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1 DÉCEMBRE 2012 N° 22 Blog : www.panckoucke.org On en a fait le symbole de « la bourgeoisie triomphante ». Buste large, embonpoint pesant, mains appuyées sur les genoux, le patron de presse Louis-François Bertin a tout de l’homme d’affaires sûr de ses convictions. La formule de Guizot « enrichissez-vous par le travail et l’épargne » semble lui être destinée. Édouard Manet parle à son propos d’un « bouddha de la bourgeoisie cossue, repue et triomphante ». Ce tableau est depuis le 4 décembre l’une des œuvres phares exposées dans le tout nouveau Louvre-Lens. Lorsque Dominique Ingres expose son portrait en 1833, Louis-François Bertin est un homme qui compte dans le Paris de la monarchie de Juillet. Né le 14 décembre 1766 dans la capi- tale, il a acheté en 1799, avec son frère, Le Journal des débats où pour défendre les idées conservatrices il a su attirer Chateaubriand, Nodier, et bien d’autres belles signatures. Le suc- cès de son quotidien et ses idées royalistes lui valent d’être emprisonné et exilé à l’ile d’Elbe dès 1800. Il ne peut rentrer en France que cinq ans plus tard où, par prudence, il rebaptise son pério- dique Le Journal de l’Empire. En 1811, il lui est pourtant confisqué par décret impérial. L’Empereur à son tour à l’île d’Elbe, il reprend possession de son journal qui retrouve son titre initial. Partisan chaleureux de la Restauration, il juge plus prudent d’accompagner Louis XVIII à Gand durant la période des Cent-Jours. Comme Chateaubriand, Bertin s’oriente vers une monar- chie constitutionnelle, combattant les ultras et prenant ses distances avec le régime de Charles X. Tout naturellement, en 1830, il se rallie à Louis-Philippe. L’orléanisme qui se voulait du « juste-milieu » glisse vers la droite. La « résistance » vient à bout du « mouvement ». Les complots se multiplient contre le régime qui en sort pourtant renforcé. Les journaux d’opposition sont poursuivis, Bertin soutient le régime qu’il a contribué à installer. En cette année 1832, Lens n’est encore qu’une petite bour- gade agricole de quelque 2 500 habitants, à Paris Dominique Ingres est à son chevalet pour un portrait que lui a commandé le patron du Journal des débats. Au prix de longs efforts, comme le peintre le dit lui-même, il en sort une œuvre magistrale dont chacun souligne la précision : défauts du visage, désordre de la chevelure, rendu des vête- ments… Comme l’écrit un contemporain : « c’est un homme que l’on voit et non un tableau ». Louis-François Bertin meurt en 1841. Son frère, Pierre-Louis, qui l’avait longtemps secondé dans la rédaction du Journal des débats, disparaît l’année suivante. Après la mort de Louis-François, le quotidien est dirigé par ses deux fils, Louis-Marie-Armand de 1841 à 1854, puis François-Édouard de 1854 à 1871. Rallié à la République conser- vatrice, le journal perd peu à peu de son influence, il n’en continue pas moins de paraî- tre jusqu’en août 1944. J.-P. V. Un patron de presse au Louvre-Lens © Musée du Louvre, Dist. RMN / Erich Lessing. Les journalistes agricoles rendent compte des débats, de l’actualité professionnelle. Ils travaillent dans des médias généra- listes ou spécialisés sur le plan national ou local ; ils peuvent être aussi employés par des coopératives ou des entreprises pour des bulletins internes. Ils ont géné- ralement une double formation : ingé- nieur en agriculture ou en agronomie et journaliste. Leur titre de journaliste découle de la détention de la carte de presse mise en place par la loi Brachard qui a créé en 1935 un statut de journaliste professionnel. Les personnes qui prenaient la plume au temps des premiers journaux agricoles, à la fin du XIX e siècle et au début du XX e siècle, n’étaient pas journalistes. Ils ne se considéraient d’ailleurs pas comme tels car l’écriture d’articles ne représen- tait qu’une activité parmi d’autres. Ils étaient avant tout, de multiples façons, au service de l’agriculture. Être journaliste voire rédacteur en chef d’un journal pouvait ne constituer qu’une activité partielle. Pourquoi des prêtres ont-ils assumé des fonctions journalistiques ? Dans le syndicalisme agricole, les jour- nalistes sont avant tout des techniciens, des amateurs comme le montre l’exem- ple de L’Agriculture de la Région du Le temps révolu des prêtres journalistes agricoles dans la Région Nord- Pas-de-Calais Par Marie-Christine Allart suite page 2

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DÉCEMBRE 2012 N° 22

Blog : www.panckoucke.org

On en a fait le symbole de « la bourgeoisie triomphante ». Buste large, embonpointpesant, mains appuyées sur les genoux, le patron de presse Louis-François Bertin a toutde l’homme d’affaires sûr de ses convictions. La formule de Guizot « enrichissez-vouspar le travail et l’épargne » semble lui être destinée. Édouard Manet parle à son proposd’un « bouddha de la bourgeoisie cossue, repue et triomphante ». Ce tableau est depuisle 4 décembre l’une des œuvres phares exposées dans le tout nouveau Louvre-Lens.Lorsque Dominique Ingres expose son portrait en 1833, Louis-François Bertin est unhomme qui compte dans le Paris de la monarchiede Juillet. Né le 14 décembre 1766 dans la capi-tale, il a acheté en 1799, avec son frère, LeJournal des débats où pour défendre les idéesconservatrices il a su attirer Chateaubriand,Nodier, et bien d’autres belles signatures. Le suc-cès de son quotidien et ses idées royalistes luivalent d’être emprisonné et exilé à l’ile d’Elbe dès1800. Il ne peut rentrer en France que cinq ansplus tard où, par prudence, il rebaptise son pério-dique Le Journal de l’Empire. En 1811, il lui estpourtant confisqué par décret impérial. L’Empereur à son tour à l’île d’Elbe, il reprendpossession de son journal qui retrouve son titreinitial. Partisan chaleureux de la Restauration, iljuge plus prudent d’accompagner Louis XVIII àGand durant la période des Cent-Jours. CommeChateaubriand, Bertin s’oriente vers une monar-chie constitutionnelle, combattant les ultras etprenant ses distances avec le régime de Charles X.Tout naturellement, en 1830, il se rallie à Louis-Philippe.L’orléanisme qui se voulait du « juste-milieu » glisse vers la droite. La « résistance »vient à bout du « mouvement ». Les complots se multiplient contre le régime qui en sortpourtant renforcé. Les journaux d’opposition sont poursuivis, Bertin soutient le régimequ’il a contribué à installer. En cette année 1832, Lens n’est encore qu’une petite bour-gade agricole de quelque 2 500 habitants, à Paris Dominique Ingres est à son chevaletpour un portrait que lui a commandé le patron du Journal des débats. Au prix de longsefforts, comme le peintre le dit lui-même, il en sort une œuvre magistrale dont chacunsouligne la précision : défauts du visage, désordre de la chevelure, rendu des vête-ments… Comme l’écrit un contemporain : « c’est un homme que l’on voit et non untableau ».Louis-François Bertin meurt en 1841. Son frère, Pierre-Louis, qui l’avait longtempssecondé dans la rédaction du Journal des débats, disparaît l’année suivante. Après lamort de Louis-François, le quotidien est dirigé par ses deux fils, Louis-Marie-Armandde 1841 à 1854, puis François-Édouard de 1854 à 1871. Rallié à la République conser-vatrice, le journal perd peu à peu de son influence, il n’en continue pas moins de paraî-tre jusqu’en août 1944.

J.-P. V.

Un patron de presse au Louvre-Lens

© Musée du Louvre, Dist. RMN / Erich Lessing.

Les journalistes agricoles rendent comptedes débats, de l’actualité professionnelle.Ils travaillent dans des médias généra-listes ou spécialisés sur le plan nationalou local ; ils peuvent être aussi employéspar des coopératives ou des entreprisespour des bulletins internes. Ils ont géné-ralement une double formation : ingé-nieur en agriculture ou en agronomie etjournaliste. Leur titre de journalistedécoule de la détention de la carte depresse mise en place par la loi Brachardqui a créé en 1935 un statut de journalisteprofessionnel. Les personnes qui prenaient la plume autemps des premiers journaux agricoles, à la fin du XIXe siècle et au début duXXe siècle, n’étaient pas journalistes. Ilsne se considéraient d’ailleurs pas commetels car l’écriture d’articles ne représen-tait qu’une activité parmi d’autres. Ilsétaient avant tout, de multiples façons, auservice de l’agriculture. Être journalistevoire rédacteur en chef d’un journal pouvait ne constituer qu’une activité partielle. Pourquoi des prêtres ont-ilsassumé des fonctions journalistiques ?Dans le syndicalisme agricole, les jour-nalistes sont avant tout des techniciens,des amateurs comme le montre l’exem-ple de L’Agriculture de la Région du

Le temps révoludes prêtres journalistes agricoles dans la Région Nord-Pas-de-Calais

Par Marie-Christine Allart

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son avis comme le fit un agriculteur de l’arrondissement de Saint-Pol-sur-Ternoise3. Des prêtres signent aussi régulièrementdes articles. Certes, ils s’expriment dansLa Semaine religieuse, dans La Croix,dans des journaux paroissiaux mais ilsoccupent une place d’importance dans lejournalisme agricole.

■ Sur les traces du chanoine Outters4

Des prêtres se sont fortement investisdans le journalisme agricole afin dedéfendre l’œuvre menée auprès des pay-sans. La fin du XIXe siècle est marquéepar l’essor du catholicisme social. Sousle pontificat de Léon XIII (1878-1903),l’encyclique Rerum Novarum justifie ledroit de l’Église d’intervenir dans ledomaine social ce qui entraîne la multiplication des œuvres catholiquessociales. Le modèle du bon prêtre n’estplus celui qui se contente de dire samesse. Dans le milieu rural, des prêtresdeviennent missionnaires agricoles c’est-à-dire des prêtres ayant une formation enagriculture, assurant des fonctions d’en-seignant, de conseiller et d’organisateurpour le monde paysan. Dans le Nord, unsyndicat confessionnel voit le jour, laFédération des syndicats agricoles. Il dispose d’un hebdomadaire, qui se pré-sente à l’origine sous la forme d’unefeuille polycopiée. Les chanoines François,Outters et Bera, les premiers mission-naires agricoles de la région5, rédigeaientrégulièrement les articles techniques.Imprimée en 1902, cette feuille devienten 1910 un journal, L’Écho des syndicatsagricoles, tirant à 10000 exemplaires. Lechanoine Outters, le fondateur, en est lerédacteur en chef jusqu’à sa mort en1943. Le chanoine Outters appartient à uneépoque où l’Église s’intéresse aussi for-tement au journalisme. Par exemple, audébut des années vingt, l’association descardinaux et évêques de France souhaitela création d’une école de journalismedans un institut catholique afin d’avoirun levier sur l’opinion publique faceéventuellement à un retour des anticléri-caux. C’est « la Catho » qui propose en1924 une formation pour les jeunes quise destinent à la profession de journaliste.Un autre lien avéré se décèle par exempleavec le recrutement du journalisteDorgères. Après des études de droit

Nord ou L’A.R.N. Mais un journal syndi-cal concurrent, L’Écho des syndicatsagricoles, fut lancé par le chanoineOutters, et nous verrons qui furent cesprêtres journalistes dans le syndicalismeconfessionnel1.

■ Le monde des journalistes agricoles : des militants multifonctions

À la fin de XIXe siècle, lorsque naissentles grands journaux agricoles, les journa-listes ne sont pas des hommes faisantprofession d’informer, mais des hommespolitiques, des hommes d’affaires, desécrivains ou des artistes. Comme lesjournaux agricoles découlent des bulle-tins des sociétés savantes d’agriculture,les signataires des articles techniquesdont les noms reviennent le plus fré-quemment, ceux qui sont cités dans lescomités de rédaction correspondent à despersonnes qui possèdent avant tout unesolide formation agricole. Georges Maréchal, l’initiateur de L’A.R.N.qui en devient le rédacteur en chef, est uningénieur agronome, professeur départe-mental d’agriculture. Il souhaite écrireafin de vulgariser de bonnes méthodes,diffuser les innovations, lutter contre laroutine et les préjugés. Son successeurChabé est remplacé en 1914 par Georges,Jules, Hyacinthe Francq, professeur delettres et d’histoire qui enseigne au col-lège d’Arras puis au collège de Boulogne-sur-Mer. C’est un écrivain érudit qui acollaboré à de nombreux quotidiens etpériodiques avant de prendre la directionde L’A.R.N. Son profil est certes très dif-férent mais c’est un connaisseur dumonde agricole : il a fait de nombreusesconférences pour des associations et aprêté son concours actif aux œuvres agri-coles. Avec Léopold Joseph Malpeaux,qui lui succède à la fin des années vingt,on renoue avec le profil antérieur. Né àBeaufort-Blavincourt en 1871 dans unefamille de terriens, ancien élève de l’écoleagricole de Berthonval puis de l’écolenationale d’agriculture de Grignon, cetingénieur agricole a consacré sa vie àl’agriculture. Il fut directeur de l’écoled’agriculture du Pas-de-Calais à Berthon-val, collaborateur du dictionnaire d’agri-culture Larousse, secrétaire général de laFédération des sociétés d’agriculture et del’Union des syndicats agricoles du Pas-

de-Calais. Dans l’après-guerre, il exerçala fonction d’adjoint au commissairegénéral de l’agriculture aux régions libé-rées et fut membre de la commissiondépartementale de ravitaillement. Au-delà de ces figures marquantes, undirecteur de station agronomique commeLefort, un président du comité de surveil-lance de la caisse de Crédit agricolemutuel du Pas-de-Calais tel Loth ouencore Tribondeau, le directeur desServices agricoles, mais aussi des vétéri-naires, des dirigeants de syndicats, desspécialistes de telle ou telle questionagricole prennent la plume.L’A.R.N., journal politique qui défend laRépublique et le protectionnisme, com-prend donc également dans son comitéde rédaction outre des professionnels dumonde agricole, des hommes politiquesmilitants agricoles comme CélestinJonnart, ministre des Affaires étrangères,sénateur, député de Fauquembergue,conseiller général… ou Henri Bachelet,exploitant agricole, sénateur, conseillergénéral et président de nombreuses orga-nisations agricoles ou encore son filsPaul Bachelet, ingénieur agronome,exploitant agricole, sénateur, présidentdu conseil d’administration de L’A.R.N.Néanmoins en 1920, Francq après la pre-mière assemblée du journal de l’après-guerre souhaite renouer avec la traditionde l’amateurisme et lance un appel dansles colonnes du journal : « Voilà pour-quoi, fidèle aux vieilles traditions dujournal, je fais appel non seulement à nossavants collaborateurs, dont le concoursd’ailleurs nous est acquis, mais à tousceux qui ont quelque chose de sensé et deraisonnable à dire. Ces timides nous pri-vent bien souvent des conseils de leursexpériences. Et pourquoi ? Parce qu’ilsn’ont pas trempé leur plume dans l’encrede Voltaire. Ce défaut leur est communavec beaucoup de personnes. Mais per-mettez-moi de dire qu’en agissant ainsi,ils privent précisément notre journal decette note savoureuse, qui imprime uncaractère si piquant à leurs réflexions quifont que les gens du pays se disent avecun sourire entendu et indulgent : C’est unhomme de chez nous qui écrit, cela sesent. Ainsi, je fais un présent appel àtoutes les compétences et toutes lesbonnes volontés. Faites de notre journalla feuille des gens de chez nous2. » Et il est vrai qu’avant la guerre un simpleagriculteur prenait la plume pour donner

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Le temps révolu des prêtres journalistes agricoles dans la Région Nord-Pas-de-Calais

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public à Lille, il publie en 1919 quatrearticles dans L’Action française ce qui luipermet d’entrer en contact avec MgrCharost, l’évêque de Lille, qui lui trouve-rait un emploi à la Fédération des syndi-cats agricoles dirigée par le comted’Hespel. Il devient ainsi secrétaire derédaction de L’Écho des syndicats agri-coles avant de poursuivre sa carrière dejournaliste professionnel en Bretagne6. Le chanoine Outters est un fils de paysanné en 1880. Envoyé par ses supérieursfaire des études agricoles à l’institut deLa Louvière, il participe à la rédaction dupremier manuel d’agriculture, TG de laLouvière. La rédaction, la direction dujournal constitua toujours pour lui unproblème central parmi ses multiplesactivités. À peine paru le samedi, lenuméro suivant devait être mis en chan-tier et parfois, il n’y avait pas grand-chose à y mettre. Il consacrait donc lamajeure partie de son dimanche et de sonlundi  à l’organisation du journal. Sonprincipal souci : trouver des thèmes d’ar-ticles, en écrire et solliciter des rédac-teurs. Il pouvait s’appuyer sur deux outrois militants actifs qui essayaient d’en-voyer régulièrement des articles et pource, l’abbé Feron avait pris la successionde l’abbé Leroy. La publicité, descomptes-rendus d’assemblées ou de réu-nions, des communiqués d’associationspermettaient certes de remplir lescolonnes et, pour étoffer le journal, il uti-lisait aussi la documentation des bulletinsdes grandes associations spécialisées, cequi lui fut reproché. L’argument dedéfense opposé à ses détracteurs reposaitsur le fait que, cette documentation neparvenant qu’aux dirigeants fédéraux, ilconvenait de la diffuser plus largement. Illui fallait aussi improviser pour suivre etrelater des évènements extraordinairescomme la manifestation du Front paysandu 26 novembre 1934. Enfin, il devaitcontrôler et faire la mise en page. Directeur et animateur du journal, il leprésente comme un moyen de vulgarisa-tion des techniques agricoles, un docu-mentaire sur toutes les questions écono-miques, juridiques, administratives maisaussi un moyen de favoriser la formationmorale. Par des articles techniques ou pardes commentaires sur des sujets d’actua-lité, il fait œuvre d’enseignement etœuvre sociale. Toujours inspiré des cir-constances, il décide de promouvoir parexemple le nitrate méconnu, le chaulage

des terres ou rédige de nombreuses notesd’information sur les dommages deguerre. Préoccupé par la situation écono-mique qu’il suit attentivement, il écrit desarticles sur le blé, la betterave sucrière, lelin et informe sur leur législation et sesmodifications. Lorsqu’il décède en décembre 1943, laUne de l’hebdomadaire7 porte le deuil deson fondateur et rédacteur en chef.Cependant la lecture du texte de sonimage funéraire8 montre que malgré sonimplication dans le journalisme, aucunemention n’est faite de cette activité. Le chanoine Outters, figure marquantedu journalisme agricole confessionnel,ne présente pas un profil atypique.Comme ses homologues laïques deL’A.R.N., il possède une solide formationagricole et assume de multiples fonc-tions. Il partage aussi de nombreux pointscommuns avec les autres grandes figuresde prêtres journalistes.

■ Deux générations de prêtresjournalistes agricoles

L’abbé Leroy9 fut un collaborateur régu-lier du chanoine Outters. Né à Cléty le27 septembre 1884 dans une familled’agriculteurs chrétiens assez aisée, il estdestiné assez tôt à la prêtrise. Il s’inscrittotalement dans ce courant du catholi-cisme social et devient un missionnaireagricole. Pour se préparer à l’apostolatrural, il est désigné par ses supérieurs

pour suivre des études agricoles à l’insti-tut de Genech dans le Nord. Il commencesa carrière d’enseignant en 1909 etcomme l’enseignement agricole en est àses balbutiements, il en met au point l’os-sature dans les collèges. Il participe luiaussi à la rédaction du Manuel d’agricul-ture de T. Genech de la Louvière édité en1913, manuel constamment remis àjour qui tint une place de premier plan enFrance jusque dans les années soixante-dix. Dès 1909, il écrit régulièrement dansL’Écho des syndicats agricoles où ilinaugure une chronique « Les travaux dela semaine » dans laquelle il développesurtout les questions des engrais et descultures. Après la Grande Guerre, ilreprend toutes ses activités et poursuitdonc l’écriture d’articles. Il se spécialisedans les conseils administratifs dispensésaux dirigeants des syndicats et associa-tions agricoles. Il profite aussi du journalpour exposer et développer ses principesde la vie syndicale avec la présentationdes associations, leur condition de fonc-tionnement et de développement ainsique les devoirs des paysans envers cesassociations mais aussi envers leurfamille et leur profession. Il écrit donc denombreux articles sur la doctrine syndi-cale inspirée de l’encyclique RerumNovarum, doctrine qu’il avait déjà expo-sée dans le chapitre sur l’économie ruraledu Manuel d’agriculture. De la même génération, CharlesAdolphe François Foulon (1882-1933)est lui aussi un prêtre au service des pay-sans. Issu d’une famille de cultivateursde Bayenghem-les-Seninghem, aprèsdes études secondaires, il entre au sémi-naire en 1894 pour des études de philo-sophie et de théologie. Il est nommé pro-fesseur à la ferme-école des orphelins deCoulogne en 1906 et en devient le direc-teur en 1907. Après la guerre, il reprendson poste à Coulogne en 1919. En 1922,il est affecté aux Œuvres agricoles dudiocèse et organise la création des coursde mécanique agricole à Saint-Pol-sur-Ternoise dont il est nommé ensuitedirecteur. Il a le souci d’une éducationsoignée jointe à une organisation tech-nique. Il souhaite former des chrétiens etde bons cultivateurs. Il rédige et édite unmanuel sur les machines agricoles. Ildonne des conférences sur l’agricultureet participe aux cours d’enseignementagricole par correspondance. Son impli-cation dans le journalisme est moindre,

Lʼimage funéraire du chanoine Outters. Archives diocé-saines dʼArras)

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même s’il a signé de nombreux articlestechniques.La génération suivante, celle qui prend lerelais est constituée par l’abbé Patou, col-laborateur du chanoine Leroy pour lePas-de-Calais et l’abbé Ruckebusch10,collaborateur du chanoine Outters pour leNord. À la Libération, après le décès du fonda-teur, le chanoine Ruckebusch prend ladirection du journal et poursuit l’œuvreavec le nouvel hebdomadaire intitulédésormais Le Syndicat agricole. Ordonnéprêtre en 1934, le « chanoine », comme ilétait surnommé, est né en 1909 dans une famille d’agriculteurs de Flandre àGodewaersvelde. Après des études aupetit séminaire d’Hazebrouck, poursui-vies au grand séminaire de Merville puisde Lille, il est à la fois professeur et élèvecar il enseigne au collège Saint-Juded’Armentières, dispense des cours demécanique agricole à Hazebrouck alorsqu’il suit les cours de l’école d’agricul-ture de Genech et de l’école des Sciencessociales aux facultés catholiques de Lille.Désigné pour les Œuvres agricoles, il sertles associations agricoles et l’enseigne-ment professionnel agricole. Il lance laJAC dans le secteur d’Armentières,donne des conférences sur l’agricultureen hiver, prépare des cours post-scolairesagricoles par correspondance et tient unechronique dans L’Écho des syndicats.Fait prisonnier puis libéré en 1941, il estappelé par le chanoine Outters pour leseconder. À la mort de ce dernier en1944, il est nommé directeur des Œuvresagricoles du diocèse de Lille et présidentdu comité directeur du journal LeSyndicat agricole dont il fut le fondateur.Ce directeur de la Fédération agricole,président de l’Union nationale de l’ensei-gnement agricole privé assume pendantquarante ans la direction et la rédactionde l’hebdomadaire. Il y écrit des édito-riaux signés Ruckebusch mais utiliseaussi des pseudonymes comme JeanDelater ou le père Michel. À l’origine dela création de l’ISA, ce professeur d’agri-culture, passionné de formation, serviteurdu monde agricole avec une présenceforte dans les organisations profession-nelles agricoles, œuvra sans relâche dansle journalisme.Dans le Pas-de-Calais, Henri Patou(1902-1976), un des pionniers de l’orga-nisation professionnelle agricole, né éga-lement dans un foyer paysan, croit en

l’importance de la formation religieuse,sociale, professionnelle des agriculteurset en leur promotion par les institutions.Après des études au collège Saint-Vaastde Béthune, repéré par l’abbé Leroy, ilest envoyé lui aussi à l’école agricole deGenech à partir de 1925, afin d’acquérirune formation technique à mettre au ser-vice de sa fonction de missionnaire agri-cole. Affecté aux Œuvres agricoles àArras en 1927, il poursuit des études dedroit et de sciences économiques à Lille.Collaborateur discret et efficace del’abbé Leroy en tant que secrétaire géné-ral de la Fédération agricole du Pas-de-Calais, il est à l’origine en 1928 des coursagricoles par correspondance et participeà la fondation d’une des premières écolesménagères de France, celle de l’abbayed’Anchin à Pecquencourt. Il parcourt ledépartement, souvent à vélo, pour donnerdes conférences et pour fonder des syndi-

cats, des mutuelles, des caisses de créditet des coopératives. En 1933, il estnommé directeur des cours de mécaniqueagricole à Saint-Pol-sur-Ternoise. Aprèsla guerre, il devient directeur des Œuvresrurales en 1946, puis délégué général auxœuvres sociales et d’enseignement agri-cole en 1960. Lui aussi rédige de nom-breux articles pour L’Écho des syndicatsagricoles puis pour Le Syndicat agricole.Ces prêtres qui ont participé à l’aventurede ces deux journaux de la Fédération dessyndicats agricoles appartiennent à deuxgénérations, sont animés de motivationsidentiques. Cependant quelques petitesdifférences apparaissent, dues essentielle-ment à leur formation et aux responsabili-tés exercées au sein du monde agricole.Pendant l’année 1943, entre le 1er janvieret le 26 août, l’abbé Outters écrit dix-neuf articles, l’abbé Leroy en rédigeonze, Foulon neuf et Ruckebusch six11.

Le temps révolu des prêtres journalistes agricoles dans la Région Nord-Pas-de-Calais

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J O U R N A L D E L A S O C I É T É D E S A M I S D E P A N C K O U C K E

Foulon Le distributeur d’engraisLa destruction des mauvaises herbesLe semoirMoissonneuse-lieuse : grosseur des bottesLe moulin dans la fermeLa récolte de bléLa sucrerie coopérative de LillersLe chaulage des terresLe marché à terme de Lille

Leroy La lutte contre les mauvaises herbesLes baux rurauxLa crise du logement ouvrier dans nos campagnesLa sucrerie coopérative de Lillers (2)Les examens d’agriculture dans les collèges libres du Pas-de-CalaisUne caisse rurale dans chaque villageNos cours de fermeLa journée syndicale du mardi 10 février (2)La terre et les caisses rurales

Outters Les marchés de betteravesIl faut encourager la production d’alcool de betteraveLes projets fiscaux de l’agricultureL’enseignement agricole dans nos collèges et écoles libres du NordL’impôt sur les bénéfices agricoles et la nouvelle loi de financesLa récolte de blé en 1925 (3)Les syndicats et l’impôt sur le chiffre d’affaires (3)Le prix de l’alcool de mélasse et le prix des betteravesLes assurances accidentsLes caisses rurales dans le NordBilan de l’année écoulée et réalisations de demainSolidarité et justiceDeux nouveaux engraisLes nouveaux engrais azotésLes baux à prix variable

Ruckebusch Récolte et conservation des pommes de terreLe doryphoreLa fumure de la betterave à sucre (2)L’exploitation des prairiesLa sélection de la pomme de terre

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Ce sont tous des articlestechniques mais à traversles thèmes traités, nousretrouvons la personnalitéet les activités de ces prê-tres. Le professeur demécanique agricole trans-paraît avec l’abbé Foulon,la variété des articles deschanoines Outters et Leroyreflète leurs multiples res-ponsabilités. L’abbé Rucke-busch, encore en positionsubalterne, ne traite que dequestions culturales.Ces prêtres journalistes, àl’apogée de leur activité pendant l’entre-deux-guerres, disparaissent progressive-ment  et ce type de journaliste s’éteintavec eux et prend fin avec la mort du cha-

noine Ruckebusch en 1984. Déjà dans lesannées soixante, soixante-dix, les articlessont moins nombreux, moins techniques :par exemple l’abbé Patou signe un articlesur la fête des mères et le « chanoine » unarticle faisant l’éloge de Patou même si

en 1976 il traite encore du syndicalisme12.Ces hommes, prêtres ou laïcs, qui onttenu une place importante dans les débutsde ces journaux sont liés à l’agricultureainsi qu’à l’enseignement ; ils ont à lafois les connaissances techniques, l’art dela plume et le désir de faire partager desconnaissances. Les prêtres journalistescorrespondent à la fois à la volonté d’œu-vre sociale de l’Église mais aussi à sondésir d’investir le monde de la pressepour contrer la propagande anticléricale.Ces hommes sont entrés dans le journa-lisme pour affirmer leurs convictions.L’écriture d’articles découle de la volontéde vulgariser des techniques, d’informer,de former. Aujourd’hui, les journalistesagricoles offrent toujours le même profil.Si l’on observe la fiche-métier présentantle journaliste agricole, elle insiste sur laformation d’ingénieur agricole qui peutêtre éventuellement complétée d’une for-mation journalistique. Et si l’on examineles offres d’emploi, il est demandé enpriorité une formation agricole ou agrono-mique voire une formation journalistique.

M.-C. A.

Le temps révolu des prêtres journalistes agricoles dans la Région Nord-Pas-de-Calais

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J O U R N A L D E L A S O C I É T É D E S A M I S D E P A N C K O U C K E

1. M-C Allart, « La presse agricole régionale : deux journaux pour une région », L’Abeille, 2008,Roubaix, n° 10, p. 1-5.

2. A.D. du Pas-de-Calais, PG 226/4.3. A.D. du Pas-de-Calais, PG 226/3.4. Archives diocésaines d’Arras, 4Z 28/90.5. Marcel Bacquaert, « Les missionnaires agricoles dans le Nord de la France » dans Michel

Boulet, Les enjeux de la formation des acteurs de l’agriculture 1750-1945, 2000, p. 289-292.6. Robert O. Paxton, Le temps des chemises vertes, révoltes paysannes et fascisme rural, 1929-

1939, Éd. du Seuil, 1996, 312 p., p. 89.7. Archives diocésaines d’Arras, 4Z 28/90, L’Écho des syndicats agricoles, 25 décembre 1943.8. Archives diocésaines d’Arras, 4Z 28/90.9. Archives diocésaines d’Arras, 4Z 28/90.10. M. Ennuyer, R. Jonard, L’abbé Michel Ruckebusch. Au service du monde paysan de 1934 à

1984, Lille, SPLARN, 1994, 388 p. 11. A. D. du Pas-de-Calais, PE 153/9.12. Archives diocésaines d’Arras, 4Z 28/33.

La Dépêche de Lille annonce dans salivraison du 29 janvier 1890, qu’il vient dese créer à Londres une école pour«dames journalistes ». On y prépare cesdames aux métiers de rédactrices, sté-nographes, correctrices et reporters.Elles recevront également un véritableapprentissage en travaillant pour le jour-nal intégré à l’école, The Westminsterand Lambeth Gazette. C’est la premièreécole du genre en Europe, et la secondeau monde : il en existait déjà une àDetroit, rattachée au Detroit Free Press.

Une école de dames journalistes

L’an X de la République française (1802)parut à la Vallée des cygnes (Valen-ciennes), à l’enseigne de la Lumière(chez l’éditeur Prignet), un almanach quiallait faire beaucoup parler de lui. Ils’agissait du Magister plus savant queson curé, almanach très chrétien…, enfait un opuscule antireligieux reprenantdes passages de L’Origine de tous lescultes, ou religion universelle (1869),ouvrage de Charles-François Dupuis. Uncertain Carpentier, prêtre valenciennois,accompagné de plusieurs confrères etd’ex-religieuses, tous chantant deshymnes sacrés, brûla (nuitamment il estvrai) des exemplaires dudit almanach enplace publique. Prignet répliqua en impri-mant deux acrostiches impies sur le nomde Carpentier et les qualificatifs, jongleur,inquisiteur et brûleur de livres. L’annéesuivante, il remit au goût du jour sonalmanach, en substituant un nouveaucalendrier pour l’an XI à l’ancien, et en luidonnant cette fois le titre d’Entretien surtoutes les religions et particulièrementsur l’origine de la religion chrétienne,composé d’après les manuscrits et leshiéroglyphes découvert par les savantsmodernes (après l’expédition de Bona-parte, la France avait abandonnél’Égypte mi-1801). Les troubles, inac-ceptables après la signature du Concor-dat par le Premier consul, continuant àValenciennes, le préfet du Nord, Dieu-donné, prit un arrêté le 26 vendémiairean XI, qui interdisait la réimpression del’ouvrage, et enjoignait aux maires de serendre dans toutes les librairies pour yconfisquer l’ouvrage. Cet almanach fut,semble-t-il, le premier périodique saisi enFrance sous le gouvernement deBonaparte.

(D’après Archives historiques et littéraires du nordde la France et du sud de la Belgique,

nouvelle série, tome 4e, 1812).

Le premier périodique saisi sous Bonaparte

Lʼabbé Ruckebusch, dernier des prêtres journalistesagricoles. (Archives diocésaines dʼArras)

Lorsque le chanoine Outters décède en décembre 1943, la Une de LʼÉchodes syndicats agricoles porte le deuil de son fondateur et rédacteur en chef.(Archives diocésaines dʼArras)

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Le dimanche 25 février 1900 est publié àDouai le premier numéro d’un journalbaptisé « Le Démocrate », un hebdoma-daire dont la parution est prévue ensuitetous les samedis, journal qui a manifeste-ment été fondé en vue des électionsmunicipales programmées le 6 mai 1900. Dans le conseil d’administration de cenouveau journal on retrouve la plupartdes personnalités politiques douai-siennes du parti radical-socialiste : JeanReiter, directeur de l’École primairesupérieure de la rue des Wetz, PaulPillault, négociant à Auby, Jean Dumont,professeur de chimie à l’École d’agricul-ture, qui sera candidat radical-socia-liste aux législatives en 1900 et 1902, Charles Guilly, architecte à Douai, PaulDesmarets, rentier et conseiller munici-pal sortant, Jules Jésupret, propriétaire,délégué municipal aux hospices, Napo-léon Delplanque, entrepreneur de bâti-ment et qui sera élu conseiller d’arron-dissement en 1902, Jules Limbour,professeur agrégé d’allemand au lycéede Douai et conseiller municipal en 1892et 1896, Georges Maronier, fabricant desavon à Montigny1. Le Démocrate estdonc un organe politique, position qu’ilrevendique durant toute son existence,engagé dans les combats qui lui sontcontemporains, avec ce que cela com-porte d’outrance et de mauvaise foi, et ilne faut pas attendre de sa lecture unevision objective de la vie politiquedouaisienne en ce début du XXe sièclemais plutôt le reflet de luttes électoralesparfois féroces.D’ailleurs, on peut remarquer que cejournal est le seul parmi les organes depresse douaisiens à ne jamais publier defaits divers : « Nous n’avons parlé ni dechiens écrasés, ni d’assassinats, ni deviols, ni de scandales domestiques »écrira-t-il dans son dernier numéro.

■ Vie politique locale et presse douaisienne en 1900

À la tête de la municipalité depuis lesélections de 1896 on trouve CharlesBertin, un maire républicain modéré,parfois soupçonné d’orléanisme puisquecertains prétendent qu’il est allé rendre

visite au prétendant au trône dans sarésidence d’Eu, près du Tréport. Eneffet, Philippe d’Orléans (1869-1926),fils du comte de Paris, prétendant autrône sous le nom de Philippe VIII, avaitété banni en 1886 par une loi d’exil quiobligeait les prétendants et leur fils aînéà quitter le territoire national et c’est àcette date que Bertin est soupçonné del’avoir rencontré avant son exil pourl’Angleterre. Habile tacticien, Bertin, qui demeurera àla mairie jusqu’en 1919, va jouer sur lesdissensions de la gauche, quitte parfois àintégrer dans son équipe municipale deséléments de la droite douaisienne commec’est le cas en 1900. Certains radicaux-socialistes appartenant à l’ancien conseil,au nombre de six, s’écartent alors de luipour former une liste dite de « LaTaverne » du nom du siège de leurcomité, un estaminet de la rue deValenciennes, et que l’hebdomadaire LeDémocrate installe le siège de sa rédac-tion dans cet établissement n’est certespas le fait du hasard.La droite douaisienne antirépublicaineest devenue définitivement minoritairedepuis les élections municipales de 1892lors desquelles elle n’a obtenu que deuxsièges. Elle se regroupe dans l’Associa-tion républicaine libérale animée parl’avocat Vitrant, les négociants Jean-Baptiste Cavroy et Eugène Wibault etdispose d’un organe de presse, L’Échodouaisien, dont le rédacteur en chef estun certain A. Dumont et le siège rueNotre Dame des Wetz2. Les républicains douaisiens se partagenten trois tendances. Les républicainsmodérés appelés « opportunistes » parleurs ennemis, fondateurs de la IIIe Ré-publique, sont emmenés par l’avocatFrancis Godin, qui sera élu maire de laville en 1919 et succèdera alors à Bertin.Ils peuvent compter sur le soutien dujournal L’Indépendant, rue Gambetta,dirigé par Oscar Duthillœul, fils du fon-dateur. Conservateurs au plan social, cesrépublicains « progressistes » du centre-droit, soutiens du gouvernement de JulesMéline (1896-1898), vont se rapprocherde certains catholiques ralliés à la

République, ce qui va provoquer une rup-ture avec les républicains de gauche en18993. Les républicains du centre-gauche, radi-caux et radicaux-socialistes se regrou-pent dans des formations qui se font etdéfont au hasard des élections comme la« Ligue républicaine » ou le « Cercledémocratique », fondé en 1887, de JulesJésupret et Jules Limbour et se regroupe-ront en 1901 dans l’Alliance républi-caine démocratique. Ils soutiennent legouvernement de défense républicainede Waldeck-Rousseau (1899-1902) etdisposent du journal Douai républicain,fondé en 1895, anticlérical et progouver-nemental, place d’Armes, dont le rédac-teur est Auguste Druelle, puis égalementdu Démocrate durant la scission, maisaussi, de manière moins engagée duJournal de Douai  et de l’arrondisse-ment, édité chez Crépin, rue de laMadeleine. En 1901, de début juillet au21 octobre, paraîtra L’Impartial deDouai, publié au siège de Douai républi-cain, avec Bertin et le député Cardonparmi les actionnaires, journal dont nousn’avons pu retrouver aucune trace maté-rielle.Les socialistes (ou collectivistes) du Partiouvrier français de Jules Guesde sontemmenés par Charles Goniaux, présidentdu syndicat des mineurs, avec des per-sonnalités comme Maurice Monier, LéonEscoffier, futur maire de la ville, EugèneLenglet à Dorignies4 où ils sont bienimplantés. Ils ne possèdent pas de journallocal mais disposent des colonnes duRéveil du Nord dont Monier est le rédac-teur en chef.

■ Les élections municipales de mai 1900

Le premier numéro du Démocrateannonce son programme sous le titre « Ceque nous voulons» : « instruire, émanci-per le travailleur, défendre les intérêtsdes prolétaires», « soutenir les intérêtsdes travailleurs car la bourgeoisie,oubliant 1789, reconstitue un à un et àson profit les privilèges de la noblesse etdu clergé qu’elle avait abattus sansmerci», ce qui ressemble davantage àune profession de foi socialiste qu’à unmanifeste radical et propos rapidementnuancés : « nous sommes des républi-cains sans épithète, debout entre le capi-tal et le travail, ennemis de tous les privilèges… partisans d’une union répu-

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Un journal douaisien éphémère : Le Démocrate (1900-1902)

par Roland ALLENDER

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blicaine et sociale regroupant les radi-caux, les socialistes, les progres-sistes», ce qui, comme on le verra plusloin, les rapproche de ceux que l’onappelle alors les « collectivistes ».Certains des articles publiés ensuitesont d’ailleurs sans ambiguïté : « Il fautse syndiquer» titre le numéro un et lessuivants contiennent des comptes-ren-dus de réunions syndicales ou du Partiouvrier français à La Taverne avecJules Guesde et Gustave Delory, mairede Lille, reproduisent un article de JeanJaurès intitulé « Questions ouvrières»,rendent compte des manifestations dusyndicat des métallurgistes et desgrèves de verriers, soutiennent la créa-tion d’une verrerie coopérative ou-vrière à Aniche… Les fondateurs témoignent de leurssentiments patriotiques « le Drapeauest à gauche» et désirent « une munici-palité moins autoritaire, un conseilmunicipal moins effacé, plus actif etplus indépendant» ainsi qu’une accen-tuation à gauche de sa politique car« les questions d’enseignement et d’as-sistance publique sont la pierre detouche du républicanisme».Une contradiction cependant paraît évi-dente : si ce premier numéro porte ensous-titre « Journal d’union républi-caine» et prétend qu’« il ne sera pas uninstrument de division entre républi-cains», il est manifeste que les fonda-teurs provoquent une scission au sein dela Ligue républicaine douaisienne en vuedes élections municipales à venir, repro-chant au maire Bertin une alliance de cir-constance avec des cléricaux et des« réactionnaires notoires» comme l’an-cien maire Jean-Baptiste Cavroy ou le«brave commandant Binet5», « goupillonà tout faire dans les mains cléricales » :«Mr Bertin leur tend une large main,celle sans doute dont il saluait à Eu leprince d’Orléans».Le programme de la liste du Cercledémocratique, qui paraît avoir eu beau-coup de mal à trouver les 27 candidatsnécessaires, est publié peu avant les élections : « Les débris mourants de la Ligue républicaine veulent imposerleurs volontés… Avec eux, c’est le ral-liement à la droite, c’est la Républiqueen quenouilles, aux mains des curés…Avec nous, ce sera le ralliement àgauche… Nous sommes des Républi-cains anticléricaux, fusionnant toutes

les opinions depuis la Gauche jusqu’àla Montagne » et ils promettent de favo-riser l’expansion industrielle de Douai,d’y développer le commerce local, l’ins-truction publique, les cantines scolaires,l’hygiène publique…Le journal de la droite antirépublicaine,L’Écho douaisien, qui est bien sûr com-plètement extérieur à ce conflit, leconsidère comme une manœuvre pure-ment politicienne : « Les radicaux necomptent pas que leur liste puisse l’em-porter mais espèrent obtenir un ballo-tage suffisamment favorable pour obli-ger la liste sortante à une fusion avecleurs candidats ayant obtenu le plus devoix » et, assez curieusement, soutient leCercle démocratique dans son combatcontre Bertin ! La campagne électorale qui s’ouvre alorset qui va s’achever par les électionsmunicipales du 6 mai 1900 va voir unelutte féroce entre la liste de la Liguerépublicaine de Douai avec le maire sor-tant Bertin, soutenue par le journalDouai républicain, et les transfuges de la Liste républicaine démocratiqueappuyés par Le Démocrate, alors queL’Indépendant est moins impliqué dansla querelle, même s’il regrette la divisiondes républicains, de même que le

Journal de Douai. Les coups volentbas d’un côté comme de l’autre entreces adversaires qui se connaissentd’autant mieux qu’ils appartiennenttous au camp républicain et qu’ils ontparfois siégé côte à côte dans lesmêmes conseils. Le Démocrate reproche à Bertin sagestion municipale paresseuse et son autoritarisme (« Le tzar Bertin ;Mr Moi, Roi-Soleil des temps présents ;L’éminent, l’unique maire que toute laFrance nous envie, l’administrateurdistingué qui voit tout, sait tout,entend tout, commande tout ; Le Solonde l’Athènes du nord »), évoque cer-taines cessions de terrains à bas prixlors du démantèlement, l’accuse des’entourer de « ralliés » et, surtout, luireproche son inaction dans lesdomaines sociaux, éducatifs, culturels,« d’assistance et de civilisation ».Bertin représente le parti des riches :« Ils voudraient, nos millionnaires (etil n’en manque pas à Douai), imposerleur joug et celui des prêtres et desjésuites à la population travailleuse »affirme Le Démocrate qui reproche à

ces riches de ne pas dépenser à Douai etd’être anti-douaisiens au niveau com-mercial.Selon un article intitulé « Mea Culpa », leprincipal travail de la municipalité durantces quatre années, de 1896 à 1900, auraitété de voter deux adresses de félicitationsau président de la République, la pre-mière lors de l’élection présidentielle de1899 quand Émile Loubet succéda àFélix Faure, décédé prématurément dansles conditions que l’on connaît, laseconde lors de « l’attentat d’Auteuil », le4 juin 1899, à l’occasion d’une manifes-tation pour Déroulède, lorsque le prési-dent fut injurié et frappé au pesage descourses d’Auteuil par un nationaliste, lebaron Christiani, qui écopera de quatreans de prison :

« Aux grands hommes du beffroi !À leur mémoire !Honneur et gloire !!!Ils votèrent tous sans effroiEt sans paresseC’est évident -Plusieurs adresses

Au Président», incident rappelé par PaulPillault dans un discours reproduit dansle journal du 15 avril 1900 : « Nous vou-lons démasquer tous les républicains defaçade qui, par leurs intrigues et leur

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Après les élections municipales du 6 mai 1900, Le Démocratedevient un organe de lʼopposition.

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fausseté, faisaient, il y a dix mois à peine,courber la République française sous labotte d’un soudard et sous les coups dugoupillon». Douai républicain reproche à l’autre listeson rapprochement avec les « collecti-vistes » et, en effet, Charles Goniauxfigure, avec un certain Valette, sur deuxlistes électorales pourtant concurrentes,celle du Parti collectiviste, composéeessentiellement d’ouvriers et de petitscommerçants, et celle du Cercle démo-cratique. Les attaques personnelles sont vives :«Mr Bertin est le soutien de la famille etde l’Église. Va pour l’Église… carMr Bertin ne va pas renoncer aux dou-ceurs d’un célibat plein de charmes»«Bertin, ce réactionnaire fougueux etintransigeant qui déblatérait à tout pro-pos, il y a quelque dix ans, contre laRépublique » « Mr Bertin, le féal ducomte de Paris, qui passe son temps àfaire risette au curé de Saint-Pierre» (LeDémocrate). Douai républicain attaqueviolemment « le chimiste Dumont» : « Ilest du midi, protégé par un Italien natu-ralisé depuis peu, Mr Brizzolara6, parJésupret père, qui parle de travail auxautres parce qu’il ne travaille pas lui-même », ainsi que Reiter : « Est-il vraique dans l’E.P.S. il soit perçu un sou parjour aux pauvres enfants d’ouvriers qui,ne pouvant retourner pour dîner chezeux, mangent dans une salle de l’écoleles aliments qu’ils ont apportés ?»  et ildemande une enquête de la municipalité.Le résultat des élections municipales estsans appel, la liste Bertin emporte lesvingt-sept sièges de conseillers, Pillaultéchoue à Auby, Maronier est battu àMontigny, et la déception du Démocrateest vive, exprimée dans des chroniquessignées S.A. Christain7 : « Les ralliés pro-tégés par les cléricaux l’ont emporté…Les curés sont à la mairie de Douai…C’est le triomphe de la réaction» tandisque Douai républicain exulte : « Cettefois, le Cercle démocratique est bienmort… Mr Reiter est invité à organiserautrement les cantines scolaires,Mr Limbour à prendre des bains à loi-sir8 ». Et les premières mesures de repré-sailles ne tardent pas : Jésupret, « cetadministrateur des hospices que tout lemonde estime et révère est sacrifié, vic-time de la basse vengeance des potentatsmunicipaux» et remplacé par le pharma-cien Delaoutre, nouvel élu ; Lefebvre,

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commis d’économat aux hospices, estrévoqué car « il appartient au Cercledémocratique et c’est un ami deJésupret».Le Démocrate devient alors un organed’opposition à la municipalité et estimeavoir des comptes à régler avec le journalDouai républicain, rebaptisé dès lors«Douai sacristain », et avec les nouveauxgestionnaires des hospices. Le journal va paraître durant 143 numé-ros, selon toujours à peu près la mêmeprésentation qui était la règle à l’époque :en première page une chronique de poli-tique nationale et le feuilleton, en pagedeux et trois une chronique régionale, desinformations locales et l’Etat-civil, enquatrième, des réclames9, ancêtres de lapublicité.

■ Les élections locales de 1900 à 1902

Peu après, à la suite au décès du députéde la deuxième circonscription de Douai,Raoul des Rotours, des élections sontorganisées pour son remplacement le24 juin 1900.Jean Dumont se présente comme candi-dat radical-socialiste : « Orphelin à l’âgede huit ans, ouvrier agricole, il entre àl’école de Grignon comme boursier,obtient la chaire de chimie et de physiqueindustrielles à l’École des industriesagricoles en 1896», il est soutenu par LeDémocrate mais attaqué par le Douairépublicain, « Monsieur le chimiste Dumontnous a fait remettre une longue tartine

dans laquelle il célèbre ses mérites avecla modestie dont font preuve en toute cir-constance les méridionaux», de mêmeque par L’Indépendant qui soutient sonadversaire, le propriétaire douaisienCardon, républicain progressiste, « Ruede l’Université, Dumont ne s’occupe qued’agriculture de laboratoire… Commetout bon méridional, il n’en vante pasmoins son “indiscutable compétence”…Les véritables cultivateurs l’enverrontfaire pousser les betteraves en Gas-cogne10 », tandis que le Journal de Douaine prend pas parti. Le journal de la droitetraditionaliste, L’Écho douaisien, esti-mant qu’il n’a pas de candidat à saconvenance reste en dehors du combat etpropose à ses lecteurs, plutôt que des’abstenir, de voter en marquant leur bul-letin d’une croix afin de l’entacher denullité. Manœuvre subtile puisque cesbulletins sont alors comptabilisés dansles suffrages exprimés, à la différence des bulletins blancs et peuvent entraînerun ballotage. Cardon l’emporte avec5811 voix contre 4 959 à Dumont mais1 713 bulletins Cardon sont marquésd’une croix11. Il faut se reporter au journal de JulesLimbour rédigé pendant l’occupationallemande de 1914-1918 pour avoir uneexplication de cette position de la droitedouaisienne lors de ces deux élections :« Mon ami Dumont me dit un jour : “Jeme présente à la députation contreMonsieur Cardon, clérical”… Il faillitpasser. J’appris bientôt que Madame

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Objet de toutes les attaques du Démocrate le maire Bertin, haut de forme à la main, et ceint de lʼécharpe majoralesur cette carte postale. (Arch. comm. Douai 19 Fi 10).

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des Rotours le subventionnait pourabattre Cardon qu’elle craignait de voirs’acheminer comme député ». Il apparaîtdonc bien que, lors de ces deux scrutins,la droite douaisienne, n’ayant pas decandidat déclaré, a préféré soutenir desradicaux-socialistes plutôt que desopportunistes : « Les défenseurs de l’or-dre moral ont pactisé avec les destruc-teurs de l’ordre social » écrit Douairépublicain.Des élections législatives, cette fois-cinormales, ont lieu à nouveau en avril1902. Au premier tour, Le Démocratesoutient la candidature de Jean Dumont,violemment attaqué par Douai républi-cain avec toujours les mêmes argumentsaux relents xénophobes que l’on retrouvesouvent lors de propos concernant ceuxqu’à l’époque on appelle « les exotiques »qui n’ont pas eu la chance et le bonheurde naître à Douai12 : « Monsieur Dumont,cet excellent Tartarin, continue ce petitjeu qui aurait peut-être du succès dans lemidi mais qui ne saurait convenir auxélecteurs du nord ». Dumont s’étantdésisté, Le Démocrate apporte au secondtour son soutien au candidat socialisteGoniaux qui sera battu par le député sor-tant François Debève13, élu depuis 1898,mais atteindra quand même le score forthonorable de 7 943 voix contre 8 728 àson adversaire14. « Citoyen Goniaux, vous n’êtes plus lecandidat uniquement des mineurs et dessocialistes» constate alors Douai répu-blicain qui accuse les « escobars15 duDémocrate» d’insulter le peuple par lavoix des « avortés des scrutins » que sont« le chimiste Dumont, Limbour, Reiter etleurs pareils ».

■ Les attaques contre la municipalité

Les comptes-rendus des réunions duconseil municipal sont souvent l’occa-sion de remarques perfides : « Qui, auconseil municipal, voudra bien glorieu-sement, décorativement, parler au peuplechaque fois qu’il faudra le gargariser ?».Réponse : c’est le pharmacien Delaoutre.« À Douai, nous sommes dominés par unquarteron de politicaillons qui ne valentpas la moitié d’une corde. Haineux, vin-dicatifs, despotes comme le sont tous lesanciens bonapartistes ». « Bertin, ex-bonapartiste, ancien orléaniste… est àpeu près républicain, à peu près sin-cère». « Lors du dernier conseil munici-

pal, Monsieur Hugot s’est réveillé ; sonéloquence fait regretter son silence».C’est le trio formé par Bertin, son adjointÉmile Dumont et Fernand Nutly, conseil-ler municipal et fabricant de chicorée, quiest particulièrement l’objet de cesattaques. « Mr Nutly nage, creuse, mine,finasse, pirouette, mais dans l’ombre,toujours dans l’ombre » et Limbour, dansson journal intime, le décrira plus tardcomme une éminence grise, président dela commission des finances municipales,de la commission des hospices, rempla-çant quelquefois le sous-préfet et utili-sant cette occasion pour se procurertoutes sortes de renseignements sur sesadversaires et leur nuire, très bien avec leparti clérical, sans qui Bertin le mairen’aurait osé rien faire, et qu’il accusemême d’avoir empoisonné son épousequi le trompait avec un avoué !Cette critique systématique de l’actionmunicipale lui sera parfois reprochée :«Êtes-vous collectivistes ou radicaux ?»titre le 12 avril 1901 Douai républicainqui qualifie Le Démocrate de « petit jour-nal hebdomadaire aux opinions et à lanuance mal définies», critiques reprisesle 28 avril 1901 : « la plupart de vos polé-miques ont été dirigées contre des répu-blicains, non contre des cléricaux», l’ac-cusant même de se coaliser avec lescollectivistes, ce qui n’est pas complète-ment faux mais doit être nuancé : « Cejournal a des tendances au socialismequ’il flatte et, cependant, d’autres foiscruellement il le mord» (Douai républi-cain du 17 janvier 1902).L’action, ou plutôt l’inaction, de la policemunicipale est souvent critiquée : « Lesagents sont de mine fort congrue, beauxà produire dans toutes les circonstancesdécoratives. La ville les recrute spéciale-ment parmi les belhommes… Ils appa-raissent vigoureux et ayant de ça…Pourquoi, comme agents, n’en est-il pasde même. Pourquoi semblent-ils engour-dis dans une quiétude et une indifférenceinaltérables ? Y a-t-il un accidentsérieux ? Le public est là, il attend lapolice… La police est ailleurs, quand ellearrive il y a belle lurette que tout a reprisson apparence habituelle et, après avoird’un regard placide et d’une oreille dis-traite exploré les alentours, elle reprendsa marche rêveuse pour disparaître bien-tôt à quelque coin ombreux».La saleté de la ville est fréquemmentévoquée. « La Scarpe est un cloaque de

3 000 mètres de long… On ne voit plusà sa surface que plaques opaques degraisse figée, que balais en retraite, quepapiers de nécessité » car la rivièremanque d’eau entre l’écluse desAugustins et Fort de Scarpe et le journalréclame qu’on ouvre les écluses enamont pour procéder à des chasses etfavoriser l’évacuation. Quant à la ruelledes Arbalétriers, « les collectionneursde boutons de culotte trouveraient làune ample moisson s’ils n’étaient pointdégoûtés par les suaves émanations decertaines sécrétions nocturnes et lesrelents des eaux ménagères qui font decette ruelle un cloaque infect » et LeDémocrate réclame l’installation de« chalets de nécessité », en particulierpour les dames. Il est vrai, et les autresjournaux le signalent également, que la

ville est dans un état de saleté déplora-ble, les rues étant de véritablescloaques, recouvertes d’une boueconstituée de fumier et de déjectionsanimales, d’un mélange d’orduresménagères et de cendres des foyers, letout brassé par les pluies et les eauxusées, pétri par les déplacements desvoitures, des piétons et des animaux. Ilfaudra attendre l’arrivée en 1914 desAllemands, effarés par l’état d’hygiènede la ville, pour que des mesures autori-taires de nettoyage soient prises, d’ail-leurs très mal perçues par la populationlocale qui y voyait surtout prétexte àamendes.

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Un journal douaisien éphémère : Le Démocrate (1900-1902)

Lors des élections législatives en avril 1902, après ledésistement de son candidat Jean Dumont, LeDémocrate apporte, au second tour, son soutien aucandidat socialiste Charles Goniaux. (Photo extraite duDictionnaire biographique illustré. Arch. comm. Douai)

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Certaines décisions de l’équipe munici-pale sont violemment attaquées, parfois àjuste titre. Lors du projet de création d’uninternat primaire pour les enfants de labatellerie en 1901, Bertin est accuséd’avoir volontairement gonflé le devispour faire avorter le projet afin de ne pasfaire concurrence avec l’internat catho-lique installé rue des Dominicains.Le choix de la décoration de la sallegothique de l’hôtel de ville est aussi criti-qué : « Ce Jean le Bon était un assezméchant gredin, un noceur forcené, faux-monnayeur qui se débarrassait de sesennemis par le guet-apens et l’assassi-nat. Fait prisonnier à Poitiers, on tonditle peuple pour payer la rançon. À peinerentré, il remplit ses poches en levant denouveaux impôts et en vendant sa fille deonze ans à un autre bandit puis retournaà Londres où l’attendait joyeuse compa-gnie», « On se croirait à l’époque oùJean le Bon, faux-monnayeur, assassin etdéserteur fit à Douai une entrée solen-nelle si importante dans l’histoire denotre ville qu’on n’a rien trouvé mieuxpour orner la salle gothique». Il en est de même pour le projet de futurHippodrome « qui sera une horreur sur leBarlet», que, selon Le Démocrate, lamunicipalité préfère à la création d’unlycée ou d’une E.P.S. pour les filles « enface des établissements cléricaux quigangrènent nos enfants ». « La richebourgeoisie douaisienne n’a que dumépris pour l’enseignement de la femme,il lui faut des Agnès», allusion à ce per-sonnage de Molière, cette ingénue naïvede L’École des femmes.

■ Le combat féroceDémocrate/Douai républicain

Après la querelle normale entre ces deuxjournaux qui soutiennent des candidatsdifférents lors des élections municipalesde 1900, c’est une véritable guerre quicommence entre ces deux organes depresse pourtant relativement prochespolitiquement16. Douai républicain, en novembre 1900,monte en épingle un procès entre LeDémocrate et son imprimeur Wacquezqui ne peut plus imprimer ce journal dufait d’une décision de justice qui lui inter-dit d’imprimer un autre journal queDouai républicain. Reiter, gérant duDémocrate, réclame alors 2 500 francs dedommages et intérêts à l’imprimeur et enprofite pour ne pas lui payer 895 francs,

qu’il lui doit pour six mois d‘impressionet de colportage, d’où procès. Celui-cis’achève en mars 1901 : l’imprimeurWacquez doit payer 1 500 francs de dom-mages et intérêts, Reiter doit régler les895 francs, si bien que « Reiter a eu pen-dant huit mois un journal pour rien»conclut Douai républicain qui soutientévidemment son imprimeur, qualifiant LeDémocrate de « journal de dénigrementqui calomnie tout le monde», de « feuillecollectiviste», de « petit journal aux opi-nions et à la nuance mal définies», « quin‘a que l’injure à la plume et insulte lepeuple». Mais ce sont surtout les journalistes deDouai républicain qui font l’objet d’at-taques personnelles virulentes de la partdu Démocrate. Auguste Druelle, sonrédacteur en chef, résidant à Arras,« souffleur du biniou municipal», est sur-nommé Gugusse17. Son adjoint, PaulLefebvre du Prey, rebaptisé Éliacin18, sevoit reprocher d’avoir été correspondantde plusieurs journaux cléricaux de larégion et d’avoir publié « Les chasseursd’Orléans », poème en l’honneur du ducd’Aumale, fils de Louis-Philippe19. Enjuillet 1902, à la suite d’une plainte deDruelle, Le Démocrate sera condamné à100 francs d’amende et 150 francs dedommages et intérêts pour diffamation etinjures.

■ Les attaques contre la gestion des hospices

Avec l’éviction de Jésupret de la gestiondes Hospices, Le Démocrate estime qu’ila quelques comptes à régler avec la nou-velle administration : « Depuis le départdu dévoué et intègre Jésupret… les mal-heureux vieillards sont obligés de vivredans un véritable bagne clérical… Lesnouveaux administrateurs en prennenttout à leur aise… Des voitures de nourri-ture disparaissent. Ursulines, capucines,bernardines, oblates, dominicaines,nonnes et nonnettes viennent festoyerjoyeusement pendant que les vieux seserrent la ceinture d’un cran». « La mai-son de refuge des vieillards est uneauberge tenant table ouverte à toutes lescornettes de France et de Navarre venantdévotement péleriner à Douai». Pour LeDémocrate, la solution réside dans unelaïcisation des établissements hospita-liers et charitables car « les congréga-nistes règnent en maîtres et sans contrôleà l’Hôpital général ». « Dehors les

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Un journal douaisien éphémère : Le Démocrate (1900-1902)

congréganistes ! » titre le journal enfévrier 1901 car « ce ne sont pas desfemmes qui soignent les vieillards et lesmalades mais des mégères que le célibatet les rancœurs de la vie monastique ontrancies et tournées au vinaigre ».« Quand sera-t-on débarrassé desnonnes, de leur froide et idiote dureté, del’esprit d’intolérance et de tyranniequ’elles répandent ?» écrit-il encore enoctobre 1902, peu avant l’arrêt de sapublication.La dernière attaque contre la gestion desHospices est lancée le 27 juillet 1902sous le titre « Les scandales de l’Hospicegénéral » : « Un certain nombre degrandes plaques de cuivre ciselées (6 ou8), dons des bienfaiteurs de l’Hospice,de valeur assez considérable, ont étéaliénées à vil prix et illégalement. Demême pour des statues et statuettes enbois ». Les faits remonteraient à l’année1894 et une enquête est demandée par LeDémocrate qui titre dans ses numérossuivants « Où sont les plaques ? Qui sontles acquéreurs ? » et qui s’appuie surl’inventaire de Brassart (1840) pourrepérer cinq plaques de cuivre man-quantes : « Nous nous plaisons à croireque des pièces de cette valeur artistiquen’ont pas quitté l’Hôpital général ».Dans son journal personnel, Limbourapporte quelques explications  complé-mentaires : « Cinq ou six magnifiquesplaques de cuivre rappelant les dons dequelques bienfaiteurs des hospices au15e ou 16e siècle avaient été mises envente et achetées avec un lot de vieillesstatues en bois, quelques-unes d’un tra-vail curieux. Habilement, tous ces objetsavaient été glissés dans un lot de fer-railles et de vieux plombs et la ventecomme vieux métaux avait été approuvéecomme d’habitude par la commission debonne foi, ne soupçonnant pas la fraude.Une enquête eut lieu, Le Démocrate sou-tenait l’attention par des articlesardents, violents et bien appuyés depreuves. J’en fis cinq ou six dont l’unintitulé “Verrès”20 a été remarqué enhaut lieu. »L’affaire se terminera sans suite, lesplaques ayant été rendues, mais LeDémocrate en profite pour lancer unedernière attaque contre la municipalité :«Monsieur Bertin, président de la com-mission des hospices, pourrait-il nousdire si les plaques sont rentrées et quelsen étaient les détenteurs ?»

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Cette attaque constitue le chant du cygnedu Démocrate. Manifestement écrasé parles problèmes financiers, abandonné parses supports publicitaires, condamné àpayer des amendes et des dommages etintérêts, le journal se saborde le 9 novem-bre 1902 : « Les feuilles tombent. La nôtretombe aussi… Nous mourons de fatigue,de lassitude, d’anémie, d’ataxie locomo-trice, etc. […] Dans la montée pénible, lesouffle a manqué à certains bœufs. » Enguise d’adieux, il remercie ses 500 abon-nés et 1 200 lecteurs, chiffres qu’il fautconsidérer avec précaution, les difficultésfinancières du journal n’étant pas nou-velles et une rumeur sur sa disparitionayant déjà été signalée en février 1902.

Cette disparition paraît logique dans lecontexte politique douaisien : journalengagé, véritable organe de combat, LeDémocrate a souffert des échecs succes-sifs de ses rédacteurs à toutes les élec-tions locales lors desquelles aucun descandidats qu’il soutenait n’a été élu. Deplus, après ces élections municipales puislégislatives, on entre alors dans unepériode de calme électoral pour plusieursannées, le journal n’a plus de candidat àsoutenir et le parti républicain dispose àDouai d’autres organes de presse mieuximplantés, plus anciens, et lus par despartisans plus nombreux du fait qu’ilsapportent leur appui à des élus locaux enplace21.

Un journal douaisien éphémère : Le Démocrate (1900-1902)

Quoi qu’il en soit, Le Démocrate a étédurant deux ans un organe de pressedouaisien qui a servi d’aiguillon dans lavie politique douaisienne et il suffit derelever les attaques violentes dont il a faitl’objet dans les autres journaux pour s’enrendre compte. Bien rédigé par desplumes de talent, exclusivement consacréà la vie politique locale, ce qui a été salimite, il reste un témoignage des luttesde l’époque avec ce qu’elles compor-taient d’outrance et de mauvaise foi…mais les choses ont-elles beaucoupchangé ?

R. A. 

1. À l’origine de la création des organes de presse douaisiens, on retrouve souvent des Francs-maçons (Cf. Roland Allender « Les Francs-maçons auxorigines de la presse douaisienne », L’Abeille, n° 14, avril 2010) et la création du Démocrate ne déroge pas à la règle : Paul Pillault, Jean Dumont, CharlesGuilly, Paul Desmarets et Napoléon Delplanque sont membres de la Loge douaisienne « Le Réveil » dans laquelle Jules Limbour sera initié en 1905.Contrairement à une idée reçue et à ce que pourraient laisser croire l’équerre et le compas figurant sur son caveau familial, Jules Jésupret ne fut pas franc-maçon.

2. Il sera question dans ce propos de trois « Dumont » différents qu’il convient de ne pas confondre : Jean Dumont, professeur à l’ École des industriesagricoles, radical-socialiste ; A. Dumont, rédacteur du journal L’Écho douaisien ; Émile Dumont, meunier rue d’Infroy, conseiller municipal de la listeBertin, administrateur des hospices.

3. Le Ralliement concerne l’attitude d’une partie des catholiques français qui vont adhérer à la République après 1892 en suivant les conseils deLéon XIII et de son encyclique Au milieu des sollicitudes contre l’avis de la plupart des évêques et du prince d’Orléans. Ils sont à l’origine de la créationd’une droite conservatrice et catholique mais républicaine, qui représente les racines de la démocratie chrétienne.

4. Maurice Monier, publiciste (Le Réveil du Nord), socialiste, a été chef de cabinet du ministre Anatole de Monzie en 1924, Grand Maître de la GrandeLoge de France en 1923-1924 puis en 1930-1931. Léon Escoffier, avocat, député-maire de Douai, a été membre de la Loge douaisienne. Eugène Lenglet,instituteur à Dorignies, a été initié en 1905 mais a dû démissionner de la Loge en 1921 après le congrès de Tours suite à l’interdiction faite par le Particommuniste à ses membres d’adhérer à la Franc-maçonnerie.

5. Le qualificatif de « brave » est ici ironique et ne fait pas allusion à une bravoure supposée au combat, il doit plutôt être compris dans le sens popu-laire « il est bien brave ! » qui laisse entendre une intelligence limitée.

6. Louis Brizzolara, né en 1848 à Bardi (Italie), était négociant en mercerie à Somain et membre fondateur de la Loge de Douai en 1896. 7. Les chroniques locales parues dans Le Démocrate sont toujours signées de pseudonymes (Lucy Fer, Lex, Nemo, Osc. Salate, Chicanier, Véritas,

Francus, Fanfan, A. Duroseau, Mordax, Oscarqui, C. Tordant, Bibelot, Aki Letour et Micomelle Zautes…), ce qui leur sera reproché par leurs adversaires :« Ce qui distingue les rédacteurs du Démocrate, c’est le soin vraiment exagéré avec lequel ils dissimulent leur état-civil… Ils poussent la prudence jusqu’àchoisir de nouveaux pseudonymes chaque semaine» (Douai républicain).

8. Limbour est un des promoteurs de la création des Bains douaisiens9. Ces réclames sont pratiquement toujours les mêmes durant l’existence du journal : les Bains douaisiens, le cabaret La Taverne, la mercerie en gros

Brizzolara-Taisne à Somain, le marchand de vins Delcroix à Aniche et Adida, un chapelier de la rue des Ferronniers.10. Jean Dumont est né en 1871 à Beauzelle en Haute-Garonne.11. Armand Cardon (1860-1923), avocat puis agriculteur, républicain progressiste, député de 1900 à 1906.12. « Exotiques est le dernier cri du mépris, la manière de remercier ceux qui viennent apporter à Douai leur intelligence, leur travail» (Le Démocrate

du 31 mars 1901).13. François Debève (1837-1921), agriculteur, républicain progressiste, député de 1898 à 1906.14. Charles Goniaux sera élu député en 1906 contre l’adjoint Émile Dumont grâce au surprenant désistement de Debève en sa faveur au deuxième tour.15. Homme hypocrite qui résout adroitement et au mieux de ses intérêts les cas de conscience délicats (Robert).16. Douai républicain du 28 février 1904 parle du Cercle démocratique comme « un groupe autrefois calomnié et combattu par toutes les autorités,

opiniâtre dans ses convictions et sa résistance».17. Douai républicain du 28 mars 1904 rend compte des obsèques civiles de Druelle à Arras et signale « l’absence remarquée des élus de Douai à l’élec-

tion desquels Druelle avait beaucoup contribué». 18. Éliacin : personnage d’Athalie de Racine, élevé en secret. Son nom désigne souvent un enfant couvé et protégé.19. Le titre exact est « Le duc d’Orléans et les chasseurs à pied », publié à Saint-Omer en 1891, qui célèbre la prise de la smala d’Abd el Kader en 1843.20. Cet article signé Verrès, du nom d’un fameux concussionnaire romain, paraît dans le numéro du 24 août 1902.21. Lors des élections municipales de 1904, l’Alliance républicaine démocratique de Francis Godin entre dans la liste Bertin qui s’est débarrassée des

éléments de la droite traditionaliste et obtient vingt-trois élus contre la liste radicale-socialiste de Jésupret, Desmarets, Limbour et Escoffier qui sont élus,Jésupret obtenant davantage de suffrages que Bertin ! La liste de droite n’a aucun élu.

En 1908, Limbour et les radicaux du Cercle démocratique rejoignent la liste Bertin (« Une union bénie dans la Loge maçonnique chère à Mr Limbour»affirme le journal L’Écho douaisien) alors que les radicaux-socialistes Jésupret et Demarest s’allient avec les socialistes Goniaux et Escoffier pour formerun Bloc républicain. Limbour n’est pas élu : « Très visé à droite et à l’extrême-gauche, il est victime de la rectitude de son caractère» (Douai républicain).

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En mars-avril 2012 ont été édités simul-tanément les numéros 505 de La VéritéPrésente et Héraut de l’Épiphanie deChrist et 332 de L’Étendard de la Bible,deux journaux religieux bimestriels d’unmouvement protestant ultra-minoritaire :le Mouvement Missionnaire IntérieurLaïque (MMIL), branche française d’unmouvement états-unien1. Ils développentla doctrine du MMIL pour le moins origi-nale, mais complexe. Publiés avec unerégularité métronomique, ils sont ensuiteenvoyés aux abonnés. Cette activité édi-toriale est une des caractéristiques dumouvement depuis son apparition.

■ Le MMIL un mouvement protestant

Le MMIL apparaît aux États-Unis endécembre 19182. Fondé par un juif, PaulSamuel Léo Johnson (1873-1950), cemouvement est issu des Étudiants de laBible, dont le fondateur est Charles TazeRussell (1852-1916). La mort de ce der-nier provoque des dissensions, desschismes et dans ce cas précis la créationd’une soixantaine de mouvements dontles plus connus sont : le MMIL, Les Amisde l’Homme, Les Étudiants Libres de laBible, L’Aurore, et enfin L’Associationdes Témoins de Jéhovah ; ce derniermouvement est sans aucun doute le plusvisible dans le paysage religieux contem-porain. Le MMIL est un ardent défenseur de ladoctrine de Russell, considéré à bien deségards comme le dernier réformateur,dont la doctrine est élaborée dans ce«bouillonnement religieux  du Réveil »américain du XIXe siècle, période de« renouvellement » où la foi est revitali-sée par « la prédication et l’action dechrétiens fervents »3. Comme certains deses contemporains, Russell insiste surl’autorité de la Bible et sur la doctrine dusacrifice expiatoire du Christ. Selon lui,la vie éternelle est possible et garantiegrâce au sacrifice du Christ venu sur terrepour racheter la race humaine entièresans distinction, comme « rançon », aupéché originel d’Adam. Ce sacrifice negarantit pas automatiquement la vie éter-

nelle mais donne une occasion favorableau jour du jugement. Si cette rançon estacceptée par les hommes, ils sont consi-dérés comme « justifiés » et peuvent obte-nir la vie éternelle. Johnson prolonge la pensée de Russell.Tout comme lui, il défend à travers leMMIL l’idée de la présence de Christ defaçon invisible depuis 1874, c’est doncun mouvement adventiste4. Cette pré-sence inaugure immédiatement le millé-nium – règne de 1 000 ans – considéréaussi comme une période de jugement, cequi rattache le MMIL à la sphère desmouvements millénaristes. De fait, l’en-semble de l’humanité est soumis à uneépreuve au terme de laquelle est accordéela vie éternelle sur une terre paradisiaquepour les justes devenus parfaits ou lamort pour les incorrigibles. Enfin, cemouvement s’affiche clairement commesioniste. Il reprend les idées défendues enson temps par Russell5. Mais à la diffé-rence des mouvements sionistes évangé-liques contemporains, le MMIL necherche pas à convertir les Juifs mais àrendre témoignage auprès d’eux et pluslargement auprès des chrétiens, tout enrappelant les promesses faites dans lelivre de Jérémie ; le MMIL présente unchristianisme sioniste résolument diffé-rent.

■ Un journal chasse l’autreLa filiale française du MMIL s’ouvreofficiellement en France en janvier 1926.Les premiers fidèles sont peu nombreux,cent vingt personnes6, et se répartissentessentiellement dans le Nord avec lesecclésias (nom donné à leur lieu de culte)des villes de Denain (Nord), de Bruay-en-Artois (Bruay-la-Buissière aujour-d’hui) et de Lens pour le Pas-de-Calais,d’Amay-Gohissard (Belgique wallonne).Paris est également touchée. Le reste duterritoire ne semble pas affecté par cettenouvelle doctrine. La présence dans cesterres septentrionales d’une communautéimportante d’Étudiants de la Bible, disci-ples de Russell, en est la raison princi-pale. Cependant, bien qu’ayant déjàrompu quatre ans auparavant (en septem-

bre 1922) avec les Étudiants de la Bible francophones (futurs Témoins deJéhovah) suite à des désaccords doctri-naux avec la nouvelle direction états-unienne dirigée par Joseph Rutherford,ces russellistes ne sont pas encore prêts àrejoindre l’un quelconque des mouve-ments schismatiques. Ces membres,emmenés par Joseph Lefèvre (1883-1964) du groupe de Paris et Élie Larvent(1882-1954) du groupe de Denain, déci-dent de publier un périodique : La BonneNouvelle du Royaume de Christ afin deremplacer La Tour de Garde et Messagerde la Présence de Christ qui n’était plusconforme à leurs yeux à la doctrine deRussell. Ce périodique a une double fonction :être un organe de ralliement entre les rus-sellistes français et présenter des pointsde doctrine de Russell. Le premiernuméro paraît le 25 mars 1923 avec en première page le sous-titre suivant :« journal mensuel d’études bibliques »pour devenir en 1925 : « bulletin desassociations de langue française pourl’étude biblique ». Ce changement detitre n’est pas anodin et témoigne del’existence de groupes dispersés sur l’en-semble du territoire français.Les premières éditions se composent dehuit pages, mais les difficultés maté-rielles retardent leur parution. Dès juillet1923, le périodique devient un bimestrielde seize pages de format 25 5 21 cm.L’impression est confiée à un profession-nel d’Étampes (Imprimerie Frères et Cie)mais tout le travail de traduction, derédaction et de publication est assuré parun comité biblique composé de six mem-bres : trois Denaisiens (Larvent, Fontaine,Bisiaux) et trois Parisiens (Lefèvre,Roussel, Hennebert). Un budget de6000 francs7 a été nécessaire au lance-ment de ce périodique. Vingt-cinq per-sonnes souscrivent quarante parts de centfrancs (4 000 francs), le reste est venu del’étranger : Australie (1 525 francs), del’Angleterre (694 francs) pour l’année1923. Sans cette aide, la publication dujournal n’aurait pas pu se faire dans debonnes conditions car le prix modique de

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Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïquede France : une intense activité éditoriale

Par Laurie LARVENT

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(le grand prêtre), Aaron, vêtu d’une robede lin ouvrant la porte du parvis (côté est)afin de remettre « le bouc pour Azazel » à« l’homme prêt ». À l’intérieur du parvisse trouve la tente (le tabernacle propre-ment dit). Pour y parvenir, le sacrifica-teur doit passer devant deux meubles :« l’autel d’airain » et « la cuve ». Le mobi-lier à l’intérieur de la tente est représentédans des médaillons aux quatre coins dela gravure : en haut à gauche « l’autel desparfums » et à droite « l’arche du témoi-gnage » avec ses deux chérubins qui sur-montent le couvercle appelé « le propitia-toire ». « La table des pains de pro-position » figure en bas à droite avec sesdouze pains sans levain en deux piles,avec de l’encens au sommet de chacuned’elles, et « le  chandelier à septbranches» est donné à voir en bas àgauche. Le dessin est une œuvre origi-nale (sans doute d’un fidèle) et se trouveégalement en première page de toutes leséditions étrangères : états-unienne, polo-naise, allemande, tchèque, lituanienne,ukrainienne, russe, anglaise, dano-norvé-gienne, suédoise, brésilienne, indienne.Ce dessin illustre un point de doctrineessentiel pour ces fidèles qui s’enracinedans l’ouvrage de Russell publié en 1881et intitulé : Les Figures du Tabernacle,Types des sacrifices plus excellents8 danslequel une interprétation des textes deLévitique, notamment du chapitre16, estdonnée. Nous n’entrerons pas le détail decet herméneutique biblique, mais incon-testablement ce parti pris témoigne du

rôle que s’est assigné Johnson à l’égarddes disciples de Russell. Seize pages deformat A4 (21 5 29,7 cm) composent cepériodique. La pagination est en continuà partir du premier numéro de janvier dechaque année. La publication du périodique est essen-tielle au développement spirituel desfidèles. Les articles rédigés d’abord parJohnson puis par ses successeurs sontcomplexes et demandent de la part deslecteurs une connaissance biblique poin-tue. Le journal peut parfois être étudié ausein des ecclésias dans une réunion qua-lifiée d’« études béréennes ». Elle est ani-mée par un ancien, élu par le groupe. Lesfidèles répondent alors à ses questions ; laBible est constamment consultée.Pour lancer ce journal, la branche fran-çaise peut compter sur l’aide financièreconséquente des États-Unis. La pre-mière année, Johnson envoie 748 $ (soit21 404, 45 francs), alors que la branchefrançaise ne perçoit que 541 francs desfidèles français (quatre fois moins !).Les années suivantes, Johnson leur faitun don de 10 000 francs. L’importancede l’investissement de Johnson dansune édition française de son journal – ilen fait de même dans les autresbranches du mouvement dans le monde– témoigne de la nécessité d’un pério-dique pour diffuser sa doctrine. Il l’écritlui-même : « la publication est notre tra-vail principal et le plus important9 ». Cen’est qu’en 1937 que la branche fran-çaise du MMIL devient autonome avecl’arrivée Marcel Caron (1903-1976)nommé représentant de la branche fran-çaise en remplacement de Lefèvre. Lesdons, bien que modestes, permettentnon seulement au mouvement d’éditerses journaux, ses tracts, mais aussid’envisager l’impression des livres deRussell en français.La Vérité Présente et Héraut de l’Épi-phanie de Christ est imprimé par un pro-fessionnel : d’abord Terrier Frères et Cie

d’Étampes (le même que pour le pério-dique précédent : La Bonne Nouvelle duRoyaume de Christ) de janvier 1926 àjanvier 1934 (du n° 1 au n° 48) puis parl’entreprise Marcel Puyfourcat Paris-Étampes jusqu’en mars 1940 (n° 85-86).De janvier 1951 (n° 139) à novembre1956 (n° 174) le journal est imprimé parF. Planquart à Lille. À part ces dix-neufannées totalisant 121 numéros, le MMILen France n’a plus eu recours à des pro-

l’abonnement (7 francs soit approximati-vement 5,83 € d’aujourd’hui) n’aurait pusubvenir aux frais d’impression et d’ad-ministration (achat de matériel, entretien,expédition de journaux, correspondance).En effet, le produit des abonnementsn’est que de 531 francs (soit soixante-quinze abonnés) et ne suffit pas à équili-brer les finances. Pourquoi un tel écart ?Premièrement éviter que le prix soit unobstacle pour le lecteur potentiel etsecondement en faire un organe de pro-pagande. Il est d’ailleurs imprimé à plu-sieurs centaines d’exemplaires (aux alen-tours de 1 000) donc bien au-delà dunombre total d’Étudiants de la Bible rus-sellistes francophones.Le comité d’études bibliques décide desarticles à publier mais n’en rédige aucun.Seules les rares informations à la pre-mière et la dernière pages sont du comité.L’ensemble du périodique est donc com-posé d’articles de Russell publiés dansles Watch Tower and Herald of Christ’sPresence durant la période 1879-1916.Cependant le choix des articles n’est pasle fruit du hasard mais répond à uneactualité précise : la proximité de laPâque ou un rappel sur un point de doc-trine mal compris. Aucune illustration neponctue les articles à part celle présentéeen première page qui rappelle celle dujournal américain  de Russell : « unphare» assailli par une mer démontée,« la croix et la couronne » (symbole desÉtudiants de la Bible) et « l’armuredu soldat de Christ » en référence au ver-set 12 de 1 Timothée 6.Ce journal cesse de paraître en janvier1926 lorsque le petit groupe d’Étudiantsde la Bible scissionniste décide de rejoin-dre le MMIL de Johnson. C’est aussi àcette date qu’une première édition de LaVérité Présence et Héraut de l’Épiphaniede Christ en français voit le jour. Ce n’estpas exactement la version états-unienne puisque cette dernière est men-suelle alors que la française est bimes-trielle. Le choix des articles de doctrineest du ressort des représentants françaiset se fait toujours en fonction des besoinsspirituels des lecteurs francophones.

■ Une illustration qui donne sens à sa doctrine

La couverture du journal donne à voir letabernacle dans le désert entouré desdouze tribus d’Israël. On distingue en basde la gravure le souverain sacrificateur

Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque de France

La Vérité Présente et Héraut de lʼÉpiphanie de Christ,mai-juin 1940, n° 1 (supplément n° 87), version manus-crite et nardigraphiée par Élie Larvent (1915-2003).

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fessionnels pour l’impression de sesrevues. De fait, de la Seconde Guerre mondiale à1951 (du n° 87 au n° 138), le groupe deDenain livre à l’ensemble de la commu-nauté francophone une version manus-crite et nardigraphiée. Le nardigraphe estun appareil de reproduction qui opèrepar report sur vitre magique. L’original,écrit avec une encre spéciale, est reportésur une vitre chimiquement préparée, oùil est ensuite révélé en relief par l’actionde produits chimiques. L’encrage et letirage se font ensuite comme s’il s’agis-sait d’un véritable cliché d’imprimerie.Le tirage est indéfini avec l’encre quel’on désire (une seule à la fois). Lamanœuvre est délicate du fait de l’actionchronométrée de produits spéciaux ets’apparente aux opérations photogra-phiques. Le nardigraphe donne desrésultats parfaits lorsqu’on a saisi le tourde main. Grâce à cet appareil, les mis-sionnaires intérieurs laïques peuventcontinuer à lire et à étudier leur revuedurant toute la durée de la SecondeGuerre mondiale et même au-delà(jusqu’en 1951) à moindre frais. Lechoix des articles à traduire de l’anglaisrevient toujours à Caron mais les traduc-tions sont le fait de Samuel Lambert del’ecclésia de Denain. Le jeune ÉlieLarvent (1915-2003), du même groupe,recopie les articles avec l’encre spécialepour les reporter sur la vitre du nardi-graphe, préalablement préparée avec les

produits chimiques. Le travail de tirageest long et fastidieux mais Larvent reçoitl’aide de son père et de sa sœur aînée. Après une courte période (1951 à 1957)où le MMIL eut recours à un profession-nel, le journal est de nouveau imprimépar les fidèles du mouvement à partir de1957 (n° 175). Une version cette fois-cidactylographiée et imprimée par unduplicateur est envoyée aux abonnés. Lesfrais d’impression, trop élevés pour lepeu d’abonnés, ont donc mis fin définiti-vement à la collaboration avec un impri-meur professionnel. Une petite phalangede fidèles se met en place autour deCaron, domicilié à Béthune (Pas-de-Calais), composée de traducteurs, derelecteurs, de dactylos, d’imprimeurs. Sademeure permet de stocker les machineset la littérature. Aujourd’hui, l’ordinateurremplace la machine à écrire et le journalest tiré sur duplicopieur. Il est difficile de connaître le nombred’abonnés à La Vérité Présente et Hérautde l’Épiphanie de Christ. Il sembleraitqu’ils soient aux alentours de 64 en 1926.Toutefois, 578 numéros sont vendus, 671l’année suivante. La moyenne pour lesneuf premières années est de 410 numé-ros vendus. Le nombre d’abonnés est de150 en 1932 et augmente progressive-ment pour atteindre 470 en 1957. Cechiffre ne sera pas dépassé. Pendant troisdécennies, le nombre d’abonnés se main-tient ; il baisse légèrement dans lesannées quatre-vingt-dix, où l’on passesous la barre des 400 (388 en 1992). Ilsne sont plus aujourd’hui que 20010

(2008). Le décès de nombreux membresde la communauté des missionnairesintérieurs laïques explique cet effondre-ment. La communauté vieillit et la doc-trine se transmet mal entre les généra-tions.

■ De nouvelles publications À côté de cette revue officielle uneautre voit le jour en 1957: L’Étendard dela Bible destinée aux nouveaux fidèles.Les articles développent des aspectsmoins complexes de la doctrine. Aprèsune parution très irrégulière pendantl’entre-deux-guerres, ce périodiquedevient bimestriel, vendu en supplémentde La Vérité Présente et Héraut de l’Épi-phanie de Christ. Même si cette revueexistait depuis longtemps aux États-Unis,les faibles moyens de la branche fran-çaise ne permettaient pas d’envisager

jusqu’alors sa publication. La couverturedonne à voir une photographie d’unphare entourée d’une mer calme. Un ver-set biblique est imprimé dans le halolumineux : « envoie ta lumière et tavérité : elles me conduiront… » (Psaumes43:3). Cette illustration renvoie au jour-nal de Russell. Le périodique comptedouze pages numérotées également encontinu à partir du mois de janvier dechaque année. 220 personnes y sontabonnées.Par ailleurs, l’activité éditoriale de labranche française du MMIL s’internatio-nalise après guerre. En 1948, une versionpolonaise de La Vérité Présente etHéraut de l’Épiphanie de Christ : Teraz-niejsza Prawda est proposée aux fidèlesde langue polonaise nombreux dans leNord-Pas-de-Calais, mais aussi auxfidèles de Pologne, ainsi qu’à ceux instal-lés aux Pays-Bas, en Allemagne, auBrésil et même aux États-Unis. Les arti-cles sont traduits par César Obajtek(1919-2003), puis dactylographiés parMarian Kornobis et Marian Glownia etenfin imprimés à Béthune puis à Barlin(Pas-de-Calais), nouveau centre duMMIL à partir de 1976. Le coût élevé dechaque numéro met fin à leur parution en1993, d’autant plus que la branche polo-naise du MMIL est alors capable de four-nir à ses fidèles les deux revues du mou-vement.De 1963 à 1965, la branche françaiseprend également en charge la publica-tion, toujours à ses frais, des versionsgrecque et italienne de La VéritéPrésente et Héraut de l’Épiphanie deChrist, puis pendant deux ans de 1966 et1967 d’une version grecque. Il est diffi-cile d’évaluer le nombre d’abonnés dansces deux pays, mais on peut supposerqu’ils sont aux alentours de trois cents.Fort de cette expérience éditoriale, labranche française se lance égalementdans l’édition d’ouvrages doctrinaux,plus de trente. Seul le premier livre deRussell : Le Divin Plan des Âges estentièrement imprimé par une dizaine defidèles du mouvement en 1 000 exem-plaires. Il a nécessité plus de trois ans detravail (de mars 1947 au 1er août 1950).Les autres livres de Russell et de Johnsonseront donnés à imprimer à des profes-sionnels de la région Nord-Pas-de-Calais : Société Planquart à Lille,Imprimerie S.E.P. d’Arras, ImprimerieLozé-Bertrand de Denain, Imprimerie

Le Mouvement Missionnaire Intérieur Laïque de France

La couverture de La Vérité Présente et Héraut de lʼÉpi-phanie de Christ, mars-avril 2012, n° 505.

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J O U R N A L D E L A S O C I É T É D E S A M I S D E P A N C K O U C K E

commerciale de Douai. Cette littérature,regroupée dans une collection intitulée« Études dans les Écritures», est destinéeessentiellement à la vente : 47 957 livressont ainsi vendus de 1950 à 1999. Par conséquent, l’activité éditoriale de labranche française du MMIL, loin d’êtreanecdotique, est consubstantielle à sonexistence ! Le mouvement se présented’ailleurs avant tout comme une maisond’édition avant d’être un mouvementreligieux. C’est ici tout le paradoxe duMMIL. De plus, cette activité éditorialesingularise non seulement la branchefrançaise au sein du MMIL (la brancheétats-unienne ne fournit plus que quatrenuméros par an – de quatre pages seule-ment – depuis 2002 !) mais aussi, bien audelà, au sein de « la mosaïque protes-tante».

L. L.Certifié d’Histoire-géographie,

enseignant au collège Anne Frank de Lambersart et à l’Université Catholique de Lille

en Histoire contemporaine, Laurie Larvent est docteur en Histoire moderne

et contemporaine, diplômé de l’EPHE.

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1. Pour de plus amples renseignements surce mouvement protestant je renvoie le lecteur à ma thèse de doctorat : Le MouvementMissionnaire Intérieur Laïque en France desorigines à aujourd’hui, un mouvement de chré-tiens millénaristes non trinitaires, disponible à la bibliothèque de l’EPHE, Paris, 3 tomes,789 p.

2. Date de parution du 1er numéro de sonpériodique : The Present Truth and Herald ofChrist’s Epiphany, qui marque de fait la nais-sance de son mouvement : Laymen’s HomeMissionary Movement (LHMM).

3. GAMBAROTTO (Laurent), « Réveil »,dans Encyclopédie du protestantisme, dir. PierreGisel, Paris-Genève, Labor et Fides, 2006, p.1220.

4. Le terme adventiste vient du latin adven-tus : venue.

5. Dès 1891, dans son livre intitulé : Que TonRègne Vienne, Russell prédit un retour d’Israëlen Palestine. Selon lui, les Juifs sont les pre-miers à obtenir les faveurs millénaires.

6. La Vérité Présente et Héraut de l’Épipha-nie de Christ, janvier 1927, n° 7.

7. 1 franc de 1920 équivaut à peu près à0,83 € d’aujourd’hui.

8. RUSSELL (Charles Taze), Les Figures duTabernacle, Types des sacrifices plus excellents,Barlin, MMIL, 3e édition, 1987.

9. La Vérité Présente et Héraut de l’Épipha-nie de Christ, janvier 1927, n° 7.

10. Il s’agit du chiffre communiqué le21 octobre 2008 par Alain Viard, responsable duservice abonnement à La Vérité Présente etHéraut de l’Épiphanie de Christ du MMIL.

■ Un contexte favorableLa rencontre entre littérature et informatiquePour le comprendre il faut examiner untant soit peu les relations entre l’informa-tique et la littérature. Bien avant de s’im-poser comme un outil de calcul, l’ordina-teur est avant tout une machine delangage. Alan Turing a, dès 1950, orientél’intelligence artificielle balbutiante sur lavoie de la combinatoire langagière.S’inspirant de ces idées, ChristopherStrachey, un ingénieur, programma en col-laboration avec Turing un générateur delettres d’amour en 1952, ouvrant ainsi unepériode très longue de « littérature numé-rique combinatoire », durant laquelle l’or-dinateur a été utilisé comme outil « d’aideà la création littéraire » permettant demanipuler les structures syntaxiques dulangage. Une telle orientation ne pouvaitmanquer de rencontrer en France l’un desmouvements poétiques les plus impor-tants, l’OULIPO. L’OULIPO, Ouvroir delittérature potentielle, a été créé en 1961par Raymond Queneau et François LeLionnais. Son objectif est l’analyse et ladécouverte de structures langagières.L’OULIPO manipule le langage à l’aidede règles combinatoires, non dans unevisée d’intelligence artificielle mais dansle cadre d’une conception littéraire fran-çaise que Valéry a particulièrement biendécrite et qui considère qu’un texte est lerésultat d’une succession de choix quiréduisent un «possible à chaque instant ».La rencontre entre l’OULIPO et l’infor-matique est de fait assez tardive : PaulBraffort programme en 1975 les Centmille milliards de poèmes de Queneaupour l’exposition Europalia à Bruxelles.L’OULIPO considérera finalement quel’exploration des relations entre littéra-ture et informatique est un sujet en soi.Ce qui débouchera en 1981 sur la créa-tion d’un groupe français indépendant

traitant spécifiquement de cette question :l’ALAMO (Atelier de littérature assistéepar la mathématique et les ordinateurs).L’ALAMO sera fortement soutenu par leministère de la Culture et distillera dura-blement en France la conception combi-natoire de la littérature numérique, àsavoir l’idée que le texte résulte d’un cal-cul linguistique que l’ordinateur est parti-culièrement adapté à réaliser.

1985 : une année cruciale1985 sera une date importante pour lacréation de alire. Cette année-là, Jean-François Lyotard organise au centrePompidou l’exposition « Les Immaté-riaux » qui est la première exposition d’artnumérique en Europe. Jean-Pierre Balpe,un des membres fondateurs de l’ALAMO,y organise une exposition de générateursde textes. La génération est alors laconception dominante en littérature numé-rique. Pourtant, la même année, toujoursau centre Pompidou mais dans le cadre dufestival Polyphonix, un poète hongroisissu du courant de la poésie sonore etvisuelle, Tibor Papp, projette sur dixécrans le premier poème animé pro-grammé. C’est un acte fondateur de laseconde conception apparue en littératurenumérique, qui s’est largement imposéedepuis, celle de l’animation de texte. Cette

Une revue sur disquettepar Philippe BOOTZ

Lorsqu’en 1997 on tapait le mot « revue » dans l’Encyclopaedia Universalis, deux références sortaient : la N.R.F. et alire. La N.R.F., plus grande revue française de littérature imprimée, et alire, sans doute la plus petite revue de littérature numérique, créée en 1989.La revue reste référencée dans cette encyclopédie, ce qui montre la position paradoxale qu’elle tient dans le paysage éditorial français.

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conception s’oppose à la combinatoire surplusieurs points : elle refuse de considérerque le texte résulte uniquement d’un trai-tement algorithmique, elle réinjecte, parl’animation, une expressivité et unedimension sensible qui sont, en quelquesorte, le pendant visuel à la « sonorité »traditionnellement travaillée par lespoètes. L’animation, en quelque sorte,redonne « corps » au poème. Cette dé-marche est également la première affirma-tion de l’existence d’une poésie spécifi-quement destinée à être lue sur écran. Eneffet, les générateurs de texte produisentsouvent des textes destinés à être impri-més. Ainsi, Beaubourg a archivé des mil-liers de pages imprimées de textes généréslors de l’exposition «Les Immatériaux ».Le troisième événement culturel qui per-mettra la naissance de la revue est la créa-tion, toujours en 1985, de la revue téléma-tique Art Accès par Frédéric Develay etOrlan. Cette revue sur minitel ne publieraque trois numéros, mais plusieurs auteursqui fonderont alire y participeront. Leminitel permettait déjà de faire des anima-tions rudimentaires en chaînant les pages.Enfin, 1985 est l’année où le gouverne-ment lance son programme « informatiquepour tous » qui créera une émulation enFrance pour l’informatique et une prise deconscience de son importance.Ainsi, à l’aube de la création d’alire, plu-sieurs conditions favorables sont réuniesen France : un contexte socio-économiquesensibilisé à l’informatique et habitué à latélématique qui en est très proche et sur-tout un débat littéraire qui oppose deuxconceptions de la littérature numérique :

la génération et l’animation. La concep-tion générative est bien implantée dans lepaysage culturel, alors que la littératureanimée est très marginale. Bien sûr, àl’époque, la littérature numériqueconcerne au total moins d’une dizained’auteurs sur le territoire. Pourtant, cesdeux conceptions deviendront dans lesannées 1990 deux des trois axes fonda-mentaux sur lesquels se construiront leslittératures numériques sur le plan inter-national. Le troisième axe, l’hypertexte,n’en est qu’à ses prémisses en 1985,année où Michael Joyce démarre laconstruction du tout premier hypertextede fiction américain qui ne verra le jourqu’en 1987. La France joue ainsi un rôlemoteur dans le développement de la litté-rature numérique à cette époque, ce quiexplique la place internationale que pren-dra la revue alire dans les années 1990.

Une rencontre décisiveFrédéric Develay n’a pas perçu le poten-tiel de développement de l’informatique.Il faudra attendre 1988 pour qu’il memette en relation avec Tibor Papp. Cetterencontre fut décisive. Constatant que nosconceptions sur la littérature numériqueconcordent, Tibor, qui est un des princi-paux animateurs depuis Paris de l’avant-garde poétique hongroise à travers sarevue Magyar Mühely, me propose lacréation d’une revue de poésie électro-nique. Il la considère comme une revued’avant-garde, ce qui présuppose qu’ellesoit portée par un groupe littéraire. C’estainsi que nous pensons à créer le groupeL.A.I.R.E. (Lecture, Art, Innovation,

Recherche, Écriture) composé de TiborPapp et Claude Maillard qui collaboraitavec lui à une œuvre poétique numérique,Frédéric Develay qui réalisait égalementdes œuvres poétiques animées et qui avaitl’expérience d’Art Accès et enfin Jean-Marie Dutey et moi-même qui travail-lions ensemble à la création d’œuvrespoétiques animées programmées à Ville-neuve d’Ascq au sein de l’associationMOTS-VOIR. Tous ces auteurs étaientissus des poésies concrètes et program-maient de la poésie animée. L.A.I.R.E.constituait ainsi un groupe homogène. Ilfut invité à présenter une exposition depoésie numérique lors de la manifestationde préfiguration de la maison de la poésiedu Nord-Pas-de-Calais à Beuvry en 1988.Cette première manifestation publique futl’occasion de roder la présentationpublique du groupe et de rassembler lematériau qui constituera le premiernuméro de la revue. C’est d’ailleurs aucours de cette manifestation que la revueest créée. Son nom, alire, est l’ana-gramme du nom du groupe.Tibor et moi n’avions pas les mêmesconceptions sur le rôle de la revue. PourTibor, la revue était l’organe éditoriald’un mouvement littéraire, le lieu où pou-vaient s’exprimer ses conceptions et êtrepubliées ses productions. Pour ma part, jeconsidérais la revue comme une opportu-nité pour orienter le développement de lapoésie numérique. J’estimais fondamen-tal de permettre le développement d’unelittérature destinée à une lecture indivi-duelle, dans un cadre privé et intime. Cesconceptions complémentaires ont fonc-tionné toutes deux. Pour tous deux, enfin,la revue était le moyen d’affirmer l’exis-tence d’une poésie native numérique uti-lisant des propriétés spécifiques de l’in-formatique. C’est pourquoi, dès cetteréunion, nous avons décidé de publier lesprogrammes des œuvres sous une formeexécutable et non le résultat de l’ex-écution. Dès ses origines, L.A.I.R.E. aaffirmé que le programme et le processusd’exécution de ce programme sont descomposantes de l’œuvre. Autrement ditque l’œuvre n’est pas uniquement lerésultat d’un calcul, qu’elle n’est pasréductible à ses algorithmes mais qu’ellepossède une matérialité, même si celle-cidiffère de la sonorité de l’oralité et de lasensualité tactile du livre.L.A.I.R.E. prit son siège social àVilleneuve d’Ascq et fut l’éditeur d’alire

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Ce sommaire de la disquette PC du numéro 1 est celui de la réédition de 1994. Il sʼagit bien sûr des œuvres dunuméro 1 original mais cela explique la présence des 2 dates.

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jusqu’en 1994. MOTS-VOIR, associa-tion que je présidais, la reprit en 1994mais cela ne changea rien au fonctionne-ment pratique de la revue, L.A.I.R.E. endemeurant le comité éditorial.

■ La vie de la revueComplémentarité du numérique et de l’impriméLe tout premier numéro d’alire, le 0.1,fut composé pour la présentation dugroupe à la revue parlée du centrePompidou le 16 janvier 1989. Il s’agitd’un livre objet qui regroupe des dis-quettes pour différents ordinateurs (PC,Atari) ainsi que des œuvres visuelles etune cassette audio. La véritable nature dela revue n’apparaît qu’avec le numéro 1publié quelques mois plus tard. Cenuméro reprend sur PC le contenu infor-matique du numéro 0.1 mais ne reprendaucune des œuvres sur les autres sup-ports. Il est publié sur disquettes, accom-pagné d’un petit livret imprimé qui four-nit le sommaire et des textes théoriques,le tout étant contenu dans une boîte plas-tique destinée normalement à contenirdes disquettes. Cette présentation affir-mait la nature irréductiblement informa-tique des œuvres, sans faire l’amalgamedu tout numérique : les textes théoriquesn’ayant pas besoin de se présenter sousforme numérique demeuraient imprimés.Il n’y eut jamais dans alire d’exclusionde l’imprimé, contrairement au débat quioppose encore parfois les tenants de l’in-formatique et ceux de l’imprimerie. Lesdifférents supports étaient utilisés pourleurs propriétés respectives.Cette forme éditoriale subsista jusqu’en1994, les disquettes PC étaient complétéesde disquettes MAC comportant desœuvres différentes. La revue prenait del’ampleur, le nombre de disquettes aug-mentait et la boîte devenait étroite. En1993, il s’avéra nécessaire de reprogram-mer l’ensemble des œuvres PC des neufpremiers numéros pour prendre en comptel’augmentation exponentielle de vitessedes machines, ce qui fut fait en 1994.Profitant de l’envolée du cédérom cultu-rel, cette réédition fut publiée sur cédéromà partir de 1995 sous le nom de « salon delecture électronique ». C’est sous la formede cette seconde édition que les œuvres del’ensemble des neuf premiers numéros estencore en vente et exécutable sur les ordi-nateurs actuels, contrairement à bon nom-bre de cédéroms de l’époque.

Un projet éditorial viableLa revue ne pouvait évidemment pas pré-tendre toucher le « grand public » lors de sacréation : ce type de littérature n’existaitpas, les gens avaient beaucoup de difficultéà lire sur écran, et plus encore lorsqu’ils’agissait de textes animés comme l’était lamajorité des œuvres publiées dans alire.La stratégie éditoriale adoptée a consisté àatteindre des médiateurs culturels : média-thèques, bibliothèques universitaires. Larevue n’a jamais demandé de subvention,mais elle s’est autofinancée au bout dequelques années. Mis à part le matériel quiétait de toute façon nécessaire pour créer,elle ne coûtait presque rien : les numérosétaient produits à la demande et sous uneforme assez rudimentaire. Elle est mêmedevenue bénéficiaire à partir de 1994, cequi a permis de presser les cédéroms desnuméros 10 à 12 en petites séries, de «des-igner » leur pochette et de passer par undiffuseur. C’est bien parce qu’alire n’ajamais eu la volonté de s’étendre qu’elle a pu subsister jusqu’à aujourd’hui.L’édition électronique n’existait pas en1989, les premières maisons ne s’y lancè-rent qu’au début des années 2000 en liai-son avec les premiers livres électroniqueset ce fut un échec. Ce n’est qu’aujourd’huique les conditions d’une véritable éditionlittéraire numérique sont réunies. Elle neprendra certainement pas la forme édito-riale d’alire, et ne sera pas dédiée spécifi-quement à la littérature programmée maissans doute plutôt à la littérature multimé-dia interactive. Projet littéraire, alire a survécu auxmodes éditoriales : celle du cédérom puiscelle du développement de l’Internet etdes blogs. Si sa publication a cessé aprèsle numéro 14 en 2010, ce n’est pas àcause de problèmes éditoriaux mais sim-plement parce que le projet littérairequ’elle portait ne nécessite plus l’exis-tence d’un lieu de publication spécifiquedans le contexte culturel actuel. La poé-sie programmée n’a plus à s’imposer etelle a été relayée par des entreprises édi-toriales électroniques moins spécifiquescomme DOC(K)S en France, la revuebleuOrange au Canada ou l’ElectronicLiterature Collection aux USA.

Une vision anticipatriceAlire a anticipé, bien avant l’existence duWeb, les conditions actuelles de la littéra-ture numérique : une littérature multimédiadestinée à être lue individuellement sur

écran. Elle a également anticipé une pra-tique créative de programmation informa-tique littéraire, pratique qui sera baptiséeen 2001 « codework » par Alan Sondheim.Le concept d’une littérature du code seratravaillé entre 2003 et 2007, dans l’espritd’alire, au sein du collectif internationalTransitoire Observable créé par TiborPapp, Alexandre Gherban et moi-même.Ce collectif, axé sur les formes program-mées, regroupera des auteurs et artistesnumériques français, allemands, hollan-dais, brésiliens et américains. Le numéro12 d’alire lui est consacré.

■ L’impact d’alireUn des deux piliers éditoriaux de la littérature numérique Alire a eu un impact profond sur la poésienumérique, et pas seulement en France.Elle constitue l’un des deux piliers fonda-teurs de l’édition littéraire numérique, lesecond étant la maison d’édition améri-caine Eastgate System, fondée en 1987,qui publia les hypertextes de fiction amé-ricains. Alire a été reconnue dès 1990 parun chercheur espagnol, Orlando Carreño,comme la plus ancienne entreprise édito-riale numérique en poésie. L’histoire de lalittérature numérique est maintenant bienconnue et cette assertion a été confirmée. Alire est très vite apparue comme le seullieu de publication au monde de la poésieanimée jusqu’en 1997 malgré l’existenceéphémère d’autres lieux de publication.C’est pour quoi elle a été sollicitée par desauteurs européens, nord et sud américains,peu nombreux à l’époque, qui œuvraientdans cette direction. Elle s’est ainsiouverte à l’international à partir de 1994 etpossède un fond historique fondamental :la plupart des auteurs des années 1990 ontproduit une œuvre dans alire, et notam-ment ceux qui ont fait évoluer les concep-tions au début des années 1990. Cettesituation lui confère aujourd’hui une posi-tion un peu mythique dans le paysageinternational de la littérature numérique.

Une activité de diffusion indirecte en FranceAlire a activement participé à la diffusionde la littérature numérique en France et àla dégager de la conception simplementalgorithmique de l’ALAMO. Elle a étéprésentée dans plusieurs galeries, émis-sions de radio et manifestations en Franceet en Europe et ce dès sa création, puis surle continent américain à partir de 1996.

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Les numéros 0.1, 10 et 12 ont notammentété présentés au centre Pompidou. Elle acollaboré dans les années 1990 et 2000 àdes journées de la poésie, a donné lieu àplusieurs articles dans des journaux grandpublics ou des journaux plus spécialisésen littérature et informatique. Elle a mêmecollaboré en 1996 avec la revue Science et Vie Micro, une revue généraliste eninformatique grand public importante à

l’époque et diffusée en kiosque. Ellepublia une partie de son fond éditorialdans le cédérom fourni avec cette revue.Elle a également collaboré en 2004 à uncédérom éducatif sur les poésies du XXe

siècle, publié par le CRDP de Grenoblepour le collège et le lycée.

Alire aujourd’huiAlire a peu à peu regroupé tous lesauteurs français de poésie numérique et apermis l’émergence d’une esthétiquetypiquement française connue sous lenom « d’esthétique de la frustration ».Elle a ainsi très activement contribué àfaire jouer à la France un rôle moteur quise traduit aujourd’hui par une présenced’auteurs français dans les instances

décisionnelles de tous les organismesinternationaux en littérature numérique.Des œuvres publiées dans alire sont pré-sentes dans toutes les anthologies inter-nationales depuis le milieu des années1990 et sont référencées, ainsi que larevue, dans toutes les encyclopédies thé-matiques et bases de données internatio-nales consacrées à la littérature numé-rique. Un chercheur américain, ChrisFunkhauser, a même commenté l’ensem-ble des œuvres PC publiées dans les pre-miers numéros de la revue dans sonouvrage Prehistoric Digital Literature,qui retrace l’histoire de la littératurenumérique.

Alire : une aventure culturelle ancrée en région La revue, de par les conditions de sacréation et la localisation des associa-tions L.A.I.R.E. et MOTS-VOIR quil’ont animée fait aussi partie de l’histoireculturelle de la région Nord-Pas-de-Calais. Elle a pourtant été très peu soute-nue sur le plan régional et c’est regretta-ble. Alors qu’elle était déjà présente dansl’encyclopédie et à la grande manifesta-tion « p0es1s » à Berlin, il n’a pas été jugéutile de lui trouver une petite place dansLille 2003. Il faut donc rendre hommageà ceux qui l’ont soutenue, et notammentà la médiathèque de Roubaix où la revuefut notamment installée sur une borne aurayon jeunesse en 1997, expérience quiconfirma l’intérêt des jeunes pour cettelittérature. La médiathèque de Roubaixest d’ailleurs un des très rares lieux à pos-séder la collection complète de la revue,y compris les tout premiers numéros.Peut-être un trésor de notre patrimoinenumérique naissant ? En tout cas unmoment de son histoire.

Ph. B.Agrégé de physique, docteur en physique

et en communication, Philippe Bootz est maître de conférences à Paris8.

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Bibliographie :Philippe Bootz, Les Basiques : La littérature numérique, Leonardo Olats (collection les basiques),

2007, http://www.olats.org/livresetudes/basiques/litteraturenumerique/basiquesLN.phpPhilippe Bootz, « Poetic Machinations», E. Kac (ed.), Media Poetry: an International Anthology,

Bristol (UK)&Chicago : Intellect Books, 2007, pp. 213-228Philippe Bootz , « alire : a recentless literary investigation », trad. J. Stevens, Electronic Book

Review n° 9, 1999 http://www.altx.com/ebr/reviews/rev9/r9boo.htmPhilippe Bootz, « poésie et informatique », analyse théorique et réalisation de la partie consacrée à

la littérature informatique du CDROM créations poétiques au XXe siècle visuelles, sonores,action…, CDRP de Grenoble, octobre 2004

Chris Funkhouser, Prehistoric digital poetry an archaeology of forms, 1959-1995 Tuscaloosa,University of Alabama Press, 2007.

Quiconque désire se renseigner sur la viepolitique, sociale, économique, ou sim-plement les évènements sportifs, cultu-rels y trouve une mine inépuisable dansla presse ancienne. La marche dutemps, l’évolution des modes de vie,celle des mentalités apparaissent àvisage découvert.

Roubaix et Tourcoing possèdent un for-midable trésor constitué par les journauxparus sur leur territoire depuis 1840 etqui racontent l’incroyable bouleverse-ment qu’elles vécurent au XIXe et dans lapremière moitié du XXe siècle. Déjà micro-filmées pour l’essentiel par les deuxbibliothèques partenaires, ces collec-tions sont aujourd’hui en passe d’êtrenumérisées et mises en ligne. Pour facili-ter l’accès à l’information, il sera possiblede faire une recherche dans le texte dechaque page de ces journaux.Voici les titres concernés, au total plus de380 000 vues. Le corpus s’étend de1840 à 1945 :■ L’Indicateur de Tourcoing et de Rou-

baix, de 1840 à 1913 ;■ Le Journal de Roubaix, de 1856 à

1945 ;■ L’Avenir de Roubaix-Tourcoing, de

1888 à 1914 ;■ L’Égalité de Roubaix-Tourcoing, de

1895 à 1944 ;■ Le Courrier de Tourcoing, de 1902 à

1907 ;■ Roubaix-Tourcoing, 1891 La Croix de

Roubaix-Tourcoing, de 1901 à 1914.

Lire la presse ancienne ?

La pochette du salon de lecture est la couverture de lapochette du CDROM le salon de lecture électronique(1995) qui regroupait les neuf numéros de la rééditionde 1994 (alire 1 à 9).

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La publicité aujourd’hui est partout.Souvent envahissante, parfois contestée,elle est devenue un secteur économique àpart entière. Il n’en était pas de même auXIXe et au début du XXe siècle où elle étaitsurtout cantonnée à l’imprimé : affiches,tracts et presse écrite. Le développementde la réclame, comme on l’appelait alors,accompagne, des années 1830 à laPremière Guerre mondiale, l’essor del’industrie et du commerce. Elle est lereflet de l’extension des marchés qu’ellecontribue à développer. Elle apparaît dèsle deuxième numéro de L Écho de la Lys,l’hebdomadaire d’Aire-sur-la Lys, datédu 13 octobre 1837. Elle disparaît provi-soirement des colonnes du journal le23 août 1914, se limitant à une annoncede chaque côté du titre. Entre ces deuxdates, l’évolution de la publicité dansL’Écho de la Lys est significative. Saplace et son importance dans le journalsont grandissantes, les types de produitset de services marchands proposés chan-gent et les messages publicitaires setransforment.

■ Une place grandissanteDans les premières années, la place de lapublicité est très limitée. La premièreannonce, parue le 13 octobre 1837,s’étale sur 6 cm2 en page trois d’un jour-nal qui en compte quatre. Elle apparaîtseule dans une rubrique « Annonces etavis » surtout alimentée par les insertionsdes notaires pour des ventes ou des loca-tions de biens immobiliers. Les semainessuivantes les annonces deviennent plusnombreuses. L’éclosion de la publicité etson accroissement correspondent à ceque l’on rencontre dans la presse écritede ce temps. Le 16 juin 1836, Émile deGirardin fait insérer pour la première foisdes annonces commerciales dans le jour-nal La Presse qu’il fonde cette année-là.Ainsi le prix des journaux baisse, letirage augmente, le lectorat s’étend. En1838, il écrit : « En France, l’industrie dujournalisme repose sur une base essen-tiellement fausse, c’est-à-dire plus sur les

abonnements que sur les annonces1. » Leséditeurs de journaux lui emboîtent le paset L’Écho de la Lys n’est pas en reste ; ilest certain que la publicité et lesannonces des notaires, les offres et lesdemandes d’emploi servaient à l’équili-bre financier du journal. Le prix del’abonnement annuel était de 10 F, soitun prix assez élevé si on en juge par lesfréquentes demandes de coabonnés. En1837, le prix des insertions était de20 centimes la ligne. Une remise étaitfaite aux abonnés. En 1910, les tarifsfurent détaillés et plus élevés : 0,20 cen-time la ligne pour les annonces, 0,30 cen-time la ligne pour les réclames, 0,50 cen-time pour la chronique locale. Lesannonces dites par abonnement étaienttraitées de gré à gré. Pierre Kerlévéo dansson article sur l’histoire du journalécrit :  « À partir de 1856, L’Écho de laLys, imprima régulièrement une page de

publicité qui prit de plus en plus d’impor-tance, procurant au journal des moyensd’existence rentables2. » Aucune pièced’archives ne permet d’en savoir plus surles comptes du journal. Néanmoins, onsait qu’en 1896 37% des ressources duFigaro provenaient de la publicité.

La publicité apparaît vraiment régulière-ment dans le journal à partir de 1868.Auparavant, elle s’interrompt parfoispendant plusieurs mois. En 1841, elle estabsente pendant cinq mois : de juillet àseptembre et de novembre à décembre.Les éditions sans publicité deviennentensuite moins nombreuses et sur despériodes moins longues. En 1847, lemois de décembre ne connaît aucuneinsertion et pendant cinq semaines, du24 janvier au 21 mars 1851, on note uneabsence de deux mois puis d’encore unmois en septembre. En 1849, on ne lit pasencore plus de trois ou quatre annonceslorsqu’il en paraît. Elles deviennent deplus en plus nombreuses pour atteindreplus d’une trentaine au début de 1914. Lejournal accroît son format au cours de lapériode mais la publicité reste en pagetrois ou quatre. À partir de 1910, on notequelques rares incursions en page deuxmais la première page est toujours réser-vée au contenu rédactionnel. Il n’y a qu’àpartir du 23 août 1914 qu’une mêmeinsertion répétée de chaque côté du titrepour une brasserie apparaît de fait en pre-mière page. Comme le nombre desannonces augmente et que les pages dujournal en sont couvertes, on constateque l’espace requis pour chaque annoncediminue. Dans les premiers temps dujournal, certaines annonces occupent uneplace importante : le 13 juillet 1838, unedemi-page est occupée par l’annonce dulivre Le Panthéon poétique de M. Cadart,professeur au collège royal de Douai ; la semaine suivante, les assurances

L’évolution de la publicitédans L’Écho de la Lysde 1837 à 1914

par Martie OUDAR

Le premier numéro de LʼÉcho de la Lys, paru le 6 octo-bre 1837, ne comportait pas de réclame. (CollectionBibliothèque dʼAire-sur-la Lys. Photo VéroniqueGoblet)

La première réclame parue dans LʼÉcho de la Lys.(Collection Bibliothèque dʼAire-sur-la Lys. PhotoVéronique Goblet)

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L’Urbaine étalent leur annonce sur troisquarts de page. Le 20 décembre 1839,c’est encore une demi-page qui estrequise par la Compagnie royale d’incen-die et contre le feu du ciel. Le 30 avril1840, une demi-page aussi est réservéeau Mémorial de Sainte-Hélène, en cetteannée du retour des cendres de Napoléonaux Invalides. Le 6 novembre 1846, l’an-nonce pour l’ouvrage intitulé Histoire del’armée et de tous les régiments s’offreun quart de page. Le 22 juin 1849,Le Caricaturiste, revue drolatique dudimanche, s’annonce aussi sur un quartde page. Le 1er septembre 1854 paraît ungrand avis sur toute la largeur de la pagepour la maison Jacques Gresson, courtieren bourse, dont les bureaux sont à Paris.Au Louvre, grand magasin parisien, seréserve une page le 3 août 1855 pour rap-peler son ouverture le 9 juillet. À partirde 1854, la publicité occupe deux pagessur quatre. Le 14 novembre 1856, LeVoleur illustré, journal universel, revuede la presse française et étrangère, appar-tenant à Émile de Girardin occupe toutela largeur du journal avec un placardd’une demi-page ; ensuite la surface utili-sée pour une annonce diminue au fur et àmesure que le nombre de produits pro-mus augmente ; en 1913, la plus petiteannonce pour les pilules suisses ne cou-vre pas plus de 2 cm2 sur la page du jour-nal. Le 17 octobre 1862, le chocolatMenier couvre deux colonnes. En 1914,l’annonce ne fait plus que 4 cm2. À partir de 1875, des insertions quittent larubrique  « annonces et avis » pour seretrouver en page deux au milieu des arti-cles d’information. Dès cette année 1875,on remarque souvent qu’une grandeannonce est reprise dans les numéros sui-vants dans une taille plus petite. Ainsipour les Magasins du Pont Neuf à Parisqui vendent des costumes pour hommes,jeunes gens et enfants, qui s’offrentd’abord une demi-page puis paraissentensuite sur un huitième de page. Lamême stratégie est adoptée par la farinemexicaine, remède contre les maladies depoitrine du docteur Benito Del Rio.

■ Des produits et services de plus en plus divers

On note une grande diversification desproduits promus dans L’Écho de la Lysqui reflète la hausse progressive duniveau de vie et l’évolution des préoccu-pations des lecteurs.

Livres et journauxPendant les premières décennies, lesannonces pour les livres et les journauxont la part belle. Elles disparaissent peu àpeu vers 1860. Les lecteurs et abonnés,souvent aisés et cultivés, formaient unecible de choix pour les éditeurs. Dès le20 octobre 1837, on lit une annoncepour le Dictionnaire général et gramma-tical ainsi que pour tous les ouvrages édi-tés par la société des dictionnaires. Le15 décembre 1837, c’est L’Almanach deFrance de 1838 qui est proposé au prixde 50 centimes pour un ouvrage de196 pages. Le Cabinet de lecture, journallittéraire est annoncé le 6 juillet 1838. Unlivre intitulé Néophysiologie du goût parordre alphabétique ou dictionnaire géné-ral de la cuisine française, à vendre chezles libraires est annoncé le 5 juillet 1839.Puis la semaine suivante et pour quelquesautres, le livre Poids et mesures, exposi-tion du nouveau système par AugusteToffart, bibliothécaire de la ville d’Aire,se vend chez Guillemin, libraire etrelieur, rue de Saint-Omer dans la mêmeville. Le 18 octobre, de la même annéeparaît l’annonce pour un traité Claudius,histoire, philosophie, sciences, voyages…,28 vol., in-24.

Banques et assurancesAssez nombreuses et variées au début dujournal, les annonces pour des transac-tions financières se raréfient en fin depériode. Le 26 juillet 1838, l’éditeur pro-pose une annonce pour des actions de laSociété houillère du Nord de la France.Cette société fait un premier sondage àFléchin, près d’Aire. Nous sommes dansles premiers temps de la grande épopéedu charbon ! Les annonces pour proposerune assurance contre les risques du tirage

au sort face aux obligations du servicemilitaire se multiplient. Ce système duremplacement durera jusqu’en 1872.

Matériel industriel et agricoleLe 24 avril 1857, la machine à vapeur faitson entrée, cette fois pour l’usage descierie mécanique et mouture de grains.Le 17 mai 1872, une annonce paraît pourdes moissonneuses fabriquées quai deJemmapes à Paris. Le 15 mai 1890, onannonce la vente de vélocipèdes en tousgenres et de toutes marques.

Habillement et soinLes vêtements étaient le plus souventconfectionnés à la maison si l’on en croitles nombreuses annonces pour des ventesde tissus. Aussi, peu à peu, les annoncespour des machines à coudre en ateliers ou à la maison apparaissent-elles.Cependant la vente par correspondance sefait jour. Au Petit Saint Thomas, enseigneparisienne publie, dès 1844, une annonceproposant des échantillons et le retour desarticles qui ne conviennent pas. La publicité pour les soins à la personnedevient fréquente. En 1856, plusieursannonces sont consacrées à la beauté des cheveux. Le 7 novembre, on vante L’eau tonique, parachute des cheveux, deChalmyn à Rouen. Le 28 novembre, c’estau tour de la Pommade des châtelaines oul’hygiène du Moyen Âge contre la chutedes cheveux et contre le blanchiment. Le9 août 1861, L’eau indienne promet desupprimer les cheveux blancs et de tein-dre en toutes nuances, à la minute, lescheveux et la barbe. Jusqu’en 1914, onvante aussi les produits Royal Windsor,Melrose et le régénérateur universel descheveux de Madame S.A. Allen.

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La bicyclette cherche à se démocratiser. Les cycles Peugeot avec leur emblème le lion de Belfort annonce dansLʼÉcho de la Lys. (Collection Bibliothèque dʼAire-sur-la Lys. Photo Véronique Goblet)

L’évolution de la publicité dans L’Écho de la Lys de 1837 à 1914

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L’évolution de la publicité dans L’Écho de la Lys de 1837 à 1914

AlimentationPeu présents en début de période, lesproduits alimentaires deviennent viteprédominants ainsi que les boissonsmême celles qui sont alcoolisées. Le8 janvier 1847, M. Bassecourt, brasseur,prévient les cabaretiers d’Aire qu’il leurfournira de la bière forte, rendue à domi-cile à raison de 15 F l’hectolitre ou 22 Fla tonne. Les produits agro-alimentairesfont leur apparition avec les marquesrépétées pour le chocolat  Menier, lebouillon Maggi. On vante aussi les pro-duits vendus dans les épiceries FélixPotin.

SantéLes médicaments et les annonces pour lasanté, présentes tout au long de lapériode, se multiplient encore dans lesannées 1900. La première publicité paruedans notre journal concernait les maux dedents. En 1890, ce sont les pères bénédic-tins qui illustrent l’annonce pour la gué-rison de ceux-ci. Le 13 janvier 1876, une

annonce étonne : elle vante les cigarettesindiennes au cannabis indica, soi-disantefficaces contre les plus violents accèsd’asthme, la toux nerveuse, l’enroue-ment, l’extinction de voix, les névralgies

faciales, l’insomnie et pour combattre laphtisie laryngée et toutes affections desvoies respiratoires. Dépôt dans les princi-pales pharmacies. Le 28 mars 1895,paraît une première publicité pour lepapier d’Arménie qui se répètera souventjusqu’en 1914. Le produit se vend encorede nos jours. Le 6 décembre 1906, c’estl’alcoolisme que La lazarine, sous formede poudre à répandre dans les aliments oula boisson, prétend combattre.

Des messages en mutationL’argument de la nouveauté est présentdans la mode vestimentaire. Cet argu-ment est bien sûr aussi avancé pour lesinventions. La propriété des marques defabrique sera définie par les lois du23 juin 1837 et du 27 juin 1857. Dès le5 octobre 1838, une annonce paraît pourun stylo à plume en cuivre, poli et bruni,vendu par correspondance au prix de15 F. L’annonce indique qu’il s’agitd’une découverte brevetée. Les argu-ments évoluent, ainsi en est-il pour lechocolat Menier. Le 11 juillet 1856, l’en-treprise communique sur le chiffre de savente annuelle qui dépasse le million dekilogrammes. Quinze jours plus tard, ellemet en avant l’usine hydraulique deNoisiel-sur-Marne, les médailles d’or etd’argent reçues, avec cet avis : Le succèsdu chocolat Menier suit toujours unemarche ascendante. La fabricationloyale et très soignée de ce produit, sesqualités alimentaires spéciales le faitrechercher autant par les malades quepar les vrais amateurs de chocolat.Consacrée première chocolaterie aumonde en 1893, l’entreprise Menierassure la moitié du chocolat en France.

1. Jean-Noël Jeanneney,  « Le duel Carrel-Girardin », L’histoire, n° 342, mai 2009, p. 88-89.

2. Pierre Kerlévéo,  « Une ville et son jour-nal», Nouvelles chroniques locales, revue histo-rique et culturelle d’Aire et de sa région, n° 4,1990, p. 21.

Un grand classique de la réclame : la guérison desmaux de dents. (Collection Bibliothèque dʼAire-sur-laLys. Photo Véronique Goblet)

Les contrefaçons, empruntant des nomsvoisins, sont nombreuses. À partir du10 janvier 1878, on voit simplementapparaître dans les colonnes du journalun petit encart avec le seul nom de lamarque et ces mentions : Évitez lescontrefaçons et exigez le véritable nom.Ces deux slogans sont répétés jusqu’en1914.

Le recours à l’illustration, fréquent à par-tir de 1880 sous forme de dessins impri-més, fait place à partir de 1905 à de véri-tables clichés. La réclame pour les pilulesPink innove en ce domaine.Au-delà de la Première Guerre mondiale,la publicité continuera dans les pages deL’Écho de la Lys. Mais d’autres médiasse joignent à la presse écrite pour diffuserla publicité ; la radio à partir de 1920 puisla télévision à partir de 1968 et depuismoins de deux décennies le web élabo-rent de véritables campagnes de publi-cité.

Marie OUDARMarie Oudar est professeur

d’histoire-géographie honoraire

Remerciements à Véronique Goblet, bibliothécaire de la ville d’Aire-sur-la Lys.

Belle mise en scène pour le papier dʼArménie.(Collection Bibliothèque dʼAire-sur-la Lys. PhotoVéronique Goblet)

La réclame au service dʼune grande cause, la luttecontre lʼalcoolisme. (Collection Bibliothèque dʼAire-sur-la Lys. Photo Véronique Goblet)

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J O U R N A L D E L A S O C I É T É D E S A M I S D E P A N C K O U C K E

La Société des Amis de Panckoucke poursuit sapublication d’une bibliographie sur la presse du Nord etdu Pas-de-Calais. Bernard Grelle est chargé de cetterubrique. Transmettez-lui les références que vous décou-vrez ([email protected], ou à Société des Amisde Panckoucke, 31, avenue de la Gare Wambrechies).

Soyez précis : auteur(s), titre de l’ouvrage (ou de l’article), lieu de publication et éditeur, (ou périodique dans lequelvous avez trouvé ces renseignements), date et page(s), illustrations, etc. N’omettez pas de préciser de quel jour-nal, magazine, revue il est parlé dans ce livre ou cet article, si ce renseignement n’apparaît pas clairement dans letitre, et le lieu d’édition du périodique. N’hésitez pas à joindre un commentaire explicatif.

GÉNÉRALITÉS SUR LA PRESSE RÉGIONALE■ Fourgeaud-Lagrèze, Napoléon, La Petite presse en pro-vince, C. Condon, Ribérac, 1869, In-16, 244 p. (Fourgeaud-Lagrèze donne là des conseils aux « journalistes » de pro-vince. À lire sur Gallica) ■ Matagrin, Amédée, De la nécessité d’une presse gouverne-mentale et des moyens de l’organiser librement pour ladéfense de l’ordre social, des institutions et de la politiqueimpériale, mémoire suivi de quelques considérations sur lasituation actuelle de la presse gouvernementale à Paris et enprovince, Périgueux : impr. d’A. Boucharie, 1862, In-8°, 32 p.(Matagrin était rédacteur en chef du Périgord. À lire surGallica)■ Nitot ! ; « Watkins : en lutte contre les médias de masse », LaBrique, n° 25, janvier 2011, p. 6 ■ Perrot, Michelle, « La presse syndicale des ouvriersmineurs (1800-1914) : notes pour un inventaire », LeMouvement social, n° 43, p. 93-115■ Rochetaillée, baron Bon Vital de, Rapport sur la presse deprovince, extrait des comptes rendus de l’assemblée généraledes Comités catholique de France, par M. le baron Vital deRochetaillée, Paris, Bureau du Comité catholique de Paris,1873, In-8°, 24 p. (M. le baron donne des conseils pour dimi-nuer le coût de fabrication de la presse de province. À lire surGallica)■ Ternisien, Xavier, « La recomposition de la presse quoti-dienne régionale va s’accélérer », Le Monde, 30 novembre2010, p. 12■ Ternisien, Xavier, « En panne de croissance, les journauxgratuits lorgnent sur la province », Le Monde, 30 novembre2010, p. 12■ {COMAREG-Hebdoprint} ; Petit, Jean-Marc, « La COMA-REG en liquidation judiciaire : près de 150 emploi supprimésdans la région », La Voix du Nord, 2 novembre 2011, p. 31■ {COMAREG-Hebdoprint}; Ternisien, Xavier, « Comareg, quiédite Paru-Vendu s’oriente vers la liquidation judiciaire », LeMonde, 3 novembre 2011, p. 20 [Tractations entre Hersant etgroupe Rossel]■ {COMAREG-Hebdoprint} ; « Mobilisation aujourd’hui dessalariés de l’imprimerie Hebdoprint », La Voix du Nord (éd.Lambersart-Lomme), 9 novembre 2012 ■ {COMAREG-Hebdoprint} ; Brun, Thierry, « Tendance“Scop” », Politis, 12 janvier 2012, p. 9-10■ {COMAREG-Hebdoprint}; Leroy, Sébastien ; «Hebdoprint/Comareg : la vie après Paru Vendu», Nord Éclair, 22 février2012, p. 8

ÉCOLES DE JOURNALISME■ {E.S.J. Lille} ; « Égalité des chances : à l’E.S.J. de Lille, desapprentis journalistes dans une prépa gratuite qui paie », LaVoix du Nord, 1er octobre 2010

■ {E.S.J. Lille} ; Leroy, Sébastien, « Leçon du patron de RadioFrance aux apprentis journalistes », Nord Éclair, 13 septembre2010, p. 9■ {E.S.J. Lille} ; « L’E.S.J. cherche une accroche pour mainte-nir l’équilibre », La Voix du Nord, éd. métropole, 4 février 2011,p. 4 ■ {E.S.J. Lille} : « Georges Potriquet président par intérim »,La Voix du Nord, 5 février 2011, p. 43 ■ {E.S.J. Lille} ; « L’E.S.J. se donne un président par intérim etse donnera un cap et un capitaine », La Voix du Nord, 5 février2011, p. 13

ÉGLISES ET PRESSE■ Rochetaillée, baron Bon Vital de, Rapport sur la presse deprovince, extrait des comptes-rendus de l’assemblée géné-rale des Comités catholique de France, par M. le baron Vitalde Rochetaillée, Paris, Bureau du Comité catholique de Paris,1873, In-8°, 24 p. À lire sur Gallica

LA PRESSE À L’ÉCOLE■ {Hem, collège Saint-Paul} ; Poizot, Agnès, « Saint-PaulExPress, nouvelle presse du collège [Saint-Paul de Roubaix] »,Nord Éclair, 21 février 2011, p. 17 ■ {Hem, collège Saint-Paul} ; Pigny, Alexandra, Houzé,Philippe photos, « D’articles en maquettes, ils ont fabriqué unvrai journal pour leur collège [Saint-Paul ExPress] », Le Nord,n° 246, mai 2011, p. 24■ {Roubaix, Citéo} ; Pommier, Delphine, « Des collégienss’immergent dans le monde de la presse », Nord Éclair,21 mai 2012, p. 12

HOMMES ET FEMMES DE PRESSEGénéralités■ {Visse, Jean-Paul} ; « La conquête de la dignité matérielle etmorale dans la presse régionale », Eulalie : Médiathèques,libraires et lecteurs en Nord-Pas-de-Calais, n° 5, 2008,p. 113-120

Femmes et hommes de presse par ordre alphabétique■ {Arnaud Dominique} ; « L’ermite du Gris-Nez » L’Écho duPas-de-Calais, n° 26, septembre 2001 ■ {Baron, Bernard} ; Vincent-Chaissac, Philippe, «Appareil-lage immédiat », L’Écho du Pas-de-Calais, n° 85, juin 2007■ {Bracke, Alexandre, dit Bracke-Desrousseaux} ; Beregeri,Théodore, « Bracke, socialiste et humaniste », L’Ours, n° 222,août-septembre 1991, p. 8-9■ {Cuvelier, Roland} ; « Avec Cuvelier à Tourcoing : Histoires devoir notre histoire », La Voix du Nord, 20 juillet 1990, p. 1-221■ {Delambre, Jean-Michel} ; Griffon, Marie-Pierre, « Jean-

■Bibliographiede la presse régionale

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Bibliographie de la presse régionale

J O U R N A L D E L A S O C I É T É D E S A M I S D E P A N C K O U C K E

Michel Delambre, humour noir sur page blanche », L’Écho duPas-de-Calais, n° 47, septembre 2003■ {Demora Steeven} ; « Deux journalistes de La Voix du Norddans le palmarès du Club de la presse », La Voix du Nord,21 octobre 2011, p. 5■ {Deshayes, Pierre}; Duhamel, Jean-Marie, « La mort dePierre Deshayes, Compagnon de la Libération, ancien direc-teur des ventes de La Voix du Nord », La Voix du Nord,27 octobre 2011, p. 6■ {Dumont, Serge} ; Dussart, Éric, « Serge Dumont, libéréaprès trois jours d’angoisse, raconte le chaos et la peur », LaVoix du Nord, 5 février 2011, p. 37■ {Estager, Jacques 1921-1987} ; De “Liberté” à “Liberté” entoute liberté, 156 éditoriaux de Jacques Estager, 5 octobre1945-14 mars 1985, Roubaix, Geai bleu éd., 2006 254 p., ill.,couv. ill. ; 27 cm, 2006 ■ {Herbart, Pierre} ; Renard, Paul, « Une vie romanesque :Pierre Herbart (1903-1974) », Eulalie, la revue, n° 5, octobre2010, p. 23■ {Jaoua, Ezzeddine} ; « Ancien journaliste à La Voix du Nord,Ezzeddine Jaoua n’est plus », La Voix du Nord, 30 décembre2010, p. 3■ {Lécuyer, Julien} ; « Deux journalistes de La Voix du Norddans le palmarès du Club de la presse », La Voix du Nord,21 octobre 2011, p. 5■ {Lecluyse, Frédéric} ; Osiris, « Frédéric Lecluyse, ou les tri-bulations d’un fait-diversier de choc », La Brique, n° 25, jan-vier 2011■ {Leroy, Jacques} ; Defrance, Christian, « Jacques Leroy,journaliste, homme de théâtre et écrivain », L’Écho du Pas-de-Calais, n° 103, septembre 2009■ {Mordacq, Eugène} ; Griffon, Marie-Pierre, « EugèneMordacq : voyage au bout de l’écriture », L’Écho du Pas-de-Calais, n° 61, février 2005■ {Toulemonde, Jacques} ; Tonnerre, Delphine, « JacquesToulemonde, un homme engagé, est décédé », Nord Éclair,7 décembre 2010 [co-fondateur de la revue L’enfant et la vie,en relation avec la méthode d’éducation Montessori] ■ {Werkman, Franck} ; Defrance, Christian, « Franck Werk-man respire à Salvecques », L’Écho du Pas-de-Calais, n°89,janvier 2008

JOURNAUX PAR TITRES1914-1918■ Reboux Mme, « Journaux aux pays envahis », Les Annales,n° 1771, 3 juin 1917

La presse sous l’Occupation, de 1939 à 1944■ {Les Petites Ailes} ; Mulliez, Jacques-Yves, Ma guerresecrète : Résistance pétainisme et presse clandestine, préf.Jacques Duquesne, Lille, Les Lumières de Lille, 2010, 187 p.■ {Les Petites Ailes} ; Vandenbussche, Robert, « Ma guerresecrète, Jacques Yves Mulliez », Eulalie, la revue, n° 5, octo-bre 2010, p. 7

1945 et après■ {La Brique}; « La Brique n’est pas… », La Brique, n° 24,octobre 2010, p. 3■ {La Brique}; Collectif de rédaction, « PQ(R). La Voix du Nordnous met au tribunal ! », La Brique, n° 26, p. 3■ {La Brique}; Collectif de rédaction, « Pour 3000 dollars deplus », La Brique, n° 30, janvier-février 2012, p. 3■ {La Brique}; Collectif de rédaction, « La Brique, trentième »,La Brique, n° 30, janvier-février 2012, p. 3■ {La Brique}; « Le procès de La Brique n’aura pas lieu… enfinpresque », La Brique, n° 30, janvier-février 2012, p. 17-18■ {Le Clip}; « Clap sur Le Clip », Nord Éclair, 3 octobre 1991(Le Clip : journal des employés de la mairie de Roubaix, en faitédité par la ville)■ {Le Saint-Paul ExPress}; Poizot, Agnès, « Saint-PaulExPress, nouvelle presse du collège [Saint-Paul deRoubaix] », Nord Éclair, 21 février 2011, p. 17 ■ {Pays du Nord Magazine, 1994-0000} ; « Spécial 100,150 pages ! », Pays du Nord Magazine : Tourisme-patrimoine-Art de vivre, n° 100, 150 p. (« Pays du Nord : qui sommes-nous», p. 6-16 ; «17 ans d’images, nos photographes sedévoilent », p. 20-41 ; «N° 1 : une voie emblématique duNord», p. 42-50■ {Quoi de neuf sur ma planète ?} ; « Quoi de neuf sur ma pla-nète ?», Val’Métropole, le magazine de votre communautéd’agglomération, n° 30, automne 2010, p. 19. (Quoi de neuf…est un trimestriel pour les 6-11 ans du Valenciennois)

■ Deuxième journée d’études de la Société des Amis de Panckoucke

Après la première journée d’études organisée par la Sociétédes Amis de Panckoucke en janvier 2011 aux Archives dépar-tementales du Nord, à laquelle une soixantaine de personnesparticipèrent, rendez-vous avait été pris pour une nouvelle ren-contre. Promesse tenue, celle-ci aura lieu en février 2013, cettefois dans le Pas-de-Calais. Le Conseil général accueillera cette deuxième journéed’études, ouverte à tous, mercredi 6 février, de 14 heures à 17 heures, à l’hôtel du département, salle L’Authie, rueFerdinand Buisson, à Arras. Après la présentation de notreassociation, cinq communications seront proposées pourdécouvrir de nouveaux « Aspects de la presse du Nord-Pas-de-Calais » :■ « Presse officielle et presse officieuse du diocèse d’Arras aux

XIXe et XXe siècles, dans les collections des archives diocé-saines » par Michel Beirnaert, ancien archiviste du diocèse

d’Arras, secrétaire de la Commissiondépartementale d’histoire et d’ar-chéologie du Pas-de-Calais

■ « La presse agricole » par Marie-Chris-tine Allart, enseignante et chercheuse

■ « Un journal arrageois pendant l’occu-pation : Le Courrier du Pas-de-Calais » par Jean-Paul Visse, présidentde la Société des Amis de Panckoucke

■ « La presse arrageoise au lendemain dela Libération » par Nelly Dupré, secrétairede l’Académie d’Arras

■ « La numérisation d’un corpus de presseancienne locale » par Esther De Climmer,directrice de la médiathèque et des Archives municipales de Rou-baix.

Chaque communication sera suivie d’une discussion avec le public.L’entrée est libre.

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Journée d’études

sur la presse régionale

organisée par

la Société des Amis

de Panckoucke

mercredi 6 février 2013

de 14 à 17 heures

à l’Hôtel du département

salle l’Authie

Rue Ferdinand Buisson à Arras

Renseignements : [email protected]

Entrée libre

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Revue éditée par la Société des Amis dePanckoucke, 31, avenue de la Gare 59118Wambrechies ■ ISSN : 1959-0245 ■ Directeur de

la publication : Jean-Paul Visse ■ Ont participé à ce numéro : Marie-Christine Allart,Roland Allender, Philippe Bootz, Bernard Grelle, Laurie Larvent, Gilles Guillon, MarieOudar, Jean-Paul Visse ■ Maquette : Triangle Bleu ■ Abonnements (3 numéros paran) : 15 € ■ Vente sur demande à la Société des Amis de Panckoucke ■ Avertissement :les textes sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs ■ L’ensemble doit êtreadressé à l’adresse électronique suivante : [email protected] ■ Les photos quiaccompagnent les textes doivent être libres de droit ■ Blog : www.panckoucke.org

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J O U R N A L D E L A S O C I É T É D E S A M I S D E P A N C K O U C K E

■ Un nouveau magazine automobileEdité par La Gazette Nord-Pas-de-Calais, un nouveau magazine gratuit, entièrement consacré à l’automobile, vient de faire son apparition dans la métropole lilloise. Sur trente-six pages,GrandLille.auto propose des « news », des essais des

derniers modèles, desconseils techniques,les dernières innova-tions high tech, etc.Ce trimestriel, tiré à40 000 exemplaires,est réalisé sous ladirection de PhilippeSchröder, ancien ré-dacteur en chef deLa Gazette, et a pourprincipal rédacteurGuillaume Cugier quiavait lancé au débutde l’année 2012 Terredu Nord.

■ Wéo change de rédacteur en chefWéo, la télé régionale « portée par La Voix duNord avec le soutien du Conseil régional »change de rédacteur en chef. En place depuisle lancement de la chaîne sur le canal 19 de laTNT en avril 2009, Jean-Marc Rivière estnommé rédacteur en chef adjoint du quotidienrégional où il avait été chef de la rédactionlocale de Lille. Il est remplacé par Pierre-Jérôme Montenot qui était rédacteur en chefadjoint.

■ L’ESJ de directeurLe 1er janvier 2013, Pierre Savary, directeurdes études, succèdera à Marc Cappelle à ladirection de l’École supérieure de journalismede Lille. Il sera secondé par Yves Renard,actuel directeur du développement.

■ Et l’AFP Lille de chefBernard Bollenbach, le chef du bureau lilloisde l’AFP, a passé le relais le 1er décembre, àPascal Mallet. Tout comme son prédécesseur, lenouveau directeur a été en poste à Washington,Bruxelles, Moscou et au desk parisien.Le bureau lillois compte sept rédacteurs et membresde l’encadrement, quatre photographes et deuxcameramen. Il couvre l’actualité de la région Nord-Pas-de-Calais et une partie des régions Picardie etChampagne-Ardennes.

■ Histoire de la presse française, de Théophraste Renaudot à la Révolution numérique

Voilà un livre que tous les abonnés de L’Abeille devraient avoirdans leur bibliothèque ! Patrick Éveno, enseignant à l’ESJ deLille et auteur d’une dizaine de titres consacrés à la presse, publieici un ouvrage de référence passionnant et agréable à parcourir.Écrit par un spécialiste, mais accessible au plus grand nombre, cebeau livre abondamment et richement illustré, retrace quatre siè-cles d’aventures. C’est le mot qui convient, car l’histoire de lapresse est une véritable saga avec ses héros et ses personnages del’ombre. Depuis Théophraste Renaudot, le précurseur, jusqu’àRobert Hersant ou Serge July, le monde des journaux a vécu unesuccession de bouleversements, de scandales, de succès etd’échecs. Ce sont ces péripéties que nous raconte Patrick Éveno.De multiples entrées de lecture permettent de passer d’un courtchapitre à un autre, retraçant l’histoire de certains titres disparusou oubliés, dressant une série de portraits d’hommes de presse,

comme le BoulonnaisJules Huret, spécialistede l’interview au débutdu XXe siècle, JeanProuvost, le patron de LaLainière de Roubaix,créateur de Marie-Claireet Paris-Match, ou Émi-lien Amaury, l’hommedu Parisien et deL’Équipe. Jamais ponti-fiant, l’auteur se base surdes faits et des donnéeséconomiques pour nousconter ces grands etpetits moments de l’his-toire des journaux fran-çais. On y croise les

grands noms du journalisme (Albert Londres, Kessel, Lazareff,Filipacchi), des éditorialistes de renom (Zola, Clemenceau,Jaurès), on y apprend pas mal de choses (les tirages des quoti-diens du XIXe siècle laissent rêveur), on s’en remémore d’autres(l’Affaire Dreyfus, les scandales de l’entre-deux-guerres), onrêve devant les unes historiques, les cartes postales, photos etdivers objets publicitaires… Vous l’aurez compris, ce bouquinest le cadeau idéal ! Deux regrets : l’auteur concentre son travailsur la presse parisienne et évacue la PQR en quelques pages ; ilmanque un index des noms cités pour pouvoir retrouver rapide-ment personnages et anecdotes…

Gilles GUILLON

Histoire de la presse française, de Théophraste Renaudotà la Révolution numérique, Patrick Éveno, Flammarion,272 pages, 39,90 €

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La vie des médias dans la région

Nos sociétaires publient…

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