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ÉTUDE Département thématique Politiques externes PROCESSUS DE DÉMOCRATISATION DANS LE MONDE ARABE: SOCIÉTÉ CIVILE ET ÉLECTIONS POLITIQUES AFFAIRES ÉTRANGÈRES 2006 FR

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ÉTUDE

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PROCESSUS DE DÉMOCRATISATION DANS LE MONDE ARABE:

SOCIÉTÉ CIVILE ET ÉLECTIONS POLITIQUES

AFFAIRES ÉTRANGÈRES

2006 FR

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DIRECTION GENERALE POUR LES POLITIQUES EXTERNES DE L'UNION DIRECTION B

- DEPARTEMENT THEMATIQUE -

ETUDE EXTERNE

Processus de démocratisation dans le monde arabe:

Société civile et élections politiques Contenu: Cette étude analyse les processus de réforme en cours dans le monde arabe à partir des élections en Égypte et au Maroc. Les dernières élections parlementaires dans ces deux pays indiquent que les consultations électorales ne sont ni une simple façade démocratique, ni un moment fondateur de la démocratie. Davantage, elles apparaissent comme partie intégrante de régimes autoritaires en transformation. Moment de réforme politique dont l’enjeu ne se limite pas au seul résultat, l’élection déclenche des dynamiques de mobilisation autour des urnes, dans la rue et dans la presse. Sa tenue affecte les acteurs qui participent directement à la compétition électorale (parti politiques, administration, électorat), mais aussi ceux qui participent à son observation et à la définition des règles du jeu politique. Les ONG de défense des droits politiques, certains mouvements sociaux et les juges structurent les processus électoraux en revendiquant l’application des normes démocratiques. Pour ces acteurs, les élections sont un point d’ancrage de leur activité. Les différents programmes d’aide de la communauté internationale, dont le Processus de Barcelone est un précurseur, constituent pour eux un cadre de référence. Mais les élections dans le monde arabe restent largement contrôlées par les coalitions au pouvoir. En même temps que les élections apparaissent plus pluralistes, le chef d’État préserve ses prérogatives, son emprise sur les processus politiques, assurant la continuité du régime. La modification des règles du jeu d’une élection à l’autre et l’investissement de multiples répertoires d’action qui ne se résument pas à la fraude sont les principaux obstacles aux challengers du pouvoir et aux acteurs de la société civile. Les entrepreneurs qui se présentent en tant que candidats « indépendants » profitent des élections « libéralisées ». Les partis d’opposition traditionnels sont les grands perdants de ces confrontations où l’obtention d’un siège coûte de plus en plus cher. La pluralisation par fragmentation est l’un des principaux résultats des élections dans le monde arabe, alors que le changement au niveau du chef de l’État en est exclu. Ceci n’empêche pas les acteurs de la société civile de faire du « changement » l’une de leurs revendications principales.

EP/ExPol/B/2005/23 10.2.2006 PE 381.376 FR

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Toute opinion exprimée est celle de l'auteur et ne reflète pas nécessairement la position du Parlement européen. Le présent document est publié dans les langues suivantes: Français Auteurs: Florian Kohstall et Frédéric Vairel Manuscrit achevé en février 2006 Pour obtenir des copies, veuillez vous adresser par: E-mail: [email protected] Bruxelles, Parlement européen, 20 avril 2006

La reproduction et la traduction à des fins non commerciales sont autorisées, moyennant la mention de la source et à condition notifier au préalable l'éditeur et d'envoyer au préalable une copie de la publication à l'éditeur.

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Introduction Les élections sont une pratique récurrente dans le monde arabe. De façon anecdotique, on pourrait dire qu’elles sont un peu comme le Coca-Cola : il n’y a pas de pays qui n’en organise pas. En Tunisie, le président est régulièrement plébiscité à 90 % plus x. La Syrie organise des élections parlementaires et un référendum présidentiel tout en se transformant en république héréditaire. En Arabie Saoudite, les premières élections municipales se sont tenues le 10 février 2005. Pour ses promoteurs américains, le calendrier électoral irakien a vocation à sortir le pays de la guerre. Enfin, on se rappelle des élections algériennes de 1990-1991 et de 1997 : les premières conduisirent le pays dans la guerre civile et les deuxièmes étaient censées mettre fin à cette même crise (Hachemaoui, 2003).

Dans la littérature savante, les élections sont souvent considérées comme « fondatrices » de l’ordre démocratique (Bratton, van de Walle, 1997). Cela se retrouve aussi dans l’attention que leur porte le projet de Greater Middle East1. L’émergence de la société civile et la tenue d’élections, quel que soit leur degré de liberté, de pluralisme ou de régularité, n’ont cependant pas conduit à la démocratie dans ces pays. L’une et les autres s’insèrent dans les recompositions des autoritarismes de la région.

Cette étude ne sera pas directement guidée par la question « les régimes arabes et musulmans se démocratisent-ils ? ». Indépendamment de ses implications téléologiques, ceci risquerait de nous ramener à des interrogations en termes de « trop plein » ou de « manque » (Salamé, 1991). Il s’agira plutôt de réfléchir aux implications des élections pour leurs différents acteurs et plus particulièrement pour ceux de la « société civile ». Sans que les élections engagent les mécanismes de dévolution du pouvoir ou son détenteur, elles sont une dimension importante des luttes politiques. Elles ne se déroulent pas nécessairement dans une conjoncture d’incertitude quant à leur résultat, mais ouvrent la possibilité d’incertitudes localisées et sectorielles. La fraude, l’achat de voix et la violence n’en épuisent pas les sens et enjeux2. À ce propos, ‘il est aussi très important de montrer, ou de rappeler que ces imperfections sont des éléments constitutifs permanents du fonctionnement des démocraties électorales occidentales et des régimes apparentés’ (Quantin, 1998).

Les élections ne sont pas une simple façade démocratique, mais participent à la réalité des régimes autoritaires en transformation. Ainsi dans les trois pays du Maghreb, les élections permettent une circulation des élites, le plébiscite des hommes, la mise en scène des protagonistes du jeu politique et des projets politiques en concurrence (Tozy, 2001). Outre ces pratiques qui participent à la consolidation des régimes, les élections sont le moment par excellence de la réforme politique. Pour nombre de leurs acteurs, elles sont aussi un enjeu de démocratisation, même si elles ne constituent pas le moment de l’avènement de la démocratie.

La démonstration est conduite à partir de l’Égypte et du Maroc, deux poids lourds démographiques de la région (Égypte : 77,5 millions d’habitants ; Maroc : 33 millions d’habitants3). Ils disposent d’une tradition électorale ancienne et régulière. Ainsi l’Égypte a connu des élections parlementaires tous les cinq ans depuis 1990. Au Maroc, les élections législatives se sont déroulées en 1993, 1997 et 2002. Ces deux cas se prêtent d’autant plus à une mise en lumière des processus électoraux et du rôle qu’y joue la société civile que les

1 Le « Greater Middle East Initiative » des États-Unis comprend une « Free Election Initiative » qui se compose d’une assistance technique visant au renforcement de l’autonomie des commissions électorales et concernant les procédures d’enregistrement des électeurs : http://www.al-bab.com/arab/docs/international/gmep2004.htm#Promoting 2 Sur des terrains différents, l’idée est défendue dans Gamblin (coord.), 1997 ; Quantin, 2004 ; Bennani-Chraïbi et al., 2004. 3 CIA World Factbook, http://www.cia.gov/cia/publications/factbook/index.html

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compétitions électorales y sont d’une incertitude supérieure à celle que l’on peut rencontrer notamment en Syrie, en Tunisie ou en Libye. Les deux pays ont entamé un processus de libéralisation économique et politique depuis la fin des années soixante-dix. Les luttes autour de la réforme politique, indépendamment de leur contenu ou de leur résultat, s’y formulent en termes de « transition démocratique » ou de « démocratisation ». La société civile dispose d’une relative « épaisseur » dans les deux pays. Enfin, le Maroc et l’Égypte sont largement ouverts sur leur environnement international, ce dont témoigne leur participation au processus de Barcelone et les accords de libre-échange conclus avec les États-Unis ou avec l’Union européenne (UE) pour le Maroc et Israël pour l’Égypte1.

Dans sa première partie, l’étude analyse les mécanismes et les normes qui régissent les processus électoraux. Partant du constat que les règles du jeu électoral sont ajustées de façon permanente, la deuxième partie analyse la conséquence de cette situation pour les acteurs. Une des dynamiques principales est l’érosion du système de partis et l’émergence d’acteurs nouveaux. La troisième partie met en lumière le rôle des acteurs qui ne participent pas directement à la compétition, mais qui s’investissent dans la préparation et le déroulement des élections. Il s’agit là des composantes de la « société civile » et des acteurs internationaux.

1. Mécanismes et normes : les élections comme moment de réforme politique

Les systèmes électoraux varient largement entre les différents pays du monde arabe. De façon générale, les régimes présidentiels comme l’Égypte, l’Algérie, la Tunisie, la Syrie, le Liban, l’Irak et la Palestine disposent de systèmes électoraux qui incluent le poste du sommet de l’État par référendum ou élections présidentielles. Les monarchies, les sultanats et les émirats (Maroc, Jordanie, Arabie Saoudite, Qatar, Oman, Émirats Arabes Unis) soustraient le chef de l’État au choix des électeurs. Le contraste est cependant marginal compte tenu des contraintes qui enserrent les élections présidentielles2, quand elles ne portent pas sur un seul candidat (Libye, Syrie et Égypte jusqu’en 2005). Quelle que soit la forme du régime, l’alternance biologique s’impose comme voie de changement de la personne du détenteur du pouvoir. L’enjeu de la compétition électorale au niveau national réside plutôt dans les élections législatives.

Le Parlement, bien que dominé par le chef de l’État, constitue une pièce de la mosaïque constitutionnelle. En Égypte, le Parti National Démocratique (PND) au pouvoir devait, jusqu’au récent amendement de l’article 76 de la Constitution, s’assurer deux tiers des sièges pour contrôler le processus de nomination du candidat au référendum présidentiel. Outre ce contrôle de nature procédurale, le chef de l’État est forcé - malgré ses prérogatives étendues - de tenir compte de la composition du Parlement dans la formation du gouvernement et la mise en œuvre des politiques publiques. Ainsi, à la différence des régimes démocratiques, l’enjeu des élections n’est pas le changement de régime gouvernemental mais la recomposition d’une ou plusieurs pièces de la mosaïque constitutionnelle.

1.1. Élections parlementaires et réforme constitutionnelle

Les dernières expériences électorales en Égypte et au Maroc montrent qu’il y a un lien fort entre élection et question constitutionnelle. L’organisation de consultations plus ouvertes est précédée par une redéfinition des compétences gouvernementales et de la position du chef de l’État. Au

1 Bien que certains autres pays de la zone possèdent certains de ces traits, l’Égypte et le Maroc nous semblent les seuls qui les combinent. 2 C’est le cas du président de l’Autorité palestinienne, des présidents algérien, tunisien, libanais, yéménite et du président égyptien depuis septembre 2005.

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Maroc, les élections parlementaires de 1993 et 1997 ont été organisées après les amendements constitutionnels de 1992 et 1996. Le dernier amendement constitutionnel satisfaisait une revendication de longue date de l’opposition : l’élection de la chambre des Représentants au suffrage universel. Dans le même temps, la réforme introduisait avec la chambre haute un verrou à l’action de la chambre basse. Elle transformait le tiers auparavant élu au suffrage indirect par les collectivités locales et les chambres professionnelles régionales en chambre à part entière. Bénéficiant de prérogatives politiques sensiblement égales à la première, cette seconde chambre conservatrice rendait « l'alternance » possible, puisque anodine au regard du partage du pouvoir1. En acceptant cette modification de la Constitution, les principaux partis de l’opposition issus du Mouvement national (Union Socialiste des Forces Populaires/USFP, Istiqlal) entérinaient aussi l’article 19 de la Constitution qui institue la suprématie du roi sur l’ensemble du jeu politique. Ces deux modifications ont constitué des préalables aux élections de 1997. Elles ouvraient la voie à la victoire des anciens partis de l’opposition qui ont ensuite formé un gouvernement « d’alternance » sous tutelle royale.

En Égypte, la réforme constitutionnelle était au centre du débat en vue de la préparation des élections de novembre et décembre 2005. Jusqu’à janvier 2005, les partis de l’opposition demandaient sans succès l’amendement de la Constitution comme préalable à l’organisation d’élections libres. C’est pourtant le président Hosni Moubarak qui a pris le 26 février 2005 l’initiative de proposer un amendement de l’article 76 de la Constitution, permettant l’organisation des premières élections présidentielles pluralistes en septembre 2005. L’abandon du système de candidature unique à la présidentielle était un préalable à l’organisation des élections parlementaires : le PND au pouvoir n’était plus contraint de s’assurer une majorité de deux tiers au Parlement2 pour reconduire le président Moubarak à la tête du pays.

La préparation des élections dans les deux pays démontre le lien entre réforme politique et élections dans le monde arabe. L’organisation des élections est précédée par l’aménagement du cadre constitutionnel dont le pouvoir est le principal maître d’œuvre. Cet aménagement est présenté dans le débat public comme un enjeu de réforme et de démocratisation. Le régime satisfait quelques revendications de l’opposition - organisation de l’élection présidentielle avec plusieurs candidats en Égypte ou élection de la chambre basse du Parlement au suffrage universel au Maroc - tout en introduisant d’autres verrous constitutionnels. L’objectif et le résultat de cette réforme ne sont pas seulement une pluralisation timide du processus politique. C’est aussi le renforcement de la position du chef d’État par la subordination des futurs élus et du Parlement, avant l’ouverture du jeu électoral. Ainsi, la pluralisation porte moins sur la compétition pour le partage du pouvoir que pour l’accès aux postes.

1.2. Ajustement ad hoc des règles du jeu Les normes qui régissent les élections ne sont pas seulement ajustées avant, mais aussi pendant et après leur déroulement. Chaque processus électoral est organisé selon des modalités différentes et investi de nombreux répertoires d’action souvent localisés. Bien qu’organisées au cours de la même année, élections présidentielles et parlementaires en Égypte se distinguent. La Commission pour l’organisation des élections présidentielles, présidée par Mamduh Maraï, a

1 Pour l’heure cette modification a produit une perception différenciée des deux chambres du Parlement marocain, largement due à la présence du groupe PJD (Parti de la Justice et du Développement, islamiste) à la première chambre. Il reste que le Parlement s’est distingué par la constitution de commissions d’enquête parlementaires au sujet de malversations au sein du Crédit Immobilier et Hôtelier (CIH) et de la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, créées en 2001 et composées de membres de deux chambres. 2 Pour les détails du processus de nomination cf. « NDP : The Amendment to Article 76 of the Constitution », à consulter sur : http://www.ndp.org.eg/modifications/THE_AMENDMENT_TO_ARTICLE_76%20.htm

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refusé la revendication du Club des juges d’organiser les élections sur plusieurs jours pour garantir la supervision de l’ensemble du processus électoral. Les trois tours des législatives permirent aussi bien le contrôle par les juges que le contrôle du degré d’ouverture de la compétition en fonction des résultats des tours précédents. Au Maroc, les élections de 1993 et 1997 ont eu pour préalable de longues négociations entre l’opposition de Sa Majesté et le ministère de l’Intérieur, Driss Basri, au sein de Commissions d’arbitrage autour du degré de transparence des opérations (organisation du scrutin et de la carte politique). Malgré les proclamations de transparence et de détente politique leur fonctionnement ne s’écarta pas des scrutins précédents.

En Égypte, l’accent a également été mis sur la « démocratisation » des législatives qui devaient se dérouler dans une « transparence totale » (Al Gumhurriyya, 25.11.2005) garantie par des urnes transparentes, la supervision des juges, l’accès des observateurs des ONG aux bureaux de vote et la « neutralité » des forces de sécurité. Reste à se demander pourquoi les mêmes modalités ne furent pas appliquées lors du référendum sur l’amendement constitutionnel organisé en mai 2005 et lors des élections présidentielles. Une trop grande publicité de l’utilisation de tout ‘le menu de la manipulation’ (Schedler, 2002) : gerrymandering, trucage du taux de participation, falsification des listes électorales, bourrage des urnes et irrégularités lors du décompte des voix, aurait visiblement donné une mauvaise image de l’élection du chef de l’État. Dans le cas des élections parlementaires, une telle « visibilité » était apparemment moins nuisible à l’image internationale du régime.

L’ajustement ad hoc n’est pas seulement conduit par le haut, mais aussi par le bas. D’un processus électoral à l’autre, les partis politiques font varier leurs stratégies de la participation au boycott, de la coalition avec les concurrents au recours à la violence. La « transparence » des dernières élections parlementaires en Égypte s’est dégradée d’un tour à l’autre. L’organisation en trois étapes a permis des ajustements tactiques des répertoires d’action : accord tacite entre rivaux et achat de votes lors de la première, blocage des bureaux de vote par les partisans des candidats à la seconde et intervention des forces de sécurité lors de la troisième.

1.3. Absence de programmes politiques

De façon paradoxale, l’absence de programmes politiques contraste avec le fait que les élections sont un moment par excellence de la réforme politique. Les grands chantiers de la politique économique et sociale sont pratiquement absents de la campagne électorale. Les préparatifs des élections présidentielles en Égypte en 2005 ont remis sur l’agenda les questions suivantes : modalités de l’organisation et de la supervision des élections, levée de l’état d’urgence, loi sur les partis politiques et loi sur les libertés politiques. Au Maroc, les consultations entre le Palais et les partis de l’opposition ont porté sur l’amendement constitutionnel en vue des élections parlementaires de 1997. Le débat sur la réforme politique et sur les règles du jeu, présenté par tous les acteurs comme un préalable à l’élection, monopolise le discours des leaders politiques. Les sujets économiques, chômage et inflation, sont relégués au second rang.

Durant la campagne électorale et une fois les règles du jeu définies, l’absence de véritables programmes est compensée par le recours à la « question identitaire ». Qu’un candidat à l’élection présidentielle égyptienne de 2005 prévoie le port du tarbouche pour les Égyptiens est certainement un exemple extrême, mais illustratif. Le président Moubarak mettait, quant à lui, l’accent sur ses mérites pour garantir la stabilité politique et assurer le rôle de l’Égypte dans la région au cours des vingt-quatre dernières années. Noman Gomma, le candidat du parti Neo-Wafd faisait valoir la légalité historique du Wafd comme parti du nationalisme sécularisé égyptien. Ayman Nour, le candidat du parti El Ghad (Demain) jouait sur sa jeunesse pour

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convaincre l’électorat de la nécessité de remplacer la vielle garde au pouvoir. Lors des législatives, la campagne électorale est souvent plus diversifiée, à partir d’une série de compétitions localisées. Cependant, les campagnes nationales se réduisent à quelques slogans peu programmatiques comme « Nouvelle Pensée » (PND) ou « L’islam est la solution » (Frères musulmans). Au Maroc, le Parti de la Justice et du Développement (PJD), dirigé par Saad Eddin el Othmani, était le seul à présenter un programme politique lors des législatives de 2002, certes centré sur l’islamité, mais pas seulement. Ayant abandonné toute revendication constitutionnelle, USFP et Istiqlal se contentaient de défendre leur bilan au gouvernement « d’alternance ».

Les élections sont surtout un moment de débat sur les règles du jeu et les fondements du régime et, dans une moindre mesure, sur les sujets d’intérêt public1. L’organisation des élections est un moment privilégié pour mettre la question de la réforme politique sur l’agenda et rallier les différents acteurs autour de la question de la démocratisation. Mais cette réforme - introduction de mécanismes plus démocratiques et le discours sur la « transparence » des élections - s’accompagnent dans la pratique de verrous autoritaires. L’organisation d’élections pluralistes semble ainsi dépendre d’une consolidation de la position du chef d’État et de ses prérogatives.

L’importance du débat sur la réforme politique et l’ajustement ad hoc lors de chaque élection soulignent l’instabilité du cadre institutionnel. Malgré une tradition électorale relativement longue et régulière au Maroc et en Égypte, les mécanismes sont ajustés lors de chaque élection. Les élections ne sont jamais une simple routine. L’intensité des débats provient moins d’une compétition autour des programmes politiques que des controverses autour des règles du jeu. Si les élections en contexte démocratique ont pour caractéristique constitutive l’incertitude des résultats, la caractéristique principale des élections dans le monde arabe est l’incertitude des règles du jeu.

Pour les acteurs entrant directement en compétition avec les tenants du régime, l’ajustement permanent des règles du jeu fait figure d’obstacle. Dans ces conditions, une véritable stratégie est difficile à élaborer. Le débat autour de la réforme politique est aussi une occasion de mobilisation pour les acteurs qui ne participent pas directement à l’élection mais entendent oeuvrer en faveur de l’ajustement des règles du jeu aux canons démocratiques (« société civile » et acteurs internationaux).

2. Le jeu d’une compétition limitée : l’érosion du système des partis politiques Malgré le contrôle que le pouvoir exerce sur l’organisation des élections et la relative prévisibilité de leurs résultats, elles n’en demeurent pas moins un terrain d’action privilégié pour nombre d’acteurs, pas seulement les partis politiques. Les élections portent toujours une promesse de changement même si cela est formulé en termes de modification des règles du jeu (plus de liberté, moins de fraude, moins de violence) plus que de changement de gouvernement. En Égypte comme au Maroc, elles sont l’occasion pour les partis de l’opposition d’affirmer leur participation ou leur boycott du jeu politique et de mettre en question les règles du jeu. De façon plus récente, ce terrain d’action est aussi celui qui rend visible l’affaiblissement des partis, acteurs traditionnels de l’élection, au profit d’autres acteurs : entrepreneurs et candidats « indépendants », juges, ONG ou acteurs internationaux. Ainsi, dynamique de pluralisation des configurations électorales et érosion des systèmes de partis vont de pair.

1 On se rappelle aussi de la campagne présidentielle en Palestine où M. Abass se présentait comme l’homme qui poursuivra l’œuvre d’Arafat alors que son concurrent M. Barghouti faisait campagne contre la corruption au sein de l’Autorité Palestinienne.

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2.1. La coalition au pouvoir : fragmentation et stratégie de cooptation Les régimes dans le monde arabe se sont longtemps assuré du soutien des parlements et autres institutions étatiques par un parti dominant, ainsi du Néo-Destour tunisien et de son remplaçant le Rassemblement Constitutionnel et Démocratique, du Front de Libération Nationale algérien, du Congrès Général du Peuple au Yémen, du PND en Égypte ou une coalition de plusieurs partis initiés par le pouvoir (partis de « l’administration » au Maroc). Ces groupements politiques grâce à leurs liens étroits avec le gouvernement sont souvent aussi les bénéficiaires des modalités d’organisation des élections. La probabilité de sortir perdant de la compétition électorale est relativement faible, mais la pluralisation limitée du processus électoral a largement contribué à la transformation interne et la fragmentation de ces coalitions. Cependant, en Égypte et au Maroc elles ont su se transformer et intégrer des catégories nouvelles d’acteurs comme les entrepreneurs.

Même si le PND n’a jamais perdu sa majorité de deux tiers de sièges au Parlement, il est sorti affaibli des dernières élections parlementaires. Seulement 175 candidats sur 444 nommés par le PND ont pu gagner un siège en 2000 pour 213 « indépendants » qui ont rejoint les rangs du parti après les élections. En 2005, les 145 sièges obtenus par les candidats nécessitent d’être complétés par 166 « indépendants ». Le talon d’Achille de ce parti est son faible ancrage sur le terrain et son processus de nomination des candidats. Les élections déclenchent les luttes entre candidats investis par le parti et candidats « indépendants », confrontations qui se déroulent jusque dans la rue lors des élections.

Les candidats « indépendants » sont en grande partie des entrepreneurs qui cherchent leur ‘entrée en politique’ (Catusse, 1999). Favorisés par le système des listes ouvertes, ils ont massivement investi dans les élections présidentielles et parlementaires en Égypte. Au Maroc, les entrepreneurs rallient les partis politiques sur un mode instrumental lors des élections de 1997 et 2002. De l’achat de leur candidature à l’achat des votes en passant par le financement des campagnes électorales et l’investissement dans les circonscriptions, ils ont contribué à l’une des évolutions les plus significatives de la compétition électorale : la marchandisation du vote (Banégas, 2003). Elle est ainsi décrite par l’une des principales organisation marocaine de droits de l’homme : ‘L'achat des voix, facilité par le mode de scrutin et par les bulletins multiples de vote, s'est déroulé souvent non loin des bureaux de vote, dans les cafés, des véhicules, des boutiques et parfois même des mosquées. L'opération a parfois été exécutée par de véritables réseaux ou des courtiers ayant acquis un certain professionnalisme ‘ (OMDH, 1993). Cette marchandisation est un des indices du passage d’une compétition fortement encadrée par l’État a à une compétition dérégulée. L’État s’est déchargé de l’obligation de garantir la régularité du jeu. Au Maroc comme en Égypte, les forces de sécurité font preuve d’une neutralité passive. Si par le passé elles intervenaient massivement dans la compétition électorale en empêchant les électeurs d’accéder aux urnes, elles laissent aujourd’hui passer l’achat de voix (au Maroc et en Égypte) le harcèlement souvent violent des électeurs par les supporteurs des candidats, et les actes de violence commis contre les juges, les observateurs des ONG et les journalistes (en Égypte).

Littérature transitologique et « légende libérale » se rejoignent pour assimiler les entrepreneurs à une bourgeoisie qui pousserait en faveur des réformes. (Haggard, Kaufman, 1992). L’investissement des élections par les entrepreneurs démontre qu’ils ne constituent en aucun cas une classe sociale autonome, mais un groupe qui entretient des liens clientélistes forts avec le gouvernement et l’État. Se présenter aux élections est une occasion de renouveler des liens et de consolider des réseaux de soutien. Gagner un siège au Parlement ne garantit pas seulement l’accès aux cercles du pouvoir, mais offre la possibilité d’influencer la législation et de

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l’adapter à ses besoins1. Pour assurer sa majorité au Parlement, le PND bénéficie à son tour de la pratique illicite de permettre aux candidats « indépendants » de rejoindre le parti après les élections. Il assure ainsi sa mainmise sur le jeu politique tout en éclatant en tant qu’organisation partisane.

Du point de vue de l’intégration de nouveaux acteurs à la coalition au pouvoir, le Maroc a fait preuve d’une plus grande flexibilité par rapport au régime de parti dominant en Égypte. En installant le gouvernement « d’alternance », le roi a remplacé la coalition des partis de « l’administration » par une coalition de partis de l’ancienne opposition. Ce « transformisme » a démontré la facilité de l’intégration (dépolitisation) de ces partis dans les cercles dirigeants. Il trouve sa source dans le fait que la participation au jeu politique et à la compétition électorale nécessite d’accepter que le roi est le seul détenteur du pouvoir.

L’organisation d’élections pluralisées va de pair avec la mise en question du système de parti dominant (Égypte) ou du système de contrôle du gouvernement par les « partis de l’administration » (Maroc). Mais la pluralisation du jeu électoral est loin de conduire à la fin de ces systèmes. La recomposition des régimes autoritaires passe plutôt par des stratégies d’intégration de groupes nouveaux - sous tutelle du parti dominant ou sous tutelle royale - tout en acceptant une fragmentation croissante des coalitions.

2.2. Les islamistes : participer aux institutions Parmi les partis politiques légaux ou illégaux2, les islamistes restent ces dernières années les seuls challengeurs des coalitions au pouvoir. Aux élections parlementaires égyptiennes de 2005, les Frères musulmans ont augmenté le nombre de leurs sièges de 17 à 88. Au Maroc, lors des élections de 2002, le PJD a obtenu 42 sièges (contre 9 sièges en 1997) et s’est également affirmé comme première force de l’opposition au Parlement. Le succès des candidats islamistes est d’autant plus significatif que ces partis ont adopté une stratégie d’autolimitation. Les Frères musulmans ont présenté uniquement 150 candidats sur les 444 sièges au Parlement. Au Maroc, le PJD n’a présenté des candidats que dans 56 des 91 circonscriptions. Leur succès est par conséquent plus important que celui des partis de la coalition au pouvoir.

En comparaison avec les autres groupes, les islamistes ont prouvé l’efficacité de leur mobilisation électorale. Elle s’appuie sur un ancrage au terrain fort, mais elle est également due au fait qu’un grand nombre d’électeurs considère les islamistes comme seule option de changement. Les Frères musulmans ne doivent pas leur succès à l’articulation d’un programme politique cohérent qui sera en tout cas difficile à mettre en œuvre en tant qu’opposition dans un Parlement où le travail législatif est secondaire. Ils le doivent plutôt au fait de se présenter comme alternative authentique ou instance de contrôle aux dérives du régime en place3. Dans ce cadre-là, les candidats islamistes se présentent également comme une mouvance pro démocratique, garante des élections libres. Ainsi, le 3 mars 2005, le Guide spirituel de l’organisation, Mohammed Mehdi Akef, annonçait l’initiative des Frères pour la réforme et demandait au gouvernement de prendre le chemin de la démocratisation. Les Frères

1 Ahmed Ezz, détenteur du monopole du fer en Égypte est considéré comme un des bénéficiaire de la réforme de la loi sur les monopoles (Al-Ahram Weekly, 27.1.2005 - 2.2.2005). 2 Dans plusieurs pays de la zone, les partis se réclamant de l’islam sont interdits : Algérie, Tunisie, Libye, Syrie. En Égypte, les Frères musulmans sont interdits, mais tolérés. Ils peuvent présenter des candidats « indépendants » aux élections. Au Maroc, en Jordanie, au Liban, en Irak, au Yémen ou en Palestine, les partis islamistes sont autorisés. 3 Les Frères musulmans ont notamment mobilisé leur électorat en se posant en garants de la régularité de l’élection face au PND. Leur slogan « L’islam est la solution » n’est pas seulement associé à la création d’un gouvernement islamique, mais aussi parce qu’ils estiment être le seul groupe résistant à l’influence étrangère.

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musulmans, bien qu’interdits de se constituer en parti politique1, et le PJD marocain ont opté pour l’intégration des institutions sous réserve que les gouvernants leur accordent une place dans les institutions, notamment en tolérant leur participation aux élections. En retour, ces islamistes participationnistes ne contestent pas les prérogatives des détenteurs du pouvoir, roi ou président de la République.

2.3. Les partis de l’opposition laïque : de l’intégration à la marginalisation Contrairement aux candidats islamistes, les partis de l’opposition laïque sont pour la plupart discrédités en tant qu’alternative à la coalition au pouvoir. Au Maroc, les partis de l’ancienne opposition sont sortis affaiblis de quatre années de participation au gouvernement « d’alternance ». En Égypte, les partis légaux de l’opposition laïque (Parti Nassériste, Parti Néo-Wafd, Parti Tagammu’, Parti Karama, Parti El Ghad) sont définitivement marginalisés après le succès des Frères musulmans. Après plusieurs échecs dans la formation d’une plate-forme commune contre le PND, ils ont établi une alliance, la Coalition Nationale pour le Changement et coordonné leurs candidatures dans les différentes circonscriptions électorales afin d’éviter des candidatures concurrentes. Mais leurs candidats ne disposaient ni des moyens financiers du PND, ni des capacités de mobilisation des Frères musulmans pour espérer influer sur l’issue du vote. Entre l’achat de voix, l’acheminement des électeurs en autobus et l’assaut donné aux urnes, l’opposition laïque a vu son rôle maintenu à la portion congrue. Ses partis sont passés de 13 élus en 2000 à 12 dans le Parlement de décembre 2005.

Au Maroc et en Égypte, les partis d’opposition ont largement subi les foudres de la répression pendant les années 1970 et 1980, connaissant un affaiblissement durable et considérable de leur capacité de mobilisation et de leurs forces militantes. Cette faiblesse explique qu’ils aient accepté de longue date les règles du jeu imposées par les coalitions gouvernantes (Kassem, 1999). Ils sont également les premières victimes de l’ajustement continuel des règles du jeu par le pouvoir. La modification de la loi électorale en Égypte dans les années quatre-vingt-dix d’un scrutin de listes réservées aux partis politiques à un scrutin des listes ouvertes a favorisé la présence des candidats « indépendants », ce qui a d’autant plus affaibli les partis. L’ajustement atteint des proportions telles qu’elles contraignent les partis de l’opposition à redéfinir leur stratégie lors de chaque élection. Cette stratégie varie entre participation et boycott selon les règles du jeu de la compétition électorale et les gains attendus. Elle les a empêché d’élaborer une véritable stratégie à long terme et de représenter aux yeux de l’électorat une véritable alternative. En Égypte, tous les partis de l’opposition ont appelé au boycott du référendum sur l’amendement constitutionnel. Malgré ce boycott, le parti Al Ghad et le Néo-Wafd ont présenté des candidats aux élections présidentielles, pendant que le parti Tagammu’ et les Nasséristes appelaient avec le mouvement Kifaya au boycott. Tous les partis ont finalement participé aux législatives de 2005 présentées comme « élections fondatrices ». Au Maroc, les groupes de l’extrême gauche boycottaient les élections jusqu’en 2002. Dans le but d’intégrer le champ politique légitime, ils ont créé un nouveau parti, la Gauche Socialiste Unifiée (GSU), en se rassemblant autour de l’Organisation de l’Action Démocratique et Populaire (OADP). Cependant, leurs militants ont éprouvé de grandes difficultés à convertir leurs ressources et savoir-faire dans les compétitions électorales. L’alliance s’est soldée par un affaiblissement électoral : le nouveau parti de la GSU obtenait moins de voix que l’OADP seule.

Ainsi, les élections législatives marocaines de 2002 et égyptiennes de 2005 soulèvent un paradoxe. L’absence de démocratie interne, de leadership dynamique, de base électorale et de

1 Ceci explique qu’ils se présentent formellement en tant que candidats « indépendants » bien que les affiches des candidats portent le nom de la confrérie et son slogan « L’islam est la solution ». Aux yeux des électeurs, les candidats sont clairement identifiés comme appartenant à l’organisation.

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programmes caractérise les partis politiques existants. Ce système de partis est en cours de fragmentation. Dans le même temps, le parti politique comme mode d’action et d’organisation fait l’objet d’investissements renouvelés, de la part des islamistes comme des anciens gauchistes, qui témoignent du succès de cette forme sociale. Certains de ces partis ont servi de plate-forme à plusieurs candidats de la « société civile ». En ce sens, ils soulignent les tendances contradictoires à l’œuvre dans les champs politiques marocains et égyptiens.

3. Observation locale et internationale : l’investissement des espaces d’ouverture par la société civile

Bien qu’ils ne participent pas directement à la compétition électorale, plusieurs acteurs contribuent à en formuler les termes, sens et enjeux. Se référant aux standards démocratiques, les ONG, les juges et les observateurs internationaux - acteurs susceptibles d’incarner la société civile - définissent notamment les ressources et les répertoires d’action qu’il est légitime ou illégitime d’utiliser pendant le moment électoral. Leur activité est favorisée par le fait que les élections sont un enjeu de réforme politique et qu’elles se déroulent dans un cadre institutionnel instable.

3.1. Les ONG et les mouvements de protestation: définir les règles du jeu 3.1.1. Kifaya : un mouvement pour des élections libres

Malgré sa singularité, le mouvement égyptien Kifaya (Assez ! ou Ça suffit !) est un exemple particulièrement significatif de mise en mouvement de la société civile dans le monde arabe. Kifaya réunit des activistes issus des partis politiques de l’opposition, d’ONG et de syndicats autour de la question de la succession et de l’état d’urgence. Leurs origines politiques sont diverses – nassériens (Abdelhalim Qandil), Frères musulmans (Mohamed Abdel Qudus) et islamistes d’autres tendances (Abu Ela Al Madi), communistes (Kamal Khalil) et libéraux. Depuis décembre 2004, en transgressant les « lignes rouges », le mouvement a imposé une double nouveauté dans la politique égyptienne : l’attaque directe de la politique du président et le défi à la loi d’urgence en tenant des manifestations publiques dans le centre-ville du Caire. Grâce au slogan « Ça suffit ! » la protestation était extrêmement accessible aux médias et aux différents acteurs qui se sont ralliés à ce mouvement. D’un point de vue quantitatif, on peut certainement s’étonner de l’importance que les médias internationaux ont accordé au mouvement : les mobilisations n’ont pas dépassé les 1500 manifestants, la moyenne se situant autour de 3001. Cependant, il ne faut pas oublier le coût élevé de la protestation en Égypte, la loi d’urgence étant en vigueur depuis 1981. Reste « l’effet Kifaya » : la protestation contre la transmission héréditaire du pouvoir (tawrîth as-sulta) a eu un effet de catalyseur pour plusieurs mouvements sectoriels formés à la suite de Kifaya ou comme une réponse à d’autres sujets qui ont émergé pendant la spirale de protestation qu’il a initiée. Parmi les premiers, on peut énumérer la jeunesse, les écrivains, les journalistes et les ouvriers « pour le changement », parmi les deuxièmes, il faut ranger Shafeinkum (Nous vous observons) et Al Shâri‘ Lina (La rue nous appartient).

L’émergence du mouvement Kifaya est en grande partie due à la conjoncture de l’année électorale. L’enjeu des élections présidentielle et législatives de l’année 2005 et la menace de la succession sont les deux principaux terrains d’action d’où le mouvement tirait sa légitimité.

1 Le 22 avril 2005, la manifestation des Frères musulmans dans la ville de Tanta a démontré de façon impressionnante leur maîtrise de la rue. Elle rassemblait environ 20 000 personnes.

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Kifaya a mené une campagne de sensibilisation contre la transmission héréditaire du pouvoir, en faveur des droits politiques et d’élections libres. Il a tiré parti de l’espace ouvert en vue de la préparation des élections. Mais la concentration sur les élections dessine aussi les limites de la mobilisation, car cet espace est conjoncturel. Les élections parlementaires et l’échec de la Coalition Nationale pour le Changement en sont un premier indicateur. Dans un premier temps, l’hétérogénéité des profils qui composent Kifaya faisait l’originalité et la force du mouvement. Elle constitue aussi une de ses principales faiblesses à plus long terme.

3.1.2. Les ONG de défense des droits politiques

Pour les ONG, les élections sont devenues un champ d’intervention parmi d’autres. Leur participation aux débats sur l’organisation et le déroulement des élections témoigne de l’activité hautement politique d’un segment souvent dépolitisé. À la veille des élections présidentielles en Égypte, plusieurs ONG ont fondé une plate-forme. La Campagne nationale pour la supervision des élections (CNSE) comprenait le Groupe pour le développement démocratique, l’Association des droits de l’homme pour l’assistance aux prisonniers, l’Organisation arabe pour la réforme du code criminel, le Centre andalou pour l’étude de la tolérance, le Centre Ibn Khaldun dirigé par Saad Eddin Ibrahim et le Centre Al-Kalima pour les droits de l’homme. Cette plate-forme a reçu 250 000 $ de l’organisation américaine USAID après qu’elle ait échoué à récolter des fonds égyptiens. Dans sa lutte pour la supervision des élections, la plate-forme a gagné un procès devant la Haute cour administrative contre la décision de la Commission pour les élections présidentielles d’interdire la supervision. Cependant, la Commission a unilatéralement refusé le jugement. Ni les observateurs égyptiens, ni les observateurs internationaux ne furent admis aux présidentielles. Trois mois plus tard, les législatives bénéficièrent d’une observation relativement complète. La Campagne nationale pour la supervision des élections et d’autres ONG1 ont réussi à inscrire leur action sur l’agenda des pouvoirs publics et ont finalement obtenu ce droit, bien que limité aux élections parlementaires.

Grâce à ces observateurs et grâce au travail des journalistes, les irrégularités des élections parlementaires sont minutieusement documentées en Égypte comme au Maroc (EOHR, 2005 ; OMDH, 1997 ; Collectif associatif pour l’observation des élections, 2003). La supervision des élections a même contribué à la formation d’ONG créées uniquement dans ce but. Cependant, les violences commises à l’encontre des observateurs, journalistes et juges montrent que leur travail n’est pas garanti. Il reste à voir si les ONG obtiendront également le droit d’observer les prochaines élections présidentielles égyptiennes. En outre, la description même précise des irrégularités n’assure pas leur diminution d’un scrutin à l’autre.

3.2. Les juges : affirmation de l’autonomie d’une profession Une autre catégorie réclame la neutralité et le droit à la supervision des élections : les juges. En Égypte, où le pouvoir judiciaire a acquis une autonomie importante depuis les années quatre-vingt, les juges sont un acteur que le pouvoir doit prendre en considération dans l’organisation des élections. Depuis un jugement de la Cour Suprême constitutionnelle du 8 juillet 2000, les juges ont pour mission de veiller à la neutralité des élections. Entre le ministère de l’Intérieur et les forces de sécurité d’une part, et les électeurs et les partis politiques d’autre part, les juges

1 Un autre collectif associatif, la Coalition de la société civile pour la supervision des élections, s’est impliqué dans l’observation des élections. Il comprenait 22 ONG dont l’Organisation égyptienne des droits de l’homme, dirigée par Hafez Abou Saada, l’Association égyptienne pour le développement de la participation sociétale et l’Association de l’assistance juridique pour les droits de l’homme, dirigée par Tarek Khater.

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constituent l’entité la plus impartiale dans l’organisation des élections.

Au cours de la préparation des élections présidentielles et parlementaires, les juges se sont affirmés face au pouvoir. Le 16 avril 2005, le Club des juges d’Alexandrie menaçait de boycotter la supervision des élections présidentielles dans les conditions du moment. Arguant du nombre limité de juges pour superviser tous les bureaux de vote en un seul tour, ils demandaient l’organisation des élections en deux tours pour pouvoir garantir une supervision de l’ensemble du territoire. À la différence des ONG, souvent accusées de collusion avec l’étranger, les juges constituent un groupe doté d’une grande respectabilité, élément crucial pour donner aux élections une image de crédibilité. Face à la dissidence de cette profession, le gouvernement tenta d’en diviser les rangs avant de finalement parvenir à un accord. La profession restait néanmoins très critique sur l’organisation des élections. Plusieurs déclarations dénonçaient la validité du référendum et les irrégularités intervenues lors des deux compétitions électorales1.

L’un des enseignements des élections que nous avons observées pourrait être que la compétition électorale ne se déroule pas tant dans les urnes qu’autour d’elles, dans la rue et dans la presse. Cela est vrai des confrontations, parfois violentes, qui caractérisent les campagnes électorales et les opérations de vote. Le constat vaut également pour les débats et controverses que suscitent les élections, des modalités de leur organisation à leur déroulement et à leurs résultats.

3.3. Le contexte international : un cadre de référence ? Dans l’esprit des observateurs étrangers, qu’ils soient de l’UE ou de l’USAID, le vote constitue un pas crucial sur le chemin de la démocratisation, au point d’en apparaître le moment fondateur. Le lien établi par différents acteurs entre démocratisation et élections s’est certainement renforcé depuis le 11 septembre 2001 et la volonté de l’administration américaine de démocratiser les pays du monde arabe. La pression des acteurs internationaux pour une démocratisation des pays du monde arabe est devenue un élément non négligeable de la vie politique. Cependant, il convient de ne pas surestimer le rôle des acteurs internationaux dans les processus de démocratisation en général et l’organisation des élections en particulier. Ils font face à trois difficultés : l’instabilité des règles du jeu électoral, le choix des acteurs pertinents sur lesquels faire porter l’aide et la dimension technique de leur assistance aux sociétés civiles.

Le rôle de la communauté internationale est ambivalent à plus d’un titre. Elle préfère souvent la stabilité au changement qu’apporteraient des élections libres. Ainsi, Mustapha Kamal Al Sayyid, politiste égyptien et observateur attentif des scènes politiques arabes, déclarait au Cairo Times le 21 novembre 2002 : ‘Si le résultat de la démocratisation est que les islamistes gagnent une plus grande audience en politique, alors il n’y a guère de doute que le gouvernement américain fasse peu en pratique, en matière de promotion réelle de la démocratie’.

Promouvant le pluralisme et la transparence, les acteurs internationaux ne peuvent cependant pas empêcher les pratiques autoritaires comme la compétition sauvage ou l’exclusion de la possibilité du changement au niveau du chef de l’État. Dans le même temps, leur soutien aux régimes en place ne se dément pas. En ce sens, les acteurs de la promotion de la démocratie, même dominants, souffrent des dilemmes du gradualisme qui enserre leur action : « Comment démocratiser des régimes politiques sans les déstabiliser i.e sans que les islamistes arrivent au pouvoir ? Comment convaincre des gouvernants de relâcher leur emprise sur les sociétés et de transmettre le pouvoir aux populations à court et moyen terme ? ».

1 Notamment l’interview du président du Club des juges d’Alexandrie, Mahmud Al Khodeiri, Al Jazeera, octobre 2005.

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Avec le « Partenariat pour le progrès et pour un avenir commun avec la région du Moyen Orient élargi et de l'Afrique du Nord », établi lors du sommet du G8 (Sea Island, 8-10 juin 2004) les États-Unis et l’UE disposent d’un projet commun en matière de démocratisation. Cependant, les méthodes d’action de ces acteurs sont toujours différentes et varient de pays à pays. La stratégie de l’UE avec le « cadre politique » du processus de Barcelone ou la politique de voisinage de l’UE fait figure de précurseurs en matière de soutien aux sociétés civiles. Ces soutiens se sont révélés un peu plus efficaces dans la stabilisation de « sociétés civiles » en Égypte et au Maroc. On l’a vu, les ONG qui profitent d’un soutien précis peuvent jouer un rôle dans le processus électoral, notamment en matière de « monitoring ». Au Maroc, l’action des associations de droits de l’homme aux élections de 1997 est poursuivie en 2002 par le Collectif associatif pour l’observation des élections. Cependant, ces initiatives en faveur de la démocratie jouent de manière différenciée dans la perception des acteurs. Il semble difficile d’imaginer que les entrepreneurs qui investissent dans une circonscription pendant de longues années, en Égypte ou au Maroc, s’empêchent d’en tirer partie lors de l’élection, sous le prétexte de la promotion de la « transparence » par les bailleurs de fonds internationaux.

L’aide de l’UE en matière de promotion de la démocratie est nettement mieux perçue que celle en provenance des États-Unis. L’UE, grâce à la position d’arbitre qu’elle entend jouer dans le conflit israélo-palestinien ou à la position de pays comme la France ou l’Allemagne qui refusent d’intervenir en Irak, jouit toujours d’une acceptation assez large parmi les opinions publiques arabes. Il n’est d’ailleurs pas anodin que des observateurs de l’UE soient chargés de gérer le poste frontière de Rafah entre l’Égypte et la bande de Gaza.

Malgré son volume, l’aide apportée par l’administration américaine est souvent perçue comme une ingérence dans les affaires internes. Ainsi, en Égypte, l’ensemble des acteurs rejette, au moins publiquement, toute aide étrangère et toute collaboration avec l’administration américaine. Les gouvernants ne cessent de stigmatiser l’aide apportée par les bailleurs de fonds internationaux - singulièrement en matière d’observation des élections - comme intervention dans des affaires internes, bien qu’ils en bénéficient dans d’autres secteurs, militaire et sécuritaire notamment. À notre connaissance, seuls le Liban, la Palestine et l’Irak sous occupation ont accepté l’envoi d’observateurs internationaux.

De la même façon que l’aide étrangère est rejetée, les acteurs politiques de l’opposition recherchent la reconnaissance de l’environnement international, notamment des États-Unis. En Égypte, l’exemple d’Ayman Nour le montre mais aussi celui des Frères musulmans.

Conclusion

Pour les régimes autoritaires du monde arabe, les élections ne sont pas seulement un vecteur de réforme, mais aussi un moment de réforme. Impulsé par des pressions internes et externes l’ajustement des mécanismes et normes du jeu électoral est un moyen pour tourner le débat vers la réforme politique au détriment des réformes sociales. L’affirmation de la suprématie du chef de l’État sur les institutions comme le Parlement et le jeu politique ou la marchandisation du vote pour revitaliser les réseaux de clientèles en sont deux exemples.

Dans les pays comme le Maroc et l’Égypte, au travers de la tenue régulière d’élections, les paysages politiques ont considérablement changé. Alors que les partis politiques laïques souffrent d’une profonde crise de crédibilité et d’une fragmentation interne, les partis et les candidats islamistes, longtemps exclus du jeu électoral et cantonnés dans l’illégalité ou la sphère caritative, s’institutionnalisent aujourd’hui en tant que première force d’opposition.

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L’investissement dans l’arène politique des entrepreneurs qui entrent en nombre au Parlement, n’en fait pas pour autant des vecteurs de démocratisation.

Les processus électoraux ne sont pas seulement investis par les partis politiques. Favorisés par l’enjeu de la réforme politique posé lors de chaque élection, ONG, juges et journalistes jouent aujourd’hui un rôle important dans la définition des règles du jeu et la supervision des processus électoraux. La transparence, la dénonciation des pratiques frauduleuses et l’autonomisation des processus électoraux de la mainmise des gouvernants sont les terrains d’action communs et privilégiés de ces groupes. En ce sens, ils peuvent apparaître comme l’avant-garde d’une dynamique de changement. Mais leur potentiel est largement contrecarré par le contexte politique. Ils émergent lors de la préparation et la tenue des élections, mais ne disposent que d’une marge de manœuvre limitée, malgré le soutien qu’ils reçoivent de l’étranger.

La pluralisation remarquable des compétitions électorales dans le monde arabe apparaît aujourd’hui comme le plus sûr moyen d’évitement du pluralisme. En effet, la participation des partis de l’opposition, même islamistes, l’accès permis aux observateurs « indépendants », aux journalistes, y compris de la presse étrangère, n’empêche pas que le processus s’opère sous la tutelle des gouvernants. L’élection est ainsi à la fois un terrain du processus de réforme de ces régimes comme l’un des lieux de sa contrainte. Elle en démontre l’épaisseur et les limites.

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