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Revue européenne des migrations internationales De quelques préconstruits de la notion de diaspora à partir de l'exemple antillais Christine Chivallon Citer ce document / Cite this document : Chivallon Christine. De quelques préconstruits de la notion de diaspora à partir de l'exemple antillais. In: Revue européenne des migrations internationales, vol. 13, n°1,1997. pp. 149-160; doi : https://doi.org/10.3406/remi.1997.1536 https://www.persee.fr/doc/remi_0765-0752_1997_num_13_1_1536 Fichier pdf généré le 09/01/2019

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Revue européenne desmigrations internationales

De quelques préconstruits de la notion de diaspora à partir del'exemple antillaisChristine Chivallon

Citer ce document / Cite this document :

Chivallon Christine. De quelques préconstruits de la notion de diaspora à partir de l'exemple antillais. In: Revue européenne

des migrations internationales, vol. 13, n°1,1997. pp. 149-160;

doi : https://doi.org/10.3406/remi.1997.1536

https://www.persee.fr/doc/remi_0765-0752_1997_num_13_1_1536

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ResumenPrefiguraciones sobre la noción de diáspora a partir del ejemplo antillanoChristine CHIVALLONLas investigaciones francófonas pocas veces abordan la experiencia antillana, ya sea de lassociedades del Caribe como de los espacios contemporáneos de la migración, a partir de la noción dediáspora, al contrario de los escritos anglófonos que se muestran poco reticentes a la hora de utilizarel término. En ambos casos, la elección del concepto remite a una representación particular del mundoantillano cuya construcción no sólo pone en juego los procedimientos de modelización teórica.También se carga de las intenciones del investigador y de los valores atribuidos a cualquierinterpretación en función de los momentos y de los lugares de producción de las teorías.

RésuméDe quelques préconstruits de la notion de diaspora à partir de l'exemple antillaisChristine CHIVALLONL'expérience antillaise, qu'elle fasse référence aux sociétés de la Caraïbe ou aux espacescontemporains de la migration, n'est que rarement abordée par la recherche de langue française àpartir de la notion de diaspora, à l'inverse des écrits de langue anglaise qui montrent peu de réticenceà employer le terme. Dans l'un ou l'autre cas, le choix conceptuel renvoie à une représentationparticulière du monde antillais dont la construction ne met pas seulement en jeu des procédures demodélisation théorique. Elle se charge aussi des intentions du chercheur et des valeurs attribuées àtelle ou telle interprétation en fonction des moments et des lieux de production des théories.

AbstractSome Preconstructs of the Notion of Diaspora Starting with the Caribbean ExampleChristine CHIVALLONResearch in French into the West Indian experience, whether it refers to societies in the actualCaribbean or the contemporary spaces of migration, rarely takes its starting-point from the notion of thediaspora, contrary to writings in English, which are not averse to using this term. In either case, theconceptual choice reflects a particular portrayal of West Indian society, which is not built solely onprocedures of theoretical modelization. It also takes into account the researcher's intentions and thevalues attributed to different interpretations, in terms of the times and places when and where thetheories are developed.

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De quelques préconstruits

de la notion de diaspora

à partir de l'exemple antillais

Christine CHIVALLON*

L'objet de ce texte est de mettre en perspective deux approches qualifiées ici hâtivement de « française » et de « britannique »1, développées plus ou moins récemment à propos de l'univers antillais. Les divergences ou simplement les différences dont rendent compte ces approches renvoient à la notion même de diaspora qui se trouve être mobilisée de façon spécifique dans l'un et l'autre contexte académique. L'utilisation ainsi faite de la notion soulève diverses questions au premier rang desquelles se trouve la vaste interrogation sur la production de nos catégories de pensée. La façon dont se meut l'objet antillais est-il le résultat de pratiques scientifiques mieux à même de pouvoir en saisir la « véritable » réalité ou bien exprime-t-elle des sensibilités culturelles différentes, la mise en jeu par les chercheurs de cadres préétablis, voire d'une tradition académique, resurgissant dans l'usage du concept. En d'autres termes, l'univers antillais ramené à la notion de diaspora et à ses différentes acceptions, nous parle-t-il d'une réalité sociale ou de celui qui en construit les formes d'intelligibilité ? Cette question apparaîtra sans doute naïve tant il est clair que la réponse est hors de portée à moins de croire qu'il est possible de statuer définitivement et facilement sur la validité de nos démarches. Le propos de ce texte n'est d'ailleurs pas de trancher entre l'alternative - d'un côté l'affirmation de l'adéquation du concept, de l'autre l'affirmation des subjectivités portées par le concept - mais d'attirer l'attention sur ce versant de nos constructions théoriques là où elles montrent l'intervention de nos valeurs et de nos intentions sociales. Il faut dire que la production scientifique autour du monde antillais se prête particulièrement bien à cet exercice, avec les enjeux sociaux

* Chargée de recherche, TIDE-CNRS, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, Esplanade des Antilles, 33405 TALENCE Cedex, France.

1 Je suis consciente de la facilité d'une telle désignation d'autant qu'elle inclut de part et d'autre la production des intellectuels antillais. On comprendra qu'il s'agit plutôt de délimiter deux espaces de déploiement du discours scientifique.

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manifestes qu'exprime la connaissance - ou la reconstruction - de tel ou tel aspect de la réalité antillaise. De même les écarts franco-britanniques actuels, avec l'éclosion des mouvances post-modernes de l'autre côté de la Manche, fournissent-ils une occasion propice pour mieux contextualiser nos savoirs scientifiques.

MIGRATION ANTILLAISE ET NEGATION DE

L'EXPÉRIENCE DIASPORIQUE

Pour réduire à l'essentiel les différences entre les deux espaces scientifiques à propos du monde antillais, on dira que côté français la conception dominante relie le cas antillais aux caractéristiques d'une population migrante tandis que côté britannique le modèle diasporique est largement mobilisé en offrant par ailleurs des nuances notables par rapport aux significations qu'il revêt en général dans la recherche française.

Concernant l'espace académique français, il n'existe pas de travaux consacrés véritablement à une réflexion théorique qui mettrait en relation l'expérience antillaise et le modèle diasporique. La recherche sur le monde antillais s'est plutôt quantitativement affaiblie en rapport avec l'engouement qu'elle a pu connaître dans les années 70 et comparativement à la masse de travaux britanniques sur la question. Il est vrai que dans ce dernier cas, les spécificités antillaises se perdent souvent dans les « racial » studies où la catégorie « black » l'emporte sans nuance sur toute autre distinction.

On trouve bien des travaux français qui utilisent le terme diaspora tels ceux d'Alain Anselin (1990) consacrés au vécu migratoire des originaires de Martinique et Guadeloupe installés en France. Mais dans ce dernier cas, le recours au mot ne semble être que de l'ordre de la métaphore, comme pour accentuer, par l'analogie, les traits partagés avec les diasporas réputées authentiques. L'ouvrage d' Anselin porte d'ailleurs le titre significatif de « L'émigration antillaise ». Dans l'ensemble, la présence des Antillais dans un espace transnational fait donc référence à l'émigration, terme générique que l'on retrouve dans la plupart des textes réunis par la Revue Européenne des Migrations Internationales pour son numéro spécial sur « Les Antillais en Europe » (1987)2 et dans les écrits les plus récents produits surtout dans le champ de la démographie ou de la « démo-géographie » (Byron et Condon, 1996 ; Condon et Ogden, 1991 et 1996 ; Domenach et Picouet, 1992)3.

2 II s'agit en particulier des textes de F. Constant, M. Giraud et C.V. Marie, Y. Charbit, textes réunis par Y. Charbit et H. Domenach.

3 Je signale que la question de la dénomination des populations antillaises migrantes a été soulevée au séminaire coordonné par M. Giraud et R. Grosfoguel (« Rencontre sur les populations caraïbéennes en Amérique du Nord et en Europe », Paris, Maison des Sciences de l'Homme, 20-21 juin 1996). Sur ce point, c'est en termes de processus d'identification redevables à la fois des groupes antillais et des sociétés d'accueil, que les significations du choix du terme (diaspora, minorité, ethnique, citoyens nationaux, transnationaux...) ont été abordées.

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Si l'on s'attarde maintenant du côté des travaux consacrés aux diasporas, la rareté du recours au cas antillais comme illustratif d'une expérience diasporique est tout aussi notable. C'est le cas pour l'ouvrage collectif coordonné par Michel Bruneau où se côtoient, sous le même concept fédérateur, Chinois, Juifs, Grecs, Turcs, Libanais, Arméniens, Assyro-Chaldéens, mais d'où sont absents ceux que Gabriel Sheffer (1993) a pu désigner par ailleurs comme « un cas limite » (borderline case), c'est-à-dire les membres de la diaspora Afro-Américaine répartis entre les Etats-Unis, la Caraïbe et l'Europe. La même remarque concerne aussi l'ouvrage sur les « Réseaux de Diasporas » publié, sous la direction de Georges Prévalakis (1996), à la suite du colloque international sur les diasporas tenu à Chypre en 19934.

C'est pourtant l'ensemble de population formé par les descendants des esclaves noirs amenés sur le continent américain et dans les îles antillaises qui est pris en compte par Chaliand et Rageau (1982) pour être rangé parmi les « diasporas classiques », non sans que les auteurs se posent d'ailleurs la question de la pertinence d'une telle classification. Dans ces entreprises fort rares d'association du monde antillais au modèle diasporique, il faut aussi mentionner la typologie des diasporas proposée par Alain Médam (1993) où le cas antillais se trouve être pris en compte. Mais il entre comme dans une catégorie périphérique, celle d'une diaspora encore fluide et précaire, qui n'en renforce que plus les caractères des diasporas classiques où prévaut l'étonnante durée de l'unité du corps social. Il n'est donc guère trop risqué de conclure ce rapide survol sélectif des travaux français en affirmant une réticence manifeste à l'emploi de la référence diasporique pour conceptualiser les manifestations du social antillais5.

On aura pu voir se profiler au cours de ce survol, une confusion entre les moments de l'expérience migratoire antillaise. Le premier moment est celui de la traite et de l'arrachement forcé à l'Afrique et qui tient lieu de point d'origine à la dispersion. Son identification valide un des critères que certains tiennent pour nécessaire à l'adéquation au modèle diasporique, à savoir l'existence d'un traumatisme auquel succède l'éparpillement collectif. Encore qu'ici, le génocide se double d'un ethnocide et renvoie à une spécificité des Amériques Noires. Le deuxième moment est celui de l'émigration récente des populations antillaises vers les anciennes métropoles coloniales européennes et l'Amérique du Nord, USA et Canada. C'est aussi le moment de la rencontre entre insulaires et continentaux à la même trajectoire historique, dans les zones ségréguées des grandes villes britanniques et américaines. Mais pas plus l'un que l'autre de ces moments n'est retenu pour donner force à l'interprétation diasporique.

4 Seul le texte de A.L. Sanguin publié dans ce même ouvrage fait référence aux populations antillaises. Mais l'objet de cette contribution est de repérer au sein de la grande métropole canadienne de Montréal, les confluences de réseaux diasporiques divers où le cas des Antillais figure parmi d'autres.

5 J'ai pour ma part utilisé récemment la notion de diaspora - dans une acception proche de celle des auteurs britanniques - pour rendre compte de l'expérience de groupes antillais au Royaume-Uni (Chivallon, 1995). Une réflexion sur les enjeux épistémologiques que représente la recherche d'une adéquation avec cette notion est fournie dans un texte plus récent (Chivallon, 1997a).

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C'est ce qui fait l'une des différences fondamentales avec l'approche britannique où ces deux moments sont tenus pour constitutifs du fait diasporique, le premier pour la violence de la contrainte à l'éclatement qu'il impose, le second pour le renforcement de l'existence d'un espace transnational de circulation qu'il occasionne.

On peut dès lors se poser la question de ce qui fait obstacle au sein de la recherche française à l'emploi de la notion de diaspora pour qualifier le cas antillais. La définition de la « diaspora » rencontre un assez grand consensus. Elle s'appuie sur la reconnaissance du maintien, par delà la dispersion d'une identité culturelle, résultat d'une conscience d'appartenance à un collectif que renforce l'expérience douloureuse du moment historique fondateur. La permanence de ce lien communautaire est redevable de la production de singularités, qui sans déboucher forcément sur le culte des particularismes, comme nous le dit Martine Hovanessian (1995), travaille néanmoins dans le sens d'une continuité historique unificatrice et de la transmission d'une mémoire communautaire jouant sur la dialectique du Nous/Eux. Là où la diaspora fait la démonstration d'une spécificité, c'est précisément dans cette capacité à produire une unité durable non redevable du principe de l'enracinement : une identité qui déjoue le principe de la frontière et s'affranchit de l'assignation identitaire à résidence. Si du territoire il y a dans ces constructions communautaires, c'est à l'état de repères mnémoniques, lieu seulement exploré par la mémoire, « patrie des ancêtres » où s'inscrit l'origine commune. L'expérience « physique et charnelle » des espaces au sein des sociétés d'accueil font preuve de ce qu'Emmanuel Ma Mung (1995) désigne par « l'exterritorialité », c'est-à-dire une « vision de soi en diaspora » faite de la « conscience d'une impossibilité de la territorialisation » qui ramène les lieux parcourus et fréquentés à une « multitude d'équivalents ». Dans cette perspective, on comprend que le modèle diasporique serve si souvent de miroir à celui de l'Etat-nation. Là où le premier sait conjuguer identité et transnationalité, le second se crispe sur l'équivalence postulée entre identité et territoire. Il y a bien dans cette conception dominante de la diaspora, la reconnaissance d'un « glissement de l'identification à l'entité nation-territoire vers l'identification à l'entité communauté-ethnie » (Ma Mung, 1995, p. 168). Nous ne sommes pas très loin en définitive de la notion de « protonation » développée par Eric Hobsbawm (1990) : la construction d'une « ethnicité » étrangère, voire opposée, à la conception de la nation de l'état territorial moderne.

Une fois transposée dans l'univers antillais, on comprend très vite pourquoi cette approche de la diaspora ne convient pas. Pour s'en tenir seulement aux recherches menées sur les Antilles françaises et à quelques figures dominantes des sciences sociales, l'interprétation la plus répandue sur les manifestations de l'identité antillaise pourrait être ramenée au constat brutal de l'absence même de cette identité. Quelques formulations célèbres appuient ce constat : « collectivité éclatée » (Affergan, 1983) ou « sans ressort » (Elisabeth, 1980) ; « archipel inachevé » (Benoist, 1972) ; « pratiques sociales de dispersion » (Glissant, 1981). Le concept d'asocialité développé par Francis Affergan (1983) marque sans doute l'apothéose en matière de représentations intellectuelles sur cette sorte de vide social antillais. Mais c'est à Edouard Glissant (1981) que l'on doit toute la cohérence d'une pensée très influente pour rendre compte de ce profond malaise collectif. L'histoire intime du peuple antillais se révèle en fait

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être une non-histoire dans la mesure où le déroulement objectif de l'histoire et de ses périodes - la traite (comme cassure originelle) ; l'univers servile (comme lieu de négation de la vie sociale) ; l'assimilation (comme refus de soi et immersion dans la culture de l'Autre) - n'a pu permettre une quelconque emprise sur la réalité et par conséquence une consolidation du complexe culturel antillais. En lieu et place d'une production de singularités communautaires, nous avons affaire à une dépossession permanente, à une « histoire raturée » privée de sa capacité à jouer son rôle d'accumulateur et à faire émerger une sorte de « solennité du collectif » (Glissant, 1981, p. 130-131).

Si la diaspora se distingue par la permanence des constituants de son identité, par ce lien maintenu grâce à la mémoire vive pleinement préoccupée par la continuité, il va de soi que l'univers antillais éparpillé au point de ne pas pouvoir générer un tissu relationnel communautaire, sinon de manière atrophiée ou incomplète, ne peut entrer en adéquation avec un tel modèle. Cette négation d'une expérience diasporique, via l'affirmation de l'éclatement communautaire, est fortement liée à la volonté de montrer/dénoncer la violence des contraintes physiques et symboliques exercées dans l'univers colonial des sociétés de plantations. Car reconnaître la formation historique d'une identité antillaise pourrait en définitive comporter le risque de minimiser l'extraordinaire coercition du système des plantations (Chivallon, 1994). C'est sans doute cette adhésion sans faille à la thèse de l'aliénation qui a conduit le philosophe Jacques André à rejeter précisément la notion de « diaspora », la jugeant, à travers ceux qui (malgré tout) l'utilisent, comme le révélateur d'une quête identitaire forcément vaine et dérisoire : « contre une réalité débridée et blessante s'opère un mouvement de reterritorialisation, de retour à une terre mythique et bienfaisante, plénitude du pays natal et abondance du sein maternel. Un signe : l'usage maintenant généralisé du mot "diaspora" pour désigner l'émigration antillaise en France ; magie du verbe transformant ces pays de "fuite et d'esquive" en terre promise. » (André, 1983, p. 2033).

LE CAS ANTILLAIS COMME EXEMPLAIRE DU

MODÈLE DIASPORIQUE

Curieusement, cette idée d'une identité peu unitaire et mal fédérée sert à alimenter les conceptions qui fleurissent côté britannique. Ce n'est donc pas seulement le réexamen de la réalité antillaise qui conduit à penser que le concept est en définitive adéquat mais bien une nouvelle théorisation de la diaspora qui fait apparaître le cas antillais comme particulièrement pertinent. Il est cependant utile de mentionner que dans une perspective tout à fait classique, certains chercheurs britanniques montrent très peu d'hésitations à faire entrer le monde antillais dans la vaste famille des diasporas. The African-Caribbean Diaspora désignée comme telle, semble relever du sens commun. Le sociologue Robin Cohen (1995) la fait même figurer parmi les trois figures archéty pales des diasporas « victimes » aux côtés des Juifs et des Arméniens. Mais ce sont surtout les tenants du discours postmoderne qui se consacrent à donner selon l'expression de Cohen (1995), une version « iconoclaste » de la diaspora. Deux

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sociologues méritent ici d'être retenus : Stuart Hall (d'origine jamaïcaine) et Paul Gilroy. Le premier est l'auteur d'un article devenu une référence incontournable et repris dans la plupart des Readers sur les Cultural Studies. Il figure notamment dans le recueil réunissant les textes fondateurs de ce que l'on appelle Outre-Manche, la post colonial theory. La conception de Stuart Hall peut se résumer à une mise en valeur « totale » du caractère de dispersion : l'éparpillement à forte valeur positive ne procède pas seulement d'une disposition géographique mais est à l'oeuvre à l'intérieur même de la formation sociale. Cette définition conduit Stuart Hall à tenir le monde antillais pour une sorte d'étalon à partir duquel sont évaluées les autres expériences diasporiques. Il inverse en définitive le procédé de catégorisation à l'oeuvre dans la conception dominante en France :

« L'Antillais est le prototype du " Nouveau Monde " nomade, moderne ou postmoderne. (...). La présence au Nouveau Monde - Amérique, Terra Incognita - est en elle-même le commencement de la diaspora, de la diversité, de l'hybridité et de la différence, ce qui fait que les Antillais sont déjà un peuple de diaspora. J'emploie ici ce terme métaphoriquement et non littéralement (...) L'expérience diasporique comme je l'entends est définie, non par essence ou par pureté, mais par la reconnaissance d'une nécessaire hétérogénéité et diversité, par une conception de l'identité qui vit par et au travers - et non en dépit - de la différence, par hybridité. Les identités diasporiques sont celles qui sont constamment à l'œuvre dans une production et une reproduction d'elles-mêmes de façon nouvelle à travers le changement et la différence ». (Hall, 1993, p. 401-402)

Les propos de Stuart Hall sont encore plus clairs , sinon radicaux, quand il entend bien faire la distinction entre sa conception et une vision de la diaspora portée vers des formes d'ethnicité « hégémoniques », crispées sur l'idéal de retour vers un sol sacré. Plus nuancés apparaissent les propos de Paul Gilroy, dans la mesure où ils s'abstiennent déjouer sur les procédures d'exclusion par le biais du concept. Ici c'est de la diaspora afro- américaine dans son ensemble dont se saisit l'auteur pour y voir l'expression d'une culture transatlantique véhiculant une conception du monde métissée et baroque. Le point fort de la pensée de Gilroy est contenu dans l'idée que la Black Atlantic, nom donnée à la diaspora noire américaine, est à l'oeuvre dans la construction d'une identité définitivement mobile et changeante, comme débarrassée de l'impératif de production d'une singularité :

« Selon l'esprit aventureux mis en avant par James Clifford dans son travail influent sur les travelling culture (les " cultures mobiles " ou " voyageuses "), je souhaite considérer l'impact que cette conceptualisation d'une transculturalité extérieure au cadre national pourrait avoir sur l'histoire politique et culturelle des Noirs Américains et des Noirs en Europe (...). La spécificité de la formation politique et culturelle moderne que je veux appeler " la Black Atlantic " peut être définie à travers le désir de transcender à la fois les structures de la nation et les contraintes de Vethnicité et du particularisme national ». (Gilroy, 1993, p. 17-19)

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II est difficile de réduire la pensée de Gilroy à cette citation, mais on peut la tenir comme fil conducteur de son entreprise où s'affirme constamment la volonté d'exemplifier à travers le cas de la Diaspora Noire, le projet de constructions sociales qui échapperaient aux procédures liées à la création de limites particularisantes. Il n'est pas exagéré de dire que cette conception rencontre un vif succès. La Diaspora Noire est ainsi amenée à conforter le paradigme de l'identité fluide et mobile que sont prêtes à décliner sur tous les tons et sans concession les mouvances postmodernes. Le monde Afro-Américain devient du même coup une sorte de motif emblématique de théories nouvelles que l'on oppose aux conceptualisations d'une sociologie vieillie consacrée à ne penser le social que par référence à un corps social unitaire, y compris à travers la diaspora. On trouve une très bonne illustration de la reprise du thème dans l'ouvrage dirigé par Michael Keith et Steve Pile (1993) où le modèle diasporique évoqué essentiellement par référence à l'univers Noir Américain nous invite à nous débarrasser d'une conception identitaire classique pensée par référence à l'unité pour explorer des formes toujours changeantes et « une rhétorique de la délimitation (...) qui déplace les implications communes de l'exclusion » (p. 18). Pour Keith et Pile, la conception de Gilroy conduit à voir la diaspora comme l'invocation d'un espace communautaire qui est simultanément à l'intérieur et à l'extérieur du monde occidental,

« une spatialité élaborée sur la base de limites provisoires et toujours instables, dont le tracé relie l'intérieur et V extérieur, l'oppresseur et l'oppressé, l'autre et le semblable ». (Keith et Pile, 1993, p. 18)

Cette façon de réinvestir le monde diasporique rencontre de nombreuses affinités avec le mouvement littéraire de la créolité/créolisation qui se déploie aux Antilles Françaises depuis la fin des années 1980, avec les écrits de Patrick Chamoiseau ou de Raphaël Confiant et bien sûr ceux d'Edouard Glissant6. Le tournant pris par ce dernier montre le souci manifeste de ne plus penser le social antillais à travers le prisme déformant d'une conception de l'Histoire linéaire et hiérarchisée. Là où les précédents écrits et analyses de Glissant conduisaient à ne voir que de l'aliénation au travers du constat de l'absence d'une construction de l'histoire, par les Antillais, conforme à la tradition de pensée occidentale, ses récents développements sur la question (Glissant, 1990) remettent résolument en cause ce mode même de penser. Les pratiques de dispersion qui étayaient précédemment la thèse de l'aliénation deviennent alors le vecteur pour penser le social autrement. L'expérience du monde créole est là aussi perçue comme celle d'un exil non plus seulement géographique, mais total et permanent, hors de soi et en soi. Tout se passe comme si cet univers de métissage révélait des réalités sociales insoupçonnées en même temps qu'il montrait l'inaptitude de nos concepts à s'en saisir, puisque ce que Glissant y décèle, c'est une autre forme de pensée : une pensée de l'errance qui opère par relation et non plus par découpage en catégories hiérarchiques inspirées par une pensée duale. Plus question alors de raisonner sur le monde antillais par référence à l'unité, et par conséquence en termes de manque et d'absence d'unité. L'errance est ici le principe moteur : elle déjoue

6 Pour une introduction au mouvement de la créolité, voir l'ouvrage collectif de J. Bernabé, P. Chamoiseau et R. Confiant, 1993.

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les attributs de la sédentarité et des « intolérances territoriales ». Elle crée un monde de la Relation (connection/transversalité), et non plus de la filiation (hiérarchie/linéarité).

A l'inverse sans doute de ce qui se produit au Royaume-Uni, ces conceptions ne sont encore que périphériques à l'espace des sciences sociales et caractérisent plutôt la sphère littéraire. Mais il est très probable compte tenu de la notoriété d'Edouard Glissant et de l'originalité de sa pensée, qu'elles se diffusent très prochainement de façon plus large. Elles rencontrent, quoi qu'il en soit, le vaste mouvement porté par les Cultural Studies anglo-américaines dont on a pu dire qu'elles étaient en train de supplanter les « écoles à la française » (article du Monde 8/9/95 consacré au Congrès international des Sciences historiques). Ces visions poussant jusqu'à son extrême signification le paradigme mobilitaire du fait diasporique se nourrissent dans tous les cas aux mêmes sources théoriques, celles des philosophies post-structuralistes, paternité qu'Edouard Glissant, y compris, revendique dans sa « Poétique de la Relation ».

CONSTRUCTION DES CONCEPTS ET INTENTIONS SOCIALES

La confrontation de ces différentes acceptions de la diaspora et surtout la place assignée au monde antillais pour transmettre par le concept telle ou telle vision du social, pose indéniablement question. Le monde antillais n'est il pas tour à tour destiné à montrer les ravages de l'aliénation et à vanter les vertus de la dispersion ? Le concept n'est il pas lui-même chargé de faire plus que de rendre compte des manifestations d'expériences sociales singulières ? En apportant des éléments de réflexion sur ce point, il ne peut être question de réduire les orientations de la recherche sur les diasporas à un simple révélateur de quelques subjectivités débusquées. C'est seulement à un des aspects de la signification du concept en rapport avec les motivations qui entrent en jeu dans sa construction que les quelques brèves remarques qui suivent se consacrent.

On ne peut manquer de mettre en rapport l'évolution récente du concept avec les changements d'orientation théorique intervenus de façon massive dans le champ académique britannique au cours de la dernière décennie, et véritablement enregistrés à la fin des années 80. Les méthodes d'une sociologie orthodoxe, les méta-théories et plus généralement toute formulation intellectuelle associée à l'exercice d'une pensée rationnelle, objectivante et généralisante ont été mises à rude épreuve. Nous sommes familiers bien sûr de cette crise et du doute profond qui l'accompagne, mais l'expression de cette crise est loin d'avoir pris la tournure qu'elle a côté britannique avec la multiplication de textes consacrés à la remise en cause de l'édifice de la pensée occidentale. Il n'est pas le lieu de trop s'attarder sur ce point, mais seulement de rappeler que cette critique repose sur l'idée centrale selon laquelle la pensée rationnelle ne fonctionne que par couple d'oppositions et dualités irrémédiablement porteuses de hiérarchies, de procédures d'exclusion et d'infériorisation de l'un des deux termes. On reconnaîtra aisément ici l'influence des travaux du philosophe Jacques Derrida, référence incontournable des plus modestes écrits postmodernes. La quête pour une

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pensée meilleure, libérée des affres de la pensée catégorisante et passant par la chasse effrénée à toute forme de dualisme, commande dès lors bien des entreprises. Elle se double du sentiment que les cultures ayant eu à subir la domination occidentale auraient été en quelque sorte les victimes de l'exercice de cette pensée par la perpétuation d'un ordre établi et d'une domination symbolique logée au coeur même des catégories de pensée. La mise en place d'un discours qualifié par ailleurs de « minoritiste »7 pourrait de ce point de vue marquer le passage insidieux à un langage academically correct.

L'approche développée à propos du monde afro-américain se comprend mieux dès lors qu'elle est restituée à son contexte. Il est clair que l'entreprise de déconstruction à laquelle bon nombre de chercheurs se destinent se révèle difficile à mettre en oeuvre, même à travers les procédés rhétoriques les plus sophistiqués. Et c'est souvent l'objet de recherche qui est en définitive chargé d'en signifier le projet. On pourrait parler de « déconstruction par procuration ». C'est ce qui semble se produire pour la Diaspora Noire. A défaut d'adopter la démarche réellement en rupture avec les procédures de la pensée catégorisante, c'est un monde créole reconstruit qui vient parler de fluidité, d'absence de limites, de détournement de la dialectique de l'inclusion/exclusion. Mais le procédé de construction du concept reste le même. Dans la perspective de Stuart Hall, il s'agit bien d'inverser un ordre des valeurs : a contrario des approches mobilisant le concept de diaspora pour vanter les mérites du maintien de l'unité, l'usage de la notion vient maintenant délimiter une identité instable tout autant qu'estimable et exclure des formes d'ethnicité traditionnelles8. Sur un autre registre, on retrouve l'expression manifeste de cette ré- appropriation de l'expérience de la Diaspora Noire pour servir à donner toute sa substance à un discours académique atypique dont on sait qu'il ne prend en fait son sens que replacé dans ce que Bourdieu (1992, p. 155) appelle « la logique des alternances périodiques de deux philosophies ou de deux visions du monde » : le texte de Barnor Hesse (1993) consacré à une relecture de « l'expérience Black » au Royaume-Uni est ici tout à fait exemplaire.

Aussi porteuse que puisse être cette approche nouvelle du monde antillais à travers la notion de diaspora, elle ne pourra cependant trouver toute sa pertinence que dépouillée de ce qui contribue à répondre aux exigences d'un discours soumis à un certain « mode d'autorité »9 de la pensée en sciences sociales. Mais en formulant un tel voeu, c'est ouvrir sur toutes les interrogations, voire sur l'impossibilité, qui découle de la recherche d'une interprétation juste, non soumise à une quelconque emprise normative exprimant les valeurs dont se trouvent dotés les concepts. C'est pourquoi l'espace académique britannique ne garde certainement pas l'exclusivité en matière d'intentions répercutées dans les constructions intellectuelles fournies autour de la diaspora. Si la tendance Outre-Manche est marquée par la volonté de se projeter

7 Sur ce point, je renvoie à la présentation critique des mouvements de pensée postmodernes proposée dans Chivallon (1997b).

8 Ces formes d'ethnicité traditionnelle étant représentées pour Stuart Hall, par les diasporas classiques ou « archétypales », la Diaspora Juive en particulier.

9 Au sens où l'entend James Clifford, 1996, pp. 29-58.

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pleinement dans une fin de siècle qui bouleverse les repères de la modernité, l'engouement récent pour la diaspora telle qu'elle est généralement comprise côté français, pourrait nous signifier la recherche d'une expérience voulue rassurante. Face à une fin des territoires annoncée, à un espace-temps bouleversé, la diaspora n'est elle pas conçue pour nous enseigner la possibilité d'une continuité désirée qui transcende les effets redoutés de la mobilité ? On peut également s'interroger sur la ténacité à jouer de l'opposition duale entre diaspora et Etat-nation et qui pourrait nous répercuter d'une certaine manière les procédures à l'oeuvre dans les constructions « britanniques ». La limite entre ces deux formes sociales n'introduit-elle pas un système de valeurs dual qui départage d'une certaine manière l'expérience sociale à valeur positive et l'autre à valeur négative ? La diaspora des intellectuels n'est elle pas alors pleinement investie comme vecteur de représentations communautaires ? La timidité avec laquelle se trouve être pris en compte le cas antillais ne préfigure-t-elle pas aussi de hiérarchies subtiles établissant le distingo entre grandes ou authentiques diasporas, valeur construite autour de la prégnance de la tradition (civilisation ?), et petites diasporas à faible accumulation historique (notamment à travers le code écrit) ? Le monde Noir n'est il pas étrangement absent des interprétations scientifiques sur le fait diasporique ? Le critère portant sur l'existence d'une tradition ne devient-il pas un facteur plus discriminant qu'opérant, refoulant dans la sphère d'un social perçu comme pauvre, les peuples n'attestant pas de certains acquis et héritages ? L'objet de recherche n'en devient-il pas alors plus noble et anoblissant ?

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RESUME - ABSTRACT - RESUMEN 160

De quelques préconstruits de la notion de diaspora à partir de l'exemple antillais

Christine CHIVALLON

L'expérience antillaise, qu'elle fasse référence aux sociétés de la Caraïbe ou aux espaces contemporains de la migration, n'est que rarement abordée par la recherche de langue française à partir de la notion de diaspora, à l'inverse des écrits de langue anglaise qui montrent peu de réticence à employer le terme. Dans l'un ou l'autre cas, le choix conceptuel renvoie à une représentation particulière du monde antillais dont la construction ne met pas seulement en jeu des procédures de modélisation théorique. Elle se charge aussi des intentions du chercheur et des valeurs attribuées à telle ou telle interprétation en fonction des moments et des lieux de production des théories.

Some Preconstructs of the Notion of Diaspora Starting with the Caribbean Example

Christine CHIVALLON

Research in French into the West Indian experience, whether it refers to societies in the actual Caribbean or the contemporary spaces of migration, rarely takes its starting-point from the notion of the diaspora, contrary to writings in English, which are not averse to using this term. In either case, the conceptual choice reflects a particular portrayal of West Indian society, which is not built solely on procedures of theoretical modelization. It also takes into account the researcher's intentions and the values attributed to different interpretations, in terms of the times and places when and where the theories are developed.

Prefiguraciones sobre la notion de diaspora a partir del ejemplo antillano

Christine CHIVALLON

Las investigaciones francôfonas pocas veces abordan la experiencia antillana, ya sea de las sociedades del Caribe como de los espacios contemporâneos de la migraciôn, a partir de la nociôn de diaspora, al contrario de los escritos anglôfonos que se muestran poco réticentes a la hora de utilizar el termine En ambos casos, la election del concepto remite a una representaciôn particular del mundo antillano cuya construcciôn no solo pone en juego los procedimientos de modelizaciôn teôrica. También se carga de las intenciones del investigador y de los valores atribuidos a cualquier interpretaciôn en funciôn de los momentos y de los lugares de production de las teorias.

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