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COPYRIGHT (C) - 1991 - École des Hautes Études Commerciales de Montréal
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ISSN 0840-853X
DÉSIR DE RAPPORTS COLLECTIFS DETRAVAIL CHEZ LES CADRES:
UNE ÉTUDE EMPIRIQUE
Désir
Après avoir passé en revue les principaux déterminants de la syndicalisation, les auteurs
présentent les résultats d'une étude empirique auprès de 3 067 cadres provenant de trois secteurs
industriels au Canada. Les résultats montrent que le désir d'adhérer à la syndicalisation chez les
cadres va au-delà des revendications traditionnelles de "pain et de beurre". Les considérations de
gestion, d'équité, le statut et le prestige ont plus d'influence sur le désir de recourir à l'action
collective que les facteurs plus traditionnels.
de rapports collectifs cadres:de travail chez les
une étude empirique
.œsUMÉ
INTRODUCI10N
Le syndicalisme de cadres est pratiquement absent de la scène nord-américaine. Ce type de
regroupement est par contre très présent dans les pays scandinaves et les Pays-Bas. En Suède, le
taux de syndicalisation des cadres oscillerait autour de 70 % alors que 25 % des managers
britanniques sont membres d'un syndicat (Bamber et Snape, 1989; Pool et al., 1983). n existe aussi
des formes de syndicalisme de cadres en France, en Allemagne, en Angleterre, en Italie (Athurs,
1983; Bamber, 1986; Delamotte, 1985; Pellegrini, 1989; Rojot, 1989). Au Canada, en règle générale,
le contexte juridique en vigueur ne permet pas aux cadres de se prévaloir des dispositions
permettant la négociation collective. Quelques employeurs ont accepté toutefois de reconnaître, aux
fins de négociation, des associations de cadres bona fide à l'intérieur de leur organisation. Au
Canada deux tendances se dégagent des expériences en matière de rapports collectifs chez les
cadres: en premier lieu la volonté de se regrouper s'est surtout manifestée chez les cadres du
secteur public et parapublic et dans les entreprises nationalisées; en second lieu les cadres de
premier niveau (agents de maîtrise ou contremaîtres) sont ceux qui se sont montrés les plus
favorables à la syndicalisation. Deux questions émergent alors: Qu'est-ce qui pousse des cadres
à vouloir adhérer à un régime de rapports collectifs de travail et à un syndicat? Est-ce que les
motifs qu'ils invoquent diffèrent des autres catégories d'employés?
Attitudes à l'égard des rapports collectifs de travail
On peut examiner les attitudes des cadres face aux rapports collectifs sous trois titres: 1)
satisfaction du contexte de travail et du contenu de l'emploi, 2) dimensions individuelles et
démographiques et 3) dimensions organisationnelles. Ce regroupement met l'accent sur les aspects
«micro» mais ils sont aussi valides que ceux qui s'appuient sur la discipline des chercheurs
(Gallagher et Fiorito, 1986).
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La satisfaction du contexte et du contenu de l'emploi
Les recherches sur la syndica1isation montrent que le «prédicteur» le plus utilisé est la
satisfaction à l'égard de l'emploi (Heneman et Sandver, 1983). Que les études aient été réalisées
auprès de travailleurs manuels ou de cols bleus (Herman, 1973; Getman et al., 1976; Bass et
Mitchell, 1976; Schreisheim, 1978; Kochan, 1979; Brett, 1980; Harrison et al., 1981; Youngblood et
al., 1984; Rosenstein et French, 1985), ou encore auprès de cols blancs, des professionnels ou des
employés de bureau (Imundo, 1973; Hammer et Smith, 1978; Warner et al., 1978; Kochan, 1979;
Smith et Hopkins, 1979; Youngblood et al., 1980; Maxeyet Mohrman, 1980; Gordon et Long, 1981;
Hill, 1985; Leigh, 1986), auprès d'employés du secteur scolaire, et en particulier auprès de
professeurs (Feuille et Blandin, 1974; Muczyk et al., 1975; Bigoness, 1978; Hammer et Berman,
1981; Allen et Keaveny, 1981; Zalesny, 1985), ou bien auprès du personnel infirmier (DeCotüs et
Le Louarn, 1981; Butell et Biggs, 1984), la même conclusion s'impose: le désir de se regrouper sous
la forme d'un syndicat varie suivant le degré d'insatisfaction des employés. D'après Heneman et
Sandver (1983), le niveau de satisfaction expliquerait entre 25 % et 50 % des variations dans le
comportement des employés. Premack (1984) estime pour sa part la contribution de la satisfaction
à 15 % tout au plus. Ces écarts ne laissent toutefois planer aucun doute quant à l'influence de la
satisfaction sur les attitudes et les comportements à l'égard des syndicats.
TI Y a plusieurs facettes à la satisfaction. Le défi consiste à identifier celle(s) qui exerce(nt)
le plus d'influence sur le désir de se syndiquer. Dans les faits deux dimensions s'opposent: la
satisfaction des conditions de travail (économique ou extrinsèque) et la satisfaction du contexte de
l'emploi (non économique ou intrinsèque). L'insatisfaction à l'égard des salaires, des avantages
sociaux et de la sécurité d'emploi est généralement plus étroitement associée au désir de se
regrouper sous la forme d'un syndicat que l'insatisfaction face au contexte de l'emploi (Herman,
1973; Feuille et Blandin, 1974; Muczyk et al,
Gordon et Long, 1981; Allen et Keaveny,
1986).
Ces résultats ne signifient pas que les aspects non économiques ou intrinsèques n'exercent
aucune influence. Certaines recherches, dont celles de Smith et Hammer (1978), Kochan (1979),
Youngblood et al., (1980, 1984), Maxey et Mohrman (1980), DeCotiis et Le Louam, (1981),
Hammer et Berman (1981), Deshpande et Fiorito (1989) et Dayal (1989) ont montré que
l'insatisfaction face au contexte de l'emploi peut être étroitement reliée au désir de se syndiquer.
La satisfaction à l'égard du superviseur, du contenu de l'emploi et de la carrière, le degré de
participation et d'influence sur les décisions, le stress psychologique et l'ambiguïté de rôles
représentent des facteurs non économiques reliés à la propension à se syndiquer.
Qu'en est-il des cadres? Les résultats à ce jour sont peu concluants. Certains chercheurs
ont observé une relation entre la satisfaction et le désir de se syndiquer chez des cadres (Lorain,
1983; Gerhart et Mawey, 1978; Maxey et Mohrman, 1980). D'autres études ont montré que la
satisfaction des cadres n'influence pas le désir de se joindre à un syndicat si l'effet entre les
déterminants est contrôlé (Lorain et Brunet, 1984; Pool et al, 1983). Ces premières études incitent
à penser que dans le cas des cadres la satisfaction sera aussi un facteur qui influence le désir de se
joindre à un syndicat.
Variables individuelles/ démo~aphiQues
Les études sur les attitudes et les comportements à l'égard des rapports collectifs de travail
ont attiré l'attention sur l'âge. TI existerait, selon certains, une relation négative entre l'âge et le
4
1975; Bigoness, 1978; Wamer et al., 1978; Brett, 1980;
1981; Rosenstein et French, 1985; Zalesny, 1985; Leigh,
désir de se syndiquer (Ladd et Lipset, 1973; Getman et al., 1976; Bigoness, 1978; Faber et Sales,
1980; Maxey et Mohrman, 1980; DeCotiis et Le Louam, 1981; Allen et Keaveny, 1981; Lowe et
Krahn, 1989). A l'opposé, Lawler et Hundley (1983) de même que Poole et al., (1983) ont trouvé
une relation positive entre l'âge et le désir de rapports collectifs de travail. Donc ce lien n'est pas
clairement établi.
Une autre variable individuelle est le niveau de scolarité. À notre connaissance seuls Bass
et Mitchell (1978), Deshpande et Fiorito (1989) et Leigh (1986) ont observé une relation négative
entre le niveau de scolarité et le désir de se syndiquer. Par ailleurs, l'étude de Gerhart et Maxey
(1978), réalisée auprès d'administrateurs de collèges, et celle de Lowe et Krahn (1989) auraient
décelé une relation positive entre le niveau de scolarité et le désir de se joindre à un syndicat.
Donc, l'effet de la scolarité sur le désir de se syndiquer n'est pas non plus établi.
D'autres ont examiné l'effet de la personnalité. À titre d'exemple, Cangemi et aL, (1976) et
Odewahn et Petty (1980) ont observé des distinctions entre les syndiqués et les non-syndiqués sur
certaines facettes de la personnalité. En outre, il semble qu'il existe des différences entre les
«internes» et les «externes»; ceux qui croient que les événements qui influencent leur vie sont le
fruit de la chance et du hasard sont plus favorables à la négociation collective que les internes, c'est-
à-dire ceux qui perçoivent que les événements qui les affectent sont en grande partie sous leur
contrÔle (Bigoness, 1978; Allen et Keaveney, 1981; Beutell et Bigg, 1984). En résumé les variables
individuelles telles que l'âge, la scolarité, la personnalité influencent le désir de se syndiquer, mais
le sens est difficile à prédire. De plus aucune étude ne permet de dire ce qui en est si on se limite
aux cadres.
s
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Facteurs organisationnels
Un certain nombre d'aspects reliés au statut de l'emploi peuvent amener les individus à
adopter des opinions très divergentes au sujet de la syndica1isation. Le niveau hiérarchique est l'un
de ces aspects. Les recherches de Gerhart et Maxey (1978), Allen et Keaveny (1981), Pool et al.,
(1983, 1984) et de Bambers (1986) suggèrent qu'il existe une relation négative assez marquée entre
le niveau hiérarchique et l'intention de recourir à la négociation collective ou à la syndicalisation.
Une autre variable importante à prendre en compte est le type de poste, c'est-à-dire le fait
d'oeuvrer dans un poste ou une structure «conseil» (staff) ou «opérationnel» (line). À notre
connaissance seuls Gerhart et Maxey (1978) ont étudié cette variable. lis notent que les cadres
"conseil" sont plus favorables à la négociation collective que les cadres en position "line", et que
cette variable apporte une contribution indépendante dans le modèle.
Même si le salaire a retenu l'attention de plusieurs chercheurs, les résultats vont dans tous
les sens. Par exemple, certaines études concluent qu'il existe une relation négative entre le niveau
de salaire et l'intention de se syndiquer (Getman et al., 1976; Bigoness, 1978; Faber et Sales, 1980;
Allen et Keaveny, 1981; Poole et al., 1984; Leigh, 1986; Bamber, 1986). Cependant, ni Lorain et
Brunet (1984), ni Hammer et Berman (1981) n'ont observé de relation significative. À l'opposé,
Lawler et Hundley (1983) et Hill (1985) ont trouvé pour leur part une relation positive entre le
salaire et la syndicalisation. Bref, les auteurs ne sont pas unanimes sur cette question.
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HYPOTIŒsES
Malgré les divergences de vue les études antérieures suggèrent certaines pistes de recherche.
Premièrement, les recherches suggèrent que la satisfaction globale et la satisfaction des conditions
de travail (salaire, avantages sociaux, sécurité d'emploi) influenceront fortement le sentiment vis-à-
vis les rapports collectifs de travail. De plus elles indiquent que la satisfaction à l'égard du contexte
de l'emploi (statut et prestige, travail en so~ la carrière, l'entreprise, les chances d'avancement, le
supérieur immédiat, la participation aux décisions) a une influence moindre sur le désir de se
joindre à un regroupement de cadres. En outre, les résultats antérieurs laissent penser qu'il existe
une relation négative entre l'âge, le niveau de scolarité, le niveau hiérarchique, le salaire et la
volonté de se joindre à un regroupement de cadres sous la forme d'une association ou d'un syndicat
de cadres. Par ailleurs, on peut penser que les cadres qui ont une personnalité de type "externe"
et qui occupent des postes "conseil" seront plus favorables à l'action collective que les cadres de type
"interne" et qui oeuvrent dans des postes "line". De plus, les résultats laissent penser que les cadres
qui exercent de grandes responsabilités de supervision seront moins enclins à favoriser la
syndicalisation des cadres.
MFmODOLOGIE
Trois grands secteurs de l'économie de la province de Québec au Canada ont été choisis
comme terrain d'enquête: en premier lieu l'industrie des pâtes et papiers, en second lieu le domaine
de l'alimentation et fmalement, le secteur public et parapublic.
Comme nous désirions connaître l'opinion de tous les cadres, les questionnaires ont été
distribués aux cadres de tous les niveaux, du superviseur de premier niveau (agent de maîtrise ou
contremaître) aux plus hauts dirigeants (président, vice-président, directeur général). Nous avons
Étant donné la dualité linguistique et culturelle de la population étudiée, une version française et
une version anglaise du questionnaire ont été élaborées. Celui-ci prenait près d'une heure à être
rempli. Les questionnaires furent généralement distribués par courrier interne. Le questionnaire
était accompagné d'une lettre d'un haut dirigeant de l'organisation les enjoignant à participer à
l'enquête, d'une lettre des auteurs de la recherche qui expliquait les objectifs de l'étude et
fournissait les assurances quant à la confidentialité des résultats, et d'une enveloppe de retour
affranchie et adressée à l'université. Au total, notre échantillon comprend 3067 cadres, répartis
dans 41 établissements, usines et sièges sociaux. Le taux de réponse varie entre 23 % et 42 %, selon
les cas. Les sujets sont en grande majorité de sexe masculin (87 %), de langue française (89 %), et
sont en moyenne âgés de 42 ans.
Instruments de mesure
Variables indépendantes: La satisfaction à l'égard de l'entteprise, du salaire, des chances
d'avancement, du supérieur immédiat et du travail en soi a été mesurée à l'aide du "managerial
scale" de Warr et Routledge (1969). Les indices de fiabilité de la version française de cet instrument
se comparent assez bien à ceux observés par ces auteurs ( salaire .72 contre .74, promotion .78
contre .80, travail en soi .81 contre .81, supérieur immédiat.86 contre .86, entreprise .82 contre .80).
Une mesure de l'importance accordée aux conditions de travail a été développée. L'instrument
évalue, sur une échelle de cinq points variant "de la plus grande importance" à "pas important",
l'importance accordée au salaire, aux avantages sociaux, aux conditions matérielles et à la sécurité
d'emploi. La perception d'équité salariale interne (comparativement aux employés de la base
syndiqués) et externe (en comparaison à des personnes dans d'autres organisations) a été mesurée
par une échelle de 7 points variant de "considérablement moins élevé" (1) à "considérablement plus
élevé"(7). Les répondants indiquaient pour chacune de ces comparaisons la perception de leur
salaire actuel et, dans un second temps, la perception de ce que devrait être leur salaire. La
perception d'équité interne et externe a été obtenue par la différence entre les deux réponses
fournies par le répondant. La perception de statut et de prestige des cadres fut évaluée grâce à un
instrument développé par Crozier (1975), lequel comprend trois items sur une échelle de type
Likert de quatre points. Nous avons regroupé les réponses arm de créer une échelle qui varie de
trois à douze: trois indique que le cadre n'a pas l'impression d'avoir perdu du statut et du prestige.
Pour mesurer le trait de personnalité «internalité/externalité», nous avons eu recours à l'instrument
de Lesage et Rice (1977). L'indice de fiabilité observé est toutefois faible, soit .44. La satisfaction
à l'égard de la carrière fut évaluée à l'aide d'une échelle développée par Boisvert (1977).
L'instrument comprend cinq items sur une échelle de type Likert allant de "absolument vrai" à
"absolument faux". Le degré de fiabilité de cet instrument est de .81. Pour mesurer le sentiment
de sécurité d'emploi, nous avons utilisé une question. L'échelle de réponse comportait cinq points:
de "très vrai" à "tout à fait faux". L'âge des répondants était directement codé. Quant au niveau de
scolarité, celui-ci a été mesuré et codé de la façon suivante: 1 = études primaires, 2 = études
secondaires, 3 = études techniques post-secondaires, 4 = études collégiales, 5 = baccalauréat
universitaire, 6 = maîtrise, 7 = doctorat.
En ce qui a trait aux variables organisationnelles, le type de poste a été codé de façon
binaire, soit: 1= "conseil", 2= "line". Pour évaluer le degré de participation aux décisions, les
répondants devaient indiquer jusqu'à quel point ils participent aux décisions concernant leur travail
et les diverses politiques organisationnelles telles que la formation, la rémunération, les promotions
et l'évaluation du rendement. L'instrument comporte une échelle de type Likert de cinq points
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variant de "d'autres décident pour moi" à "je décide complètement". Nous avons regroupé les
réponses obtenues pour chacune des décisions de manière à créer un indice ou un score de
participation à la décision. Nous avons mesuré et codé par ailleurs le niveau hiérarchique à l'aide
d'une échelle de sept niveaux, laquelle comprend les principaux niveaux suivants: 1 = président,
directeur général, 3 = niveau intermédiaire, 7 = premier niveau de supervision. Une mesure de
responsabilités de gestion ou d'autorité, celle-ci évaluée en termes de subordonnés directs, a été
testée. Nous avons aussi demandé aux répondants d'indiquer le nombre d'heures travaillées dans
une semaine typique. Finalement, le niveau de salaire des répondants a été identifié par des
tranches salariales de 5 000 $ variant entre 15 000 $ et 60 000 $ et plus.
Variables dépendantes: Les attitudes à l'égard des rapports collectifs de travail ont été
évaluées à l'aide d'une échelle de type Guttman. Cet instrument mesure l'intensité du désir
d'adhérer à un regroupement de cadres. L'échelle comprend sept questions dont l'intensité va en
s'accroissant. En voici quelques exemples: "j'accepterais de devenir membre d'une association de
cadres", "je serais favorable à la syndicalisation des cadres de mon organisation", "je serais prêt à
être membre de l'exécutif d'un syndicat de cadres". Pour chacun des énoncés, les répondants
n'avaient qu'à répondre par "oui" ou "non". L'échelle d'intensité varie donc de 7 à 14 : 7 indique que
le sujet est défavorable à un regroupement de cadres quel qu'il soit, alors qu'une valeur de 14
signifie que le sujet est très favorable à la syndicalisation, à un point tel qu'il se dit prêt à diriger
un syndicat de cadres. Les analyses statistiques ont permis d'observer un coefficient de
reproductibilité de .84 sur ce même instrument de mesure.
ANALYSES STA11S11QUES
Mm de vérifier la relation entre les déterminants et le désir de rapports collectifs de travail
nous avons eu recours à la corrélation de type Pearson. Pour déterminer l'importance relative de
chacun des déterminants et tester l'efficacité du modèle, nous avons utilisé l'analyse de régression
multivariée. L'examen des intercorrélations entre les variables montre que celles-ci oscillent entre
.00 et .60. On peut ainsi croire que la «multicollinéarité» n'est pas très élevée.
RÉSULTATS
Le tableau 1 présente les moyennes, les écarts types et les «intercorrélations» entre les
variables de cette étude. On constate que les variables les plus liées au désir de se regrouper sont
des variables à caractère subjectif et associées à la gestion: la satisfaction à l'égard de l'entreprise
(r, -.25), de la carrière (r, -.22), des promotions (r, -.22), la satisfaction générale (r, -.19), et le
sentiment de perte de statut et prestige (r, .18) et d'insécurité (r,.19).
Le tableau 2 présente les résultats de l'expérimentation de deux modèles de régression. Le
premier modèle estime les principaux paramètres sans contrÔler l'influence entre les «prédicteurs».
Cette fonction se révèle significative (F = 6.56 < .001) et le modèle explique 13 % des variations. À
une exception près, tous les «prédicteurs» significatifs dans le premier modèle le demeurent quand
on effectue une analyse de régression hiérarchique par étapes successives (stepwise). Le modèle
reste significatif (F= 15.64 <.001) et la variance expliquée
12 %. La régression attire l'attention sur la scolarité (B =
l'entreprise (B = -.115, F = 42.54
32.53, <.001) et les heures de travail (B= -.104, F= 27.45
11
demeure relativement inchangée, soit
<.001), la satisfaction de
.091, F=
perception d'équité interne
et externe, la satisfaction de carrière, le type de poste occupé et le degré de participation aux
décisions apportent une contribution indépendante mais modeste.
DISCUSSION
Notre recherche a montré qu'il existait chez les cadres une relation très étroite entre la
satisfaction et le désir de se regrouper sous la forme d'un syndicat. La distinction apportée entre
différents types de facteurs prend une résonance particulière dans la population étudiée. TI semble
que chez des managers l'intensité du désir de se regrouper dans un syndicat et de militer en sa
faveur soit plus influencée par des considérations de gestion que par les conditions de travail. Notre
recherche montre que c'est la satisfaction à l'égard de la gestion de l'entreprise, des carrières et du
processus décisionnel plutôt que la satisfaction des salaires, de la sécurité d'emploi ou encore
l'importance accordée aux conditions de travail qui influence le désir de se joindre à un syndicat
de cadres. Par conséquent, les cadres se distinguent nettement des cols bleus et des employé( e)s
de bureau en ce qui a trait aux motivations à se joindre à un syndicat.
Les résultats impliquent cependant que l'aspect salarial demeure important. Ce n'est pas le
niveau de salaire, ni la satisfaction du salaire en soi qui influencent les attitudes des cadres à l'égard
de la syndicalisation, mais plutôt la perception d'iniquité par rapport aux subalternes: les cadres
souhaitent un plus grand écart entre leur salaire et celui des subalternes ou des employés de la base
syndiqués.
À l'instar des non-cadres, les cadres semblent voir dans l'action collective un moyen efficace
éaliser des gains au niveaupOUf f.
la meilleure façon d'améliorer leur position dans la structure salariale est de se regrouper avec des
12
rial. Les cadres en arrivent probablement à la conclusion quesala
13
semblables. L'impression qui se dégage est que pour être bien payé, payé équitablement, il faut
changer les règles, les formes et les politiques de rémunération, pour ce faire il faut adhérer à un
regroupement de cadres sous la forme d'un syndicat. Cette interprétation s'appuie sur la théorie
de «l'instrumentalité» dont plusieurs auteurs ont déjà démontré l'importance dans les modèles de
syndica1isation (Kochan, 1979; DeCotiis et Le Louarn, 1981; Brett, 1980; Youngblood et al., 1984;
Zalesny, 1985; Deshpande et Fiorito, 1989).
Plus les cadres estiment avoir perdu du statut et du prestige plus ils sont favorables à une
association et à un syndicat de cadres. Ce résultat n'est pas surprenant car on peut penser que ce
sentiment de dévalorisation sociale est fondamental dans la perception de ce qui différencie un
cadre d'un employé syndiqué; plus on perçoit que l'écart est mince plus on estime avoir perdu du
statut et du prestige. Or, la perte de statut et prestige est souvent liée à l'aspect salarial (Bamber,
1986), et à la perception de perdre ou de ne pas avoir assez d'influence (r= -.19). Le fait de
prendre part aux décisions rehausse non seulement le sentiment de statut et prestige, mais aussi
le sentiment de faire partie de la direction et d'être vraiment comme un cadre. On peut interpréter
les résultats en disant que plus les cadres se perçoivent comme des "cadres exécutants" qui ne font
qu'appliquer les décisions et les directives de la haute direction, plus ils sont favorables à l'action
collective, et plus ils voient le syndicat comme un moyen pour établir une base de pouvoir face à
la direction supérieure (Walker et Lawler, 1979; Hammer et Berman, 1981).
L'impact des variables organisationnelles n'est pas aussi clair que nous l'anticipions. Au
premier examen le niveau hiérarchique, la supervision exercée et le niveau de salaire ne semblent
pas influencer la propension à la syndicalisation. Un examen plus attentif met en évidence le fait
que les cadres supérieurs sont moins enclins à adhérer à un syndicat que les cadres de premier
14
niveau. Ces résultats vont dans le même sens que ceux de Bamber (1986), Poole et al., (1983,1984)
et Gerhart et Maxey (1978). Toutefois une analyse de variance démontre que les cadres les plus
favorables à l'action collective sont les cadres intermédiaires, ce qui expliquerait en partie la faible
relation linéaire que nous avons observée entre ces deux variables. Les recherches futures devront
donc porter une attention particulière aux diverses catégories de cadres.
Nos résultats confIrment l'influence de la position sur les attitudes à l'égard de la
négociation collective mais dans le sens opposé des résultats de Gerhart et Maxey (1978): notre
étude révèle que les managers opérationnels (line) se montrent plus favorables à la syndicalisation
que les cadres conseils. Ce résultat tient sans doute à la présence des cadres d'usine par opposition
aux cadres qui évoluent dans des sièges sociaux (Tremblay et Toulouse, 1990) .
Finalement, il apparaît surprenant que les heures de travail influencent de façon significative
le sentiment pro-syndical: moins les cadres travaillent d'heures plus ils se disent favorables à la
syndicalisation. Ce résultat peut s'expliquer par un manque de motivation au travail, soit par une
manifestation d'insatisfaction au travail, soit par un statut d'emploi inférieur ou un faible niveau de
responsabilités, soit par un désir de protéger des droits acquis. Des résultats préliminaires suggèrent
que cette interprétation soit vraie surtout dans le secteur public.
Parmi les «prédicteurs» individuels, seul le niveau de scolarité apporte une contribution
significative et relativement importante à l'explication du désir de se regrouper en association ou
en syndicat: ni l'âge, ni la personnalité ne semblent influencer le désir de se joindre à un
regroupement de cadres. Cela tend à confirmer et à appuyer, du moins en partie, les recherches
antérieures qui ont conclu qu'il n'existe pas de sous-groupes particuliers plus favorables à la
Les résultats indiquent que les personnes les plus scolarisées sont aussi celles qui veulent
le plus se réunir en association, en syndicat. Même si Gerhart et Maxey (1978) ont trouvé un
résultat semblable il faut essayer de clarifier le rôle de la scolarité. Les analyses préliminaires
montrent que ce résultat serait typique des gestionnaires du secteur public, lesquels ont un niveau
d'instruction passablement plus élevé que les cadres du secteur privé. De plus on peut émettre
l'hypothèse que le niveau de scolarité influence positivement l'image et l'importance sociale du
syndicat (Lowe et Krahn, 1989), alors que pour les moins scolarisés le désir de rapports collectifs
serait relié plutôt à la perception d' «instrumentalité».
En ce qui a trait à l'âge, on note l'existence d'une relation non linéaire entre l'âge et la
propension à la syndicalisation: les cadres les plus jeunes et les cadres plus âgés sont plus favorables
à la syndicalisation. Ce résultat s'explique sans doute par le stade de carrière: c'est dans la période
entre 35 et 45 ans que la progression de carrière est la plus rapide (Hall, 1976), donc on ressent
moins le désir de se regrouper à cette étape de la carrière. Le lien entre les stades de carrière et
les attitudes à l'égard de la syndicalisation est un sujet qui devrait être également exploré.
CONCLUSION
Les facteurs qui influencent le désir de se joindre à un syndicat sont fondamentalement
différents chez les cadres par comparaison aux employés salariés cols blancs ou cols bleus: les
derniers se joignent à un syndicat pour améliorer leurs conditions de travail alors que les cadres
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veulent adhérer à une association, à un syndicat parce qu'ils sont insatisfaits face à l'entreprise, à
leur statut et à leur rôle dans la gestion. La perception de ce qui "leur arrive" apparaît beaucoup
plus importante que les préoccupations traditionnelles "de pain et de beurre" pour expliquer le désir
d'adhérer à un regroupement de cadres sous la forme d'une association et d'un syndicat. Notre
recherche révèle qu'il est faux de penser que les plus instruits sont défavorables à la syndicalisation.
Ce résultat nous incite à étudier et à comparer les motifs de syndicalisation chez les cadres, les
professionnels (cols roses), les employés de bureau (cols blancs) et les cols bleus non syndiqués au
sein d'une même organisation. Une telle initiative permettrait de clarifier les différences associées
au statut des employés.
L'importance du sentiment de statut et de prestige suggère une piste de recherche
intéressante. n serait nécessaire d'identifier comment les managers établissent leurs comparaisons,
et avec qui ils se comparent: les employés syndiqués, leurs subalternes, leur patron immédiat, leurs
collègues ou des cadres dans d'autres organisations. Dans la démarche il faudrait garder à l'esprit
que la dynamique des cadres intermédiaires semble fort différente de celle des cadres de premier
niveau (contremaître, superviseur); ils ne sont pas "la direction" et sont loin des "opérations".
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