physiques aux ressources psychologiques et ...

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05 Hiver 2020 Des ressources physiques aux ressources psychologiques et sociales Physical literacy and resilience: The role of positive challenges. Philip Jefferies / Gentillesse et bienveillance comme ressources psychologiques. Annie Paquet et Fabien Fenouillet / Les ressources psychologiques : Facteurs de protection pour les soignant·e·s confronté·e·s à la fin de vie ? Fabien Bac et Antonia Csillik / L’empathie est-elle une ressource protectrice sur la route ? Marion Karras, Antonia Csillik, Patricia Delhomme et Fabien Fenouillet / Un modèle intégrateur des effets vitalisants de la nature : La nature un environnement favorable à la construction des ressources. Amandine Junot et Yvan Paquet / Ressourcer son attention au contact de la nature. Barbara Bonnefoy et Laure Léger / Ressources sociales et bien-être : Soutien social et accès à des ressources stratégiques dans 30 pays. Gaël Brulé, Marlène Sapin et Clémentine Rossier.

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05Hiver 2020

Des ressources physiques aux ressourcespsychologiques et sociales

Physical literacy and resilience: The role of positive challenges. Philip Jefferies /

Gentillesse et bienveillance comme ressources psychologiques. Annie Paquet et Fabien

Fenouillet / Les ressources psychologiques : Facteurs de protection pour les soignant·e·s

confronté·e·s à la fin de vie ? Fabien Bac et Antonia Csillik / L’empathie est-elle une

ressource protectrice sur la route ? Marion Karras, Antonia Csillik, Patricia Delhomme

et Fabien Fenouillet / Un modèle intégrateur des effets vitalisants de la nature : La

nature un environnement favorable à la construction des ressources. Amandine Junot

et Yvan Paquet / Ressourcer son attention au contact de la nature. Barbara Bonnefoy et

Laure Léger / Ressources sociales et bien-être : Soutien social et accès à des ressources

stratégiques dans 30 pays. Gaël Brulé, Marlène Sapin et Clémentine Rossier.

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Sciences et Bonheur

Directeurs de ce numéroAntonia Csillik (Université Paris Nanterre, France)Charles Martin-Krumm (École de Psychologues Praticiens, France)

Directeur de la publicationGaël Brulé (Université de Genève, Suisse)

Co-éditeurLaurent Sovet (Université de Paris, France)

Comité de rédactionJustine Chabanne (Positran, France)Antonia Csillik (Université Paris Nanterre, France)J. Indigo Jones (Université de Paris, France)Charles Martin-Krumm (École de Psychologues Praticiens, France)Thierry Nadisic (EM Lyon, France)Damien Oudin (Université Paris Nanterre, France)Emmanuel Wassouo (Université de Paris, France)

Comité scientifiqueIlona Boniwell (Positran, France et Université Anglia Ruskin, Royaume-Uni)Fabien Fenouillet (Université de Paris Nanterre, France)Pascale Haag (EHESS, France)Jean Heutte (Université de Lille, France)Philippe d’Iribarne (CNRS, France)Simon Langlois (Université Laval, Canada)Rémy Pawin (Lycée Louise Michel, France)Rebecca Shankland (Université Lumière Lyon 2, France)Franck Zenasni (Université de Paris, France)Thibaud Zuppinger (Université d’Amiens, France)

Relecteurs du numéroColette Aguerre (Université de Tours, France)John-Tyler Binfet (Université de la Colombie Britannique, Canada)Barbara Bonnefoy (Université Paris Nanterre, France)Marco A. C. Bortoleto (Université de Campinas, Brésil)Gaël Brulé (Université de Genève, Suisse)Fabrice Buschini (Université Sorbonne Nouvelle, France)Fabien Fenouillet (Université Paris Nanterre, France)Pascale Haag (EHESS, France)Simon Langlois (Université Laval, Québec, Canada)Anthony Lepinteur (Université du Luxembourg, Luxembourg)Julien Masson (Université Claude Bernard Lyon 1, France)Oscar Navarro (Université de Nantes, France)Ihsana Sabriani Borualogo (Universitas Islam Bandung, Indonésie)Anabela Simoes (Universida de Lusófona de Humanidades e Tecnologias, Portugal)Charles Tijus (Université Paris 8, France)

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Sommaire

Antonia Csillik et Charles Martin-Krumm p. 7Kaléidoscope : Introduction au numéro thématique« Des ressources physiques aux ressources psychologiques et sociales »

Philip Jefferies p. 11Physical literacy and resilience: The role of positive challenges

Annie Paquet et Fabien Fenouillet p. 27Gentillesse et bienveillance comme ressources psychologiques

Fabien Bac et Antonia Csillik p. 44Les ressources psychologiques :Facteurs de protection pour les soignant·e·s confronté·e·s à la fin de vie ?

Marion Karras, Antonia Csillik, Patricia Delhomme et Fabien Fenouillet p. 62L’empathie est-elle une ressource protectrice sur la route ?

Amandine Junot et Yvan Paquet p. 82Un modèle intégrateur des effets vitalisants de la nature :La nature un environnement favorable à la construction des ressources

Barbara Bonnefoy et Laure Léger p. 102Ressourcer son attention au contact de la nature

Gaël Brulé, Marlène Sapin et Clémentine Rossier p. 117Ressources sociales et bien-être :Soutien social et accès à des ressources stratégiques dans 30 pays

Thierry Nadisic p. 134Recension de « Ils ont vécu le burn-out : Témoignages et conseilspour se reconnecter à soi » de Virginie Bapt et Agathe Mayer (Vuibert, 2020)

Thierry Nadisic p. 136Recension de « Savourons le silence : Se reconnecter à soiquand le bruit détruit » de Émilie Devienne (Eyrolles, 2020)

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Antonia Csillik

Charles Martin-Krumm

Kaléidoscope : Introduction aunuméro thématique « Des res-sources physiques aux ressourcespsychologiques et sociales »

Le terme ressource vient de l’ancienfrançais « ressource » et renvoie à unsecours ou à quelque chose que l’onutilise en cas de besoin. Cette défini-tion, qui définit un moyen, est suffi-samment flexible pour s’appliquer à ungrand nombre de situations. On parletout autant de ressources environne-mentales que de ressources indivi-duelles, ou encore de ressources au ni-veau d’une communauté. Cesressources peuvent être aussi bien ma-térielles qu’immatérielles, physiquesque mentales voire morales. C’est doncdavantage la fonction qui définit la res-source, quelque chose que l’on utiliseen cas de besoin, ou alors simplementune ressource latente qui sécurise celuiou celle qui la possède. On conçoit as-sez spontanément que ces ressourcessoient importantes, voire fondamen-tales. Pour autant, rien n’indique quechacune mène au bien-être voire aubonheur de manière équivalente.Quelle est l’influence des ressources entous genres sur le bonheur des indivi-dus ? Se font-elles ressentir par leurprésence ou seulement par leur ab-sence ? Comment les conceptualiser etéventuellement les mesurer ? Sans pré-tendre épuiser le sujet, ce sont cesquelques questions auxquelles ce nu-méro se propose d’apporter des ré-ponses. Les ressources y sont tour àtour psychologiques, sociales ou envi-

ronnementales, et évaluées dans descontextes et populations très différents.

Pendant longtemps, les travaux derecherche en psychologie se sont focali-sés sur les ressources sociales et leurseffets protecteurs contre le stress. Dès1995, Diener et ses collaborateurs ontcomplété ces modèles avec un accentmis sur leurs effets sur le bien-être. Cesderniers ont défini les ressources demanière assez large en termes d’objetsou de caractéristiques personnelles queles personnes possèdent et qu’elles peu-vent utiliser afin d’accomplir leurs ob-jectifs. Ces ressources aident les per-sonnes à accomplir leurs besoinsphysiques et psychologiques et à déve-lopper, par la suite, un sens de compé-tence ou de maîtrise. Des modèles pluscomplexes ont complété ces premiers,dont celui de Carl Rogers (1954) et ceuxqui sont issus de la psychologie posi-tive. Un modèle intégratif des res-sources psychologique a été proposé(Csillik, 2017 ; 2019). Les ressources psy-chologiques constituent des facteursprotecteurs qui facilitent la résistance àl’adversité, ainsi que l’adaptation psy-chologique dans les situations difficilesde la vie. On distingue, d’une part, lesressources psychologiques, qui sont desfacteurs internes, des prédispositionspsychologiques que possède une per-sonne, et d’autre part, les ressourcesenvironnementales extérieures, dont lesoutien social. Ces ressources jouent lerôle de facteurs de protection, c’est-à-dire des facteurs qui tentent de réduirel’effet du stress et qui permettent à lapersonne de maintenir ses compétencesdans des circonstances de détresse(Csillik, 2017, 2019).

L’objectif de ce numéro thématiqueest de mettre en perspective les résul-tats des sept articles sélectionnés, dansune perspective pluridisciplinaire au-tour de cette notion de ressource, tout

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en intégrant les dernières évolutionsdans le domaine. Plusieurs axes théma-tiques tendent à émerger. En premierlieu, les ressources physiques sontmises en lumière à travers une notionnouvellement introduite en France : la« littéracie physique ». Ce premier ar-ticle de Philip Jefferies (2020) traitedonc des ressources physiques, qui ontété pendant longtemps ignorées dans lalittérature. Il s’agit ici de mettre en évi-dence les effets de la littéracie physique,qui désigne la motivation, la confiance,la compétence physique, le savoir et lacompréhension qu’une personne pos-sède sur l’activité physique et qui luipermettent de valoriser et de prendreen charge son engagement enversl’activité physique pour toute savie (Whitehead, 2001, 2010), sur la rési-lience.

Les trois articles suivants portentsur le rôle des ressources psycholo-giques, telles que la notion de bienveil-lance, qui connait un franc succès dansla littérature depuis l’introduction de ceconcept en 2003 par Neff. Dans le pre-mier article Annie Paquet et Fabien Fe-nouillet (2020) proposent un éclairagesur les notions de gentillesse et de bien-veillance, en faisant référence à la théo-rie de l’autodétermination de Deci etRyan (2004) et à la psychologie des va-leurs de Schwartz (2006) avec une pro-position originale des définitions de lagentillesse et de la bienveillance, ainsique des perspectives sur leur possiblerelation. Fabien Bac et Antonia Csillik(2020) présentent une étude cliniqueempirique évaluant les effets protec-teurs de plusieurs ressources internes,telles que la disposition à l’attentionconsciente (mindfulness), l’intelligencepsychologique, le sentiment d’efficacitépersonnelle et l’optimisme disposition-nel contre le burnout chez les soignantsen soins palliatifs. Enfin, une troisième

étude menée par Marion Karras, Anto-nia Csillik, Patricia Delhomme et Fa-bien Fenouillet (2020) explore le rôleprotecteur de l’empathie, en tant queressource facilitatrice des relations hu-maines, qui favoriserait les comporte-ments prosociaux et inhiberaitl’agressivité des comportements rou-tiers. L’empathie serait donc une res-source protectrice des automobilistes,ce qui pourrait ouvrir des pistes de re-cherche intéressantes pour la préven-tion des risques routiers.

Les ressources extérieures à la per-sonne telles que les ressources socialeset celles qui sont environnementales,dont principalement la nature, sontexplorées dans trois études. Dans unepremière étude de Amandine Junot etYvan Paquet (2020), l'exposition à lanature est conçue comme un vecteur dubien-être humain, dans le sens où ellefavoriserait la construction de res-sources mises en jeu dans la hausse dela vitalité. À l’aide des théories de larestauration de l’attention, de réductiondu stress, des émotions et del’autodétermination, cet article théo-rique explore les voies et mécanismespsychologiques impliqués, en appro-fondissant leurs relations afin de lesintégrer dans un cadre théorique com-plet et unifié, permettant d’offrir unecompréhension holistique sur la cons-truction de ressources favorables à lavitalité en environnements naturels.Une étude expérimentale menée parBarbara Bonnefoy et Laure Léger (2020)a pour objectif de tester les effets res-taurateurs de la nature sur les res-sources attentionnelles. Un dernier ar-ticle de Gaël Brûlé, Marlène Sapin etClémentine Rossier (2020) vient com-pléter les autres en apportant un éclai-rage des cadres théoriques et analy-tiques issus de la psychologie, de lasociologie ou des sciences politiques sur

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la question des ressources externes etnotamment celle des ressources rela-tionnelles et sociales stratégiques enlien avec le bien-être subjectif des per-sonnes.

En conclusion, ce numéro théma-tique propose une série d’études empi-riques et d’articles théoriques qui sonten faveur de cette vision organismiquede l’être humain telle que postulée parRogers et Dymond (1954), avec des in-terconnexions et interdépendances desressources physiques, psychologiques,sociales et environnementales. Cesquelques éléments nous montrent quela ressource est un prisme explicatifpertinent pour questionner le bonheur,une herméneutique plastique et fé-conde. Pour autant, ces quelques cha-pitres soulèvent tout autant de ques-tions qu’ils apportent de réponses. Desquestions restent à explorer, commecelle des ressources dont disposent cer-taines populations particulières, tellesque les adolescents ou les personnesâgées, ainsi que le rôle des ressourceséconomiques, en lien avec la religiositéet la spiritualité etc. Peut-être, ces pansouverts dans ce numéro seront l’objetd’un numéro futur.

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteur·e·s ne déclarent aucun con-flit d’intérêt.

BIBLIOGRAPHIE

Bac, F., & Csillik, A. (2020). Les res-sources psychologiques : Facteurs deprotection pour les soignants confron-tés à la fin de vie ? Sciences & Bonheur,5, 44–61.

Bonnefoy, B., & Léger, L. (2020). Res-sourcer son attention au contact de lanature. Sciences & Bonheur, 5, 102–1116.

Brûlé, G., Sapin, M., & Rossier, C.(2020). Ressources sociales et bien-être : Soutien social et accès à des res-sources stratégiques dans 30 pays.Sciences & Bonheur, 5, 117–133.

Csillik, A. (2017). Les ressources psycho-logiques : Apports de la psychologie posi-tive. Dunod.

Csillik, A. (2019). Des ressources psy-chologiques aux interventions en psy-chologie positive. In C. M. Krumm, & C.Tarquinio (Éds.), Psychologie positive :Méthodes et concepts. (pp. 259–275).Dunod.

Deci, E. L., & Ryan, R. M.(2014). Autonomy and need satisfactionin close relationships: Relationships mo-tivation theory. In N. Weinstein(Ed.), Human motivation and interper-sonal relationships: Theory, research,and applications (p. 53–73). SpringerScience + Business Media.

Diener, E., Diener, M., & Diener, C.(1995). Factors predicting the subjectivewell-being of nations. Journal of Per-sonality and Social Psychology, 69(5),851–864. https://doi.org/10.1037/0022-3514.69.5.851

Jefferies, P. (2020). Physical literacy andresilience: The role of positive challeng-es. Sciences & Bonheur, 5, 11–26.

Junot, A., & Paquet, Y. (2020). Un mo-dèle intégrateur des effets vitalisants dela nature : La nature un environnementfavorable à la construction des res-sources. Sciences & Bonheur, 5, 82–101.

Karras, M., Csillik, A., Delhomme, P., &Fenouillet, F. (2020). L’empathie est-elle une ressource protectrice sur laroute ? Sciences & Bonheur, 5, 62–81.

Neff, K. (2003). Self-compassion: Analternative conceptualization of ahealthy attitude toward oneself. Self and

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Identity, 2(2), 85–101.https://doi.org/10.1080/15298860309032

Paquet, A., & Fenouillet, F. (2020). Gen-tillesse et bienveillance comme res-source psychologique. Sciences & Bon-heur, 5, 27–43.

Rogers, C. R. & Dymond, R. F. (Eds.)(1954). Psychotherapy and personalitychange: Coordinated studies in the cli-ent-centered approach. University ofChicago Press.

Schwartz, S. H. (2006). Les valeurs debase de la personne : Théorie, mesures

et applications. Revue Française de So-ciologie, 47(4), 929–968.https://doi.org/10.3917/rfs.474.0929

Whitehead M (2001). The concept ofphysical literacy. European Journal ofPhysical Education, 6(2), 127–138.https://doi.org/10.1080/1740898010060205

Whitehead M (2010). Physical literacy:Throughout the lifecourse. Routledge.

PRÉSENTATION DES AUTEUR·E·S

Antonia CsillikLaboratoire Clinique Psychanalytique Développement (CLIPSYD), Université ParisNanterre, FranceMaitre de conférences HDR en psychologie clinique, vice-présidente de l’AssociationFrançaise et Francophone de Psychologie Positive (AFFPP) depuis 2012. Elle étudie lesfacteurs protecteurs de la santé mentale dont principalement les ressources psycholo-giques ainsi que l’efficacité des interventions psychologiques dont notamment cellesissues de la psychologie positive.Contact : [email protected]

Charles Martin-KrummLaboratoire Vulnérabilité, Capabilité et Rétablissement, École de Psychologues Praticiensde l’Institut Catholique de Paris, Paris, FranceProfesseur de Psychologie, président de l’Association Française et Francophone de Psy-chologie Positive (AFFPP) depuis 2012. Il étudie les effets de l’activité physique et deressources issues de cadres de la psychologie positive sur la qualité de vie dans leschamps de l’éducation, de la santé et du travail.Contact : [email protected]

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Pour citer cette introduction :

Csillik, A., & Martin-Krumm, C. (2020). Kaléidoscope : Introduction au numérothématique « Des ressources physiques aux ressources psychologiques et sociales ».Sciences & Bonheur, 5, 7–10.

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Philip Jefferies

Physical literacy and resilience:The role of positive challenges

Littératie physique et résilience :Le rôle des défis positifs

ABSTRACT

Physical literacy is the competence toperform movement skills combinedwith the motivation, confidence, andunderstanding to value and take respon-sibility for engagement in physical activ-ity across the lifespan. It has also beendefined as the foundational attributesfor beginning and maintaining physicalactivity, and therefore the capacity foran active lifestyle. The benefits of physi-cal literacy include enhanced healththrough increased physical activity, andalso improvements in confidence andparticipation, as individuals recognisetheir movement competencies and en-gage more fully with their environ-ments. Growing recognition of the valueof physical literacy has led to globaldrives to involve physical literacy inmultiple sectors including broadeningearly childhood and elementary curric-ula to aid child development, with pro-ponents arguing for it to be emphasisedsimilarly to literacy and numeracy. Inparallel, educators, health professionals,and policymakers, among others, are be-coming increasingly interested in waysto build resilience. Rather than address-ing potential vulnerabilities and weak-nesses, resilience approaches promotefostering protective factors that help in-dividuals experiencing adversity to

avoid poor default trajectories and in-stead achieve positive outcomes(through recovery, adaptation, or trans-formation). This paper explores linksbetween the two desirable and promis-ing constructs of physical literacy andresilience, considering their conceptualinterplay and the shared notion of en-gaging ‘positive challenges’ that may beessential for nurturing important re-sources when facing subsequent adver-sity. This connection provides the basefor further robust empirical studies thatinvolve both physical literacy and resili-ence and for the development of holisticresilience programme development.

KEYWORDS

Physical literacy; Resilience; Challenge;Adversity; Movement; Physical educa-tion; Curriculum.

RÉSUMÉ

La littératie physique est la compétencedes individus pour exécuter des mouve-ments, aptitude combinée à la motiva-tion, à la confiance en soi et à la compré-hension nécessaires pour valoriser etassumer la responsabilité de s’engagerdans une activité physique tout au longde la vie. Elle a également été définiecomme les attributs fondamentaux pourcommencer et pour maintenir une acti-vité physique, et donc la capacité àadopter un mode de vie actif. Les avan-tages de la littératie physique compren-nent à la fois une amélioration de lasanté grâce à une activité physique ac-crue, ainsi qu’une amélioration de laconfiance en soi et de la participationaux pratiques sportives, car les individus

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reconnaissent leurs compétences à ef-fectuer les mouvements et les intègrentplus pleinement dans leur cadre de vie.La reconnaissance croissante de la va-leur de la littératie physique a conduit àdes initiatives mondiales visant à l’intro-duire dans de multiples secteurs, y com-pris scolaire avec l’élargissement desprogrammes dispensées durant la petiteenfance et ceux du cours élémentaire,afin d’aider au développement de l’en-fant. Les partisans de la littératie phy-sique plaident pour qu’elle soit considé-rée de la même manière que la littératieet la numératie. Parallèlement, les édu-cateurs, les professionnels de la santé etles décideurs politiques, entre autres,s’intéressent de plus en plus aux moyensde renforcer la résilience. Plutôt que des’attaquer aux vulnérabilités et fai-blesses potentielles des personnes, lesapproches fondées sur la résilience favo-risent la promotion de facteurs de pro-tection qui aident les personnes con-frontées à l’adversité à éviter des’engager dans des trajectoires de vie né-gatives et à obtenir des résultats positifs(par le biais du rétablissement, del’adaptation ou de la transformation).Cet article explore les liens entre cesdeux concepts prometteurs que sont lalittératie physique et la résilience, touten tenant compte de leurs interactionsconceptuelles et de leur notion com-mune qui est de s’engager dans des « dé-fis positifs » qui peuvent être essentielspour nourrir des ressources importantesface à l’adversité ultérieure. Ce lien four-nit la base pour d’autres études empi-riques robustes qui impliquent à la foisla littératie physique et la résilience etsoutient le développement de pro-grammes holistique de résilience.

MOTS-CLÉS

Littératie physique ; Résilience ; Défi ;Adversité ; Mouvement ; Éducationphysiques ; Curriculum.

INTRODUCTION

Resilience and physical literacy areterms enjoying increasing interest inpublic, educational, and health do-mains, among others. However, to date,research and discussion regarding theirinteraction has been limited. In this ar-ticle, I outline what is generally under-stood by these broad, often ambiguous,and contextually defined terms, andpropose a conceptual bridge based onthe idea of ‘positive challenges’. Thislink provides the foundation for furtherimportant empirical work. It aims to in-spire resilience-building interventionsand programmes currently limited tothe development of psychosocial com-petencies to consider a more holisticstrengths-based approach to fosteringprotective factors important for manag-ing adversity across the lifespan.

Physical literacy

Physical literacy is an umbrella termgaining significant traction in healthand education domains. It encompassesthe knowledge, motivation, confidence,physical competence, and understand-ing that is important for engaging inphysical activity (International PhysicalLiteracy Association, 2017; ParticipAC-TION et al., 2015) (Figure 1). This con-stellation of constructs has been arguedto be the impetus and driving force forengaging physical activity throughoutthe lifespan (Dudley et al., 2017). Theircentrality to long-term health is likelywhy there is growing global interest in

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cultivating physical literacy. For exam-ple, UNESCO created a program focusabout physical literacy (UNESCO, 2017),and the WHO included physical literacyas part of a proposal for active societies(World Health Organization, 2018).Some have even equated its importanceto that of literacy and numeracy (Grow-ing Young Movers, 2020; Jurbala, 2015;Tremblay, 2012), and questioned whyemphasis in schools is placed on devel-oping socio-cognitive skills and abilitiesto the detriment of those related tomovement, which tend to be relegatedto free time (Robin, 2013).

Figure 1. Dudley’s (2015) conceptualmodel of physical literacy

The benefits of developing physicalliteracy are wide-ranging. Foremostly,children who have experienced physicalliteracy-enriched physical educationcurricula demonstrate greater engage-ment in physical activity (Belanger et al.,

2018; Brown et al., 2020; Choi et al.,2018). Since greater activity tends to leadto better health, physical literacy istherefore also associated with the exten-sive health benefits that come from in-creased movement and a reduction insedentary behaviour (Belanger et al.,2018; Lubans et al., 2016). Higher levelsof physical literacy have also been asso-ciated with greater global self-esteemand self-confidence (Whitehead, 2001),as individuals become more confidentwith their bodies and their movementabilities. Furthermore, as a gateway togreater physical activity, physical liter-acy is not only linked to individualhealth and well-being, but also to poten-tial societal improvements as a healthierworkforce is developed and maintained,which in turn reduces burdens on healthsystems (Cairney et al., 2019) (Figure 2).The significant benefits of nurturingphysical literacy are driving calls to aug-ment physical education in schools, andapproaches for developing physical lit-eracy in adults are also emerging (Joneset al., 2018; Jones & Stathokostas, 2016;Roetert & Ortega, 2019). The cascadingeffects across psychological, physical,and social domains have led to associa-tions between physical literacy andflourishing (Almond, 2013; Durden-My-ers et al., 2018). However, there are stillsome tensions about its definition andthe essential elements contained withinthe construct (Edwards et al., 2017;Shearer et al., 2018). Further, it remainsunclear what the specific knowledge andunderstandings are required for physicalliteracy, and how these compare tohealth literacy.

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Figure 2. Cairney and colleagues’ (2019) conceptual model linking physical literacy,physical activity, and health

Resilience

In a related field, the similarly en-compassing concept of resilience issteadily surging in popularity. A simplesearch for the term in Google Scholar re-turns over 2.5 million results and over35,000 articles on PubMed (as of May2020). The increasing scientific focus inresilience is matched by growing publicinterest (unlike similar terms, GoogleTrends indicates a steady increase insearches for the term worldwide sincetheir records began). However, thisgrowing interest is challenged by confu-sion about what resilience actually is, asit tends to be taken to mean differentthings depending on the context(Google reports that the two most com-mon queries related to resilience are “re-silience meaning” and “resilience de-fine”). A basic definition is thatresilience is about achieving positiveoutcomes despite stress and challenge,which we all face at different times inour lives (Figure 3). The broad appeal ofresilience is therefore understandable:

parents want their children to “be resili-ent” when faced with developmentalchallenges. Leaders want their nation toshow resilience in the face of economicdownturns and other societal chal-lenges. However, the context-agnosticnature of resilience can be a problemwhen there is a lack of clarity about whatresilience involves and therefore how toact on it (Earvolino-Ramirez, 2007).

Recently, researchers have sought togive greater clarity to resilience (see Un-gar, 2011). In brief, this has involvedshifting from a perspective that resili-ence involves a psychological trait akinto ‘toughness’, to a process that reflectsthe variable capacity of biopsychosocialsystems (a person or a group such as afamily or community) to draw on re-sources that enable recovery from or ad-aptation to adversity. This modern andbroader understanding foregrounds theresources an individual has access tothat afford the capacity to manage ad-versity, including internal characteris-tics that can be nurtured and bolsteredsuch as self-efficacy, self-compassion, a

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strong sense of coherence, and opti-mism (Ledesma, 2014; Masten, 2015;Werner, 2000). More recent accountshave sought to highlight the importanceof protective factors from individuals’social-ecological worlds such as familyand peer support, community ties andinfrastructure, and the built and natural

environment (Ungar, 2012; Ungar et al.,2013; Ungar & Theron, 2020). The inclu-sion of internal and external protectivefactors that help to achieve good out-comes despite challenges highlights thatresilience is not down to the individualto achieve by themselves.

Figure 3. Pathways of resilience

A clear and shared understandingenables the basis for furthering the sci-ence and study of resilience, where dif-ferent internal and external resourcesimplicated in resilience can be identi-fied, studied, and subsequently pro-moted. This approach to the manage-ment of adversity is one of the reasonswhy resilience is gaining traction in thebroader field of positive psychology (Lu-thar et al., 2014; Yates & Masten, 2004);as a strengths-based approach, resili-ence promotes strengthening protectivefactors rather than focusing on and ad-dressing vulnerabilities (such as cogni-tive-behavioural therapy techniques tomanage mental health issues). However,in addition to the protective factors and

processes associated with resilience, re-searchers such as Ungar (2019) have ar-gued that studies of resilience must alsoconsider two further dimensions: riskand outcomes. The latter is relativelystraightforward: we anticipate that de-spite exposure to adversity, individualswith strong protective factors will dobetter than those exposed to adversitythat do not. This “doing better” can bemeasured in different ways: typicallythrough mental health or well-being(Johnston et al., 2015; Rutten et al., 2013),but also through other indicators offunctioning like good social relations orparticipation in society (Ungar, 2019).However, it is the dimension of risk thatmay be more nebulous and sometimes

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overlooked. By definition, resilience isevident when good outcomes are expe-rienced or demonstrated following orduring adversity, thus it is imperativethat researchers and practitioners un-derstand the challenge faced by individ-uals or groups and account for these intheir work. Therefore, an understandingof risk is important, in addition to a fo-cus on key protective factors and out-comes of interest (Figure 4).

Figure 4. Ungar’s (2019) three-partmodel for resilience studies

Linking physical activity and resili-ence

To date, few connections have beenmade between resilience and physicalliteracy, yet they share significant con-ceptual overlap. Both are associatedwith positive outcomes like good healthand well-being, and both include affec-tive, social, and cognitive dimensions.Studies of resilience and sport supportthe likelihood of a link (Sarkar &Fletcher, 2014; Wagstaff et al., 2017).These ideas prompted an initial explor-atory study, where a preliminary assess-ment of Canadian school children deter-mined correlations between resilience(operationalised using the Child andYouth Resilience Measure; Jefferies etal., 2018; Liebenberg et al., 2013) and thecomponents of physical literacy, draw-ing on data from a range of sources in-

cluding self-report and reports from as-sessors trained in physical literacy as-sessment (Jefferies et al., 2019).

The Canadian study is useful as abase for further investigations, but waslimited in various ways, including that itonly drew on cross-sectional data andtherefore could not illuminate causalmechanisms, nor was it sophisticatedenough to clearly delineate how the twoconstructs may interact. To develop abetter understanding of the potentialconceptual linkage, it is important toconsider the processual nature of bothphysical literacy and resilience. In resili-ence, at a basic level, the initial experi-ence of some stressor prompts a re-sponse from an individual. They are saidto do something which immediately oreventually helps them to overcome theissue, to transform (positively) as a re-sult of the experience, or to adapt to it(especially if the stressor is ongoing),each of which reflects the manifest‘bouncing back’ that is typically associ-ated with resilience. The action that fa-cilitates these outcomes involves indi-viduals drawing on internal and externalprotective factors.

One important feature to note,however, is that these episodes are typi-cally not contained, and instead may in-cur spill-over effects. Rutter (2012) hasexplored the experience of adversity andconsequent spill-over effects, drawingon animal and psychosocial research todetermine that they fall into one of twokinds: “steeling” and “sensitising” ef-fects. In the former, exposure to astressor decreases vulnerabilities to fu-ture stressors, akin to resistance to in-fection, where the experience of over-coming mild infections leads to futureimmunity (Rutter, 1999). This occurs atbiological levels (e.g., through dimin-ished HPA axis activity (Hagan et al.,2014)) as well as psychological levels

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(e.g., better mental health; Dooley et al.,2017; Mortimer & Staff, 2004; Sharpley etal., 2020) when facing future stressors.

In this way, when faced with subse-quent adversities, steeling means an in-dividual is better placed to managethem. Sensitising denotes the oppositeoutcome, of increased vulnerability,where an individual is harmed to the ex-tent that future adversities may have amore damaging impact. Liu (2015) andHöltge and colleagues (2018) providefurther articulation, suggesting that thechoice of outcome may be determinedby the level of adversity, where moder-ate or “positive” stressors, which are notoverwhelming, yet are sufficientlyarousing to stimulate relevant re-sources, confer an advantage in subse-quent encounters (see also, Seery et al.,2010). Rutter (2013) has also suggestedthat the “circumstances” surroundingthe experience of adversity are im-portant.

A positive challenge

The nature of the adversity experi-enced by an individual and its conse-quent effects may therefore be whereprocessual models of physical literacyand resilience intercept. For example, acommon core characteristic of schoolphysical education curricula that buildsphysical literacy is the promotion ofgoals of an appropriate challenge to theindividual. This is the challenge that anindividual should struggle with. Like theprocess involved in appropriate goal at-tainment scaling (Bovend’Eerdt et al.,2009; Kiresuk & Sherman, 1968) and ad-herence to the tenets of optimal chal-lenge theory (Ahmed, 2017), the level ofadversity should be sufficiently difficultto achieve yet not insurmountable. Inother words, a child is expected to strug-gle, to fail, and to perceive the possibilityfor success and then to achieve this

eventually. For example, a teacher asks aclass to circle a gym while balancing aball on a hockey stick. This draws onfundamental locomotor and object con-trol skills and can be scaled up or downin difficulty such as by asking the childto use a non-dominant hand or a harderor softer ball which rolls more or less.The careful calibration of the challengeto ability underscores the need fortrained educators who can attend toeach child individually. Should the chal-lenge be too hard, there will no gains,and at worst, a sense of inescapable fail-ure could be off-putting for future en-counters (the sensitising effect). Simi-larly, should it be too easy, no sense ofprogression will be achieved (or a falsesense, which may cause problems later)(Clifford, 1990). In contrast, engaging achallenge at a difficulty appropriate forthe individual leads to greater affectthan success alone (Abuhamdeh &Csikszentmihalyi, 2012).

A key feature of engagement withsuch positive challenges is that thestruggle should come to be seen as partof the process, and not thought of assomething to avoid nor bypass. Somenegative affect is to be expected, butpositive affect is promised through re-peated engagement. For example, if aninstructor asks a child to throw a ballvertically, turn 360 degrees and catchthe ball, a child immediately able to dothis competently is not experiencingsufficient challenge, and therefore nogrowth would be possible. Likewise, achild who repeatedly fails may come tosee this as a continuing pattern and somay avoid situations like this in the fu-ture, as they associate engagement withthe negative affect that accompaniesfailure, and when faced with similar sit-uations may in fact withhold effort toself-protect, paradoxically leading topoor performance (Thompson, 2004).

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Adjustment of the challenge to ability,whether through changing the activityor suggestions for how to improve en-gagement (such as starting posture), cancreate the conditions where an initialnegative affective state related to doubtand worry is overtaken by the enjoy-ment related to recognising progressionand the possibility of mastery. A childnearly catching the ball, catching it butthen dropping it, or turning compe-tently in time but not successfully catch-ing it would all be examples of progres-sion. Per a physical literacy cycle,competence leads to confidence in one-self and one’s abilities, which encour-ages the motivation to keep engagingand participate in other activities (Fig-ure 5). In other words, the constructionof appropriate challenge means thatworries and failures are not off-puttingbut instead are seen as necessary stepstoward competence, and part of thejourney of success, thereby stimulatingengagement in further activity. Thesteeling effect in resilience would be ex-pected in subsequent physical educationsessions, where challenges become lessdaunting and engaging with them inpursuit of competence is perceived morepositively (Cairney et al., 2012).

This experience of challenge echoesRutter’s (2013) assertion that resiliencemay be produced through “repeatedbrief exposure to negative experiences incircumstances that allow the individualto cope successfully with the experi-ence” (p.477). Coping in physical liter-acy settings also involves managing theaffective and cognitive states prior toand when engaging with the challenge.However, the broader circumstancesthat facilitate coping can easily be over-looked, such as when physical educatorsask children to perform their engage-ment in front of their class, where failure

can interrupt the cycle and lead to di-minished confidence and ongoing socialinhibition (Williams, 1996). Appropriatechallenge circumstances should there-fore involve consideration of suitablelevels of risk across physical, psycholog-ical, as well as social domains that canfacilitate growth. This runs somewhatcounter to societal tendencies to try tominimise or eradicate risk, or to produce‘surplus safety’, yet which are now facingresistance in both physical activity (Ac-tive for Life, 2019; Wyver et al., 2010) andresilience circles (Reid, 2012; Ungar,2009).

Figure 5. The physical literacy cycle(Jefferies et al., 2019)

Another important link involves theway challenges are approached. For in-stance, good quality physical literacy ac-tivities involve an element of interpreta-tion. That is, a goal may be set (e.g.,circle the gym without dropping the ballbalanced on a stick) and some condi-tions may be required depending on in-dividual ability (hop or use one or bothhands to hold the stick), but there is adegree of openness involved in the en-gagement. For example, an individualmay choose to move faster or slower,they may hold the stick with their

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thumb on top or wrapped around, orwith the stick out in front of them or bytheir side. Some techniques will workbetter than others, but importantly, theindividual determines these themselves,and can test and alter them dependingon how they go. The same movementcompetencies may be called upon, buttheir expression or sequence may varydepending on how the individual de-cides to approach the challenge. Thismarks a fundamental distinction be-tween physical literacy and traditionalphysical education curricula involvingsport, where, in the latter, there are typ-ically set ways of doing things, towardwhich individuals are trained. In con-trast, physical literacy promotes agreater degree of creativity, as individu-als experiment with different movementtechniques (Mandigo et al., 2009; Rich-ard et al., 2020). The study by Kriellaarsand colleagues (2019) where childrenengaged a circus arts instruction pro-gramme and demonstrated curriculalinked movement skills is a good exam-ple of this. Creativity can also be empha-sised by asking participants to repeat achallenge differently to how they did itbefore. This creative dimension relatesto well-established protective factors inthe resilience literature, such as prob-lem-solving, decision-making, and goal-setting (e.g., Masten, 2001; Morrison &Allen, 2007; Ungar et al., 2005). For in-stance, Masten (2015) describes theglobal applicability of problem-solvingthat helps individuals to appraise chal-lenges and to test and evaluate potentialways to manage them, noting that suchskills could enhance the likelihood ofadaptive outcomes when faced with anovel or more substantial adversity.

The challenges involved in develop-ing physical literacy are clearly of a dif-ferent magnitude to some of the more

serious adversities in studies of resili-ence (e.g., natural disasters (Reich,2006), war and conflict (Betancourt &Khan, 2008)). However, as Casey (2019)aptly describes, the relative safety of thegymnasium or AstroTurf is not designedto replicate the challenges of the world.Nevertheless, the spill-over effects of en-gaging positive challenge may foster im-portant transferable protective factorsthat encompass the competencies(problem-solving, decision-making),mindset (self-efficacy, confidence), andagency (through recognition of compe-tence). In turn, these may encourage thelikelihood of more adaptive outcomeswhen faced with different and more sig-nificant challenges (Ennis, 2015), andwould therefore be important to culti-vate and strengthen.

A conceptual bridge

The characteristics of the physicalliteracy cycle and its immediate and la-tent effects suggest a relationship withmodern conceptions of resilience pro-cesses. The link between positive chal-lenges involved in physical literacy andthe kinds of adversities that promotesteeling suggest that resilience may beevident and built during these experi-ences. Some studies have begun to linkchallenge and resilience in elite athletes(e.g., Howells et al., 2017) but furtherempirical work is clearly needed to helptest and clarify these relationships in thecontext of the development of move-ment competencies and early physicalactivity. For example, longitudinal inter-vention studies may be used to comparechildren who have undertaken a physi-cal literacy enriched curriculum withthose experiencing traditional physicaleducation, to determine how individualsmay fare in terms of prominent protec-tive factors implicated in resilience,such as their problem-solving ability,

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self-efficacy, and perseverance. Suchstudies may also explore the experienceof significant adversities faced duringthis time (e.g., involving measures of ad-verse childhood experiences or signifi-cant life upheaval like parental divorce),as those demonstrating resilience maybe expected to demonstrate greaterwell-being and functioning.

Physical literacy leads to greater bi-opsychosocial functioning through on-going engagement in movement, involv-ing uptake and maintenance of physicalactivity like exercise or sport. On thisbasis alone it is important to encourage.However, the additional quality, that itmay be an antecedent of resilience, orhelp foster important protective factorsassociated with resilience (or both), is afurther advantage conferring its value.For educators, health professionals, andpolicymakers who are becoming inter-ested in conceptions of resilience andhow to involve these in interventionsand educational curricula, a holistic ap-proach would include the developmentof physical literacy to foster the compe-tencies and confidence that may be im-portant for coping with and addressingthe occurrence of future challenges.

ACKNOWLEDGEMENTS

Thank you to Dr. Dean Kriellaars for hiscomments on drafts of the manuscriptand early discussions about the idea ofpositive challenges.

CONFLICTS OF INTEREST

The author does not declare any conflictof interest.

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PRÉSENTATION DE L’AUTEUR

Philip JefferiesResilience Research Centre, Faculty of Health, Dalhousie University, Halifax, Nova Sco-tia, CanadaPhilip Jefferies est un psychologue certifié et chercheur associé au Resilience ResearchCentre, où il travaille avec des jeunes, à la fois au Canada et dans le monde, souvent issusde milieux défavorisés, pour étudier et mettre en évidence les facteurs bénéfiques à leursanté mentale, à leur bien-être et ceux qui améliorent leur résilience.Contact : [email protected]

______________

Pour citer cet article :

Jefferies, P. (2020). Physical literacy and resilience: The role of positive challenges.Sciences & Bonheur, 5, 11–26.

27

Annie Paquet

Fabien Fenouillet

Gentillesse et bienveillance commeressources psychologiques

Kindness and benevolence as psy-chological resources

RÉSUMÉ

Cet article propose un éclairage théo-rique des notions de gentillesse et debienveillance en mêlant la théorie del’autodétermination de Deci et Ryan(2014) et la psychologie des valeurs deSchwartz (2006). À partir d’une revue delittérature de ces concepts appartenantau sens commun, une proposition per-sonnelle des définitions de la gentillesseet de la bienveillance, ainsi que de leurrelation, est faite. Après une explorationdes bénéfices respectifs de la gentillesseet de la bienveillance, ces deux notionssont envisagées comme ressources psy-chologiques individuelles avec des évi-dences empiriques en ce sens pour lagentillesse et le constat de la nécessité derecherches supplémentaires pour labienveillance.

MOTS-CLÉS

Gentillesse ; Bienveillance ; Valeur ; Mo-tivation ; Théorie de l’autodétermina-tion ; Ressource psychologique.

ABSTRACT

This article clarifies the notions of “kind-ness” and “benevolence” by combiningthe self-determination theory of Deciand Ryan (2014) and the value psychol-ogy of Schwartz (2006). Based on a liter-ature review of kindness and benevo-lence, their relationship and respectivebenefits is explored. Then, a proposal ismade to define the two concepts basedon their unique underlying motivations.While empirical evidence supports rec-ognizing kindness as a psychological re-source, more research is needed to rec-ognize benevolence as such.

KEYWORDS

Kindness; Benevolence; Value; Motiva-tion; Self-Determination Theory; Psy-chological resource.

1. INTRODUCTION

Avec l’avènement de la psychologiepositive, de nombreux travaux sur lesressources psychologiques se sont déve-loppés depuis plus d’une vingtaine d’an-nées. Les ressources psychologiquessont des dispositions stables de l’indi-vidu qui lui permettent d’une part de seprotéger des conséquences néfastesd’évènements difficiles de la vie etd’autre part, de contribuer à un fonc-tionnement individuel optimal à traversun niveau de bien-être satisfaisant (Csil-lik, 2017). Plus simplement, les res-sources psychologiques sont des va-riables psychologiques dont l’individudispose, qui le protègent du stress, de ladépression, de l’anxiété ou d’autrestroubles psychopathologiques, et qui fa-vorisent son bien-être et sa satisfactionde vie. Un panel de ressources a d’ores et

28

déjà été exploré, par exemple, l’espoir,l’optimisme, le pardon ou encore le con-cept de « self-compassion » (Neff, 2003)que Csillik (2017) a traduit par bienveil-lance envers soi. Cet article a pour butd’examiner un concept qui est devenuun terme incontournable depuisquelques années : la bienveillance. Il estutilisé dans de nombreux domainescomme en témoignent les expressionssuivantes : management bienveillant,accompagnement bienveillant, écoutebienveillante, attitude bienveillante,autorité bienveillante, éducation bien-veillante. Il existe un décalage entre lafréquence d’utilisation de ce conceptdans la vie quotidienne et l’état des re-cherches à ce sujet. En effet, très peu detravaux universitaires francophones sesont consacrés à la bienveillance. Il fautdonc se tourner vers la littérature anglo-phone. Deux défis apparaissent alorspour les personnes s’intéressant à labienveillance dans la littérature anglo-phone :1) Les difficultés de traduction : la

bienveillance en anglais se traduitpar les mots « kindness » et « bene-volence » voire « beneficence ». Or, àl’inverse, le mot « kindness » se tra-duit en français par gentillesse et parbienveillance. Il devient légitime dese demander, lorsqu’un article traitede « kindness », s’il s’agit de bien-veillance ou de gentillesse. La ques-tion en découlant spontanémentest : existe-il une différence entre lestermes « gentillesse » et « bienveil-lance » ? Si oui, quelle est la diffé-rence entre la gentillesse et la bien-veillance ?

2) La pauvreté des travaux sur les« acts of kindness » (Binfet, 2015).Face à leurs deux traductions pos-

sibles en français mais aussi leur grandeproximité conceptuelle, il devient néces-saire de clarifier ces deux concepts de

gentillesse et de bienveillance en cher-chant leur lien de parenté mais aussi cequi les distingue. Cela est d’autant plusnécessaire que le champ lexical se rap-portant à la bienveillance est vaste et quede nombreux termes sont utiliséscomme synonymes de bienveillance no-tamment la gentillesse et l’altruisme.Dans un deuxième temps, une explora-tion des conséquences de la gentillesseet de la bienveillance en termes de pro-tection contre les effets délétères d’évè-nements négatifs et d’augmentation dubien-être sera menée. Ceci permettraalors d’envisager la gentillesse et la bien-veillance comme une ressource psycho-logique. Cet article est ainsi une ré-flexion théorique sur la gentillesse et labienveillance, leurs définitions respec-tives, leurs liens avec la motivation dansle cadre de la théorie de l’autodétermi-nation ; l’objectif étant de savoir si l’onpeut considérer ces deux notions commedes ressources psychologiques.

1.1 Définitions de la gentillesse

Il existe peu de définitions de la gen-tillesse (Binfet, 2016). Long (1997) définitl’acte de gentillesse comme un compor-tement qui apporte un soulagement in-térieur et/ou le confort à la personne quile reçoit. Ces comportements ont uncoût, représentent un sacrifice pour ce-lui qui l’émet (Lyubomirsky et al., 2005).Ils peuvent être singuliers ou collectifs(par exemple, donner son sang). Ils sontréalisés non pas pour qu’autrui nous ap-précie ou nous remercie mais parce quece sont des actes qui nous nourrissent,intrinsèquement de bonnes choses ensoi (Long, 1997).

Ces définitions reflètent la perspec-tive des adultes. Selon celle des enfants(Binfet & Gaertner, 2015), la gentillesseest un acte de soutien émotionnel ouphysique qui aide à construire ou main-tenir des relations avec les autres. Les

29

jeunes enfants comprennent et manifes-tent de la gentillesse en offrant de l’aidephysique (par exemple en aidantquelqu’un qui est tombé), en fournissantune aide émotionnelle (par exemple en

réconfortant un élève seul), en incluantles autres (par exemple en invitant unélève à rejoindre une équipe déjà consti-tuée) et en partageant.

Tableau 1 : Définitions de la gentillesse, inspiré du tableau de Binfet (2015) Définition Source

1

La gentillesse est une combinaison de composantes émotionnelles,comportementales et motivationnelles.Les actes de gentillesse sont des comportements qui bénéficient à au-trui ou qui les rend heureux.

Kerr et al. (2015)

2Les actes de gentillesse sont des actions qui bénéficient à autrui maisqui supposent un sacrifice ou un coût de la part de celui qui le fait.

Lyubomirsky et al.(2005)

3

Faire un acte de bien et d’utile pour quelqu’un ; cet acte peut être ap-prouvé voire loué par autrui.La gentillesse est sous-tendue par la compassion et lorsque l’on agit àpartir de cette compassion, de façon utile et attentionnée à l’autre, lecomportement devient gentillesse.

Long (1997)

4Faire des faveurs et des actes bons pour autrui ; les aider ; prendre soind’eux.

Park et al. (2004)

5 Adoption d’actes gentils envers les gens Otake et al. (2006).

6La gentillesse, selon la perspective des jeunes enfants, est un acte desupport émotionnel ou physique qui aide à construire ou maintenir desrelations avec les autres.

Binfet & Gaertner(2015)

7Les actes de gentillesse se focalisent sur des résultats positifs pour lesautres plutôt que pour soi-même.

Trew & Alden (2015)

8 Actions dont l’intention est de bénéficier aux autres Curry et al. (2018)

Pour résumer, « la gentillesse est laqualité d’une personne qui émet desactes en faveur d’autrui pour augmenterson bien-être ou son confort » (Paquet etal., 2019, p 137). La gentillesse corres-pond à un ensemble de comportementsqui bénéficient à autrui. Ces comporte-ments gentils sont proches des compor-tements prosociaux abondamment dé-crits dans la littérature et définis commeles actes destinés à apporter de l’aide ouà bénéficier à autrui (Eisenberg & Mus-sen, 1989). Dans cet article, actes proso-ciaux et actes gentils seront utilisés in-différemment même si trois nuancespeuvent être apportées. En premier lieu,les actes prosociaux existent en soi, sontobjectifs, reconnus comme tels par des

observateurs. Les actes gentils deman-dent à être interprétés comme tels parl’émetteur et le bénéficiaire de l’acte.Dans un second temps, les actes proso-ciaux sont neutres alors que les actes degentillesse sont connotés affectivement(positivement la plupart du temps). En-fin, les actes de gentillesse peuvent êtreconsidérés comme une partie des actesprosociaux qui engloberaient les actesde gentillesse mais aussi le volontariat,l’action militante, etc. (Sanderson &McQuilkin, 2017).

30

1.2 Définitions de la bienveillance

Les motivations sous-jacentes à lagentillesse

Pour saisir la relation entre gentil-lesse et bienveillance, il faut s’intéresseraux motivations sous-jacentes aux com-portements gentils (Paquet et al., 2019).Une des théories de la motivation qui aconnu un véritable essor ces dernièresannées est la théorie de l’autodétermina-tion (Sarrazin et al., 2011). Dans la théo-rie de l’autodétermination, il existe uncontinuum dans la motivation allantd’un comportement effectué par intérêtet plaisir inhérents à l’action (motivationintrinsèque), à un comportement effec-tué en l’absence totale d’intentionnalité(amotivation), en passant par un com-portement produit pour satisfaire les va-leurs de l’individu (régulation intégrée)et des comportements émis sous despressions internes et/ou externes (régu-lation introjectée et régulation externe =motivation extrinsèque). Cette théoriereconnaît ainsi des motivations « auto-nomes » ((i.e., spontanées, choisies, vo-lontaires) vs « contrôlées » (i.e., obli-gées, contrôlées par des pressions). Danscette perspective, selon Paquet et al.(2019), les comportements gentils pour-raient donc être motivés par différentsmotifs notamment parce qu’ils sont sa-tisfaisants en soi (motivation intrin-sèque) ou parce qu’ils satisfont des va-leurs importantes à nos yeux(motivation intégrée).

Avec Batson et Shaw (1991), l’al-truisme est « un état motivationnelayant le but ultime d’accroître le bien-être de quelqu’un d’autre » (p. 108). L’al-truisme est la motivation qui orientevers une personne pour ses besoins à ellesans que l’acteur de l’acte altruiste n’es-père en tirer profit (Knickerbocker,2003). Rowland (2018) souligne que l’al-truisme suppose un « échange », une

transaction : un coût pour l’émetteur etun gain pour le bénéficiaire de l’acte al-truiste. Les définitions de l’altruismesont variées parfois contradictoires (Deb& Smith, 2019).

Dans la perspective de Batson etShaw (1991), il y a ainsi une filiation entrealtruisme et comportements gentils. Lescomportements gentils seraient adoptéslorsque la personne se trouve dans uncertain état motivationnel appelé al-truisme. Mais qu’est ce qui place l’indi-vidu dans cet état motivationnel ? Cetétat motivationnel découle des deuxtypes de motivations évoquées précé-demment : la motivation intrinsèque(les comportements gentils portent eneux-mêmes une satisfaction inhérente)et la motivation intégrée (les comporte-ments gentils satisfont les valeurs del’individu).

La théorie de l’autodéterminationsuggère que les êtres humains sont mo-tivés de façon inhérente pour se connec-ter à autrui, pour internaliser et intégrerles valeurs sociales et pour s’autoréguleren fonction de ces valeurs (Ryan & Ha-wley, 2016). De cette généralité, nouspouvons déduire que l’enfant est intrin-sèquement motivé à être gentil et intrin-sèquement motivé à internaliser des va-leurs prosociales. Il est maintenantévident que de nombreux comporte-ments prosociaux apparaissent très tôtdans le développement de l’enfant(Brownell, 2013, pour revue). Parexemple, les enfants répondent à la dé-tresse d’autrui dès la première année devie, ils partagent spontanément des in-formations avec l’adulte à l’âge de 12mois, ils partagent nourriture et jeuxentre 18 et 24 mois, etc.

En fait, les enfants sont intrinsèque-ment motivés à aider les autres. War-necken et Tomasello (2008) ont examinéles comportements d’aide chez des en-fants de 20 mois. Ils observent que les

31

enfants aident spontanément à cet âge.Mais encore plus important. Lorsqu’ilsreçoivent une récompense pour cescomportements prosociaux, la probabi-lité qu’ils aident dans un deuxièmetemps diminue. Les récompenses exté-rieures minent donc la satisfaction in-trinsèque à ces comportements toutcomme elles diminuent les motivationsautodéterminées globalement (Ryan &Deci, 2017).

Ainsi, avec la théorie de l’autodéter-mination, les humains sont enclins à dé-velopper des comportements sociauxautodéterminées sous certaines condi-tions (Ryan & Hawley, 2016). Les com-portements gentils intrinsèques sont in-hérents à la nature humaine. Si l’enfantbaigne dans un environnement qui satis-fait ses besoins psychologiques de base,alors ces tendances se réalisent. Si l’en-fant baigne dans un environnement quimenace ses besoins, alors apparaissentplutôt des comportements antisociaux(Ryan & Hawley, 2016).

D’autre part, l’enfant est intrinsè-quement motivé pour internaliser les va-leurs sociales. Quelles peuvent être lesvaleurs de l’individu sous tendant sesactes de gentillesse ?

Les valeurs ont une place fondamen-tale dans la motivation

« Pour les psychologues, qui s’inté-ressent aux motivations, les valeurs sontles déterminants de l’action ; elles per-mettent de répondre à la question« pourquoi agissons-nous comme nousagissons ? » (Wach & Hammer, 2003)Les premières études sur les valeurs enpsychologie datent du début du 20ème

siècle. Chataigné (2014) brosse un por-trait historique de l’étude des valeurs.Étrangement « bien que les valeurssoient impliquées dans la plupart desthéories de la psychologie sociale, les

psychologues sociaux ont (…) assez rare-ment concentré leurs travaux sur cettenotion » (Guimond, p.11 in Chataigné,2014) et il faut attendre le début des an-nées 70 pour qu’une véritable théoriedes valeurs soit élaborée par Rokeach(cité par Chataigné, 2014, p.20) qui défi-nit les valeurs comme suit : « (…)croyance durable qu’un mode spécifiquede conduite ou état de fin de l’existenceest personnellement ou socialementpréférable à un mode de conduite op-posé ou inverse ou état de fin de l’exis-tence ».

Les travaux de Rokeach représen-tent un véritable tournant dans l’étudedes valeurs et influencent considérable-ment les travaux de Schwartz dans lesannées 90 qui propose un modèle com-plet et original des valeurs. Originale carles valeurs sont décontextualisées ; ori-ginale car la structure des valeurs pré-sentée est universelle ; originale par laméthode utilisée (Wach & Hammer,2003).

Un modèle fondamental dans l’étudedes valeurs : le modèle de Schwartz

Si Rokeach (cité par Chataigné,2014) distinguait 36 valeurs dans sa théo-rie, Schwartz (2006a) postule l’existenced’une infinité de valeurs formant uncontinuum, continuum que l’on peutsegmenter. Il devient alors possible dedéterminer un nombre fini de « types devaleurs » dans lequel toute valeur peutêtre classée (Wach & Hammer, 2003).Ainsi Schwartz (2006a) distingue 10types de valeurs que l’on appelle com-munément les 10 valeurs de base organi-sées en circomplexe. Celles-ci sont dé-nommées et définies comme suit(Schwartz, 2006a) :- L’autonomie : visant l’indépendance

de la pensée et de l’action,

32

- La stimulation : visant la recherchela nouveauté et les défis à releverdans la vie,

- L’hédonisme : visant le plaisir per-sonnel,

- L’accomplissement : visant la réus-site personnelle, liée à une compé-tence reconnue par les normes so-ciales,

- Le pouvoir : visant la recherche d’unstatut social prestigieux, de con-trôle, de domination,

- La sécurité : visant l’harmonie de lasociété, des relations interindivi-duelles sont recherchées ainsi que lasécurité de l’individu,

- La conformité : visant la modérationd‘actions et paroles pour ne pasheurter les autres et/ou transgresserles normes sociales,

- La tradition : visant le respect et l’ac-ceptation des coutumes et idées dela culture ou de la religion,

- La bienveillance : visant la préserva-tion et l’amélioration du bien-êtrede ceux avec qui l’individu est fré-quemment en contact,

- L’universalisme : visant la préserva-tion du bien-être de tous et de la na-ture.Ce qui est novateur dans la théorie

de Schwartz, c’est que les valeurs sontuniverselles et structurées en termes decompatibilités et de conflits. Parexemple, la bienveillance fonctionne depair avec l’universalisme et a tendance às’opposer au pouvoir. Parallèlement àcette vision universaliste existe une vi-sion individualiste qui est la priorité devaleurs, c’est-à-dire que chaque individuaccorde une importance relative à telleou telle valeur. Ces 10 valeurs sont orga-nisées en un système circulaire appelécircomplexe indiquant leurs relationsconflictuelles (marquées par leur éloi-gnement sur le circomplexe) et leur

compatibilité (marquées alors par leurproximité sur le circomplexe).

Ces 10 valeurs peuvent être regrou-pées en quatre « supra-valeurs » quis’opposent deux à deux : La transcen-dance de soi vs l’affirmation de soi (quise réfèrent au bien-être et à l’intérêt desautres vs l’intérêt personnel), et à l’op-posé, l’ouverture au changement vs laconservation (qui se réfèrent à la re-cherche de nouvelles expériences vs larésistance aux changements).

Ces 10 valeurs étant recensées, quelssont leurs points communs ? Quelleest la nature des valeurs ?

Schwartz (2006a) définit les valeursen exposant leurs caractéristiques. « Lesvaleurs sont des croyances fortementliées aux affects » (Chataigné, 2014,p.25). En ce sens, les valeurs ont à la foisune composante cognitive et affective.Cognitive car elles sont des croyances,affective car elles donnent une valence(plaisir/déplaisir) et une intensité émo-tionnelle à un évènement ou à l’évalua-tion d’une personne. Les valeurs sontdonc à l’origine de ce qui est désirable,elles orientent vers un objectif. Les va-leurs sont également transituation-nelles, une même valeur s’exprime dansdifférentes situations : travail, famille,communauté. « Les valeurs sont intrin-sèquement positives » (Chataigné, 2014,p 25). Elles sont des critères d’évalua-tion, des étalons, de ce qui est bon oupas. Dans la vie quotidienne, les indivi-dus s’y réfèrent de manière inconsciente.Elles sont conscientisées lorsqu’une ac-tion met en jeu un conflit entre des va-leurs. Il est aussi possible de dire qu’ilexiste une priorité de valeurs relative-ment stable chez un individu. Enfin,« l’importance relative des valeurs guidel’action » (Chataigné, 2014, p 25). Selon

33

les valeurs privilégiées, l’individu s’en-gage dans une action plutôt qu’uneautre.

De ces postulats de Schwartz décou-lent les fonctions des valeurs :- Elles orientent le comportement : ce

que nous faisons (fonction d’orien-tation ou troisième composante desvaleurs qui est la composante com-portementale)

- Elles expliquent les comportementseffectués : pourquoi nous les avonsfaits (fonction d’explication)

- Elles permettent de s’auto-évaluer,d’évaluer les autres personnes et lesévènements (fonction d’évaluation)

- Elles dirigent notre attention etnotre perception (fonction de per-ception).Ainsi, selon Schwartz (2006a), la

bienveillance est une valeur. Les valeurssont des croyances qui sont reliées auxémotions, vont motiver l’action et guiderl’évaluation des actions. Les valeursfonctionnent comme des standards pourjuger ou pour justifier une action.

Articulation entre bienveillance, al-truisme et gentillesse

Comment articuler valeurs en géné-ral et valeur de bienveillance en particu-lier, altruisme et comportements de gen-tillesse ? Deux perspectives (au moins)peuvent être défendues.

La première est celle tenant de lapsychologie sociale : tout acte prosocialpeut émaner de n’importe quelle valeurdécrite par Schwartz. Ainsi un acte pro-social (par exemple, ouvrir une porte àquelqu’un) peut être motivé par la vo-lonté d’apporter du bien être à l’autre, delui faciliter la vie (valeur de bienveil-lance). Il peut être aussi motivé par lerespect des traditions, ici celle de la po-litesse, (valeur de conformité), ou en-core motivé par le désir de lui montrersa supériorité (valeur de pouvoir). Ainsi,

un acte prosocial peut être suscité par unétat motivationnel appelé altruismepour accroître le bien être de quelqu’und’autre (Bateson & Shaw, 1998) corres-pondant à la « supra-valeur » de trans-cendance de soi ou au contraire par unétat motivationnel correspondant à la« supra-valeur » d’affirmation de soi.

La deuxième est celle tenant de lapsychologie positive et plus particulière-ment de la théorie de l’autodétermina-tion (Deci & Ryan, 2014) : comme vu pré-cédemment, tout acte prosocial peutémaner de différentes motivations allantde l’amotivation à la motivation intrin-sèque en passant par différentes motiva-tions plus ou moins autodéterminées,c’est-à-dire plus ou moins intégrées auSoi de l’individu. Ainsi un comporte-ment peut être produit pour satisfaireaux valeurs de l’individu, comme faisantpartie de sa personnalité (régulation in-tégrée) mais aussi parce que l’individu lejuge important pour le Soi, pour sonbien être personnel (régulation identi-fiée). Enfin, le comportement peut êtreémis sous des pressions internes et/ouexternes (régulation introjectée et régu-lation externe). Chantal et Vallerand(2000), s’intéressant plus spécifique-ment aux motivations aux actes béné-voles, explorent quatre types de motiva-tions altruistes sous-jacentes aubénévolat : 1) la motivation intrinsèquealtruiste où le comportement est effec-tué pour le plaisir de l’action en elle-même ; 2) la motivation intégrée al-truiste dans laquelle le bénévolat faitpartie de la personnalité de l’individu, deses valeurs ; 3) la régulation identifiée al-truiste dans laquelle le comportementest jugé important pour le Soi ; 4) et en-fin la régulation introjectée altruistedans laquelle l’individu ressent une obli-gation morale à effectuer le comporte-ment bénévole. Chantal et Vallerand

34

(2000) exposent également des motiva-tions égoïstes aux actes bénévoles voiremême une amotivation.

Ainsi, lorsqu’un acte prosocial (gen-til) est commis, celui-ci peut être associéà un état motivationnel, état qualifiéd’altruisme par Bateson et Shaw (1998)correspondant soit à une motivation in-trinsèque altruiste soit à une régulationintégrée altruiste soit à une motivationidentifiée altruiste soit à une motivationintrojectée altruiste. Cet altruisme peutêtre lui-même sous-tendu par la bien-veillance, valeur qui a pour but de pré-server et d’améliorer le bien-être despersonnes dans les interactions quoti-diennes (Schwartz, 2006a). La valeur debienveillance provient selon Schwartz(2006a) de la nécessité pour le groupe defonctionner de manière harmonieuse. Labienveillance met l’accent sur le souci dubien-être des autres. La bienveillance engénéral est une valeur qui vise le bienêtre d’autrui. Cela signifie que c’est unecroyance qui motive l’action et lui ac-corde une valence. Lorsque l’individu

agit selon sa valeur de bienveillance, ilexpérimente un sentiment subjectifd’avoir fait de bonnes choses aux autres,d’avoir eu un impact positif dans la viedes autres (Martela & Ryan, 2016).

Aux vues de ces considérations, ondistingue deux voies de réalisation decomportements authentiquement gen-tils :1) Les comportements gentils sont liés

à un état motivationnel (altruisme)prenant naissance dans une motiva-tion intrinsèque. L’individu agitgentiment parce qu’il y trouve unplaisir, une satisfaction inhérente àcet acte. Cela entraîne le bien-êtredu bénéficiaire.

2) Les comportements gentils sont liésà un état motivationnel (altruisme)trouvant sa source dans une motiva-tion intégrée altruiste. L’individuagit gentiment parce qu’il est animépar une valeur, la bienveillance ; lebénéficiaire en tire du bien-être.

Tableau 2 : Les deux voies de la gentillesse authentique.

AntécédentForce

motivationnelleÉtat

motivationnelComportement

Objectifpremier

Voie 1Motivationintrinsèque

Altruisme GentillesseBien-êtred’autrui

Voie 2Valeur=

bienveillanceMotivation inté-

grée altruiste

Les motivations identifiée altruisteet introjectée altruiste ainsi que les mo-tivations égoïstes conduisent égalementà des actes de gentillesse. Ceux-ci ontune valeur utilitariste. Le bien-être d’au-trui devient un objectif secondaire pen-dant que l’individu poursuit un objectifindividuel, personnel.

1 Les termes de gentillesse authentique et de gen-tillesse utilitariste font référence à la distinction

En résumé, la gentillesse correspondà un ensemble de comportements qui apour objectif principal le bien-être d’au-trui. On peut alors parler de gentillesseauthentique.1 Ces comportements peu-vent être déclenchés par un certain étatmotivationnel appelé altruisme. Cet étatdécoule lui-même soit d’une motivation

entre bienveillance authentique et bienveillanceutilitariste (Pellegrin-Romeggio et al., 2016).

35

intrinsèque (plaisir inhérent au compor-tement) soit d’une motivation intégrée(satisfaction de la valeur de bienveil-lance). Dit autrement, la bienveillanceen tant que valeur est un antécédent dela gentillesse authentique. Démêler lesrelations entre gentillesse et bienveil-lance était nécessaire avant de considé-rer leurs conséquences.

2. CONSÉQUENCES DE LA GENTIL-LESSE ET DE LA BIENVEILLANCE

2.1 Les bénéfices de la gentillesse

La gentillesse authentique englobeles comportements effectués avec pourobjectif principal le bien-être du bénéfi-ciaire de l’acte. Après des considérationssur les protocoles des recherches me-nées sur la gentillesse, les effets positifsde celle-ci seront exposés.Dans un premier temps, il convient de sedemander comment les scientifiques ontpu évaluer les effets de la gentillesse ? S’ilexiste peu de recherches sur la gentil-lesse (Kaplan et al., 2016), celles qui sesont penchées sur ce sujet s’appuient surtrois types de protocoles :- Le dénombrement des actes de gen-

tillesse réalisés spontanément pen-dant une période. Ainsi l’étude deOtake et al., (2006) s’intéresse auxeffets de la gentillesse sur le bien-être d’étudiants à l’université. Ceux-ci doivent dénombrer les actes gen-tils qu’ils ont faits quotidiennementpendant une semaine. Kerr et al.(2015), s’intéressant à des patientssur liste d’attente pour un traite-ment psychologique, leur deman-dent de lister cinq actes de gentil-lesse commis chaque jour pendantquatorze jours.

- L’adoption d’actes de gentillesse.C’est le cas de la recherche deLayous et al. (2012) dans laquelle desjeunes de neuf à onze ans devaient

réaliser trois actes de gentillesse parsemaine pendant quatre semaines ;et celle de Lyubomirsky et al. (2005)où des étudiants à l’Université de-vaient réaliser cinq actes de gentil-lesse chaque semaine pendant sixsemaines.

- La mise en place de programmes dedéveloppement de la gentillesse.Parmi ceux-ci, le plus connu est pro-bablement « la méditation d’amourbienveillant » ou « lovingkindness meditation » qui consiste àélargir de plus en plus un cercle depersonnes pour lesquelles des pen-sées positives sont entretenues.Ces trois types de données reposent

donc sur des activités intentionnellesdéfinies comme des actions ou des exer-cices dans lesquelles une personne choi-sit de s’engager. Elles peuvent porter surdes cognitions (compter les actes degentillesse qui ont été réalisés spontané-ment) ou sur des comportements (adop-ter des actes de gentillesse). Ces activitésintentionnelles changent la perspectivede soi, de sa vie et du monde en général(Kurtz & Lyubomirsky, 2008). A partird’un aperçu des recherches sur les actesaléatoires de gentillesse, Binfet (2015)souligne la nécessité de promouvoir lesactes intentionnels de gentillesse auprèsdes élèves. En effet, si des bénéfices à laréalisation d’actes de gentillesse aléa-toires sont communément admis dans lasociété occidentale, Binfet (2015) sou-tient l’idée selon laquelle l’adoptiond’actes intentionnels de gentillessepourrait améliorer le bien-être socio-émotionnel des élèves.

La promotion d’actes de gentillessepeut être considérée comme une inter-vention de psychologie positive (Binfet,2015). De manière générale, les résultatsrévèlent des effets sur l’augmentation dubien-être subjectif et psychologique et

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une diminution des symptômes dépres-sifs (Bolier et al., 2013 ; Gander et al.,2012). Les actes altruistes en général aug-mentent le bien être, améliorent la santéphysique et mentale, et la longévité(Post, 2005). Midlarsky (1991) cité parPost (2005) avance cinq raisons permet-tant de comprendre les bénéfices desactes altruistes : 1) une augmentation del’intégration sociale, 2) une distractionde l’agent altruiste de ses propres pro-blèmes, 3) une signification (meaning-fulness) augmentée, 4) une perceptionaugmentée de l’auto-efficacité et de lacompétence et 5) une amélioration del’humeur et un style de vie physique-ment plus actif.

Plus spécifiquement, les travaux surla gentillesse montrent qu’elle augmenteles émotions positives et le bien-être.Elle a également des effets sur la satisfac-tion de vie, sur les relations sociales etsur la maladie.

La plupart des recherches sur la gen-tillesse se sont penchées sur ses effets surles émotions positives et sur le bien-être.Elles montrent qu’une intervention degentillesse augmente les affects positifs(Alden & Trew 2013 ; Layous & Lyu-bomisky, 2014 ; Pressman et al., 2015) etplus généralement le bien-être (Boehm& Lyubomirsky, 2009 ; Boehm et al.,2012 ; Kerr et al., 2015 ; Layous et al.,2012 ; McNulty & Fincham, 2012 ; Otakeet al., 2006). Selon Kurtz et Lyubomirsky(2008), faire des actes de gentillesse aug-mente le bonheur des participants. Ilssoutiennent qu’il s’agit d’une bonne stra-tégie d’augmentation du bonheur car cesactes de gentillesse changent la vision desoi, en autorisant à se voir commequelqu’un de serviable, gentil et compé-tent. Ces actes de gentillesse sont aussil’occasion de développer les forces per-sonnelles de ceux qui l’émettent. Enfin,ils permettent de construire des rela-tions sociales plus fortes et d’entrer dans

une spirale ascendante de bénéfices so-ciaux. Pour Boehm et Lyubomitsky(2009), ils permettent de construire unmeilleur regard sur soi-même et les gensgentils ont plus de souvenirs heureux(Otake et al., 2006). Si être gentil avec lesautres a des effets sur le bonheur, la gen-tillesse envers soi, une des trois compo-santes de la compassion envers soi, dé-crites par Neff (2003), est égalementcorrélée au bonheur subjectif (Akin &Akin, 2014). Dans leur revue de littéra-ture et leur méta-analyse des effets de lagentillesse, Curry et al. (2018) apportentune précision. Si la relation de la gentil-lesse sur le bien-être est indiscutabledans les études, l’effet global de la gen-tillesse sur le bien-être est petit à moyen,comparable en cela à d’autres interven-tions de psychologie positive.

La satisfaction de vie est égalementaméliorée par des interventions de gen-tillesse (Buchanan & Bardi, 2010 ; Kerr etal., 2015 ; Lyubomirsky et al., 2005 ;Pressman et al., 2015). Lyubomirsky et al.(2005) ainsi que Kerr et al. (2015) y ajou-tent un renforcement de l’optimisme etde la connectivité avec les autres. Press-man et al. (2015) proposent une inter-vention de gentillesse « Pay it foward ».Celle-ci consiste à mettre en place unechaîne d’actes de gentillesse. Ainsi celuiqui bénéficie d’un acte de gentillesse enrefait un pour une personne différentede celle qui lui a attribué l’acte de gentil-lesse premier. Dans cette interventiond’une durée d’une heure et demie, lesdonneurs connaissent de nombreux bé-néfices : augmentation des affects posi-tifs, de l’optimisme, de la gratitude, de lasatisfaction de vie, de la jovialité. Cela aaussi des bénéfices pour les receveursqui affichent davantage de sourires deDuchenne que le groupe contrôlelorsqu’ils reçoivent l’acte de gentillesseet rapportent une forte moyenne de l’hu-meur positive dans les jours qui suivent.

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Cette étude met ainsi en évidence deuxéléments qui n’avaient pas encore étéévoqués : la brièveté de l’interventionautorise malgré tout la survenue de bé-néfices ; pour la première fois, les béné-fices pour les receveurs sont mention-nés.

De plus, les études montrent que lesens à la vie est positivement relié à lasatisfaction de vie (Tas & Iskender, 2017).L’adoption de comportements proso-ciaux (tels que le volontariat et le dond’argent à autrui) augmente égalementla perception d’un sens à la vie (Klein,2017). Cette relation est médiatisée par laperception d’une plus grande valeur per-sonnelle et une augmentation de l’es-time de soi (Klein, 2017).

Les actes de gentillesse augmententles interactions sociales positives(Boehm & Lyubomirsky, 2009) et l’ac-ceptation par les pairs (Layous et al.,2012). Ils construisent la confiance etl’acceptation entre les gens, encouragentles liens sociaux, fournissent aux don-neurs et aux receveurs des bénéficesd’interactions sociales positives et rendles donneurs capables d’utiliser et de dé-velopper des conduites personnelles etainsi de se développer eux-mêmes. (Kerret al., 2015). Ils permettent de dévelop-per une relation de confiance (Long,1997).

Si les actes altruistes ont des effetssur la santé physique (Post, 2005), les in-terventions de gentillesse ont des effetssur la maladie. Ainsi, compter les actesde gentillesse diminue le niveau de dé-pression (Gander et al., 2012) et l’anxiétéchez des patients sur liste d’attente d’untraitement psychothérapeutique (Kerret al., 2015). Effectuer des actes de gen-tillesse réduit également les symptômesdépressifs (Buchanan & Bardi, 2010).Quant à Friis et al. (2016), ils montrentque non seulement apprendre à être

gentil envers soi-même réduit la dépres-sion mais aussi influence les symptômesmétaboliques chez les diabétiques. S’in-téressant à des patients souffrant d’an-xiété sociale, Trew et Alden (2015) rap-portent que la gentillesse réduit lesstratégies d’évitement dans l’anxiété so-ciale et diminue l’anxiété sociale. Lesactes de gentillesse peuvent augmenterla probabilité d’interactions positives, ai-dant à contrer les attentes sociales néga-tives, réduire les perceptions de menaceet ainsi diminuent le besoin d’évitementsocial. Flook ey al. (2015) étudient les ef-fets d’un programme de pleine cons-cience axé sur la gentillesse chez desélèves de l’école élémentaire. Ils men-tionnent des résultats supérieurs, dansle groupe expérimental, en termes decompétences sociales, de résultats aca-démiques, du développement socio-émotionnel, de la flexibilité cognitive etde la capacité à différer la satisfaction,ainsi que de la santé, par rapport à ungroupe contrôle. Enfin, les actes proso-ciaux, qualifiés dans cet article, d’actesde gentillesse, tempèrent les effets néga-tifs du stress dans la vie quotidienne (Ra-posa et al., 2016).

2.2 Les bénéfices de la bienveillance

La bienveillance est un antécédentde la gentillesse authentique et corres-pond à la croyance personnelle de l’indi-vidu l’orientant vers des actes de gentil-lesse, visant donc le bien-être dubénéficiaire, et donnant à ces actes unevalence positive. La bienveillance se re-flète donc dans des actes de gentillesse.Que disent les recherches spécifique-ment sur les bénéfices de la bienveil-lance ?

Il est clair que la gentillesse aug-mente le bien-être et la satisfaction devie et permet de diminuer les symp-tômes dépressifs et anxieux ainsi que les

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effets du stress. Les bénéfices de la bien-veillance sont plus difficiles à cerner carles travaux sur la bienveillance man-quent cruellement. Martela et Ryan(2016) avancent que la bienveillance,tout comme les trois autres besoins fon-damentaux décrits dans la théorie del’autodétermination, joue un rôle indé-pendant comme source du bien-être.Martela et Riekki (2018) montrent qu’il ya quatre facteurs psychologiques qui in-fluencent la satisfaction au travail :l’autonomie, la compétence, l’affiliationet la bienveillance. Martela et Ryan(2016) testent l’hypothèse d’une con-nexion unique entre satisfaction de labienveillance et bien-être. Ils montrentqu’en contrôlant les effets des troisautres besoins fondamentaux, la bien-veillance est un prédicteur indépendantet significatif du bien-être. Ainsi, fairepreuve de bienveillance prédit le bien-être.

À notre connaissance, il n’existe pasde travaux sur les effets de la bienveil-lance sur le stress, l’anxiété ou la dépres-sion. En réalité, aucune étude, pour lemoment, ne met en perspective les mo-tivations à être gentil et les consé-quences de ces différentes motivationsen termes psychopathologiques. Parcontre, cette relation a été faite sur lesconséquences en termes de bien-être.Pour qu’un comportement gentil ait leseffets escomptés sur le bien-être, il doitêtre motivé de façon autonome (Weins-tein & Ryan, 2010), c’est-à-dire avec unemotivation intrinsèque ou intégrée(donc en fonction des valeurs de l’indi-vidu).

CONCLUSION

Pour conclure, « la recherche sur lagentillesse et la bienveillance (…) en estencore à ses balbutiements » (Paquet etal., 2019, p 148). La gentillesse authen-

tique correspond à l’ensemble des com-portements effectués en ayant commeobjectif premier le bien-être d’autrui.Ces comportements sont soit motivésintrinsèquement (pour le plaisir inhé-rent à ce comportement) soit motivés demanière intégrée (parce que cela corres-pond aux valeurs de l’émetteur de l’actegentil). Ainsi la bienveillance, en tantque valeur orientant l’individu vers l’ac-tion prosociale en visant le bien-être dubénéficiaire, est un antécédent des actesde gentillesse. La bienveillance enverssoi ou « self compassion » répond aux sixcritères identifiés par Csillik (2017) desressources psychologiques. Les res-sources psychologiques protègentcontre des manifestations psychopatho-logiques (stress etc…). Elles contribuentà la satisfaction de vie et au bien-être.Elles sont mesurables, stables, mal-léables et renouvelables. La gentillesseapparaît donc comme une candidate sé-rieuse au titre de ressource psycholo-gique. Outre ses effets ci-dessus men-tionnés, elle correspond à descomportements que l’on peut mesurer etest réactivable. Elle peut être modifiéepar une intervention (comme adoptervolontairement des actes de gentillesse).Le cas de la bienveillance est plus liti-gieux et ce concept mérite de plusamples investigations. Elle est un prédic-teur significatif du bien-être (Martela &Ryan, 2016). En tant que valeur, elle estassez stable dans le temps. Martela etRyan (2016) proposent une mesure de labienveillance à travers la « BeneficenceScale », échelle comportant quatre itemset démontrant des qualités psychomé-triques satisfaisantes. Il est égalementpossible d’augmenter la valeur de bien-veillance en en explicitant les bénéfices(Arieli et al., 2014). Quatre des critèresdéfinissant les ressources psycholo-giques sont ainsi à priori satisfaits. Pour

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ce qui est du sixième critère (une res-source est renouvelable), il est aisé depenser que la bienveillance est facile-ment réactivable dans différentes situa-tions. Pour autant, les effets protecteursde la bienveillance contre le stress, la dé-pression ou l’anxiété restent à démon-trer. Certes, il est raisonnable d’envisa-ger que la bienveillance, en menant à dubien-être, génère des émotions positivesqui sont protectrices de ces états colorésnégativement (voir la théorie de Fre-drickson, 2001) mais des recherches em-piriques visant à valider cette hypothèsedoivent être menées. De plus, en partantde ces définitions théoriques, des re-cherches ultérieures seraient nécessairesafin d’opérationnaliser ces conceptspour en vérifier une réelle différenceconceptuelle. Ce qui apparaît indubi-table, c’est qu’il est bon d’être bon (Post,2005).

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteur·e·s ne déclarent aucun conflitd’intérêt.

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PRÉSENTATION DES AUTEUR·E·S

Annie PaquetLaboratoire Interdisciplinaire en Neurosciences, Physiologie et Psychologie :Apprentissages, Activité Physique, Santé (LINP2-2APS), Université Paris Nanterre, FranceSes réflexions portent sur la gentillesse et la bienveillance en général et en particulierdans le domaine scolaire tant dans leur conceptualisation que leur opérationnalisationavec un intérêt spécifique pour l’éducation positive.Contact : [email protected]

Fabien FenouilletLaboratoire Interdisciplinaire en Neurosciences, Physiologie et Psychologie :Apprentissages, Activité Physique, Santé (LINP2-2APS), Université Paris Nanterre, FranceL'objectif général de ses recherches est de comprendre l'effet de différentes formes demotivations qui peuvent être en lien avec des thématiques fortes de la psychologiepositive et/ou avec les apprentissages notamment dans le cadre de l'usage destechnologies.Contact : [email protected]

______________

Pour citer cet article :

Paquet, A., & Fenouillet, F. (2020). Gentillesse et bienveillance comme ressourcespsychologiques. Sciences & Bonheur, 5, 27–43.

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Fabien Bac

Antonia Csillik

Les ressources psychologiques,facteurs de protection pour les soi-gnant·e·s confronté·e·s à la fin devie ?

Are psychological ressources pro-tective factors for caregivers facingend of life in palliative care set-tings?

RÉSUMÉ

Le syndrome d’épuisement profession-nel, ou burnout, apparait comme unphénomène majeur de société dans lesannées 80. Dès l’émergence de ce con-cept, les professionnel·le·s au contactdes malades ont été considérés commeparmi les plus à risque, en particuliercelles et ceux confronté·e·s de façon ré-currente à la mort de patient·e·s. Si lesfacteurs précipitant ou favorisant l’épui-sement professionnel, le stress et l’an-xiété des travailleurs et travailleuses ontété largement étudiés dans la littérature,très peu de travaux, dans un contextefrancophone, se sont intéressés aux res-sources psychologiques de l’individupour contenir l’épuisement profession-nel. Tel est l’enjeu de cette étude, surune population de soignant·e·s exposésde façon régulière à la mort de pa-tient·e·s. Des mesures de l’anxiété et dela dépression, du burnout et de quatreressources psychologiques (disposition àl’attention consciente, intelligence psy-

chologique, sentiment d’efficacité per-sonnelle et optimisme dispositionnel)ont été réalisées auprès de 31 personnelssoignants en milieu hospitalier. Parmiles personnes interrogées, 42% étaientinfirmiers ou infirmières, 23% aides-soi-gnant·e·s et 19% médecins. De plus, 19%travaillaient en Équipe Mobile de SoinsPalliatifs (EMSP), 48% dans un serviced’hospitalisation conventionnelle et 29%dans un service d’hospitalisation pro-grammée. Des analyses de régression li-néaire multiples ont été menées pourmettre en lien ces différentes variables.Le sentiment d’efficacité personnelle ap-parait comme un facteur protecteurcontre la dépression (β = -.44, p < .01) etla disposition à l’attention consciente(mindfulness) comme un facteur protec-teur contre l’anxiété (β = -.48, p < .01).Le niveau d’insight, une des dimensionsde l’intelligence psychologique, apparaitcomme un facteur explicatif et protec-teur contre une des dimensions del’épuisement professionnel : la déper-sonnalisation (respectivement : β = -.53,p < .01 et β = -.33, p < .05). La dispositionà l’attention consciente favorise le senti-ment d’accomplissement personnel(β = .47, p < .01). Finalement ces résul-tats invitent à s’intéresser aux ressourcesprotectrices de la santé mentale de po-pulations soignantes hospitalières, quipourraient être ainsi cultivées dans uneoptique de prévention du burnout.

MOTS-CLÉS

Psychologie positive ; Ressources psy-chologiques ; Soignants ; Soins pallia-tifs ; Épuisement professionnel ; Dépres-sion.

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ABSTRACT

Burnout is a major social phenomenon.Since the emergence of this concept inthe 1980s, professionals in contact withpatients were considered to be amongthe most at risk for burnout, especiallythose who repeatedly confronted patientdeath. Though antecedents to burnouthave been widely studied in the litera-ture, very little work has focused onworkers’ resilience, the psychological re-sources internal to the individual thatprevent burnout, in a francophone set-ting. The aim of this study is to investi-gate resilience in a sample of caregiversregularly exposed to patient death. Anx-iety, depression, burnout, and four psy-chological resources (mindfulness, psy-chological mindedness, sense of self-efficacy, and dispositional optimism)was measured in 31 hospital caregivers.Among the sample, 42% were nurses,23% assistant nurses, and 19% doctors.In addition, 19% worked in a palliativecare team, 48% in a conventional hospi-talization service, and 29% in a sched-uled hospitalization service. Multiplelinear regression analyzes were con-ducted to link these different variables.Sense of self-efficacy is a protective fac-tor against depression (β = -0.44,p < .01), and mindfulness a protectivefactor against anxiety (β = -.48, p < .01).The level of insight, one of the dimen-sions of psychological mindedness, is anexplanatory and protective factoragainst depersonalization, one of the di-mensions of professional burnout (re-spectively: β = -.53, p < .01; β = -0.33,p < .05). Mindfulness promotes a senseof personal accomplishment (β = .47,p < .01). These results encourage us tocultivate the resilience of hospitalhealthcare populations in order to pre-vent burnout.

KEYWORDS

Positive psychology; Psychological re-sources; Healthcare team; Caregivers;Palliative care; Burnout; Depression.

Depuis une décennie, le syndromed’épuisement professionnel, ou burnout,est considéré comme un phénomènemajeur de société, au point d’être passédans le langage courant. Dès l’émer-gence de ce concept, dans les années 80,les professions au contact des maladesont été considérées comme parmi lesplus à risque, en témoigne l’abondantelittérature en psychologie du travail surcette population. Christina Maslach,chercheuse ayant le plus contribué dansles années 80 à populariser et pérenniserce concept en limitait initialement laportée aux professions aidantes, quali-fiant ce phénomène de réaction à lacharge émotionnelle chronique naissantlorsque l’on s’occupe d’autres personnes.Selon le modèle dominant dans la litté-rature de Maslach et Leiter (1997, 2011),l’épuisement professionnel est un syn-drome à trois dimensions résultant d’unstress cumulatif, associant un épuise-ment émotionnel, la dépersonnalisationou la déshumanisation de la relation – lecynisme jouant un rôle central – et laperte du sentiment d’accomplissementpersonnel avec diminution de la motiva-tion. Dans ce modèle séquentiel, l’épui-sement émotionnel constitue la pre-mière étape du processus, entraînantensuite l’apparition réactionnelle d’unprocessus de déshumanisation. En paral-lèle, le sentiment d’accomplissementpersonnel s’émousserait.

Plusieurs explications ont été avan-cées par les chercheurs pour expliquer lenombre élevé de burnout dans la popu-lation soignante, parmi lesquelles levécu répété de traumatismes vicariants,

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c’est-à-dire découlant de la confronta-tion à un traumatisme non vécu soi-même mais dont on a entendu le récit ouobservé au contact des victimes (Petiau,2016) et la dissonance émotionnelle in-hérente à ce métier, c’est-à-dire le fait,de façon quotidienne, d’avoir à montrer,face aux patients, des émotions diffé-rentes de celles ressenties (Disquay &Egido, 2013).

De nombreux travaux ont par ail-leurs montré les risques de décompensa-tion dépressive encourus par les soi-gnants, du fait de la très forte chargeémotionnelle qu’implique leur métier.En particulier, Machavoine (2015) relie ladépression et l’épuisement profession-nel de soignants en cancérologie à leurconfrontation répétitive à la mort de pa-tients et aux mécanismes d’identifica-tion qui l’accompagne.

De plus, de nombreux facteurs d’an-xiété inhérents à la situation de travaildes soignants, particulièrement en mi-lieu hospitalier, ont été listés dans la lit-térature (e.g. Shapiro et al., 2007). Parmiceux-ci, nous trouvons : l’enjeu propreau métier du soin et la responsabilitéface à la vie et la santé d’autrui, lenombre élevé de demandes, la difficultétechnique croissante des soins, ou en-core la variabilité des horaires de travail.L’exposition à la souffrance d’autrui peutégalement être une source d’anxiété etde souffrance, qualifiée par certains au-teurs de souffrance de compassion (Tho-mas et al., 2012).

Face à ces risques quant à la santépsychique des soignants, il apparait im-portant d’étudier les ressources psycho-logiques susceptibles de les en protéger.Les ressources psychologiques consti-tuent des facteurs protecteurs qui facili-tent la résistance à l’adversité, ainsi quel’adaptation psychologique dans les si-tuations difficiles de la vie. La littérature

distingue d’une part, les ressources psy-chologiques, qui sont des facteurs in-ternes, des prédispositions psycholo-giques que possèdent une personne etd’autre part, les ressources environne-mentales extérieures, dont notammentle soutien social. Ces ressources jouent lerôle de facteurs de protection, c'est-à-dire des facteurs qui tentent de réduirel’effet des facteurs stressants et qui per-mettent à la personne de maintenir sescompétences dans des circonstances dif-ficiles, stressantes et de détresse psycho-logique (voir Csillik, 2017 pour une syn-thèse).

Depuis les années 2000, avec notam-ment l’apparition du modèle JD-R (Jobdemandes-ressources) de Demerouti etal. (2003), on observe dans la littératureun intérêt croissant pour l’étude des res-sources susceptibles de prévenir l’épui-sement professionnel. Mais l’essentieldes recherches menées en France aadopté une perspective psychosociale(e.g. Haberey-Knuessi, 2011) et se sontconcentrées sur les ressources environ-nementales portées par l’organisation,comme le soutien de la hiérarchie, descollègues, les possibilités d’évolution,etc. A contrario, très peu de travaux ontété menés en France sur les ressourcespsychologiques, en particulier sur despopulations de soignants confrontés à lafin de vie. Tel est l’enjeu principal decette étude.

Parmi ces ressources psycholo-giques, les plus citées dans la littératurescientifique (e.g. Csillik, 2017) à l’heureactuelle sont : l’optimisme, l’espoir,l’auto-efficacité, et le sens (meaning), ladisposition à l’attention consciente(mindfulness), l’intelligence psycholo-gique (psychological mindedness) et plusrécemment la bienveillance envers soi(self-compassion). La plupart de ces res-sources sont reconnues comme étantprotectrices de la santé mentale, voire

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même de la santé physique. Nous avonschoisi de nous intéresser en particulier àl’intelligence psychologique (psychologi-cal mindedness) et à la disposition à l’at-tention consciente (mindfulness), quiont été moins explorées dans la re-cherche auprès des soignants. L’objectifde cette étude est donc d’étudier, dansun contexte francophone, l’impact deces deux ressources en lien avec l’opti-misme dispositionnel et le sentimentd’efficacité personnelle (self-efficacy).

La disposition à l’attention cons-ciente, ou mindfulness-trait, se réfère àune attention réceptive et à la cons-cience des événements et expériencesprésentes, à la fois externes et internes(Brown & Ryan, 2003). Elle se réfère ainsià la capacité d’une personne à percevoirla situation au moment où elle se pré-sente, telle qu’elle se présente (Csillik &Tafticht, 2012). Être mindful impliquedonc d’entreprendre un examen précisde tout ce qui se passe, en se délestantde tout préjugé. Cela implique un enga-gement actif (Baer et al., 2006).

La disposition à l’attention cons-ciente prédit des niveaux moindres desymptômes et de troubles anxieux et dé-pressifs. Ainsi, Westphal et ses collabo-rateurs (2015) ont montré, dans uneétude sur 50 infirmières employées dansun service d’urgence d’un hôpital à Zu-rich en Suisse, un lien significatif négatifentre la mindfulness et l’anxiété d’unepart (β = -.55, p < .01), et entre lamindfulness et la dépression (β = -.49,p < .01) d’autre part. Plusieurs études sesont centrées sur les processus pouvantexpliquer ces liens : ainsi, Kiken & Shook(2012) montrent que les individus ayantdes niveaux élevés d’attention cons-ciente présentent moins de risque d’êtreentraînés dans des spirales cognitives depensées négatives, les préservant detroubles tels que l’anxiété et la dépres-sion. Pour Harworth et Amb (2017), des

niveaux élevés d’attention consciente ai-dent à diminuer l’impact de la rumina-tion sur la dépression.

Mesmer-Magnus et al. (2017) mon-trent dans une méta-analyse portant surl’impact de la disposition à l’attentionconsciente au travail que la disposition àl’attention consciente est associée à unecroyance supérieure en ses capacités àfaire face aux contraintes de travail. Sur-tout, ils notent que les salariés ayant unhaut niveau de mindfulness ressententune meilleure satisfaction au travail, ré-sistent mieux aux facteurs de stress, sontmoins en proie au burnout, et présen-tent moins de comportement d’isole-ment au travail. De même, ils soulignentque la disposition à l’attention cons-ciente interagit avec le stress perçu autravail, lequel d’après Farber (1983) estun facteur prédictif majeur du burnout.Ainsi, en modulant le stress perçu au tra-vail, elle permettrait de réduire le risquede burnout. Plus encore, elle aurait aussiun impact direct sur l’épuisement pro-fessionnel, expliquant 12% de variancesupplémentaire dans les modèles expli-catifs du burnout.

Westphal et al. (2015), dans uneétude portant sur un échantillon de 50infirmières d’un service d’urgence d’unhôpital suisse de Zurich, retrouvent éga-lement un lien significatif négatif entrela mindfulness et deux des trois dimen-sions du burnout conceptualisées parMaslach et Leiter (2011) : le score d’épui-sement émotionnel d’une part (β = -.52,p < .01) et le score de dépersonnalisationd’autre part (β = -.37, p < .01).

L’intelligence psychologique,autre ressource importante chez les soi-gnants, susceptible de les protéger faceau risque d’épuisement professionnel etface à l’anxiété et à la dépression, est dé-finie par Boylan (2006) comme l’intérêtet la motivation d’accéder à la compré-hension psychologique de soi. Elle se

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traduit par la capacité et la volonté d’ac-céder aux sentiments, « d’être ouvert àde nouvelles idées et au changement, dese juger et de se comprendre soi-même,ainsi que les autres, de s’intéresser à lasignification et à l’origine d’un compor-tement, et de croire en les bénéfices departager ses difficultés avec autrui »(Csillik, 2017, p 40). Son impact sur la re-lation soignant / soigné a été démontrénotamment par Daw & Joseph (2010) quimettent en évidence que le niveau d’em-pathie développé par des psychologuesenvers leurs patients et la qualité de l’al-liance thérapeutique sont corrélés à leurniveau d’intelligence psychologique.Plusieurs auteurs, dont Nyklicek & De-nollet (2009), ont par ailleurs montréque la conscience de ses propres états in-ternes était associée à un meilleur étatde santé mentale. Ces deux auteurs ontdéveloppé une échelle spécifique, laBIPM (Balanced Index of PsychologicalMindedness), qui comprend deux sous-échelles, d’intérêt et d’insight. La pre-mière reflète l’intérêt porté aux phéno-mènes internes, et en particulier auxémotions. La seconde, d’insight, reflèteprincipalement la capacité à prendreconscience de ces phénomènes. Ils ontainsi mis en évidence, sur une popula-tion clinique, une corrélation négativeentre la dépression et l’intelligence psy-chologique, et ce à la fois sur l’échelle to-tale (β = -.22, p < .05) et sur la sous-échelle d’intérêt (β = -.26, p < .01).

Chabinska (2016) de son côté aétudié sur une population de 199 soi-gnants hospitaliers le lien entre l’intelli-gence psychologique et l’épuisementprofessionnel. Cette étude met en évi-dence une relation significative entrel’intelligence psychologique et l’accom-plissement personnel (r² = .25). En re-vanche, il n’y a pas de corrélation signi-ficative entre l’intelligence

psychologique et l’épuisement émotion-nel d’une part, et entre l’intelligence psy-chologique et la dépersonnalisationd’autre part.

L’optimisme dispositionnel, con-cept développé par Carver et Scheier(2005), constitue une autre ressourcesusceptible d’aider les soignants. L’opti-misme est ici conçu comme une variablecognitive qui consiste en une confiancegénérale en l’obtention de résultats posi-tifs, cette confiance étant fondée sur uneestimation rationnelle des probabilitésde réussite de la personne, et la con-fiance en son efficacité personnelle.Cette disposition entraine une régula-tion plus active de sa propre vie, et rendplus résilientes les personnes qui en dis-posent (Cottraux, 2012). Cette ressourcepsychologique a été associée à la dépres-sion et à l’anxiété de la population géné-rale dans de nombreuses études (voirThimm et al., 2013 pour la dépression ;Glaesmer et al., 2012 pour l’anxiété). Siaucune étude faisant le lien entre opti-misme et dépression chez des soignantsn’a pu être identifiée, plusieurs études sesont intéressées au lien entre optimismeet dépression, et entre optimisme et an-xiété dans des populations d’aidants.Ruisoto et al. (2019) ont montré un lienfort entre optimisme dispositionnel etanxiété-état d’une part (χ² = 4.90,p < .001) et entre optimisme disposition-nel et dépression d’autre part (χ² = 10.98,p < .001), sur une population d’aidantsfamiliaux de patients déments. En ce quiconcerne les liens entre optimisme etépuisement professionnel du personnelsoignant, une étude récente de Chang etChan (2015) a montré, sur un échantillonde 314 infirmiers d’un hôpital taiwanais,l’association négative importante entreoptimisme et burnout, et ce pour lestrois dimensions du burnout : l’épuise-ment émotionnel (r² = -.20), la déper-sonnalisation (r² = -.22) et la perte du

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sentiment d’accomplissement personnel(r² = -.56). Ces auteurs notent que lesoptimistes utilisent mieux leurs res-sources pour faire face de façon effi-ciente aux facteurs stressants inhérentsà leurs métiers.

Le sentiment d’efficacité person-nelle, autre ressource psychologique dé-crite dans la littérature comme suscep-tible de protéger les soignants, renvoie àl’évaluation par la personne de sa capa-cité à réussir dans un domaine spéci-fique. Elle a été définie par Bandura(2002) comme une capacité productriceau sein de laquelle les sous-compétencescognitives, sociales, émotionnelles etcomportementales doivent être organi-sées et harmonisées efficacement pourservir de nombreux buts.Bandura (1993), dès ses premiers travauxsur le sentiment d’efficacité personnelle,a montré et précisé ses liens avec la dé-pression : d’une part les personnes ayanttendance à se fixer des objectifs inattei-gnables tendraient à la fois à éprouverun sentiment d’inefficacité personnelleet à être plus en proie à la dépression.D’autre part le fait de posséder un faiblesentiment d’efficacité personnelle quantà la gestion des relations sociales empê-cherait le développement de liens so-ciaux, et nuirait à l’apprentissage de mo-dèles sociaux de gestion des difficultés,ce qui serait un facteur de dépression.Enfin, un faible sentiment d’efficacitépersonnelle quant à sa capacité à contrô-ler ses pensées de type rumination, con-tribuerait également à l’apparition et à larécurrence d’épisodes dépressifs (Ban-dura et al., 2003).

L’étude de Hai et al. (2016) auprèsd’un échantillon d’infirmières de nuitd’un hôpital japonais confirme un liensignificatif négatif entre le sentimentd’efficacité personnelle et la dépressionet l’anxiété. Au sujet de l’épuisementprofessionnel, une méta-analyse menée

en 2009 par Alarcon et al. (2009) a parailleurs montré une relation négativeentre le sentiment d’efficacité person-nelle et les trois dimensions du burnout :l’épuisement émotionnel (r² = -.20), ladépersonnalisation (r² = -.21) et l’accom-plissement personnel (r² = .38). Spécifi-quement sur une population de 61 soi-gnants hospitaliers auprès de patientsâgés déments au Royaume-Uni, Duffy etal. (2009) mettent en évidence des cor-rélations très élevées entre l’efficacitépersonnelle et l’épuisement émotionnel(r² = -.53), la dépersonnalisation (r² = -.45) et l’accomplissement personnel(r² = .47). En outre, l’analyse de régres-sion réalisée dans cette étude a montréle rôle majeur joué par le sentiment d’ef-ficacité personnelle sur la prédiction del’épuisement professionnel.

Compte tenu de ces éléments de lit-térature, nous faisons l’hypothèse de re-cherche suivante : nous nous attendonsà ce que les ressources psychologiquesdes soignants (la disposition à l’atten-tion consciente, l’intelligence psycholo-gique, l’optimisme dispositionnel, lesentiment d’efficacité personnelle) pré-disent un plus faible niveau de dépres-sion (H1), un plus faible niveau d’anxiété(H2), et un plus faible niveau de burnoutsoit un plus faible niveau d’épuisementémotionnel (H3A), de dépersonnalisa-tion (H3B) et d’accomplissement per-sonnel (H3C).

MÉTHODE

1. Participants

La population de l’étude est compo-sée de membres du personnel soignantissu de trois services d’un centre hospi-talier général situé dans les Yvelines :une équipe d’hospitalisation program-mée, une équipe d’hospitalisation con-ventionnelle et une équipe mobile desoins de support et de soins palliatifs.

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Les deux services d’hospitalisation exer-cent 60% de leur activité en oncologie etsont, en partie de ce fait, régulièrementconfrontés à la fin de vie. L’équipe desoins palliatifs, a quant à elle vocation àaccompagner les patients et leurs fa-milles dans les derniers moments de vie.

Les critères d’inclusion compre-naient le fait d’avoir au moins trois moisd’ancienneté dans le service, d’avoir étéconfronté à la fin de vie d’un patient aucours des six derniers mois, d’avoir unecompréhension suffisante de la languefrançaise pour être en mesure de remplirle questionnaire.

L’échantillon comprend 31 per-sonnes comprenant 42% d’infirmières etinfirmiers, 22.6% d’aides-soignant·e·s,de 19.4% de médecins, de 9.7% d’autresprofessions et 6.5% de cadres de santé.En ce qui concerne le service, 29% tra-vaillent en service d’hospitalisation pro-grammée, 48% en hospitalisation con-ventionnelle et 19% en Équipe Mobile deSoins Palliatifs (EMSP). L’anciennetémoyenne dans le service est de 7.8 ans(ET = 8.1) et l’ancienneté moyenne enmilieu hospitalier de 15.4 ans (ET = 11.8).En termes de contrat de travail, 64.5%sont en CDI et 35.5% en CDD. L’âge desrépondants se situe entre 22 et 61 ansavec une moyenne de 40.4 ans(ET = 12.1). Il y a également 80.6% defemmes et 19.4% d’hommes. Par ailleurs,64.5% sont mariés, pacsés ou en concu-binage, 25.8% célibataires et 9.7% divor-cés ou séparés.

2. Procédure

Le recueil de données s’est déroulédu 15 février au 30 mars 2019 : l’étude aété présentée en réunion d’équipe danschaque service.. Le consentement a étérecueilli en rappelant aux répondants lesconditions dans lesquelles les donnéesont été recueillies, les objectifs de la re-cherche et ses modalités ainsi que les

modalités de traitement et de conserva-tion de données.

Ensuite, le personnel ayant accordéson consentement se voyait confier unquestionnaire au format papier, non no-minatif, qu’il remplissait individuelle-ment le jour-même, sur le lieu de travail.Un espace au sein de chaque service étaitmis à disposition pour que le soignantpuisse s’isoler.

Afin de limiter les biais liés à l’ordrede passation des différentes échelles, uncontrebalancement avait été mis enplace, avec deux versions de question-naire.

3. Instruments

Le niveau d’anxiété et de dépressiondes soignants a été mesuré à l’aide de laHospital Anxiety and Depression scale(HAD, Zigmond & Snaith, 1983). La ver-sion française de cet instrument auto-évaluatif a été validée par Lépine et al.(1985). Sa consistance interne est satis-faisante. Le coefficient alpha de Cron-bach varie entre .79 et .90 pour la sous-échelle d’anxiété, et entre .80 et .90 pourla sous-échelle de dépression.

Le Maslach Burnout Inventory(MBI, Maslach & Jackson, 1981) a été uti-lisé pour évaluer le burnout. Cet instru-ment auto-évaluatif, traduit et validé enfrançais par Lidvan-Girault (1989) per-met d’évaluer l’épuisement profession-nel des soignants pour chacune des troisdimensions décrites par Maslach (Ma-slach & Leiter, 2011). Chacune des sous-échelles fait l’objet d’un score qui lui estpropre. La consistance interne des troiséchelles est satisfaisante avec des coeffi-cients alpha de Cronbach respective-ment de .89, .77 et .74. Il n’y a pas descore global d’épuisement professionnel.Le degré de gravité dépend du nombrede dimensions touchées : faible si uneseule dimension est atteinte, moyenne si

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deux-tiers des dimensions sont at-teintes, et sévère si les trois dimensionssont pathologiques.

La disposition à l’attention cons-ciente a été mesurée avec la Mindful at-tention awareness scale (MAAS, Brown &Ryan, 2003). Chaque item renvoie à lanotion de pilote automatique qui repré-sente l'opposé de la mindfulness. La vali-dation et la traduction française ont étéréalisées par Csillik et al. (2010). La con-sistance interne de cette traduction esttrès satisfaisante (α = .82) et la validitéde construit a été confirmée grâce à uneanalyse factorielle exploratoire puis con-firmatoire.

L’optimisme dispositionnel a étémesuré avec le LOT-R (Life OrientationTest- Revised, Scheier et al., 1994). Celleéchelle a été mise au point par Scheier etCarver en 1985 puis révisée en 1994. Saversion française a été validée par uneéquipe canadienne (Trottier et al.,2008) : sa consistance interne est satis-faisante (α = .76).

Le sentiment d’efficacité person-nelle a été mesuré à l’aide de la GeneralSelf-Efficacy Scale (Schwarzer & Jerusa-lem, 1995). Elle évalue « le degré de con-fiance d’une personne au regard de sa ca-pacité générale à faire face auxévènements difficiles de la vie » (Csillik,2017, p. 113). Elle permet d’obtenir unscore global d’auto-efficacité générale.La version française présente une bonnevalidité interne (α = .87) et une bonnevalidité convergente et discriminante(Trottier et al., 2008).

L’intelligence psychologique a étéévaluée avec le BIPM (Balanced Index ofPsychological Mindedness ; Nyklicek &Denollet, 2009). Cet instrument, traduitpar Csillik et Gay (2010), comprend deuxsous-échelles, d’intérêt et d’insight. Laconsistance interne de la version d’ori-gine est satisfaisante, avec un coefficientalpha de Cronbach de 0.85 pour la sous-

échelle d’intérêt et de 0.76 pour la sous-échelle d’insight. L’échelle est en coursde validation sur une population fran-çaise (Csillik, 2017).

En complément une fiche de rensei-gnements sociodémographiques et pro-fessionnels a été administrée : deman-dant la tranche d’âge, le sexe, l’étatmatrimonial, le service, le métier et letype de contrat ; une question destinée àappréhender la motivation initiale dessoignants à exercer leur métier dans unservice exposé à la mort de patients étaitégalement incluse.

4. Analyse des données

Le logiciel Statistica a été utilisépour l’ensemble des traitements statis-tiques. En premier lieu, des statistiquesdescriptives des principales variablesquantitatives de l’étude ont été réalisées.Celles-ci ont permis de comparer les ré-sultats de notre échantillon avec ceuxobtenus dans des études antérieures.Dans un second temps, des régressionslinéaires multiples basées sur le coeffi-cient de corrélation linéaire de Bravais-Pearson ont été réalisées, l’ensemble desvariables explicatives et à expliquer ré-pondant aux conditions d’applicationdes tests paramétriques.

RÉSULTATS

Statistiques descriptives

À l’échelle HAD, la moyenne obte-nue est de 4.68 (ET = 3.06) au score dedépression et de 8.19 (ET = 2.87) au scored’anxiété. À titre de comparaison, Lind-wall et al. (2014) sur un échantillon de3 717 salariés suédois travaillant dans ledomaine de la santé obtiennent un scorelégèrement plus faible de dépression,(M = 3.54, ET = 3.26) et un score nette-ment plus faible d’anxiété (M = 5.61,ET = 4.01).

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Au MBI, pour la dimension del’épuisement émotionnel, le scoremoyen obtenu est de 16.06 (ET = 8.85),ce qui, d’après les seuils établis par Ma-slach et Leiter (2011), correspond à undegré faible d’épuisement émotionnel.Pour la dimension de la dépersonnalisa-tion, le score moyen obtenu est de 5.19(ET = 4.95), ce qui correspond à un de-gré faible de dépersonnalisation. Pourl’accomplissement personnel, le scoremoyen obtenu est de 36.84 (ET = 7.67),ce qui correspond à un degré modéréd’accomplissement personnel. En com-paraison, une étude de Le Ray-Landreinet al. (2016) sur 129 soignants en unité desoins palliatifs montre des scores plusfaibles d’épuisement émotionnel(M = 13.74, ET = 8.48) et de dépersonna-lisation (M = 3.43, ET = 3.71). Le scored’accomplissement personnel est en re-vanche équivalent (M = 36.5, ET = 6.8).In fine, 35.48% de notre échantillon pré-sente un syndrome d’épuisement profes-sionnel, selon le critère retenu par Ma-slach d’avoir au moins un des troisscores à un niveau pathologique, versus32.5 % dans l’étude de Le Ray-Landreinet al. (2016).

À l’échelle MAAS la moyenne obte-nue est de 4.11 (0.62). Ce résultat est trèsproche de celui obtenu par Horner et al.(2014) sur un échantillon de 31 infirmierset infirmières dans un hôpital généralaméricain (4.2) et légèrement plus faiblede celui de Westphal et al. (2015) sur unéchantillon de 50 infirmières travaillantau sein d’un service d’urgence d’un hôpi-tal de Zurich (M = 4.5, ET = .69).

Le score moyen d’efficacité person-nelle de notre échantillon est de 28,87(4.67), chiffre légèrement inférieur à ce-lui de Luszczynska et al. (2005) sur unepopulation costaricaine de 902 travail-leurs (M = 29.68, ET = 5.70).

Pour la disposition à l’optimisme lamoyenne est de 11.71 (4.19), chiffre simi-laire à celui obtenu par Chang et Chan(2015) sur un échantillon de 314 infir-miers et infirmières d’un hôpital taiwa-nais (M = 11.89, ET = 2.13).

À l’échelle BIPM, la moyenne obte-nue est de 18.45 (3.70) à l’échelle d’inté-rêt, 17.42 (3.85) à l’échelle d’insight et17.93 (2.72) à l’échelle totale. En compa-raison, sur un échantillon en populationgénérale de 545 adultes, Nyklicek et De-nollet (2009) dans leur étude princepsobtiennent un chiffre plus faible àl’échelle d’intérêt (M = 17.19, ET = 4.53)mais nettement plus fort à l’échelle d’in-sight (M = 20.12, ET = 4.49) et proche infine à l’échelle totale (M = 18.65, ET =3.88).

En synthèse, notre échantillon,comparativement notamment à deséchantillons de soignants issus de la lit-térature, présente un niveau très supé-rieur d’anxiété et légèrement supérieurde dépression et d’épuisement profes-sionnel. Le sentiment d’efficacité per-sonnelle moyen semble à un niveau nor-mal. L’optimisme orienté vers le futur etle niveau d’attention consciente parais-sent dans la norme pour ce type de po-pulation, et le niveau d’intérêt pour lemonde interne élevé. En revanche le ni-veau d’insight parait faible. Au total, l’in-telligence psychologique apparait infé-rieure à celle retrouvée dans lapopulation générale.

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Analyses de régressions multiples

Tableau 1 : Régressions des variables indépendantes sur les variables dépendantes

Au total, cinq modèles de régressionlinéaire multiple, utilisant une méthodeascendante hiérarchique pas à pas, ontété réalisées pour tester nos hypothèses.Le tableau 1 présente une synthèse denos résultats.

Le premier modèle met en lien lesdifférentes ressources psychologiques denotre étude avec le niveau de dépres-sion. Il explique 49% de la variance (R² =.49). Seul le sentiment d’efficacité per-sonnel y explique significativement ladépression (β* = -.44, p < .01). La corré-lation est négative. L’hypothèse 1 estdonc partiellement vérifiée.

Le second modèle met en lien lesressources avec le niveau d’anxiété. Il ex-plique 59% de la variance (R² = .59). Ladisposition à l’attention consciente, me-surée par l’échelle MAAS, y apparaitcomme une seule variable explicative si-gnificative du niveau d’anxiété, mesurépar la HAD. La corrélation est négative(β* = -.48, p < .01). L’hypothèse 2 estdonc partiellement vérifiée.

Les modèles suivants ont permis devérifier les liens entre les ressources psy-chologiques et les trois sous-dimensionsdu burnout telles que conceptualiséespar Maslach.

Ainsi, le troisième modèle, qui meten lien les différentes ressources psycho-logiques de notre étude avec le niveaud’épuisement émotionnel des soignants,explique 28% de la variance (R² = ,28). Lacomposante « intérêt » de l’intelligencepsychologique y apparait liée de ma-nière significative au score d’épuise-ment émotionnel (β* = .42, p < .05)mais, contrairement à ce qui était at-tendu, la corrélation est positive. Cepoint sera repris dans la discussion.L’hypothèse 3A n’est donc pas vérifiée.

Le quatrième modèle met en lien lesressources psychologiques des soignantsavec leur niveau de dépersonnalisation.Le modèle obtenu explique 34% de la va-riance. La composante « insight » de l’in-telligence psychologique (β* = -.53, p <.01) y apparait comme une variable expli-cative significative du score de déper-sonnalisation, mesuré à l’aide du MBI. Lacorrélation est négative. L’hypothèse 3Best donc partiellement vérifiée.

Le cinquième modèle, qui met enlien les différentes ressources psycholo-giques de notre étude avec le niveaud’accomplissement personnel des soi-gnants, explique 34.6% de la variance (R²

Variables Dépendantes R 1 ² R 2 ² R 3 ² R 4 ² R 5 ² β 1 β 2 β 3 β 4 β 5

Dépression (1) 0.49Anxiété (2) 0.59

Epuisement émotionnel (3) 0.28Dépersonnalisation (4) 0.34

Accomplissement Personnel (5) 0.35

Variables Indépendantes:Disposition à l'attention consciente (MAAS) -0.29 -0.48** -0.2 -0.33 0.47**Sentiment d'efficacité personnelle (GSES) -0.44** -0.23 0.31

Intelligence psychologique : intérêt (BIPM intérêt) 0.42* -0.22Intelligence psychologique : insight (BIPM insight) -0.53**

Optimisme dispositionnel (LOTR) -0.28 -0.26 0.38

* p <0,05 ** p <0,01

R² ajusté β

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= .35). La disposition à l’attention cons-ciente y apparait comme la seule va-riable explicative significative du senti-ment d’accomplissement personnel (β*= .47, p < .01). La corrélation est négative.L’hypothèse 3C est donc partiellementvérifiée.

DISCUSSION

La recherche avait pour objectif devérifier si les ressources psychologiquespouvaient être un facteur de protectioncontre la dépression, l’anxiété et l’épui-sement professionnel auprès de soi-gnants hospitaliers confrontés à la fin devie. Les résultats ont permis de validerpartiellement la plupart de nos hypo-thèses.

En effet le sentiment d’efficacité per-sonnel apparait dans notre étude commeun facteur protecteur contre la dépres-sion des soignants confrontés à la fin devie de patients. Ceci confirme sur notrepopulation les travaux théoriques deBandura (1993) et l’étude empirique deHai et al. (2016) menée sur une popula-tion japonaise d’infirmières de nuit.

Par ailleurs, le niveau de dispositionà l’attention consciente ressort commeun facteur de protection contre l’anxiététrait des soignants. Nous confirmonsdonc dans un contexte francophone lestravaux de Westphal et al. (2015) réaliséssur un échantillon de 50 infirmières d’unservice d’urgence d’un hôpital suisse deZurich. Ainsi, dans cet environnementparticulièrement stressant du fait del’enjeu propre au métier du soin et de laresponsabilité face à la vie et à la santéd’autrui, du nombre élevé de demandes,de la difficulté technique croissante dessoins ou encore de la variabilité des ho-raires de travail, la disposition à l’atten-tion consciente, qui représente la capa-cité à percevoir la situation au moment

où elle se présente, telle qu’elle se pré-sente, serait un facteur majeur de pro-tection contre l’anxiété des soignants.

Par ailleurs, un rôle explicatif desressources psychologiques a pu être dé-montré pour deux des trois dimensionsde l’épuisement professionnel. En effeten premier lieu, le niveau d’insight, quiest une des dimensions de l’intelligencepsychologique, apparait comme protec-trice contre la dépersonnalisation. Cerésultat précise et prolonge les travauxde Chabinska (2016), qui avaient concluà l’absence de corrélation significativeentre la dépersonnalisation et l’intelli-gence psychologique, prise globalement,sans distinction entre intérêt et insight.In fine, le fait de posséder un fort insight,c’est-à-dire le fait d’être en contact avecses ressentis intérieurs et notammentses sentiments, aiderait donc à préserverune bonne relation à l’autre, qu’ils’agisse des patients ou des collègues,sans cynisme, ni détachement ou deshu-manisation. Ce résultat est cohérentavec les travaux qui considèrent l’intelli-gence psychologique comme une com-pétence sociale participant aux dyna-miques et aux interactions sociales et quimontrent que l’intelligence psycholo-gique est associée à un niveau plus élevéd’empathie, tant sur le plan cognitifqu’affectif (Beitel et al., 2005).

D’autre part, la disposition à l’atten-tion consciente apparait comme un fac-teur protecteur contre la perte du senti-ment d’accomplissement personnel,deuxième dimension de l’épuisementprofessionnel. Ce résultat est conformeaux conclusions de la méta-analyse deMesmer-Magnus et al. (2017). Notonstoutefois que la disposition à l’attentionconsciente n’apparait pas significative-ment corrélée au sentiment d’efficacitépersonnelle (r = .31). Nous ne retrouvonsdonc pas le lien, établi par ces auteurs,

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entre sentiment d’accomplissement per-sonnel et croyance en ses capacités supé-rieures à faire face aux contraintes del’environnement, un des éléments expli-quant, selon eux, le lien entre disposi-tion à l’attention consciente et accom-plissement personnel. En revanche,nous notons la très forte corrélation, ausein de notre échantillon, entre senti-ment d’accomplissement personnel etoptimisme dispositionnel (r = .79,p < .05). Finalement, plus qu’unecroyance supérieure en ses capacités àfaire face aux contraintes de l’environne-ment, la disposition à l’attention cons-ciente peut être plutôt reliée ici à unecroyance supérieure en la capacité del’environnement à offrir des opportuni-tés futures.

Par ailleurs, l’étude ne permet pas demontrer le rôle protecteur des res-sources psychologiques sur l’épuisementémotionnel, la troisième dimension del’épuisement professionnel. En effet,bien que l’intelligence psychologique,dans sa dimension d’intérêt porté auxphénomènes internes, les siens commeceux d’autrui, et en particulier aux émo-tions, prédise une des dimensions duburnout, l’épuisement émotionnel, ellele fait dans un sens opposé à l’attendu.Loin d’être un facteur de protection, elleserait au contraire un facteur d’épuise-ment émotionnel auprès des répondantsde notre étude. Ce résultat ne va pasdans le sens des travaux de Chabinska(2016) qui avaient montré, sur un échan-tillon de 199 soignants hospitaliers, l’ab-sence de lien entre intelligence psycho-logique, prise globalement, etl’épuisement émotionnel. Il semble tou-tefois compréhensible en considérant lestravaux ayant montré un lien entre intel-ligence psychologique et empathie (e.g.Beitel et al., 2005) et en prenant encompte la spécificité de notre échantil-lon. Les soignants de notre étude sont en

effet confrontés de façon très récurrenteà la fin de vie de patients. Ainsi, on peutsupposer que cet aspect de l’intelligencepsychologique, qu’est l’intérêt porté aumonde interne et en particulier auxémotions, les conduirait à se centrer da-vantage sur le vécu intérieur des patientset donc à leur souffrance. Cela pourraitgénérer ce que Thomas et al. (2012) qua-lifient de souffrance de compassion, im-pliquant un épuisement émotionnel.Une étude ultérieure pourrait vérifiercette hypothèse en incluant notammentune mesure du niveau d’empathie dessoignants.

Malgré ces résultats concluants, plu-sieurs constats issus de la littérature nesont pas retrouvés dans notre étude. Parexemple, nous ne pouvons confirmer lesrésultats des nombreux travaux, menéssur des populations variées (voir la revuesystématique de Tomlinson et al., 2018)ayant montré un lien entre mindfulnesset dépression ou encore ceux de Nykli-cek et Denollet (2009) sur le lien entreintelligence psychologique et dépres-sion. Les spécificités de notre échantil-lon pourraient en partie l’expliquer. Eneffet comme l’indique Machavoine(2015) dans ses travaux, les troubles dé-pressifs chez les soignants hospitaliersconfrontés à la mort de leurs patients se-raient, pour beaucoup d’entre eux, réac-tionnels et reliés à la confrontation répé-titive et traumatique à la mort. Or,Machavoine rappelle la grande fragilisa-tion des défenses des soignants ayant étéeux-mêmes confrontés à la mort d’unproche. Compte tenu de l’âge moyen denotre échantillon se situant autour de 40ans, il n’est pas à exclure qu’une partienon négligeable de l’échantillon aitconnu la mort d’un proche, notammentd’un ascendant. Ceci a pu créer une va-riance résiduelle importante dans nosanalyses de régression. Plus générale-ment, le rapport à la mort des soignants

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devra être investigué davantage et mieuxcontrôlé dans de prochains travaux. Eneffet, les répondants étaient questionnésquant à leur niveau de motivation à tra-vailler dans un service où la confronta-tion à la mort de patients était régulière.Or cette variable apparait fortement etsignificativement corrélée à la dépres-sion : ceux qui ont déclaré avoir recher-ché cette situation de travail ont desscores de dépression très faibles à laHAD (1.4) comparativement à ceux quidéclaraient n’avoir pas recherché cettesituation et avoir eu une appréhension etun frein important à rejoindre ce type deservice (6.75).

De même, l’étude ne permet pas nonplus de répliquer sur une population soi-gnante française les résultats obtenuspar Westphal et al. (2015) sur un échan-tillon de 50 infirmières d’un service d’ur-gence d’un hôpital de Zurich, qui mon-trent un lien négatif entre niveau demindfulness et niveau d’épuisementémotionnel ni ceux obtenus par Duffy etal. (2009) qui mettent en évidence descorrélations très élevées entre efficacitépersonnelle et l’épuisement émotionnelsur une population de 61 soignants (r² =-.53). Si l’impact des différences inter-culturelles, notamment dans le rapportau travail, ne peut être écarté (Chanlat &Pierre, 2018), une autre explication pour-rait tenir au cadre de travail. De façongénérale, la littérature sur l’épuisementprofessionnel (e.g. Zawieja & Guarnieri,2013) montre que l’épuisement émotion-nel apparait au croisement entre des fac-teurs individuels de risque ou de protec-tion, et des facteurs institutionnels etcollectifs, portés par le cadre de travail.Or, nous constatons au sein de notreéchantillon de forts écarts de niveaud’épuisement émotionnel selon leséquipes interrogées. Il est quasi inexis-tant au sein de l’équipe mobile de soinspalliatifs (score MBI-SEP : 7,2), modéré

au sein de l’équipe d’hospitalisation pro-grammée (score MBI-SEP : 17.3) et plusélevé dans l’équipe d’hospitalisationconventionnelle (score MBI-SEP : 20.1).Cela suggère un rôle du service d’appar-tenance dans l’épuisement émotionnel.Malheureusement la taille trop faibledes sous-échantillons (< 15) ne nous ontpas permis de faire des analyses par ser-vice, ce qui aurait permis de contrôler enpartie le poids du contexte organisation-nel et de travail, et potentiellement faireressortir l’aspect explicatif d’autres res-sources psychologiques.

En conclusion, nous pouvons noterque diverses prises en charge et ap-proches institutionnelles ont été propo-sées par les chercheurs et praticiens faceà la problématique de l’épuisement pro-fessionnel, de la dépression et de l’an-xiété du personnel soignant confronté àdes situations de travail difficiles, no-tamment la mort de patients. Ainsi, lamise en place de groupes de parole pé-rennes a souvent été proposée. Ils per-mettent une reprise des situations diffi-ciles et potentiellement traumatisantes,notamment les fins de vie pénibles ou lescontextes agressifs (Machavoine, 2015).En situation de crise, sont parfois aussiorganisés des « groupes de debriefing »ponctuels à l’initiative de l’équipe, ani-més généralement par un psychologueextérieur au service et qui permettentaux soignants de l’ensemble de l’équipede s’exprimer par rapport aux difficultésinduites par la situation (Colombat etal., 2011). Malgré des résultats parfois po-sitifs, la prévalence de l’épuisement pro-fessionnel et de la dépression reste trèsimportante au sein des équipes médi-cales confrontées à la fin de vie, il est vraidans un contexte de dégradation géné-rale des conditions de travail pour lessoignants hospitaliers. In fine, notreétude invite à s’intéresser à une ap-

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proche complémentaire, plus indivi-duelle, bien que pouvant être impulséeet guidée par l’institution sous formes deformations, et plus anticipatrice : celle-ci vise à promouvoir, par le biais d’inter-ventions en psychologie positive, le dé-veloppement des ressources protectricesde la santé mentale, bien en amont desdifficultés, afin de mieux protéger lessoignants sur le long terme.

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteur·e·s ne déclarent aucun conflitd’intérêt.

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61

PRÉSENTATION DES AUTEUR·E·S

Fabien BacLaboratoire Clinique Psychanalytique Développement (CLIPSYD), Université Paris Nan-terre, FrancePsychologue clinicien au sein du service de réanimation médicale de l’hôpital Henri-Mondor (AP-HP), ses recherches couvrent la réhumanisation des prises en charge ensoin intensif et la lutte contre l’épuisement professionnel des soignants. Il exerce égale-ment en libéral dans les Hauts-de-Seine.Contact : [email protected]

Antonia CsillikLaboratoire Clinique Psychanalytique Développement (CLIPSYD), Université Paris Nan-terre, FranceMaitre de conférences HDR en psychologie clinique, vice-présidente de l’AssociationFrançaise et Francophone de Psychologie Positive (AFFPP) depuis 2012. Elle étudie lesfacteurs protecteurs de la santé mentale dont principalement les ressources psycholo-giques ainsi que l’efficacité des interventions psychologiques dont notamment celles is-sues de la psychologie positive.Contact : [email protected]

______________

Pour citer cet article :

Bac, F., & Csillik, A. (2020). Les ressources psychologiques, facteurs de protection pourles soignant·e·s confronté·e·s à la fin de vie ? Sciences & Bonheur, 5, 44–61.

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Marion Karras

Antonia Csillik

Patricia Delhomme

Fabien Fenouillet

L’empathie est-elle une ressourceprotectrice sur la route ?

Is empathy a protective resourceon the road?

RÉSUMÉ

L’empathie serait une ressource facilita-trice des relations humaines dans lamesure où elle favoriserait les compor-tements prosociaux et inhiberaitl’agressivité. Les objectifs de cette étudesont d’explorer les qualités psychomé-triques du Short-FTEQ, adaptationfrançaise du Toronto Empathy Ques-tionnaire (TEQ) et d’investiguer le rôleprotecteur de l’empathie dans les com-portements routiers. À cette fin, 550automobilistes ont rempli un question-naire papier-crayon évaluant l’empathieet les comportements routiers. Corréla-tions et régressions hiérarchiques mon-trent que l’empathie prédit positi-vement les comportements de conduiteprosociaux. Une analyse en clustersidentifie deux groupesd’automobilistes : ceux dits « à risquefaible » et ceux dits « à risque élevé »,les seconds étant moins empathiques,rapportant moins de comportementsprosociaux mais plus d’infractions,d’accidents et de points de permis per-dus que les premiers. L’empathie seraitdonc une ressource protectrice des

automobilistes ce qui pourrait ouvrirdes pistes de recherche intéressantespour la prévention des risques routiers.

MOTS-CLÉS

Empathie ; Comportements de conduiteprosociaux ; Infractions ; Risque ; Res-sources protectrices.

ABSTRACT

Empathy facilitates human interactionssince it promotes prosocial behaviorand inhibits aggression. The aim of thisresearch is to investigate the protectiverole of empathy in road behavior. Tothis end, 550 French motorists complet-ed a questionnaire assessing road be-havior and empathy, as measured bythe Short-FTEQ, the French adaptationof the Toronto Empathy Questionnaire(TEQ). Correlations and hierarchicalregressions showed that empathy posi-tively predicts prosocial driving behav-ior. A cluster analysis distinguished twogroups of motorists: “low-risk” and“high-risk,” the latter reporting less pro-social behavior while having more traf-fic violations and accidents. Therefore,empathy protects motorists: it pro-motes safe driving behavior and inhibitsrisky behavior. This study could opennew research avenues in the preventionof dangerous driving behaviors and thepromotion of road safety among high-risk populations such as reoffendingdrivers.

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KEYWORDS

Empathy; Prosocial driving behaviors;Violations; Risk; Protective resources.

1. QU’EST-CE QUE LA DISPOSITIONÀ L’EMPATHIE ?

L’empathie, en tant que dispositionpersonnelle de l’individu, joue un rôlefondamental dans ses relations avec lesautres. Pourtant, la définition précise dece construit fait encore débat et ilsemble presque exister autant de défini-tions qu’il y a d’auteurs. Nous commen-cerons donc cet article en précisant lecadre théorique dans lequel se situecette recherche.

Dans le champ particulier de lapsychothérapie, Carl Rogers placel’empathie au cœur même de la relationclient-thérapeute dans sa thérapie cen-trée sur la personne (Rogers, 1959).Dans cette approche, la compréhensionempathique est une condition néces-saire pour permettre au client de com-prendre le sens de ses propres compor-tements et de s’épanouir. Elle reflète lacapacité du thérapeute à s’immerger demanière sensible dans l’univers de sonclient. Ainsi « être empathique, c’estpercevoir le cadre de référence interned’autrui aussi précisément que possibleet avec les composants émotionnels etles significations qui lui appartiennentcomme si l’on était cette personne, maissans jamais perdre cette condition du"comme si" » (Rogers, 1980, p. 140).

Depuis Rogers, psychologues etneuroscientifiques ont étudié le rôle del’empathie dans les relations interper-sonnelles et ont tenté d’en donner unedéfinition en répondant à deux ques-tions distinctes : 1) comment peut-onsavoir ce qu’une autre personne penseou ressent ? ; 2) qu’est-ce qui incite unepersonne à réagir à la souffrance d’une

autre avec sensibilité et attention ?(Batson, 2011). L’empathie est la réponseà ces deux questions puisqu’elle permetà l’individu, d’une part de comprendrel’expérience émotionnelle de l’autre,mais également de la partager, aumoins dans une certaine mesure : elleest à la fois cognitive et émotionnelle(Batson, 2011 ; Davis, 1983 ; Decety &Ickes, 2011 ; Spreng et al., 2009). Cesdeux composantes primaires del’empathie interagissent et participentensemble à la qualité des relations indi-viduelles mais restent cependant disso-ciables. En effet, être capable d’adopterla perspective d’un autre et de com-prendre, grâce à des indices physiquesou situationnels, ce qu’il ressent (empa-thie cognitive), ne garantit pas une ré-ponse émotionnelle de la part d’un ob-servateur, tout comme il est possible departager la peine d’un proche (empathieémotionnelle) sans en comprendre lesraisons précises.

Pour répondre plus précisément àla seconde question posée ci-dessus,nous devons également considérerl’aspect motivationnel de l’empathie :« l’empathie reflète une capacité innéede percevoir et d’être sensible aux étatsémotionnels des autres, souvent cou-plée avec une motivation pour se préoc-cuper de leur bien-être » (Decety, 2017).Or, entrer en résonance avecl’expérience émotionnelle d’un autre, lacomprendre, est cognitivement coû-teux, demande des efforts et, lorsqueces coûts sont perçus comme trop éle-vés, ils peuvent conduire à un évite-ment de l’empathie (Cameron et al.,2019). Ce mécanisme est particulière-ment important dans les conflits « ex-tra-groupes » : si agir avec empathie estperçu comme difficile par l’individu, ilest possible que, face à des personnesétrangères à lui ou jugées très diffé-

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rentes de lui, il préfèrera éviter cet ef-fort cognitif (Zaki, 2014).

Lorsqu’un individu possède les ca-pacités cognitives et émotionnelles né-cessaires pour entrer en résonance avecl’expérience émotionnelle d’un autre, etqu’il y est motivé, l’empathie peut êtreun facteur prédictif des comportementsprosociaux (Habashi et al., 2016; Lock-wood et al., 2014; Welp & Brown, 2013),c’est-à-dire de comportements inten-tionnels ayant pour but de bénéficier àautrui, de lui venir en aide (Eisenberg etal., 2010). De plus, l’empathie est éga-lement négativement associée àl’agressivité trait et en particulier àl’agressivité physique et la tendance àéprouver de la colère et de l’hostilité(Song et al., 2018). En ce qui concernel’agressivité réactionnelle face à desprovocations de faible ou de forte in-tensité, Song et al. (2018) ont trouvéque l’empathie avait un effet inhibiteuruniquement dans les situations de pro-vocation de faible intensité ce qui« souligne l’influence des facteurs per-sonnels et situationnels surl’agressivité » (p. 7). Ainsi l’empathiemodule les processus de prise de déci-sion ; les individus empathiques dé-montrent un meilleur contrôle cognitifau cours d’interactions agressives maisjusqu’à un certain point seulement :lorsque le degré de provocation perçueaugmente, le rôle inhibiteur del’empathie disparait.

Au-delà de l’agressivité, une méta-analyse de 2014 a montré qu’il existe unlien négatif entre empathie et trans-gressions en général (vols, agressions,cambriolage…) ; la composante cogni-tive de l’empathie est négativement as-sociée aux transgressions, avec unetaille d’effet moyenne de 0.39 (van Lan-gen et al., 2014).

L’empathie est généralement mesu-rée à l’aide d’échelles d’auto-évaluation.

Il existe plusieurs échelles qui mesurentce concept : Interpersonal ReactivityIndex (IRI ; Davis, 1983), Empathy Quo-tient (EQ ; Baron-Cohen &Wheelwright, 2004), Balanced Emo-tional Empathy Scale (BEES ; Mehra-bian, 1997), dont certaines ont été tra-duites et validées en français. Parmi leséchelles unidimensionnelles brèves,nous avons choisi de traduire et de vali-der en français le Toronto EmpathyQuestionnaire (TEQ). Cette échelle éva-lue un facteur unique d’empathie quirefléterait la disposition de l’individu àcomprendre les émotions des autres,partager ces émotions et y répondre demanière appropriée, avec sensibilité etattention pour leur bien-être (Spreng etal., 2009).

Rôle protecteur de l’empathie ensituation de conduite

La conduite (du latin conducere quisignifie littéralement « conduire en-semble ») est une activité complexe quiimplique de nombreuses interactionsavec d’autres usagers de la route dontles niveaux de vitesse et de protectiondiffèrent. La particularité de cette situa-tion de forte interdépendance est queles interactants se tiennent à distanceles uns des autres et que leurs res-sources pour communiquer leurs inten-tions sont par conséquent limitées, lais-sant place à l’interprétation et àl’incompréhension (Mundutéguy &Darses, 2007).

En 2019, 3 498 personnes ont perdula vie sur les routes françaises et 74 165y ont été blessées, parfois gravement(Observatoire Interministériel de la Sé-curité Routière, 2020). Il est alors im-portant de comprendre les facteurs im-pliqués dans ces événements tragiquesafin de les prévenir. De nombreux fac-teurs situationnels peuvent participer àla construction des accidents (météo,

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routes endommagées, problèmes méca-niques, etc.), cependant les comporte-ments agressifs, aberrants ou risquésdes conducteurs augmentent égalementle risque d’accident grave (Lajunen etal., 2004 ; Monteiro et al., 2018 ; Palat etal., 2019 ; Sümer, 2003). Ces comporte-ments à risque sont généralement divi-sés en deux groupes (Reason et al.,1990) : les infractions qui sont destransgressions volontaires du code de laroute (par exemple l’excès de vitesse) etles erreurs qui peuvent être liées à unemauvaise perception, un manqued’attention ou un défaut dans le traite-ment de l’information (par exemple,mal évaluer la vitesse d’un véhicule ar-rivant en sens inverse pour effectuer undépassement).

Afin de comprendre ce qui in-fluence les comportements de conduitedangereux, les chercheurs se sont inté-ressés aux caractéristiques de personna-lité des conducteurs : l’agressivité trait,la colère et l’hostilité (King & Parker,2008 ; Monteiro et al., 2018 ; Sümer,2003), le névrosisme (Monteiro et al.,2018) et l’impulsivité (Ball et al., 2018 ;Berdoulat et al., 2017 ; Smorti et al.,2018), en tant que dispositions person-nelles non spécifiques à la situation deconduite, sont des facteurs prédisant laprise de risque au volant. Plus spécifi-quement, la tendance à ressentir de lacolère dans les situations de conduite etla manière d’exprimer cette colère(Delhomme & Villieux, 2005 ; Villieux &Delhomme, 2008) sont également desvariables prédictives de transgressions.

D’autres facteurs personnels sontquant à eux liés à une diminution descomportements à risque et constituentdes facteurs de protection des conduc-teurs : l’intelligence émotionnelle, c’est-à-dire la capacité de l’individu à régulerses émotions, à les reconnaitre et lesexprimer (ses propres émotions tout

comme celles des autres), est un facteurprédictif négatif des verbalisations pourconduite dangereuse (Smorti et al.,2018). L’altruisme (Shen et al., 2018),ainsi que de bonnes capacités de régula-tion émotionnelle (Navon & Taubman–Ben-Ari, 2019) sont également associésà un style de conduite prudent et à uneaugmentation des comportements deconduite prosociaux. Ces comporte-ments ont pour objectif de prendre soinde l’environnement routier et des autresusagers, de les aider et de faciliter lafluidité du trafic (Özkan & Lajunen,2005).

Peu de chercheurs se sont intéres-sés, à ce jour, aux liens entre empathie,comportements routiers et accidents.Une étude réalisée en 2014 en Turquieauprès de conducteurs en milieu urbaina trouvé des corrélations négativesentre l’empathie et les infractions(r = -.17, p < .05) et l’empathie et les er-reurs (r = -.31 ; p < .001) (Nordfjaern &Simsekoglu, 2014).

À ce jour, les facteurs de vulnérabi-lité qui influencent négativement lamanière de (se) conduire des automobi-listes sont bien connus (impulsivité,recherche de sensations, etc.). Cepen-dant, il existe encore peu de recherchessur les facteurs de protection, c’est-à-dire les ressources psychologiques quiparticiperaient à la diminution descomportements à risque et àl’augmentation des comportements deconduite prosociaux. Bien quel’empathie, en tant que disposition per-sonnelle de l’individu (c’est-à-dire sacapacité générale à prendre en considé-ration le point de vue des autres, à êtresensible à leur bien-être voire à partagerleurs émotions dans la plupart des si-tuations), ait fait l’objet de nombreusesrecherches démontrant son importancedans les relations interpersonnelles, soninfluence sur les comportements de

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conduite a été très peu étudiée dans lemonde et, à notre connaissance, ne l’ajamais été encore en France. Sil’empathie favorise les relations d’entre-aide, permet dans une certaine mesurede diminuer l’agressivité et est associéeà moins de transgressions dans diversdomaines, la même influence positivene devrait-elle pas se retrouver sur laroute, où des millions d’usagers intera-gissent quotidiennement ?

L’objectif principal de cette étudeest d’investiguer le rôle protecteur del’empathie dans la conduite automobile.Nous posons ici les hypothèses sui-vantes : (1) l’empathie serait un facteurprotecteur contre les comportements àrisque (infractions et erreurs de con-duite), et (2) l’empathie prédirait lescomportements de conduite proso-ciaux. Pour ce faire le second objectifest d’adapter le TEQ en français (Short-FTEQ) et d’en explorer les qualités psy-chométriques auprès d’un échantillond’automobilistes français.

2. MÉTHODE

2.1 Participants

Dans cette étude, 578 automobi-listes volontaires ont été recrutés selonla méthode dite « boule de neige » etquatre critères d’inclusion ont été con-sidérés : les participants devaient êtremajeurs, posséder un permis B valide,conduire au moins 100 kilomètres par

an et être capables de lire et d’écrire lefrançais. Vingt-huit participants ont étéexclus à cause d’informations person-nelles manquantes (âge, expérience deconduite, etc.) ou parce qu’ils n’ont pasrépondu à plus de 50% des items duquestionnaire. Les 550 automobilistesde l’échantillon final sont âgés de 18 à88 ans (M = 40.27, ET = 15.51), 52.7%d’entre eux sont des femmes, 45.5% ontperdu des points de permis et 25.3% ontété impliqués dans au moins un acci-dent de la circulation dans les trois der-nières années. Les participants décla-rent le plus souvent être mariés ou encouple (64.2%). Parmi eux, 17.4% rap-portent un niveau d’éducation inférieurau baccalauréat, 14.2% avoir obtenu lebaccalauréat, 18.5% avoir effectué deuxans d’études après cet examen, et 49.3%avoir un niveau d’études au moins égalou supérieur à trois années d’étudessupérieures. Dans notre échantillon,52.6% des participants indiquent tra-vailler à temps plein, 18.9% être étu-diants, 10.2% être retraités, 7.5% exer-cer une activité professionnelleindépendante, 6.7% travailler à tempspartiel et 4.2% être sans activité ou auchômage. Le tableau 1 présente les in-formations relatives à la conduite rap-portées par les participants : expériencede conduite, nombre de kilomètres par-courus à l’année, points de permis per-dus et accidents survenus dans les troisdernières années.

Tableau 1 : Expérience de conduite, kilométrage annuel, points de permis perdus etnombre d’accidents moyens (dans les trois dernières années)

Échantillon total(N = 550)

Hommes(n = 260)

Femmes(n = 290)

Experience (années) 20.56 [15.34] 21.10 [16.01] 20.08 [14.73]

Km/an 17 005.75 [16 222.16] 21 434.04 [17 979.91] 13 035.55 [13 294.07]

Points de permis 1.42 [2.46] 1.92 [2.95] .98 [1.80]

Accidents .31 [.58] .32 [.58] .29 [.56]

Les écart-types sont entre crochets.

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2.2 Procédure

Après avoir lu un formulaire deconsentement éclairé, les participantsont rempli un questionnaire « papier-crayon ». Ils ont été recrutés dans plu-sieurs régions de France : Île-de-France(71.3%), Grand Est (13.3%), Provence-Alpes-Côte d’Azur (4.0%), Auvergne-Rhône-Alpes (3.6%), Nouvelle Aqui-taine (3.5%), Bretagne (2.4%), et Nor-mandie (2.0%) ; et ont rempli ce ques-tionnaire dans des contextes divers(professionnels et associatifs). Lesjeunes conducteurs ont été recrutésdans des centres d’éducation, au traversde leurs anciennes auto-écoles ou surleur lieu de travail pendant les vacancesscolaires. Enfin, trente et un automobi-listes ont rempli le questionnaire aucours de stages de sensibilisation à lasécurité routière (5.6%).

2.3 Mesures

Toronto Empathy Questionnaire(TEQ ; Spreng et al., 2009). Le TEQ aété adapté en français selon la méthodeproposée par Vallerand (1989) : deuxpsychologues bilingues ont indépen-damment traduit les 16 items du TEQ.La meilleure traduction de chaque itema ensuite été sélectionnée. Une « back-translation » a enfin été effectuée parune personne native anglophone et lesdifficultés de compréhension liées no-tamment à la culture ont été discutéesdirectement avec l’auteur principal duTEQ. L’échelle, dans sa version origi-nale est cotée sur une échelle de Likerten 5 points (0 = jamais à 4 = toujours),mais pour des raisons d’homogénéitéavec les autres échelles du question-naire, le Short-FTEQ a été coté de 1(jamais) à 5 (toujours). Dans l’étude devalidation du TEQ, la consistance in-terne était bonne (α de Cronbach = .87)

et reste acceptable dans la présente re-cherche (.77).

Interpersonal Reactivity Index(IRI ; Davis, 1983). Afin de vérifier lavalidité convergente du Short-FTEQ,nous avons utilisé l’adaptation françaisedu IRI (Gilet et al., 2013). Cette échelled’auto-évaluation est composée de 28items cotés sur une échelle de Likert en7 points (1 = cette affirmation ne me dé-crit pas du tout à 7 = cette affirmationme décrit parfaitement). Quatre dimen-sions de l’empathie sont évaluées : Fan-taisie (FS), Prise de Perspective (PT),Souci Empathique (EC) et Détresse Per-sonnelle (PD). La consistance internede chaque sous-échelle est acceptable(α de Cronbach = .71 pour EC ; .79 pourPD ; .67 pour PT ; et .79 pour FS). Dansl’étude de validation française, les au-teurs ont trouvé des coefficients α de.70, .78, .71 et .81 pour ces sous-échelles.

Driving Behavior Questionnaire(DBQ ; Reason et al., 1990). Les com-portements de conduite des partici-pants ont été évalués avec 23 items de laversion française du DBQ (Guého et al.,2014). Les participants devaient indi-quer la fréquence à laquelle ils se sontengagés dans différents comportementsau cours de l’année écoulée (1 = jamais à6 = très souvent). Six types de compor-tements sont ainsi mesurés : infractionsordinaires (transgressions volontairessans agressivité, 4 items), infractionsagressives (3 items), erreurs dange-reuses (4 items), erreurs d’inattention(4 items), erreurs liées à l’inexpérience(4 items), et comportements prosociaux(4 items). Dans cette étude, la consis-tance interne des différentes sous-échelles d’infractions et d’erreursn’étant pas satisfaisante, seuls les scoresglobaux d’infractions (7 items, α deCronbach = .72) et d’erreurs (12 items, αde Cronbach = .73) sont considérés dansles analyses. La consistance interne de

68

l’échelle de comportements prosociauxest également discutable (α de Cron-bach = .61).

Les participants ont également in-diqué : leur âge, sexe, niveaud’éducation, statut marital, kilométrageannuel parcouru en voiture, l’année oùils ont obtenu le permis de conduire, lenombre d’accidents dans lesquels ilsont été impliqués dans les trois der-nières années ainsi que le nombre depoints de permis perdus dans les troisdernières années.

3. RÉSULTATS

Nous examinons tout d’abord lastructure factorielle du Short-FTEQainsi que sa cohérence interne et sa va-lidité. Afin de vérifier l’influence del’empathie sur les comportements rou-tiers, nous procédons ensuite à des ana-lyses descriptives et corrélationnellesdes variables de l’étude. Nous termi-nons par des analyses de régression hié-

rarchique et une analyse en clusters.Toutes ces analyses sont réalisées àl’aide du logiciel SPSS 23.0.

3.1 Structure factorielle du Short-FTEQ

Afin de vérifier la structure facto-rielle de l’adaptation française du TEQ,nous avons tout d’abord mené une ana-lyse factorielle exploratoire avec rota-tion Varimax. Cette première analyse arévélé la présence de quatre facteurs.Cependant, la consistance interne desfacteurs 2, 3 et 4 est très insatisfaisante(de Cronbach = .63, .47 et .43 respecti-vement). De plus les coefficients de sa-turation des items 4, 7, 8, 9 10 et 14 sontinférieurs au seuil recommandé de .40.Par conséquent seul le premier facteur aété conservé. Le tableau 2 présente lesrésultats de l’analyse exploratoire in-cluant uniquement les six items du fac-teur 1.

Tableau 2 : Analyse factorielle exploratoire du modèle en six itemsItems λ

2. Les malheurs des autres me laissent plutôt indifférent(e).* .51

3. Cela me perturbe de voir que l’on manque de respect à quelqu’un. .45

5. J’aime faire en sorte que les gens se sentent mieux. .63

6. J’éprouve de la compassion pour les gens qui ont moins de chance que moi. .69

13. Je ressens une forte envie d’aider quand je vois quelqu’un qui est malheureux. .70

16. Quand je vois qu’on profite de quelqu’un, je ressens une certaine envie de la/le proté-ger.

.62

Valeur propre .21

Pourcentage de variance expliquée 36.9

Alpha de Cronbach .77

Oméga de McDonald .77* Items inversés.

Une analyse factorielle confirma-toire montre enfin un excellent ajuste-ment de nos données au mo-

dèle unidimensionnel en six items :χ²(9) = 12.395 , p = .19 ; χ²/ddl = 1.38,RMSEA = .03, CI 90 % [.00 ; .06],

69

CFI = .99, TLI = .99, SRMR = .02. Eneffet, un modèle est jugé acceptablequand la valeur du χ² divisée par le de-gré de liberté est inférieure à 5, la valeurde RMSEA (Root Mean Square Error ofApproximation) est inférieure à .05, lesvaleurs de comparaison CFI (Compara-tive Fit Index) et TLI (Tucker-Lewis In-dex) sont supérieures à .90 et la valeurde SRMR (Standardized Root Mean Re-sidual) est inférieure à .08 (Brown,2015). La figure 1 présente les résultatsde l’analyse confirmatoire.

Figure 1 : Analyse factorielle confirma-toire du Short-FTEQ

3.2 Validité convergente du Short-FTEQ

Pour vérifier la validité conver-gente du Short-FTEQ, les corrélationsentre cette échelle et les sous-échellesde l’IRI ont été considérées.

Le Short-FTEQ est fortementcorrélé à l’échelle de souci empathiquedu IRI (r = .70 , p < .001), moyennementcorrélé aux échelles de prise de perspec-tive et de fantaisie (r = .33 et .23 respec-tivement, p < .001) et faiblement corréléà la détresse personnelle (r = .13,p = .003). Le facteur unique du Short-FTEQ semble donc avant tout évaluer lapréoccupation de l’individu pour lebien-être d’autrui, composante plusémotionnelle et motivationnelle del’empathie.

3.3. Empathie et conduite automo-bile

Pour réaliser les analyses descrip-tives, la normalité de chaque variable aété vérifiée ; les coefficientsd’aplatissement et d’asymétrie desscores moyens obtenus à toutes leséchelles sont situés dans l’intervalle de[-2 ; +2] recommandé pour que la dis-tribution des données ne soit pas consi-dérée comme exagérément anormale(Gravetter et al., 2020). Afin de compa-rer les hommes et les femmes del’échantillon, l’homogénéité des va-riances a été testée : le test de Leveneest significatif dans le cas de la sous-échelle d’infractions du DBQ, indiquantque l’hypothèse nulle d’homogénéitédes variances est à rejeter. Pour compa-rer les scores moyens des hommes etdes femmes à cette échelle, le test t deWelsh a été pratiqué, pour les autreséchelles le test t de Student a été utilisé.Le tableau 3 présente les scores moyensobtenus par les participants aux diffé-rentes échelles de cette étude.

Les femmes ont obtenu des scoressignificativement supérieurs auxhommes au Short-FTEQ [t(548) = -5.44,p ˂ .001, d = .45], ainsi qu’aux échellesde souci empathique [t(548) = -7.47,p ˂ .001, d = .61] et de détresse person-nelle du IRI [t(548) = -4.53, p ˂ .001,

70

d = .38]. Elles rapportent égalementfaire plus d’erreurs de conduite[t(548) = -3.57, p ˂ .001 ; d = .30] maismoins d’infractions que leshommes [t(509.93) = 5.41, p ˂ .001,

d = .46]. Il n’y a pas de différence signi-ficative entre hommes et femmes dansla capacité à adopter la perspective d’unautre ; et la fréquence de comporte-ments de conduite prosociaux.

Tableau 3 : Scores moyens obtenus aux échelles d’empathie et de comportements rou-tiers

Échantillon total(N = 550)

Hommes(n = 260)

Femmes(n = 290)

Short-FTEQ* 23.82 [3.24] 23.04 [3.32] 24.51 [3.01]

IRI-Souci Empathique* 35.78 [6.32] 33.75 [6.26] 37.59 [5.80]

IRI-Détresse Personnelle* 23.80 [7.40] 22.32 [6.84] 25.13 [7.65]

IRI-Prise de perspective 32.05 [6.06] 31.92 [5.96] 32.16 [6.16]

Infractions* 14.41 [5.50] 15.73 [5.81] 13.23 [4.92]

Erreurs* 24.75 [6.92] 23.65 [6.49] 25.73 [7.14]

Comportements prosociaux 17.58 [3.84] 17.67 [3.66] 17.50 [4.01]

Les écart-types sont entre crochets. * Différences significatives au seuil p < .05. Short-FTEQ : Short-French Toronto Empathy Questionnaire ; IRI : Interpersonal Reactivity Index.

Tableau 4 : Corrélations entre empathie, comportements routiers, kilométrage annuelet nombre d’accidents et de points de permis perdus dans les trois dernières années

Pearson r Spearman rs

Infractions Erreurs CCP Km/an Accidents PointsShort-FTEQ -.14** .10* .27*** -.07 -.001 -.06IRI-PT -.18*** -.01 .30*** -.01 -.02 -.12**Infractions .18*** -.15** .24*** .17*** .19***Erreurs -.07 -.13** .04 .03CCP -.003 -.07 -.10*Km/an .09* .31***Accidents .07*p < .05, **p < .01, ***p < .001. Short-FTEQ : Short-French Toronto Empathy Questionnaire ; IRI-PT : In-terpersonal Reactivity Index-Prise de Perspective ; CCP : Comportements de conduite prosociaux.

Le Short-FTEQ et la sous-échelle desouci empathique du IRI étant forte-ment corrélés, seul le score de Short-FTEQ sera considéré comme mesure desensibilité empathique dans les analysessuivantes.

Les corrélations entre empathie,comportements de conduite, kilomé-trage annuel, accidents et perte depoints sont présentées dans le ta-bleau 4. Des coefficients de Pearson ontété calculés, sauf pour les variables ki-lomètres par an, nombre d’accidents et

nombre de points perdus dans les troisdernières années dont les distributionsne suivent pas une loi normale : le coef-ficient de corrélation de Spearman aalors été utilisé.

Le Short-FTEQ est positivement as-socié aux comportements de conduiteprosociaux (r = .27, p < 001), toutcomme l’échelle de prise de perspective(r = .30, p < .001). Le Short-FTEQ estégalement négativement corrélé auxinfractions (r = -.14, p = .001), toutcomme l’échelle de prise de perspective

71

(r = -.18, p < .001). Enfin, seul le Short-FTEQ est associé positivement aux er-reurs de conduite auto-rapportées(r = .10, p = .023). Il n’y a pas de lien si-gnificatif entre les accidents et les diffé-rentes mesures d’empathie, en re-

vanche, la prise de perspective est néga-tivement corrélée avec le fait d’avoirperdu des points de permis dans lestrois dernières années (rs = -.10, p = .018)ainsi que le nombre de points perdus(rs = -.12, p = .004).

Tableau 5 : Analyses de régressions multiples visant à prédire infractions, erreurs etcomportements de conduite prosociaux.

Variable dépendante : INFRACTIONSBloc Variables prédictives Bêta p R² Variation de R² F p1 .078 .078 23.07 ˂ .001

Sexe -.23 ˂ .001Âge -.16 ˂ .001

2 .114 .036 17.45 ˂ .001Sexe -.22 ˂ .001Âge -.17 ˂ .001Short-FTEQ -.02 .712IRI-PT -.18 ˂ .001

Variable dépendante : ERREURSBloc Variables prédictives Bêta p R² Variation de R² F p1 .027 .027 7.51 .001

Sexe .015 ˂ .001Âge -.06 .132

2 .030 .004 5.72 .001Sexe .14 .002Âge -.07 .102Short-FTEQ .06 .147

Variable dépendante : COMPORTEMENTS PROSOCIAUXBloc Variables prédictives Bêta p R² Variation de R² F p1 .008 .008 2.20 .112

Sexe -.02 .604Âge .09 .043

2 .135 .127 21.19 ˂ .001Sexe -.07 .075Âge .08 .044Short-FTEQ .20 ˂ .001IRI-PT .24 ˂ .001

Short-FTEQ : Short-French Toronto Empathy Questionnaire ; IRI-PT : Interpersonal Reactivity Index-Perspective Taking.

Le nombre de points perdus estégalement associé au nombre de kilo-mètres parcourus à l’année (rs = .31,p < .001) et à la fréquence d’infractionsdes automobilistes (rs = .19, p < .001), onremarquera d’ailleurs que plus ils rap-portent parcourir de kilomètres chaqueannée, plus ils déclarent commettre

d’infractions sur la route (rs = .24,p < .001) mais moins commettred’erreurs de conduite (rs = -.13,p = .003). Le nombre d’accidents estpositivement associé à la fréquenced’infractions (rs = .17, p < .001) maisn’est pas associé aux erreurs. Enfin, lenombre de points de permis perdus

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dans les trois dernières années est néga-tivement corrélé aux comportements deconduite prosociaux (rs = -.10, p = .016).

Des régressions hiérarchiques ontété réalisées afin de vérifier le rôle pré-dictif de l’empathie dans les infractions,les erreurs de conduite et les compor-tements prosociaux. L’âge moyen ainsique le sexe des participants ont été in-tégrés dans un premier bloc afin d’encontrôler l’effet. Les mesuresd’empathie ont été ajoutées dans unsecond bloc. Comme le montre le ta-

bleau 5, le Short-FTEQ prédit significa-tivement les comportements prosociaux(ß = .20, p ˂ .001). La variable prise deperspective mesurée par le IRI préditsignificativement et négativement lesinfractions (ß = -.18, p ˂ .001) et positi-vement les comportements prosociaux(ß = .24, p ˂ .001). L’âge et le sexe desautomobilistes ainsi que les deux com-posantes de l’empathie permettentd’expliquer 13.5% de la variance descomportements de conduite proso-ciaux.

Tableau 6 : Scores moyens obtenus par les participants des deux clusters aux échellesd’empathie, d’infractions et de comportements de conduite prosociaux

Automobilistes à faible risquen = 299

Automobilistes à risque élevén = 251

Short-FTEQ* 25.41 [2.60] 21.92 [2.90]

IRI-Prise de perspective* 34.90 [5.48] 28.64 [4.86]

Infractions* 12.67 [4.57] 16.48 [5.79]

Comportements prosociaux* 19.73 [2.64] 15.01 [3.45]

N = 550. Les écart-types sont entre crochets. * Différences significatives au seuil p < .05.

Une analyse en clusters utilisant laméthode K-means a été réalisée. Lesscores moyens standardisés des deuxvariables d’empathie Short-FTEQ etIRI-PT ainsi que des deux variables decomportements routiers volontaires,infractions et comportements proso-ciaux, ont permis d’identifier deuxgroupes distincts d’automobilistes. Lecluster 1 contient 299 automobilistesdits « à faible risque » (59.2% defemmes). En effet, seulement 20.7%d’entre eux ont déclaré avoir été impli-qués dans au moins un accident aucours des trois dernières années et39.8% avoir perdu des points. Le cluster2 contient 251 automobilistes dits « àrisque élevé » (45.0% de femmes),puisque 30.7% d’entre eux ont déclaréavoir été impliqués dans au moins unaccident au cours des trois dernièresannées et 52.2% avoir perdu des points.

Des tests t de Student pour échantillonsindépendants révèlent que les automo-bilistes « à faible risque » rapportentmoins d’infractions [t(548) = -8.61,p ˂ .001, d = -.74], plus de comporte-ments de conduite prosociaux[t(548) = 18.14, p ˂ .001, d = 1.55] et ontdes scores significativement plus élevésaux variables Short-FTEQ[t(548) = 14.91, p ˂ .001, d = 1.28] et IRI-PT [t(548) = 14.06, p ˂ .001, d = 1.20] queles automobilistes « à risque élevé ». Lesvariables âge et kilométrage annuel nesuivant pas une distribution normale,des tests de Mann-Whitney ont été réa-lisés et révèlent que les automobilistes« à faible risque » (Mdn = 40 ans) sontsignificativement plus âgés que ceux dugroupe « à risque élevé » (Mdn = 35 ans)avec U = 33 256, p = .021. Enfin les parti-cipants constituant le groupe « à faiblerisque » (Mdn = 11 000 km/an) ont dé-

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claré conduire significativement moinsque les automobilistes « à risque élevé »(Mdn = 15 000 km/an) avec U = 32 428,p = .006.

4. DISCUSSION

L’objectif principal de cette étudeétait d’investiguer le rôle protecteur del’empathie dans la conduite automobile.Pour cela, nous avons tout d’abordadapté en français une échelle de me-sure de l’empathie, le Toronto EmpathyQuestionnaire (TEQ ; Spreng et al.,2009). Cette échelle, dans sa versionoriginale, est composée de 16 itemspermettant d’évaluer un facteur uniquede réactivité empathique. Nous avonsdonc vérifié sa structure factorielle et safiabilité auprès d’un échantillon de 550automobilistes français. Les analysesfactorielles n’ont cependant pas permisde valider sa structure unidimension-nelle théorique. D’autres adaptationsdu TEQ ont soulevé des difficultés simi-laires : en Italie, la structure validée estcomposée de deux dimensions : empa-thie et froideur (Chiorri, 2016), l’item 11a été supprimé de l’adaptation grecque(Kourmousi et al., 2017), les auteurs del’adaptation turque ont quant à euxsupprimé trois items (Totan et al., 2012)et, enfin, le TEQ a été validé en Chinedans une version contenant 14 itemsrépartis sur trois facteurs (Xu et al.,2020). Dans notre échantillon français,il a été possible, après suppression de 10items dont les coefficients de saturationsur le facteur unique n’étaient pas satis-faisants, d’obtenir une échelle courte etfiable permettant d’évaluer rapidementla sensibilité empathique de l’individu,c’est-à-dire l’intérêt porté au bien-êtredes autres ainsi que la volonté de lesaider ou de les protéger. Cette préoccu-pation reflète une facette motivation-nelle de l’empathie qui serait égalementun moteur des comportements proso-

ciaux (Zaki, 2014). C’est donc sous cetangle que nous interprétons nos résul-tats en ce qui concerne les liens entreempathie et comportements routiers.

Notre première hypothèse était quel’empathie est un facteur protecteurcontre les comportements routiers àrisque (erreurs de conduite et infrac-tions). Nous constatons tout d’abordque la sensibilité empathique ne consti-tue pas une variable prédictive des er-reurs de conduite. Celles-ci sont descomportements non intentionnels quirelèvent avant tout de l’inattention, unmanque d’expérience ou un défaut dansle traitement de l’information (de Win-ter et al., 2015). Il n’est alors pas éton-nant de constater que l’intérêt del’individu pour le bien-être des autres(composante émotionnelle et motiva-tionnelle de l’empathie) n’a pasd’influence sur la survenue de ces er-reurs en situation de conduite.

Contrairement aux erreurs, les in-fractions sont des comportements leplus souvent intentionnels qui reflètentle style de conduite et les habitudes duconducteur. S’il existe bien des corréla-tions négatives entre ces comporte-ments volontaires et la sensibilité em-pathique d’une part et l’empathiecognitive d’autre part, les analyses derégression montrent que, lorsque l’oncontrôle l’effet de l’âge et du sexe desautomobilistes, c’est avant tout la com-posante cognitive qui permet de prédirenégativement ces comportements àrisque. Ces résultats sont en accord avecceux de van Langen et al. (2014) qui ontmis en avant une association négativeentre empathie cognitive et transgres-sions en général. Ce serait donc la capa-cité à se mettre à la place de l’autre quiaurait un effet inhibiteur sur la fré-quence d’infraction des automobilistes ;se projeter dans l’expérience d’un autreusager de la route permettrait

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d’imaginer les effets de ses proprescomportements sur cet usager (stress,peur, agacement, danger, etc.). La prisede perspective pourrait également per-mettre à l’automobiliste d’inférer lesmotivations sous-jacentes au compor-tement d’un autre usager. On sait eneffet que plus un automobiliste perçoitles comportements d’autrui commeintentionnels et agressifs, plus il auratendance lui-même à devenir agressif età commettre des infractions (Vallièreset al., 2014). Parvenir à imaginer desexplications alternatives aux compor-tements des autres usagers permettraitainsi d’inhiber ces réactions agressiveset la fréquence des transgressions.

Notre seconde hypothèse était quel’empathie prédit les comportements deconduite prosociaux. Des analyses derégression montrent en effet que, aprèsavoir contrôlé l’effet de l’âge et du sexedes automobilistes, la sensibilité empa-thique ainsi que l’empathie cognitivepermettent d’expliquer 12.7% de la va-riance des comportements prosociaux.Il semble en effet que plus un automo-biliste porte d’intérêt au bien-être desautres en général et plus il est capabled’adopter la perspective d’un autre in-dividu, plus il aura tendance, sur laroute, à s’engager dans des comporte-ments visant à prendre soin des autresusagers et de leur sécurité. Ces résultatssont en accord avec la littérature surl’empathie et les comportements proso-ciaux en général (Habashi et al., 2016 ;Lockwood et al., 2014) : la dispositionpersonnelle de l’individu pourl’empathie semble bien être un précur-seur de ces comportements positifs. Surla route en particulier, les comporte-ments prosociaux ont pour but deprendre soin de l’environnement rou-tier et des autres usagers. Ce sont ce-pendant des comportements quel’automobiliste met en place dans des

situations de conduite faciles et peucontraignantes, pour lesquels il doitavoir suffisamment de ressources cogni-tives disponibles (Özkan & Lajunen,2005)

Ces résultats sont en accord avec unmodèle motivationnel de l’empathie(Borja Jimenez et al., 2020 ; Zaki, 2019)dans lequel le contexte joue un rôleprimordial : l’individu est-il motivé,dans cette situation, à laisser s’exprimerson empathie ? Il s’agit ici de distinguersa disposition générale à entrer en ré-sonnance avec l’expérience émotion-nelle d’un autre et sa propension à lefaire dans un contexte donné (Keysers& Gazzola, 2014). Cette distinction re-pose sur deux phénomènes : l’attentionportée aux indices sociaux et la motiva-tion. Ainsi, lorsque la situation de con-duite se complexifie, que le trafic sedensifie ou que l’automobiliste est pré-occupé par des facteurs personnels ex-térieurs, il a moins de ressources atten-tionnelles disponibles pour les indicessociaux émanant des autres usagers,une objectivisation peut alorss’installer : ce n’est plus un usager de laroute, c’est une voiture, une moto, unpoids-lourd, etc.

La pression du temps, tout particu-lièrement, a pour effet d’inhiber lescomportements de conduite prosociauxet la prise en compte des autres usagersde la route (Nandavar et al., 2019). Eneffet, l’empathie est cognitivement coû-teuse : 1) elle nécessite un effort, celuide se décentrer de sa propre perspectiveet cela demande du temps (Epley et al.,2004) ; 2) l’empathie peut être frus-trante car source d’erreur (mauvaiseinterprétation des indices sociaux,mauvaise compréhension des émo-tions…) ; 3) l’individu peut ne pas sesentir efficace, ne pas avoir confiancedans sa capacité à comprendrel’émotion de l’autre (Cameron et al.,

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2019). Ce dernier point est d’ailleurs unprédicteur important de l’engagementdans des situations pouvant susciter del’empathie. Cameron et al. (2019) ontmontré qu’en manipulant ce sentimentd’efficacité, il était possible de diminuerla perception des coûts cognitifs etdonc de favoriser l’engagement dans cessituations empathiques.

Une analyse en clusters a permisd’identifier deux groupes distinctsd’automobilistes. Dans le premiergroupe nous avons trouvé des automo-bilistes « à faible risque », préoccupéspar le bien-être des autres, adoptantplus facilement leur perspective ets’engageant plus fréquemment dans descomportements prosociaux et moinssouvent dans des comportements detransgression que dans le secondgroupe d’automobilistes « à risque éle-vé ». Ils déclarent également avoir eumoins d’accidents et perdu moins depoints de permis dans les trois ans pré-cédant l’étude. Ce premier groupe deconducteurs prudents et empathiquessemble confirmer le rôle protecteur del’empathie sur la route.

Il est important de souligner que lesautomobilistes « à faible risque » sontlégèrement plus âgés que ceux « àrisque élevé ». Des études ont en effetdémontré que la fréquence d’infractionstend à diminuer lorsque l’âge etl’expérience de conduite des conduc-teurs augmentent (de Winter & Dodou,2010). À l’inverse, les comportements deconduite prosociaux eux, tendent àaugmenter (Özkan & Lajunen, 2005).Dans notre échantillon également, l’âgeest un facteur prédictif négatif des in-fractions et positif des comportementsprosociaux.

La proportion de femmes est éga-lement plus importante chez les auto-mobilistes « à faible risque ». La littéra-ture montre en effet que les femmes

déclarent généralement avoir une con-duite plus prudente que celle deshommes et sont moins souvent impli-quées dans des accidents (Guého et al.,2014). Elles déclarent également êtreplus préoccupées par le bien-être desautres (Spreng et al., 2009). Dans notrepopulation de recherche nous retrou-vons cette différence entre conducteurset conductrices, les femmes ayant obte-nu des scores de sensibilité empathiqueplus élevés que les hommes. En re-vanche nous n’avons pas constaté dedifférence dans la capacité cognitive àadopter la perspective d’un autre indi-vidu ce qui est également consistantavec d’autres résultats observés dansune population française (Gilet et al.,2013).

Enfin, les conducteurs du groupe« à risque élevé » déclarent parcourir unnombre de kilomètres annuels plus éle-vé que ceux du groupe « à faiblerisque » et ce kilométrage annuel estpositivement corrélé aux infractions,aux accidents ainsi qu’aux points per-dus : plus les automobilistes déclarentparcourir de kilomètres plus ils rappor-tent transgresser les règles, être sanc-tionnés et être impliqués dans des acci-dents. Il est important de tenir comptede ces caractéristiques personnellespour interpréter nos résultats : l’âge desautomobilistes ainsi que le temps passéen circulation peuvent influencer lesressources cognitives disponibles pourgérer l’espace routier et les autres usa-gers.

D’autres études devront confirmerle rôle protecteur de l’empathie en si-tuation de conduite mais cette re-cherche, dont les résultats se révèlentprometteurs, est la première de ce typeen France, et ouvre de nouvelles pistesintéressantes pour mieux comprendreles comportements routiers.

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5. LIMITES

Cette étude présente quelques li-mites. Tout d’abord, malgré son intérêtthéorique, le Short-FTEQ présente deslimites quant à sa structure factorielleet ne permet pas d’identifier un facteurgénéral d’empathie dans la populationfrançaise. Cette limite n’est cependantpas propre à notre échantillon etd’autres difficultés quant à la structurefactorielle de cette échelle ont été iden-tifiées auprès d’échantillons grecs,turcs, italiens et chinois. Le Short-FTEQreste cependant une échelle valide quidevra être considérée comme mesurebrève de l’empathie dispositionnelle. Enrevanche, des mesures plus fines del’empathie situationnelle, en lien avec lecontexte spécifique de la conduiteautomobile, seraient utiles pour con-firmer les résultats de cette étude.

6. CONCLUSION

L’empathie semble bien jouer unrôle de protection des automobilistesen réduisant la fréquence d’infractionssouvent responsables d’accidents et enaugmentant la fréquence des compor-tements de conduite prosociaux quivisent à ramener plus de sécurité pourtous les usagers de la route. Cependant,comme le soulignent un nombre crois-sant d’auteurs, il est important de dis-tinguer la disposition personnelle del’individu à l’empathie et sa propensiondans un contexte donné où de nom-breux facteurs extérieurs peuvent in-fluencer l’attention et la prise de déci-sions des automobilistes. Dans ce but,une échelle de mesure de l’empathie ensituation spécifique de conduite a étécréée et un article de validation est ac-tuellement en cours de rédaction. Deplus, une autre étude est également encours pour confirmer le rôle protecteurde l’empathie auprès d’une population à

risque d’automobilistes multi-infractionnistes. Outre l’empathie, cetterecherche investiguera le rôle d’autresressources psychologiques qui peuventinfluencer l’attention et la gestion desémotions des automobilistes comme lamindfulness et la bienveillance enverssoi-même.

Il est important de souligner que,au-delà d’une disposition personnellede l’individu, l’empathie est égalementune ressource psychologique qui peutêtre développée, notamment au traversd’interventions spécifiques. C’est no-tamment le cas en République Tchèque(Shaw et al., 2020) où les automobilistesdont le permis de conduire a été sus-pendu pour infraction(s) grave(s) sontcontraints de suivre un programme deréhabilitation basé sur des techniquesd’induction de l’empathie dans le butde modifier leurs attitudes envers lescomportements à risque. Shaw et al.(2020) ont réalisé une étude basée surl’imagerie neuronale et ont montréqu’après avoir suivi ce programme, lesconducteurs présentent une augmenta-tion de l’activation des zones cérébralesimpliquées dans l’empathie, ce quiouvre des pistes de recherche intéres-santes. D’autres chercheurs ont égale-ment mis en évidence la capacité del’individu à moduler son empathie lors-qu’on lui donne clairement l’instructiond’orienter son attention vers les indicessociaux importants ou qu’il y est motivépar une promesse de récompense (Ar-buckle & Shane, 2017 ; Epley et al.,2004 ; Keysers & Gazzola, 2014).

Ces résultats ouvrent donc de nou-velles pistes de recherche quant à laprévention des comportements dange-reux et la prise en charge des popula-tions à risque comme les jeunes con-ducteurs ou les automobilistesinfractionnistes rencontrés dans les

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stages de sensibilisation à la sécuritéroutière.

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteur·e·s ne déclarent aucun con-flit d’intérêt.

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PRÉSENTATION DES AUTEUR·E·S

Marion KarrasLaboratoire Clinique Psychanalytique Développement (CLIPSYD), Université ParisNanterre, FranceDoctorante en psychologie clinique et psychologue dans le domaine de la sécuritéroutière, ses recherches se structurent autour des ressources psychologiques et plusparticulièrement de l’empathie et de son influence sur les comportements de conduitedes automobilistes.Contact : [email protected]

Antonia CsillikLaboratoire Clinique Psychanalytique Développement (CLIPSYD), Université ParisNanterre, FranceMaitre de conférences HDR en psychologie clinique, vice-présidente de l’Associationfrançaise et francophone de psychologie positive depuis 2012. Elle étudie les facteursprotecteurs de la santé mentale dont principalement les ressources psychologiquesainsi que l’efficacité des interventions psychologiques dont notamment celles issues dela psychologie positive.Contact : [email protected]

Patricia DelhommeLaboratoire de Psychologie et d’Ergonomie Appliquées (LaPEA), Université GustaveEiffel, FranceAvec différents chercheurs et doctorants, elle étudie les déterminants du risque entenant compte du contexte de production du comportement des usagers de la routedans le but de promouvoir des mobilités plus sures et plus éco-compatibles.Contact : [email protected]

Fabien FenouilletLaboratoire Interdisciplinaire en Neurosciences, Physiologie et Psychologie : Apprentis-sages, Activité Physique, Santé (LINP2-2APS), Université Paris Nanterre, FranceL'objectif général de ses recherches est de comprendre l'effet de différentes formes demotivations qui peuvent être en lien avec des thématiques fortes de la psychologiepositive et/ou avec les apprentissages notamment dans le cadre de l'usage destechnologies.Contact : [email protected]

_____________

Pour citer cet article :

Karras, M., Csillik, A., Delhomme, P., & Fenouillet, F. (2020). L’empathie est-elle uneressource protectrice sur la route ? Sciences & Bonheur, 5, 62–81.

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Amandine Junot

Yvan Paquet

Un modèle intégrateur des effetsvitalisants de la nature : La natureun environnement favorable à laconstruction des ressources

An integrated model of vitalizingeffects of nature: Natural environ-ment as factor of resources

RÉSUMÉ

Le bien-être des individus est un sujetimportant dans la société actuelle. Desnombreux travaux menés jusqu’à au-jourd'hui, l'exposition à la nature a étévue comme un vecteur du bien-être hu-main, dans le sens où elle favoriserait laconstruction de ressources en jeu dans lahausse de la vitalité. Toutefois, dans lesliens entre l’exposition à la nature et lavitalité, les mécanismes en jeu ont ététrès peu explorés. À l’aide des théories dela restauration de l’attention, de réduc-tion du stress, des émotions et de l’auto-détermination, ce travail cherche àmettre en avant les voies et mécanismespsychologiques impliqués, explorer etapprofondir leurs relations afin de les in-tégrer dans un cadre théorique complet,unifié et ainsi offrir une compréhensionholistique sur la construction de res-sources favorables à la vitalité en envi-ronnement naturel.

MOTS-CLÉS

Nature ; Vitalité ; Restauration, Émo-tions positives ; Besoins fondamentaux ;Besoin d’appartenance à la nature.

ABSTRACT

The well-being of individuals is an im-portant subject in today's society. Fromprevious research, exposure to naturehas been identified as a tool for increas-ing well-being and vitality. However, themechanisms linking exposure to natureand vitality have not been well explored.Drawing upon directed attention, bi-ophilia, broaden-and-build, and self-de-termination theories, this work proposesa unified theoretical framework to un-derstand how exposure to nature can in-crease vitality.

KEYWORDS

Nature; Vitality; Positive emotions; Res-toration; Fundamental needs; Nature re-latedness.

1. INTRODUCTION

Le bien-être des individus est un su-jet important dans la société actuelle.Parmi les facteurs en jeu, la vitalité ap-parait comme un concept intéressant àétudier car déterminante pour le bonfonctionnement corporel, psycholo-gique et pour le fonctionnement optimaldes individus au sein des organisationset de la société.

Dans les nombreux travaux menésjusqu’à aujourd'hui, l'exposition à la na-ture a été vue comme un vecteur dubien-être humain de diverses manières(Hartig, 2004 ; Hartig et al., 2001, 2007 ;Hoot & Friedman, 2011 ; Pretty et al.,2007 ; Schultz & Zelezny, 1999). Parmi

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les bienfaits des environnements natu-rels, leur influence sur la vitalité est re-connue (Capaldi et al., 2014 ; Hartig etal., 2007 ; Mayer et al., 2008 ; Nisbet,2014 ; Nisbet et al., 2011 ; Nisbet & Ze-lenski, 2011 ; Ryan, 2005 ; Ryan et al.,2010). Si les environnements naturelssemblent si bénéfiques, c’est en partieparce qu’ils offrent les conditions néces-saires à la construction de ressourcespsychologiques impliquées dans le bien-être des individus.

Les ressources sont des facteurs deprotection qui permettent la réductiondes facteurs stressants (Csillik, 2017),mais également des facteurs qui impul-sent la réalisation de soi. Les individuspeuvent disposer d’un répertoire de res-sources variées, dont font partie les res-sources cognitives, émotionnelles et mo-tivationnelles. Ces ressources sontlargement impliquées dans le bien-êtreen améliorant les capacités attention-nelles, les capacités à résoudre des pro-blèmes, à affronter efficacement le stresset à agir de manière autodéterminée. Cesressources sont intéressantes à étudierdans le cadre des environnements natu-rels. En effet, les travaux passés ont ré-vélé que les contacts avec ces environne-ments aident à développer cesressources favorables par le biais de la vi-talité.

Les effets bénéfiques des environne-ments naturels ont été traités par diffé-rentes entrées théoriques, de la théoriede la restauration (Kaplan, 1995 ; Ulrichet al., 1991), des hypothèses de biophilie(Wilson, 1984), à la théorie « étendre etdévelopper » (Fredrickson, 1998, 2001,2004 ; Fredrickson et al., 2003) ou à lathéorie de l’autodétermination (TAD ;Deci & Ryan, 1985). Cependant à ce jour,il n’y a pas de cadre théorique clairementposé qui définisse les mécanismes etconditions d’apparition de la vitalité etqui permettrait de mieux comprendre

les ressources inspirées par les environ-nements naturels et leur contribution àla santé des individus.

Ce travail propose un cadre théo-rique qui cherche à mettre en avant lesvoies et mécanismes psychologiques im-pliqués dans la hausse de la vitalité enmilieu naturel. Il s’agit d’explorer, d’ap-profondir leurs relations et d’établir uncadre théorique complet et unifié quipermettrait d’identifier les ressourcesdéveloppées en nature et expliquer lamanière dont la vitalité s'améliore danscet environnement.

1.1 Vitalité

La vitalité se définit comme étant« l’expérience consciente de l’énergie etde la vigueur disponibles » (Ryan & Fre-derick, 1997, p. 530). La vitalité est sou-vent assimilée à l’enthousiasme, au con-tentement, à l’énergie (Thayer, 1996), ausentiment de vigueur (McNair et al.,1971) ou à ce que l’on appelle familière-ment le « peps ». Elle est également as-sociée à un état d’activation élevé (Wat-son & Tellegen, 1985), ou à un niveau destimulation sur l’attention de l’individu.Ces états d’énergie ont une influence po-sitive sur les processus perceptifs et co-gnitifs. Ainsi, par-delà les émotions po-sitives ou les sentiments agréables, lavitalité se caractérise par le sentimentpositif d’être en vie, alerte et énergique(Ryan & Frederick, 1997). Elle représenteune source d’énergie physique et men-tale (Fini et al., 2010). La vitalité est sou-vent associée aux résultats de bonnesanté (Benyamini et al., 2000 ; Cohen etal., 2006 ; Polk et al., 2005) et de bien-être (Kasser & Ryan, 1999 ; Penninx etal., 2000 ; Ryan & Frederick, 1997). En ef-fet, les personnes avec un haut niveau devitalité sont plus actives, productives,elles font mieux face au stress, aux défiset affichent une meilleure santé mentale.Par ailleurs, elles sont plus résistantes

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aux stresseurs physiques et viraux etainsi moins vulnérables à la maladie(Diener, 1984 ; Ryan & Fredrick, 1997 ;Ryff, 1995).

Du fait de ces implications en ma-tière de bien-être, la vitalité est un axeimportant de la recherche sur le bien-être. Afin de contribuer aux actions dansle domaine de la santé, identifier lessources de vitalité et les mécanismes dedéveloppement s’avère important. Lesenvironnements naturels sont souventmis en avant pour leurs effets bénéfiquessur la santé des individus car ils seraientpropices au développement de res-sources par la suite favorables à la vita-lité et ainsi au bien-être.

1.2 Exposition aux environnementsnaturels et vitalité

Les individus rapportent souvent sesentir plus « vivants » après avoir passéun moment à l’extérieur et plus particu-lièrement en présence de nature. La na-ture a souvent été associée à une baissede l’épuisement et de la dévitalisation, cequi a conduit à l’hypothèse d’un effet vi-talisant des environnements naturels etce au-delà des activités physiques et so-ciales qui peuvent y avoir lieu (Green-way, 1995 ; Kaplan & Talbot, 1983 ;Stilgoe, 2001).

Plus récemment, les travaux deNisbet (2014) et de Ryan et al. (2010) ontpu confirmer cette hypothèse. Dans lecadre de travaux empiriques, Ryan et al.(2010) ont exploré les effets des contactsavec des espaces extérieurs naturels réelsou virtuels sur la vitalité. Les auteurs ontcomparé l’influence d’une promenadeen milieu extérieur naturel ou à l’inté-rieur sur la vitalité. Leurs résultats ontrévélé que les participants affichaientune meilleure vitalité lors des journéesoù ils passaient au moins 20 minutes àl’extérieur en milieu naturel (Ma-

vant = 3.9 ; Maprès = 5.4) contrairement

aux participants qui marchaient à l’inté-rieur et qui n’avaient pas connu de chan-gement significatif dans leur score de vi-talité (Mavant = 3.8 ; Maprès = 2.3). Par lasuite, les auteurs ont cherché à confir-mer ces résultats au travers d’une étudeexposant des participants à des diaposi-tives représentant soit des milieux natu-rels, soit des milieux urbains. Les résul-tats se confirment. Les participantsexposés à des scènes de nature rappor-taient une hausse de la vitalité au fil dutemps (Mavant = 2.8 ; Maprès = 3.2) alorsque ceux qui avaient vu les diapositivesde milieux urbains avaient connu une di-minution de la leur (Mavant = 2.9 ;Maprès = 2.6).

Ces constats sur les effets bénéfiquesde la nature pour la santé mentale ontconduit à la multiplication de pro-grammes de bien-être en nature, commele « 30x30 Nature Challenge » en 2012, dela Fondation David Suzuki. Ce pro-gramme encourageait les Canadiens àpasser 30 minutes par jour dans la natureau cours du mois de mai. À l’instar desétudes passées, les données récoltées ontégalement permis de mettre en avantune amélioration significative de la vita-lité chez les participants le long du pro-gramme (Mavant = 3.87, Maprès = 4.25,t = 2.2, p < .01 ; Nisbet, 2014).

Ainsi, qu’il s’agisse d’une expositionphysique ou virtuelle, les recherchessont en accord et confirment qu’être ex-posé à des environnements naturelsmène à une augmentation de la vitalitédes participants (Berman et al., 2008 ;Mayer et al., 2008 ; Nisbet et al., 2011 ;Ojala et al., 2019 ; Takayama & Kagawa,2013 ; Tyrväinen et al., 2014). Toutefois,si le lien entre l’exposition aux environ-nements naturels et la vitalité est con-firmé, reste encore à comprendre lesprocessus en jeu. Dans la littérature, lesbénéfices associés à la nature sur le plan

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du bien-être ont été mis en lien princi-palement avec la théorie de la restaura-tion de l'attention (Kaplan, 1995) et cellede la récupération du stress psychophy-siologique (Ulrich et al., 1991). L’apparte-nance à la nature ou encore les besoinsfondamentaux sont également mention-nés comme facteurs en jeux. Mais quelest le rôle de ces ressources ? Expli-quent-elles les effets vitalisants de la na-ture ? Comment se mettent-elles enplace ?

En raison de l’implication de plu-sieurs mécanismes présentés dans la lit-térature sans pour autant déterminerleurs relations et effets, les liens entrel’exposition aux environnements natu-rels et la vitalité peut être complexe àsaisir. Au travers des parties qui suiventnous souhaitons mettre en lumière cesdifférents mécanismes et leurs interac-tions. La figure 1 ci-dessous présente lemodèle intégrateur que nous proposonsafin de comprendre les effets vitalisantsdes environnements naturels.

Figure 1 : modèle théorique des quatre formes de ressources sociales étudiées

2. RESSOURCES COGNITIVES

2.1 Régulation de l’attention

Selon les travaux de Kaplan (1995),les environnements naturels grâce à leurcapacité à capter l’attention involontairedes individus permettraient la restaura-tion des ressources mentales et diminue-raient la fatigue. Afin d’expliquer la res-tauration de l’attention en milieunaturel, Kaplan (1995) s’appuie sur ladistinction entre l’attention involontaire

et volontaire. L’attention volontaire re-quiert un contrôle cognitif et une inten-tionnalité prolongée qui va entraînerune fatigue mentale face aux sollicita-tions à l’inverse de l’attention involon-taire qui est déclenchée automatique-ment par un stimulus. Lesenvironnements naturels, du fait denombreux stimuli riches et fascinants,vont capter l’attention involontaire, per-mettant ainsi de réduire la sollicitationde l’attention dirigée, et par conséquentde réduire la fatigue attentionnelle et de

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restaurer en partie les ressources men-tales (Berman et al., 2008 ; Kaplan & Ka-plan, 1989 ; Korpela & Hartig, 1996 ;Nisbet et al., 2011 ; Ryan et al., 2010).

Les recherches passées ont révélédes effets positifs des promenades en na-ture sur la restauration de l'attention etsur l'excitation du système nerveux encomparaison aux promenades en mi-lieux urbains construits (Berman et al.,2008 ; Berto, 2005 ; Hartig et al., 2003 ;Ottosson & Grahn, 2005 ; Park et al.,2009 ; Raanaas et al., 2011). Afin de testerl’hypothèse de la restauration de l’atten-tion en nature, les études ont utiliséentre autres les tests de mémoire de tra-vail à court terme, en particulier la tâched’empan mnésique de lecture deschiffres qui consiste à présenter des sé-ries d’items de chiffres aux participantsqui doivent les rappeler dans l’ordrecroissant puis décroissant. À titred’exemple, Berman et al., (2008) ontmontré qu’une marche en nature con-trairement à une marche dans un envi-ronnement urbain, entraînait de meil-leures performances lors du test demémoire. Précisément, les résultats in-diquaient que la performance au tests’était améliorée significativement pourles participants ayant pratiqué unemarche en nature [Mavant = 7.90,Maprès = 9.40, t(36) = 54.783, p < .01].

D’autres outils ont été utilisés pourvérifier l’hypothèse de restauration ennature, dont l’échelle générale de restau-ration perçue (Hartig et al., 1996, 1997),devenue un instrument référent pourl'évaluation de la restauration cognitive.Elle a été structurée et développée sur labase de la théorie de la restauration del’attention et comporte les quatre quali-tés réparatrices définies par cette théo-rie : être éloigné, fascination, cohérenceet compatibilité. À titre d’exemple,Marselle et al., (2015) ont noté une cor-

rélation positive entre l le fait d’être ex-posé aux environnements naturels et larestauration de l’attention perçue(r = .31, p < .001). Tyrväinen et al. (2014)avaient quant à eux appuyé les effets dela nature en comparant la restaurationde l’attention après des marches en forêtou dans un parc et en ville. Leurs résul-tats ont mis en avant un effet principaldu lieu [F(1.82, 138.94) = 47.10, p < .01).Les scores de restauration perçue étaientsignificativement différents selon le mi-lieu dans lequel les participants se bala-daient (Mville = 3.8, Mparc = 4.6,Mforêts = 5.3). Par ailleurs, il apparaît qu’ily avait une taille d'effet importante desparcs et forêts par rapport à la ville(parc/ville : 29.85, r² = .53 ; fo-rêt/ville : 74.64, r² = .70), ainsi qu'unetaille d'effet moyenne des forêts par rap-port aux parcs (parc/forêt : 23.77,r² = .49).

Les effets restaurateurs de la natureont pu être confirmés également au ni-veau physiologique grâce à une élec-troencéphalographie mobile (EEG).Dans leur travail d'Aspinall et al. (2015)mesuraient les ondes cérébrales des par-ticipants marchant soit en nature soit enville. Dans le groupe bénéficiant de lamarche en nature, les résultats ont misen avant une réduction de l’activité desondes caractérisant l'excitation, la frus-tration et l'engagement et donc asso-ciées au processus d’attention dirigée. Àl’inverse, ce même groupe présentaitune augmentation des ondes associées àla méditation et l’éveil de l’esprit, davan-tage liées à l’attention non-dirigée, con-firmant ainsi les effets restaurations desenvironnements naturels sur les proces-sus cognitifs.

2.2 Régulation de l’attention et vita-lité

Dans la littérature, la restaurationde l’attention et la vitalité apparaissent

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liées, comme dans les travaux de Tyrväi-nen et al., (2014) qui montrent une cor-rélation positive entre la restaurationperçue et la vitalité (r = .64, p < .01). Sipeu de travaux ont étudié ces liens, lesauteurs s’accordent à dire que la natureen permettant de réduire la fatigue at-tentionnelle, participerait à un regaind’énergie et favoriserait le renouvelle-ment des ressources psychologiques. Ence sens, la vitalité serait un effet de la res-tauration (Nix et al., 1999 ; Ryan et al.,2010).

Ainsi les environnements naturelspermettent de construire les ressourcescognitives bénéfiques pour le dévelop-pement de la vitalité chez les individus.Au-delà des ressources cognitives cons-truites, les environnements naturelssont souvent mis en avant pour leur in-fluence sur les émotions et le stress. Dèslors, les effets vitalisants des environne-ments naturels pourraient égalementêtre le résultat de la construction de res-sources émotionnelles au pouvoir res-taurateur.

3. RESSOURCES EMOTIONNELLES

3.1 Régulation émotionnelle

Ulrich a été l’un des précurseurs dela recherche des effets restaurateurs desenvironnements naturels sur le planémotionnel. Dans son étude publiée en1984, Ulrich a comparé deux groupes depatients hospitalisés, exposés à desscènes naturelles ou à des murs de bâti-ments, afin de démontrer l'efficacité del'observation de scènes naturelles sur lerétablissement des patients. Ces résul-tats ont confirmé ses hypothèses, et met-tent en avant le rôle d’émotions aux to-nalités plus positives dans lerétablissement des patients. Selon cetauteur, les paramètres naturels produi-raient toujours un effet positif chez les

individus du fait que l’homme ait long-temps évolué en milieux naturels. Denombreuses études ont ainsi montréqu’une exposition à des environnementsnaturels peut avoir des effets directs surles processus émotionnels, avec notam-ment la réduction des émotions néga-tives et l'augmentation des émotions po-sitives (Berman et al., 2008 ; Hartig et al.,2003 ; Mayer et al., 2008 ; Tyrväinen etal., 2014 ; van den Berg et al., 2003 ; vanden Berg et al., 2016). À titre d’exemple,Mayer et al. (2008) notaient que le scored’émotions positives dépendait du mi-lieu dans lequel les participants se trou-vaient, avec les environnements naturelsqui avaient une influence significative[F(1, 69) = 5.04, p < .05]. En effet, les par-ticipants qui marchaient dans une ré-serve naturelle rapportaient plus d’émo-tions positives (M = 2.55, SD = .80) queceux qui marchaient en milieu urbain(M = 2.06, SD = .70). De plus, d’autrestravaux ont mis en avant une hausse desémotions positives chez les participantspratiquant une marche en nature par op-position à ceux ayant pratiqué unemarche en environnements urbains [F(1,100) = 56. 83, p < .001 ; F(1, 35) = 9.64,p < .01, respectivement pour les travauxde Hartig et al. (2003) ou de Berman etal. (2008)], De plus, les résultats ont sou-ligné une baisse des émotions négatives,telles que la colère ou l’agressivité, aprèsune marche en nature et au contraireune hausse de ces dernières pour ceuxqui marchaient en milieu urbain [F(1,99) = 8.19, p < .01 ; Hartig et al., 2003).Les travaux de Nisbet (2014) sur le pro-gramme de marche en nature de la Fon-dation David Suzuki, révèlent des résul-tats similaires. À la fin du défi qui invitaità marcher 30 minutes par jours pendantle mois de mai, les participants affi-chaient une hausse des émotions posi-tives (Mavant = 3.18, Maprès = 3.65 ; t = 32.9,

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p < .001), et une baisse des émotions né-gatives (Mavant = 2.25, Maprès = 1.83,t = -26.9, p < .001). Par l’inductiond’émotions positives, la nature favorise-rait ainsi un bon fonctionnement émo-tionnel qui serait par la suite en jeu dansle développement de la vitalité.

3.2 Régulation émotionnelle et vita-lité

Dans la littérature, il est possible detrouver des exemples d’études qui révè-lent un lien entre les émotions positiveset la vitalité, à l’exemple des travaux deTakayama et al. (2014) avec r = .49(p < .01), de Nisbet (2014) avec r = .75(p < .001), de Morton et al., (2017) avecr = .61 (p < .001) ou encore de Mattila etal. (2020) avec r = .84 (p < .01). De plus,Morton et ses collègues (2017) ont notéque l'exposition aux images de milieuxnaturels, par rapport aux images de mi-lieux urbains, améliorait la vitalité [F(1,105) = 4.1, p < .05]. Par ailleurs, Mortonet ses collègues (2017), ont montré quelorsque l’on contrôlait les émotions po-sitives, les effets sur la vitalité étaient an-nulés (p = .12). Leurs travaux appuientainsi le rôle médiateur des émotions po-sitives entre l’exposition aux environne-ments naturels et la vitalité.

Afin de comprendre le rôle desémotions sur la vitalité, il est possible des’appuyer sur la théorie des émotionspositives « étendre et développer » deFredrickson (2001). En effet, de cettethéorie, il ressort que les émotions vé-cues ont une influence sur le répertoirede pensées et d’actions, l’élargissant oule rétrécissant. Les émotions positivespermettent de s'éloigner des préoccupa-tions urgentes et des exigences men-tales, et en contrepartie favorisent unepensée plus globale et créative. Par lasuite, cela se traduit par l’ouverture d'es-prit, la curiosité, l’exploration, le jeu(Fredrickson & Branigan, 2005 ; Waugh

& Fredrickson, 2006) que l’on peut con-sidérer comme des expressions de la vi-talité.

Ainsi, les émotions positives stimu-lées par les environnements naturelsjouent un rôle important. Elles offri-raient des moyens des construire de res-sources personnelles, notamment sur leplan de la régulation émotionnelle, parla suite favorables à la vitalité.

4. RESSOURCES MOTIVATION-NELLES

Au-delà des théories de la restaura-tion, la littérature sur les bénéfices de lanature a récemment intégré la théorie del’autodétermination. Au travers de cettethéorie, les recherches suggèrent que lanature serait également un cadre favo-rable au développement de ressourcesmotivationnelles, notamment par lebiais de la satisfaction des besoins fon-damentaux d’autonomie, de compé-tence et d’appartenance, et d’une in-fluence sur les orientations intrinsèques(TAD ; Deci & Ryan, 1985)

4.1 La théorie de l’autodétermination

Les aspirations intrinsèques

Dans les milieux naturels, les indivi-dus échappent aux règles de la société(Howell & Passmore, 2013 ; Passmore &Howell, 2014 ; Ridder, 2005) et se libè-rent de la conscience du soi public(Mayer et al., 2008) ce qui leur permetde renforcer leurs propres croyances, va-leurs intrinsèques, d'avoir une perspec-tive sur les choses qui comptent vrai-ment et de se sentir inspirés (Howell &Passmore, 2013 ; Ridder 2005).

Dans la sous-théorie de la TAD ducontenu des buts, s’intéresse aux objec-tifs de vie d'une personne, soit aux butsou aspirations intrinsèques versus ex-

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trinsèques des individus. Ces buts ou as-pirations peuvent fournir une plusgrande satisfaction des besoins et doncinfluencer le bien-être. Les aspirationsintrinsèques impliquent la poursuited'objectifs concernant la croissance per-sonnelle ou celle de la communauté, etces dernières sont associées à un plusgrand bien-être (Kasser et al., 2014 ;Ryan et al., 2008). À l’inverse, les aspira-tions extrinsèques sont centrées sur desfacteurs externes tels que de gagner laconsidération d’autrui, le pouvoir, la ri-chesse ou l’affection. Ces aspirationssont davantage liées à la recherche d’ap-probation et sont corrélées négative-ment à la vitalité, la réalisation de soi etpositivement à la dépression et l’anxiété(Kasser & Ryan, 1993, 1996, 2001).

Les études passées ont pu montrerune association entre le fait d’être ex-posé à la nature et les aspirations intrin-sèques (Joye & Bolderdijk, 2015 ; Weins-tein et al., 2009). Ainsi, Weinstein et al.,(2009) ont montré que plus les partici-pants étaient immergés dans des envi-ronnements naturels, plus la hausse desaspirations intrinsèques était grande(B = .12, p < .05). En parallèle, l’exposi-tion à la nature prédisait négativementles aspirations extrinsèques (B = -.19,p < .05). Ainsi, il apparait que les envi-ronnements naturels sont favorables audéveloppement de buts intrinsèques etselon la TAD ces buts favoriseraient lefonctionnement optimal des individusqui seraient davantage orientés vers lasatisfaction des besoins fondamentaux.

Les besoins fondamentaux

Dans les travaux menés sur les bien-faits des environnements naturels, desliens ont été suggérés entre le contact àla nature et certains besoins fondamen-taux. Dans leurs travaux, Weinstein et al.(2009) montrent que plus les partici-pant·e·s étaient immergé·e·s dans des

photographies de nature, plus le senti-ment d’autonomie est élevé (B = .31,p < .01). Ils appuient ainsi l’argument se-lon lequel l’exposition à la nature parti-ciperait à une hausse de l’autonomieperçue. Comme indiqué ci-dessus, dansles milieux naturels, les individus échap-pent aux règles de la société (Howell &Passmore, 2013 ; Passmore & Howell,2014 ; Ridder, 2005), ils peuvent ainsiagir libérés du regard d’autrui, de la so-ciété et répondre à leur besoin d’autono-mie.

Les environnements naturels, du faitde leur diversité, sont associés à de nom-breux stimuli. Ils invitent aux défis autravers de la découverte de la nature etdes activités qui peuvent y avoir lieu. Ilsoffrent alors l’occasion d’utiliser les ca-pacités, de développer des buts, concou-rant ainsi au sentiment de compétence.Cependant, les preuves empiriques etquantitatives concernant le rôle des en-vironnements naturels sur le sentimentde compétence sont insuffisantes à cejour.

Enfin, l’appartenance aux pairs ap-paraît comme un besoin fondamentaldans la TAD, mais bien plus que l’appar-tenance aux pairs, dans l’étude des inte-ractions de l’homme avec la nature, l’ap-partenance au monde naturel apparaitcomme un autre besoin inné à considé-rer. Un élément de réponse peut se trou-ver dans les hypothèses de biophilie(Kellert, 1997 ; Nabhan et al., 1993 ; Wil-son, 1984). Issue du courant de la psy-chologie dite évolutionniste, la biophiliecorrespond à une tendance innée chezles hommes à chercher des liens avec lanature et d'autres formes de vie. Cettetendance s’expliquerait en partie par lefait que l’espèce humaine ait pendanttrès longtemps évolué dans un contacttrès proche avec la nature. Ainsi, commeles individus auraient besoin de se sentirconnectés aux autres et de faire partie

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d'un groupe, ils auraient également lebesoin de sentir qu'ils font partie dumonde naturel. De nombreux cher-cheurs s’accordent aujourd’hui à affir-mer que l'appartenance à la nature pour-rait être considérée comme un besoinfondamental (Baxter & Pelletier, 2019 ;Cleary et al., 2017 ; Deci & Ryan, 2002 ;Junot et al., 2017). Traités sous de nom-breuses notions, telle que la connexion àla nature, l’affiliation à la nature, l’appar-tenance à la nature, etc., les travaux an-térieurs soulignent l’importance de celien qui est nourri par l’exposition auxenvironnements naturels (Junot et al.,2017).

Les recherches démontrent que plusles individus passent de temps en na-ture, plus ils se sentent liés et appartenirà ces environnements (Kals et al., 1999 ;Mayer et al., 2008 ; Mayer & Frantz,2004 ; Nisbet, 2014 ; Weinstein et al.,2009). À titre d’exemple, Mayer et al.(2008) notent que les personnes interro-gées qui avaient passé du temps en na-ture affichaient des scores d’apparte-nance à la nature significativement plusélevés (M = 4.69, SD = 1.12) que cellesayant passé du temps dans des milieuxurbains (M = 3.73, SD = 1.06, F(1,67) = 11.63, p < .001. Les résultats deNisbet (2014) sont en lien avec ces der-niers, elle note une hausse de l’apparte-nance à la nature, après le programme demarche en nature sur un mois (Ma-

vant = 4.29, SDavant = .44, Maprès = .40,SDaprès = .42, t = 18.60, p < .01). Les résul-tats de Weinstein et al. (2009) allaientdans le même sens et affirmaient que lesinteractions avec les environnementsnaturels prédisaient l’appartenance à lanature (B = .18, p < .01). Les expositionsaux environnements naturels permet-tent ainsi la construction de ressourcesmotivationnelles, dans le sens où ils per-mettent aux individus de répondre à leurbesoin d’appartenance à la nature.

Aspirations intrinsèques et besoinsfondamentaux

Il a été montré que les aspirationsintrinsèques pouvaient influencer la sa-tisfaction des besoins fondamentaux(Hope et al., 2019 ; Sebire et al., 2009).Par ailleurs, ces études ont appuyé lerôle médiateur des besoins fondamen-taux entre les aspirations intrinsèques etles composantes du bien-être, et laissententendre le rôle de médiateur des be-soins fondamentaux dans la relationentre les expositions aux environne-ments naturels et la vitalité. Les travauxsur le lien entre les aspirations intrin-sèques et les besoins fondamentaux dansle cadre d’environnements naturels sontrares, et seul le besoin d’appartenance àla nature a été étudié à ce jour.

Comme mentionné précédemmentles environnements naturels en tant quemilieux détachés des attentes de la so-ciété et d’autrui favoriseraient le déve-loppement d’aspirations intrinsèqueschez les individus et la diminution d’as-pirations extrinsèques. Les travaux deMayer et Frantz (2004) ont ainsi notédes liens entre le sentiment d’apparte-nance aux environnements naturels etde nombreux comportements indicatifsdes aspirations intrinsèques, tels les va-leurs biosphériques, c’est-à-dire les va-leurs tournées vers la terre et la protec-tion de l’environnement (r = .45, p < .01)ou l’environnementalisme (r = .61,p < .01). À l’inverse, ces mêmes travauxont révélé un lien négatif entre l’appar-tenance à la nature et le consumérisme(r = -.36, p < .01), les valeurs égoïstescentrées sur l’homme (r = .07, p > .05 ;Mayer & Frantz, 2004)

Les environnements naturels offrentla possibilité de stimuler les ressourcesmotivationnelles des individus et offri-raient ainsi des conditions propices à lahausse de la vitalité.

91

4.2 TAD et vitalité

Relation directe

Ryan et Frederick (1997) ont estiméque la vitalité fait partie de la personne« pleinement fonctionnelle » et devraitdonc être liée à la satisfaction des be-soins fondamentaux. Récemment, Ryanet Deci (cités par Bouffard, 2017) ont re-connu les effets positifs des environne-ments naturels sur la vitalité subjective.De plus, ils suggèrent que les besoinspsychologiques fondamentaux d’auto-nomie, de compétence et d’apparte-nance jouent un rôle de médiateur danscette relation.

Comme souligné ci-dessus, la natureest associée à un sentiment d’autono-mie. De fait, en nature les individus au-raient plus d’opportunités d’agir selonleurs propres choix et cela alimenteraitle sentiment de possession d'énergie dis-ponible, et donc de vitalité, comme sug-gérés par les travaux antérieurs (Deci &Ryan, 1985 ; Nix et al., 1999 ; Ryan & Fre-derick, 1997). En ce qui concerne le sen-timent de compétence, les défis offertsstimuleraient la curiosité, le goût d’ex-plorer et de relever des défis, et c’est ence sens que les environnements naturelspourraient favoriser la vitalité.

Si aucun résultat n’est publié sur lerôle des besoins d’autonomie et de com-pétence, le rôle du besoin d’apparte-nance à la nature a pu être solidementappuyé. Il y a un certain nombre depreuves sur le fait que l’appartenance àla nature ait un rôle de médiateur entrel’exposition à la nature et la vitalité (Ca-paldi et al., 2014 ; Cervinka et al., 2012 ;Nisbet et al., 2011 ; Zhang et al., 2014).Ainsi, dans leur travaux, Capaldi et al.(2014) notent que plus les individus sesentent appartenir à la nature plus ilsavaient tendance à ressentir de la vitalitéet cette dernière était fortement corréléeà l’appartenance à la nature (r = .24,

p < .001). De même Nisbet et al., (2011)montrent que l’appartenance à la natureétait corrélée positivement à la haussede la vitalité après une marche en nature(rt2 = . 24, p < .001 ; rt3 = .36, p < .001). Parla suite, ils appuient le lien de causalité,et le rôle médiateur de l’appartenance àla nature. L’exposition à la nature et l’ap-partenance expliquaient la hausse de lavitalité (β = .26, p < .01) et l’apparte-nance à la nature jouait un rôle capital.Dans les méta-analyses réalisées sur leseffets de la nature sur le bien-être, lataille d’effet la plus importante sur le cri-tère de la vitalité a été observée pourl’appartenance à la nature ( ̅ = .25 pourPritchard et al., 2020 ; ̅ = .24 pour Ca-paldi et al. 2014).

Plus les individus peuvent répondreà leurs besoins fondamentaux, plus ilssont empreints de vitalité, et les environ-nements naturels sont des milieux pro-pices pour répondre à ces besoins et par-ticiper à la construction d’autresressources bénéfiques à la santé mentaledes individus. Par ailleurs au-delà des ef-fets directs sur la vitalité, les besoins fon-damentaux et les aspirations intrin-sèques, peuvent être liés aux émotions età la restauration de l’attention et ainsiinfluencer la vitalité par le biais des res-sources cognitives et émotionnelles.

Relation via la régulation de l’atten-tion

Mayer et al. (2008) ont révélé desliens entre l’appartenance à la nature, larestauration attentionnelle et des aspira-tions intrinsèques. La TAD peut appor-ter une réponse à la restauration de l’at-tention en nature, à partir de l’hypothèseselon laquelle la satisfaction des besoinsfondamentaux permettrait de construiredes ressources cognitives. En effet, l’ab-sence de satisfaction des besoins fonda-mentaux peut avoir des répercussions

92

sur le fonctionnement cognitif car l’indi-vidu non satisfait se retrouve dans unétat de frustration qui peut conduire àune fatigue cognitive. La satisfaction desbesoins quant à elle permet une meil-leure adaptation psychologique des indi-vidus, elles favorisent la mobilisation deressources psychologiques qui promeu-vent le développement personnel etl’ajustement psychologique. Les envi-ronnements naturels répondent aux be-soins d’appartenance à la nature et pour-raient au contraire permettre demobiliser les ressources cognitives né-cessaires pour un fonctionnement opti-mal. Un lien entre les besoins fondamen-taux et la restauration de l’attention està envisager et reste ainsi à confirmerdans le cadre des contacts avec la nature.

Relation via la régulation émotion-nelle

La satisfaction des besoins fonda-mentaux comme condition de fonction-nement optimal des individus a souventété corrélée à une hausse des émotionspositives (Forest et al., 2010 ; Martela etal., 2018 ; Sheldon & Schüler, 2011 ; Ryan& Deci, 2000 ; Milyavskaya & Koestner2011 ; Reis et al. 2000; Sheldon & Betten-court 2002 ; Demir, Simsek & Yalıncetin2010 ; Deci et al. 2001 ; Véronneau et al.2005 ; Wei et al. 2005). Les émotions po-sitives, pourraient jouer un rôle entre lesbesoins fondamentaux et la vitalité.Dans le cadre des études sur les béné-fices des environnements naturels, cetargument s’observe principalement autravers du besoin d’appartenance à la na-ture. En effet, Nisbet et al., (2011) mon-trent que l’appartenance à la nature estpositivement associée aux émotions po-sitives (corrélations comprises entrer = .25 et r = .30, p < .01) et qu’il existeune corrélation positive entre les chan-gements dans l’appartenance à la natureet le changement dans les émotions au

fil du temps (r = .15, p < .01). De mêmepour Mayer et al., (2008), qui notent unecorrélation positive entre ces deux élé-ments (r = .54, p < .01), et soutiennent lerôle de l’appartenance à la nature en tantque médiateur, du moins partiel, de l’ex-position à la nature sur les émotions po-sitives (β = 1.01, p < .001). En ce qui con-cerne les besoins d’autonomie et decompétence en nature, nous postulonsque comme dans le cadre général, ils se-raient très susceptibles d’influencer lesémotions positives ressenties en nature.

5. CONCLUSION

Le présent travail avait pour objetd’une part de synthétiser les connais-sances actuelles sur les effets bénéfiquesdes environnements naturels sur la vita-lité. D’autre part, il s’agissait d’intégrerentre eux les différents modèles exposésdans les précédents travaux au sein d’uncadre théorique unifié.

Au travers du modèle proposé, il estpossible de saisir les facteurs impliqués,leurs liens et d’affiner la compréhensiondes effets vitalisants de la nature. La na-ture met en place des conditions qui sti-mulent les ressources cognitives, émo-tionnelles et motivationnelles desindividus au travers de la restaurationattentionnelle, la régulation émotion-nelle, de l’ouverture d’esprit, de la créa-tion de nouveaux répertoires et la crois-sance psychologique, et ces dernières eninteragissant, fournissent de l’énergiesigne de vitalité.

Bien plus qu’une adaptation aux en-vironnements naturels, comme suggérépar les thèses de biophilie, les effets bé-néfiques des environnements naturelspeuvent aussi résider dans le fait qu’ilspuissent être considérés comme des en-vironnements autodéterminés, dans lesens où ils offrent des opportunités auxindividus de s’accomplir au travers de la

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satisfaction de leurs besoins. La TAD en-richit le cadre et pose le lien à la naturenon plus comme une habituation maisun besoin fondamental.

Ce cadre intégratif permet ainsid’approfondir les connaissances etd’évaluer les effets de la nature sur la vi-talité, et plus largement le bien-être, nonpas au travers de processus psycholo-giques isolés mais au travers d’une ap-proche plus holistique où sont en inte-raction différents processus cognitifs,émotionnels et motivationnels. Il ressortque les théories « étendre et dévelop-per » et de la TAD aux côtés des thèsesde la biophilie, de la restauration de l’at-tention et de la réduction du stress sontpertinentes à étudier en interactionquand on cherche à comprendre com-ment la nature peut agir sur la vitalité.

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteur·e·s ne déclarent aucun conflitd’intérêt.

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PRÉSENTATION DES AUTEUR·E·S

Amandine JunotUniversité de La Réunion, UFR Sciences de l’homme et de l’environnement, FranceSes recherches ont trait aux interrelations homme-environnement afin de mettre enlumière les bienfaits des environnements naturels sur la santé psychosociale desindividus et étudier leurs conséquences dans la promotion des comportementsenvironnementaux.Contact : [email protected]

Yvan PaquetUniversité de La Réunion, UFR Sciences de l’homme et de l’environnement, FranceSes recherches portent les notions de contrôle et d’autonomie en relation avec lamotivation, la passion ou le stress dans des domaines d’application comme le sport, lasanté, l’éducation ou encore le travail.Contact : [email protected]

______________

Pour citer cet article :

Junot, A., & Paquet, Y. (2020). Un modèle intégrateur des effets vitalisants de la nature :La nature un environnement favorable à la construction des ressources. Sciences &Bonheur, 5, 82–101.

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Barbara Bonnefoy

Laure Léger

Ressourcer son attention aucontact de la nature

Restoration of your attention incontact with nature

RÉSUMÉ

L’objectif de cette étude est de voir siune vidéo présentant une scène liée à lanature permettrait de restaurer les res-sources attentionnelles des individus ve-nant de subir un stress. Pour évaluer ceteffet restaurateur de la nature une expé-rience a été mise en place auprès de 52participant·e·s, en utilisant le test ANT(Attention Network Test ; Fan et al.,2002) pour évaluer le niveau de res-sources attentionnelles. Les résultatsnous indiquent que le type de restaura-tion (nature, urbaine, silence) a un effetdifférentiel sur les scores attentionnels(alerte, orientation et conflit) pour lesparticipant·e·s qui ont été stressé·e·s.Plus précisément la restauration par lanature détériore le score de conflit, dansle sens d’un désengagement.

MOTS-CLÉS

Ressources attentionnelles ; Restaura-tion ; Nature ; ANT ; Stress.

ABSTRACT

The objective of this study is to investi-gate whether a video of a natural scenewould restore the attentional resourcesof stressed individuals. To assess this re-storative effect of nature on attentional

resources, an experiment was done us-ing the ANT among a sample of 52 par-ticipants (Attention Network Test; Fanet al., 2002). The results indicate that thetype of restoration (nature, urban, or si-lence) has a differential effect on thethree attentional scores assessed by theANT (alert, orientation, and conflict)only for participants who were stressed.Contrary to results found in previous re-search, restoration by nature worsenedthe conflict score in the direction of adisengagement.

KEYWORDS

Attentional ressources; Restoration; Na-ture; ANT; Stress.

1. INTRODUCTION

Nous nous intéressons, dans cet ar-ticle, aux bénéfices psychologiques del’exposition à un environnement naturelà la suite d’un état de fatigue cognitive.Nous cherchons, d’une part, à vérifierexpérimentalement les effets classiquesdes bénéfices psychologiques du contactavec la nature et d’autre part, à évaluerprécisément les dimensions du systèmeattentionnel impactés par le contactavec la nature.

1.1 Les bénéfices de la nature

Deux théories complémentaires ren-dent compte des bénéfices psycholo-giques du contact avec la nature: laThéorie de la Réduction du Stress (TRS ;Ulrich, 1984 ; Ulrich et al., 1991), qui s’in-téresse aux bienfaits des environne-ments naturels quand un individu estconfronté à une situation perçue commeexigeante ou menaçant son bien-être ; etla Théorie de la Restauration de l’Atten-tion (ART ; Kaplan & Kaplan, 1989 ; Ka-

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plan, 1995), qui met l’accent sur la res-tauration de la fatigue attentionnelle quise produit après l’engagement prolongédans une tâche mentalement fatigante.Ces deux théories sont bien-sûr complé-mentaires car elles abordent chacunedifférents aspects de la restauration(Hartig et al., 2003). Elles s’appuienttoutes les deux sur l’idée bien dévelop-pée en psychologie que nos ressourcescognitives et attentionnelles sont limi-tées, qu’elles s’épuisent et demandent àêtre reconstruites régulièrement(Kahneman, 1973). La vie quotidienneoffre son lot de tracas et d’épisodes stres-sants. L’environnement résidentiel peutégalement devenir hostile et être unesource du stress à travers les aspectsaversifs de la vie urbaine, la pollution del’air, les bruits, les conflits de voisinage.Le quartier peut aussi devenir une res-source qui permet aux habitants de faireface à ce stress. Selon le modèle dyna-mique de la vulnérabilité au stress (Hea-dey & Wearing, 1989) l’accès limité auxespaces verts amène une plus grandevulnérabilité des individus face à l’im-pact des évènements de vie stressantssur leur santé mentale et physique, carles individus qui n’habitent pas à proxi-mité d’un espace vert ont plus de diffi-cultés que les autres à mettre en placedes stratégies d’adaptation (Kaplan &Kaplan, 1989). En 1984, Ulrich dans unarticle célèbre, publié dans la revueScience, mettait en évidence que des pa-tients se remettaient plus rapidementd’une opération, qu'ils consommaientmoins d'analgésiques et se sentaient plussereins si la fenêtre de leur chambred’hôpital donnait sur un paysage natu-rel. Depuis, d’autres travaux ont mis enévidence les effets bénéfiques du contactavec la nature (paysage naturel, sons,photos etc.) sur la réduction du stress oude l’anxiété liés à une hospitalisation ou

à un examen invasif ou douloureux. Ef-fectivement, quand un individu est con-fronté à une situation perçue commeexigeante ou menaçant son bien-être, lesenvironnements naturels induisent desémotions positives et réduisent les pen-sées négatives et le stress. Or le fait depouvoir exercer du contrôle sur les évè-nements en régulant positivement nosémotions négatives et notre anxiété estune composante importante de la santé ;le contact avec la nature y contribue. Lesenvironnements naturels ont aussi uneffet bénéfique sur la santé car ils per-mettraient de récupérer d’une fatiguementale et attentionnelle. Ces expé-riences restauratrices peuvent se dérou-ler de manière très ponctuelle à traversla vue d’une plante verte, devant unepeinture, une photo, un arbre ou enécoutant le chant des oiseaux (Kaplan,2001). Accumulé au fil du temps, detelles expériences peuvent significative-ment améliorer le bien-être et service de« tampon » contre les impacts négatifsd’événements de la vie quotidienne.Dans une enquête réalisée sur la natureet les stratégies de coping auprès d’en-seignants d’école primaire ces expé-riences micro-restauratrices sont parti-culièrement efficaces quand le niveau destress est bas (Gulwadi, 2006). Les ensei-gnants qui souffrent régulièrement destress professionnel préfèrent aller de-hors et être dans la nature (comme faireune promenade dans les bois). Desétudes récentes auprès d’individus enbonne santé montrent que l’exposition àla nature augmente les émotions posi-tives et la capacité à réfléchir (Mayer etal., 2009), elle favorise également la vita-lité subjective ou le niveau d’énergie(Ryan et al., 2010). Enfin, les environne-ments naturels contribuent à reconnec-ter les citadins à la nature. La notion deconnexion à la nature est intéressante

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pour comprendre les relations person-nelles et parfois intimes qui s’instaurententre l’individu et la nature (Clayton,2003).

1.2 Les qualités des environnementsrestaurateurs

Pour Kaplan (1995), le contact avecdes environnements naturels (parcs na-turels, jardins, forêts, plages, parcs ur-bains, mais aussi plantes vertes sur le re-bord d’une fenêtre, vue sur des arbresetc.) est un moyen de rendre temporai-rement inutile le déploiement de l'atten-tion soutenue, dirigée ou sélective, etdonc de lui permettre de prendre du re-pos. Ces environnements naturels peu-vent ainsi contrer le déficit attentionnel,mais sous quatre conditions dans la rela-tion à l’environnement (Kaplan, 1995) :fascination, évasion, cohérence et com-patibilité. La fascination est centraledans l’ART. Elle renvoie à une formed’attention qui permet de soutenir sonattention sans effort, c’est en quelle quesorte une forme d’attention flottante,distribuée. Le caractère fascinant d'unobjet ou d'un environnement offre en ef-fet la possibilité à l'individu de reposerson attention sélective ou soutenue en laremplaçant par une attention qui ne de-mande aucune concentration particu-lière. Herzog et al. (1997) distinguent lafascination forte de la fascination douce.La première renvoie à des activités quivont occuper totalement l’attention,captiver l’individu sans nécessairementpermettre la réflexion : regarder unecourse automobile, fréquenter un parcd’attraction, un concert rock, un bar,une fête, jouer aux jeux vidéo. Ces activi-tés récréatives peuvent faciliter la récu-pération de l’attention en permettantl’évasion mais elles favorisent peu la ré-flexion. La fascination douce, au con-traire, est moins captivante et plus con-templative (regarder la neige tomber, les

arbres, écouter le chant des oiseaux, sen-tir des plantes, se sentir connecté à la na-ture à un espace naturel). Ce type de fas-cination a l’avantage de promouvoir laréflexion tout en favorisant la récupéra-tion de l’attention. La seconde qualitérecommandée par l’ART est l'évasion,qui renvoie à l’éloignement physique ouvirtuel des aspects de la vie quotidienne.Cette évasion permet de se sentir ail-leurs, de sortir de ses préoccupations,elle libère l'individu de l'activité mentalerequérant l'attention dirigée. L'évasionne se situe pas nécessairement au niveaugéographique (même si cet aspect peuten amplifier le sentiment), mais à un ni-veau psychologique ; un simple change-ment de perspective de la part de l'indi-vidu peut permettre l’évasion. Troisièmequalité reconstituante, la cohérence serapporte à l’équilibre entre la facilitéd’utilisation et la richesse d’un milieu.L’environnement doit en effet être suffi-samment riche pour générer de la fasci-nation et offrir la possibilité de contem-pler, expérimenter ou réfléchir. Enfin, lacompatibilité représente les liens et inte-ractions entre l'environnement et l'indi-vidu : un environnement compatible ré-pond aux besoins de l'individu sans luidemander un effort d'attention. L'indi-vidu peut effectuer ses actions et accom-plir ses buts sans que l'environnementne l'en empêche. Ces quatre qualités dela relation à l’environnement sont inter-dépendantes et s'influencent les unes lesautres. Un environnement peut, de plus,répondre à une ou plusieurs de ces pro-priétés sans être pour autant qualifié dereconstituant. En résumé, la théorie dela restauration de l'attention (ART) en-trevoit certaines expériences commeune alternative au quotidien, qui per-mettent de se reposer temporairementdes efforts attentionnels que certainesactivités requièrent. En se plongeant

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dans un environnement naturel fasci-nant, cohérent et compatible avec sesbesoins, l'individu s’éloigne mentale-ment de ses préoccupations. La restaura-tion de l’attention repose sur quatre bé-néfices cognitifs : nettoyer l’esprit dubruit cognitif résiduel produit au coursdes tâches effectuées quotidiennement,récupérer de la fatigue attentionnelle,pouvoir penser à des problèmes immé-diats à résoudre et réfléchir à des ques-tions existentielles comme ses priorités,ses buts, sa place dans l’univers (Kaplan& Kaplan, 1989). La capacité de la natureà restaurer des ressources attention-nelles épuisées est établie en démon-trant une amélioration des tâches cogni-tives effectuées après une exposition àdes environnements naturels, dans unétat de fatigue ou de stress (Hartig et al.,2003 ; Laumann et al., 2003). Toutefois,les méthodes permettant de rendrecompte de la récupération attention-nelle diffèrent d’une étude à une autre,notamment lorsqu’il s’agit d’évaluer seseffets sur le système attentionnel.

1.3 Évaluer le système attentionnel

Plusieurs tests existent pour évaluerles performances attentionnelles des in-dividus. Mais dans la mesure où l’atten-tion recouvre différentes dimensions(sélection, vigilance, inhibition) les testsqui permettent d’évaluer ces trois com-posantes avec une seule tâche sont rares.Celui qui est le plus utilisé dans la re-cherche est l’ANT (Attentional NetworkTest ; Fan et al., 2002). Ce test repose surl’idée que ces 3 systèmes attentionnelssont indépendants et reposent sur desstructures cérébrales différentes (Fan etal., 2005). Le système d’alerte permet-trait de déclencher et maintenir un ni-veau de vigilance afin de pouvoir détec-ter la présence d’éventuels stimuli. Ils’agit de se tenir prêt. Le systèmed’orientation permet de sélectionner

l’information à traiter à partir d’une en-trée sensorielle : diriger son attentionvers une localisation dans l’espace parexemple pour traiter les informationsprésentes à cette localisation. Le systèmeexécutif se définit par la résolution deconflit pouvant émerger entre plusieursréponses possibles. Par exemple, ce sys-tème exécutif permet d’inhiber une ré-ponse automatique pour fournir une ré-ponse contrôlée dans la tâche du Stroop(inhiber l’information provenant de lalecture qui est un processus automa-tique quand la lecture est acquise pourprivilégier l’information provenant de lacouleur dans lequel le mot écrit). Pourévaluer ces trois systèmes l’ANT de-mande à l’individu de répondre à unequestion perceptive toute simple : dansquelle direction pointe une flèche cen-trale : vers la droite ou vers la gauche.Pour répondre à cette question deuxboutons (clavier ou bien souris) sont àdisposition : si la flèche pointe vers ladroite il faut appuyer sur le bouton situéà droite, si la flèche pointe vers la gaucheil faut appuyer sur le bouton situé àgauche. Les conditions d’apparition de laflèche vont déterminées le système at-tentionnel impliqué. Un indice qui pré-vient de la temporalité d’apparition de lacible (la flèche va apparaitre très peu detemps après l’apparition de cet indice)déclenche le système d’alerte. Un indicequi prévient de la position de la cible (cetindice qui apparaît avant la cible, est po-sitionné à l’endroit où la cible doit appa-raitre) implique le système d’orienta-tion. Un contexte d’apparition de la ciblepouvant entraîner une réponse contraireà celle à fournir (une cible qui pointevers la droite, entourée de plusieursflèches qui pointent vers la gauche) im-plique le système exécutif (ou résolutionde conflit). À partir des temps de ré-ponse enregistrés dans chacune de ces

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conditions il est possible d’évaluer sépa-rément chacun de ces systèmes.

Utilisant ce test, Berman et al.(2008) montrent que le centre exécutifest le seul système attentionnel qui soitinfluencé par la visualisation d’une sériede 40 images liées à des paysages natu-rels (comparé à des images représentantdes paysages urbains) : après cette visua-lisation, les participants sont plus per-formants sur cette composante qu’avant.Cette amélioration du système exécutif aété également observé chez une popula-tion âgée (65-79 ans ; Gamble et al.,2014).

L’objectif de cette étude est de voirdans quelle mesure une vidéo montrantun paysage naturel avec les bruits de lanature associés peut aider à restaurerdes ressources attentionnelles qui au-raient été altérées par une inductiond’émotions négatives. Dans la lignée destravaux expérimentaux de Berman et al.(2008) et Gamble et al. (2014), ces deuxeffets sur les ressources attentionnellesdevraient essentiellement influencer lesprocessus attentionnels liés aux fonc-tions exécutives, ces fonctions requérantun plus grand contrôle cognitif comparéaux fonctions d’alerte et d’orientation(Berman et al., 2008).

2. MÉTHODE

2.1 Échantillon

Au total, 83 étudiant·e·s (dont 75femmes) de première année de licencede psychologie ont participé à cette ex-périence (Mage = 19.4 ans, ETage = 2.36ans). Cette participation donnait lieu àdes crédits qui permettaient de valideren partie un enseignement de premièreannée.

2.2 Matériel

Phase d’induction. Au total, 84 images

ont été sélectionnées dans la base dedonnées de l’ International Affective Pic-ture System (IAPS ; Lang et al., 2008). Lamoitié de ces images ont une valenceneutre d’une moyenne de 5.47/9(ET = .17) et un éveil moyen de 3.69/9(ET = .65). Les 42 autres images avaientune valence négative d’une moyenne de2.65/9 (ET = .25) et une intensitémoyenne de 5.22/9 (ET = .71). Cesimages représentaient soit des paysages,des moyens de locomotion, des ani-maux, ou bien des personnes. Les diffé-rences de valence et d’arousal entre lesdeux groupes d’images étaient significa-tives [respectivement : t(82) = 59.95,p < .01 et t(82) = 10.25, p < .01]. Chacunedes 42 images d’un type de valence a étévisualisée pendant cinq secondes. La vi-sualisation des images pour la phased’induction a duré quatre minutes. Unpré-test mené auprès de 46 partici-pant·e·s issu·e·s de la même populationque la présente étude mais n’ayant pasparticipé à cette expérience (M = 19.9ans, ET = 3.6 ans) a permis d’évaluer lecaractère stressant de la visualisationdes images négatives à l’aide d’uneéchelle mesurant les émotions positiveset négatives ressenties par un individu àun moment donné (PANAS ; Watson etal., 1988). Suivant les données présen-tées dans le Tableau 1, la visualisationdes 42 images négatives entrainaient unscore des émotions négatives significati-vement plus élevé qu’avant leur visuali-sation [F(1, 44) = 54.15, p < .001] et parrapport au groupe ayant visualisé lesimages neutres [F(1, 44) = 24.30,p < .001]. En revanche et comme attendula visualisation d’images neutres n’a paseu d’effet significatif sur les scores desémotions négatives. Cette visualisation

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d’images négatives entrainait en paral-lèle une diminution des scores des émo-tions positives [F(1, 44) = 10.04, p < .001],

ce qui n’est pas le cas des images neutres(F(1,44) = 1.95, p = .17).

Tableau 1 : Moyennes et écart-type aux scores des affects négatifs et des affects positifsévaluées dans le pré-test par la PANAS (Watson et al., 1988) avant et après la visualisa-

tion d’images neutres et négativesAffects négatifs Affectifs positifs

Avantinduction

Aprèsinduction

Avantinduction

Aprèsinduction

M ET M ET M ET M ET

Images neutres 12.05 4.57 11.2 1.79 27.85 8.67 25.9 8.64

Images négatives 11.5 1.45 20.81 8.55 26.4 4.8 22.54 6.32

Vidéo. Deux vidéos de quatre mi-nutes ont été sélectionnées. La vidéo« nature » présentait une rivière qui cou-lait dans une forêt avec les bruits de laforêt (vent dans les feuilles, oiseaux) etle bruit de l’eau. La vidéo « urbain » pré-sentait une traversée dans les rues pié-tonnes d’un centre-ville en pleine jour-née avec les bruits de la rue (discussions,voitures au loin…). Une évaluation des

vidéos par un pré-test a montré que lavidéo nature a produit plus d’émotionspositives [F(1, 40) = 4.76, p < .001] etmoins d’émotions négatives [F(1,40) = 8.89, p < .01] que la vidéo urbaineen cas d’induction négative (Tableau 2).En revanche le type de vidéo n’a pas d’ef-fet significatif sur le ressenti émotionnelquand l’induction était neutre.

Tableau 2 : Évaluation des ressentis émotionnels après la visualisation d’une vidéo (na-ture ou urbaine pendant 4 minutes) en cas d’induction négative

Affects positifs Affects négatifs

M ET M ET

Nature 23.8 5.5 10.4 0.7

Urbain 16.6 5.3 18.9 10.0

ANT. L’Attention Network Test (Fanet al., 2002) permet d’évaluer trois sys-tèmes attentionnels tels qu’ils ont puêtre décrit par Posner et Petersen(1990) : le système d’alerte, le systèmed’orientation, le système de conflit.Cette tâche est constituée de 3 blocs de96 essais chacun. Chaque essai (Figure 1)était constitué d’un ensemble de 5

écrans qui s’affichaient automatique-ment : 1) un écran avec au centre unecroix (+) qui restait affichée à l’écran surune durée variable de 400 à 1600 msec ;2) un 2ème écran indice d’une durée de100 ms avec soit une étoile (*) située enhaut ou bien en bas de la croix (indicespatial) ou deux étoiles répartie autourde la croix (double indice) ou bien lacroix toute seule (sans indice) ; 3) un

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écran avec une croix (+) centrale qui s’af-fiche pour une durée de 400 msec ; et 4)un écran avec la cible (une flèche ¾> oubien <¾ ) placée au-dessus ou bien endessous de la croix (+). Cette flèche peutêtre entourée de 4 traits : ¾ ¾ <¾ ¾¾ ou bien ¾ ¾ ¾> ¾ ¾ (conditionneutre) ou bien d’autres flèches qui vontsoit dans la même directions que la cible¾> ¾> ¾> ¾> ¾> (condition con-gruente) ou bien dans la direction in-verse ( <¾ <¾ ¾> <¾ <¾ ) (condi-tion incongruente). Cet écran cible resteaffiché jusqu’à la réponse du participantou au maximum 1700ms. Quand la per-sonne interrogée a donné sa réponse,

l’écran cible disparaissait immédiate-ment et un nouvel écran avec une croixapparaissait pendant un temps variablecalculé en prenant en compte le tempsd’affichage du premier écran de fixation,et du temps de réponse (3500 msec –temps d’affichage du premier écran croix– temps de réponse). Puis un nouvel es-sai démarrait. La durée totale d’un essaiétait de 4000 msec. Un bloc de 96 essaisdurait environ 5 minutes. Les essaisétaient présentés dans un ordre aléatoirepour chaque bloc. Entre chaque bloc unécran permettait au participant de faireune pause. Les stimuli ont été présentésvia le logiciel E-Prime (Version 2, Psy-chology Software Tools, Pittsburgh, PA).

Figure 1. Descriptif de la tâche ANT

Évaluation de l’anxiété. Pour éva-luer le niveau d’anxiété des partici-pant·e·s l’IASTA (Gauthier & Bouchard,1993) a été utilisé. Il s’agit d’une adapta-tion française de la STAI (State-Trait An-xiety Inventory de Spielberger, 1983).Cette échelle est composée de 20 itemsque les participant·e·s doivent noter surune échelle de Likert en 4 points.

2.3 Procédure

Passation. Les passations étaientcollectives avec simultanément six parti-cipant·e·s et pilotées par ordinateur. Unefois installé·e·s, un formulaire de con-sentement leur était distribué pourprendre connaissance des conditions decette expérimentation notamment lapossibilité de se retirer à tout moment

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sans subir le moindre préjudice, la ga-rantie de l’anonymat de leurs données.Une fois le consentement lu et signé, ilétait possible de remplir l’IASTA. Puisles participant·e·s étaient invité·e·s às’installer confortablement et à mettre lecasque mis à leur disposition sur lesoreilles. Le programme E-run qui pilo-tait l’expérience était alors lancé. Dansun premier temps la consigne leur étaitaffichée. Elle leur expliquait leurtâche (donner la direction d’une flèchecentrale), les modalités de réponse (ap-pui sur le clic droit de la souris si laflèche pointe vers la droite, appui sur leclic gauche de la souris si la flèche pointevers la gauche). Il leur était précisé de ré-pondre le plus rapidement et le plus jus-tement possible et que ces informationsde vitesse et de justesse seraient enregis-trées. Il leur était également précisé quecette flèche pouvait apparaitre au-dessusou bien en dessous de la croix centrale.De plus, pour plusieurs essais un indicesous la forme d’une étoile indiqueraquand et où la flèche apparaitra. Ensuitele déroulé de l’expérience leur était pré-cisé : les participant·e·s vont devoir ef-fectuer cette tâche sur un ensemble de 10blocs d’essais. Le premier bloc est un en-trainement à la tâche prenant environ 2minutes. Les neuf autres blocs sont desblocs expérimentaux durant chacun en-viron cinq minutes. Il leur était spécifiéqu’après chaque bloc le texte « prenezune pause » s’afficherait à l’écran. Dèsque les personnes interrogées étaient denouveau prêtes, elles devaient appuyersur une touche du clavier et le bloc sui-vant démarrait. Tous les trois blocs ex-périmentaux on leur demanderait deprendre quatre minutes pour visualiserdans un premier temps une suited’images, puis dans un second temps,soit un film soit un écran vide. A la fin dela consigne il leur était précisé que l’ex-périence durait environ 70 minutes.

L’assignation des participant·e·s à un dessix groupes expérimentaux résultant dela combinaison des deux types d’induc-tion (neutre ou négative) et des troistypes de restauration (urbain, nature, si-lence) était déterminé aléatoirement àl’avance par une fonction Excel. Une foisque l’expérience était terminée, un dé-briefing avait lieu pour expliquer l’objec-tif et les manipulations expérimentalesaux participant·e·s qui étaient ensuiteremercié·e·s pour leur participation.

Plan expérimental. Le plan expéri-mental de cette expérience était 2 (typesd’induction : négative vs neutre) X 3(Types de restauration : nature vs urbainvs silence) facteurs inter-groupes X 3(moment de la mesure : avant l’induc-tion vs après l’induction vs après la res-tauration) facteur intra-groupe.

Analyses des données : calculsdes scores. Pour analyser les perfor-mances à la tâche deux indices ont étérécupérés : la précision à la tâche quicorrespond au taux de réussite (appuisur le bouton de la souris correspondantà la direction de la flèche dans le tempsimparti) et les temps de réponse (TR) quicorrespondent au temps qui s’écouleentre le moment où l’écran cible s’afficheet le moment où le participant appuiesur l’un des deux boutons de la souris.Les 3 scores attentionnels ont été calcu-lés en comparant deux groupes d’essaisen particulier, suivant les instructions deFan et al (2002) :- Le score d’alerte a été déterminé en

soustrayant les TR des essais avecdouble indice au TR des essais sansindice.

- Le score d’orientation a été obtenuen soustrayant les TR des essais avecindice spatial au TR des essais avecindice central.

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- Le score de conflit a été calculé ensoustrayant les TR des essais con-gruents aux TR des essais incon-gruents.Plus les scores d’alerte et d’orienta-

tion sont élevés et plus les systèmes cor-respondants sont efficaces. En revancheun score de conflit élevé indique une dif-ficulté d’inhibition.

Les analyses ne portent que sur untotal de 52 participant·e·s. En effet, 31

participant·e·s ont dû être exclu·e·s desanalyses soit pour un résultat à l’IASTAtrop élevé (score supérieur à 42 ; n = 25)soit des taux de précision à la tâche tropfaibles (inférieur à la moyenne – 2,5écart-type sur la totalité des essais et desparticipant·e·s restant après exclusionpour cause d’IASTA trop élevée ; n = 6).La répartition des participants dans lesgroupes est présentée dans le tableau 3.

Tableau 3. Effectifs après exclusion dans les différents groupesRestauration

Nature Urbain Silence

Induction négative 9 7 12

Induction neutre 7 7 10

2.4. Hypothèses opérationnelles

Nous nous attendons à ce que l’in-duction d’émotions négatives impactentprincipalement les scores attention-nels liée aux fonctions exécutives : lescore de conflit. Il devrait être plus élevéaprès l’induction qu’avant l’induction,montrant ainsi une perturbation decette fonction. Nous nous attendonségalement à ce que lorsque les partici-pant·e·s sont soumis à une induction né-gative, la restauration par la nature en-traine une amélioration du score de con-flit entre avant et après la période dequatre minutes de restauration. Nousdevrions alors observer une diminutiondu score de conflit.

3. RÉSULTATS

3.1 Performances à la tâche

Le taux de précision sur la tâcheétant très élevé (95%) il n’est pas perti-nent de l’analyser. Aucune de nos va-riables n’a eu d’effet significatif sur lestemps de réponse.

3.2 Scores attentionnels

Scores d’alerte. Comme le montrela Figure 2, les scores d’alerte sont plusélevés après la restauration qu’au mo-ment de l’induction (avant et après). Ceteffet du moment de la tâche est signifi-catif [F(2, 92) = 90.64, p < .001 ;η²p = .61]. Cet effet se retrouve qu’elleque soit le type d’induction. En effet l’in-teraction moment de la mesure x induc-tion n’est pas significative [F(2,92) = 2.81, p = .065]. Les interactionsmoment de la mesure x restauration etmoment de la mesure x induction x res-tauration ne sont pas significatives surles scores d’alerte [respectivement F(4,92) = .958, p = .43 ; F(4, 92) = .364,p = .83].

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Figure 2 : Évolution des scores d’alerteen fonction du moment de la mesure,du type d’induction et du type de res-

tauration

Score d’orientation. L’induction aentrainé une baisse significative du scored’orientation [F(1, 42) = 10.34, p < .001].En revanche la restauration a entrainéune augmentation significative du scored’orientation qui dépasse alors le niveauavant l’induction [F(1, 46) = 49.36,p < .001]. Cet effet principal du momentde la mesure est significatif sur le scored’orientation [F(2, 92) = 39.52, p < .001,η²p = .43]. Ainsi l’induction a affaibli lescore d’orientation alors que la restaura-tion a amélioré celui-ci le rendant plusélevé qu’au début de l’expérimentation,suggérant un apprentissage. Comme lemontre la Figure 3, l’effet du moment dela tâche sur le score d’orientation diffère

selon le type d’induction. Quand l’in-duction est neutre on retrouve l’effetprincipal : l’induction produit une baissesignificative du score d’orientation[F(1, 48) = 8.08, p < .01] et la restaurationentraine une augmentation significativede ce score surpassant le niveau pré-in-duction [F(1, 46) = 13.43, p < .001]. En re-vanche quand l’induction est négative,elle n’a pas d’effet immédiat sur le scored’orientation [mesure juste après l’in-duction ; F(1, 46) = 2.76, p = .10]. Mais lesparticipant·e·s ayant eu une inductionnégative ont augmenté significative-ment leur score d’orientation après larestauration à un niveau supérieur auxdeux autres mesures [F(1,46) = 47.69,p < .001]. Cette interaction moment de lamesure x induction est significative surle score d’orientation [F(2, 92) = 4.56,p = .013, η²p = .09]. Les interactions mo-ment de la mesure x restauration et mo-ment de la mesure x induction x restau-ration ne sont pas significatives sur lescore d’orientation [respectivement F(2,92) = 1.62, p = .18 ; F(4, 92) = .86,p = .49].

Score de conflit. Comme le montrela figure 4, l’induction a entraîné unebaisse significative du score de conflit[F(1, 46) = 20.52, p < .001] et la restaura-tion a entrainé une hausse massive duscore de conflit supérieure aux deuxautres mesures [F(1, 46) = 47.11, p < .001].Cet effet principal du moment de la me-sure sur le score de conflit est significatif[F(2, 92) = 35.43, p< .001].

Alors qu’une induction négative de-vrait entrainer une augmentation duscore de conflit par rapport à une induc-tion neutre, cet effet délétère de l’induc-tion est observé en différé : après la res-tauration et non pas juste après l’induc-tion. En effet, le score de conflit est plusélevé pour une induction négative quepour une induction neutre après la res-tauration [F(1, 46) = 7.07, p = .01], ce qui

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n’est pas observé juste après l’induction[F(1, 46) = .34, p = .56). Mais si on re-garde un peu plus dans le détail (Fi-gure 4) alors que la restauration natureaurait dû diminuer le score de conflit,elle l’a augmenté. En outre cet effet del’induction, contraire à ce qui est at-tendu, est significatif [F(1, 46) = 9.23,p < .01]. Cet effet de l’induction n’est pasobservé pour les autres restaurations.Cette interaction moment de la mesurex induction est significative sur lesscores de conflit [F(2, 92) = 4.55, p = .013,η²p = 09].

Figure 3 : Évolution des scores d’orien-tation en fonction du moment de la me-sure, du type d’induction et du type de

restauration

Les interactions moment de la me-sure x restauration et moment de la me-sure x induction x restauration ne sontpas significatives sur les scores de conflit[respectivement, F(4, 92) = .23, p = .92 ;F(4, 92) = .870, p = .49].

Figure 4. Évolution des scores de confliten fonction de l’induction, pour chaque

type de restauration

4. DISCUSSION

L’objectif de cette expérience étaitde mesurer l’impact d’une vidéo mon-trant un paysage naturel sur la restaura-tion attentionnelle d’individus dontl’humeur était teintée d’émotions néga-tives. Pour ce faire, reprenant l’ANT, untest mesurant l’attention en différen-ciant trois fonctions attentionnelles

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(alerte, orientation et conflit), des parti-cipants ont été soumis à une inductiond’émotions (négatives ou neutre) avantde visionner un film (nature vs urbain)pendant 4 minutes ou bien de resterquatre minutes dans le silence. Pour ré-sumer, ces résultats nous suggèrent quela phase d’induction a eu un effet délé-tère sur le score d’orientation : le sys-tème d’orientation était moins efficaceaprès la visualisation pendant quatre mi-nutes d’une quarantaine d’images,qu’avant. Mais cet effet délétère a étécontrebalancé par la phase de restaura-tion, mais sans qu’un type de restaura-tion soit plus efficace qu’un autre. Deplus la phase d’induction a eu un effetbénéfique sur le score de conflit : le sys-tème inhibiteur était plus efficace aprèsqu’avant, que l’induction soit neutre ounégative. En revanche cet effet facilita-teur de la phase d’induction a été contre-balancé par une vidéo nature quand lesparticipants ont été soumis à une induc-tion négative : le score de conflit est plusmauvais dans cette situation après la vi-sualisation de la vidéo nature, ce quin’est pas observé dans les autres situa-tions expérimentales. Ainsi contraire-ment à ce qu’on attendait la nature n’apas permis d’améliorer les différentsscores de l’ANT et entrainant même unedétérioration du score de conflit, ce quine va pas dans le même sens des étudesde Bermann et al. (2008) et Gamble et al.(2014) qui observent une améliorationdes scores de conflit après la visualisa-tion d’images liées à la nature (en com-paraison à des images présentant despaysages urbains). Cette différence derésultats nous suggère que la restaura-tion par la nature telle qu’elle a été ma-nipulée dans cette étude n’a pas permisde restaurer efficacement les ressourcesattentionnelles, alors qu’elle a bien en-trainé plus d’émotions positives et

moins d’émotions négatives qu’une vi-déo urbaine (résultats du pré-test réali-sés pour valider le matériel expérimen-tal). La différence avec les études de Ber-man et al (2008) et Gamble et al (2014),réside essentiellement sur l’inductiond’émotions négatives que nous avons in-tégrée à notre étude. En effet dans lesétudes précédentes, les auteur·e·s ontévalué l’effet de la nature sur les perfor-mances cognitives des participant·e·sappréhendées à travers l’ANT pour éva-luer le système attentionnel et une tâched’empan inverse pour la mémoire de tra-vail. Dans notre étude nous avons décidéd’éprouver le système attentionnel desparticipant·e·s en leur faisant subir uneinduction négative entrainant effective-ment une augmentation des émotionsnégatives et une baisse des émotions po-sitives. Cette induction a bien influencéle système attentionnel (altération dusystème d’orientation et amélioration dusystème d’inhibition), mais contraire-ment à ce qu’on attendait la visualisationd’une vidéo liée à la nature n’a pas per-mis de contrecarrer les effets induits parla phase d’induction. Cette absence derestauration peut être soit due au typede matériel utilisé (vidéo suffisante pourannuler l’effet émotionnel généré par laphase d’induction mais pas l’effet atten-tionnel) ou à une faiblesse de l’effectif del’échantillonnage, évalué à 12 partici-pant·e·s par groupe avec Gpower, (Faulet al., 2007) mais qui n’a pu être atteintici, suite à l’exclusion d’une trentaine departicipant·e·s du fait d’un score àl’IASTA trop élevé (anxiété très élevéeavant le début de la passation) ou à untrop faible taux de réussite à la tâche(voir Tableau 3).

Par ailleurs, les effets obtenus dumoment de la mesure (différence entreavant et après l’induction et après la res-tauration) et l’absence d’un groupe té-moin n’ayant pas vu d’images entre les

114

deux premières mesures ANT (mesurede l’induction) ne nous permet de con-clure sur un effet de la visualisationd’images (qu’elles soient neutres ou né-gatives) ou bien un effet de la répétitionde la tâche sur les scores attentionnelsd’orientation et de conflit.

En l’état, les résultats observés icisuggèrent que les participants avec untaux d’émotions négatives élevé (suite àl’induction négative), visualisant une vi-déo liée à la nature, avaient besoin deplus de temps pour rejeter les élémentsdistracteurs pouvant interférer avec laréponse pour assurer la justesse de la ré-ponse. Cela pourrait suggérer que soitl’interaction avec la nature a entrainéune baisse des ressources attention-nelles pour inhiber l’information, ce quiva à l’encontre du modèle ART. Autre-ment, cela suggère que l’interaction avecla nature a entrainé un effet de rejet dela consigne de la tâche par les partici-pants (entrainant ainsi une augmenta-tion des ressources pour ne pas subir lescontraintes de l’ANT), mais n’entrainantpas une hausse significative des tempsde réponse. Ce résultat inattendu pour-rait suggérer que le contact avec la na-ture les a détournés d’une activité en-nuyeuse, les protégeant en quelque sorted’une fatigue future, les rendant moinsperformant à une activité fastidieuse (vi-sible notamment sur le score de conflit).

Cette étude nous indique donc quela restauration des ressources attention-nelles par la nature n’est pas simple àmesurer, évaluer avec les instrumentsque nous avons à disposition. En effet,en fonction du matériel utilisé (imagesou vidéo) les résultats ne sont pas lesmêmes sur une même tâche. De futuresrecherches devraient permettent d’amé-liorer notre dispositif expérimental(nombre de participant·e·s et ajout d’unecondition expérimentale où il ne sepasse « rien » en terme d’induction). Il

serait également intéressant de vérifiersi le contact avec la nature encourage lespersonnes à se désengager d’activitéspour lesquelles il existe peu de motiva-tion.

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteures ne déclarent aucun conflitd’intérêt.

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PRÉSENTATION DES AUTEURES

Barbara BonnefoyLaboratoire parisien de Psychologie Sociale (LAPPS), Université Paris Nanterre, FranceSes travaux de recherche portent sur la manière dont les individus régulent leursrelations à l’environnement, entendu comme le cadre socio-spatial des activitéshumaines. Ces expériences environnementales sont en rapport à la fois à un typed’espace, par exemple l’habitat, le quartier, la ville, la planète et à la nature des relationspsychosociales que ces espaces impliquent.Contact : [email protected]

Laure LégerLaboratoire Interdisciplinaire en Neurosciences, Physiologie et Psychologie :Apprentissage, Activité physique et Santé (LINP2-2APS), Université Paris Nanterre,FranceSes recherches portent principalement sur le déploiement de l’attention dansl’apprentissage multimédia. Ce déploiement attentionnel est étudié en explorant lesfacteurs liés à la situation d’apprentissage et ceux liés à l’apprenant qui impactent samise en œuvre et les apprentissages.Contact : [email protected]

______________

Pour citer cet article :

Bonnefoy, B., & Léger, L. (2020). Ressourcer son attention au contact de la nature.Sciences & Bonheur, 5, 102–116.

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Gaël Brulé

Marlène Sapin

Clémentine Rossier

Ressources sociales et bien-être :Soutien social et accès à des res-sources stratégiques dans 30 pays

Social resources and well-being: So-cial support and access to strategicresources in 30 countries

RÉSUMÉ

Étudier le thème des ressources relation-nelles requiert de mobiliser des cadresthéoriques et analytiques issus de la psy-chologie, de la sociologie ou des sciencespolitiques. Plusieurs composantes sedessinent en rassemblant ces apports.Nous en retenons deux dans le cadre decette étude, le soutien et l’accès aux res-sources sociales stratégiques et tentonsde voir comment elles sont liées au bien-être subjectif des personnes. Nous sous-divisons ces deux dimensions selon queces ressources proviennent des cerclesfamiliaux ou extrafamiliaux dans 30 paysà travers l’enquête ISSP (InternationalSocial Survey Programme). Nous analy-sons les contributions des formes de res-source sur le bien-être à travers des dé-compositions de Shapley. Soutien etaccès stratégique aux ressources sonttoutes deux liées de manière significa-tive au bien-être subjectif. Le bien-êtrelié au soutien vient essentiellement ducercle familial alors que l’accès aux res-sources stratégiques ne dépend pas de la

source. De grandes disparités géogra-phiques existent avec notamment uneprépondérance plus grande du cercle fa-milial pour les deux types de ressourcesdans les pays riches par rapport aux paysà bas et moyen revenus.

MOTS-CLÉS

Soutien social ; Ressources stratégiques ;Bien-être subjectif ; DécompositionsShapley.

ABSTRACT

The study of the theme of relational re-sources requires the mobilisation of sev-eral theoretical and analytical frame-works from psychology, sociology andpolitical sciences. There are several com-ponents that characterize them. We usetwo of them in this study, support andaccess to strategical resources. We aimat understanding how they relate to Sub-jective Well-Being (SWB). We dividethem into depending on their sources,family and non-family circles in 30 coun-tries in the ISSP (International SocialSurvey Programme). We analyse thecontributions of these forms of rela-tional resources using Shapley decom-positions. Both dimensions are signifi-cantly related to SWB. The well-beingdrawn from support stems mainly fromfamily circles whereas access to strategi-cal resources is equally bound to familyand non-family circles. Wide geograph-ical disparities are observable with alarger influence of the family circles inrich countries in comparison to low andmiddle-income countries.

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KEYWORDS

Social support; Strategical resources;Subjective well-being; SWB; Shapley de-composition.

1. INTRODUCTION

En regardant l’étymologie du mot« ressource », on trouve des racines dansl’ancien français (ressourdre « ressusci-ter », « relever, secourir », « se réta-blir ») et dans le latin (resurgere, « se re-lever », « se rétablir, se ranimer »,« ressusciter »). Les ressources ren-voient de fait à des stocks auxquels nousavons recours dans des situations parti-culières telles que des crises, des évène-ments de vie ou des simples besoinsd’aide au quotidien. Du point de vueéconomique, on pense aux personnescossues qui ont les moyens de faire faceà ces situations ou à ces demandes enpuisant dans leurs réserves financières.Du point de vue psychologique, les res-sources renvoient à des aptitudes per-sonnelles à la résilience, qui donnent auxindividus de quoi puiser et se relever encas de problèmes. Kuhn et Brulé (2019)ont noté quatre formes de ressource aux-quelles les individus se ratta-chaient lorsqu’il traversait un éventre-ment de vie difficile : économiques,psychologiques, spirituelles et sociales.Ainsi, les ressources ne se limitent pas àla sphère personnelle, elles sont égale-ment d’ordre social ou interpersonnel. Sile terme de ressource interpersonnellepourrait à première vue renvoyer à unevision utilitariste des relations sociales, ilreprésente néanmoins le mécanisme quisous-tend la façon dont nous utilisons(et fournissons) du temps, du soutien, del’argent dans les réseaux dans lesquelsnous sommes imbriqués. Si l’on sait quedifférentes ressources économiques in-fluencent nos vies de manière distincte

(Brulé & Ravazzini 2019), qu’en est-il desressources interpersonnelles ? Com-ment influencent-elles notre bonheur enfonction des contextes nationaux ?Parmi toutes les ressources interperson-nelles mobilisables par les acteurs,quelles sont celles qui influencent le plusle niveau de bien-être ? C’est ce que cetarticle propose d’examiner.

Il convient tout d’abord de se pen-cher sur ce que recouvre le terme de res-sources interpersonnelles. Il existe ungrand nombre de concepts liés à ceterme aux niveaux macro ou méso [capi-tal social, réseaux interpersonnels, ré-serves (Cullati et al., 2018)] et de nom-breuses manières de les classifier. L’unedes plus utilisées est celle de Granovetter(1973) qui distingue liens forts et liensfaibles, les premiers incluant générale-ment les relations proches (famille,amis, voisins proches) et les seconds lesconnaissances plus éloignées. Gitell etVidal (1998) puis Szreter et Woolcock(2004) distinguent le capital social« liant » (bonding social capital) du capi-tal social « de rapprochement » (brid-ging social capital) et de raccordement(linking social capital). Ces différents ca-pitaux correspondent à différentes dis-tances sociales ou différentes formes derelations (relations directes, institution-nelles), (bonding, bridging, linking). En-suite, au-delà des capitaux eux-mêmes, ilconvient également de distinguer lespersonnes possédant le capital social(celles qui font la demande pour l’utili-ser) et les sources du capital social (lespersonnes acceptant ces demandes) desressources elles-mêmes (Portes, 1998).Du côté des fonctions, Portes note a)l’accès à des ressources stratégiques, b)l’accès aux soutiens familial et extra fa-milial et c) la source de contrôle. Si l'ons'intéresse aux aspects essentiellementpositifs des ressources sociales, il existedonc deux fonctions positives du capital

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social selon lui (en plus du contrôle so-cial -ou rôles sociaux- qui remplit unefonction positive comme négative) : lesoutien émotionnel et instrumental etl'accès aux capitaux économiques, cultu-rels et sociaux. Si les deux dimensionsont parfois été liées (comme dans la tra-dition marxiste où la conscience declasse, liées aux capitaux détenus condi-tionne le soutien des ouvriers les uns auxautres), nous les considérons ici de ma-nière distincte. Le soutien social est sou-vent considéré comme ayant plusieursdimensions, que ce soit deux, le soutieninstrumental et le soutien émotionnel(Cohen et al., 2000) ou trois, si l’on in-clut le soutien informationnel (House etal., 1985). Il en va de même pour l’accèsaux ressources stratégiques. Les acteursmobilisent à travers les réseaux des res-sources stratégiques : ressources écono-miques, via des réductions d’impôt, em-prunts, stratégies économiques,ressources culturelles à travers l’habitus,forme de capital culturel incorporée ou àtravers des affiliations institutionnelles(capital culturel institutionnalisé). Cesrelations interpersonnelles dépendentaussi des contextes nationaux dans les-quelles elles s’insèrent. Voyons com-ment ces deux dimensions des relationsinterpersonnelles sont liées au bien-êtredes individus dans la littérature.

1.1 Soutien social

Que ce soit dans la littérature socio-logique ou psychologique, le soutien so-cial n’est ni une variable binaire ni unevariable unidimensionnelle. Il recouvregénéralement plusieurs formes de sou-tien: émotionnel, instrumental et infor-mationnel. Les deux dernières dimen-sions sont parfois combinées au seind’une seule, le soutien informationnelétant alors vu comme une forme de sou-tien instrumental. Le soutien émotion-nel renvoie à une aide lors d’un besoin

d’échanger, de partager sur un mal-êtreou lors d’une dépression alors que lesoutien instrumental comprend desaides logistiques plus ou moins ponc-tuelles comme le fait d’aider pour unetâche domestique ou emprunter de l’ar-gent. Les types de soutien peuvent êtrede nature formelle ou informelle (Chap-pell & Funk, 2011). En plus des différentstypes d’aide, le soutien provient de diffé-rentes sources. Il est possible de les clas-sifier en fonction de leur force (liensfaibles ou liens forts, qualité), du type delien (famille proche, famille éloignée,amis, connaissances) ou du type de rap-port (fréquence de rencontre).

Les différents types de ressources re-lationnelles ont des effets différents surla santé et le bien-être (Litwin &Stoeckel, 2014 ; Stephens et al., 2011),même si les effets varient en fonction dutype de bien-être observé, stress, bien-être psychologique, détresse psycholo-gique (Kawachi & Berkman, 2001) oubien-être subjectif). Melchior et al.(2003) montrent que le sentiment desoutien, qu’il soit instrumental ou émo-tionnel, est positivement associé à lasanté mentale des répondants alors quela fréquence de rencontres avec les amiset la famille n’y est pas significativementassociée. Selon Morelli et al. (2015), lesoutien émotionnel est lié au bien-êtreindividuel, mais pas le soutien instru-mental. Litwin et Landau (2000) compa-rent les effets du soutien chez les per-sonnes de plus de 75 ans en Israël etobservent les effets du soutien instru-mental et émotionnel de quatre types derelations : famille élargie (réseau large etintime), famille proche (réseau proche etintime), amis (réseau large, amical etpeu intime) et diffus (réseau large, fami-lial mais pas intime). L’étude montre queles réseaux larges fournissent davantagede soutien et les réseaux proches enfournissent moins.

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La plupart des études montre à lafois un effet positif du soutien familial etamical sur la santé mentale ou le bien-être des adolescents, des aidants (Pear-lin, 1989), adultes (Diener, 1984) ou lespersonnes âgées (Blazer, 1982 ; Vander-horst & McLaren, 2005). Selon, Mahantaet Aggarwal (2013), les soutiens amicauxet familiaux influencent tous deux lebien-être des étudiants américains demanière équivalente alors que selon Ra-hat et Ilhan (2016), l’influence des pa-rents et l’influence des amis était d’im-portante à peu près équivalente, avec unléger avantage pour les parents en ce quiconcerne le bien-être et la réussite desétudiants dans une université turque. Lesoutien familial est fréquemment asso-cié au bien-être, que ce soit la santémentale (Edwards & Lopez, 2006 ; Suldo& Huebner, 2004) ou le bien-être subjec-tif (Diener & Fujita, 1995 ; Diener & Se-ligman, 2002). Parfois, les amitiés in-fluencent davantage le bien-êtresubjectif que les relations familiales, no-tamment chez les seniors (Helliwell &Putnam, 2004 ; Larson et al., 1986 ; Pin-quart & Sörensen, 2000) en partie car ilest plus facile de se désengager d’une re-lation amicale que d’une relation fami-liale (Pinquart & Sörensen, 2000). Enfin,les liens extrafamiliaux sont égalementimportants pour le bien-être des indivi-dus. Comparant la réussite des étudiantsasiatiques par rapport aux communau-tés latines issues de milieux comparablesaux États-Unis, il faut selon Portes(2010), sortir des effets individuels desfamilles et les inscrire dans un contextecommunautaire plus large permettantd’expliquer les réussites scolaires et uni-versitaires. Si le soutien est générale-ment lié à davantage de bien-être (mêmesi des conséquences négatives de surpro-tection existent également), l’impor-tance relative des sources semblent dé-pendre de la population étudiée et du

contexte. Toutefois, dans un grandnombre de cas, la plupart de ces étudesne distinguent pas les sources de soutienou sont spécifiques à des contextes par-ticuliers. Les sources de soutien sontagrégées et il n’est pas donc pas possiblede conclure sur les différences de sou-tien entre famille et amis.

1.2 Accès à des ressources straté-giques

La question de l’accès aux ressourcesstratégiques revêt, comme pour le sou-tien social, des dimensions bien diffé-rentes en regardant au sein des diffé-rents traditions linguistiques(francophone, anglophone) et des ap-proches disciplinaires (psychologique,sociologique). Dans la littérature franco-phone, elle est souvent liée à la relationde capital social de Bourdieu (1986). Se-lon Bourdieu, celui-ci représente « l'en-semble des ressources actuelles ou po-tentielles qui sont liées à la possessiond'un réseau durable de relations plus oumoins institutionnalisées d'intercon-naissance et d'interreconnaissance »(p.2). Selon Michel Forsé (1997, p. 143),« à côté du capital humain qui reste unfacteur primordial, le capital social jouepour tout ce qui touche à l’emploi, unrôle qui ne saurait être négligé ». Dans lalittérature anglophone, on peut le voirsous la plume de Lin (2001), pour qui leréseau au sens large permet égalementd’accéder à des informations, des con-seils ou des actions aidantes. De manièreschématique, si les liens forts sont vuscomme un moyen privilégie d’accéder àdes formes de soutien émotionnel, lesliens faibles permettent d’accéder à denouvelles opportunités.

L’accès aux ressources stratégiques asouvent été approchée du point de vuede la diversité (notamment ethnique)puisque accès à des ressources straté-

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giques et diversité du réseau sont forte-ment liés (Saint Pierre, 2019). Toutefois,il n’y a pas de réel consensus sur les effetsde l’accès aux ressources stratégiques ouà la diversité du point de vue du bien-être. Certaines études ont montré que lemanque de diversité était négativementlié au bien-être moyen (Alesina & La Fer-rara, 2000 ; Costa & Kahn, 2003 ;McPherson et al., 2001). Dans cette litté-rature, un phénomène d’homophilieamènerait les acteurs à préférer être desgens avec le même profil socio-culturel,racial, etc. ce qui limiterait leurs oppor-tunités. Selon Cutts et al. (2009), cet ef-fet négatif est vrai non seulement pour ladiversité ethnique mais également pourla diversité économique. Toutefois,d’autres études ont montré que les fac-teurs socioéconomiques déterminaientla qualité du capital social davantage queles dimensions raciales. Ainsi, les habi-tants de zones pauvres à dominanteblanche ont moins de capital social queceux qui habitent dans les zones pauvresmixtes selon Laurence et Heath (2008).Ainsi, il est difficile de tirer des enseigne-ments forts de la grande hétérogénéitéde la littérature sur la diversité sociale,surtout en prenant des indicateurs mesoou macrosociologiques. Les études s’at-tachant aux liens entre diversité du ré-seau social et santé mentale sont rares(Lin, 2001), mais les quelques disjectamembra existantes montrent un lien né-gatif entre diversité du réseau et appari-tion des symptômes dépressifs (Haineset al., 2011 ; Song & Lin, 2009). Ver-haeghe et al. (2017) montrent que le ré-seau social est positivement associé à lasanté autodéclarée. Du point de vue dela satisfaction à l’égard de sa vie, Huanget al. (2019) indiquent que la diversité(mesurée par le nombre positions pro-fessionnelles des gens que le répondentconnait) n’a pas d’effet significatif sur lebien-être moyen en Australie.

1.3 Contextes nationaux

Puisqu’ils sont façonnés par desforces culturelles et institutionnelles, leseffets du soutien social dépendent descontextes nationaux dans lesquels ilss’insèrent. Calvo et al. (2012) trouvent uneffet positif du soutien social sur l’éva-luation de sa vie (mesurée par l’échellede Cantril) au sein de 142 pays. Cet effetest plus fort au sein des pays riches quedans les pays pauvres, soit parce qu’il y amoins de soutien au sein des payspauvres ou au contraire parce qu’il estplus présent et que ses effets sont moinsvisibles dans les analyses. Matsuda et al.(2014) comparent l’effet du soutien so-cial par les réseaux proches (familles etautres significatifs) parmi les étudiantssud-coréens, japonais et chinois et ob-servent des effets particulièrement fortsau Japon et en Corée du sud. Des étudesplus récentes confirment cette préva-lence du soutien social dans les paysriches. Les derniers résultats montrentque les effets sont particulièrement fortsdans les pays Nordiques et Anglo Saxons(Helliwell et al., 2018). Selon Szreter etWoolcock (2004), le soutien social estparticulièrement important pour lespays libéraux, c’est à dire les pays richesavec des mesures sociales faibles.

L’importance des ressources straté-giques dépend aussi du contexte, mêmesi moins d’études se sont penchées surcette disparité. Il existe des fragmentsdans la littérature. Bian (2019) montrequ’en Chine, les individus avec un réseauplus large sont plus heureux. Les étudesse penchant davantage sur la diversitédu réseau avec un effet reporté positifentre diversité et bien-être (Cutts, et al.2009 ; aux États-Unis et au Royaume-Uni), même si Kunovich (2004) netrouve pas d’effet de l’accès aux res-sources stratégiques en Europe de l’est,probablement en raison de conditionsde vie relativement homogènes. De

122

nombreuses études se sont penchées surle soutien familial et extrafamilial etleurs effets sur le bien-être des individus.Certains les ont même comparés (ex.Mahanta et Aggarwal 2013 pour les étu-diants). De même les effets de l’accès àdes ressources stratégiques sont connusde la littérature. Si la part des ressourcesfamiliales et extrafamiliales est connuedans certains cas, notamment vis-à-visdu soutien, il n’est pas possible de géné-raliser dans la littérature. En d’autresmots, si les effets du soutien et de l’accèsaux ressources stratégiques semblent enpartie connus et reconnus, ils le sontdans des contextes spécifiques et les ap-ports relatifs des réseaux familiaux et ex-trafamiliaux ne sont souvent pas distin-gués. À notre connaissance aucuneétude n’a observé conjointement les ef-fets du soutien et de l’accès aux res-sources stratégiques de la part descercles familiaux et extrafamiliaux. Deplus, l’importance des contextes natio-naux est généralement laissée de côté.C’est ce que nous nous proposons de ré-aliser dans cet article. Dans un premiertemps nous analyserons les effets dusoutien et des ressources stratégiquessur le bien-être subjectif au sein descercles familiaux et extra-familiaux engénéral. Puis, nous analyserons ces effetsau sein des 30 pays présents dans l’en-quête.

2. MODÈLE THÉORIQUE

Le modèle théorique de cet articles’appuie sur deux dimensions des res-sources sociales, le soutien social d’unepart et l’accès à des ressources straté-giques d’autre part. Chaque dimensionest sous divisée selon que cette ressourcesoit mobilisée au sein des cercles fami-liaux ou en dehors. Chaque dimensionde ces ressources sociales influence lebien-être subjectif. Cela est représentédans le schéma ci-dessous.

Figure 1 : modèle théorique des quatreformes de ressources sociales étudiées

2.1 Données et méthodes

Nous utilisons les données 2017 de labase de données de l’International SocialSurvey Programme (ISSP GROUP, 2019).Les données sont disponibles pourtrente pays (Afrique du Sud, Allemagne,Australie, Autriche, Chine, Croatie, Ré-publique tchèque, Danemark, Espagne,Etats-Unis, Finlande, France, GrandeBretagne, Hongrie, Islande, Inde, Israël,Japon, Lituanie, Mexico, Nouvelle Zé-lande, Philippines, Russie, Slovaquie,Slovénie, Surinam, Suède, Suisse,Thaïlande, Taiwan). La version 2017 del’ISSP a un module spécial intitulé SocialNetworks and Social Resources (Sapin etal., 2020).

2.2 Bien-être subjectif

Le bien-être subjectif est mesuré parune questions sur la satisfaction à l’égardde sa vie : « de manière générale, à quelpoint êtes-vous satisfait·e de la vie quevous menez en ce moment ? ». Les ré-pondants ont ensuite sept choix : 1.Complètement satisfait·e, 2. Très satis-fait·e, 3., Assez satisfait·e, 4. Ni satis-fait·e, ni insatisfait·e 5., Assez insatis-fait·e, 6. Très satisfait·e, 7.Complètement satisfait·e. L’échelle estensuite inversée pour avoir les plus

Soutienfamilial

Soutienextrafamilial

Ressources

extrafamiliales

Ressources

familiales

Bien-êtresubjectif

123

grandes valeurs représentant des ni-veaux de satisfaction plus élevés.

2.3 Création des indices

Il existe un certain nombre de ques-tions pour le soutien et l’accès aux res-sources stratégiques. À partir de cesquestions, nous construisons quatre in-dices. Pour le soutien, il est demandé auxpersonnes vers qui elles se tourneraienten premier s’elles ont besoin a) d’aidepour des travaux domestiques ou pour lejardin si vous ne pouviez le faire vous-même ? b) d’aide pour votre maison sivous étiez malade et deviez rester au litpour quelques jours ? c) être là pourvous si vous êtes un peu déprimé·e etaviez besoin d’en parler ? d) de conseilssur des problèmes familiaux ? e) avoir unmoment social sympathique ?

Soutien familial. L’indice de soutienfamilial est composé d’une addition desréponses "un membre de ma familleproche" et "un membre de ma familleéloignée" aux cinq questions.

Soutien extrafamilial. L’indice desoutien extrafamilial est composé d’uneaddition des réponses « ami proche, voi-sin, un collègue » ou « quelqu’und’autre » aux cinq questions.

Pour la question sur la diversité duréseau, il est demandé aux personnes sielles connaissent1 un chauffeur ou unechauffeuse de bus, un.e cadre d’unegrande entreprise, un homme ou unefemme de ménage, un coiffeur ou unecoiffeuse, un directeur ou une directricedes ressources humaines, un avocat.e,un.e garagiste, un infirmier ou une infir-mière, un policier ou une policière, unenseignant ou une enseignante. Les per-sonnes interrogées peuvent ensuite diresi cette personne qu’elles connaissent est

1 Par connaître, il est spécifié dans le question-naire que c’est une personne que l’on connaîtsuffisamment bien pour la contacter.

au sein de leur famille, leur famille ou sic’est quelqu’un d’autre.

Positions stratégiques familiales.L’indice d’accès aux ressources familialesest la combinaison des choix pour avo-cat, manager d’une grande entreprise etdirecteur des ressources humaines ausein de la famille.

Positions stratégiques extrafami-liales. L’indice d’accès aux ressources ex-trafamiliales est la combinaison deschoix pour avocat.e, manager d’unegrande entreprise et directeur ou direc-trice des ressources humaines au sein demes ami·e·s et quelqu’un d’autre.

2.4 Variables de contrôle

La variable éducation est mesuréepar le nombre d’années d’école. Le re-venu est une variable construite au ni-veau ménage en quintile pour chaquepays. Pour le type de ménage, nousavons construit 14 types de ménage :deux grandes familles, nucléaires et nonnucléaires contiennent chacune 7 sous-types de ménage de ménage : célibataire,célibataire avec enfant, marié·e ou unioncivile sans enfant, marié·e ou union ci-vile avec enfant, marié·e ou union civileavec jeunes enfants, couple avec enfantsadultes, veufs ou veuves.

2.5 Méthodes

La décomposition Shapley est utili-sée après les régressions afin de décom-poser la variance expliquée (mesurée parle R2) afin de percevoir la contributiondes variables indépendantes (e.g. Aze-vedo et al., 2013 ; Deutsch & Silber, 2007 ;Ravazzini & Chavez-Juarez, 2017 ; Sastre& Trannoy, 2002). Les décompositionspermettant de comprendre la contribu-

124

tion de chaque facette à la variation (ex-pliquée) de satisfaction à l’égard de savie. Les variables de contrôle sont legenre, l’âge, l’âge carré, le type de mé-nage (partenaire ou non, cohabitationou non, enfants ou non, revenu du mé-nage, et zone de résidence des répon-dants (grande ville, petite ville, zone ru-rale).

3. RÉSULTATS

Dans le tableau ci-dessous sont pré-sentées les statistiques descriptives del’échantillon de 44 492 répondants. Lesmoyennes et écarts-types sont présen-tées pour les variables indépendantes, decontrôle et dépendantes.

Tableau 2 : Statistiques descriptives

Note. Les écarts-types sont entre parenthèses.

3.1 Résultats des régressions

Les résultats de la décomposition deShapley sont présentés dans le tableau 3ci-dessous. Les coefficients et erreurstandards correspondent aux résultatsd’une régression de type OLS et le pour-centage de R2 à la contribution dechaque variable au pourcentage de va-riable expliquée.

Une analyse agrégée donne une pre-mière impression, à travers la variance

expliquée, de l’importance relative desdifférentes ressources ainsi que des va-riables de contrôle. En tout, 12% de la va-riance de la satisfaction de vie est expli-quée par les facteurs introduits dans lemodèle. Parmi la variance expliquée, lesoutien compte pour 8% de la contribu-tion de l'explication des différences desatisfaction de vie, l'accès aux positionsprofessionnelles stratégiques de l’ordrede 12%. Parmi les formes de soutien, la

Moyenne

Âge 48.7 (17.4)

Sexe (pourcentage H/F) 46.7 / 53.3

Années d’éducation 11.5 (5.2)

Type de ménage (pourcentage)

Familles nucléaires(n) / non nucléaires (nn) : céliba-taire (n :2.3 % / nn :5.6 %), célibataire avec enfant

(n :2.2 % / nn :5.3 %), marié ou union civile sans en-fant (n :0.5% / nn :0.3%), marié·e ou union civile avec

enfant(n :9.9% / nn :4.1%), marié·e ou union civileavec jeunes enfants(n :7.1%/nn :4.5%), couple avec en-

fants adultes(n :22.4% / nn :9.8%), veufs ou veuves(16.3/9.4)

Revenu quintile 2.81 (1.40)

Grande ville/petit ville/rural (pourcentages) 45.0 / 23.4 / 31.6

Soutien extrafamilial 3.17 (1.68)

Soutien familial 1.50 (1.55)

Positions stratégiques extrafamiliales .954 (1.03)

Positions stratégiques familiales 2.73 (.571)

Bien-être subjectif 5.18 (3.18)

125

plus grande partie vient du soutien fami-lial (6.3%) et une moins grande partie dusoutien extrafamilial (1.5%). Pour l’accèsaux ressources stratégiques, il y a peu dedifférence entre l’accès aux ressourcesfamiliales (6%) et extrafamiliales (6.5%).Les variables de contrôle complètent lepaysage, avec 14 % dû à la forme du mé-nage et 55% des différences expliqués

par une variable indicatrice des pays.Parmi les autres variables de contrôle, lesexe et l’âge semblent peu influencer lesrésultats (<0.5 %) alors que le revenu etl’éducation l’influencent davantage, avecrespectivement une contribution de 8.6et 5.4% à la variance expliquée en satis-faction à l’égard de sa vie.

Tableau 3 : Résultats de la régression avec décomposition de Shapley sur la satisfactionde vie (30 pays de l'ISSP, 2017)

Coefficient Erreur stan-dard P>|t| %R2 global

Soutien familial .0920 *** .00618 0 6.32

Soutien extrafamilial .0260 *** .00658 0 1.49Positions stratégiquesfamiliales .124 *** .0111 0 6.04

Positions stratégiquesextrafamiliales .0645 *** .00647 0 6.52

Types de ménage (dum-mies combinés) *** 14.2

Sexe .0492 *** .0122 0 .2453

Âge .00326 *** .000473 0 .472

Revenu .0858 *** .00459 0 8.57

éducation .0135 *** .00155 0 5.43Pays (dummies combi-nés) *** 0 55.8

Intercept 3.69 .214 0

Observations 36251

R2 global .120Ecart quadratiquemoyen 1.11

F-stat modèle 97.1 *** 0

Log probabilité -55351.73

3.2 Résultats par pays

L’analyse au niveau agrégé montreque plus de la moitié de la variance ex-pliquée l'est par une variable au niveaudes pays. Il est important de dépasser le

niveau agrégé afin de voir d’éventuellesdisparités entre les pays. Dans les opéra-tions ci-dessous, nous répétons les ré-gressions et décompositions Shapley parpays, en gardant les mêmes variables decontrôle individuelles.

126

Tableau 4 : Contribution des 4 formes de ressources sociales par pays (en % du R2)

soutien fami-lial (%R2)

soutien extra-familial(%R2)

positions stra-tégiques fami-

liales(%R2)

positions stra-tégiques ex-

trafami-liales(%R2)

R2*

Australie 24.8 1.8 7.0 7.7 .109

Autriche 19.5 8.7 13.1 9.4 .0792

Chine 10.0 4.9 8.4 1.0 .0588

Taiwan 23.9 13.2 1.7 14.2 .0588

Croatie 7.9 5.0 3.5 6.8 .0611

République tchèque 15.1 7.0 .1 1.1 .0592

Danemark 36.7 13.5 5.9 7.1 .0639

Finlande 15.7 18.5 2.9 6.0 .0643

France 12.9 3.3 4.5 .6 .0737

Allemagne 14.7 3.6 3.5 13.6 .0622

Hongrie 8.5 4.2 2.5 2.4 .222

Islande 21.2 11.9 3.8 2.0 .115

Inde 13.6 11.7 5.7 21.8 .0893

Israël 18.8 6.9 16.5 1.8 .106

Japon 26.2 2.2 .6 9.2 .0742

Lituanie 3.4 5.7 1.0 5.6 .202

Mexique 19.9 16.0 8.2 16.6 .0393

Nouvelle Zélande 15.3 4.2 7.1 5.6 .0900

Philippines 17.7 14.7 .6 1.3 .014

Russie 6.1 4.3 4.9 33.7 .108

Slovaquie 0.9 1.4 9.8 13.3 .137

Slovénie 7.0 3.6 6.3 7.5 .126

Afrique du Sud 2.1 1.6 16.3 14.2 .126

Espagne 10.5 5.1 .8 5.7 .0600

Suède 8.7 .2 22.4 1.6 .0987

Suriname 18.5 7.6 4.1 10.6 .0296

Suisse 19.7 10.2 13.6 7.7 .0908

Thaïlande 2.7 1.3 4.5 2.6 .0920

Royaume Uni 26.9 2.3 2.2 2.6 .0846

États Unis 25.0 14.0 .8 4.1 .0846* R2 des quatre variables plus variables de contrôle (non montrées ici)

Le tableau ci-dessus vient compléterl’image obtenue dans l’image agrégée envenant montrer les variations entre pays.Le lien entre les quatre formes de res-sources et le bien-être subjectif est pré-senté sous forme de part de la varianceexpliquée. Sans être en mesure d’extrairedes tendances absolues, il est néanmoinspossible de voir certaines inflexions etd’effectuer certains regroupements. Une

première tendance se dégage au niveaudu soutien. Dans la plupart des pays, lesoutien familial est davantage lié aubien-être que le soutien extrafamilial.Seuls trois pays (la Finlande, la Lituanieet la Slovaquie) sortent de ce schéma.Pour l’accès aux positions stratégiques,on observe que les pays se divisent à peuprès équitablement entre ceux où l’onvoit une proéminence de l’influence des

127

positions stratégiques sur la satisfactionà l’égard de sa vie par le biais familial età peu près autant dans le cas inverse.L’accès privilégié aux cercles extrafami-liaux semble être davantage prégnantedans les pays plus pauvres alors que lescercles familiaux prennent davantage deplace dans les pays riches. Dans les paysEuropéens de l’Ouest, l’accès aux res-sources stratégiques semble prévalentpar le canal familial et l’on observe plu-tôt l’inverse dans les pays d’Europe del’Est et d’Asie. Enfin, si les niveaux de va-riance expliquée se situent aux alentoursde 10%, des différences marquées entrepays existent et nous invitent à une cer-tain prudence (Hongrie et Lituanie, plusde 20%, Mexique et Surinam moins de10%).

4. DISCUSSION

Les résultats des analyses au niveauglobal et au niveau pays nous permet-tent de mettre en avant trois enseigne-ments principaux que nous discutonsdans cette partie : la prévalence de la fa-mille dans le soutien familial, l’équi-im-portance des cercles familiaux et extrafa-miliaux en ce qui concerne l’accès auxressources stratégiques et l’importancedes contextes nationaux.

4.1 Prévalence d’un soutien familial

Quand on compare les contribu-tions des sources de soutien, on s’aper-çoit que le soutien familial est plus liéque le soutien extrafamilial au bien-êtredes répondants. L’influence de la famille,qu’elle soit proche ou éloignée, est doncla source principale de bien-être si l’ons’intéresse aux relations de soutien. Si lalittérature montrait à la fois desexemples de prévalence du soutien ex-trafamilial (e.g. Pinquart & Sörensen,2000, pour les seniors) ou une equi-pré-valence (e.g. Rahat & Ilhan, 2016 pour les

étudiants), nous nous retrouvons dans lecas où le soutien familial prévaut sur lesoutien extrafamilial. Nos résultats sepositionnent dans la continuité de plu-sieurs travaux qui mettent en avant uneprépondérance des formes de soutienavant tout familial (e.g., Mahanta & Ag-garwal, 2013), même si les études enquestions observaient des catégoriesspécifiques de la population (adoles-cents, étudiants, seniors).

Cette prévalence familiale est obser-vable au niveau agrégé et dans la plupartdes pays. Néanmoins, une comparaisonau niveau national révèle des disparitésimportantes. Le soutien familial est pré-pondérant en particulier dans les paysles plus riches où le rapport contributiondu soutien familial sur contribution dusoutien extrafamilial est le plus impor-tant (exception: la Finlande). À l’inverse,le rapport semble moins marqué pourles pays à faible et moyen revenu (paysde l’est européen, Mexique, Afrique duSud, Thaïlande), où les contributionsdes deux sphères semblent davantages’équilibrer, voire s’inverser dans cer-tains cas (la Lituanie et la Slovaquie).

4.2 L’importance du carnet d’adresse,peu importe sa provenance

Si la contribution de l’accès à desressources stratégiques dépasse celle dusoutien social en termes de bien-êtresubjectif, l’image des différences entreaccès par le biais familial et extrafamilialchange. On observe une différence peuprononcée entre l’accès aux professionsqualifiées au sein des réseaux familiauxet au sein des réseaux extrafamiliaux.Dans ce cas, l’accès à des ressources stra-tégiques influence le bien-être à traversles familles de manière équivalente qu’àtravers les cercles extrafamiliaux. A l’in-verse du soutien où la qualité du lien(proximité) prévaut sur les structures so-ciales (le statut social des membres de la

128

famille), c’est bien ici la structure des ré-seaux sociaux qui compte davantage quela qualité (proximité) pour les ressourcesstratégiques. Bien que nous contrôlionspour le revenu et le niveau d’éducationdes répondants, les positions profession-nelles des membres du réseau, le carnetd’adresse, représentent une dimensionsupplémentaire de la classe sociale, aumême titre que le patrimoine parexemple (Brulé & Suter, 2019). Les res-sources stratégiques au sein du réseausont des ressources latentes exploitablesau besoin pour changer de profession,demander du soutien instrumental,avoir accès à des personnes qualifiées.

Là encore, il convient de sortir d’uneimage purement agrégée et de se pen-cher sur les différences nationales. Il estdifficile d’extraire une image claire,même si l’importance des cercles extra-familiaux semble, encore une fois, plusimportante pour les pays à bas et moyenrevenu. Pour les pays riches, aucuneimage claire ne se dessine et il se répar-tissent presqu’équitablement sur lesdeux cercles. L’une des raisons pour-raient être la structure des réseaux. Si lesréseaux se combinent de manière plusfluide dans les économies avancées, peuimporte qui détient les crédits et les ac-cès aux ressources privilégiées à partirdu moment où l’on y a accès. A l’inverse,si les réseaux sont plus insulaires, ceuxqui ont accès à d’autres îlots du réseaubénéficient d’un avantage en termes depossibilité et ici de bien-être.

4.3 L’importance des contextes natio-naux

On peut observer qu'une variable ré-siduelle « pays » prend plus de la moitiéde la variance expliquée du bien-êtresubjectif. Cela indique qu’il est impor-tant de sortir de l’image agrégée et de sepencher sur les spécificités nationales.

Dans un autre travail en cours, nous ob-servons les différences de satisfaction devie dans les 30 pays en décomposanttrois dimensions des relations sociales,soutien, diversité des professions dansles réseaux et contraintes relationnellesà travers une typologie en huit catégo-ries, selon que chaque dimension ait unecontribution basse ou élevée à la va-riance expliquée. Elle nous permet d’ob-server des typologies de pays en fonctiondes différences économiques, géogra-phiques et culturelles. Mais noussommes restés à un niveau analytiqueplus large puisque nous n’avons pas ob-servé la provenance des ressources fami-liales (familiales ou extrafamiliales)comme dans cet article.

En lien avec nos travaux précédents,nous observons que les ressources rela-tionnelles sont relativement peu liées aubien-être des individus dans certainspays comme les pays de l’Est de l’Europe(malgré un R2 un peu plus élevé) ou cer-tains pays à bas revenu. Cela pourraitêtre dû soit à un manque de soutien dansles contextes sociaux plus pauvres, soitau contraire à un niveau élevé et homo-gène qui empêche de voir tout effet surle bien-être des individus. On observe lasituation opposée dans les pays occiden-taux et notamment libéraux où les res-sources sociales, et notamment le sou-tien, jouent un rôle prépondérant. Celava dans le sens des travaux de Anttonenet Sipilä (1996), les individus ont besoinde davantage de soutien informel pourcompenser un soutien formel parfoismanquant.

5. CONCLUSION

Les ressources relationnelles sontsouvent associées à un niveau de bien-être plus élevé. Encore faut-il s’entendresur ce le type de ressource et leur prove-nance. Cette étude réaffirme l’impor-

129

tance de considérer les ressources so-ciales comme multidimensionnelles,que ce soit par leur nature ou leursource. Le soutien social et l’accès à desressources stratégiques sont tous lesdeux liés positivement au bien-être sub-jectif, avec dans notre cas une influenceplus forte du second type de ressourcesque du premier. Mais les sources diffè-rent fortement en fonction des deuxtypes de ressources. Alors que le soutiensocial est davantage lié au bien-être àtravers les liens familiaux, il n’y pas dedifférences particulières au niveauagrégé pour l’accès aux ressources stra-tégiques, les deux sphères, familiale etextra-familiale contribuant également.La dimension nationale résiduellecomptant pour plus de la moitié de la va-riance expliquée en bien-être subjectif, ilconvient également de regarder la situa-tion par pays. Le soutien familial prédo-mine dans pratiquement l’ensemble despays alors que les ressources straté-giques se répartissent équitablement surles sphères familiales et extrafamiliales.Les cercles sociaux des pays plus pauvressemblent moins resserrés sur la familleque souvent décrit. Davantage de re-cherche serait nécessaire pour bien ensaisir les mécanismes.

REMERCIEMENT

Cette publication a bénéficié du soutiendu Pôle de recherche national LIVES –Surmonter la vulnérabilité : perspectivedu parcours de vie (PRN LIVES), financépar le Fonds national suisse de la re-cherche scientifique (numéro de sub-side : 51NF40-160590).

CONFLITS D’INTÉRÊT

Les auteur·e·s ne déclarent aucun conflitd’intérêt.

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PRÉSENTATION DES AUTEUR·E·S

Gaël BruléUniversité de Genève, SuisseSes intérêts de recherche portent notamment sur le bien-être subjectif, ledéveloppement durable et l’innovation.Contact : [email protected]

Marlène SapinCentres FORS et LIVES, Université de Lausanne, SuisseSes intérêts de recherche portent sur les réseaux sociaux, la santé et les parcours de vie.Contact : [email protected]

Clémentine RossierUniversité de Genève, Suisse et INED, FranceSes thèmes de prédilection sont la fertilité en Afrique Subsaharienne, le contrôle desnaissances ainsi que les liens familiaux.Contact : [email protected]

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Pour citer cet article :

Brulé, G., Sapin, M., & Rossier, C. (2020). Ressources sociales et bien-être : Soutien socialet accès à des ressources stratégiques dans 30 pays. Sciences & Bonheur, 5, 117–133.

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Thierry Nadisic

Recension de « Ils ont vécu leburn-out : Témoignages etconseils pour se reconnecter àsoi » de Virginie Bapt et AgatheMayer (Vuibert, 2020)

Il y a plusieurs façons pour un livred’être utile : en nous informant sur unthème sociétal important et actuel, ennous racontant des histoires qui noustransportent, en nous donnant des con-seils pratiques ou en nous aidant à nousretrouver. La rare qualité de ce livre estqu’il nous offre ces quatre bénéfices enmême temps.

D’abord il apporte des réponsesclaires aux questions que nous nous po-sons sur le burn-out : d’où vient ce sen-timent d’être atteint dans notre dignité,ce désintérêt pour ce que nous faisons etcette immense perte de sens ? Commentles personnes touchées et leur entou-rage en font l’expérience ? Comment ensortir ?

Ensuite il nous fait vivre dix histoiresde burn-outs. Nous entrons dans l’inti-mité de Pierre, victime d’un patron ma-nipulateur, de Jean-Yves, mis au placard,de Martin, boulimique de travail ou deHannah dont le couple et l’activité sonten crise en même temps. Nous lisonscomme des nouvelles à suspense ces té-moignages recueillis par les auteurs tout

en ressentant d’autant plus d’empathieque nous savons qu’elles sont vraies.Nous comprenons alors combien leburn-out, qui peut sembler être toujoursla même chose, est en réalité à chaquefois une expérience singulière.

La plus grande utilité, sans doute, dece livre est qu’il décrit avec clarté les mé-canismes de reconstruction. Les témoi-gnages eux-mêmes ne s’arrêtent pas auxdifficultés : ils nous montrent la façondont Martin a été sauvé par son amourpour la musique ou comment Alain, mé-decin qui ne prenait pas soin de lui-même, a appris à accepter ses vulnérabi-lités et à apprivoiser le temps. Surtout, ilnous permet d’entrer dans le cabinet dupsy : chaque témoignage d’une victimede burn-out est suivi par celui de sonthérapeute. Nous découvrons la straté-gie de soin suivie et la manière dont lepatient a avancé vers la sortie. De nom-breux conseils utiles ponctuent ces des-criptions : prendre garde aux signauxd’alerte, choisir ses combats, se raccro-cher à la vie…

Enfin, ce qui rend la lecture de celivre profondément satisfaisante, mêmesi nous n’avons pas vécu de burn-out,c’est que nous sommes en permanencerenvoyés à nous-mêmes. Qu’est-ce quenous ne voulons pas voir lorsque nousdisons que nous n’avons pas le choix,qu’il faut continuer, même si c’est dur etque notre santé en pâtit ? Où sont nospriorités ? Quel type d’équilibre avons-nous construit dans notre vie ? Pouvons-nous apprendre à mieux respirer ?

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PRÉSENTATION DE L’AUTEUR

Thierry Nadisicemlyon business school, FranceProfesseur associé en management, ses recherches ont pour thèmes les sentiments dejustice et d’injustice, les émotions et l’épanouissement, au travail et dans la viequotidienne. Il a récemment publié plusieurs ouvrages comme « Le management juste »(Éditions PUG-UGA, 2018), « S’épanouir sans gourou ni expert, le meilleur coach c’estvous ! » (Éditions Eyrolles, 2018) et « S’épanouir en temps de crise : 21 techniques depsychologie positive (Éditions Eyrolles, 2021).Contact : [email protected]

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Pour citer cette recension :

Nadisic, T. (2020). Recension de « Ils ont vécu le burn-out : Témoignages et conseilspour se reconnecter à soi » de Virginie Bapt et Agathe Mayer (Vuibert, 2020). Sciences &Bonheur, 5, 134–135.

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Thierry Nadisic

Recension de « Savourons lesilence : Se reconnecter à soiquand le bruit détruit » de ÉmilieDevienne (Eyrolles, 2020)

Le nouveau livre d’Emilie Devienne,coach et romancière, est une jolie baladedans le silence. Nous y apprenonsd’abord qu’il est un privilège pour 87%des français et que Paris est la deuxièmeville européenne la plus bruyante aprèsBarcelone. Nous y découvrons aussi soncôté paradoxal : on le cherche autantqu’on le fuit, et pas seulement parcequ’on en a peur : il existe aussi un mau-vais silence, celui du mari de NatachaCalestrémé, qui l’a blessée, et qu’elle dé-crit dans son Ted-X, cité utilement dansle livre. C’est celui que le psychologuepour couples John Gottman, auquel il estégalement fait référence, appelle le« mur de pierre » qu’on bâtit à deux pourle pire.

Ces précautions étant prises, noussommes alors prêts pour accueillir le bonsilence, vital pour la régénération denotre cerveau. C’est aussi celui que nouschoisissons parce qu’il permet de nousoccuper de nous, et à partir de là de nousrelier à l’autre et à notre destinée. Il ins-pire, ouvre à la gratitude, aide à faire lepoint et favorise l’émergence de ce quenous n’attendons pas. Plus fondamenta-lement il nourrit notre savoir-être, ennous permettant de créer notre mondeintérieur, puis notre savoir-faire en nousprojetant, en confiance, vers le mondedu dehors. L’autrice cite « le silence deChurchill » comme l’illustration exem-plaire de ce double mouvement. C’estparce qu’il a su rester silencieux lorsque

David Chamberlain a proposé de nom-mer Lord Halifax comme premier mi-nistre que Winston Churchill a finale-ment obtenu le poste.

La dernière partie du livre nous faitparcourir huit chemins pragmatiques dusilence. D’abord il faut savoir faire appelà lui en reconnaissant qu’il peut servir àtracer notre ligne de vie. Il nous est sug-géré de nous référer au Ted-X de SusanCain sur la « force des discrets » pour ensavoir plus. Ensuite il est possible d’ap-prendre à repérer ses multiples et sub-tiles significations pour mieux l’expéri-menter. La troisième voie consiste ànous rendre compte que c’est une res-source polluée et qu’il y a de nombreuxmoyens pour nous désintoxiquer. Alorsnous pouvons aller au cœur du défi quele silence nous pose : comment apprivoi-ser toute la liste de peurs qu’il éveille ?Du vide au jugement en passant par lemanque, l’absence, la solitude, l’aban-don, le rejet et la remise en question ?Une piste fructueuse : nous exercer à lafrustration. Les trois chemins suivantssont emprunts de douceur : nous servirde l’art, les peintures de Hopper parexemple, dont il disait qu’elles lui per-mettaient de dire sans mots ; nous délec-ter du moment présent comme lorsd’une marche lente ; nous rappeler quela nature est faite d’un silence amical.Enfin, le huitième chemin est celui de laspiritualité, la voie royale étant bien sûrcelle de la méditation, qu’elle soit Vipas-sana ou Zen. La fin de ce livre peut doncêtre le début d’un autre : que diriez-vousde continuer votre chemin avec un bonguide parmi tous ceux qui ont été écritsces dernières années et de faire l’expé-rience bénéfique du silence de la pleineconscience ?

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PRÉSENTATION DE L’AUTEUR

Thierry Nadisicemlyon business school, FranceProfesseur associé en management, ses recherches ont pour thèmes les sentiments dejustice et d’injustice, les émotions et l’épanouissement, au travail et dans la viequotidienne. Il a récemment publié plusieurs ouvrages comme « Le management juste »(Éditions PUG-UGA, 2018), « S’épanouir sans gourou ni expert, le meilleur coach c’estvous ! » (Éditions Eyrolles, 2018) et « S’épanouir en temps de crise : 21 techniques depsychologie positive (Éditions Eyrolles, 2021).Contact : [email protected]

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Pour citer cette recension :

Nadisic, T. (2020). Recension de « Savourons le silence : Se reconnecter à soi quand lebruit détruit » de Émilie Devienne (Eyrolles, 2020). Sciences & Bonheur, 5, 136–137.

PRÉSENTATION DE LA REVUE

Le bonheur comme objet d’étude

Sciences & Bonheur (ISSN: 2448-244X) est la première revue scientifique et francophoneconsacrée au bonheur lancée en 2016. La revue est pluridisciplinaire, démocratique ets’intéresse aux questions liées au bonheur. Francophone, elle invite les chercheurs desdifférentes zones de la francophonie à se positionner sur le sujet. Pluridisciplinaire, elleaccueille des spécialistes venant de toute discipline : psychologie, sociologie, management,anthropologie, histoire, géographie, urbanisme, médecine, mathématiques, sciences del’éducation, philosophie, etc. S’intéressant au bonheur et aux mesures subjectives, la revues’attache avant tout à la façon dont les individus perçoivent, ressentent et retranscrivent unenvironnement, une situation ou un rapport social.

Une revue scientifique gratuite et accessible en ligne

En présentant et discutant différents modèles, elle se veut le lieu de débats constructifs etcritiques liés aux sciences du bonheur. Elle offre également une tribune aux investigationsliées aux expériences variées de la « bonne vie ». Théorique, empirique mais aussi critique,elle accueille la production de savoirs sur le bonheur dans leurs dimensions épistémologiques,conceptuelles, méthodologiques, ou sémantiques. Mais si la revue considère que le bonheurdoit être étudié d’un point de vue scientifique, elle souhaite rendre accessible sesdéveloppements aux citoyens et estime qu’étant donné le sujet, l’échange et la diffusion avecla société civile sont essentiels. Contrairement à bon nombre de revues, notamment les revuesanglo-saxonnes dédiées au même sujet, elle est entièrement gratuite pour les lecteurs et pourles auteurs afin de permettre une diffusion non fondée sur des critères économiques.

Appel à contributions

Sciences & Bonheur accueille toute contribution, qu’il s’agisse d’une revue de questions, d’uneétude empirique ou même de la recension d’un ouvrage en lien avec le bonheur. Chaquecontribution fait l’objet de deux évaluations indépendantes par un comité d’experts. Un guideest fourni sur le site internet de la revue pour accompagner le processus de rédaction et desoumission. Les contributions peuvent s’insérer dans un numéro thématique ou d’un numérovaria.

Contact et informations complémentaires

Directeur de la publication : Gaël Brulé ([email protected])

Site de la revue : https://sciences-et-bonheur.org