DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la...

66
C(92) 1686 final DECISION DE LA COMMISSION du 22 juillet 1992 relative une procØdure au titre du rLglement (CEE) n! 4064/89 du Conseil (Affaire n! IV/M.190 - NestlØ/Perrier) (Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi) LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, vu le traitØ instituant la CommunautØ Øconomique europØenne, vu le rLglement (CEE) n! 4064/89 du Conseil, du 21 dØcembre 1989, relatif au contrle des opØrations de concentration entre entreprises (1) , et notamment son article 8 paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire, ayant donnØ aux entreprises en cause l’occasion de faire connatre leur point de vue au sujet des griefs retenus par la Commission, vu l’avis du comitØ consultatif en matiLre de concentrations (2) , considØrant ce qui suit : (1) J.O. n! L 395 du 30.12.1989, p. 1; version rectifiØe : J.O. n! L 257 du 21.9.1990, p. 13. (2)

Transcript of DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la...

Page 1: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

C(92) 1686 final

DECISION DE LA COMMISSIONdu 22 juillet 1992

relative à une procédure au titredu règlement (CEE) n! 4064/89 du Conseil

(Affaire n! IV/M.190 - Nestlé/Perrier)

(Le texte en langue anglaise est le seul faisant foi)

LA COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES,

vu le traité instituant la Communauté économique européenne,

vu le règlement (CEE) n! 4064/89 du Conseil, du21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations deconcentration entre entreprises(1), et notamment son article 8paragraphe 2,

vu la décision prise par la Commission, le 25 mars 1992,d'engager la procédure dans la présente affaire,

ayant donné aux entreprises en cause l'occasion de faireconnaître leur point de vue au sujet des griefs retenus par laCommission,

vu l'avis du comité consultatif en matière de concentrations(2),

considérant ce qui suit :

(1) J.O. n! L 395 du 30.12.1989, p. 1; version rectifiée :

J.O. n! L 257 du 21.9.1990, p. 13.

(2)

Page 2: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

I. LES FAITS

(1) Le 25 février 1992, Nestlé SA a notifié une offre publiqued'achat de 100 % des actions de Source Perrier SA lancéepar Demilac, filiale commune de Nestlé et de la BanqueIndosuez. Nestlé dispose d'une option d'achat sur lesactions d'Indosuez dans Demilac et a annoncé son intentiond'en faire usage. Le 30 janvier 1992, Nestlé et BSN ontconclu un accord en vertu duquel la source Volvicappartenant à Perrier serait transférée à BSN si la prisede contrôle de Perrier par Nestlé réussissait.

(2) Par décision du 17 mars 1992, la Commission a prorogé lesursis à la réalisation de la concentration conformément àl'article 7 paragraphe 2 du règlement (CEE) n! 4064/89(ci-après "règlement sur les concentrations"). Nestlé aacquis la majorité des actions de Perrier, mais s'estabstenue d'exercer les droits de vote qui leur sontattachés, conformément à l'article 7 paragraphe 3 durèglement sur les concentrations.

(3) Par décision du 25 mars 1992, la Commission a déclaré quel'opération de concentration envisagée soulevait des doutessérieux quant à sa compatibilité avec le marché commun et apar conséquent engagé la procédure dans la présente affaireconformément à l'article 6 paragraphe 1 sous c) durèglement sur les concentrations.

II. LA CONCENTRATION ET LA DIMENSION COMMUNAUTAIRE

(4) Nestlé a notifié une offre publique d'achat par laquelleelle a l'intention de prendre le contrôle de Source PerrierS.A. et de ses filiales (ci-après "Perrier"). L'opérationentraînerait donc une concentration au sens de l'article 3du règlement sur les concentrations. Les entreprisesconcernées par l'opération de concentration, c'est-à-direPerrier et Demilac, chiffre d'affaires de Nestlé inclus,dépassent tous les seuils prévus à l'article 1erparagraphe 2 du règlement sur les concentrations.

III.LES ENTREPRISES

(5) NESTLE

Nestlé est une société anonyme suisse qui exerce desactivités dans de nombreux secteurs de l'industriealimentaire. Le groupe Nestlé fabrique et vend des produitsalimentaires dans le monde entier. La société exerceégalement certaines activités non alimentaires. Le chiffred'affaires mondial consolidé de Nestlé est supérieur à28 milliards d'écus.

(6) PERRIER

Page 3: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

Perrier est une société française dont l'activité résideprincipalement dans la production et la distribution d'eauembouteillée. Elle exerce également certaines activités surle marché du fromage. Son chiffre d'affaires mondialconsolidé est supérieur à 2 milliards d'écus.

IV. MARCHES CONCERNES

(7) L'opération de concentration envisagée entre Nestlé etPerrier concerne principalement le marché de l'eauembouteillée provenant d'une source naturelle ("eau desource"). Les eaux de source peuvent porter la mention "eauminérale" dans la mesure où elles remplissent certainesconditions légales relatives à leur composition et à leurqualité, et où elles obtiennent des autorités compétentesun agrément à cet effet. Les eaux de source qui ne sont pasdes eaux minérales seront dénommées ci-après "eaux desource non minérales". La production et lacommercialisation des eaux de source non minérales sontelles aussi soumises à un agrément accordé par lesautorités compétentes.

Les activités d'embouteillage de Nestlé dans le secteur del'eau de source se situent principalement en France, avecles marques Vittel et Hépar (chiffre d'affaires en 1991 :1,564 milliard de francs français (ci-après "FF" pour916 millions de litres vendus) et en Allemagne chiffred'affaires en 1991 : 196 millions de marks allemands pour468 millions de litres vendus). Les activitésd'embouteillage de Perrier dans le secteur de l'eau desource se situent principalement en France, avec lesmarques Contrex, Volvic, Perrier, St"Yorre et Vichy(chiffre d'affaires en 1991 : 4,014 milliards de FF pour1,885 milliard de litres vendus). En France, Nestlé exercedes activités presque exclusivement dans le segment del'eau minérale plate, alors que Perrier est présente à lafois dans ce même segment et dans celui de l'eau minéralegazeuse. Les deux sociétés exportent de l'eau de leurssources françaises vers d'autres pays. BSN est le troisièmegrand opérateur sur le marché français de l'eauembouteillée. Les ventes de Nestlé, de Perrier et de BSNdans la Communauté figurent à l'annexe 1**.

LE MARCHE DE PRODUITS DE REFERENCE

A. DISTINCTION ENTRE LES EAUX DE SOURCE EMBOUTEILLEES ET LESBOISSONS RAFRAICHISSANTES SANS ALCOOL

**

Page 4: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(8) Nestlé a estimé dans sa notification qu'il n'existe pas demarché séparé de l'eau source embouteillée et que le marchéde référence à prendre en considération pour l'appréciationde l'opération de concentration envisagée est celui desboissons rafraîchissantes sans alcool, qui englobe l'eau desource embouteillée et les boissons aromatisées sansalcool. Cette définition du marché s'appuie sur l'argumentque la fonction fondamentale de toutes les boissons estd'étancher la soif du consommateur.

(9) La Commission considère qu'une substituabilité limitée liéeà la seule fonction du produit ne suffit pas à établir sasubstituabilité en termes de concurrence. En l'espèce, sile seul critère nécessaire pour établir la substituabilitéétait "l'étanchement de la soif", de nombreux produits denature très différente qui remplissent cette fonctiondevraient être considérés comme appartenant au même marché(thé, lait, bière, certains fruits, etc.). Toutefois,plusieurs facteurs indiquent l'existence d'un marchédistinct pour les eaux de source embouteillées, sur lequelles opérateurs peuvent agir dans une large mesure sans sepréoccuper des activités des sociétés vendant des boissonsrafraîchissantes sans alcool, (ci-après "boissonsrafraîchissantes"), en particulier en ce qui concerne lesprix. Ces facteurs sont examinés ci-après.

a) Considérations relatives à la demande

i) Motivation des consommateurs finaux dans l'achat d'eauembouteillée provenant d'une source naturelle

(10) L'eau embouteillée à la source est achetée et régulièrementconsommée, surtout en France, pour son image de produitnaturel (eau provenant d'une source naturelle) et pour sonassociation avec les notions de pureté, de propreté,d'absence de contamination et, de façon générale, de santéet de mode de vie sain.

Plusieurs enquêtes effectuées auprès des consommateursconfirment cette opinion. L'enquête réalisée par l'Institutfrançais de démoscopie en octobre 1991 pour Evian enfournit un exemple. En effet, il en ressort que lesprincipales raisons pour lesquelles les consommateursboivent de l'eau plate embouteillée provenant d'une sourcenaturelle tiennent à l'action positive qu'elle exerce surle corps humain, et en particulier aux éléments suivants :

- elle permet d'éliminer les impuretés,- elle apporte des sels minéraux à l'organisme, et- elle a un effet positif sur la santé.

D'autres études, dans lesquelles on a posé d'autres typesde questions aux consommateurs, tendent à confirmer cette

Page 5: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

opinion. Les conseillers économiques de Nestlé (voirLexecon Report) ont eux-mêmes affirmé que : "Ce qui ressortclairement des enquêtes réalisées auprès des consommateursen France, c'est que de nombreuses personnes boivent del'eau embouteillée principalement parce qu'elles sontpersuadées qu'elle est propre, pure et non contaminée". Enoutre, l'étude de marché réalisée par la Sofres à lademande des conseillers économiques de Nestlé a donné lerésultat suivant :

"... point plus important, les personnes répondant àl'enquête ont également été interrogées sur la raison pourlaquelle elles consomment de l'eau embouteillée depréférence à l'eau du robinet ordinaire, et la raison leplus souvent invoquée était la pureté de l'eauembouteillée, suivie de l'absence de goût désagréable, eten troisième place seulement de la présence de selsminéraux" (c'est nous qui soulignons).

En outre, les campagnes publicitaires des trois producteursNestlé, Perrier et BSN visent toutes la promotion de cetype d'éléments dans l'esprit des consommateurs.

ii) Différences dans la composition des produits, leurgoût et l'usage prévu

(11) Les boissons rafraîchissantes sont habituellementfabriquées avec de l'eau courante additionnée d'arômes etde sucre et ont par conséquent un goût différent de celuides eaux de source. Les boissons rafraîchissantes sont buesen plus petites quantités, non seulement pour étancher lasoif, mais également afin de se procurer un plaisirgustatif particulier, souvent en société.

(12) Le consommateur final achète régulièrement des eaux desource pour un usage quotidien en grande quantité afin desatisfaire un besoin alimentaire fondamental, alors que lesboissons rafraîchissantes sont consommées de manière plusoccasionnelle. En ce qui concerne le volume de la demande,les marchés de ces deux produits sont très différents. Lesniveaux de consommation par habitant en France en 1990étaient les suivants : eau embouteillée 104,8 litres,boissons gazeuses 29,9 litres, boissons plates 9,6 litres,jus de fruits 8,6 litres (source : rapport Canadean,tableau 2.1.1). Ces différences de volume considérablesmontrent que les eaux et les boissons rafraîchissantes sontdemandées pour la satisfaction de besoins très différents(faible substituabilité du point de vue de la demande); elles montrent également que les boissons rafraîchissantesne constituent pas une solution de remplacement suffisantepour l'eau de source embouteillée.

Page 6: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

iii) Faible élasticité de la demande par rapport auxmodifications de prix

(13) Trois facteurs principaux indiquent qu'il est peu probablequ'une augmentation importante et non provisoire du prixdes eaux de source par rapport à celui des boissonsrafraîchissantes entraîne un glissement significatif de lademande des eaux de source vers les boissonsrafraîchissantes pour cette seule raison.

1) En termes absolus, il existe une différence de prixconsidérable entre l'eau embouteillée et les boissonsrafraîchissantes sans alcool

Une comparaison des prix courants départusine des différents producteurs en 1991donne l'éventail de prix suivant (voirannexes 2 à 7**) :

- eaux de source non minérales plates(bouteilles 'PVC' de 1,5 litre) :entre 0,85 FF et 1,4 FF;

- eaux minérales plates (marquesnationales en bouteilles 'PVC' de1,5 litre) : entre 2,49 FF et 2,56 FF;

- eaux minérales gazeuses (marquesnationales) : entre 2,99 FF et 3,47 FF(bouteilles 'PVC' de 1,25 litre),2,98 FF (bouteilles 'PVC' d'un litre)et 3,65 FF (bouteilles en verre d'unlitre, non consignées);

- boissons rafraîchissantes : 6,1 FFpour le Coca-Cola (bouteilles 'PET'de1,5 litre), entre 6,1 FF et 9,4 FFpour les boissons gazeuses (bouteilles'PET' de 1,5 litre), entre 6,1 FF et8,76 FF pour les boissons platesaromatisées à l'orange (bouteilles'PET' de 1,5 litre).

Si l'on prend comme référence les eauxminérales plates à diffusion nationale,qui représentent l'essentiel de laconsommation en France (plus de 70 %), lesboissons rafraîchissantes sont de l'ordrede 2 à 3 fois plus chères que les eaux desource au niveau du producteur.

Cette même différence se reflète dans lesprix de détail (prix demandés au

**

Page 7: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

consommateur final). Le rapport Canadean,les statistiques Nielsen et Secodip,communiquées par les producteurs d'eaux desource et de boissons rafraîchissantes,ainsi que les informations fournies par lesprincipales sociétés de distribution dusecteur de l'alimentation le confirment(voir annexe 12**).

Nestlé a nié l'existence de cettedifférence. Ses représentants ont affirméque : "50 % environ de toutes les boissonsrafraîchissantes sans alcool vendues enFrance sont des colas. Le prix normaldemandé au consommateur par litre de Coca-Cola (bouteille 'PVC' jetable de 1,5 litre)est de 3,73 FF, alors que le prix d'unlitre de Perrier (bouteille en verre nonconsignée) s'élève à 4,10 FF et celui de laVittelloise aromatisée atteint même 5,23 FF(bouteille 'PET' jetable de 1,5 litre)".

Les prix cités par Nestlé proviennent durapport Canadean, qui donne en effet unprix de 3,73 FF pour le Coca-Cola, appliquéen mars 1991 par le détaillant Casino. Lesreprésentants de Nestlé n'ont donné aucuneexplication quant à la raison pour laquelleil devrait s'agir, en l'occurrence, du prix"consommateur normal" du Coca-Cola. Dans lemême rapport sont également cités des prixbeaucoup plus élevés pour un litre de Coca-Cola (par exemple, les prix appliqués parEuromarché au cours de la même périodeétaient de 4,23 FF et même de 4,83 FF pourle Coca-Cola Light).

En outre, si l'on peut admettre le choix duCoca-Cola (qui est l'une des boissonsrafraîchissantes les moins chères) étantdonné la part importante qu'il représentedans la consommation de ce type deboissons, le Perrier ou la Vittelloisearomatisée, quant à eux, ne sont pasreprésentatifs de l'eau de sourceembouteillée. La marque Perrier, avec204 millions de litres vendus en 1991,représente quelque 3,8 % du marché de l'eaude source embouteillée en France. Or,l'ensemble des eaux aromatisées représente

**

Page 8: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

moins de 1%. De plus, le conditionnement etle prix de ces deux produits, situés parles sociétés à la frontière entre l'eau desource et les boissons rafraîchissantes,sont l'exception plutôt que la règle sur lemarché de l'eau embouteillée. Parconséquent, le Perrier et la Vittelloisearomatisée ne peuvent être considérés commereprésentatifs du marché de l'eau desource, ni en ce qui concerne le volume desventes ni en ce qui concerne la politiquede commercialisation.

En outre, la comparaison de prix effectuéepar Nestlé prend en considération lesdifférences de volume des bouteilles deCoca-Cola et de Perrier, mais pas ladifférence entre les matériaux utiliséspour la fabrication de ces bouteilles.L'eau Perrier est vendue en bouteilles deverre, plus onéreuses que leconditionnement en plastique (PET) du Coca-Cola choisi pour la comparaison. Il vapourtant de soi que le prix au litre dumême Coca-Cola vendu en bouteilles de verreserait plus élevé. A cet égard, lacomparaison des prix tels que lesconstatent les consommateurs sur les rayonsd'un commerce de détail pourrait donc êtreplus appropriée que la comparaison de prixde détail ajustés. Dans ce cas, en effet,les différences de prix sont plusimportantes encore (voir annexe 12**).

Eu égard aux considérations qui précèdent,la Commission conclut que les prix départproducteur et de détail des boissonsrafraîchissantes sont, en règle générale,beaucoup plus élevés (entre 200 et 300 %)en France que ceux des eaux embouteillées.Un rapport de prix se situant entre 2 et 3est tellement élevé qu'on ne sauraitraisonnablement s'attendre à ce qu'uneaugmentation importante et non provisoiredu prix des eaux de source entraîne unglissement significatif de la demande deseaux de source vers les boissonsrafraîchissantes pour cette seule raison.

2) Le marché français de l'eau de source embouteillée secaractérise par une activité intensive de marketing et

**

Page 9: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

de promotion et par des budgets publicitaires élevésen ce qui concerne les trois principaux producteurs.L'image d'un produit "naturel", "pur" et "sain" quiest associée aux eaux de source à la suite de cettepublicité [(voir considérant (10)] a pour conséquenceque les consommateurs ne considèrent pas les boissonsrafraîchissantes comme un produit de substitution del'eau de source embouteillée pour un usage quotidien àdomicile. L'image générale que les consommateursassocient directement à l'eau de source de marque dufait de l'orientation commune de la publicité dechacune des marques, ainsi que la fidélité dont ellesbénéficient de la part des consommateurs, réduisentl'importance du prix en tant que critère d'achat(faible élasticité de la demande). Par conséquent, unelégère augmentation du prix des eaux de source n'estpas susceptible d'inciter les consommateurs àremplacer l'eau de source embouteillée par desboissons rafraîchissantes.

3) Evolution du prix : Les prix départ producteur del'eau de source et des boissons rafraîchissantes ontévolué de manière très différente au cours des cinqdernières années (voir considérant 16). Lesproducteurs des eaux minérales nationales ont puaugmenter considérablement leurs prix tant nominauxque réels, malgré la tendance à la baisse observéepour les prix des boissons rafraîchissantes au coursde la même période. Dans les deux secteurs, lesproducteurs semblent ne pas prendre en considération,dans leur politique de prix, le fait que les consom-mateurs pourraient remplacer les eaux de source pardes boissons rafraîchissantes. Cette évolution du prixsemble indiquer que des réductions, même fortes etdurables, des prix réels des boissons rafraîchissantesne contraindraient pas les producteurs d'eau de sourceà diminuer le prix de leurs produits pas plus qu'ellesne les empêcheraient de les augmenter.

iv) Les opinions des détaillants

(14) La grande majorité des détaillants interrogés par laCommission considèrent que les eaux de source embouteilléesforment un marché distinct sur lequel la demande reposeprincipalement sur le choix conscient d'une marque préciseet sur des préoccupations touchant à la santé. Ilsconsidèrent en outre que les eaux minérales, et enparticulier les marques nationales, sont des produitsqu'ils doivent proposer à leur clientèle afin de couvrir latotalité de l'assortiment des produits alimentaires debase. Eu égard à la régularité des achats d'eauembouteillée destinée à la consommation des ménages etl'attachement des consommateurs à une marque précise, lesdétaillants considèrent que les eaux minérales nationales

Page 10: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

sont des produits qu'ils doivent proposer à leur clientèleet pour lesquels il n'existe pas ou peu de produits desubstitution. Ils ne sont par conséquent pas susceptiblesde remplacer les eaux de source par des boissonsrafraîchissantes en réaction à une modification des prix,étant donné qu'ils sont obligés de vendre les deux types deproduits.

b) Considérations relatives à l'offre

i) Conditions de production et de commercialisation

(15) La production et la commercialisation sont soumises à descontraintes différentes sur le marché des boissonsrafraîchissantes et sur celui de l'eau embouteillée à lasource, en particulier en France :

1) Dispositions réglementaires : La production d'eau desource non minérale et d'eau minérale est soumise à unagrément (pour les eaux minérales, le délaid'obtention peut varier entre deux et cinq ans, voirrapport Goldman Sachs, p. 16). L'eau de source nonminérale et l'eau minérale doivent être embouteilléesà la source. La localisation des usinesd'embouteillage est par conséquent soumise à unecontrainte légale majeure qui n'existe pas pour lesproducteurs de boissons rafraîchissantes. En effet,ceux-ci peuvent implanter leurs usines d'embouteillageselon l'équilibre qui leur convient entre leséconomies d'échelle et les coûts de transport,raisonnement que ne peuvent pas suivre les producteursd'eau.

2) Les producteurs de boissons rafraîchissantes ont lapossibilité, dont ils font souvent usage, d'octroyerdes licences sur leur marque à des embouteilleursindépendants qui produisent la boisson concernée dansleurs propres installations et qui vendent le produitsous sa marque originale. Selon des sources de cesecteur, l'industrie des boissons rafraîchissantesavait traditionnellement recours à des franchisesnationales pour l'embouteillage et la distribution deses produits, bien que les principales sociétés aientde plus en plus tendance à acquérir des participationsde contrôle dans les embouteilleurs indépendants. Enrevanche, l'eau provenant d'une source donnée ne peutêtre embouteillée qu'à la source. En outre, les eauxminérales (qui représentent plus de 75 % de latotalité du marché français de l'eau en volume) nepeuvent être commercialisées que sous la marquecommerciale qui correspond à leur source,c'est"à"dire que l'eau minérale extraite d'unesource doit, aux termes de la loi, être commercialiséesous la marque commerciale enregistrée pour la source

Page 11: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

en question et que seule l'eau provenant de laditesource peut être commercialisée sous la marquecommerciale en cause.

3) Les opérateurs sont différents sur les deux marchés.En France, aucun gros producteur de boissonsrafraîchissantes (Cadbury Schweppes, Coca-Cola,Pernod Ricard) n'a pu s'implanter sur le marché del'eau embouteillée, malgré la croissance de la demandequi a caractérisé ce marché et l'augmentation des prixdépart producteur de l'eau de source embouteillée. Demême, les producteurs d'eau minérale ne sont pas trèsactifs sur le marché des boissons rafraîchissantes(Perrier a par exemple vendu à Schweppes ses boissonsrafraîchissantes plates Oasis en 1990, dans le cadred'une stratégie explicite de concentration de sesactivités sur le marché de l'eau).

ii) La politique de prix appliquée par les producteurs

(16) Les politiques de prix appliquées sur le marché desboissons rafraîchissantes, d'une part, et sur le marché del'eau de source embouteillée, d'autre part, semblent obéirà des logiques différentes, ce qui confirme également lesdifférences sous-jacentes entre les contraintes deconcurrence auxquelles doivent faire face les producteurssur chacun de ces marchés.

Une comparaison des prix courants des producteurs (départusine, hors TVA et sans remise) pour des conditionnementscomparables (bouteilles en PVC ou en plastique PET de1,5 litre) au cours des cinq dernières années permet detirer certaines conclusions :

-en termes réels, les prix des boissonsrafraîchissantes, après déduction de la partreprésentant l'inflation et calculée sur la basede l'indice mensuel des prix à la consommationen France, accusent une tendance à la baissedepuis 1987. La diminution des prix réels desboissons rafraîchissantes contraste avecl'évolution des prix réels des eaux minérales.Toutes les marques nationales d'eau minérale ontété en mesure d'augmenter de manièresubstantielle leurs prix réels au cours de lamême période et d'augmenter simultanément leursventes en volume du fait de la croissance de lademande (voir annexes 2, 3, 4, 5, 6 et 7**);

**

Page 12: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

- les différences entre les politiques de prix sontégalement illustrées par l'analyse de la corrélationentre les prix réels. Le coefficient de corrélationentre les prix réels des différentes marques d'eau estcompris entre un minimum de 0,85 (Badoit etVittelloise) et un maximum de 1 (Hépar et Vittel). Lacorrélation entre les prix réels des boissonsrafraîchissantes commercialisées par des sociétésdifférentes est souvent positive et relativementélevée (voir par exemple les coefficients decorrélation entre Coca"Cola, Indian Tonic (Schweppes)et Banga (Pernod Ricard)). En revanche, la corrélationentre les boissons rafraîchissantes et les eauxembouteillées de chaque marque est, dans la plupartdes cas, négative ou très faible lorsqu'elle estpositive. Par conséquent, il apparaît que dans lespolitiques de prix qu'elles appliquent, les sociétésreconnaissent que les marchés de l'eau embouteillée etdes boissons rafraîchissantes sont soumis à descontraintes différentes en matière de concurrence.A cet égard, il est particulièrement révélateur que leproduit Orange Passion de BSN ne soit quasiment pascorrélé avec les marques d'eau commercialisées parBSN, alors que c'est la même société qui décide duprix des deux produits.

(17) Un examen des remises consenties sur les prix courants parles producteurs n'altère pas la validité de ces conclusionspour les raisons suivantes :

-les prix courants constituent, particulièrementsur le marché de l'eau de source et sur celuides boissons rafraîchissantes, un bon indicateurdes politiques de prix appliquées par lessociétés. Le niveau absolu de remises négociéesavec chaque client (entre ..%* et ..%* sur lemarché de l'eau de source et entre ..%* et ..%*sur le marché des boissons rafraîchissantes,selon le fournisseur et le client) et leurévolution par le passé ne sont pas à ce pointélevées ou variables qu'elles invalideraient lavaleur représentative des prix courants en tantqu'indicateurs de la politique de prix de chaquesociété;

- une grande partie des remises consenties ne peuventêtre considérées comme telles, en ce sens qui elles nepeuvent être répercutées sur le consommateur final,mais qu'elles participent davantage des actionspromotionnelles et publicitaires du fournisseur ou

*

Page 13: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

qu'elles représentent l'achat d'un service fourni parle distributeur. Par "remises", les producteurs d'eauminérale entendent des budgets de montants variables,liés par exemple à l'espace réservé aux produits dufournisseur concerné dans les commerces de détail, auxpublipostages destinés au consommateur final, auxconcours promotionnels, etc.);

- du point de vue du distributeur, les remises sont,dans une large mesure, compensées par les coûts detransport qu'il doit supporter lui-même. Ceux"ci nesont pas identiques pour tous les distributeurs enFrance. Toutefois, étant donné que Nestlé les aestimés à environ ..%* du prix départ usine pour unedistance de 300 Km (voir page 16 de la notification),les prix courants constituent en outre uneapproximation relativement précise des prix réellementpayés par les distributeurs.

iii) Substituabilité de l'offre

(18) La conjonction des contraintes de production et decommercialisation décrites au considérant (15) empêche lesproducteurs de boissons rafraîchissantes ou de bièred'utiliser leurs capacités existantes pour la productiond'eau de source, minérale ou non. Même si les producteursde boissons rafraîchissantes disposaient actuellement d'unexcédent de capacité, l'obligation légale d'embouteillerl'eau de source non minérale et l'eau minérale à la sourceles empêcherait d'avoir recours à cet excédent pourl'embouteillage d'eau de source.

Nestlé a affirmé que les embouteilleurs de boissonsrafraîchissantes et de bière pourraient utiliser leursusines d'embouteillage pour la production d'eau de robinetpurifiée et se présenter sur le marché de l'eau de sourceavec ce produit. Toutefois, cette affirmation n'a étéétayée par aucune preuve de l'existence d'une capacitéexcédentaire chez ces producteurs.

Nestlé a en outre affirmé que l'eau de robinet purifiéeétait commercialisée dans certains pays (Etats-Unis,Danemark et Grèce) et commençait à apparaître sur le marchéallemand, où elle représente 1,5 % de la consommationtotale d'eau embouteillée. Toujours selon Nestlé, le faitque l'eau de robinet purifiée soit vendue dans certainspays constitue une preuve suffisante qu'elle pourraitl'être en France, bien qu'elle n'y soit pas commercialiséepour l'instant.

L'affirmation de Nestlé repose sur la supposition impliciteselon laquelle l'eau de robinet purifiée serait considéréepar les consommateurs comme un produit de substitution de

Page 14: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

l'eau de source. Or, aucune preuve n'est apportée à l'appuide cette supposition. Au contraire, les caractéristiquesde la demande sur le marché géographique de référenceindiquent que ce n'est pas le cas. Il est frappant, enoutre, que malgré

- la forte croissance de la demande et le tauxd'augmentation élevé des volumes commercialisésjusqu'en 1990,

- les augmentations de prix constantes (après rabais)sur le marché français de l'eau de sourceembouteillée, en termes tant nominaux que réels,

- la tendance à la baisse en termes réels des prixcourants des principales marques de boissonsrafraîchissantes (même en termes nominaux dans le casde Coca-Cola), plus accentuée encore lorsqu'on prendles rabais en considération, et

- la capacité technique et industrielle des producteursde boissons rafraîchissantes et de bière de mettre enbouteille de l'eau de robinet purifiée,

aucun producteur de boissons rafraîchissantes ou de bièrene s'est jamais présenté sur le marché de l'eau de sourceen France. Par conséquent, l'expérience laisse fortementsupposer qu'une substitution sur le plan de l'offre n'a pasété considérée comme une solution commercialement viablepar les sociétés concernées.

En outre, les producteurs de boissons rafraîchissantesconsultés par la Commission ont confirmé qu'ilsn'envisageaient pas, pour l'instant, de produire de l'eaude robinet purifiée pour le marché français, de même qu'ilsn'ont pas indiqué qu'une telle possibilité étaitcommercialement réalisable ou utile. Il convient de noter,dans ce contexte, que Coca-Cola s'est approvisionnée en eauminérale de Spa pour couvrir ses besoins en eauconditionnée en boîtes métalliques pour alimenter sesdistributeurs automatiques en France. Elle n'a pas décidéd'utiliser sa propre marque d'eau de robinet purifiée(Bonaqa) vendue en Allemagne, ni d'avoir recours à sesinstallations disponibles en France pour produire une telleeau.

Pour ces raisons, les considérations relatives à lasubstituabilité de l'offre ne peuvent conduire, dans laprésente affaire, à une conception différente du marché deproduits de référence.

c) Conclusion

Page 15: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(19) On peut conclure de ce qui précède que le marché deproduits de référence est celui de l'eau de sourceembouteillée.

B. DISTINCTION ENTRE LES EAUX DE SOURCE PLATES ET LESEAUX GAZEUSES ET AROMATISEES

(20) L'exclusion ou la non-exclusion des eaux de source gazeuseset aromatisées du marché de référence ne modifierait pasessentiellement l'appréciation de l'opération deconcentration envisagée. Plusieurs facteurs relatifs à lademande indiquent que les eaux gazeuses et aromatiséespourraient en effet être exclues dudit marché. Il existeplusieurs différences entre les eaux de source plates etles eaux gazeuses et aromatisées, en ce qui concerne lespropriétés physiques, la saveur, l'utilisation prévue, lesvolumes consommés et les niveaux de prix. Dans certains casexceptionnels, les sociétés concernées rapprochent les eauxgazeuses et aromatisées davantage des boissonsrafraîchissantes en ce qui concerne le conditionnement, lapolitique de commercialisation et le prix. L'eau gazeusePerrier (3,8 % du marché) et certaines eaux aromatisées(moins de 1 %) constituent des exemples de tellesexceptions.

Sur le plan de la concurrence, il est toutefois impossibled'exclure toute interaction entre les eaux gazeuses etaromatisées et les eaux de source plates. La plupart dessociétés commercialisant des eaux de source platesproposent également des eaux de source gazeuses et, dansune moindre mesure, des eaux de source aromatisées. Dupoint de vue technique du moins, un embouteilleur d'eau desource plate peut aisément passer à la production d'eau desource gazeuse ou aromatisée.

Il pourrait s'avérer difficile, pour ces raisons, dejustifier une exclusion totale de l'eau de source gazeuseet aromatisée du marché de produits de référence. Il esttoutefois évident que les eaux plates, gazeuses etaromatisées constituent des catégories de produits ou dessegments différents au sein du marché global de l'eau desource embouteillée. Dans le cas d'espèce, l'évaluation dela concentration proposée ne changerait pasfondamentalement, même si les eaux gazeuses et aromatiséesétaient exclues.

LE MARCHE GEOGRAPHIQUE DE REFERENCE

(21) Eu égard aux considérations d'ordre structurel présentéesci-après, et après examen des conditions de concurrence surles marchés de l'eau de source dans la Communauté, laCommission a conclu que le marché géographique de référenceà l'intérieur duquel la puissance de la nouvelle entitédoit être appréciée est la France. Plusieurs facteurs

Page 16: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

indiquent que les parties à la concentration sontactuellement et seront à l'avenir également, en mesure dedéterminer leur comportement concurrentiel en France sansêtre soumis à des contraintes étrangères importantes enmatière de concurrence.

(22) Les représentants de Nestlé ont invoqué l'argument selonlequel le niveau des exportations vers d'autres régionsdoit être pris en considération dans la définition dumarché. Selon Nestlé, une discrimination en matière de prixentre la France et les zones géographiques dans lesquellescette société vend ses produits à l'étranger n'est paspossible, du moins pour la Belgique et certains Länderallemands. C'est la raison pour laquelle, selon Nestlé, sapolitique de prix en France serait soumise aux contraintesque lui imposent les conditions régnant sur les autresmarchés cités sur lesquels Nestlé est présent, bien que lesconditions de concurrence sur lesdits marchés soientconsidérablement différentes.

Sur cette base, et après avoir analysé les exportationsfrançaises d'eau de source vers la Belgique et l'Allemagne,Nestlé a estimé que le marché géographique de référencedevrait être étendu à la Belgique et à certains Länderallemands. Elle a en outre fait valoir que l'application deprix trop élevés sur le marché français donnerait lieu àdes importations parallèles en France. Selon elle toujours,la simple possibilité d'importations parallèlescompromettrait toute position dominante sur le marchéfrançais.

Toutefois, eu égard à la situation différente qui prévauten matière de concurrence dans chaque Etat membre, à laquasi-impossibilité d'effectuer des importations parallèleset à l'absence de concurrents communautaires capables defranchir les importants obstacles à l'accès au marchéfrançais, la Commission conclut que le marché géographiquede référence est la France.

A. LES CONDITIONS DE CONCURRENCE DANS LA COMMUNAUTE

(23) Les conditions de concurrence sur le marché de l'eau desource embouteillée sont très disparates dans laCommunauté. La demande présente des caractéristiquesdifférentes dans chaque Etat membre, les flux d'échangesont négligeables en ce qui concerne la consommation etl'offre est extrêmement morcelée dans la plupart des Etatsmembres.

(24) Selon les Etats membres, la demande est de nature trèsdifférente. Dans des pays tels que le Royaume-Uni,l'Irlande, les Pays-Bas, le Danemark et le Portugal, lademande d'eau de source embouteillée est extrêmement

Page 17: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

faible, voire inexistante (très faible consommation parhabitant), et le marché se trouve dans une phase dedémarrage.

Dans d'autres Etats membres, la demande porteessentiellement sur les seules eaux gazeuses, quireprésentent trois quarts du marché en Allemagne, plus de60 % en Italie et 34 % en Belgique. Dans ces Etats membres,la consommation d'eau embouteillée par habitant est prochede celle de boissons rafraîchissantes gazeuses, ce quimontre à quel point les habitudes de consommation sontdifférentes.

(25)Les flux d'échange revêtent une importance mineure dans laCommunauté. L'eau est un produit à faible valeur pourun volume élevé, qui ne tolère pas, en général, desfrais de transport sur de longues distances.L'incidence importante de ces frais tend àrégionaliser la majeure partie du marché. La sociétéNestlé a elle-même estimé cette incidence à 10 % pourune distance de 300 Km, pour les eaux plates les pluschères. Dans le cas du conditionnement en verre, lesfrais de transport sont plus de deux fois plus élevés.

Sur le plan de la consommation, les importations des payslimitrophes de la France restent négligeables : ellesreprésentent environ 5 % en Allemagne, et moins de 1% enItalie et en Espagne. Il s'agit généralement d'importationsd'eaux minérales françaises qui s'adressent à la frangesupérieure de la demande disposée à payer un prix nettementplus élevé pour une marque renommée offrant l'avantagesupplémentaire de posséder un parfum de cosmopolitisme. Lesimportations n'atteignent un niveau relativement élevéqu'en Belgique, eu égard au degré réduit de concentrationde l'offre et à la taille relativement restreinte dumarché. La consommation en Belgique représente environ 10 %de la production française en volume.

(26) L'offre est très morcelée en Allemagne, en Italie, enEspagne, et dans une moindre mesure, en Belgique. Ces payssont les seuls de la Communauté où le développement dumarché permettrait la présence d'un gros fournisseur.

En Allemagne, aucune des principales sociétés du marché(groupe Uberkinger, Gerolsteiner, Blaue Quellen (Nestlé) etApollinaris) ne représente une part du marché supérieure à10 %, même lorsque l'on additionne toutes les sources etmarques d'un même producteur. Quelques marques seulementont un statut national : Apollinaris (moins de 6 % dumarché), Fachinger (représentant 7 % du marché) et peut-être Gerolsteiner et Hirschquelle pourraient êtreconsidérées comme des marques nationales.

En Italie, les sources sont réparties sur la totalité duterritoire et plus de 200 sociétés commercialisent de l'eau

Page 18: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

de source embouteillée. La marque la plus importante,Ferrarelle (qui appartient à BSN), représente exactement10 % du marché italien. La situation en Espagne estanalogue : la marque la plus importante, Font Vella, estégalement détenue par BSN et représente 18 % du marché. Misà part Grupo Vichy Catalan (12 % du marché), ce sont desdizaines d'autres petites sociétés aux ventes annuellestotales inférieures à 100 millions de litres quiapprovisionnent le marché espagnol (source : Alimarket).

En Belgique, les deux principaux producteurs, Spadel etChaudfontaine, détiennent des parts plus importantes dumarché, en raison surtout de la petite taille de celui-ci.Le total des ventes d'eaux de source embouteillées enBelgique s'élève à 256,3 millions de litres (27 % dumarché) pour Spadel et à 95 millions de litres (10 % dumarché) pour Chaudfontaine. Aucune de ces deux sociétésn'effectue d'exportations importantes vers la France,malgré la situation géographique avantageuse de leurssources.

(27) Plusieurs facteurs expliquent le morcellement de cesmarchés et l'absence de grandes sociétés comparables auxproducteurs français. En Allemagne, la quasi-totalité del'eau de source est vendue en bouteilles de verre(habituellement consignées), dont l'utilisation amplifieconsidérablement l'incidence des frais de transport. EnItalie, le verre représente presque la moitié du marché etest normalement utilisé par les marques les plusimportantes.

En outre, en Italie, en Allemagne et en Espagne, lesdistributeurs d'eau embouteillée sont relativementnombreux. Les détaillants en alimentation dont lesactivités s'étendent à tout le pays sont beaucoup moinsimportants dans ces Etats membres qu'en France, ce quirestreint encore plus les possibilités pour les producteursd'eau embouteillée de ces pays de s'assurer un marchéintérieur étendu leur permettant d'envisager une expansionvers d'autres marchés. Actuellement, les exportationsitaliennes, espagnoles ou allemandes représentent moins de1% de la production de chacun de ces pays. Tout indique,par conséquent, que les efforts des sociétés de ces Etatsmembres pour dépasser les limites de leur région etatteindre au moins une dimension nationale se poursuivrontdans un avenir prévisible.

B. LES EXPORTATIONS FRANCAISES ET LA MENACED'IMPORTATIONS PARALLELES

(28) L'eau de source embouteillée est une marchandiserelativement peu onéreuse mais volumineuse, sur le prix delaquelle les frais de transport ont une grande incidence.Même si les marges bénéficiaires étaient élevées, il est

Page 19: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

peu probable qu'un importateur parallèle puisse transporterà travers plusieurs Etats membres les volumes importantsnécessaires pour réaliser des recettes et des bénéficesélevés. Il convient de noter, en outre, que l'exportationdes eaux minérales françaises s'effectue généralement parl'intermédiaire des filiales des principaux producteurs.Par exemple, toutes les activités d'exportation de Vittelvers la Belgique et l'Allemagne ont lieu par le biais desfiliales de Vittel dans ces pays (respectivement SociétéVittel Import et Vittel Mineralwasser GmbH). Ce systèmepermet d'exercer un certain contrôle sur les quantitésd'eau exportées vers ces deux pays.

Les prix en Belgique et en Allemagne (marchandise livréeaux consommateurs) sont considérablement plus élevés queles prix départ usine en France. Nestlé a cité des prix de3,36 FF par bouteille de Vittel (bouteille 'PVC' de 1,5litre) en Belgique, et de 2,82 FF pour le même produit enAllemagne en avril 1991(1). Ces prix doivent être comparésau prix départ usine en France à la même date, enl'occurrence 2,39 FF. Il résulte de cette comparaison quele prix auquel un hypothétique importateur parallèlepourrait acheter de la Vittel en Belgique ou en Allemagneest actuellement beaucoup plus élevé que le prix courantappliqué par Vittel en France (respectivement 40 et 18 % deplus). Après avoir payé ces prix plus élevés, leréexportateur éventuel devrait en outre supporter le coût

- du transport, pour réimporter la marchandise enFrance;

- du déballage des palettes, du réétiquetage de chaquebouteille et du réemballage;

- de sa propre marge bénéficiaire. Les ristournes et rabais consentis à la fin de chaque

exercice sur la base de la progression des volumes et desventes ainsi que les rabais de gamme permettent égalementde limiter les importations parallèles en France. En effet,un importateur parallèle indépendant ne pourrait pasbénéficier de ces rabais. La nature même de ce type derabais permet d'appliquer des conditions commercialesdifférentes à chaque client, même à l'intérieur du marchéfrançais.

En Allemagne, le conditionnement de l'eau de source estdifférent de celui utilisé en France : l'emballage typiquesur le marché allemand de l'eau de source est la bouteilleen verre de 75 cl, qui n'est pas utilisée en France. 89% dutotal des ventes d'eau embouteillée en Allemagne sont

(1) Les prix ont été notifiés en monnaie nationale (francs

belges et marks allemands). Ils ont été convertis en FF autaux de change moyen de 1991.

Page 20: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

emballés sous verre consigné, et la plus grande partie desexportations françaises vers l'Allemagne est égalementconstituée de bouteilles en verre. Les exportations deVittel vers l'Allemagne se composent principalement debouteilles en verre de 1,25 litre et d'1 litre, quireprésentent ensemble ..%* des exportations de cettesociété. Les frais de transport pour le verre sontconsidérablement plus élevés que pour le plastique (jusqu'à200 % selon une estimation de Nestlé). En outre, lesdétaillants français ont confirmé que la distribution enFrance d'eau de source plate en bouteilles de verrecréerait de nombreux problèmes (les consommateurs sonthabitués à acheter de l'eau de source plate dans desrécipients en plastique et les distributeurs auraient àsupporter des frais plus élevés pour la manipulation debouteilles en verre).

Pour ces raisons, la Commission considère que lesconditions régnant sur le marché de l'eau de sourcemontrent que les exportations des parties et la menaced'importations parallèles ne soumettent le comportementconcurrentiel des parties sur le marché géographique deréférence à aucune contrainte.

C. BARRIERES A L'ENTREE ISOLANT LE MARCHE FRANCAIS

(29) Outre les différences entre les conditions de concurrenceprévalant en France, d'une part, et dans le reste de laCommunauté, d'autre part, il existe d'importantes barrièresà l'entrée sur le marché français de l'eau de sourceembouteillée. Ces barrières en elles-mêmes [voirconsidérants (30) à (34)] montrent clairement que la Franceconstitue un marché géographique séparé sur lequel lesproducteurs français sont en mesure d'imposer desaugmentations de prix importantes et non provisoires sansêtre soumis à aucune contrainte extérieure sur le plan dela concurrence.

(30) Absence d'importations

Malgré l'absence d'obstacles tarifaires et légaux auxéchanges, les importations d'eau de source embouteillée enFrance sont négligeables (entre 1 et 2 % de la consommationfrançaise totale) et on ne constate aucune tendance à lahausse. Cette situation s'explique aisément par lastructure du marché des autres Etats membres. Lesimportations en provenance de régions éloignées ou lesimportations de bouteilles en verre sont pratiquementexclues pour des raisons de prix. Il ne faut pas perdre devue que les eaux minérales et les eaux de source non

*

Page 21: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

minérales doivent être embouteillées à la source, etqu'elles ne peuvent, par conséquent, être produites qu'à unendroit précis. Dans la mesure où des sources étrangèresseraient situées près des frontières françaises, les fraisde transport pourraient être absorbés. Toutefois, même danscette éventualité, l'absence d'importations s'expliqueégalement par plusieurs autres facteurs.

(31) Logistique de la distribution

Les producteurs français d'eau minérale produisent desvolumes suffisants pour transporter l'eau par chemin defer, par wagons entiers. Leur logistique et celle de leursprincipaux clients sont adaptées à ce moyen de transportcompétitif. Même des sociétés situées près des frontièresfrançaises (telles que Spa) seraient désavantagées sur leplan des frais de transport si elles exportaient vers laFrance, étant donné qu'elles devraient soit choisir letransport par camion, soit acquérir la logistiquenécessaire et produire un volume suffisant pourrentabiliser un transport ferroviaire.

(32) Accès à la distribution

Le marché français est arrivé à maturité en ce qui concernele nombre de marques et la gamme de produits proposés.Selon des sources du secteur, l'accès au marché français ducommerce de détail est difficile pour une nouvelle marqued'eau de source venant s'ajouter aux marques nationalesbien établies. Seules des marques renommées peuventraisonnablement espérer survivre à moyen ou long terme, cequi fait de l'entrée sur le marché une stratégie à hautrisque. En outre, l'espace réservé à l'eau sur les rayonsdes commerces de détail est nécessairement limité, et danscertains cas, il pourrait être difficile de prendre laplace d'une marque existante.

(33) Dépenses publicitaires (à fonds perdus)

Le marché français de l'eau se caractérise par laprédominance des marques. Le budget publicitaire cumulé destrois producteurs nationaux français - Nestlé, Perrier etBSN - s'est élevé à plus de 680 millions de FF en 1991. Lestrois grands producteurs pratiquent une politique depublicité intensive depuis plusieurs années.L'établissement d'une nouvelle marque nécessiterait desinvestissements massifs et pourrait être une entreprise delongue haleine. En outre, la multiplicité des marquesexistantes rend l'établissement d'une nouvelle marque plusdifficile (accès aux médias au moment opportun) et comporteun niveau de risque élevé, eu égard en particulier àl'image nationale associée aux marques appartenant àNestlé, Perrier et BSN.

Page 22: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(34)Autres barrières à l'entrée

Le degré élevé de concentration du marché français des eauxde source, dont trois sociétés détiennent 82 % en valeur,constitue une barrière supplémentaire à l'entrée et aggraveles risques liés à l'entrée d'un nouveau produit sur lemarché [voir considérant (98)].

Les échecs patents par lesquels se sont soldées lestentatives passées d'accéder au marché français, conjuguésà l'absence d'importations, confirment l'incidenceéconomique réelle des barrières mentionnées ci-dessus.Selon Perrier, il y a eu, au cours des cinq dernièresannées, 15 tentatives d'entrée sur le marché. Sur ces15 candidats, quatre seulement sont encore présents :Ferrarelle, qui appartient à BSN, San Pellegrino, danslaquelle Perrier détient une participation de 20 % et nommetrois des neuf membres du conseil de direction, et enfin,Apollinaris et San Benedetto, dont les ventes restentnégligeables. Selon certains distributeurs du secteur del'alimentation, si certaines marques nouvelles peuventbénéficier, au début, d'un accueil favorable, lesconsommateurs français reviennent généralement aux marquesnationales connues à court ou moyen terme. Le fait que lasociété belge Spadel oriente ses efforts à l'exportationvers le Royaume-Uni plutôt que vers la France malgré lasituation géographique de sa source témoigne encore desdifficultés liées à la pénétration sur le marché français.

V. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUN

(35) Pour les raisons exposées ci-dessus, la compatibilité del'opération de concentration envisagée sera appréciée surla base d'un marché français des eaux de sourceembouteillées (dénommées ci-après "eau embouteillée")distinct, comprenant les eaux plates et les eaux gazeuses.L'appréciation portera principalement sur le segment deseaux plates, étant donné qu'il représente approximativement84 % de la totalité du marché de l'eau embouteillée envolume, et en raison également de l'absence de changementssignificatifs dans le segment des eaux gazeuses, danslequel la société Nestlé n'exerce elle-même qu'une activitérestreinte dans le domaine des eaux gazeuses aromatisées.

(36)Les eaux locales (eaux minérales et eaux de source) sontincluses dans le marché sur lequel portel'appréciation, bien qu'elles se distinguent des eauxminérales nationales à maints égards. Ces différencesseront présentées ci-après et seront prises enconsidération pour apprécier si les eaux locales(principalement des eaux de source non minérales)représentent une contrainte concurrentielle suffisantepour les eaux minérales distribuées au niveaunational.

Page 23: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(37) L'accord conclu entre Nestlé et BSN le 30 janvier 1992 seraégalement pris en considération pour apprécier l'opérationde concentration envisagée. Aux termes de cet accord, lesdeux parties ont convenu, sous réserve d'une prise decontrôle de Perrier par Nestlé, de céder Volvic, l'une desprincipales eaux de source minérales plates de Perrier, àBSN. Dans son appréciation, la Commission doit prendre encompte tout accord existant dont la mise en oeuvre auraitune incidence significative sur la structure future dumarché. Un tel accord, comme tout autre élément lié aumarché, peut conduire à la conclusion que le rachat dePerrier ne saurait être déclaré compatible avec le marchécommun dans les conditions futures du marché mentionnéesci-dessus. Deux situations seront envisagées : l'une danslaquelle l'accord serait mis en oeuvre et l'autre danslaquelle les parties décideraient de ne pas exécuter cetaccord.

A. PARTS DU MARCHE

(38) Dans sa notification relative à l'opération deconcentration envisagée, Nestlé a fourni des chiffres surle volume total du marché et les parts du marché détenuespar les différents participants, sur la base de ses propresdonnées et de données collectées par la Chambre syndicaledes eaux minérales et la Chambre syndicale des eaux desource. Les chiffres fournis par Nestlé portent sur lesannées 1986 à 1991. Nestlé a également communiqué deschiffres relatifs à la valeur totale du marché et aux partsdu marché en valeur.

(39)Selon ces chiffres, la valeur totale et le volume total dumarché en 1991, ainsi que les parts du marché détenuespar les trois producteurs d'eau à diffusion nationale,c'est-à-dire Nestlé, Perrier et BSN, et par lesproducteurs d'eau à diffusion locale ("autres"),étaient les suivants :

┌──────────────────────┬───────────┬───────────────────────────┬───────────────────────────┬───────────────────────────┐│ VALEUR │ VOLUME │ TOTAL (5250 M l) │ EAU PLATE (4394 M l) │ EAU GAZEUSE (856 M l) │├──────────┬───────────┼───────────┼────────────┬──────────────┼────────────┬──────────────┼────────────┬──────────────┤│ 1991 │ 9334 M FF │ 1991 │toutes eaux │uniq. minérale│toutes eaux │uniq. minérale│toutes eaux │uniq. minérale│├──────────┼───────────┼───────────┼────────────┼──────────────┼────────────┼──────────────┼────────────┼──────────────┤│ Nestlé │ ..* │ Nestlé │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* ││ Perrier │ ..* │ Perrier │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* ││ BSN │ ..* │ BSN │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* │ ..* ││ Total 3 │ 82.3 │ Total 3 │ 76.0 │ 94.1 │ 74.2 │ 93.5 │ 85.4 │ 96.5 │├──────────┼───────────┼───────────┼────────────┼──────────────┼────────────┼──────────────┼────────────┼──────────────┤│ Autres │ 17.7 │ Others │ 24.0 │ 5.9 │ 25.8 │ 6.5 │ 14.6 │ 3.5 │└──────────┴───────────┴───────────┴────────────┴──────────────┴────────────┴──────────────┴────────────┴──────────────┘

(40) Les parts du marché exprimées en valeur reflètent mieux lapuissance réelle sur ce marché que les parts exprimées envolume, le marché français de l'eau étant composé de deuxcatégories de produits très distinctes en termes de prix,c'est-à-dire les eaux minérales nationales et les eauxlocales, principalement des eaux de source. Il existe unedifférence de prix importante et en constante augmentationentre ces deux catégories d'eaux. En moyenne, le prix

Page 24: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

départ usine des eaux de source locales non minérales estd'environ 1 FF par bouteille PVC de 1,5 litre, alors que leprix départ usine des eaux minérales nationales variegénéralement de 2,49 FF à 2,56 FF pour les mêmes quantités.Après déduction d'un rabais forfaitaire de 10 %, ladifférence de prix entre les eaux nationales et les eaux desource locales non minérales varie par conséquent de1,24 FF à 1,30 FF. La différence de prix considérableexistant entre ces deux catégories d'eau et l'importancedes ressources financières consacrées sur ce marché àl'investissement dans la publicité et le marketing amènentla Commission à considérer qu'il est plus approprié deprendre en considération les parts du marché exprimées envaleur plutôt que celles exprimées en volume. Les parts dumarché exprimées en valeur communiquées par Nestlé montrentque les trois producteurs nationaux détiennent une part de82,3 % de la totalité du marché français de l'eauembouteillée et que la part des producteurs locaux nes'élève qu'à 17,7 %.

(41)Dans les observations écrites et orales qu'elle aprésentées à la suite de la communication des griefsconformément à l'article 18 du règlement sur lesconcentrations, la société Nestlé a substitué deschiffres extraits du rapport Canadean de 1990 auxchiffres relatifs au volume qu'elle avait initialementfournis dans sa notification et qui se fondaient surdes données communiquées par les deux associationsprofessionnelles concernées. Selon le rapportCanadean, le volume total du marché s'élèverait nonpas à 5,25 milliards de litres, mais à 5,9 milliardsde litres, la différence provenant principalement dufait que les producteurs locaux détiendraient une partplus importante du marché des eaux plates s'élevant à35,5 % et non à 25,8 %. BSN, qui avait également étéentendue pas la Commission, avait également fait étatd'estimations figurant dans deux études de marché(Intercor et Secodip), selon lesquelles le volumeserait supérieur à celui indiqué par Nestlé dans sanotification.

(42) Nestlé a laissé inchangés ses chiffres relatifs à la valeurdu marché, c'est-à-dire 9.334 millions de FF. BSN a avancéune valeur totale du marché de 9,4 milliards de FF, chiffreremarquablement proche de celui communiqué par Nestlé danssa notification et confirmant donc le chiffre donné parNestlé. La discussion relative au volume du marché estmoins importante, puisque la part du marché en valeurdétenue par les trois producteurs nationaux reste au niveaude 82 % et celle des producteurs locaux au niveau de 17 à18 %.

(43) En ce qui concerne le volume du marché, les chiffresavancés par le rapport Canadean 1990 et par les études de

Page 25: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

marché Intercor et Secodip ne sont que des estimationsauxquelles il convient de ne pas accorder plus de créditqu'aux chiffres initialement présentés par Nestlé et quireposaient principalement sur les données communiquées parles associations professionnelles des secteurs concernés.Dans la catégorie "autres", le rapport Canadean et lesétudes Intercor et Secodip classent également les eauxminérales et les eaux de source non minérales localesdétenues par Nestlé et Perrier. Celles-ci ont représenté,en 1991, un volume de 221 millions de litres. En outre,contrairement aux chiffres fournis par les associations professionnelles, lesdits rapport et études de marché sefondent uniquement sur des estimations basées sur deséchantillons d'une partie seulement des ventes desdétaillants ou des achats des consommateurs. Enfin, il estmanifeste que ces documents se contredisent, étant donnéqu'ils aboutissent à trois résultats entièrement différentsconcernant le volume du marché : 5.390 millions de litrespour Intercor, 5,90 milliards de litres pour Canadean et6,69 milliards de litres pour Secodip.

(44) En 1991, la forte croissance de la demande enregistrée en1989 et 1990 (due principalement à la chaleurexceptionnelle) s'est interrompue et le taux de croissancea été inférieur à 1 %. Les chiffres communiqués par Nestlédans sa notification prennent en considération cetteinterruption de la croissance de la demande et donnent unvolume total du marché en 1991 de 5,25 milliards de litres.Les volumes de vente calculés par la Commission sur la basede ses enquêtes et des données fournies par lesassociations professionnelles concernées figurent àl'annexe 2**. Ce calcul se solde par un volume total dumarché de 5,249 milliards de litres (eaux plates4,419 milliards de litres eaux gazeuses 830 millions delitres). Ces chiffres sont remarquablement proches de ceuxfournis par Nestlé dans sa notification.

Les chiffres communiqués par la Chambre syndicale des eauxminérales et par la Chambre syndicale des eaux de sourcepour 1991 font état d'une diminution des ventes d'eauxminérales à diffusion locale par rapport à 1990 et d'uneaugmentation de 3,3 % seulement des ventes d'eaux de sourcelocales non minérales. Ces données confirment la tendancegénérale du marché en 1991, qui n'a connu qu'une faibleaugmentation du volume total par rapport à 1990.

(45) Les considérations qui précèdent conduisent à la conclusionque les chiffres relatifs à la valeur et au volume dumarché communiqués par Nestlé dans sa notification sontfiables et qu'ils peuvent être utilisés pour l'appréciation

**

Page 26: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

de l'opération de concentration envisagée. Ces chiffressont également confirmés, dans une large mesure, par lapart des eaux locales dans le total des ventes d'eaux (eaux plates et gazeuses) chez plusieurs grands détaillantset grossistes. La moyenne pondérée de ces ventes d'eauxlocales se situe seulement à environ 22 % des ventestotales en volume. En valeur, cette part s'élève seulementà environ 16 ou 17 %.

(46) De 1986 à 1991, les parts de la totalité du marché françaisdes eaux en valeur et en volume ont évolué de la manièresuivante, selon les chiffres de Nestlé elle-même :

┌────────────────────────────────────────────────────┬───────┬───────────┐ │ 1986 1987 1988 1989 1990 1991 │Moyenne│ Diff. part│ │ │ │ min./max. │ ├────────────────────────────────────────────────────┼───────┼───────────┤ │en valeur Nestlé ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 2.4 % │ │ Perrier ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 1.9 % │ │ BSN ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 2.1 % │ │ Autres ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 2.3 % │ ├────────────────────────────────────────────────────┼───────┼───────────┤ │en volume Nestlé ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 3.2 % │ │ Perrier ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 1.4 % │ │ BSN ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 2.6 % │ │ Autres ..* ..* ..* ..* ..* ..* │ ..* │ 4.7 % │ └────────────────────────────────────────────────────┴───────┴───────────┘

Le tableau ci-dessus montre que les parts de marché destrois producteurs nationaux sont demeurées relativementstables au cours de la période considérée, avec unevariation moyenne de 2,1 % en valeur et de 2,4 % en volume,alors que celles détenues par l'ensemble des autresproducteurs variaient de 2,3 % en valeur et de 4,7 % envolume. Dans l'absolu, les ventes des trois producteursnationaux ont constamment augmenté en valeur (augmentationmoyenne de 9,4 %) et en volume (augmentation moyenne de4,6 %). En 1991 seulement (fort tassement de la croissancede la demande), les trois producteurs nationaux ontenregistré une baisse de volume de 49 millions de litres(voir considérant 68), tout en augmentant la valeur deleurs ventes de 4,9 %. Dans la même année, les producteurslocaux d'eaux minérales ont également perdu en volume.Seuls les producteurs locaux d'eaux de source ont puaugmenter leur volume de 3,3 %.

Compte tenu du fait que l'accroissement de la demande estlargement dû à des facteurs d'ordre écologique incitant lesgens à remplacer l'eau de robinet par les eauxembouteillées les moins chères, qui sont les eaux de sourcenon minérales (segment "remplacement de l'eau de robinet"),les variations des parts de marché indiquées ci-dessus sontrelativement faibles. Elles ne traduisent pas une évolutionfondamentale de la position respective des troisproducteurs nationaux sur le marché, ni de leur positionpar rapport aux producteurs d'eaux locales.

Page 27: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(47) Sur la base des chiffres fournis par Nestlé lors de lanotification, les parts sur le marché des eaux plates aprèsla concentration, avec et sans la vente de Volvic à BSN, serépartissent ainsi :

Sans la vente de Volvic à BSN Avec la vente de Volvic àBSN┌─────────┬────────────┬───────────────────────────┐ ┌─────────┬────────────┬───────────────────────────┐│ Uniq. │ VALEUR │ VOLUME │ │ Uniq. │ VALEUR │ VOLUME ││eau plate├────────────┼────────────┬──────────────┤ │eau plate├────────────┼────────────┬──────────────┤│ 1991 │toutes eaux │toutes eaux │uniq. minérale│ │ 1991 │toutes eaux │toutes eaux │uniq. minérale│├─────────┼────────────┼────────────┼──────────────┤ ├─────────┼────────────┼────────────┼──────────────┤│ Nestlé │ ..* │ ..* │ ..* │ │ Nestlé │ ..* │ ..* │ ..* ││ BSN │ ..* │ ..* │ ..* │ │ BSN │ ..* │ ..* │ ..* ││ Total 2 │ 82.4 │ 74.2 │ 93.5 │ │ Total 2 │ 82.4 │ 74.2 │ 93.5 │├─────────┼────────────┼────────────┼──────────────┤ ├─────────┼────────────┼────────────┼──────────────┤│ Autres │ 17.6 │ 25.8 │ 6.5 │ │ Autres │ 17.6 │ 25.8 │ 6.5 │└─────────┴────────────┴────────────┴──────────────┘ └─────────┴────────────┴────────────┴──────────────┘

(48) On peut conclure de ce qui précède que le marché françaisdes eaux embouteillées est déjà fortement concentré et quela fusion ne ferait que renforcer cette concentration,puisque deux producteurs détiendraient à eux seuls 82 % dumarché en valeur et environ 75 % en volume avec plus de90 % de l'ensemble des eaux minérales plates.

B. CAPACITES ET PORTEFEUILLE DE SOURCES

(49) Nestlé a fait valoir que la plupart des grandes sources deNestlé, Perrier et BSN atteignent pratiquement leurcapacité de production maximale et qu'il leur sera doncimpossible de conserver leurs parts sur un marché en forteexpansion.

(50) Toutefois, Nestlé reconnaît que le taux de croissance dumarché français des eaux embouteillées connaîtraprobablement un ralentissement, et qu'il a d'ailleurs étéinférieur à 1 % en 1991. Nestlé estime réaliste d'envisagerun taux de croissance de 5 % pour les années à venir.

(51) Sur le marché des eaux plates, qui est au centre de ladiscussion dans le cas présent, Nestlé dispose des réservesde capacité suivantes en eaux minérales (capacité deproduction de la source par an) :

1. Vittel : capacité annuelle : ..* millions delitres

réserves decapacité : ..* millions de litres

2. Hépar : capacité annuelle : ..* millions delitres

réserves decapacité : ..* millions de litres

*

Page 28: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

3. Abatilles : capacité annuelle : ..* millions delitres

réserves decapacité : ..* millions de litres

Nestlé possède également l'eau de source non minéralePierval dont la capacité est de ..* millions de litres etqui dispose de réserves de capacité de ..* millions delitres.

(52)Perrier possède deux grandes sources d'eau minérale platedisposant de réserves de capacité considérables :Contrex et Volvic. Les chiffres exacts ont étécommuniqués à la Commission, mais ils ne peuvent êtredivulgués pour des raisons de confidentialité. Lesréserves de capacité réunies des deux sourcesdépassent le volume total du marché des eaux plates.En outre, Perrier possède d'autres sources d'eauminérale, en particulier Thonon qui a une capacitéestimée à ..* millions de litres et une réserve decapacité d'environ ..* millions de litres (estimationde Nestlé).

Par ailleurs, Perrier possède plusieurs sources importantesd'eaux minérales gazeuses : Perrier, St-Yorre, Vichy etd'autres sources plus petites. Les deux premières sourcesont une capacité totale et une réserve de capacitéconsidérable.

Par ailleurs, Perrier possède un grand nombre de sourceslocales d'eaux de source, notamment Castel, St-Roch, LesOrmes, Carola, St-Lambert, Montegut, Regina et Sergentale.

(53) BSN possède une grande source d'eau minérale plate, Evian,dont les réserves de capacité sont estimées à environ..* millions de litres. BSN possède également une grandesource d'eau minérale gazeuse, Badoit, qui a atteint sacapacité maximale. BSN développe actuellement une nouvellesource d'eau minérale gazeuse, appelée Salvetat.

(54) Après la concentration et la vente de Volvic à BSN, lesdeux producteurs posséderaient un nombre considérable desources, dont les réserves de capacité totalesdépasseraient de loin le volume total du marché de l'eau(5,25 milliards de litres), et chacun d'entre euxposséderait au moins une grande source d'eau minérale platedisposant de réserves de capacité importantes par rapportau volume total du marché et à l'ensemble des autresproducteurs d'eaux locales. Ils seraient donc en mesure derépondre à un accroissement de la demande sans aucunelimitation de capacité, même avec un taux de croissance

*

Page 29: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

constant de la demande de 5 % par an. Bien qu'il ne soitpas possible de mélanger des eaux minérales provenant desources différentes, Nestlé et BSN augmenteraientconsidérablement leurs portefeuilles respectifs de sourceset de marques importantes et renommées, ce qui leurpermettrait de mieux adapter leurs stratégies commercialesà l'accroissement de la demande.

(55) Aucun producteur d'eau locale ne possède de sourcescomparables, ni en nombre ni en taille, à celles dontNestlé et BSN disposeront après la concentration. Laplupart des sources locales ont une capacité inférieure à200 millions de litres, souvent beaucoup moins encore. Mêmesi des eaux non minérales provenant de sources différentespeuvent être commercialisées sous une seule marque (parexemple une marque de distribution), elles doivent malgrétout être embouteillées à la source et ne peuvent donc, enraison de leur faible prix, être transportées sur delongues distances (200 à 250 km). Cela signifie que si unegrande chaîne de distribution souhaite lancer une marqueavec plusieurs eaux de source non minérales, elle ne peutle faire qu'avec des eaux provenant de sources différenteset possédant donc des goûts et des caractéristiquesdifférents. Or, ces types d'eaux se situent au bas de lagamme des eaux de sources non minérales locales et elles nepeuvent donc concurrencer sérieusement les eaux minéralesnationales, qui sont connues pour leurs caractéristiquesminérales, la stabilité de leur composition et leur originegéographique unique. Il s'agit là d'un fait confirmé par laplupart des détaillants (voir annexe 15**).

(56) On peut en conclure qu'après la concentration et la ventede Volvic à BSN, Nestlé et Perrier auront toutes deuxd'importantes réserves de capacité qui leur permettront derépondre à un accroissement de la demande. L'acquisition dePerrier et la scission ultérieure de la sociétéaugmenteraient considérablement la capacité globale et lesréserves de capacité de Nestlé et de BSN.

C. PRIX

(57) Même avant la concentration, il existe déjà un oligopoleétroit de trois producteurs entre lesquels la concurrenceen matière de prix est très faible et qui opèrent sur unmarché extrêmement transparent.

(58)Ecarts de prix entre les eaux de source non minéraleslocales et les eaux minérales nationales

Les prix départ usine (avant rabais et TVA) de Nestlé,Perrier et BSN pour leurs cinq grandes eaux minérales

**

Page 30: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

plates se situent actuellement entre 2,49 FF et 2,56 FF parbouteille 'PVC' de 1,5 litre : Contrex : 2,56 FF, Hépar :2,55 FF, Evian : 2,51 FF, Vittel : 2,49 FF et Volvic :2,49 FF. Après déduction d'un rabais forfaitaire de ..%*,ces prix dépassent les prix départ usine moyens des eaux desource non minérales locales de 1,24 FF à 1,30 FF parbouteille de 1,5 litre [voir considérant (40)].

(59) Augmentations de prix et parallélisme des prix

Les prix départ usine (avant rabais et TVA) des cinqgrandes eaux minérales plates des trois producteursnationaux ont constamment augmenté de façon parallèledepuis 1987 au moins (voir annexes 5 et 6**).L'augmentation annuelle moyenne des prix entre 1987 et 1992a été la suivante : Contrex : 5,10 % (nominale) - 1,69 %(réelle); Volvic : 4,83 % (nominale) - 2,10 % (réelle);Vittel : 5,17 % (nominale) - 1,41 % (réelle); Hépar :5,70 % (nominale) - 1,60 % (rélle); Evian : 5,82 %(nominale) - 2,29 % (réelle). Quelle que soit la sociétéqui augmentait ses prix la première, elle étaitsystématiquement suivie par les deux autres producteurs. Iln'y a eu aucune diminution des prix au cours de la périodeconsidérée. Le leader en matière de prix semble toujoursavoir été Perrier, qui a traditionnellement maintenu lesprix les plus élevés pour la plupart de ses produits. Lesrabais accordés par les trois les producteurs étaient del'ordre de ..%* à ..%*, selon les informations dont disposela Commission.

(60) Elasticité de la demande

En ce qui concerne les eaux locales (principalement deseaux de source) l'élasticité croisée de la demande d'eauxminérales plates nationales par rapport aux prix estrelativement faible. Les trois producteurs d'eau nationauxont fortement fidélisé leur clientèle grâce à des campagnesde publicité massives et constantes en faveur des eauxminérales nationales. Cela est confirmé par le fait que lesdétaillants, qui ne font que refléter la demande desconsommateurs, ne considèrent pas le prix comme le premiercritère de choix des eaux minérales nationales (voirannexe 14**) et qu'ils s'estiment dépendants des grandesmarques d'eaux minérales nationales (voir annexe 15**).Cette faible élasticité croisée de la demande par rapportaux prix vis-à-vis des eaux locales est illustrée par le

*

**

**

Page 31: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

fait que depuis 1986 au moins, les trois producteursnationaux ont vu leurs volumes de ventes absolus (quireprésentent plus de 70 % du marché total des eaux)augmenter de façon constante, avec seulement une faibleperte en 1991 quand la croissance de la demande totale adiminué fortement. Il existe dès lors une faible élasticitécroisée de la demande par rapport aux prix qui facilite lesaugmentations de prix ou tout au moins le maintien de prixélevés, sans diminution importante du volume des ventes auprofit des producteurs d'eaux locales.

(61) Marge sur coût de production

La marge sur coût de production des trois producteursnationaux pour une bouteille 'PVC' d'eau minérale plate de1,5 litre est très élevée. Elle varie entre .. FF* et.. FF* environ. Le coût de production a été calculé sur labase des coûts de production variables et fixes ainsi quedes coûts publicitaires. On peut conclure de cette margesur coût de production très élevée ainsi que desdifférences de prix importantes par rapport aux eaux desource non minérales locales (qui sont vendues à des prixcompétitifs) que les prix des eaux minérales nationales sesituent probablement déjà à un niveau très élevé,supérieur au niveau qui résulterait d'une situationconcurrentielle normale.

(62)Transparence du marché

Les trois producteurs nationaux publient leurs prixcourants avec les rabais de quantité de base. Comme ilsapprovisionnent tous les mêmes clients, ceux-ci leurdonnent également beaucoup d'informations en retour. Enoutre, les trois producteurs communiquent leurs volumes deventes mensuelles à la Chambre syndicale des eauxminérales, et chacun d'entre eux reçoit les volumes desventes mensuelles, ventilées par marque, des autresproducteurs. Dans un oligopole étroit, une telle pratiquene fait qu'augmenter la transparence du marché et permet àchaque producteur de suivre l'évolution de la position desautres sur le marché.

D. STRUCTURE DES COUTS

(63) Nestlé reconnaît que les principales marques des troisproducteurs nationaux ont une structure de coûts similaire(voir rapport Lexecon, p. 45). Le processus de productionconsiste essentiellement dans l'embouteillage. La nécessitéd'embouteiller les eaux à la source et la multiplicité desinstallations d'embouteillage qui en découle réduisent lespossibilités d'économies d'échelle. Ni Nestlé, ni BSN ne

*

Page 32: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

possède donc en matière de coûts d'avantage majeur quipourrait l'inciter à adopter une stratégie agressive enversl'autre. Il convient également de noter que les troisproducteurs nationaux appliquent des prix départ usine, lescoûts de transport étant supportés directement par lesclients (détaillants et grossistes).

E. CONCURRENCE DES PRODUCTEURS D'EAUX LOCALES

(64) Nestlé, soutenue en cela par BSN, a fait valoir que leseaux locales (essentiellement des eaux de source nonminérales) constituent une contrainte, sur le plan de laconcurrence, pour les trois producteurs nationaux. Dans lesobservations écrites qu'elle a adressées à la Commission ausujet de la communication conformément à l'article 18,Nestlé soutient que les producteurs locaux représentent34 % (eaux plates : 35,5 %) du marché français de l'eau, etque dans certains hypermarchés, leurs parts atteindraient50 %.

(65) Si l'on se base sur les chiffres fournis par Nestlé, lesparts de marché détenues par les "autres" ne s'élevaientqu'à 17,7 % en valeur en 1991. Compte tenu des écarts deprix considérables entre les prix départ usine moyens deseaux de source non minérales locales et ceux des eauxminérales nationales, ce sont les parts de marché en valeurqui reflètent le mieux la puissance réelle des eaux localessur l'ensemble du marché [(voir considérant (40)]. Nestlén'a pas remis en question le fait qu'en termes de valeur,la part de marché des "autres" est généralement en dessousde 20 %.

(66) En ce qui concerne les ventes des "autres" en volume, leursparts de marché se sont élevées en 1991, toujours selon leschiffres communiqués par Nestlé, à 24 % de l'ensemble dumarché des eaux et à 25,8 % du marché des eaux plates. Ceschiffres sont confirmés par la part que représentent leseaux locales dans les ventes totales d'un échantillonreprésentatif de détaillants et grossistes pour qui lamoyenne pondérée des ventes d'eaux locales représenteenviron 22 % des ventes totales d'eaux.

(67) L'évolution des parts détenues par les "autres" surl'ensemble du marché des eaux a été la suivante au coursdes cinq dernières années : en valeur : 16 % en 1986,17,7 % en 1991 (soit une augmentation de 1,7 %); envolume : 20,3 % en 1986, 24 % en 1991 (soit uneaugmentation de 3,7 %) [(voir considérant (46)].

Le tableau suivant montre l'évolution, en chiffres absolus,du montant et du volume des ventes (total eaux et eauxplates) des trois producteurs nationaux et des producteurslocaux ("autres") :

Page 33: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

┌───────────────────────────────────────────────────────────────────────────────────────────────┐│ Total eaux en valeur (en millions FF) │├──────────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┤│ │ 1987 │ 1988 │ 1989 │ 1990 │ 1991 │ Total │ Moyenne│ Total │ Moyenne││ │ │ │ │ │ │ 87/91 │ 87/91 │ 89/91 │ 89/91 │├──────────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┤│ N/P/BSN │+ 289 │+ 520 │+ 833 │+ 781 │+ 364 │+ 2787 │+ 557 │+ 1978 │+ 659 ││ Autres │+ 20 │+ 90 │+ 240 │+ 200 │+ 170 │+ 720 │+ 144 │+ 610 │+ 203 │├──────────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┤│ Total eaux en volume (en millions litres) │├──────────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┤│ │ 1987 │ 1988 │ 1989 │ 1990 │ 1991 │ Total │ Moyenne│ Total │ Moyenne││ │ │ │ │ │ │ 87/91 │ 87/91 │ 89/91 │ 89/91 │├──────────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┤│ N/P/BSN │+ 80 │+ 186 │+ 301 │+ 285 │- 49 │+ 803 │+ 160 │+ 537 │+ 179 ││ Autres │- 5 │+ 19 │+ 209 │+ 125 │+ 99 │+ 447 │+ 89 │+ 433 │+ 144 │├──────────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┤│ Eaux plates en volume (millions litres) │├──────────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┬────────┤│ │ 1987 │ 1988 │ 1989 │ 1990 │ 1991 │ Total │ Moyenne│ Total │ Moyenne││ │ │ │ │ │ │ 87/91 │ 87/91 │ 90/91 │ 90/91 │├──────────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┼────────┤│ N/P/BSN │ n.a. │ n.a. │ n.a. │+ 261 │- 47 │ n.a. │ n.a. │+ 214 │+ 107 ││ Autres │ n.a. │ n.a. │ n.a. │+ 113 │+ 90 │ n.a. │ n.a. │+ 203 │+ 101 │└──────────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┴────────┘

(68) Ce tableau montre qu'après deux ans de très fortecroissance, due essentiellement à un tempsexceptionnellement chaud, la croissance du marché s'estfortement ralentie, tombant de 8,5 % en 1990 à 0,9 % en1991. En dépit de cette forte baisse de la croissance de lademande, la valeur du marché a augmenté de 534 million deFF en 1991, dont 364 millions de FF (68 %)au profit destrois producteurs nationaux et 170 millions de FF (32 %) auprofit des "autres". Tant au cours des cinq qu'au cours destrois dernières années, l'augmentation moyenne de la valeurdes ventes des trois producteurs nationaux a toujours étéplus de trois fois supérieure à celle des producteurslocaux. Ils ont constamment augmenté leur chiffred'affaires, même en 1991, lorsque leur volume de ventes abaissé de 49 millions de litres.

(69) Le tableau ci-dessus montre également qu'en termes devolume, l'augmentation des ventes tant des troisproducteurs nationaux que des producteurs locaux s'estralentie en 1990 et 1991. En dépit d'un ralentissement plusfort pour les trois producteurs nationaux en 1991,l'augmentation moyenne des ventes de ces derniers au coursdes cinq et des trois dernières années a toujours étésupérieure à celle des producteurs locaux.

(70)Les pertes de volume subies par les trois producteursnationaux en 1991 ont été faibles : 47 millions delitres pour les eaux plates et 2 millions de litrespour les eaux gazeuses. Cela représente seulement 1 %du marché des eaux plates, dont les trois producteursnationaux détiennent ensemble environ 75 %. Comptetenu de la forte réduction de la croissance de lademande en 1991, après deux années de croissanceexceptionnelle, cette perte ne traduit pas unglissement véritable de la demande vers les eaux desource non minérales locales. De même, la baisse desventes des producteurs nationaux en 1991 n'est pasnécessairement ou seulement due à la concurrence deseaux de source non minérales locales, puisque, avec

Page 34: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

une augmentation de prix de 7,11 % en 1991, Evian amalgré tout augmenté son volume de 20 millions delitres. Volvic et Hépar, qui ont elles aussi majoréleurs prix, ont également augmenté leur volume devente, de 35 et 16 millions de litres respectivement. Seules Contrex et Vittel ont connu une baisse deleurs ventes. Enfin, il est indéniable qu'il existeun certain degré de concurrence entre les eauxminérales nationales et les eaux de source nonminérales locales. Toutefois, ces modifications nesont pas suffisantes pour prouver que les eaux desource minérales locales menacent réellement laposition des trois producteurs nationaux. L'existenced'une concurrence, même vive, sur un marché donné,n'exclut pas celle d'une position dominante sur cemême marché, aussi longtemps que celle-ci ne contraintpas les entreprises détenant cette position à baisserleurs prix [voir arrêt de la Cour dans l'affaire 85/76(Hoffmann-Laroche) points 70 et 71 des motifs,Recueil, 1979, p. 461].

(71) Il faut toujours se rappeler que les prix des eauxminérales nationales sont déjà très élevés. Or, malgrécette situation, les trois producteurs nationaux ont réussià les augmenter régulièrement, y compris en 1992 (Contrex :3,64 %, Volvic : 4,18 %, Vittel : 4,18 %, Hépar : 5,80 % etEvian : 4,14 %). Ils considèrent donc eux-mêmes qu'il esttoujours dans leur intérêt d'augmenter leurs prix et que lapression des producteurs d'eaux locales n'est passuffisante pour les empêcher soit de maintenir les prixélevés actuels, soit même de les augmenter. Cettepossibilité d'augmentation constante des prix, même entermes réels, constitue la meilleure preuve que laconcurrence des producteurs d'eaux locales n'a pas étésuffisante dans le passé, et qu'elle le sera sans douteencore moins après la concentration, pour limiter demanière significative la puissance des trois producteursnationaux.

(72) Les producteurs d'eaux de source non minérales localessouffrent d'un certain nombre d'inconvénientsstructurels qui limitent les pressions qu'ils peuventexercer sur les producteurs nationaux.

Les producteurs d'eaux de source sont de petites sociétés,qui sont à la foi nombreuses et disperséesgéographiquement. Aucun producteur d'eau locale n'atteint10 % du marché total ou du segment des eaux plates. En1991, la famille Papillaud et le groupe CGES ont réaliséchacun un volume de ventes représentant environ 8 à 9 % dumarché en volume et 3 à 4 % en valeur. La plupart desautres producteurs d'eaux locales détiennent des parts de

Page 35: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

marché inférieures à 5 % en volume, et beaucoup plusfaibles en valeur.

(73) Les producteurs locaux sont tous des sociétés indépendantesdont les résultats ne peuvent sans doute pas êtrecumulés pour déterminer s'ils sont en mesure delimiter la puissance des deux producteurs nationauxqui resteraient. Leur puissance financièreindividuelle est très faible comparée à celle deNestlé et de BSN. C'est pourquoi la part de marchécombinée des "autres", qui est de 17,7 % en valeur etde 25,8 % en volume, ne donne pas une image réelle dela puissance des producteurs d'eaux locales, qui esten fait bien moindre. Même si quelques sources localessont détenues ou financées par de gros détaillants,cette activité ne procure pas à ces derniers desbénéfices suffisants pour les inciter à investirmassivement dans le développement de ces sources. Enrevanche, Nestlé et BSN disposent d'une puissancefinancière considérable qu'elles sont en mesured'utiliser pour développer leur activité dans lesecteur des eaux, qui constitue pour elles uneactivité importante et très profitable.

(74)Même si des marques de distribution peuvent recouvrirplusieurs eaux de source non minérales locales, ellesne constituent pas une solution de remplacement ni uncontrepoids suffisant aux eaux minérales nationales;ce fait est largement confirmé par les détaillantseux-mêmes (voir annexe 15**). Cette stratégie quiconsiste à réunir plusieurs eaux de source nonminérales sous une seule marque peut améliorer laposition des eaux locales dans une mesure limitée,mais elle ne peut en rien modifier le fait qu'ilexiste une demande ancienne et bien établie pour leseaux minérales (plus que 70 % de la demande totale).En outre, les eaux non minérales provenant de sourcesdifférentes et vendues sous une marque de distributionse situent généralement au plus bas de la gamme deseaux plates locales. Ces eaux ont pour vocation nonpas vraiment de concurrencer les grandes marquesnationales, mais plutôt de les compléter. Ce sontelles qui ont le moins de chances d'être adoptées parles consommateurs qui boivent régulièrement des eauxminérales nationales pour remplacer ces dernières. Aumieux, les marques de distribution réussiront às'imposer auprès des consommateurs qui cherchentsimplement à remplacer l'eau de robinet par la boissonla moins chère ou par de l'eau de table [traitée etpurifiée] (le segment "remplacement de l'eau derobinet").

**

Page 36: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

Selon les déclarations de Nestlé lors de l'audition orale,les marques de distribution représentent tout au plus 7 à8 % du marché total des eaux plates en volume (beaucoupmoins en valeur). Les détaillants faisant embouteiller ceseaux par les producteurs d'eaux locales, leur volume est,pour l'essentiel, déjà inclus dans la part de marché des"autres". Il est tout à fait exceptionnel qu'un détaillantpossède une source et embouteille lui-même l'eau.

Les eaux minérales locales ne peuvent être commercialiséeslégalement sous une marque de distribution ni sousplusieurs dénominations commerciales différentes. Selon leschiffres fournis par Nestlé, les eaux minérales plateslocales ne représentent que 6,5 % de l'ensemble des eauxminérales plates, contre 93,5 % pour les trois producteursnationaux.

(75)En raison de leur faible prix de vente, lacommercialisation de la plupart des eaux locales n'estrentable que dans un rayon de 200 à 250 km. Leproducteur ne réalise pas une marge bénéficiairesuffisante pour absorber les coûts de transport sur delongues distances. En outre, la majorité des sourcesd'eaux locales ont des capacités inférieures (le plussouvent bien inférieures) à 200 millions de litres.

Les producteurs d'eaux locales ne réalisent donc pas devolumes de ventes ni de bénéfices suffisants pour justifierdes investissements importants dans la promotion de leursmarques, dans des campagnes de publicité nationales ou dansun réseau de distribution national. Leurs eaux ne possèdentpas d'image de marque forte et sont seulement vendues auniveau régional.

Les trois producteurs nationaux, en revanche, possèdent descapacités considérables. Ils ont investi pendant des annéesdans leurs marques et dans des systèmes de distributionnationale. Ils ont fortement fidélisé les consommateurs,qui s'attendent à trouver ces marques nationales chez tousles détaillants. En 1991, ils ont dépensé plus de400 millions de FF pour les cinq grandes marques, c'est-à-dire Contrex, Volvic, Vittel, Hépar et Evian, et au totalplus de 680 millions de FF. Après la concentration, lesressources financières de Perrier seront encore accruespuisqu'elles seront réunies avec celles de Nestlé, qui sonténormes. Aucun producteur d'eau locale non minérale ne peutsonger à rivaliser avec les deux producteurs qui resterontsur le marché, que ce soit sur le plan des investissementspublicitaires ou de la création de réseaux de distributionnationaux. Dans sa lettre du 12 mars 1992, Nestlé reconnaîtque pour les petites sources, il est difficile de devenirun acteur de quelque importance sur le marché français deseaux.

Page 37: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(76)Il faut conclure de ce qui précède que les producteursd'eaux locales ne seraient pas en mesure, du moins àcourt terme, de limiter de manière significative lapuissance des deux producteurs nationaux quisubsisteraient sur le marché. Nestlé et BSN possèdentdes avantages évidents, sur le plan de la concurrence,par rapport aux producteurs locaux (meilleuressources, marques plus connues, meilleurs systèmes dedistribution et de stockage), et disposent deressources financières importantes qui leurpermettront de continuer à investir massivement dansdes campagnes nationales de publicité et de promotion.Une telle stratégie est de nature à accroître lafidélité des consommateurs envers leurs marquesrenommées et donc de réduire l'élasticité croisée dela demande par rapport aux prix pour leurs eaux, enparticulier vis-à-vis des eaux de source locales. Enoutre, après la concentration, Nestlé elle-mêmedétiendra un nombre considérable d'eaux de sourceslocales [voir considérants (51) et (52)]. Elledisposera ainsi d'une gamme complète de sources,comprenant des eaux minérales et non minérales, dontelle pourra user pour sa stratégie de ventes.

F. POUVOIR ECONOMIQUE DES ACHETEURS

(77) Nestlé, soutenue par BSN, a fait valoir que les troisproducteurs nationaux subissaient la contrainte du pouvoiréconomique des gros détaillants. En effet, les dix plusgros clients de Nestlé représentent 67,3 % de son chiffred'affaires total. Nestlé et BSN ont déclaré que quatregrands groupes de distribution, Intermarché, Leclerc,Carrefour et Promodes, représenteraient 50 % du volume deventes total des trois producteurs nationaux. En outre,certains détaillants vendent des eaux locales sous leurspropres marques de distribution, ce qui en fait desconcurrents des producteurs nationaux. Ce pouvoiréconomique serait notamment corroboré par le fait que desgrandes marques ont été retirées du cataloque de certainsdétaillants et que le rabais moyen accordé par Vittel à sesdétaillants a augmenté de 50 % entre 1988 et 1992 (voirrapport Lexecon, p. 33).

(78)En ce qui concerne la concentration des acheteurs, il estvrai que les dix plus gros acheteurs représentent unepart importante (environ 70 %) du chiffre d'affairesdes trois producteurs nationaux et qu'ils disposentdonc d'un certain pouvoir. Toutefois, la concentrationdes acheteurs est beaucoup moins importante que celledes producteurs, en particulier après laconcentration. Alors que 82 % en valeur et 75 % envolume (pour les eaux minérales plates, plus que 90 %)de l'offre seraient aux mains de deux producteursseulement, qui pourraient facilement adopter un

Page 38: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

comportement parallèle anticoncurrentiel [voirconsidérants (108) et suivants], la demande estcomposée d'un nombre beaucoup plus grand de sociétésindépendantes, dont aucune n'intervient pour plus de15 % dans le chiffre d'affaires total des trois et,après la concentration, des deux producteursnationaux. Pour Nestlé, la part individuelle des dixplus gros acheteurs varie entre 1,9 % et 11,6 % de son chiffre d'affaires total. Sur dix acheteurs, quatreseulement atteignent entre 10 et 11 %, les six autresse situant entre 1,9 et 5,5 %. Si l'on se base sur lesvolumes achetés, ces acheteurs ne disposent pas tousdu même pouvoir économique. Cela est confirmé par lefait que les rabais accordés à ces détaillants ne sontpas les mêmes, mais qu'ils sont au contraire adaptés àchaque acheteur. Tout cela montre que face à uneconcentration extrême de l'offre, on trouve unedemande composée d'un certain nombre d'acheteurs quine sont pas également puissants et que l'on ne peutagréger pour en conclure qu'ils sont susceptibles delimiter la puissance des trois et, après laconcentration, des deux producteurs nationaux.

Dans l'application des règles de concurrence, la Commissiondoit aussi tenir compte de la protection des acheteurs plusfaibles lorsque, comme dans le cas d'espèce, ilsreprésentent une partie importante de l'ensemble desventes. Même si certains acheteurs avaient un pouvoird'achat, il n'est pas exclu que Nestlé et BSNappliqueraient des conditions de vente différentes à leursacheteurs s'il n'existait pas une pression de concurrencesuffisante sur le marché.

(79)Le pouvoir des détaillants et des grossistes est égalementtrès limité par le fait qu'ils ne peuvent se permettrede ne pas vendre, pendant une longue période, lesmarques renommées d'eaux minérales fournies parNestlé, Perrier et BSN, parce qu'ils risqueraient deperdre des clients. Plus de 70 % de la consommationfrançaise totale et 90 % de la consommation totaled'eaux minérales seraient concentrés sur les deuxproducteurs nationaux restant sur le marché.

(80) Dans d'autres affaires ayant fait l'objet d'une décision dela Commission où le pouvoir d'achat a été retenu comme undes éléments créant un contrepoids, les produits concernésétaient généralement des produits intermédiaires ou desproduits vendus dans le cadre de contrats à long terme oude contrats de coopération pour le développement de cesproduits. Dans ce cadre, les relations entre les vendeurset les acheteurs peuvent être plus équilibrées pour autantque les acheteurs soient suffisamment concentrés. Ce n'estpas le cas pour l'eau embouteillée qui est un produit de

Page 39: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

large consommation où les distributeurs ne font querefléter la demande des consommateurs.

(81) Contrairement à ce qui est dit dans le rapport Lexecon(p. 48) à propos de la fidélité aux marques, il estindéniable que les producteurs nationaux ont suscité unetrès forte fidélité des consommateurs envers leurs marquesrespectives, grâce à des campagnes de publicité constanteset massives, qui font de leurs produits, dans une largemesure, des "produits prévendus". Ce fait est généralementadmis par les professionnels du secteur et par lesdétaillants eux-mêmes, qui ne font que refléter la demandedes consommateurs.

(82) C'est ainsi que la Chambre syndicale des eaux minéralesécrit, dans sa lettre du 18 février 1992 :"... on trouve d'une part les grandes sources d'eauxminérales qui sont distribuées à l'échelon national etpratiquent une politique de notoriété de marque appuyée surune forte publicité et autorisant des prix relativementélevés; d'autre part, des sources régionales, d'eaux desource ou d'eaux minérales, dont le dynamisme decommercialisation repose essentiellement sur des prix trèsbas.

Dans le premier groupe, qui fournit plus de 70 % des ventesintérieures, le marché est caractérisé par une forteidentité de chaque source indépendamment de la Société oudu Groupe qui contrôle son exploitation et un attachementdu consommateur habituel à ses marques préférées que l'onne rencontre pas au même degré dans les autres pays ...".

La Commission a interrogé un échantillon représentatif dedétaillants et de grossistes, sur l'ordre de priorité deleurs critères d'achat. Une majorité d'entre eux amentionné comme premier critère la demande desconsommateurs et la notoriété de la marque (voirannexe 14**). La notoriété de la marque et la fidélité à lamarque ont également été citées comme des caractéristiquesimportantes des eaux minérales nationales dans un certainnombre d'autres réponses (voir annexe 15**).

(83) Après la concentration et la vente de Volvic à BSN, Nestléet BSN possèderaient un portefeuille de marques connuesencore plus important que celui que détient actuellementchacune d'elles. Elles élimineraient la concurrence detoutes les grandes marques d'eau plate et gazeuse dePerrier, notamment Perrier, St-Yorre, Contrex et Volvic,réduisant ainsi le choix des détaillants entre plusieursmarques actuellement indépendantes. Cela accroîtraitinévitablement la dépendance des détaillants et des

**

Page 40: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

grossistes envers les deux producteurs qui subsisteraientsur le marché. Par ailleurs, non seulement ils n'auraientplus le choix qu'entre deux producteurs au lieu de trois,mais le lien créé entre ces marques par chaque producteur(les rabais sont accordés en fonction des ventes del'intégralité de la gamme de produits) couvrirait une gammeplus vaste de marques connues, et accroîtrait ainsi ladépendance des détaillants envers les deux producteurs quisubsisteraient.

(84) La majorité des détaillants et des grossistes mentionnés auconsidérant (82) ont déclaré qu'ils deviendraient plusdépendants des producteurs nationaux que jusqu'à présent,et que les eaux non minérales locales ne constituent pasune solution de remplacement suffisante des eaux minéralesnationales. Ces déclarations sont reprise de façonexhaustive à l'annexe 15**. Les détaillants et lesgrossistes concernés (des grandes comme des petitessociétés) expriment de sérieuses craients concernant leurfuture marge de négociation avec Nestlé et BSN, et ilsestiment qu'ils sont tenus de vendre les marques de cesdeux producteurs. Ils considèrent aussi généralement queles eaux locales constituent plus un produit complémentairequ'une réelle solution de remplacement pour lesconsommateurs d'eaux minérales nationales.

(85) La moyenne pondérée des ventes d'eaux de Nestlé, Perrier etBSN dans les ventes totales (eaux plates et gazeuses 1991)d'un échantillon représentatif de détaillants et grossistess'élève à environ 78 % en volume et même plus en valeur.Ceci montre le poids considérable des marques des deuxproducteurs qui subsisteraient après la concentration dansles ventes totales des principaux détaillants etgrossistes.

(86) En ce qui concerne le retrait de marques des catalogues,Nestlé admet qu'il est peu probable que des détaillantssuppriment l'ensemble des marques d'un producteur nationalde leur catalogue en même temps. Cela confirme ladépendance globale des détaillants envers les grandesmarques nationales.

Il est indéniable que même un retrait partiel du cataloguepeut avoir un certain effet "disciplinaire" sur leproducteur et que, dans cette mesure au moins, les plusgros détaillants ont un certain pouvoir. Toutefois, cepouvoir n'est pas le même pour tous les détaillants, etplus le portefeuille de marques détenu par un producteurest important, plus ce pouvoir est limité, parce que chaqueretrait du catalogue affecte immédiatement les rabais

**

Page 41: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

annuels "de gamme complète" consentis sur l'ensemble desproduits (eaux plates, gazeuses, aromatisées, etc.). C'estpourquoi la concentration et la vente de Volvic à BSN, quiaccroîtraient le portefeuille détenu par les deuxproducteurs restants et rendraient le retrait de certainsproduits du catalogue plus difficile qu'il ne l'estactuellement. En outre, le retrait d'un produit provoquetoujours le départ de certains clients vers d'autresmagasins qui vendent leur marque préférée. Le nombre exactde tels départs dans chaque cas est imprévisible, etconstitue donc un facteur de risque pour le détaillant(voir annexe 15**, détaillant L) qui limite son pouvoir denégociation.

(87) Nestlé a également déclaré que le fait que les eauxembouteillées ne représentent qu'environ 1 % des ventesd'un détaillant, alors qu'elles représentent une partbeaucoup élevée du chiffre d'affaires du producteur, créeun déséquilibre en faveur des détaillants. Or, cela nereflète pas de façon exacte le pouvoir de négociation desdétaillants. Selon les informations fournies par certainsd'entre eux, il n'est pas exclu que le retrait d'une marquenationale de leur catalogue puisse se solder par la perted'un consommateur sur dix qui, en raison de son attachementà la marque, change de détaillant afin de la trouver. Leretrait d'une seule grande marque peut ainsi avoir unimpact beaucoup plus élevé sur les ventes du détaillant quece chiffre de 1 % le laisserait supposer, car la perte d'unclient implique la perte de tous les achats de ce clientdans le point de vente concerné.

(88) Nestlé a enfin fait valoir que le pouvoir économique desacheteurs est corroboré par l'important accroissement desrabais consentis entre 1988 et 1992. Or,un tel argumentn'est pas acceptable. Les augmentations importantes desprix, en termes tant nominaux que réels, ont plus quecompensé l'augmentation des remises. Il en est résulté uneaugmentation nette des prix payés par les détaillants. Ence qui concerne l'eau de Vittel, le rabais le plusimportant accordé à un détaillant en 1987 a été de ..%*

(calculé sur la base de l'ensemble des rabais en FFaccordés au cours de l'année, y compris la coopérationcommerciale liée au chiffres d'affaires en FF réalisé avecce client).

En 1992, le rabais le plus important accordé par Vittel àun détaillant a été de ..%* du chiffre d'affaires réaliséavec ce client. Le rabais a certes presque doublé au cours

**

*

Page 42: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

des cinq dernières années, ainsi que Nestlé l'a faitvaloir. Toutefois, le prix catalogue de Vittel (1,5 litrePVC) est passé de 1,92 FF (prix catalogue le plusfavorable) en janvier 1987 à 2,49 FF en avril 1992. Enadmettant que tous les rabais puissent être considéréscomme tels (y compris la coopération commerciale), le prixaprès remise a augmenté de ..%*. Les autres grandesmarques, quant à elles, ont pu imposer une augmentationencore plus importante de leurs prix nets (voirannexe 13**).

Ainsi, même avec trois grands producteurs sur le marché,les détaillants n'ont pas été en mesure de s'opposer à uneforte augmentation des prix de Nestlé, Perrier et BSN aucours des cinq dernières années. Or, après laconcentration, le pouvoir économique des détaillants serasans doute encore plus faible.

(89) Il faut conclure de ce qui précède que le pouvoiréconomique des détaillants et des grossistes ne sera passuffisant pour limiter de manière significative lapuissance des deux producteurs nationaux qui subsisteraientsur le marché après la concentration. Celle-ci augmenteraitle portefeuille de grandes marques connues détenues parNestlé et BSN, qui doivent se trouver sur les rayons dechaque grand commerce de détail. La concentration réduiraitégalement les sources d'approvisionnement des détaillantsde trois à deux, ce qui ne ferait qu'augmenter leurdépendance vis-à-vis des deux principaux producteurs. Pourcette raison, les détaillants auraient encore plus dedifficultés à faire jouer la concurrence entre producteurs.En outre, les eaux non minérales locales ne constituent pasune solution de remplacement réaliste, du moins à courtterme.

G. CONCURRENCE POTENTIELLE

(90) Nestlé a fait valoir que, compte tenu de la fortecroissance du marché des eaux embouteillées, presque tousles grands producteurs de boissons et de produitsalimentaires peuvent être considérés comme des concurrentspotentiels susceptibles de limiter la puissance de Nestléet de BSN après la concentration. Elle mentionne égalementle grand nombre de sources existant en France ainsi quel'arrivée sur le marché de producteurs français locaux etde producteurs étrangers. Elle cite notamment lesimportations en France de Spa et d'Apollinaris, ainsi quecelles d'un certain nombre de producteurs italiens.

*

**

Page 43: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(91) Pour aborder le problème de la concurrence potentielle, ilfaut tout d'abord déterminer si de nouvelles sociétés,suffisamment puissantes sur le plan de la concurrence,pourraient effectivement pénétrer sur le marché français,en y limitant la puissance des deux producteurs nationauxqui subsisteraient après la concentration. La questionn'est pas de savoir si de nouveaux producteurs d'eauxlocales ou des sociétés étrangères peuvent simplementpénétrer sur ce marché en produisant et en vendant des eauxembouteillées, mais s'ils sont susceptibles de le faire, etce avec des volumes et des prix qui pourraient limiter,rapidement et effectivement, une augmentation des prix ouempêcher le maintien d'un prix supérieur au niveau quirésulterait d'une situation concurrentielle normale. Cettearrivée sur le marché devrait se faire dans un délaisuffisamment court pour empêcher la ou les sociétésconcernées de faire usage de leur puissance sur le marché.

(92) La Commission estime qu'il existe des barrières et desrisques importants à l'entrée sur le marché français deseaux embouteillées. Ces risques existent tout autant pourles nouveaux producteurs d'eaux locales que pour lessociétés venant de marchés géographiques voisins. Lesraisons en sont exposées ci-après.

(93) Bien que le marché français de l'eau ait connu unecroissance très rapide jusqu'en 1990, celle-ci s'estarrêtée en 1991, année où le taux de croissance annuel esttombé à moins de 1 %. La France a déjà l'une des plusfortes consommations d'eau par habitant de la Communauté etl'on s'attend donc à ce que le marché français croissemoins rapidement, à l'avenir, que les autres marchés de laCommunauté, ainsi que Nestlé elle-même le reconnaît (voirrapport Lexecon, p. 47, ainsi que la lettre de M. Sedemunddu 12 mars 1992, p. 16). La forte baisse de la croissancede la demande intervenue en 1991 n'est probablement pasdurable, mais elle indique qu'il existe certaines limites àla croissance de la demande en France.

(94) Le marché français de l'eau est un marché arrivé à maturitéen termes de nombre de marques et de gamme de produits. Lemarché comprend déjà un certain nombre de marques bienconnues et bien établies, qui satisfont pleinement lesdétaillants et remplissent l'espace limité dont ilsdisposent pour la vente et le stockage. Sur le marché deseaux plates, il y a cinq grandes marques (Evian, Contrex,Vittel, Volvic et Hépar) que l'on trouve dans pratiquementtous les points de vente. Il serait extrêmement difficiled'introduire une sixième marque à l'échelle nationale, oumême à grande échelle. En outre, de nouvelles marques peuou pas connues ne pourraient être vendues qu'à des prixtrès inférieurs (cf. les eaux locales), et leurs

Page 44: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

producteurs devraient également offrir aux détaillants desrabais beaucoup plus importants afin de les inciter àinscrire à leur catalogue une nouvelle marque dont lesvolumes de vente seraient très inférieurs à ceux den'importe laquelle des grandes marques connues.

(95) L'accès au marché français est également rendu difficilepar le fait que les producteurs nationaux accordent auxdétaillants et aux grossistes des rabais annuels quiétablissent un lien entre leurs produits respectifs (rabaisde quantité, rabais de gamme, rabais de progression,accords de coopération, etc.). Ces rabais et accords decoopération vont au-delà de simples rabais de quantité, carils ont pour objectif de lier les acheteurs à toute lagamme de produits de chaque producteur. Ce type de rabaisrenforce la position des producteurs bien implantés etaugmente les barrières à l'entrée de nouveaux arrivants.Tout nouvel arrivant devrait offrir des rabaisproportionnellement beaucoup plus importants, compte tenude ses volumes de vente plus faibles et de sa gamme deproduits moins importante.

(96)L'un des principaux problèmes d'accès au marché françaisdes eaux est la notoriété des marques bien implantéesdes trois producteurs nationaux, qui confère à Nestlé,Perrier et BSN un avantage durable sur tout producteurlocal ou nouvel arrivant.

Les trois producteurs nationaux ont investi pendant denombreuses années, et continuent à investir, des sommesconsidérables dans la publicité et la promotion de leursmarques respectives [voir considérant (75)]. En 1991,Nestlé a dépensé ..* millions de FF pour la promotion deVittel, ce qui représente environ 10 % du chiffred'affaires qu'elle réalise avec cette marque. La mêmeannée, BSN a également dépensé près de 10 % de son chiffred'affaires pour la promotion de sa marque Evian. Cela vautégalement pour Perrier et sa marque Volvic. Desinvestissements élevés et constants dans la publicité ontentraîné une faible élasticité de la demande et, par làmême, des barrières importantes à l'entrée sur le marchépour les eaux non minérales locales et les nouveauxarrivants potentiels, en accroissant constamment lafidélité des consommateurs envers les marques bienimplantée. Après la concentration, Nestlé et BSN seront enmesure de poursuivre une publicité massive pour leursmarques respectives, ce qu'elles feront sans doute, parcequ'elles disposent des ressources financières nécessairespour le faire et que cette stratégie contribue à découragerles entrants potentiels et, à maintenir les écarts de prix

*

Page 45: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

ainsi qu'une faible élasticité de la demande vis-à-vis desproducteurs d'eaux locales.

(97) La publicité et la promotion constituent des dépenses àfonds perdus qui sont irrécupérables en cas d'échec sur lemarché. Pour les nouveaux arrivants, l'implantation d'unenouvelle marque est non seulement très coûteuse en termesd'argent et de temps (l'acceptation par les consommateurspeut prendre plusieurs années), mais elle est égalementextrêmement risquée car, en cas d'échec (non"acceptationde la marque par le consommateur), tous les investissementssont perdus. Ainsi qu'il est expliqué au considérant (96),l'implantation d'une nouvelle marque sur le marchéfrançais, désormais arrivé à maturité, serait extrêmementrisquée. Sur le marché des eaux embouteillées, il fautfaire de la publicité pour vendre le produit en grandesquantités. Or, les coûts publicitaires sont des coûts quidésavantagent beaucoup les nouveaux arrivants par rapportaux sociétés implantées, car ils ne peuvent les amortir pardes volumes de ventes élevés.

(98) La forte concentration constitue en elle-même une barrièreà l'entrée, car elle augmente la probabilité etl'efficacité d'une réaction commune ou concertnée dessociétés en place vis-à-vis des nouveaux arrivants, envue de défendre les positions acquises sur le marchéet la rentabilité. L'action conjointe menée par Nestléet BSN pour s'opposer à l'offre publique d'achat faitepar Ifint (groupe Agnelli) sur Exor (Perrier)constitue un bon exemple de réaction brutale enversl'acquisition de Perrier par une société qui aurait puperturber la structure actuelle du marché.

(99) Toutes ces difficultés ont été confirmées à la Commissionpar pratiquement toutes les sociétés interrogées surles possibilités d'accès au marché français des eaux(voir extraits communiqués à Nestlé par lettre de laCommission du 14 mai 1992). Une réponse trèssignificative à cet égard est présentée àl'annexe 16**.

(100)Contrairement aux affirmations de Nestlé, toutes lessociétés contactées par la Commission ont confirméqu'elles n'avaient aucun projet concret de pénétrationsur le marché français des eaux. Les réponses obtenuesmontrent que les sociétés éventuellement intéresséesconsidèrent cette entreprise comme trop risquée,notamment si la concentration Nestlé/Perrier devaitavoir lieu. Quoi qu'il en soit, toute sociétésouhaitant pénétrer ex novo sur le marché français

**

Page 46: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

devrait construire une usine, demander uneautorisation d'exploitation d'une source, établir unréseau de distribution et créer une marque, opérationsqui toutes demanderaient énormément de temps à unnouvel arrivant.

(101)Nestlé et BSN ont attiré l'attention de la Commission surle fait qu'il existe en France un grand nombre desources, minérales ou non, qui peuvent êtreexploitées, et elles ont évoqué l'arrivée d'un certain nombre de producteurs locaux sur le marché(voir notamment le rapport Lexecon, p. 58). Toutefois,aucune de ces sources n'est comparable, que ce soit dupoint de vue de la capacité ou des ventes, aux grandessources détenues par Nestlé, Perrier et BSN. Rien nepermet de penser que ces sources seraient capablesd'être développées rapidement à un point tel qu'ellespourraient limiter la puissance des deux producteursnationaux qui subsisteraient sur le marché. Dans salettre du 12 mars 1992, p. 14, Nestlé reconnaît qu'ilest difficile, pour les petits producteurs, de jouerun rôle important sur le marché français, en raisondes investissements nécessaires tant dans le domainedu marketing que dans celui de la publicité. Il estcertes indéniable que les producteurs locaux peuventse développer, et qu'ils l'ont fait, mais cedéveloppement concerne uniquement des régions et unsegment particulier du marché qui ne limitent pas lapuissance des producteurs nationaux et qui ne sont passusceptibles de le faire à court terme. La meilleurepreuve en est que les trois producteurs nationaux ontpu augmenter constamment leurs prix, en termes tantnominaux que réels, malgré l'augmentation des ventesdes eaux de source locales.

(102)L'accord conclu entre Nestlé et BSN, aux termes duquelNestlé accepte de vendre la source Volvic à BSN à unprix supérieur à ..* millions de FF, ne pourraits'expliquer s'il était réellement facile de pénétrersur le marché français des eaux en développant dessources et des marques nouvelles. Cet accord prouveque l'on ne peut pénétrer de manière significative ous'étendre sur ce marché qu'en acquérant une grandesource. Avec l'acquisition de Perrier, qui détient lescapacités les plus importantes sur le marché, etl'accord de vente de Volvic à BSN, les deuxproducteurs qui subsisteraient sur le marchéempêcheraient toute acquisition de grandes sources oumarques en France par un nouvel arrivant.

*

Page 47: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(103) Nestlé a également fait mention de certainesimportations de Spa et d'Apollinaris ainsi que decertains producteurs italiens.

Tout d'abord, il convient de noter que, jusqu'à présent,aucun société étrangère de boissons ou de produitsalimentaires d'une taille comparable à celle de Nestlé,Perrier ou BSN n'a acquis de source d'eau française d'unecapacité équivalente à celle des grandes sources détenuespar ces trois producteurs.

Ensuite, selon Perrier, un certain nombre de sociétésétrangères ont tenté d'importer et de vendre sur le marchéfrançais au cours des cinq dernières années. Quelques-unesseulement sont toujours présentes, mais aucune n'a réussi àréaliser un volume de ventes important, ni à créer unemarque susceptible de rivaliser, à court terme, avec lavaste gamme de marques détenues par les trois producteursnationaux.

(104)Les ventes de Spa en France (essentiellement de l'eau plateen boîte vendue dans des distributeurs de Coca-Cola)sont négligeables et elles n'ont pas augmenté depuisl'introduction du produit en France. Cela vautégalement pour les ventes d'Apollinaris et celles desproducteurs italiens San Pellegrino (détenu à 20 % parPerrier), Ferrarelle (qui appartient à BSN), Levissimaet San Benedetto. Les importations de ces dernièressociétés ne se situent pas sur le marché des eauxplates, mais sur celui des eaux gazeuses, et ellessont essentiellement destinées au secteur CHR (cafés,hôtels, restaurants). Ces produits sont désavantagéspar des coûts de transport plus élevés, notamment dufait qu'ils sont essentiellement vendus dans desbouteilles de verre. En ce qui concerne les eauxallemandes et italiennes, elles sont vendues à un prixsupérieur à celui des eaux gazeuses françaises et nepeuvent donc être considérées comme une contrainte deprix pour les eaux françaises.

(105)Nestlé a également fait valoir qu'il existe une fortesubstituabilité entre les boissons rafraîchissantes etles eaux embouteillées, et que ce facteur devrait aumoins être pris en considération pour l'examen de laquestion de la position dominante.

Toutefois, cette substituabilité n'est possible que pourles eaux de table traitées et purifiées, qui peuventfacilement être produites par des fabricants de boissonsrafraîchissantes. Or, ce type d'eau n'est pas commercialiséen France. Il ne constituerait pas un très bon moyen depénétrer sur le marché français des eaux minérales et nonminérales, et il impliquerait des coûts très élevés sur leplan de la commercialisation, ainsi que de très grands

Page 48: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

risques et des dépenses à fonds perdus importantes.Actuellement, il n'existe pas de demande d'eau de tabletraitée et purifiée en France, et rien ne permet de prévoirl'apparition d'une telle demande à l'avenir [voir considé"rant (18)].

(106)Enfin, Nestlé a fait valoir que les prix à la consommationde nombreuses boissons rafraîchissantes, notammentcelles produites par Coca-Cola, sont similaires à ceuxdes eaux embouteillées et que CocaCola a confirmé à laCommission que ses prix étaient établis en fonction deceux des eaux embouteillées. Il existerait donc uncertain degré de substituabilité de la demande entreles boissons rafraîchissantes et les eaux, qui devraitêtre pris en considération lors de l'examen de laquestion de la position dominante. Un tel argument estinacceptable. En effet, les prix à la consommation descolas et des eaux minérales plates (qui sont lesproduits qui se trouvent au centre de la discussiondans le cas présent) sont nettement différents [voirconsidérant (13)]. Dans sa lettre du 12 mars 1992(p. 5), Nestlé reconnaît que les eaux minérales platessemblent constituer une alternative plus économiquepour le consommateur. En général, l'eau plate coûteenviron la moitié d'un cola (voir également rapportGoldman Sachs du 9 september 1991, p. 8).

(107)Il convient de conclure de ce qui précède qu'il n'existeaucune concurrence potentielle contraignante pour lesprix susceptible de limiter rapidement, et dans unemesure importante, la puissance des deux producteursqui subsisteraient sur le marché français des eaux. Lerisque lié à la pénétration sur ce marché setrouverait augmenté par l'opération de concentrationprévue, du fait que les nouveaux arrivants devraientfaire face à une puissance renforcée et quel'acquisition des grandes marques de Perrier leurserait désormais interdite.

H. EFFET SUR LA PRESERVATION ET LE DEVELOPPEMENT D'UNECONCURRENCE EFFECTIVE

a) En cas de réalisation de la vente de Volvic à BSN :domination duopolistique

(108)Compte tenu des parts du marché et des capacités élevées deNestlé et de BSN après la concentration et la vente deVolvic à BSN, du contrepoids concurrentiel insuffisantdes eaux minérales et non minérales locales, de ladépendance accrue des revendeurs et grossistes vis-à-vis du portefeuille de marques de Nestlé et BSN, del'absence de concurrence potentielle de nouveauxentrants de nature à exercer une contrainte sur lesprix et des autres caractéristiques exposées ci-après,

Page 49: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

la Commission est obligée de conclure que laconcentration envisagée entre Nestlé et Perriercréerait une position dominante duopolistique quientraverait de manière significative la concurrenceeffective sur le marché français des eauxembouteillées. Ce marché constitue une partiesubstantielle du marché commun.

(109)Nestlé, soutenue par BSN, a fait valoir que l'article 2pargraphe 3 du règlement sur les concentrations nes'applique pas à une domination oligopolistique, etque même si c'était le cas, la Commission n'a pasprouvé l'absence de concurrence effective entre lesproducteurs nationaux établis, ni l'absence deconcurrence réelle ou potentielle extérieure àl'oligopole.

i) Application de l'article 2 paragaphe 3 du règlementsur les concentrations aux oligopoles

(110)L'article 2 paragraphe 3 du règlement sur lesconcentrations dipose ce qui suit : "Les opérations deconcentration qui créent ou renforcent une positiondominante ayant comme conséquence qu'une concurrenceeffective serait entravée de manière significativedans le marché commun ou une partie substantielle decelui-ci doivent être déclarées incompatibles avec lemarché commun."

La question est de savoir si cette disposition couvreuniquement les situations de marché dans lesquelles uneconcurrence effective est entravée de manière significativepar une entreprise qui détient à elle seule le pouvoird'agir dans une large mesure indépendamment de sesconcurrents, de sa clientèle et des consommateurs, ou sielle couvre également les situations dans lesquelles laconcurrence effective est entravée de manière significativepar plusieurs entreprises qui, ensemble, ont le pouvoird'agir dans une large mesure indépendamment des autresconcurrents, de leur clientèle et, finalement, desconsommateurs.

(111)Nestlé n'a pas nié le fait que d'un point de vueéconomique, tant la domination d'une seule entrepriseque la domination oligopolistique peut entraver laconcurrence effective de manière significative danscertaines conditions de structure du marché (voirconclusions de M. Sedemund, du 19 mai 1991, p. 44 ss.;rapport Lexecon, p. 61 et 62).

(112)La Commission considère que la distinction entre ladomination d'une seule entreprise et la dominationoligopolistique ne saurait être décisive pour

Page 50: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

appliquer ou non le règlement sur les concentrations,les deux situations étant susceptibles d'entraver laconcurrence effective de manière significative danscertaines conditions de structure du marché. C'est lecas notamment lorsqu'il existe dès avant laconcentration entre les membres de l'oligopole uneconcurrence affaiblie qui est susceptible de l'êtreencore plus par un accroissement significatif de laconcentration et lorsqu'il n'existe pas de la part deconcurrents réels ou potentiels extérieurs àl'oligopole une concurrence suffisante pour exercerune contrainte sur les prix.

(113)L'article 3 sous f) du traité prévoit l'établissement d'unrégime assurant que la concurrence n'est pas fausséedans le marché commun. L'un des objectifs principauxdu Traité est donc la préservation d'une concurrenceeffective. La restriction de la concurrence effectivequi est interdite lorsqu'elle est la conséquence d'uneposition dominante détenue par une seule entreprise nesaurait devenir admissible lorsqu'elle résulte deplusieurs entreprises. Lorsque, par exemple, à lasuite d'une concentration, deux ou trois entreprisesacquièrent une position dominante sur le marché etsont susceptibles d'appliquer des prix excessifs, il ya exploitation d'une position dominante collective surle marché, ce que le règlement sur les concentrationsvise à prévenir par la préservation d'une structure demarché concurrentielle. La position dominante estseulement le moyen par lequel une concurrenceeffective peut être entravée. Le fait que cetteentrave résulte de la position dominante d'une seuleentreprise ou d'une position dominante collective nesaurait être décisif pour appliquer ou non l'article 2paragaphe 3 du règlement sur les concentrations.

(114)L'absence d'exclusion explicite de la dominationoligopolistique par l'article 2 paragraphe 3 préciténe permet pas de supposer que le législateur entendaitautoriser qu'une concurrence effective soit entravéepar deux ou plusieurs entreprises ayant le pouvoird'agir ensemble dans une large mesure indépendammentsur le marché. Cela créerait une faille dansl'objectif fondamental du traité de préserver uneconcurrence effective et permanente afin de ne pashypothéquer le bon fonctionnement du marché commun.Si, pour éviter l'application du règlement sur lesconcentrations, il suffisait de répartir la positiondominante entre par exemple deux entreprises pouréchapper à l'interdiction énoncée à l'article 2paragaphe 3 dudit règlement, alors, en contradictionavec les principes fondamentaux du marché commun, laconcurrence effective pourrait être entravée de

Page 51: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

manière significative. Une telle hypothèse irait àl'encontre de l'objectif de l'article 3 sous f) dutraité.

(115)Examiné à la lumière de ces considérations juridiques etéconomiques, l'article 2 paragraphe 3 susmentionnédoit être interprété en ce sens qu'il couvre à la foisla domination d'une seule entreprise et la dominationoligopolistique. Il importe également de noter quetous les autres grands régimes antitrusts comportantun système de contrôle des concentrations appliquentou peuvent appliquer leurs règles tant à la dominationd'une seule entreprise qu'à la domination oligopolistique (comme par exemple le systèmeaméricain, la loi française (article 38 de la loi du1er décembre 1986), la loi allemande (§ 22 GWB) et laloi britannique (Fair Trading Act, section 6 (2)).Dans la plupart de ces systèmes, le contrôle desconcentrations soulevant un problème de dominanceoligopolistique est une pratique bien établie. Il estexclu qu'à la suite de l'adoption du règlement sur lesconcentrations, les concentrations qui étaientauparavant soumises à un tel contrôle ne soient plussoumises désormais qu'au contrôle de la dominationd'une seule entreprise. Non seulement le règlement surles concentrations aurait transféré les pouvoirsnationaux en matière de contrôle des concentrations àla Communauté, mais les Etats membres qui possédaientun système de contrôle des cas de dominationoligopolistique auraient en même temps tout à faitabandonné ce contrôle sans qu'il soit remplacé auniveau communautaire. En l'absence de toutedisposition expresse à cet effet, on ne sauraitprésumer d'une telle cession du pouvoir de contrôle.

(116)On ne saurait accepter l'argument de BSN selon lequel laCommission violerait le principe de la sécuritéjuridique parce que la présente affaire serait lepremier cas d'application de la notion de dominationoligopolistique. Comme expliqué plus haut,l'interprétation correcte du règlement sur lesconcentrations conduit à la conclusion que sonarticle 2 paragraphe 3 a toujours couvert ladomination qui entrave la concurrence effective demanière significative, que cette situation résulte del'action d'une ou de plusieurs entreprises. En outre,si l'argument de BSN était correct, cela signifieraitque la Commission ne pourrait jamais développer sajurisprudence administrative dans aucun domaine. Ilest vrai que l'argument de BSN pourrait, dans d'autrescas, avoir une certaine pertinence, en particulierdans le cas d'un contrôle a posteriori impliquant uneinterférence avec des droits acquis, mais le système

Page 52: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

de contrôle des concentrations est un système decontrôle a priori qui, par définition, n'autorise pasla réalisation de concentrations sans l'autorisationpréalable de la Commission.

ii) Création d'une position dominante duopolistique

(117)Bien qu'elle ait déclaré que la Commission n'a pas prouvél'absence de concurrence significative entre lesproducteurs, Nestlé n'a avancé aucun argument pourréfuter les indicateurs mentionnés par la Commissiondans sa communication des objections au sens del'article 18 du règlement sur les concentrations quitendent à démontrer que même avant la concentration,la concurrence par les prix entre ces producteursétait fortement affaiblie, et en particulier le degréélevé de parallélisme des prix sur une longue période,la marge bénéficiaire très élevée, et l'écartimportant existant entre les prix départ usine deseaux minérales nationales et des eaux non minéraleslocales.

(118)La Commission n'a pas affirmé que déjà avant laconcentration, Nestlé, Perrier et BSN exerçaient unedomination oligopolistique. Les faits et la structuredu marché montrent toutefois que le marché françaisdes eaux embouteillées est déjà un marché fortementconcentré sur lequel la concurrence par les prix estconsidérablement affaiblie. Par conséquent, lapréservation ou le développement de la concurrencesubsistant sur ce marché, quelle qu'elle soit,nécessite une protection particulière. Toute opérationstructurelle restreignant encore plus les possibilitésde concurrence dans une telle situation doit êtrejugée sévèrement. La combinaison de la structure demarché résultant de la concentration et de certainsfacteurs additionnels [voir considérants (119) et(120)] amène à conclure que la concentration envisagéeaurait pour effet de créer une position dominanteduopolistique qui permettrait à Nestlé et à BSN demaximiser conjointement leurs profits en évitant de sefaire concurrence entre elles et en agissant dans unelarge mesure indépendamment de leur clientèle et deleurs concurrents.

(119)Après la concentration, le degré de concentration seraitextrêmement élevé, Nestlé et BSN détenant plus de 82 %de l'ensemble du marché français des eaux en valeur et75 % en volume (environ 95 % de toutes les eauxminérales plates). Il n'y aurait plus sur le marchéfrançais que deux producteurs nationaux d'eauxminérales plates et pétillantes. Ces deux producteursopéreraient dans le segment le plus rentable des eauxembouteillées; ils auraient fortement intérêt et

Page 53: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

seraient fortement incités à défendre conjointementleur position.

Après la concentration, il n'y aurait plus dans laCommunauté aucun concurrent dont la taille, la gammede marques renommées et l'extension géographiqueapprocheraient celles de Nestlé ou de BSN. Laprincipale entreprise subsistante non liée à Nestlé ouà BSN serait Spa en Belgique, qui a réalisé enBelgique en 1989 un volume de ventes total de256,3 millions de litres d'eau embouteillée et unchiffre d'affaires de 8,05 milliards de francs belges(185 millions d'écus), ce qui est plusieurs fois moinsque Nestlé ou BSN. Les principaux embouteilleursallemands sont eux aussi beaucoup plus petits. Lesventes d'Apollinaris en Allemagne se sont élevées en1990 à environ 345 millions de litres. GerolsteinerBrunnen (427 millions de litres) et MineralbrunnenÜberkingen (490 millions de litres) ont elles aussiune taille nettement inférieure à celle de Nestlé oude BSN.

(120)La réduction du nombre de producteurs de trois à deux(duopole) n'est pas une simple modification de pureforme de la structure du marché. La concentrationentraînerait l'élimination d'un opérateur qui possèdeles plus grandes réserves de capacités et les volumesde ventes les plus élevés du marché. Les marques etsources de Perrier seraient réparties entre les deuxproducteurs restants. De plus, la réduction du nombrede producteurs nationaux de trois à deux seulementfaciliterait nettement des comportements parallèlesanticoncurrentiels conduisant à des abus collectifs.

(121) Les producteurs d'eaux minérales en France ont mis aupoint des instruments de transparence facilitant unecoordination tacite des politiques de prix

Les prix de détail de l'eau embouteillée sonttransparents. La taille des principaux produits et deleur emballage est la même sur tout le marché. Lesprix de détail peuvent être aisément vérifiés, et desstatistiques sont fournies périodiquement par lesdifférentes entreprises.

De plus, Perrier, Vittel et BSN publient tous leursprix, qui sont facilement comparables (prix départusine, hors taxe, par bouteille et pour différentsmoyens de transport). Ces prix de base constituent uneréférence qui permet une coordination tacite despolitiques de prix. Lorsque l'on analyse l'évolutionde ces prix dans le temps (en termes réels, c'est-à-dire sans tenir compte de l'effet de l'inflation

Page 54: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

générale), on constate un degré élevé de parallélisme(voir annexes 5 à 8**).

(122)Les entreprises ont mis au point des instruments qui leurpermettent de contrôler et de surveiller mutuellementleur comportement

L'homogénéité et la transparence des tarifs permettentune surveillance mutuelle des politiques de prix entreconcurrents. De plus, Perrier, BSN et Vittel ont misen oeuvre un mécanisme d'échange périodiqued'informations sur les quantités vendues chaque mois,ventilées par grandes marques. Chacune peut ainsisuivre en permanence, sur une base mensuelle, lecomportement et l'évolution des ventes des autresproducteurs. De plus, cela permettrait également unedétection immédiate de tout écart d'une grande marquepar rapport à sa performance prévue.

Après la concentration, ces instruments deviendrontpeut-être moins indispensables en raison de laréduction du nombre de producteurs sur le marché et deplus grande la transparence du marché lui-même qui en résultera. Il ne faut pas perdre de vue non plus queces producteurs réalisent l'essentiel de leurs ventesauprès de la même clientèle.

(123)Les deux acteurs restant sur le marché sont de taille et denature similaires

Après la concentration, il resterait sur le marchédeux producteurs nationaux qui auraient des capacitéset des parts de marché similaires (duopolesymétrique) : dans le segment de l'eau plate, leursparts de marché en volume seraient de .. %* pourNestlé et de .. %* pour BSN pour toutes les eauxplates et de .. %* pour Nestlé et de .. %* pour BSNpour les eaux plates minérales. En valeur, leurs partsde marché seraient de .. %* pour Nestlé et de .. %*pour BSN pour toutes les eaux plates.

Compte tenu de l'importance similaire de leurs partsde marché et de leurs volumes de ventes élevés, toutacte de concurrence agressif de l'un des producteursaurait un impact direct et significatif sur l'activitéde l'autre et provoquerait très certainement une viveréaction, ce qui pourrait affecter gravement leurrentabilité à tous les deux sans augmenter le volume

**

*

Page 55: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

de leurs ventes. Leur dépendance réciproque crée ainsiun puissant intérêt commun et une puissante incitationcommune à maximiser les profits en adoptant uncomportement parallèle anticoncurrentiel. Cettesituation d'intérêts communs est encore renforcée parle fait que Nestlé et BSN sont de taille et de naturesimilaires, qu'elles sont toutes deux actives dans ledomaine de l'industrie alimentaire au sens large etqu'elles coopèrent déjà dans certains secteurs decette industrie.

(124)L'élasticité de la demande par rapport au prix estrelativement faible, les prix peuvent être majoréssans crainte d'entraîner des diminutionscompensatoires en volume

En raison de la motivation des consommateurs quisouhaitent acheter et consommer de l'eau minéralequotidiennement, il n'existe pas de véritable produitde substitution de l'eau minérale. L'image générale del'eau de marque et la fidélité à la marque accentuentle manque d'élasticité de la demande par rapport auprix.

Les majorations des prix réels ont donc un effetproportionnellement plus faible sur les quantitésdemandées; une majoration de prix entraîne uneaugmentation des recettes totales et des bénéfices. Ilsemble que dans le passé déjà, les entreprises avaientpris conscience de cette incitation et de cettepossibilité de majorer conjointement les prix sur cemarché (voir annexes** montrant l'évolution des prixau cours des cinq dernières années, et en particulierdes prix réels). La concentration envisagée ne peutque faciliter et renforcer la probabilité que Nestléet BSN adoptent tacitement une telle stratégie. Lesdeux entreprises partagent une longue expériencecommune sur le marché de l'eau embouteillée en France.

(125)Les coûts sont similaires. Aucune entreprise ne semblejouir d'un avantage significatif en termes de coûts

On pourrait avancer l'argument que des entreprisesayant des coûts différents pourraient avoir des avistrès divergents sur les prix qu'elles souhaiteraientappliquer sur le marché, ce qui rendrait extrêmementdifficile une coordination des politiques de prix sansaccord exprès et contraignant. On peut raisonnablementconsidérer que des différences de coûts significatives

**

Page 56: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

constituent un élément de nature à entraver la mise enoeuvre d'un comportement parallèle tacite.

Cet élément n'est pas présent sur ce marché. La matièrepremière (l'eau de source) est gratuite. Le processus deproduction consiste essentiellement dans l'embouteillage,qui est une technique bien établie dans laquelle il seraitdifficile de s'assurer un grand avantage technologique. Lanécessité d'embouteiller les eaux à la source et lamultiplicité des installations d'embouteillage qui enrésulte réduisent les possibilités d'économies d'échelle.Enfin, Nestlé a confirmé que les coûts des trois principauxproducteurs ne sont pas très différents, ce que confirment les informations communiquées à la Commission à ce sujet.

(126) La technologie est arrivée à maturité. La recherche etle développement ne jouent pas de rôle majeur

Le processus de production des parties consisteessentiellement dans l'embouteillage, qui est unetechnique bien établie. Nestlé n'a donné aucuneindication annonçant des changements importants dansce domaine. De plus, le champ d'application del'innovation en matière de produits sur le marché deseaux de source est réduit. L'industrie des eaux desource ne peut pas être considérée comme une industriefondée sur la recherche dans laquelle de nouveauxdéveloppements technologiques pourraient éroderrapidement les positions acquises. Les activités derecherche et de développement sur ce marché sont enfait d'importance mineure. Dans ce domaine, lesdépenses totales de Nestlé en ce qui concerne les eaux(1,5 % de son chiffre d'affaires annuel dans cesecteur) constituent une indication claire à cetégard. Ce chiffre est inférieur aux dépenses moyennesdans le secteur alimentaire (voir p. 33 de lanotification). Il peut être comparé également aux 15 à25 % du chiffre d'affaires que les industriestypiquement innovatrices consacrent à ces activités.

(127)L'opération notifiée en elle-même rend moins probable ledéveloppement d'une concurrence entre Nestlé et BSN

Nestlé et BSN ont ensemble vivement réagi à la tentatived'un acteur extérieur (Ifint) de racheter Perrier. BSN etVittel ayant une plus faible marge de capacités inutiliséesque Perrier, la reprise de Perrier par un tiers extérieurau marché des eaux constituerait certainement un élémentd'incertitude et de perturbation sur le marché. La réactionconjointe de Nestlé et de BSN à l'offre d'Ifint peut êtreconsidérée en ce sens comme une action conjointe visant àdissuader un nouveau concurrent de pénétrer sur le marché.

Page 57: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

(128)L'accord ultérieur conclu entre Nestlé et BSN et visant àscinder Perrier (vente de Volvic) rend encore moinsprobable le développement d'une concurrence entreNestlé et BSN. La concurrence entre les deuxproducteurs serait encore réduite par le fait que BSNdétiendrait deux marques (Evian et Volvic) d'un faibledegré de minéralisation (moins de 500 mgr/litre),alors que Nestlé en détiendrait trois (Contrex, Vittelet Hépar) d'un degré élevé de minéralisation (plus de500 mgr/litre). Cette scission des marques accroîtraitla différenciation des produits entre les deuxproducteurs, avec pour résultat que la concurrences'en trouverait encore affaiblie et que les acheteursdeviendraient encore plus dépendants vis-à-vis dechacun de ces deux producteurs. Enfin, le consommateurfinal subirait les conséquences de l'absence deconcurrence sur ce marché en ce sens qu'il devraitpayer des prix plus élevés.

129. Les petits producteurs (eaux de source non minéraleslocales) et les petits revendeurs ne constituent pas unecontrainte concurrentielle suffisante

Les eaux de source minérales et non minérales locales sonttrop petites et trop dispersées pour constituer unesolution de remplacement significative des eaux nationales.Comme on l'a vu aux considérants (64) et suivants, aucunede ces entreprises ne représente une concurrence suffisantede nature à exercer une contrainte sur les prix, quipourrait restreindre la possibilité que la structure desmarchés affectés offre à BSN et à Nestlé de maximiserconjointement leurs profits en évitant de se faireconcurrence entre elles. Il en va de même en ce quiconcerne le pouvoir économique dont disposeraient lesrevendeurs en leur qualité d'acheteurs [voir considérants(77) et suivants]. Aucun de ces acteurs du marché n'a étéen mesure dans le passé d'empêcher les producteursnationaux d'eau minérale d'augmenter parallèlement leursprix de manière constante en termes réels.

(130)Les barrières à l'entrée sont élevées

Les conditions d'entrée et l'effet de la concurrencepotentielle sur le marché français de l'eau de source ontété examinées ci-dessus. On ne saurait raisonnablements'attendre à ce que l'entrée effective ou la menaced'entrée probable de nouveaux concurrents mette en péril lacapacité de Nestlé et de BSN d'augmenter conjointementleurs prix à l'avenir.

De plus, la concentration elle-même renforce encore plusles risques et les difficultés auxquels les nouveauxentrants devraient faire face.

Page 58: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

iii) Conclusion

(131)Il faut conclure de tout ce qui précède que la structure dumarché résultant de la concentration entre Nestlé etPerrier (suivie de la vente de la source Volvic à BSN)créerait sur le marché français des eaux embouteilléesune position dominante duopolistique qui entraveraitla concurrence effective de manière significative etqui causerait très probablement un grave préjudice auxconsommateurs. Compte tenu de la valeur de l'ensembledu marché français des eaux (plus de 9 milliards de FFpar an) et du volume d'eau acheté par lesconsommateurs français (qui se situe parmi les taux deconsommation par habitant les plus élevés de laCommunauté), le pouvoir de majorer les prix de l'eauembouteillée d'un pourcentage faible mais significatif(par exemple de 5 %) entraînerait des pertesconsidérables pour les consommateurs.

b) Sans la vente de Volvic à BSN : domination d'une seuleentreprise

(132)Si l'accord de cession de Volvic n'était pas mis en oeuvre,la concentration envisagée entre Nestlé et Perriercréerait une position dominante pour la nouvelleentité en lui donnant le pouvoir d'agir seule dans unelarge mesure indépendamment de ses concurrents, de saclientèle et finalement de ses consommateurs.

(133)Les éléments qui amènent la Commission à cette conclusionsont les suivants :

- la part élevée du marché français des eaux(approximativement 60 % en valeur et 53 % en volume),qui représente plus du double de celle du concurrentsuivant par ordre d'importance;

- les capacités totales et non utilisées combinées de lanouvelle entité à la fois pour les eaux plates et pourles eaux pétillantes : ces capacités représentent unmultiple de celles du concurrent suivant par ordred'importance et dépassent de loin le volume total dumarché des eaux;

- le portefeuille de sources d'eaux minérales quepossèderait la nouvelle entité Nestlé/Perrier :8 sources d'eau minérale plate, dont 3 grandes sources(Contrex, Volvic et Vittel) et 7 sources d'eauminérale pétillante, dont 2 grandes sources (Perrieret St-Yorre); ce portefeuille assurerait à la nouvelleentité un gros avantage sur ses concurrents;

- la nouvelle entité posséderait également un grandnombre de sources d'eau non minérale;

Page 59: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

- au niveau national, il y aurait un seul autreconcurrent, BSN, qui n'aurait qu'une grande sourced'eau minérale plate (Evian) et une grande sourced'eau minérale pétillante (Badoit); BSN possède uneréserve d'eau minérale plate qui ne lui laisse qu'unemarge de manoeuvre limitée pour concurrencer lanouvelle entité à moyen et à long terme. Dans lesegment de l'eau minérale pétillante, sa source Badoita atteint sa pleine capacité de production et nepourrait donc plus faire face à une augmentation de lademande;

- la concurrence des eaux non minérales locales seraitinsuffisante pour restreindre la marge de manoeuvre dela nouvelle entité;

- les revendeurs et les grossistes deviendraient encoreplus dépendants vis"à"vis des marques renommées dela nouvelle entité et ne pourraient donc limitereffectivement la puissance de la nouvelle entité surle marché;

- il n'existe aucun signe annonçant l'arrivée rapide eteffective sur le marché français des eaux deconcurrents capables d'exercer une contrainte sur lesprix.

(134) Si, bien que ses capacités non utilisées d'Eviansoient limitées, BSN conservait néanmoins une certainemarge de manoeuvre pour concurrencer la nouvelleentité, on ne peut pas s'attendre à ce qu'elle lefasse effectivement, étant donné que ces deuxproducteurs auraient un puissant intérêt commun et unepuissante incitation commune à maximiser conjointementleurs profits.

Dans le segment de l'eau minérale plate, BSN ne possèdequ'une grande marque, Evian, avec laquelle elleapprovisionne à la fois le marché français et les marchésd'exportation. Il est très peu probable que BSN décideraitd'utiliser ses capacités disponibles pour enlever un volumeimportant à la nouvelle entité, étant donné qu'elle voudraavoir sa part de l'augmentation de la demande totale etégalement maintenir et si possible augmenter sesexportations. Il est donc à prévoir que BSN ne pourrait pasou ne voudrait pas concurrencer effectivement la nouvelleentité.

I. CONCLUSION

(135)Pour toutes les raisons susmentionnées, la Commissionconclut qu'avec ou sans la vente de Volvic à BSN, laconcentration envisagée créerait une position

Page 60: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

dominante qui aurait comme conséquence qu'uneconcurrence effective serait entravée de manièresignificative dans une partie substantielle du marchécommun au sens de l'article 2 paragraphe 3 durèglement sur les concentrations.

VI. ENGAGEMENTS PROPOSES PAR NESTLE

(136)Nestlé a proposé de modifier le projet initial deconcentration qu'elle avait notifié en y ajoutant lesengagements suivants :

"Sans préjudice de la position adoptée dans ses réponsesécrites et orales à la Communication transmise conformémentà l'article 18 du règlement (CEE) n! 4064/89 et datée du 4mai 1992, Nestlé déclare qu'elle est diposée à modifierl'effet de l'opération notifiée à la Commission le 25février 1992 sur la base de l'engagement suivant :

Afin de faire face aux exigences imposées par la Commissiondemandant que soient facilitées l'entrée sur le marché deseaux embouteillées d'un concurrent viable disposant deressources adéquates ou l'augmentation de capacité d'unconcurrent existant, de sorte que, dans les deux cas, ceproducteur puisse exercer une concurrence effective àNestlé et BSN sur le marché français de l'eau embouteillée,Nestlé s'est engagée à vendre audit concurrent des marqueset une capacité suffisante d'eau à embouteiller pour luipermettre de disposer d'une capacité d'au moins 3 milliardsde litres d'eau par an.

Les marques et les sources que Nestlé vendra sont lessuivantes :

Source Capacité (en millionsde litres)

Vichy ..*

Thonon ..*Pierval ..*Saint Yorre ..*Un nombre d'autres eaux de sources 1195

Les chiffres mentionnés ci-dessus correspondent auxinformations les plus précises dont dispose Nestlé. Leschiffres relatifs à la capacité sont des approximations,mais ils seront certifiés par un expert."

*

Page 61: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

Nestlé accepte en outre de ne fournir, directement ouindirectement, aucune donnée antérieure à un an sur sesvolumes de vente à aucune association professionnelle niaucune autre entité susceptible de transmettre cesinformations à des sociétés concurrentes, sous une formepermettant à celle-ci de connaître, directement ou pardéduction, les volumes de vente exacts de Nestlé. Nestléaccepte de ne pas fournir ces données aussi longtemps quila structure oligopolistique étroite actuelle persiste surle marché français de l'eau embouteillée. Nestlé peut àtout moment demander à la Commission de modifier cetengagement, à condition qu'elle puisse montrer que lesconditions et la structure du marché aient suffisammentchangés.

Nestlé accepte de ne pas intégrer à ses propres opérationsl'ensemble des actifs et des intérêts de Perrier tantqu'elle n'aura pas réalisé la vente des opérationsmentionnées ci-dessus à une entité unique agréée par laCommission. L'acquéreur devra être une entité n'ayant aucunlien structurel, financier ou personnel avec Nestlé,Perrier et BSN, ni avec aucune de leurs sociétés mères oude leurs filiales, ni avec aucun administrateur, directeur,employé ou agent de Nestlé, Perrier ou BSN qui serait detelle nature qu'il rendrait improbable une concurrenceeffective de l'acquéreur à l'égard de Nestlé et BSN.

Pendant toute cette période de non-intégration précédant lavente des actifs dont elle doit se séparer, Nestlé accepteégalement de ne procéder à aucune modification structurellede Perrier, telles que la vente d'une marque déposée oud'une marque, la vente d'une branche d'activité, lafermeture d'une unité de production ou toute autre vented'actifs principaux similaires (y compris la location, letransfert ou la mise en gage d'actifs), sans l'accordpréalable de la Commission. Cet accord sera considéré commeacquis si la Commission ne fait pas connaître par écrit sonopposition à Nestlé dans un délai de 15 jours ouvrables àcompter de la date de réception de la notification de lamodification structurelle proposée.

Tant que la cession exigée par la décision n'aura pas étéréalisée, Nestlé

a) prendra toutes les mesures requises pour assurer queles actifs du groupe Perrier demeurent des actifsdistincts et vendables;

b) conservera les documents, livres et pièces comptablesrelatifs à Perrier.

Durant cette période de non-intégration, Nestlé s'engage à nepas autoriser la direction de Perrier à communiquer des secretscommerciaux, des données relatives au savoir-faire, desinformations commerciales, des informations industrielles ou des

Page 62: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

droits de propriété de nature confidentielle ou interne à lasociété obtenus de Perrier à une autre entité commerciale dugroupe Nestlé, ni à utiliser ces informations au sein du groupeNestlé dans un but autre que la vente des actifs faisant l'objetdu présent engagement.

Nestlé accepte de vendre les actifs en question le [ ]. Nestlé sera considérée comme ayant rempli cette obligation si,d'ici le [ ], elle signe un contrat ferme pour la vente desactifs dont elle doit se séparer à un acquéreur agréé par laCommission, sous réserve que cette vente se fasse dans un délaiapprouvé par la Commission.

Nestlé s'efforcera de se séparer des actifs mentionnés ci-dessusd'ici le [ ]. La Commission peut, à sa seule discrétion, surdemande dûment motivée de Nestlé, prolonger ladite période detrois mois, à n'importe quel moment avant le [ ].

Nestlé reconnait que l'agrément de l'acquéreur par la Commissionest indispensable à l'acceptation de son engagement par celle-ci. L'implantation d'un concurrent affectif de Nestlé et BSNdépend de la capacité de cet acquéreur à développer les sourceset les marques qui lui seront vendues. Il devra notammentposséder :

- des ressources financières suffisantes pour développerun réseau de distribution national et promouvoir lesmarques acquises de façon adéquate;

- une expérience suffisante dans le domaine des boissonsou des produits alimentaires de marque.

Ce sont là les deux critères essentiels. La Commissionrefusera son agrément uniquement si elle peut démontrer quel'acquéreur proposé ne sera pas un concurrent crédiblesusceptible de concurrencer effectivement Nestlé et BSN,même s'il répond à ces deux critères.

Nestlé reconnaît que la présente décision lui impose de nepas vendre Volvic à BSN avant d'avoir mené à terme la ventedes actifs dont elle doit se séparer, étant entendu que lavente de ces actifs constitue une condition préalable à lacompatibilité avec le marché commun.

Il est interdit à Nestlé de racheter, directement ouindirectement, aucune des sources ou marques dont elle seséparera conformément au présent engagement, et ce pendantune période de dix ans à compter de la date de la décisionde la Commission, sans l'accord écrit préalable de laCommission. Dans cette éventualité, la Commission prendraen considération toutes les modifications structurelles quiseront intervenues sur le marché français des eauxembouteillées.

Page 63: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

Sans préjudice des obligations qui lui incombent en matièrede concentrations de dimension communautaire, en vertu durèglement sur les concentrations, Nestlé s'engage égalementà informer la Commission par écrit de toute acquisitiond'une société de production d'eau embouteillée implantée enFrance et détenant une part de marché supérieure à cinqpour cent (5 %), et ce pendant une période de cinq ans àcompter de la date de la décision de la Commission."

(137)La Commission s'est assurée que l'offre de Nestlé contientune gamme de sources d'eaux minérales et d'eaux desource qui permettrait à l'acquéreur de disposer de lacapacité prévue d'environ 3 milliards de litres.

Nestlé s'est engagée à vendre ladite capacité et leditportefeuille de marques d'eaux de source et d'eauxminérales qui devraient créer une concurrence effectivesusceptible de contrebalancer la position dominanteduopolistique qui serait autrement créée par laconcentration et la vente de Volvic à BSN.

Si l'acquéreur de l'ensemble des marques et des sourcesproposées est capable de développer rapidement les actifsque Nestlé lui cèdera, les capacités proposées seraient, del'avis de la Commission, suffisantes pour créer unenouvelle entité concurrentielle sur le marché français deseaux embouteillées, susceptible de limiter la puissance deNestlé et de BSN.

La nouvelle entité aura à sa disposition, sur le marchéfrançais des eaux embouteillées, une capacité quireprésentera environ 20 % de la capacité totaleprécédemment détenue par les trois producteurs nationauximplantés sur ce marché, et qui suffira à couvrir plus dela moitié de la demande globale actuelle. Bien que lesventes actuelles des marques à céder soient encore trèsfaibles, leur potentiel de développement est considérableen raison des capacités et des caractéristiques quel'acheteur doit posséder.

Les sources qui seront vendues comprennent des sourcesd'eau minérale plate, d'eau de source plate et d'eaugazeuse. Elles comprennent également pour chacun de cessegments un certain nombre de marques déjà bien implantéesou de marques qui sont sur le point d'être distribuées àl'échelle nationale.

L'acquéreur de cet ensemble de sources pourra prendre pieddans d'importants commerces de détail, auxquels tout nouvelarrivant doit pouvoir accéder s'il veut promouvoir desmarques moins connues ou lancer de nouvelles marques.

Page 64: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

Toutefois, cela signifie que l'acquéreur devra avoirsuffisamment d'expérience dans le développement de marquesde produits alimentaires et suffisamment de ressourcesfinancières pour investir dans les actions publicitairesnécessaires pour soutenir ces marques.

Si tel est le cas, la nouvelle entité sera probablement enmesure d'offrir de nouvelles possibilités aux consommateursen plaçant ses produits à un niveau de prix inférieurs auxprix élevés des eaux minérales nationales. Ce type depositionnement sur le marché peut faire contrepoids à lapolitique des prix pratiquée actuellement par les troisproducteurs nationaux.

Pour ces raisons et sous réserve du respect des conditionset obligations énoncées dans l'engagement de Nestlé, laCommission est parvenue à la conclusion que la vente d'unecapacité de 3 milliards de litres et d'un portefeuille demarques agréé par elle à un acquéreur puissant qui soitaccepté par la Commission, serait suffisante pour donnernaissance à un concurrent viable capable d'entrereffectivement en concurrence avec Nestlé et BSN et deprévenir ainsi la position dominante collective quirésulterait autrement du projet de concentration et de lavente ultérieure de Volvic à BSN.

(138)Si la vente des actifs dont Nestlé doit se séparer n'estpas intervenue à l'expiration du délai prévu parl'engagement de Nestlé ou si Nestlé contrevient à unequelconque autre charge contenue dans son engagement,la Commission se réserve le droit, conformément àl'article 8 paragraphe 5 du règlement sur lesconcentrations, de révoquer sa décision d'accepter lesmodifications proposées dans la présente décision etd'exiger de Nestlé qu'elle se sépare de l'ensemble desactifs et intérêts acquis dans Perrier et, parconséquent, que Nestlé et Perrier soient entièrementséparées afin de rétablir une concurrence effective,conformément à l'article 8 paragraphe 4 du mêmerèglement.

Ces mesures seront adoptées sans préjudice du droit de laCommission d'imposer des amendes conformément àl'article 14 paragraphe 2 dudit règlement,

Page 65: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

A ARRETE LA PRESENTE DECISION :

Article premier

Sous réserve de la réalisation de toutes les conditions etobligations contenues dans l'engagement pris par Nestlé àl'égard de la Commission tel qu'exposé au considérant (136) dela présente décision, l'opération de concentration notifiée parNestlé S.A. le 25 février 1992, relative à l'acquisition ducontrôle de Source Perrier S.A., est déclarée compatible avec lemarché commun.

Article 2

Nestlé SA55, avenue NestléCH - 1800 Vevey

est destinataire de la présente décision.

Fait à Bruxelles, le 22 juillet 1992.

Par la Commission

Sir Leon BRITTANVice-président

Page 66: DECISION DE LA COMMISSION - European Commission€¦ · paragraphe 2, vu la dØcision prise par la Commission, le 25 mars 1992, d’engager la procØdure dans la prØsente affaire,

TABLE DES MATIERES

I. LES FAITSII. LA CONCENTRATION ET LA DIMENSION COMMUNAUTAIREIII. LES ENTREPRISESIV. MARCHES CONCERNES

LE MARCHE DE PRODUITS DE REFERENCEA. DISTINCTION ENTRE LES EAUX DE SOURCE EMBOUTEILLEES ET

LES BOISSONS RAFRAICHISSANTES SANS ALCOOLa) Considérations relatives à la demandeb) Considérations relatives à l'offrec) Conclusion

B. DISTINCTION ENTRE LES EAUX DE SOURCE PLATES ET LESEAUX GAZEUSES ET AROMATISEES

LE MARCHE GEOGRAPHIQUE DE REFERENCEA. LES CONDITIONS DE CONCURRENCE DANS LA COMMUNAUTEB. LES EXPORTATIONS FRANCAISES ET LA MENACE

D'IMPORTATIONS PARALLELESC. BARRIERES A L'ENTREE ISOLANT LE MARCHE FRANCAIS

V. COMPATIBILITE AVEC LE MARCHE COMMUNA. PARTS DU MARCHEB. CAPACITES ET PORTEFEUILLE DE SOURCESC. PRIXD. STRUCTURE DES COUTSE. CONCURRENCE DES PRODUCTEURS D'EAUX LOCALESF. POUVOIR ECONOMIQUE DES ACHETEURSG. CONCURRENCE POTENTIELLEH. EFFET SUR LA PRESERVATION ET LE DEVELOPPEMENT D'UNE

CONCURRENCE EFFECTIVEa) En cas de réalisation de la vente de Volvic

à BSN : domination duopolistiqueb) Sans la vente de Volvic à BSN : domination

d'une seule entrepriseI. CONCLUSION

VI. ENGAGEMENTS PROPOSES PAR NESTLE