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MICI mémo Révision 2015 · · · · · · · · · · · Commission MICI ! _08 Évaluation de l’activité des Maladies de Crohn Guillaume Bonnaud £ L’activité clinique est essentielle mais insuffisante pour évaluer l’activité des MC et la sévérité d’une poussée L’activité de la maladie de Crohn (MC) est habituellement une mesure clinique évaluée selon 2 scores y le score CDAI (Crohn Disease Activity Index) est le plus utilisé dans les essais cliniques mais son calcul reste compliqué en pratique quotidienne y l’indice de Harvey-Bradshaw (HBI) est étroitement corrélé au CDAI et son utilisation plus facile que le CDAI en pratique quotidienne Les limites de ces mesures essentiellement cliniques ont été illustrées par le fort taux de réponses constaté dans les groupes placebo des récents essais cliniques de biothérapie : rémission clinique mais lésions endoscopiques persistantes ou, inversement, troubles fonctionnels intestinaux majorant les scores cliniques. La cicatrisation muqueuse est maintenant un objectif thérapeutique dans la MC. D’autres critères biologiques, endoscopiques et d’imagerie sont nécessaires. Les critères biologiques y La mesure de la CRP ultrasensible est bien corrélée à l’activité de la maladie mais reste négative chez 25 % des MC actives y La calprotectine fécale représente un outil de mesure non invasif du niveau d’inflammation intestinale et présente également une valeur prédictive positive très élevée (> 90 %) pour l’activité endoscopique de la maladie La calprotectine fécale est le marqueur le plus performant pour mesurer l’activité des MICI et permet de distinguer une maladie active d’une maladie quiescente avec un seuil optimal de 250 µg/g de selle. L’élévation de la CRP ou de la calprotectine fécale chez un patient en rémission clinique est prédictif d’une rechute dans les mois à venir (3 mois pour la CRP, 6 mois pour la calprotectine). Lors d’un traitement par biothérapie, la surveillance régulière de la CRP et de la calprotectine fécales est intéressante pour prédire et suivre la réponse au traitement. La chute précoce et profonde de la calprotectine fécale prédit une réponse prolongée chez la majorité des patients sous traitement d’entretien. La calprotectine fécale représente le marqueur le plus prometteur pour l’évaluation de la cicatrisation muqueuse. à titre individuel, la variation des concentrations des biomarqueurs au cours du temps est très certainement un élément d’interprétation plus important qu’un dosage isolé. L’élévation non spécifique de ces biomarqueurs doit souvent faire discuter d’autres explorations avant modification de la prise en charge de la maladie. L’endoscopie permet d’évaluer l’étendue des lésions, la gravité des lésions et la cicatrisation muqueuse (cf.). Elle peut montrer aussi les limites de l’évaluation clinique par la persistance, parfois, de lésions endoscopiques en cas de rémission clinique. La vidéocapsule endoscopique du grêle est la technique la plus sensible comparée à toutes les techniques radiologiques pour l’évaluation de l’atteinte du grêle hors iléon terminal mais sa place est en cours d’évaluation.

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MICI mémo Révision 2015

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MIC

I

_08

Évaluation de l’activitédes Maladies de Crohn

Guillaume Bonnaud

£ L’activité clinique est essentielle mais insuffisante pour évaluer l’activitédes MC et la sévérité d’une poussée

L’activité de la maladie de Crohn (MC) est habituellement une mesure clinique évaluée selon 2 scores

y le score CDAI (Crohn Disease Activity Index) est le plus utilisé dans les essais cliniques mais soncalcul reste compliqué en pratique quotidienne

y l’indice de Harvey-Bradshaw (HBI) est étroitement corrélé au CDAI et son utilisation plus facile quele CDAI en pratique quotidienne

Les limites de ces mesures essentiellement cliniques ont été illustrées par le fort taux de réponses constatédans les groupes placebo des récents essais cliniques de biothérapie : rémission clinique mais lésionsendoscopiques persistantes ou, inversement, troubles fonctionnels intestinaux majorant les scores cliniques.La cicatrisation muqueuse est maintenant un objectif thérapeutique dans la MC.D’autres critères biologiques, endoscopiques et d’imagerie sont nécessaires.

Les critères biologiquesy La mesure de la CRP ultrasensible est bien corrélée à l’activité de la maladie mais reste négative

chez 25 % des MC activesy La calprotectine fécale représente un outil de mesure non invasif du niveau d’inflammation intestinale

et présente également une valeur prédictive positive très élevée (> 90 %) pour l’activité endoscopiquede la maladie

La calprotectine fécale est le marqueur le plus performant pour mesurer l’activité des MICI et permet dedistinguer une maladie active d’une maladie quiescente avec un seuil optimal de 250 µg/g de selle.L’élévation de la CRP ou de la calprotectine fécale chez un patient en rémission clinique est prédictif d’unerechute dans les mois à venir (3 mois pour la CRP, 6 mois pour la calprotectine).

Lors d’un traitement par biothérapie, la surveillance régulière de la CRP et de la calprotectine fécales estintéressante pour prédire et suivre la réponse au traitement. La chute précoce et profonde de la calprotectinefécale prédit une réponse prolongée chez la majorité des patients sous traitement d’entretien.

La calprotectine fécale représente le marqueur le plus prometteur pour l’évaluation de la cicatrisationmuqueuse.

à titre individuel, la variation des concentrations des biomarqueurs au cours du temps est très certainementun élément d’interprétation plus important qu’un dosage isolé.L’élévation non spécifique de ces biomarqueurs doit souvent faire discuter d’autres explorations avantmodification de la prise en charge de la maladie.

L’endoscopie permet d’évaluer l’étendue des lésions, la gravité des lésions et la cicatrisation muqueuse(cf.). Elle peut montrer aussi les limites de l’évaluation clinique par la persistance, parfois, de lésionsendoscopiques en cas de rémission clinique.

La vidéocapsule endoscopique du grêle est la technique la plus sensible comparée à toutes lestechniques radiologiques pour l’évaluation de l’atteinte du grêle hors iléon terminal mais sa place est encours d’évaluation.

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Les techniques radiologiques (scanner, IRM, échographie) sont complémentaires pour définir l’extension,le site et la gravité extra-luminale de la maladie. Un index de destruction intestinale radiologique (IRM) est encours de définition (Score de Lemann) afin de l’intégrer dans l’évaluation générale de l’activité.

Tableau 1. Graduation de l’activité selon le Consensus ECCO� Activité minime : CDAI entre 150 et 220. HBI entre 4 et 8

y patient en ambulatoire, sans gêne alimentaire, avec une perte de poids < 10 %y absence de signe d’occlusion, d’hyperthermie, de déshydratation, de masse abdominale ou de

sensibilité à la palpationy CRP en général augmentée au-dessus de limite supérieure à la normale

� Activité modérée : CDAI entre 220 et 450. HBI entre 8 et 12y vomissements intermittents ou perte de poids > 10 %y traitement des poussées minimes inefficaces ou masse sensibley absence de signe évident d’occlusiony CRP augmentée au-dessus de limite supérieure à la normale

� Activité sévère : CDAI > 450. HBI > 12y cachexie (IMC < 18 kg/m²) ou occlusion évidente ou abcèsy symptômes persistants malgré un traitement intensify CRP augmentée

£ La mesure de la sévérité de l’activité d’une poussée est nécessairemais souvent insuffisante pour guider la stratégie thérapeutiquequi demande la recherche de facteurs de risque d’évolution péjorativedans les formes non sévèresJusqu’à relativement récemment, c’est essentiellement la mesure de l’activité clinique qui guidait l’escaladeprogressive de nos thérapeutiques selon le degré de sévérité « STEP UP » et on réservait l’utilisationprécoce des anti-TNF aux maladies d’emblée sévères ou compliquées au diagnostic.Actuellement, le concept de rémission profonde associant une rémission clinique et une cicatrisationmuqueuse (CM) endoscopique même partielle devient notre objectif thérapeutique car la CM influencepositivement l’évolution de la maladie par le maintien d’une rémission stable à long terme et diminue le risqued’interventions chirurgicales. Il est surtout établi que la CM est plus souvent obtenue par les traitements anti-TNF quand ils sont utilisés précocement dans les 2 premières années du diagnostic à un stade où il n’existepas de destruction irréversible de la paroi intestinale.Cet objectif de cicatrisation muqueuse nous pousse à aller au-delà des symptômes vers des stratégiesplus agressives précocement avec une fenêtre d’opportunité pour essayer de modifier l’histoire naturellede la MC, dans les 18 premiers mois, soit d’emblée avec désescalade progressive « TOP DOWN » ourapidement progressive « STEP UP accéléré ».Il est donc essentiel de déterminer les facteurs de risques évolutifs péjoratifs vers une maladie « invalidante »afin de limiter les traitements précoces majeurs par anti-TNF à une population ciblée de patients et éviter desurtraiter en inversant la balance bénéfice/risque.

Facteurs de risques d’évolution péjorative justifiant une stratégie thérapeutique précocedes MC modérées par des médicaments capable de modifier l’histoire naturelle de laMC [1] :y atteinte du grêle étendue ou multifocaley atteinte sévère du tube digestif hauty lésions endoscopiques sévères coliques*y les atteintes périnéales (LAP)y atteinte rectale avec ulcérationsy les rares formes fistulisantes et sténosantes d’emblées qui ne correspondent pas à des séquelles

d’une maladie ancienne passée inaperçueL’âge inférieur à 40 ans au diagnostic et le tabagisme étant des facteurs aggravants.

Lors de la coloscopieLa présence de lésions sévères est un facteur prédictif de recours à la chirurgie : le risque de colectomieest multiplié par 5. Un traitement médical plus intensif se justifie.Lésions endoscopiques sévères :

– ulcérations profondes mettant à nu la musculeuse– décollements muqueux– ulcérations profondes occupant plus du tiers de la superficie d’un segment rectocolique (abrasion

muqueuse)

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Facteurs prédictifs de réponses à une biothérapiey maladie récentey maladie colique isoléey absence de chirurgie abdominaley patient jeune et non fumeury lésions ulcérées iléo-coliques à l’endoscopiey absence de sténosey CRP élevéey traitement continuy concentration sanguine d’infliximab élevée

Ayons toujours à l’esprit les résultats de l’essai SONIC [2] montrant les deux facteurs prédictifs favorablesd’utilisation de la stratégie d’optimisation (IFX-AZA) chez les patients naïfs : CRP élevée (0,8 mg/dl) etprésence de lésion endoscopique.Des marqueurs de lésions tissulaires, anatomiques, génétiques et immunologiques sont en cours d’études.

Annexe 1. Index de Harvey-Bradshaw

Valeur

Bien-être général :• bon = 0• moyen = 1• médiocre = 2• mauvais = 3• très mauvais = 4

Douleurs abdominales :• absentes = 0• faibles = 1• moyennes = 2• intenses = 3

Selles liquides : nombre/jour

Masse abdominale :• absente = 0• douteuse = 1• certaine = 2• certaine avec défense

Signes extra-digestifs, fistule, fissure anale : 1 point par item présent

Score (= somme)

Score < 4 : maladie inactiveScore compris entre 4 et 8 : maladie active minime

Score compris entre 8 et 12 : maladie active modéréeScore supérieur à 12 : maladie active sévère

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ISBN: 978-2-35833-092-3EAN: 9782358330923bialec / 02/2015

Réalisée avec le soutien financier de

bialec / 02/2015

Annexe 2. CDAI ou Indice de Best

J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 Somme Coefficientmultiplicateur Total

Nombre de selles liquidesou molles

2

Douleurs abdominales :• absente = 0• légères = 1• moyennes = 2• intenses = 3

2

Bien-être général :• bon = 0• moyen = 2• médiocre = 3• mauvais = 4• très mauvais = 5

2

Autres manifestations :

arthrites ou arthralgies 20

iritis ou uvéite 20

érythème noueux, pyoderma,aphtes buccaux

20

fissures, fistules, abcès analou périrectal

20

autre fistule intestinale 20

fièvre (> 38° dans la semaine) 20

Traitement antidiarrhéïque(lopéramine ou opiacés)• non = 0• oui = 1

30

Masse abdominale :• absente = 0• douteuse = 1• certaine = 5

10

Hématocrite* :• homme : 47 - Hématocrite• femme : 42 - Hématocrite

6

Poids* :100 x (1-Poids actuel/Poidsthéorique)

* Le signe doit être conservé donc ajout ou soustraction.

TOTAL

Un CDAI inférieur à 150 correspond à une maladie de Crohn inactive ; compris entre 150 et 450 à unemaladie de Crohn active ; supérieur à 450 à une maladie de Crohn sévère.

1. Zallot C., Peyrin-Biroulet L. Clinical Risk Factors for Complicated Disease: How Reliable Are They? Dig Dis 2012;30(suppl 3):67-72 2.Colombel J.F. et al. SONIC study group. Infliximab, azathioprine, or combination therapy for Crohn’s disease. N Engl J Med2010 Apr 15;362(15):1383-95.