De Lourdes à Gavarnie

OUVRAGES DE M. GASTON BALENCIE

Le procès de Bigorre (Revue des Hautes-Pyrénées, 1908-1910). — — , pièces justificatives (Bulletin de la So-

ciété académique des Hautes-Puré- nées, 1930-1931).

Cahiers de doléances de la sénéchaussée de Bigorre, Tarbes, Lesbordes, 1926, in-8°.

Inventaire de la série L (période révolutionnaire) des Archi- ves départementales des Hautes-Pyrénées, Tarbes, Les- bordes, 1934, in-4°.

Bagnères, Hossegor, Chabas, 1933, in-8°.

Sous presse :

Argelès-Gazost.

OUVRAGES DE M. RAYMOND RITTER

Le château de Pau. Ouvrage couronné par l'Académie française. Toulouse-Paris, Privat et Didier, 1929, in-8°.

Les constructions militaires de Gaston Fébus en Béarn. Pau, Garet, 1923, in-8°.

Ballets allégoriques de Catherine de Parthenay. Paris, Champion, 1927, in-8°.

Lettres et poésies de Catherine de Bourbon. Paris, Champion, 1927, in-8°.

Lettres de Marguerite de Valois-Angoulême. Toulouse, Privat, 1927, in-8°.

Pau. Hossegor, Chabas, 1933, in-8°. Orthez. Hossegor, Chabas, 1933, in-8°.

P o u r pa r a î t r e en 1936 :

Cette grande Corisande (1555-1620) aux éditions Albin Michel. Jeanne d'Albret et les troubles de religion.

de LOURDES à

GAVARNIE PAR

GASTON BALENCIE A r c h i v i s t e

d e s H a u t e s - P y r é n é e s

ET

RAYMOND R I T T E R

Rédacteur en chef du Bulletin. Pyrénéen

TOULOUSE

E D O U A R D P R I V A T ÉDITEUR

14, rue des Arts, 14,

PARIS

HENRI D I D I E R ÉDITEUR

6, rue de la Sorbonne, G.

1936

A L A M É M O I R E

D E MON C O N F R È R E

D E N O T R E AMI

T R È S C H E R E T T R È S R E G R E T T É

É D O U A R D P R I V A T

C E L I V R E

D O N T I L A C O N Ç U L E P L A N

E T D É S I G N É L E S A C T E U R S

E T Q U I F U T

L ' U N E D E S E S D E R N I È R E S P E N S É E S

E S T D É D I É

D A N S LA F I D É L I T É DU S O U V E N I R

E T E N T É M O I G N A G E

D E C O M M U N A M O U R

P O U R LA T E R R E R I G O U R D A N E

G . B

R . R .

C O S T U M E S BIGOURDANS

LA BIGORRE

ET LES HAUTES-PYRÉNÉES

Le département des Hautes-Pyrénées a été formé en grande partie par l'ancienne province de Bi- gorre à laquelle furent adjointes au nord la Ri- vière-Basse relevant de l'Armagnac, à l'est les Qua- tre-Vallées (Aure, Magnoac, Neste et Barousse) et quelques parcelles du Nébouzan, de l'Astarac, du Rustaing, de Rivière-Verdun et du Comminges. La Bigorre, qui formait le noyau le plus important de ce territoire, commençait à Larreule pour finir aux Pyrénées et s'étendait sur une soixantaine de kilomètres en longueur, une trentaine en largeur.

Pays d'états, elle avait pour capitale Tarbes et pour villes principales Lourdes, Vic, Bagnères, Rabastens et Saint-Pé.

La présence de l'homme à l'époque préhistorique est décelée par les ossements, armes, vestiges de toute nature retrouvés dans les grottes de Lourdes, de Lortet, de Gargas, de Tibiran et de Saint-Pé et

dans les innombrables tumuli que présente çà et là le sol du département, mais l'histoire ne com- mence guère qu'avec la conquête romaine. Après la victoire de Crassus et l'étouffement de quelques soulèvements locaux, la Bigorre fut acquise à la domination romaine et peu après christianisée. Les premiers évêques furent sans doute saint Jus- tin et saint Faust au cinquième siècle et Aper au début du sixième. Depuis la réforme de Constantin, touchant l'administration des provinces, elle fai- sait partie de la Novempopulanie et avait à sa tête au point de vue militaire un duc.

Les invasions barbares du cinquième siècle n'épargnèrent pas la région, elle tomba au pouvoir de Théodoric, roi des Wisigoths. Mais cette domi- nation fut éphémère et les Francs les chassèrent dès le sixième siècle. Sous les successeurs de Clo-

vis on ne connaît guère l'histoire de la Bigorre que par la présence des évêques relevée dans les diffé- rents conciles de la Gaule. Puis vinrent les inva- sions sarrasines et c'est dans la Lane-Mourine

entre Ossun, Juillan et Louey que la tradition place, leur défaite de l'an 733.

A ce moment, érigée en comté héréditaire, elle connut quelques années de prospérité vite termi- nées par les invasions normandes du neuvième siècle. Puis se place la fondation d'abbayes puis- santes, Saint-Savin, Saint-Pé, Larreule, Saint- Sever de Rustan, qui survivront à toutes les tour- mentes du Moyen âge et serviront d'asile aux

lettres et à la religion pendant les heures troubles de l'histoire.

C'est en 1097, à la mort de la comtesse Béatrix, que la Bigorre passa de la maison de Carcassonne à celle de Béarn. C'est de cette époque que date la rédaction des fors de Bigorre en 43 articles. A Bernard II succéda Centulle II; puis par sa fille Béatrix, mariée au vicomte Pierre de Marsan, la Bigorre passa dans la maison de Marsan. A l'exem- ple de ce que fit Louis le Gros dans le domaine royal pour l'affranchissement des communes, le comte Centulle, qui se voyait dans l'impossibilité d'exercer une autorité efficace sur ses domaines, institua des communes. Bagnères obtint une charte d'affran- chissement, ce fut ensuite le tour de Tarbes, Lour- des, Vie, Ibos, Maubourguet et Rabastens. Pour fortifier le pays, la tour de Vidalos fut bâtie en 1175 et la commanderie des Templiers s'installa à Bordères sous le commandement de Bernard de Sauveterre.

Cependant à la fin du douzième siècle l'hérésie des Albigeois se répandit rapidement dans notre pays. Suivant l'exemple de Raymond VI, comte de Toulouse, Gaston de Moncade, comte de Bi- gorre, embrassa la religion nouvelle et protégea ses sujets contre l'armée de Simon de Montfort. Vaincu, il abjura son hérésie puis mourut. Sa femme, la comtesse Pétronille épousa successive- ment quatre autres maris dont Guy, second fils de Simon de Montfort, qui chassa les Albigeois de la

Bigorre. A la mort de la comtesse Pétronille se place la longue suite d'intrigues et de procès qui dureront deux siècles, c'est-à-dire pendant tout le temps de l'occupation anglaise, et feront passer en 1425 le comté de Bigorre à la maison de Foix. Restituée à ses légitimes propriétaires, la Bigorre vécut des jours plus tranquilles sous le comte Jean de Foix de Grailly († en 1436), puis sous le comte Gaston, enfin sous le petit-fils de celui-ci, François Phébus. Le mariage de Catherine de Foix, reine de Navarre, avec Jean d'Albret, donna la Bigorre à la maison d'Albret et de là à la couronne de

France. Mais le pays traversa alors des heures sombres. Jeanne d'Albret protégea les Huguenots qui ne trouvèrent pas beaucoup d'adeptes en Bi- gorre. L'intervention du roi de France fut le point de départ de troubles qui ensanglantèrent le pays. La ville de Tarbes prise et incendiée trois fois et demeurant déserte plusieurs années, les égli- ses et les abbayes pillées, deux cents villages brû- lés, un nombre considérable d'habitants massa- crés, tel fut le bilan de cette funeste période.

La sage administration de Henri de Bourbon et de sa sœur Catherine, qui avait été nommée ré- gente du royaume de Navarre, ne put préserver la Bigorre des troubles de la Ligue. Au mois de mai 1585, les ligueurs entrèrent dans le comté et s'emparèrent de Rabastens et de Vie. Ayant dé- vasté la Rivière Basse, ils passèrent en Commin- ges. Une forte épidémie de peste ajouta encore

aux malheurs de la guerre et dépeupla les villes et les villages. Après l'abjuration de Henri IV, la paix fut proclamée et l'édit du 18 juillet 1607 vint quelques années plus tard réunir la Bigorre à la couronne de France.

Elle conserva cependant ses fors, coutumes et privilèges. En 1656 la Cour du Sénéchal fut trans- formée en siège présidial. Mais ce fut là une ins- titution de courte durée. Le présidial de Tarbes fut supprimé en 1663. Le règne de Louis XV fut marqué pour la Bigorre par d'importantes amé- liorations. Elle passa d'abord en 1716 dans la gé- néralité d'Auch. Des intendants fameux ouvri- rent des routes donnant accès aux vallées du Lavedan.

Au moment où l'assemblée constituante prépa- rait la nouvelle division de la France en départe- ments, Bertrand Barère et Dupont, députés du Tiers aux États généraux, se rendirent au comité de Constitution et obtinrent que la Bigorre formât un département. Ils eurent à lutter contre les re- présentants des provinces voisines qui voulaient l'annexer à leur territoire. Le département des Hautes-Pyrénées fut constitué et divisé en cinq districts (Tarbes, Argelès, Bagnères, Labarthe et Vie) : c'est au baron de Cernon qu'il dut sa déno- mination.

Aujourd'hui le département des Hautes-Pyré- nées ne comprend plus que la sous-préfecture de Bagnères, l 'arrondissement d'Argelès ayant été

rattaché en bloc, par une méthode fort critiquable et trop simpliste, à celui de Bagnères, depuis la réforme de 1926. La voie ferrée de Bayonne à Tou- louse coupe sensiblement le pays en deux por- tions : la plaine et la montagne.

LES ENVIRONS DE LOURDES

Si Camille Jullian a pu rappeler, suivant le mot de Strabon, que l'unité de la Gaule tenait à la concordance de ses fleuves, la chose n'est peut- être guère vraie pour les Hautes-Pyrénées, prises en particulier. Le touriste, même non averti, qui regarde une carte du département, ne peut man- quer d'être frappé par le fait que si deux de ses rivières, l'Adour et l'Echez, parcourent le dépar- tement dans la direction sud-nord, deux autres, le Gave à l'ouest, la Neste à l'est, après quelques kilomètres de parcours dans le même sens sud- nord, s'infléchissent brusquement pour sortir du département dans une direction qui forme envi- ron 90° avec leur cours d'origine. Si la symétrie y trouve son compte, la concordance n'existe plus.

Les géologues, pour expliquer ce phénomène, nous enseignent que la région de Lourdes, pour ne pas sortir de notre cadre, comprise dans la zone moyenne des Pyrénées centrales, est formée de terrains appartenant aux périodes de l'ère se-

condaire, allant de la série mésojurassique à la série éocrétacique. Les calcaires dominent à Lour- des et aux environs : les schistes sont prédomi- nants au nord et à l'est. Toute cette zone de roches

sédimentaires a été plus ou moins envahie et bou- leversée par une intrusion de roches éruptives basiques de la fin de l'ère secondaire. Or le cours actuel du Gave qui tourne brusquement à l'ouest dans la ville de Lourdes même, aux abords du pont Saint-Michel, est loin de représenter le tracé primitif du lit du fleuve. Le premier parcours du torrent était vers le nord-ouest par Poueyferré, Loubajac, Barlest, Lamarque et Pontacq. Il dévia ensuite vers le nord et vint par la vallée d'Adé, rejoindre l'Adour aux environs de Tarbes. Plus tard, il contourna les collines schisteuses du nord- est de Lourdes et s'écoula vers Tarbes par la vallée de Lézignan, Arcizac-ès-Angles, Escoubès, Orin- cles. Des barrages morainiques, encore en place, le forcèrent à abandonner successivement ces trois

parcours. Il se tourna alors définitivement vers l'ouest.

« Le Gave eut un antagoniste d'une puissance formidable, celui que les géologues ont nommé le grand glacier d'Argelès. Descendant des dernières pentes du versant français par les vallées actuelles déjà esquissées, un monstrueux amas de roches, de graviers, de neiges et de boues, vraie montagne en marche, s'avançait lentement vers la plaine. Sa hauteur atteignait presque le sommet du Pic du Jer

(950 mètres) ; le mass i f du Béout, à l ' ex t rémité orien- tale duquel est située la grotte de Massabiel le , d i s -

para i ssa i t en t i è remen t sous l ' amonce l l ement des matér iaux glaciaires. De n o m b r e u x blocs e r ra t iques

se voient encore s u r ses pentes et jusqu ' à son som- met. La cuvette de Lourdes représente la dépres -

s ion centra le du glacier, en par t ie comblée au jour -

d 'hu i pa r les appor t s a l luv ionne ls du Gave. Plus ieurs géologues pa rmi lesquels M. de L a p p a -

rent, ont noté à quel poin t les calcaires de L o u r d e s

por ten t la trace des f ro t tements de la m o r a i n e ; ils sont striés, m o u t o n n é s et polis sur de larges su r -

faces et j u s q u ' à une g rande hau teu r .

« A pa r t i r de Lourdes le glacier d ivergeai t en

deux di rec t ions : pa r le nord-es t il descenda i t j u s - qu ' aux env i rons de T a r b e s ; par le n o r d - o u e s t , il

poussai t sa m o r a i n e j u s q u ' a u delà de Pau . D a n s l 'une et l 'autre d i rect ion, on r encon t re a b o n d a m -

ment , et s u r de larges espaces, les t races de son

passage; les i n n o m b r a b l e s blocs e r ra t iques qu' i l a semés s u r son t ra je t on t souven t des d i m e n s i o n s

énormes et son t a b a n d o n n é s t rès h a u t s u r les p la - teaux et les versan ts de la v a l l é e »

La route qui c o n d u i t de T a r b e s à Lourdes est une f rac t ion de la route na t iona le n° 21 de Pa r i s à

Barèges. Dès la sort ie de Tarbes , qui élargie et r e -

maniée ne r épond plus à la descr ip t ion de F r o i s -

1. Abbé J. Mailhet, La Source miraculeuse de la Grotte de Lourdes.

s a r t , « v i l l e , c i t é e t c h a s t e l e t t o u t f e r m é e d e p o r t e s ,

d e m u r s e t d e t o u r s e t s é p a r é s l ' u n d e l ' a u t r e », t o u r n a n t l e d o s à l a v i l l e e t à l a c a t h e d r a l e d o n t l a

s i l h o u e t t e r o s e a u c o u c h e r d u s o l e i l se d é c o u p e

a v e c s o n c l o c h e r a r d o i s é d a n s le b l e u d u c ie l , l a i s -

s a n t p l u s a u s u d , e n v i r o n n é d a n s les p e u p l i e r s q u i

l e c a c h e n t à l a v u e , le c h â t e a u d ' O d o s o ù m o u r u t

M a r g u e r i t e d e N a v a r r e , e l le s e m b l e c o u r i r p a r a l l è -

l e m e n t à l a c h a î n e d a n s u n e p l a i n e r i a n t e q u e d o -

m i n e d e s a m a s s e l ' ég l i s e d ' I b o s . L ' e n c h a n t e m e n t

c o m m e n c e . L e s r i c h e s m o i s s o n s o n t p o u r e n c e i n t e

l e s p r e m i e r s c o n t r e f o r t s p l u s s é v è r e s c o u r o n n é s d e

v i l l a g e s ; f e r m a n t l ' h o r i z o n c ' e s t la c h a î n e d e s P y -

r é n é e s a v e c s e s s o m m e t s les p l u s é l e v é s c o u v e r t s

d e n e i g e s d e p u i s le P i c d u M i d i j u s q u ' à b i e n a p r è s

le V i g n e m a l e .

E n t r e J u i l l a n , d o n t le n o m e s t u n s o u v e n i r d e

l ' o c c u p a t i o n r o m a i n e , e t L o u r d e s , s i g n a l o n s d ' u n e

p a r t l a L a n e - M o u r i n e e t d ' a u t r e p a r t les t u m u l i d e

B a r t r è s , a u x q u e l s o n a c c è d e p a r L o u r d e s .

L A L A N E - M O U R I N E

L a n e - M o u r i n e , l a n d e d e s M a u r e s ! C 'es t u n e

g r a n d e p l a i n e q u i s ' o u v r e à l ' o r i e n t d ' O s s u n . C ' e s t

l à q u ' a u r a i t e u l i e u , a p r è s la d é f a i t e d e s S a r r a s i n s ,

à P o i t i e r s , e n 732, p a r C h a r l e s M a r t e l , u n n o u v e a u c o m b a t e n t r e les d é b r i s d e l ' a r m é e m a u r e e t l es Bi -

g o u r d a n s , c o n d u i t s p a r s a i n t M i s s e l i n o u M e s c l i n

P r o f i t a n t d ' u n i n s t a n t d e s u r p r i s e , l ' a r m é e b i g o u r -

d a n e t a i l l a e n p i è c e s l ' a r m é e s a r r a s i n e e t l a d i s p e r s a .

C e u x d e s M a u r e s q u i f u r e n t i n c a p a b l e s d e r e p a s s e r

l e s P y r é n é e s se r é f u g i è r e n t d a n s d e s e n d r o i t s d e n o -

t r e p a y s , a l o r s d é s e r t s , q u i o n t g a r d é l e u r n o m p l u s

o u m o i n s d é f o r m é . O n a v o u l u v o i r é g a l e m e n t

d a n s c e t t e d é f a i t e l ' o r i g i n e d e s C a g o t s , c e s m a l h e u -

r e u x p a r i a s d e l a s o c i é t é a u M o y e n â g e , q u i v i v a i e n t

d a n s l ' e x é c r a t i o n e t l ' h o r r e u r d e s c o m m u n a u t é s ,

a y a n t l e u r s q u a r t i e r s d a n s l e s v i l l a g e s , l e u r s p l a -

c e s à l ' ég l i se o ù i l s e n t r a i e n t p a r u n e p o r t e s p é c i a l e

e t q u i p o r t a i e n t s u r l e u r s v ê t e m e n t s l ' e m p r e i n t e

d ' u n e p a t t e d ' o i e e n s i g n e d i s t i n c t i f . M a l g r é l ' i n -

f l u e n c e d e l ' É g l i s e , i l s n e r e n t r è r e n t d a n s le d r o i t

c o m m u n q u e v e r s l a f i n d u d i x - s e p t i è m e s i è c l e e t l ' o n t r o u v e e n c o r e d a n s l a s e c o n d e m o i t i é d u d i x -

h u i t i è m e s i è c l e d e s d é c i s i o n s d e j u s t i c e i n t e r d i s a n t

d e l e s a f f l i ge r d e n o m s i g n o m i n i e u x o u d e l e s e x -

c l u r e d e la d i s t r i b u t i o n d u p a i n b é n i t à l ' ég l i s e .

L E S T U M U L I D E B A R T R È S

D a n s u n e v a s t e l a n d e s i t u é e s u r u n h a u t p l a -

t e a u d é p e n d a n t d u t e r r i t o i r e e t a u n o r d d e la c o m -

1. C'est une légende, car saint Misselin serait mor t longtemps avant l'arrivée des Maures.

m u ne d e B a r t r è s , à 3 k i l o m è t r e s d e la v i l l e d e

L o u r d e s , o n a s i g n a l é , p r i n c i p a l e m e n t v e r s 1869,

d e s t u m u l i s e m b l a n t a f f e c t e r u n e s o r t e d ' a l i g n e - m e n t d a n s la d i r e c t i o n d u s u d - s u d - e s t a u n o r d -

n o r d - o u e s t . Ce s o n t d e s m o n u m e n t s c e l t i q u e s

p l a c é s s u r les p o i n t s c u l m i n a n t s . E n y j o i g n a n t d ' a u t r e s t u m u l i s i t u é s d a n s la m ê m e l a n d e e t d a n s

c e l l e d ' O s s u n o n a r r i v e à u n t o t a l v o i s i n d e c e n t .

P a r les o b j e t s t r o u v é s à l ' i n t é r i e u r , o n a p u d é -

t e r m i n e r q u ' i l s a p p a r t i e n n e n t à l ' âge d u b r o n z e e t

à l ' é p o q u e g a l l o - r o m a i n e .

L e p l u s b e a u d e ces m o n u m e n t s e s t c e l u i d e

P o u y - M a y o u q u i d o m i n e t o u t e l a l a n d e . Il a 45 m è - t r e s d e d i a m è t r e e t 3 m . 60 d e h a u t e u r . F o u i l l é

j u s q u ' à 4 m . 70 d e p r o f o n d e u r , il a p e r m i s d e r e n -

c o n t r e r q u a t r e d a l l e s i m m e n s e s d e 4 m . 50 e n v i r o n

d o n t l ' u n e s e r v a i t d e p o r t e . Il n e se t r o u v a i t à l ' i n -

t é r i e u r q u e d e s m o r c e a u x d e t e r r e c u i t e e t d e s

f r a g m e n t s d ' o s . M. P i e t t e a a s s i g n é c o m m e d a t e à

c e t t e s é p u l t u r e la f in d e l ' é p o q u e n é o l i t h i q u e .

D ' a u t r e s t e r t r e s f u r e n t r e c o n n u s et e x p l o r é s s u r

le p l a t e a u d e G e r ( B a s s e s - P y r é n é e s ) p a r le c o l o n e l

P o t h i e r , d i r e c t e u r d e l ' é co l e d ' a r t i l l e r i e d e T a r b e s .

L e s d é b r i s d e t o u t e s s o r t e s e t f r a g m e n t s d ' a r m e s ,

q u i y o n t é té r e t r o u v é s , o n t e n r i c h i le m u s é e d e l ' a r m é e .

I B O S

A l ' o u e s t d e la p l a i n e d e T a r b e s , a u b a s d u

c o t e a u d e G e r , q u i l ' a b r i t e d e s v e n t s v i o l e n t s , d o -

m i n a n t le r i c h e b o u r g é t a l é à s e s p i e d s , s ' é l è v e

l ' ég l i se d ' I b o s , t y p e d ' é g l i s e fo r t i f i ée .

L a c h r o n i q u e d e M a u r a n n o u s a p p r e n d q u e

c e t t e ég l i s e c o l l é g i a l e e s t d é d i é e à s a i n t L a u r e n t

e t q u e les m u r a i l l e s e n s o n t f o r t e s e t h a u t e s .

D ' a p r è s le n o t a i r e J a c q u e s A b e u x i s , e l le f u t

b r û l é e p a r la c o m p a g n i e d u v i c o m t e d e P a u l i n

e n a o û t 1569 e t n o u s s a v o n s q u ' u n p r é b e n d i e r y

i n t r o d u i s i t l e s g e n s d e la l i g u e e n o c t o b r e 1592.

C e u x - c i y t i n r e n t g a r n i s o n p e n d a n t d e u x a n s .

L ' é t a b l i s s e m e n t d ' u n e c o l l é g i a l e à I b o s , s a p r o -

x i m i t é d e T a r b e s , o ù la r e l i g i o n f u t p r ê c h é e d e

b o n n e h e u r e , p o r t e n t à c r o i r e q u e l ' ég l i s e a c t u e l l e

s u c c é d a à u n é d i f i c e r o m a n p l u s a n c i e n . A p r è s l a

d e s t r u c t i o n d e 1569, e l le f u t r e b â t i e e n p a r t i e m a i s

le c l o c h e r n e fu t a c h e v é q u e t r è s p o s t é r i e u r e m e n t .

D a n s s o n é t a t a c t u e l , l ' ég l i se d ' I b o s c o m p r e n d

u n c h œ u r à u n e s e u l e a b s i d e , o r i e n t é , v o û t é

d ' o g i v e s , c o n s t r u i t s u r p l a n p o l y g o n a l , s u r m o n t é

d ' u n e p y r a m i d e o c t o g o n a l e , r e s t e d e la b e l l e c o n s -

t r u c t i o n d é t r u i t e a u s e i z i è m e s i èc l e , « u n g d e s

b e a u x é d i f i c e s d u d i o c è s e », u n e n e f r e c o n s t r u i t e

a p r è s l a d e s t r u c t i o n d e l ' ég l i se s u r u n p l a n m o i n s

v a s t e e t q u i r a c c o r d e le c h œ u r à u n c l o c h e r c a r r é ,

s u r m o n t é d ' u n t o i t a f o r m e t r è s p a r t i c u l i è r e q u e

l ' o n t r o u v e d a n s les H a u t e s - P y r é n é e s et q u i n e

r e m o n t e p a s a u d e l à de la p r e m i è r e m o i t i é d u d i x - h u i t i è m e s ièc le .

L ' a p p a r e i l e s t e n p i e r r e s a v e c i n c r u s t a t i o n s d e

b r i q u e s . Le c h œ u r e s t v o û t é d ' o g i v e s e t f l a n q u é

d ' é n o r m e s c o n t r e f o r t s e n b r i q u e s e t p i e r r e s a u

n o m b r e d e h u i t c o r r e s p o n d a n t a u x n e r v u r e s e t

f o r m a n t a i n s i u n h é m i c y c l e à s e p t p a n s . E n t r e

c h a q u e c o n t r e f o r t es t p e r c é e u n e l a r g e b a i e e n

a r c b r i s é s o u t e n u e p a r u n a r c d e d é c h a r g e e t

p a r t a g é e p a r u n m e n e a u s u r m o n t é l u i - m ê m e d e

c i n q q u a t r e f e u i l l e s d i s p o s é s 1 , 2 et 2. L a b a i e q u i se t r o u v e d a n s l ' axe d e l ' éd i f i ce es t à t r o i s d i v i -

s i o n s e t p l u s g r a n d e q u e les a u t r e s . A u b a s d e

c h a q u e f e n ê t r e o n r e m a r q u e e x t é r i e u r e m e n t u n

o c u l u s a v e u g l e s a u f à l a f e n ê t r e p l a c é e d a n s l ' a x e

d e l ' é d i f i c e . C e t t e c o n s t r u c t i o n r é v è l e le s t y l e d u

q u i n z i è m e s i èc l e .

L a n e f es t à u n s e u l v a i s s e a u c o m p r e n a n t t r o i s

t r a v é e s . E l l e es t v o û t é e d ' o g i v e s , é p a u l é e s , a i n s i

q u e l e s d o u b l e a u x p a r d e s s u p p o r t s n o y é s d a n s la

m a ç o n n e r i e d u m u r . E n r e t r a i t s u r le c h œ u r , e l l e

s ' é c l a i r e d i r e c t e m e n t p a r d e s b a i e s p l a c é e s e n t r e les c o n t r e f o r t s . C e u x - c i s o n t c o n s t r u i t s d a n s le

s t y l e d e c e u x d u c h œ u r .

Le p o r c h e e s t c o n s t i t u é p a r u n e t o u r c a r r é e f o r -

m a n t c l o c h e r e t p r é s e n t a n t u n p i g n o n r e c t a n g u -

l a i r e p o i n t u a v e c j o u r s p o u r le p a s s a g e d u s o n d e s c l o c h e s .

FIG. I. — Église d'Ibos. Photo Lahouche.

Le c i n t r e d e la p o r t e d ' e n t r é e e s t s a n s d o u t e u n

r e s t e d ' u n é d i f i c e p r i m i t i f r é u t i l i s é a u d i x - s e p t i è m e

s i è c l e . Il n ' y a p a s d e t y m p a n . Le t o u t e s t c o u v e r t d ' a r d o i s e s .

L ' é g l i s e n ' a y a n t q u ' u n e s e u l e ne f , d e s c h a p e l l e s

o n t é t é a m é n a g é e s e n t r e les c o n t r e f o r t s . L e s p i -

l i e r s d e la n e f e n t r e les c h a p e l l e s s o n t é n o r m e s e t e n h a r m o n i e a v e c les c o n t r e f o r t s d o n t i l s f o n t

d ' a i l l e u r s p a r t i e .

A d r o i t e e n e n t r a n t s ' o u v r e la p o r t e d u c l o c h e r

p a r u n e b a i e s u r m o n t é e d ' u n e n e r v u r e t r è s s i m -

p l e , a y a n t u n c e r t a i n c a c h e t , n e r v u r e d u s e i z i è m e

s i èc l e . O n a c c è d e a u c l o c h e r p a r u n e s c a l i e r à v i s ,

e n f e r m é d a n s u n e t o u r e l l e r o n d e , s u r l e q u e l a u

r e v e r s d e l a d i x i è m e m a r c h e f i g u r e u n e i n s c r i p -

t i o n , d i v e r s e m e n t i n t e r p r é t é e , m a i s d o n t M a u r i c e

L a n o r e a d o n n é u n e l e c t u r e d é f i n i t i v e . E l l e r a p -

p e l l e , e n c a p i t a l e s g o t h i q u e s d u q u i n z i è m e s i è c l e ,

l ' œ u v r e d ' A r n a u d d e B a l e i x , m a î t r e m a ç o n d ' I b o s

( M a e s t e A R n a u T D e B A L E I X ) .

E x t é r i e u r e m e n t l ' ég l i se e s t f o r t i f i é e e t u n p o s t e

d e g u e t , r e l i é à u n c h e m i n d e r o n d e , a é té a m é n a g é

a u s o m m e t d e c h a q u e c o n t r e f o r t . I l p e r m e t t a i t d e

b a t t r e l ' e s p a c e c o m p r i s e n t r e c h a c u n d ' e u x e t l e c o n t r e f o r t v o i s i n . L a t o u r s i t u é e e n t r e la n e f e t l e

c l o c h e r à la p a r t i e s u d d e l ' éd i f i ce p o r t e é g a l e m e n t d e s m e u r t r i è r e s .

L a c o n s t r u c t i o n d e l a t o u r c a r r é e d u c l o c h e r f i t

e n 1725 l ' o b j e t d e c o n t e s t a t i o n s d e v a n t le s é n é c b a l

d e B i g o r r e e n t r e l e s m a r g u i l l i e r s d ' I b o s e t M. B o i -

r i e , p r ê t r e . E n 1731 la c o m m u n a u t é e s t e n i n s t a n c e

c o n t r e le s i e u r P h i l i p p e C a z e n a v e a u s u j e t d e la

v e n t e d ' u n e p l a c e d ' o ù l ' o n a v a i t t i r é h u i t c h a r s d e

c a i l l o u x à 8 s. le c h a r p o u r la m ê m e c o n s t r u c t i o n .

L ' é g l i s e p o s s è d e u n e j o l i e c h a i r e e n b o i s s c u l p t é

d u d i x - s e p t i è m e s i è c l e . C h a c u n d e s p a n n e a u x

p o r t e u n m é d a i l l o n e n r e l i e f r e p r é s e n t a n t d e s s c è -

n e s d e l a v i e d u C h r i s t o u d e s A p ô t r e s .

L a r a m p e d e l ' e s c a l i e r e s t é g a l e m e n t r e m a r q u a - b le . E n o u t r e s u r le c ô t é d r o i t d u s a n c t u a i r e se

t r o u v e u n e t r è s b e l l e s t a t u e d e p a p e ( p r o b a b l e m e n t

C l é m e n t V) e n b o i s s c u l p t é . D e r r i è r e le m a î t r e -

a u t e l s o n t d e s s t a l l e s s c u l p t é e s , d e f a c t u r e t r è s

s i m p l e , m a i s d e b o n g o û t .

D e la g a l e r i e c i r c u l a i r e q u i d o m i n e le c h œ u r o n

j o u i t , p a r b e a u t e m p s , d ' u n s u p e r b e p a n o r a m a s u r

l a c h a î n e d e s P y r é n é e s e t s u r l a p l a i n e d e B i g o r r e .

S A I N T - P É - D E - B I G O R R E

A n e u f k i l o m è t r e s d e L o u r d e s , a u b o r d d u G a v e

d a n s u n « s i t e p i t t o r e s q u e c o m m e c e u x d e la

S u i s s e » p r è s d u c o n f l u e n t d e la G é n i e d o n t il t i r e

s o n n o m , a v e c le G a v e , le m o n a s t è r e d e S a i n t - P é -

d e - G é n é r é s f u t f o n d é d a n s l a p é r i o d e d e r é n o v a t i o n

m o n a s t i q u e e t d e f e r v e u r r e l i g i e u s e q u i m a r q u a le

o n z i è m e s i è c l e , p a r l e d u c d e G a s c o g n e S a n c h e

G u i l l a u m e . A p e i n e c o n s t i t u é , l ' é t a b l i s s e m e n t s e

d é v e l o p p a , c a r d é j à la c h a r t e d e f o n d a t i o n f a i t é t a t

d e s o n o r i g i n e e t a s s i g n e à l a v i l l e ses l i m i t e s . O n y v o i t l es r e d e v a n c e s d e s h a b i t a n t s e n v e r s le m o n a s -

t è r e , l ' i n s t i t u t i o n d e s f o i r e s , le r a p p e l d e s i m m u n i -

t é s e x c e p t i o n n e l l e s o c t r o y é e s à S a i n t - P é , d e s e s c o u -

t u m e s e t d e ses m e s u r e s , d i f f é r e n t e s d e c e l l e s d e l a

B i g o r r e e t d u B é a r n . O u t r e u n t r è s r i c h e t r é s o r , il

d o n n a e n c o r e a u x r e l i g i e u x s o n d o m a i n e d e S a i n t -

C a s t i n a v e c t o u s l e s b i e n s e n d é p e n d a n t . A u t o u r

d u m o n a s t è r e , u t i l i s a n t l a d i s p o s i t i o n d u t e r r a i n ,

l es h a b i t a n t s c o n s t r u i s i r e n t l a v i l l e , q u i f u t t o u -

j o u r s c o m p o s é e d e g e n s a u x m œ u r s s i m p l e s , p o p u -

l a t i o n d e c l o u t i e r s e t d e c h a r b o n n i e r s , p e t i t s i n -

d u s t r i e l s u t i l i s a n t le b u i s d e l e u r s f o r ê t s , l a v i l l e

g a r d a n t e n c o r e a u j o u r d ' h u i , m a l g r é les i n é v i t a -

b l e s c h a n g e m e n t s q u ' a p p o r t e la s u i t e d e s â g e s , l e

c h a r m e d e s o n a n t i q u i t é a v e c ses j a r d i n s e n t e r -

r a s s e s s u r le G a v e , f ace a u d é c o r s p l e n d i d e q u e l u i

c o n s t i t u e s a c e i n t u r e d e m o n t a g n e s .

S a i n t - P é e s t d e n o s j o u r s u n l i e u c h a r m a n t d e

v i l l é g i a t u r e a u q u e l l a p r é s e n c e d e s o n i n s t i t u t i o n

s e c o n d a i r e l i b r e , q u i r é u n i t p l u s d e t r o i s c e n t s élè-

v e s , d o n n e u n e a n i m a t i o n t o u j o u r s r e n o u v e l é e .

D e s p r o m e n a d e s f o r t a g r é a b l e s p e u v e n t ê t r e e n -

t r e p r i s e s s u r l e s c o t e a u x v o i s i n s , s u r l e s m o n t a -

g n e s p r o c h a i n e s o u le l o n g d u G a v e . I l y a q u e l -

q u e s a n n é e s e n c o r e le m o i s d ' o c t o b r e o f f r a i t a u

v i s i t e u r u n a t t r a i t p a r t i c u l i e r p a r l a c h a s s e a u x

r a m i e r s f a i t e s u r le M o u s q u é . C ' é t a i t p l a i s i r d ' a l l e r

v o i r c e s p a u v r e s o i s e a u x , h a b i l e m e n t c o n d u i t s

v e r s les p a n t i è r e s , se f a i r e p r e n d r e s o u s les f i l e t s

d e s c h a s s e u r s . L a d i m i n u t i o n p r o g r e s s i v e d u g i -

b i e r e t l a v ie c h è r e o n t a m e n é la d i s p a r i t i o n d e

c e t t e c h a s s e . E n r e v a n c h e d e s i n d u s t r i e s n o u v e l l e s

u t i l i s a n t la f o r c e h y d r a u l i q u e d u G a v e se s o n t

c r é é e s e t o n t r e m p l a c é les a n c i e n s c l o u t i e r s ; c e l l e

d u t o u r i s m e a n i m e d a n g e r e u s e m e n t s a r u e a s s e z

é t r o i t e c a r d e m u l t i p l e s a u t o b u s c o n d u i s e n t a u x

g r o t t e s d e B é t h a r r a m t o u t e s p r o c h e s .

L ' é g l i s e e t le c l o c h e r , d o n t l a v u e a t t i r e e n c o r e

a u j o u r d ' h u i le t o u r i s t e , s ' é l e v è r e n t à c ô t é d u m o -

n a s t è r e . N e p o u v a n t d o n n e r d a n s ce c a d r e é t r o i t u n

h i s t o r i q u e d e l ' a b b a y e n i d e l a v i l l e , d u m o i n s

n o u s s e r a - t - i l p e r m i s d e l e s f a i r e c o n n a î t r e p r i n c i -

p a l e m e n t p a r l e u r s m a l h e u r s .

R u i n é p a r les H u g u e n o t s a u p o i n t « q u ' i l n ' y

r e s t a p r e s q u e a u c u n v e s t i g e », le m o n a s t è r e s ' é t a i t

p é n i b l e m e n t r e l e v é . A la v e i l l e d e l a R é v o l u t i o n e t

s e l o n le c a h i e r d e d o l é a n c e s d e la c o m m u n a u t é ,

« le r é g i m e a v a i t r é d u i t à t r o i s l e s r e l i g i e u x d e l ' a b -

b a y e » , a u l i e u d e s e p t q u ' e l l e p o s s é d a i t p r é c é d e m -

m e n t , m a i s e n v e r t u d e s l o i s r é v o l u t i o n n a i r e s l e s

r e l i g i e u x f u r e n t d i s p e r s é s e t le m o n a s t è r e v e n d u c o m m e b i e n n a t i o n a l . L e s m o i n e s d e S a i n t - M a u r

q u i t t è r e n t l ' é t a b l i s s e m e n t à l a fê te d e P â q u e s d e l ' a n n é e 1791.

L e m o n a s t è r e d e S a i n t - P é e s t i m é 24 .000 l i v r e s e n

1790 n e f u t v e n d u q u ' e n l ' a n IV . S u i v a n t u n e d é -

c l a r a t i o n d e l a m u n i c i p a l i t é d e S a i n t - P é le m o n a s -

t è r e fu t v e n d u à B l a i s e M a u m u s , d e L o u r d e s , p o u r

321 .000 f r a n c s e n a s s i g n a t s p a y é s p e u d e j o u r s a v a n t l e u r d é m o n é t i s a t i o n . Ces i m m e u b l e s a v a i e n t

é t é e s t i m é s 24.000 f r a n c s e n n u m é r a i r e « s o m m e

b i e n i n f é r i e u r e à l e u r v a l e u r , m a i s b i e n s u p é r i e u r e

à la s o m m e r ée l l e p a y é e p a r le d i t M a u m u s q u i n e

se p o r t e p a s à 15.000 f r a n c s . » L ' a c h e t e u r m o n n a y a

ce q u i p o u v a i t a v o i r q u e l q u e v a l e u r : il a r r a c h a

a u x c h e m i n é e s e t a u x f e n ê t r e s les b o i s e r i e s q u i

les o r n a i e n t e t l ' o p é r a t i o n l u i r a p p o r t a p l u s d e

4 .000 l i v r e s e n n u m é r a i r e , p u i s il d o n n a l ' a b b a y e

e n d o t à s a fi lle B e r t r a n d e M a u m u s q u i é p o u s a , le

27 j u i n 1806, L u c i e n S o u l é d e S a i n t - P é .

Le c o n s e i l m u n i c i p a l v o u l u t r é t a b l i r d a n s la

v i l l e l ' e n s e i g n e m e n t q u i l u i a v a i t t a n t p r o f i t é à

l ' é p o q u e d e s B é n é d i c t i n s et p r o p o s a u n e e n t e n t e

a v e c les p r o p r i é t a i r e s m a i s le d é c r e t i m p é r i a l d u

15 n o v e m b r e 1811 c o n c e r n a n t le r é g i m e d e l ' U n i -

v e r s i t é v i n t a j o u r n e r la r é a l i s a t i o n d e ce p r o j e t .

Ce n e fu t q u e le 13 n o v e m b r e 1822 q u e d e v a i t

s ' o u v r i r le C o l l è g e - S é m i n a i r e d o n t la d i r e c t i o n

é t a i t c o n f i é e à l ' a b b é B e r t r a n d - S é v è r e L a u r e n c e ,

f u t u r é v ê q u e d e T a r b e s . C a r , p a r a c t e d u 8 j u i l -

le t 1822, le P . P r o c o p e L a s s a l l e , q u i a v a i t a c q u i s l ' i m m e u b l e d e la f a m i l l e S o u l é - M a u m u s , d o n n a à

l ' é v ê c h é d e T a r b e s , p a r d o n a t i o n e n t r e v i fs à j a m a i s

i r r é v o c a b l e , « la p r o p r i é t é c o n n u e s o u s l ' a n c i e n n e d é n o m i n a t i o n d e c o u v e n t d e S a i n t - P é ».

D a n s la r u e p r i n c i p a l e , p r e s q u e e n face d u p o r - t a i l d u S é m i n a i r e u n e m a i s o n a n c i e n n e m é r i t e u n

c o u p d ' œ i l . A v e c ses f e n ê t r e s à c r o i s é e s e l le c o n s -

t i t u e u n jo l i s p é c i m e n d e l ' a r t l o c a l d u s e i z i è m e

s ièc le . L a p l a c e e n t o u r é e d e m a i s o n s a n c i e n n e s

a v e c a r c a d e s a u r e z - d e - c h a u s s é e v a u t é g a l e m e n t

d ' ê t r e r e m a r q u é e . D a n s la r u e d u S é m i n a i r e o n

t r o u v e le s i g n e o v i p h i l e d e la t o m b e b a s q u e s u r

u n l i n t e a u d e p o r t e .

L ' é g l i s e d e S a i n t - P é .

L ' h i s t o i r e d e ses m a l h e u r s , a i - j e d i t , n o u s r e n -

s e i g n e s u r l a s p l e n d e u r p r i m i t i v e d e l ' ég l i se d e

S a i n t - P é . D a n s s a l e t t r e à D o m G e r m a i n , d o m

J e a n l ' É v a n g é l i s t e G u i l l a u m e , p r i e u r , é c r i t , le

26 m a r s 1688, q u e la « v i e i l l e é g l i s e e s t o i t u n e des .

p l u s b e l l e s d u p a y s : il y a v o i t u n d ô m e d ' u n e

h a u t e u r p r o d i g i e u s e y a y a n t v o u t e s u r v o u t e e t f a i t

à l ' i n s t a r d e c e l l u y d e S a i n t - P i e r r e d e R o m e : p l u -

s i e u r s p e r s o n n e s q u i o n t v e u l ' u n e t l ' a u t r e m e

l ' o n t d i t à m o y m e s m e ».

« L a r e y n e J e a n n e e t le c o m t e d e M o n g o m m e r y

r u i n è r e n t t e l l e m e n t le m o n a s t è r e q u ' i l n ' y r e s t a

p r e s q u e a u c u n v e s t i g e . I l s m i r e n t le f e u à l a c h a r -

p e n t e d e l ' ég l i se , l a q u e l l e a y a n t é t é p l u s i e u r s a n -

n é e s d é c o u v e r t e , l es v o u t e s s ' e s c r o u l è r e n t , le d ô m e

n é a n t m o i n s s u b s i s t a j u s q u e s e n 1661, à l a q u e l l e

a n n é e il t o m b a n o n o b s t a n t les r é p a r a t i o n s e t t o u t

ce q u ' o n p u t f a i r e p o u r le c o n s e r v e r . »

L ' é v é n e m e n t f i n a l a u q u e l f a i t a l l u s i o n c e t t e r e l a -

t i o n e t q u i v i e n t c o m p l é t e r l a d e s t r u c t i o n c o m -

mencée par les Huguenots et continuée par la lente déprédation du temps est le fameux tremblement de terre du 21 juin 1660 « qui fut entendu pres- que partout le royaume de France et bien avant dans l'Espaigne ». Cependant l'annaliste Larcher fait allusion également à un tremblement de terre survenu en 1654 et par lequel « les voutes du mo- nastère et de l'église de l'abbaye de Saint-Pé, de l'Ordre de Saint-Benoît, furent entr'ouvertes. » Elles s'écroulèrent le 14 juillet 1661.

Quand on approche de l'imposante masse som- bre qui constitue l'église de Saint-Pé, surmontée par sa flèche, il s'en dégage une impression d'aus- tère grandeur. L'entrée actuelle faisant face au midi et dont le portail est décoré d'un tympan roman représentant un Christ de majesté entouré des attributs des Évangélistes, donne accès d'une part dans l'église paroissiale actuelle, d'autre part dans une salle située aujourd'hui au-dessous de la tour du clocher, agréablement ornée d'arcatures romanes en plein cintre, décorées de billettes et où l'on n'hésite pas à voir le bras d'un transept d'une église du douzième siècle. C'est qu'en effet il dut y avoir à Saint-Pé deux églises : l'église béné- dictine à laquelle appartient ce bras de transept et dont un mur de la nef subsiste au nord de

l'église actuelle et l'église paroissiale qui présen- tait cette particularité d'avoir sa principale entrée à l'est. Pour si anormale que puisse paraître cette disposition, qui n'est point cependant sans exem-