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Adaptation aux changements climatiques en Afrique Rapport annuel 2009-2010 Des échos du terrain De la Mauritanie à la Guinée, le littoral d’Afrique occidentale profite de remontées d’eaux froides riches en nutriments, ce qui en fait l’une des zones de pêche les plus productives du monde. C’est dire l’importance du secteur de la pêche pour les économies nationales et locales de la région, de même que pour la sécurité alimentaire de ses populations. Hélas, les stocks de poissons sont menacés par les méthodes de pêche dévastatrices, par le déclin de l’écosystème et par la concurrence au sein du secteur. Pire, les changements climatiques font peser une menace supplémentaire sur la ressource halieutique. Dirigé par l’organisation Environnement et développement du tiers monde (ENDA), basée à Dakar, le projet « Adaptation des politiques de pêche aux changements climatiques en Afrique de l’Ouest » (APPECCAO) vise à faire en sorte que les stratégies et politiques de gestion de la pêche tiennent davantage compte des conséquences possibles des changements climatiques et prévoient des solutions d’adaptation adaptées. Il vise également, grâce à la recherche-action, à élargir le dialogue de façon que tous ceux dont le gagne-pain dépend de la pêche (pêcheurs, propriétaires de bateaux, pourvoyeurs et membres du secteur de la transformation) puissent contribuer à une gestion durable de la ressource. Adaptation des politiques de pêche aux changements climatiques en Afrique de l’Ouest Femmes de Joal, au Sénégal, dans la course aux prises matinales. Photo : Djibril Sy, CRDI

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Adaptation aux changements climatiques en Afrique Rapport annuel 2009-2010

Des échos du terrain

De la Mauritanie à la Guinée, le littoral d’Afrique occidentale profite de remontées d’eaux froides riches en nutriments, ce qui en fait l’une des zones de pêche les plus productivesdu monde. C’est dire l’importance du secteur de la pêche pour les économies nationales etlocales de la région, de même que pour la sécurité alimentaire de ses populations. Hélas, lesstocks de poissons sont menacés par les méthodes de pêche dévastatrices, par le déclin del’écosystème et par la concurrence au sein du secteur. Pire, les changements climatiques fontpeser une menace supplémentaire sur la ressource halieutique.

Dirigé par l’organisation Environnement et développement du tiers monde (ENDA), basée à Dakar, le projet « Adaptation des politiquesde pêche aux changements climatiques en Afrique de l’Ouest » (APPECCAO) vise à faire en sorte que les stratégies et politiques de gestion de la pêche tiennent davantage compte des conséquences possibles des changements climatiques et prévoient dessolutions d’adaptation adaptées. Il vise également, grâce à la recherche-action, à élargir le dialogue de façon que tous ceux dont le gagne-pain dépend de la pêche (pêcheurs, propriétaires de bateaux, pourvoyeurs et membres du secteur de la transformation)puissent contribuer à une gestion durable de la ressource.

Adaptation des politiquesde pêche aux changements climatiques

en Afrique de l’Ouest

Femmes de Joal, au Sénégal, dans la course aux prises matinales. Photo : Djibril Sy, CRDI

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Adaptation aux changements climatiques en Afrique Rapport annuel 2009-2010

L’équipe élargit le dialogue afin que les pêcheurs, les propriétaires de bateaux et les membres de la collectivité dont la subsistance repose sur la pêche participent aux discussionssur les programmes et politiques.

L’équipe du projet s’emploie donc à redynamiser le dialogue régionaltouchant les politiques, à analyser les solutions d’adaptation auxchangements climatiques, ainsi qu’à tisser des liens entre lesdécideurs et les utilisateurs de la ressource locaux, nationaux etrégionaux, afin que les stratégies d’adaptation soient mises enœuvre à l’échelle la plus appropriée aux circonstances. La mise enœuvre de la réglementation visant la protection des stocks de pêche,par exemple, est plus efficace à l’échelle locale. Elle exige néanmoinsune coordination et un financement nationaux. De même, la fixationdes quotas de pêche gagne à être faite par les États de la région.Encore faut-il qu’elle se traduise par des réglementations nationales.

Le projet s’appuie sur deux structures régionales préexistantes : le Réseau sur les politiques de pêche en Afrique de l’Ouest (REPAO),d’ENDA, et la Commission sous-régionale des pêches (CSRP).Signalons qu’aucune de ces organisations n’avait encore mis l’accentsur l’adaptation aux changements climatiques avant que le projetne soit lancé.

Dans le cadre du REPAO, des équipes de recherche nationales duCap-Vert, de la Guinée et du Sénégal étudient actuellement lesconséquences probables des changements climatiques et tententd’élaborer des stratégies d’adaptation à la lumière des connaissancesscientifiques et du savoir local. L’équipe de Guinée a déjà présentéun rapport de synthèse sur les répercussions des changementsclimatiques lors de la réunion du comité national de coordinationdes politiques de pêche, qui s’est tenue en novembre 2009 sous la présidence du secrétaire général du ministère de la Pêche et de l’Aquaculture. Une réunion du même ordre doit avoir lieu auCap-Vert d’ici la fin de 2010.

Les directeurs nationaux des pêches de septpays se voient exposer les conséquencespotentielles des changements climatiques.

Au Sénégal, enfin, l’Alliance pour une pêche durable, conjointementmise sur pied par la direction nationale des pêches maritimes etd’autres organisations dont le REPAO, aura pour tâche de réexaminerles politiques de pêche en fonction des changements climatiques.

Marie Yomané et ses enfants recueillent des coquillages dans unlagon auquel on a accordé un mois de « répit » afin d'assurer ladurabilité des pêches. Photo : Djibril Sy, CRDI

MauritanieCap-Vert

SénégalGambie

Guinée-Bissau Guinée

Sierra Leone

Figure 1 : La recherche vise la prise en compte deconnaissances sur les changements climatiques dans lesefforts de coordination des politiques de pêche du Cap-Vert,de la Gambie, de la Guinée, de la Guinée-Bissau, de laMauritanie, du Sénégal et de la Sierra Leone.

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Adaptation aux changements climatiques en Afrique Rapport annuel 2009-2010

La CSRP est l’organisme régional chargé d’harmoniser les politiquesde pêche de la région. Elle compte parmi ses membres les directeursnationaux des pêches respectives du Cap-Vert, de la Gambie, de laGuinée, de la Guinée-Bissau, de la Mauritanie, du Sénégal et de laSierra Leone. En janvier 2009, l’équipe du projet a organisé uneréunion visant à créer, au sein de la CSRP, un organe consultatifrégional réunissant des représentants d’organisations professionnelleset d’ONG actives dans le secteur des pêches régional. Cet organeconsultatif a pour tâche de soutenir l’action de la CSRP enrenforçant la cohérence des politiques de pêche par la prise encompte de divers facteurs, dont les changements climatiques.

« Ce projet vise à influer vraiment sur lespolitiques et non à produire des rapports qui finiront sur les rayons des bibliothèques. » – Cheikh Guèye, chargé de projet

En février 2010, l’ensemble des intervenants ont passé en revueles études de synthèse réalisées par les équipes nationales et parl’équipe de coordination. Cet exercice pourrait se révéler un pasimportant vers l’harmonisation des politiques régionales ainsi quevers la prise en compte des observations des intervenants desdivers pays, des connaissances scientifiques et du savoir local.

À l’afficheCheike Guèye, coordonnateur de projet, Adaptation des politiques de pêche aux changements climatiques en Afrique de l’Ouest (APPECCAO)

Le chargé de projet Cheikh Guèye s’intéressedepuis longtemps au secteur de la pêche.

« Dès 1990, dans le cadre de mes études demaîtrise, mes recherches m’ont conduit non loind’un des sites actuels du projet APPECCAO :Djifère, petite bande de terre située au large de lacôte sénégalaise, qui abrite un port de pêche. Jeme rappelle avoir vu, lors d’une sortie en pirogue,se faire capturer un poisson presque aussi grosque moi. De nos jours, avec l’érosion de ses côtes,Djifère n’est plus qu’une île minuscule. Une partiedes terres est totalement submergée. »

M. Guèye espère que les recherchées menées dans la cadre du projet APPECCAO conduirontà des mesures concrètes visant à protéger le secteurdes pêches des conséquences des changementsclimatiques, encore mal connues.

« La participation des directeurs nationaux ànotre projet est essentielle à la mise en place de politiques nationales. J’espère que la CSRPprendra en compte les changements climatiquesdans son prochain plan d’action. Si tel est le cas,notre projet aura concrètement permis d’influersur les politiques.

Nous nous étions déjà penchés sur d’autresproblèmes, comme la pêche illégale ou lasurexploitation, mais l’étude précise desconséquences des changements climatiques est quelque chose de relativement nouveau, tout comme les approches déployées à cette fin. Ce projet vise à influer vraiment sur lespolitiques, pas à produire des rapports quifiniront sur les rayons des bibliothèques. »

La subsistance du maître-charpentier Pape Diop repose sur la pêche.Le bateau de 23 mètres qu'il est en train de bâtir sera vendu environ4 millions de francs CFA ou 8 000 $ CA. Photo : Djibril Sy, CRDI

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Les participants à la réunion régionale ont été mis au fait des diversesmenaces que les changements climatiques font peser sur la pêche.Citons l’élévation du niveau des océans, la fréquence et l’intensitécroissantes des tempêtes (qui menacent les infrastructures portuaireset de pêche), le bouleversement de la composition des stocks depoissons, ainsi que l’acidification de l’eau de mer susceptible demettre en péril la formation de la carapace des crustacés. Lesintervenants ont convenu que la coordination des politiques par lesÉtats membres est insuffisante et que les lois destinées à contrerles pratiques de pêche non viables à long terme ne sont pasappliquées. Les chercheurs ont discuté d’un certain nombred’initiatives internationales, régionales et nationales destinées àpromouvoir des pratiques et des politiques de pêches responsables,y compris celles coordonnées par le Nouveau Partenariat pour ledéveloppement de l’Afrique (NEPAD), par de grandes ONG axéessur la conservation comme l’Union internationale pour la conservationde la nature ou encore le Fonds mondial pour la nature (WWF),ainsi que par des organismes des Nations Unies comme l’UNESCO.

Tant les auteurs d’exposés que les participants ont convenu de lanécessité de renforcer les politiques et les institutions pour assurerune adaptation aux changements climatiques. Les participants ontpar ailleurs demandé que les chercheurs se penchent sur la pêchecontinentale et sur la menace que constitue la salinité accrue deseaux pour la pêche. Ils ont également souhaité en savoir plus surl’aquaculture en tant que solution susceptible d’alléger la pressionsur les stocks d’espèces sauvages.

À l’échelle locale, des discussions stratégiques sont en cours enneuf endroits au Cap-Vert, en Guinée et au Sénégal entre desorganisations représentatives des intervenants directement concernéspar la pêche. Le but : prêter l’oreille aux points de vue de ceux quisont exposés de plein fouet aux conséquences des changementsclimatiques. Les conclusions de ces discussions à l’échelle locale,de même que des enquêtes à venir sur le savoir local, serontabordées dans le cadre de rencontres régionales à venir.

Les pêches sont menacées par l’élévation du niveau des océans, la fréquence et l’intensité croissantes des tempêtes, le bouleversement de la composition des stocks de poissons et l’acidification de l’eau de mer.

En plus de répertorier les preuves scientifiques et le savoir localainsi que de favoriser les discussions à plusieurs échelons, leschercheurs commenceront cette année à élaborer des scénarios demise en œuvre de diverses solutions d’adaptation, sur lesquels lesgroupes de discussion se pencheront ultérieurement. Ces scénariosont pour but d’aider les décideurs et les représentants descollectivités à déterminer les solutions les plus aptes à préserver le secteur, et ce, en tentant de prévoir les conséquences possiblesdes divers choix stratégiques possibles malgré les incertitudes liées aux changements climatiques.

Le projet « Adaptation des politiques de pêche aux changements climatiques en Afrique de l’Ouest » témoigne des progrèsaccomplis dans le quatrième domaine d’incidences du programme ACCA : L’élaboration des politiques s’appuie sur destravaux scientifiques de qualité portant sur la vulnérabilité et l’adaptation, et sur l’expérience des démunis en milieux rural et urbain.

Karim Abdou Sall, président de l’Association des jeunes pêcheurs deJoal, participe au dialogue régional sur les politiques de pêche dansle cadre du projet APPECCAO. Il prend également part à des initiativesde protection marine, notamment la plantation de mangroves et depêche durable. Photo : Djibril Sy, CRDI