De l'autorégulation de la presse ivoirienne

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INTRODUCTION La presse désigne l’ensemble des publications imprimées ou des activités journalistiques. La presse, c’est aussi une institution avec un mode d’organisation et un mode de fonctionnement. Tout Etat héberge dans son univers médiatique une presse. En tant qu’institution, la presse et plus particulièrement la presse écrite bénéficie des lois abrogées par chaque pays pour la réguler et la contrôler. Cette régulation institutionnelle est un ensemble de dispositions relatives à la presse prises par l’Etat pour réglementer la profession. Cependant, l’idéal voudrait que la presse soit indépendante et exempte de toute ingérence étatique. Après les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la presse et par extension tous les media constituent le 4 ème pouvoir. Ce statut lui (la presse) est octroyé par la force de parfois servir de contre pouvoir face aux pouvoirs incarnant l’Etat. Depuis 1990, date de l’avènement du multipartisme, l'on assiste à un foisonnement de journaux : la Côte d'Ivoire compte une bonne cinquantaine de quotidiens, hebdos et autres périodiques paraissant régulièrement. Malgré les apparences, la presse ivoirienne constitue un marché où la concurrence reste très

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INTRODUCTION

La presse désigne l’ensemble des publications imprimées ou des activités

journalistiques. La presse, c’est aussi une institution avec un mode d’organisation et un mode

de fonctionnement. Tout Etat héberge dans son univers médiatique une presse. En tant

qu’institution, la presse et plus particulièrement la presse écrite bénéficie des lois abrogées par

chaque pays pour la réguler et la contrôler. Cette régulation institutionnelle est un ensemble

de dispositions relatives à la presse prises par l’Etat pour réglementer la profession.

Cependant, l’idéal voudrait que la presse soit indépendante et exempte de toute ingérence

étatique.

Après les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, la presse et par extension tous les media

constituent le 4ème pouvoir. Ce statut lui (la presse) est octroyé par la force de parfois servir de

contre pouvoir face aux pouvoirs incarnant l’Etat.

Depuis 1990, date de l’avènement du multipartisme, l'on assiste à un foisonnement de

journaux : la Côte d'Ivoire compte une bonne cinquantaine de quotidiens, hebdos et autres

périodiques paraissant régulièrement. Malgré les apparences, la presse ivoirienne constitue un

marché où la concurrence reste très vive. Ce fait émane de la manifestation d’une liberté

d’expression et d’opinion qui jusque là étaient inexistantes. Cependant, le constat a été que

« pluralisme et diversité ne riment pas nécessairement avec responsabilité et respect des règles

élémentaires du journalisme. »1

Les problèmes d’ordre économique vont engendrer des excès et dérapages.

Face à ces manquements, le paysage médiatique et la presse en particulier, a nécessité une

organisation interne pour ordonner la profession, endiguer et éviter les dérapages de la part de

ses professionnels. D’où l’autorégulation de la presse.

1 Zio Moussa, L’Olped, pionnier de l’autorégulation des media en Afrique. Groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET) : Paris (France), 2001, p 5.

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Ce thème sur lequel, il nous est donné de réfléchir, dans le cadre restreint de l’univers

médiatique ivoirien est un ensemble de principes minimums que s’imposent les acteurs de ce

milieu.

Dès lors, quelles sont les notions que renferme l’idée d’autorégulation ? Quelles sont les

instances d’autorégulation de la presse en Côte d’Ivoire ? Qu’est-ce que l’autorégulation

apporte de nouveau dans ce secteur en Côte d’Ivoire ? Quel rôle jouent les instances

d’autorégulation dans la résolution de crise et dans le processus électoral à venir ?

Telles sont les axes majeurs autour desquels vont s’articuler notre analyse.

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I/ Approche définitionnelle

Ce mot, depuis des décennies, défraie la chronique. Dans tous les domaines, le terme

régulation intervient et plus précisément dans le domaine de la presse écrite. Face à cet état de

fait, nous ne restons pas indifférents au point où, l’on s’interroge sur la régulation en tant

qu’une théorie, mais essentiellement sur le contenu sémantique.

Ce concept de régulation renferme deux formes ou entités : la régulation et l’autorégulation

(l’objet de notre étude). En d’autres mots, l’on ne saurait s’intéresser à la norme ajoutée sans

parler de la norme elle-même. Pour ainsi dire, la notion d’autorégulation ne saurait prendre

vie sans l’idée de régulation. Qu’est-ce que la régulation ? que recouvre ce concept ?

I-1- La régulation

Dans une diversité de contenu sémantique dépendant du domaine, nous allons en retenir

quelques unes.

« Au sens large, le plus fréquemment rencontré dans l’abondante littérature sur la

mondialisation, la régulation désigne la production et la mise en œuvre des règles de jeu

économique et social »2.

« Au sens étroit, il désigne l’équilibration dynamique d’un système d’acteurs lié à une offre

de services. En ce sens, la régulation intervient dans un cadre réglementaire donné. Elle vise à

assurer le respect des règles de la concurrence et, le cas échéant, le service universel dans un

secteur d’activité »3.

Dans le domaine médiatique, « la régulation est la mise en place par l’État d’un ensemble de

règles de conduite dont il est capable de réprimer par la contrainte »4. En d’autres mots et de

façon plus pragmatique, elle se réfère à un ordre des journalistes régulé par des personnes

extérieures à la profession, l’Etat. Le CNP5 en est un exemple patent.

2 Intervention de Dr KOUA Saffo lors du 10ème anniversaire du RIARC tenu à yamoussoukro.3 Opcit.4 Opcit.5 Conseil national de la Presse.

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I-2- L’autorégulation

Ce mot intervient et provient des sciences telles que……………………

Un système ou organe qui ne pourrait régler son propre fonctionnement en permanence est

exposé à des risques d’emballement ou d’étouffement. C’est pourquoi dans la plupart des

systèmes ayant une certaine pérennité, on observe un ou plusieurs mécanismes, parfois

spontanés, d'autorégulation, c’est-à-dire de régulation assurée par le système lui-même ou

même encore par les membres constituant ce système.

C’est dans certains cas - et cela est vérifié - le fait qu’un organe possède cette autorégulation

qui leur donne une stabilité suffisante pour qu’on leur accorde crédibilité et notoriété.

L’autorégulation des médias correspond à un effort concerté des professionnels du secteur

médiatique d’instaurer des directives rédactionnelles volontaires et de s’y conformer dans le

cadre d’un processus d’apprentissage ouvert au public. Ce faisant, les médias indépendants

acceptent leur part de responsabilité concernant la qualité du débat public au sein de la nation

tout en préservant pleinement leur autonomie rédactionnelle.

II/ DE LA REGULATION A L’AUTOREGULATION DE LA PRESSE

II-1- Régulation de la presse

II-1-1- Approche juridique

Du point de vue juridique, la régulation est la mise en place par l’État d’un ensemble de règles

de conduite dont il est capable de réprimer par la contrainte. La régulation est la normalisation

du fonctionnement d’un organe par l’intervention des personnes extérieures à la profession ;

plus précisément par l’Etat. La régulation implique donc les rapports Etats/ sociétés ou

organes.

Par ailleurs, la régulation répond à un souci de pouvoir canaliser tout ce qui est et de pouvoir

se projeter dans le futur pour éviter des éventualités non souhaitées. C’est tout le sens que

véhicule le Pr Séry Bailly, Président du comité scientifique, lors du 10ème anniversaire du

RIARC6 lorsqu’il souligne : « il y a besoin de régulation parce que l’avenir doit prévaloir sur

6 Réseau des Instances africains de Régulation de la Communication.

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la fascination de l’immédiat. La régulation doit conduire à la capacité de prévoir afin

d’arbitrer entre le présent et le futur en ce qui concerne l’allocation des ressources, de faire

converger intérêt public et avantage personnel. L’histoire a des lois que nous pouvons

entrevoir sinon maîtriser afin d’en tenir compte pour prévenir  et l’orienter. »

Lors de cette même cérémonie, M. Urbain Traoré porte-parole du RIARC est intervenu sur le

point de la régulation. Pour lui, la régulation se définit en deux points :

Veiller à la protection de la liberté de la presse;

Garantir le droit d’accès du citoyen à l’information, l’équilibre et le pluralisme de

l’information, la protection et la promotion des valeurs culturelles dans les

programmes des médias publics et privés.

Plus loin à cette même occasion, le Pr Francis Wodié entre en lice. Pour lui, « la régulation

intervient par le jeu des règles, des lois, qui ont nécessairement un caractère général. Ainsi, les

normes, comme tout le droit, nous disent ce que nous devons faire, ce que nous devons être,

sans pouvoir toujours obtenir que s’accorde ce qui est et ce qui doit être. Autrement dit, la

régulation interpelle les sous-ensembles constitutifs de la société globale avec laquelle ils

doivent entretenir des relations harmonieuses et fécondes. Elle s’adresse ainsi à chacun de

nous pris individuellement ou collectivement. » C’est dire que la société humaine

contrairement à celle des animaux est régie par des lois. Des lois sans lesquelles notre société

serait assimilée à la jungle. Ainsi pour mener une vie harmonieuse, conviviale, nous sommes

tous - pris individuellement ou collectivement - tenus de nous conformer aux règles.

II-1-2- Instance de régulation de la presse écrite en Côte d’Ivoire

En Côte d’Ivoire, la charge de la régulation de la presse écrite est incombe au CNP (Conseil

National de la Presse). Ce qui suit constitue une brève genèse de la naissance du CNP.

Laquelle genèse peut se résumer ainsi : de la CNP au CNP.

La loi sur la presse écrite ivoirienne à été instaurée en 19917. Toutefois, il est le lieu de noter

que cette loi a été précédée d’une loi qui quant à elle était fondée sur la loi française du 29

Juillet 1881. Contrairement à la France, la loi ivoirienne fait mention d’une création d’un

organe de presse est soumise à la délivrance d’une autorisation préalable.

7 Loi 91-1033 du 31 décembre 1991.

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La loi 1991 a été la conséquence logique de l’avènement du multipartisme. Le multipartisme à

un moment donné a pris la forme de démocratie. Partant de la loi portant liberté d’expression,

les partis politiques ont créé leurs propres presses. Il s’est ensuivi un foisonnement des

organes de presse libéralisant le paysage médiatique. Face à cet état des choses, il a fallu créer

la CNP (Commission Nationale de la Presse) comme il prévu par l’article 23 cette même loi.

Elle était donc chargée de veiller au respect des obligations prévues par ladite loi par les

organes de presse.

Cette loi de 1991 va, faut-il le mentionner, subir par la suite des modifications en 19938, 19999

et 200010.

Après ceci, il a été jugé que la presse a eu une part de responsabilité dans le déclenchement de

la crise de 2002. C’est ainsi que les parties protagonistes se sont retrouvées à Linas-

Marcoussis pour établir une nouvelle loi : la Loi 2004-643 du 14 décembre 2004 placée sous

le signe de la naissance du CNP. Plus précisément, c’est l’article 38 de cette même loi qui a

instauré une instance de régulation dénommée Conseil National de la Presse (le CNP), en lieu

et place de la Commission Nationale de la Presse (la CNP).

Cependant, il nous vient à l’idée de nous poser la question de savoir si le CNP va réellement

jouer le rôle qui est sien, va-t-il combler le vide laissé par la CNP ?

La partie suivante va nous éclairer sur les faiblesses du CNP.

II-1-3- Critiques

L’information en tant que matière première de toute entreprise et particulièrement dans le

domaine médiatique, est une chose publique qui contribue au bon fonctionnement de la

démocratie. Dans le domaine des media, l’information doit respecter certaines lois. C’est en

vue de veiller au respect de ces lois que le CNP a vu le jour. Néanmoins, cette instance

souffre d’insuffisances et même d’impuissance dans sa tentative de réguler selon la loi.

La loi souffre d’un phénomène communément appelé « vide juridique ». En effet, il ya vide

juridique lorsqu’il ya une éventualité ou une situation imprévue par la loi. De façon

pragmatique la loi ne peut contraindre là où elle n’a pas encore statué.

8 Décret n°3-315 (11 mars 1993), portant organisation et fonctionnement de la CNP.9 Le 6 juillet 1999, une nouvelle loi (99-436) dote la CNP d’un pouvoir disciplinaire.10 Ordonnance 2000-545 août 2000 : nouveau régime juridique pour la presse.

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Cette impuissance de la loi se manifeste également dans le cas où elle (la loi) démontre son

incompétence face à des situations. Plus généralement, cela survient lorsque face à des

questions de moralité.

II-2- Autorégulation de la presse

II-2-1- Nature

Loin d’être une censure, encore moins une autocensure, l’autorégulation vise à instituer des

principes minimums en matière de déontologie, du respect du droit de la personne,

d’exactitude de l’information délivrée, etc., tout en préservant pleinement la liberté

rédactionnelle pour ce qui est des sujets traités et des opinions exprimées.

Elle ne concerne pas uniquement la presse qui s’avèrerait infaillible car nul n’est parfait.

Outre ce fait, une critique exprimée publiquement sera toujours perçue comme inexacte par

ceux qu’elle vise. L’autorégulation aide donc les médias à réagir et répondre aux plaintes

légitimes et à corriger leurs erreurs.

II-2-2- Qui sont les acteurs ?

L’autorégulation est un engagement pris par les professionnels des médias soucieux de qualité

et soucieux de maintenir un dialogue avec le public. Un mécanisme indépendant et

fonctionnant de manière rationnelle est mis en place pour répondre aux inquiétudes et plaintes

des usagers des médias. Dans les médias, ce ne sont bien entendu que les journalistes, les

rédacteurs en chef et les propriétaires des médias cherchant à produire une information

responsable qui s’impliqueront dans ce dialogue. L’autorégulation peut être instaurée à la fois

au niveau de l’industrie et en interne.

Hors des médias, c’est surtout d’institutions politiques et de personnalités publiques

qu’émanent habituellement les plaintes, car les reportages et commentaires sur leurs activités

constituent une part essentielle du travail des médias. Mais des protagonistes de la société

civile comme ceux des milieux d’affaires, des organisations syndicales, religieuses et de

minorités, des groupes de pression traditionnels et nouvellement établis, ainsi que des

citoyens individuels, peuvent constituer des partenaires tout aussi intéressés.

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II-2-3-Instances de l’autorégulation 

En côte d’Ivoire nous disposons de deux instances d’autorégulation à savoir l’UNJCI et

l’OLPED. C’est le lieu de noter que notre analyse va s’accentuer sur l’Olped, toutefois il

serait intéressant de faire appel à l’UNJCI si le besoin se faisait sentir.

A l’instar de l’Olped et au-delà des associations spécialisées existant dans le domaine de la

presse, l'Union Nationale des Journalistes de Côte-d'Ivoire (UNJCI) créée le 25 novembre

1991, constitue le creuset qui rassemble les journalistes de toutes les tendances politiques,

idéologiques et même ceux qui n’ont aucune couleur politique, aussi bien les professionnels

de service public que de la presse privée.

L’Union, sans être un syndicat, s’est donné pour missions, entre autres, de « valoriser le

métier de journaliste, défendre les intérêts moraux et matériels de la corporation, promouvoir

l’excellence et l’indépendance d’esprit chez les hommes des médias. »

L’Union est très active. La corporation des journalistes de Côte d’Ivoire lui doit l’élaboration

et l’adoption le 29 août 1992 du code de déontologie, la création de l’Olped, l’organisation de

très nombreux séminaires de formation, et surtout le prix Noël X. Ebony, prix d’excellence du

journalisme qui récompense tous les deux ans, depuis 1993, les meilleurs journalistes de

presse écrite, de télévision et de radio, pour leurs enquêtes, reportages et interviews. La

remise du prix donne lieu à « la nuit de la communication », événement très médiatique qui

mobilise beaucoup d’annonceurs privés. L’organisation et la dotation du prix représentent un

budget de 50 millions Fcfa.

L’UNJCI a vigoureusement encouragé l’institution de la carte d’identité du journaliste

professionnel et la mise à disposition d’un fonds d’aide à la presse. Contrairement à ce qui se

passe dans certains pays africains où les journalistes choisissent de se regrouper par affinités,

les professionnels ivoiriens regroupés au sein de l’UNJCI ont un seul credo fédérateur : le

journalisme professionnel d’abord. Grâce à sa capacité fédératrice l’Union peut mobiliser

l’ensemble de la profession, comme l’a témoigné par exemple la journée presse morte du 21

septembre 2000.

Vision globale sur l’UNJCI ainsi faite, abordons le volet Olped. D’où est venue l’idée de la

création d’une instance nommée Olped ?

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II-2-3-1- Historique de l’Olped

La genèse de l’instance de l’autorégulation telle que l’OLPED émane d’instabilité dans le

paysage médiatique, mais essentiellement d’une tourmente d’un contexte électoral. Qu’en est-

il réellement ?

II-2-3-1-1- L’OLPED : fruit d’un contexte électoral ?

L’Observatoire de la Liberté de la Presse, de l’Ethique et de la Déontologie (Olped), a été créé

en septembre 1995, à Yamoussoukro à l’issue d’un séminaire sur « La responsabilité du

journaliste en période électorale ». Ce séminaire s’inscrivait dans le cadre de la préparation

des élections générales qui ont eu lieu entre la fin de l’année 1995 et le début de l’année 1996.

A la veille de ces élections, boycottées par l’opposition, il régnait une certaine tension et la

presse pouvait jouer un rôle dangereux comme cela venait d’être le cas avec la Radio des

1000 Collines au Rwanda11. La première tâche de l’Olped était d’aider les médias dans leur

gestion des élections. La création de l’Olped répond au souci du respect de la déontologie afin

d’éviter les dérapages, tout particulièrement en période électorale.

La plupart des journalistes sont bien connus des membres de l’Olped, notamment par ceux qui

exercent dans l’enseignement ce qui permet d’établir des relations de confiance.

Dans les pays qui en réalité vivent parfois leur première expérience de liberté, débordements

et dérapages semblent presque inévitables. Parmi ces dérives, il ya entre autres les atteintes à

la vie privée, la diffamation et la calomnie, les outrances et les intrusions abusives. Triste

réalité, expérience et formation font défaut chez certains nouveaux journalistes. Très vite se

pose la question à laquelle aucun média libre n’échappe, celle de la responsabilité.

Toutefois force est de noter que la création de cette instance résulte également comme il a été

signifié un peu plus haut d’une instabilité dans le milieu médiatique.

II-2-3-1-2- L’OLPED : conséquence d’une instabilité dans le paysage médiatique ?

Depuis 1990, date de l'autorisation du multipartisme, l'on assiste à une floraison de journaux.

L’explosion de la liberté donne naissance à 80 partis et à une centaine de journaux et autres

publications. Deux ans plus tard, des 40 titres quotidiens, seule une dizaine survit et la presse

11 Radio du Rwanda qui a joué un rôle important dans le conflit ethnique Hutu et Tutsi.

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appartenant au gouvernement garde une place prépondérante. Mais les médias sont devenus

un espace de débats. Après l’explosion de la presse, on y a dénoncé absence de formation des

journalistes, manque de conscience professionnelle, dilettantisme, mauvaise foi, excès de zèle,

ignorance, pressions politiques et religieuses. La presse confond politique et atteintes à la vie

privée, parfois sur un ton ordurier. On entre dans un cercle infernal: le pouvoir prend prétexte

des dérives pour se heurter à la nouvelle presse en arrêtant et en emprisonnant des

journalistes. De nombreux particuliers ont recours à la justice. Les procès contre les

journalistes et leur emprisonnement se multiplient au cours de la première moitié des années

90. Des professionnels de l'information et des membres de la société civile se posent la

question de savoir comment, dans un contexte fait de tensions et presque au bord de

l'explosion, amener les journalistes à intégrer liberté et responsabilité dans l'exercice du

métier. La création d'une instance d'autorégulation animée par les professionnels s'impose.

Pour réduire, à défaut d'y mettre un terme définitif, le recours des citoyens aux tribunaux et

l'incarcération des journalistes pour des délits de presse. Mais, surtout et d'abord, pour assainir

la profession en faisant du code de déontologie sa boussole.

En septembre 1995, gouvernement et syndicats de journalistes de Côte d’Ivoire décident de

réagir et d’adopter des mesures telles que la rédaction d’un code de déontologie et la création

d’un conseil de presse sur le modèle de ceux de l’Allemagne ou du Québec, composés à parité

d’éditeurs et de journalistes. Ainsi naît l’Observatoire de la liberté de la presse, de l’éthique et

de la déontologie (OLPED).

Ayant en son sein de 13 membres nommés par désignation ou cooptation, pour un an

renouvelable une fois, l’Olped se compose de 6 représentants de l’UNJCI, 5 représentants des

directeurs de publication et directeurs généraux et 2 représentants de la société civile

(LIDHO12 et GERDDES13).

Depuis le congrès de l’UNJCI en Août 2000, l’Olped est devenu une entité indépendante et

c’est une association reconnue d’utilité publique.

L’Olped entend faire participer, de manière symbolique et réaliste, les médias ivoiriens à son

budget de fonctionnement.

II-2-3-2- Les missions et rôles de l’Olped

12 Ligue Ivoirienne des Droit de l’Homme.13

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Sa mission est de faire respecter le code de déontologie des journalistes, de veiller au respect

de l’éthique, à la sécurité des journalistes, à la liberté de la presse et de garantir le droit du

public à une information libre et honnête. L’Olped se donne aussi pour priorité de veiller à la

liberté de la presse et à sa professionnalisation par la formation en particulier. Selon la

déclaration de Yamoussoukro, les journalistes s’engagent « à se mettre au dessus des

querelles partisanes et des clivages idéologiques afin de privilégier les normes et pratiques

professionnelles définies par le code de déontologie ».

L’Olped, qui n’a eu pendant plusieurs années qu’une autorité morale, a pour ambition de

favoriser une prise de conscience collective des journalistes. Ce cadre de concertation et

d’autorégulation entend faire clairement la distinction entre le journalisme et la propagande

politique.

L’Olped publie les résultats de ses séances de travail, tous les 15 jours en temps normal et

deux fois par semaine en période électorale, dans des communiqués envoyés à l’ensemble de

la presse ivoirienne.

A l’origine, l’Olped était un organe de l’UNJCI. Il peut s’autosaisir ou être saisi par une

personne s’estimant mise en cause.

Le pouvoir de l’Olped a été renforcé par une ordonnance du 2 août 2000. Désormais

l’instance d’autorégulation a la capacité de prononcer des sanctions (avertissement, blâme) et

de saisir la commission d’attribution de la carte de presse pour lui demander la suspension ou

le retrait de la carte d’un journaliste ayant fait preuve de manquements répétés ou graves à la

déontologie. Il a également la possibilité de convoquer un plaignant ou un journaliste mis en

cause, mais ne pratique pas la confrontation directe.

L’observatoire a d’une certaine manière un rôle préventif en intervenant parfois en amont de

la publication d’un article quand les membres sont informés de la parution à venir d’un article

attaquable sur le plan du respect de la déontologie.

II-2-3-3- Grille de lecture

La grille de lecture constitue en quelque sorte les éléments principaux autour desquels l’Olped

s’articule. Elle constitue les délits commis dans le domaine du journalisme.

Face à une observation générale selon laquelle le contenu des journaux, le traitement de

l'information par la télévision et la radio nationales, mais aussi les remarques récurrentes sur

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le travail des journalistes formulées par des citoyens-lecteurs, téléspectateurs, auditeurs, les

procès contre les journalistes et les médias, les emprisonnements répétés de journalistes,

l'atmosphère lourde de tensions sociopolitiques de la période préélectorale..., l’Olped a pu

mettre sur pied ce qui a été convenu d’appeler la grille de lecture. Inspirée dans une certaine

mesure de la Déclaration des Droits de l’Homme et surtout de l'esprit et de la lettre du code de

déontologie14 adopté par la presse ivoirienne, cette grille comporte six points : l'injure,

l'incitation à la révolte et à la violence, l'incitation au tribalisme et à la xénophobie,

l'incitation au fanatisme religieux, le non-respect de l'équilibre dans le traitement de

l'information et le non-respect de la confraternité.

Selon une étude, « en 5 années d’existence, les fautes les plus fréquemment commises et

relevées par l’Olped sont d’abord l’injure (plus de 700 cas), puis le non-respect de la

confraternité (plus de 350 cas), suivi de l’incitation au tribalisme et à la xénophobie (plus de

300 cas), puis de l’incitation à la révolte et à la violence (plus de 200 cas) »15. Dans une

moindre mesure, les autres fautes de la grille de lecture ont été relevées : incitation à la

débauche, atteinte aux bonnes mœurs et à la morale, incitation au fanatisme religieux, non-

respect de l’équilibre dans le traitement de l’information et atteinte à la dignité humaine.

Aussi, les tentatives de définition de chacun des points de la grille de lecture s'appuient-elles

essentiellement sur l’expérience de l’ordre des journalistes.

L'injure. Il convient de rappeler que l'injure est un délit de presse puni par la

loi sur la presse. La définition, par la pratique à l'Observatoire, est à la fois

littéraire et juridique. Ainsi, l'injure peut être considérée comme un tort infligé,

un affront par l'écrit. Une offense grave, une parole blessante, grossière, une

expression outrageante sans imputation de fait. Mais afin de ne pas exposer les

journalistes aux rigueurs de la loi et hélas ! au zèle de certains magistrats,

lorsqu'un article est injurieux envers le président de la République,

l'Observatoire le qualifie d'« irrévérencieux ».

L'incitation à la révolte et à la violence. Nous avons indiqué plus haut que la

situation sociopolitique en Côte d'Ivoire était explosive. Les adversités

politiques se sont transformées en antagonismes irréductibles frappant le

14 Voir annexe.15 Zio Moussa et Florence Lemoine-Minéry, L’état des media en Côte d’Ivoire, GRET, Décembre 2001.

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moindre propos, la moindre contradiction, même intelligente, d'une suspicion

d'opposition politique, de défense d'une tribu contre une autre, etc. Des

journaux, pour la plupart financés par des bourses occultes, ont fait de tout cela

leur fonds de commerce. Jouant sur cette ambiance chargée de « motifs »

d'affrontements, de violences, de règlements de comptes, ils n'ont de cesse de

servir de plumes « armées », de démultiplicateurs de paroles guerrières créant

ainsi les conditions favorables à un surcroît de tension, d'incompréhension et

d'affrontements physiques.

L'incitation au tribalisme et à la xénophobie. Les problèmes politiques ont

immanquablement glissé sur le terrain de la tribu (la Côte d'Ivoire en compte

61) et de la présence des étrangers (avec 35 % à 45 % d'étrangers), la question

devenait inévitable. Surtout que presque tous les acteurs politiques s'appuient

d'abord sur leur base « tribale » et, récupèrent la crainte de l'envahissement par

des étrangers, crainte au sein d'une population en proie aux difficultés

économiques qui durent, au chômage et à laquelle on fait croire que ses

malheurs sont dus à ceux venus d'ailleurs qui « la main mise sur tout ». La

guerre à l'étranger, à laquelle des pays réputés patrie des Droits de l’Homme et

d'immigration n'ont pas échappé, trouve des échos favorables dans la presse qui

fait l'apologie des idées tribalisantes et de celles qui militent contre l'étranger,

contre sa présence. C'est ainsi que les médias, dont le parti pris n'est plus à

démontrer, par de petits calculs mercantiles, jouent sur la fibre tribaliste et

xénophobe, en opposant les tribus les unes aux autres, et en reprenant la thèse

de l'étranger envahisseur à leur compte.

L'incitation au fanatisme religieux. Depuis seulement quelques années, la

question religieuse, sortie des temples, églises et mosquées, a envahi le champ

politique. Comme ceux qui s'appuient sur leur base tribale, d'autres se servent

de la religion dont les fidèles deviennent, en principe, des militants captifs.

L'appartenance à la même religion sert de substrat, de lien, de base «

idéologique » au militantisme politique. Comme on procède à la purification

ethnique, le fanatisme religieux conduit à l'exclusion sur la base religieuse, et,

encore plus grave, à l'épuration religieuse. Des journaux, malheureusement

assez nombreux, encouragent des pratiques qui, au nom de la religion,

Page 14: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

n'admettent aucune contradiction, ne supportent pas d'autres pratiques

religieuses et tiennent toute autre forme de foi pour l'œuvre de Satan qui doit

être combattu par l'invocation, sur lui, des malédictions divines, et même par la

guerre.

Le non-respect de l'équilibre dans le traitement de l'information. Ce point

fait référence à un principe de base de l'écriture journalistique: donner la parole

à toutes les parties impliquées dans un événement, un fait, une actualité, qui

font l'objet d'un article d'information. La propension, depuis la libération de la

parole au début des années 90, au journalisme d'opinion a fait prospérer les

partis pris, le développement d'un journalisme partiel et partial. Cette pratique

en dit long sur l'état de l'éthique et de la déontologie au moment où naît

l'observatoire. En faisant respecter le code de déontologie et en militant en

faveur d'une éthique, l'Olped engageait la lutte contre les commanditaires et les

propriétaires occultes de journaux de combat politique créés dans le dessein de

régler des comptes ou de nuire. L'exigence de l'équilibre de l'information

réduisait les risques de partis-pris, de traitement partiel et partial de

l'information.

Le non-respect de l'esprit de confraternité. Le boom médiatique des années

90 qui a accompagné le retour au multipartisme a donné naissance à une

variété de journalistes. La difficulté des journaux à vivre, survivre même :

problèmes financiers, mauvaise gestion, absence totale de la culture de

l'entreprise de presse, ont fragilisé les titres qui ont dû, parfois, se transformer

en officines de propagande qui vendent leurs services aux plus offrants. Des

journalistes se sont ainsi transformés en soldats de la ligne de front pour mener

leurs batailles politiciennes à leur place. On a connu la période où des titres

étaient créés et essentiellement consacrés aux journalistes avec, entre autres, le

fameux Micro-trottoir. Il fut un moment où les journalistes, d'une rédaction à

l'autre, ne s'adressaient pas la parole et n'écrivaient les uns sur les autres que

pour se traîner dans la boue, en se couvrant d'injures, en se diffamant. Tout cela

constitue le non-respect de l'esprit de confraternité prôné par le premier

séminaire de l'UNJCI organisé les 28 et 29 août 1992 à Yamoussoukro16. Le

16 Séminaire précédent celui portant création de l’Olped.

Page 15: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

code de déontologie adopté au cours des travaux de ce séminaire définissait la

confraternité en ces termes : « Climat d'entente, de fraternité, d'amitié et de

respect mutuel entre différentes rédactions d'une part et entre les rédacteurs

d'autre part. Un état d'esprit, un comportement fait de savoir-vivre, de respect

réciproque. La confraternité ne sait que faire du mépris, de la suffisance, du

complexe de supériorité ou d'infériorité. La confraternité magnifie l'amitié, la

solidarité, elle admet la critique ».

L'incitation à la débauche. Confrontés à des problèmes économico-

financiers, certains journaux, quand ils ne disposent pas d'un lectorat captif

généralement constitué de militants du parti dont ils sont proches, ou ne

bénéficient pas de largesses financières d'un parrain occulte, sont contraints au

racolage en exploitant des domaines tels que sexe, sport, sang et santé qui font

le succès commercial de certaines publications: plus particulièrement le sexe.

C'est ainsi que dans leurs colonnes, des rubriques entièrement consacrées

assurent la promotion de tous les travers sexuels et même de ce qui peut être

considéré comme crime en la matière : inceste, viol, etc. Des titres

essentiellement destinés à la jeunesse exploitent les questions liées au sexe

comme un fonds de commerce. L'on citera entre autres Heat, de

l'hebdomadaire Top Visages. Cette triste réalité dans laquelle baignent certains

professionnels du journalisme ont conduit l'Observatoire à introduire dans sa

grille de lecture le point relatif à l'incitation à la débauche.

L'atteinte aux bonnes mœurs et à la morale. Ce point de la grille de lecture

est proche du précédent. La différence, toutefois, réside dans le fait qu'il ne

constitue pas un appel à commettre un acte considéré comme un crime ou un

travers sexuel.

L'atteinte à la dignité humaine. Autre fonds de commerce pour des

journaux : la publication de photos particulièrement choquantes pour illustrer

des faits divers. D’une part, c'est l'image insolite d'un citoyen assassiné par des

bandits et découpé en morceaux, ou un corps tailladé et baignant dans une

mare de sang avec une hache enfoncée dans la boîte crânienne d'où dégouline

le cerveau. D'autres fois ce sont des corps carbonisés par l'incendie présentés à

Page 16: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

la Une. Toutes ces images sont en couleur. Dans des articles, des journalistes

n’hésitent pas à traiter des personnalités de premier plan d'esclaves ou de fils

d'esclaves ; ou des membres d'une confession religieuse d'adeptes de sacrifices

humains.

Partant des indexations faites à partir des points formant la grille de lecture, l’Olped a produit

des statistiques qui donnent un aperçu du respect des règles d’éthique et de déontologie par les

journalistes. Les tableaux suivants font état de quelques aspects des statistiques.

Années

Points de la grille1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003

Total

général%

Injures 07 22 18 230 295 177 461 402 385 1997 45,67

Anti-confraternité 19 28 48 118 98 67 88 146 105 717 16,39

Incitation a la révolte et

à la violence10 07 16 51 107 37 51 135 143 557 12,74

Incitation au tribalisme,

au racisme et à la

xénophobie

11 10 11 90 147 69 241 82 72 633 14,47

Mauvais traitement de

l’information04 02 Néant 04 03 15 21 34 32 115 02,63

Atteinte aux bonnes

mœurs et à la morale00 00 03 17 05 01 07 12 11 55 01,35

Atteinte à la dignité

humaine00 00 00 00 16 13 15 07 12 63 01,44

Incitation au

fanatisme religieux01 01 00 10 06 25 07 07 06 63 01,44

Incitation à la

débauche00 00 00 24 37 05

0300 02 71 01,62

TOTAL 52 70 96 544 714 409 894 827 768 4372 100

Page 17: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

SAISINES 00 04 15 13 18 39 68 25 11 193

A- BILAN DES FAUTES COMMISES PAR LES JOURNALISTES17

(D’octobre 1995 au 31 décembre 2003)

RANG LES POINTS DE LA GRILLENOMBRE DE FAUTES

COMMISESPOURCENTAGE

1 Injures 385 50,13%

2 Anti-confraternité 105 1367%

3 Incitation a la révolte et à la violence 143 1861%

4Incitation au tribalisme,  au racisme et à

la xénophobie72 0937%

5 Mauvais traitement de l’information 32 0416%

6Atteinte aux bonnes mœurs et à la

morale11 0143%

7 Atteinte à la dignité humaine 12 0156%

8 Incitation au fanatisme religieux 06 007%

9 Incitation à la débauche 02 002%

TOTAL 768 100%

SAISINES 11

B- BILAN DES FAUTES COMMISES PAR LES JOURNALISTES EN 200318

L’analyse de ces tableaux sont évidents et montrent clairement qu’il ya des manquements au

nombre de quatre qui sont récurrents à savoir l’incitation au tribalisme, au racisme et à la

xénophobie, l’incitation à la révolte et à la violence, l’anti-confraternité et avec leur tête de fil

17 Yao Blé Valérie, « Analyse critique des saisines de 2003 » in L’observatoire, No 1 de Sept-Oct. 2005, p4.18 Opcit.

Page 18: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

l’injure. Tous ces manquements donnent de la presse une image dévalorisante. En d’autres

mots, la presse ivoirienne a encore beaucoup d’efforts à fournir.

Toutefois, force est de noter que les personnes auteurs de délits de presse étaient passibles de

peine à savoir l’emprisonnement depuis la création de la première loi sur la presse en 1991.

Après que la crise ait éclaté en Septembre 2002, il a été jugé que les media ont leur part de

responsabilité dans cette crise. Alors la première loi a été modifiée pour donner naissance à la

loi 2004 – 643 du 14 Décembre 2004 portant régime juridique de la presse. Jusqu’ici, les

délits n’ont pas cessé foisonner au point où ils font partie du quotidien de la presse.

Néanmoins, l’on se demande si cet état des choses n’est pas favorisé, voire même booster par

l’article 6819 de cette dernière loi.

II-2-3-4- Difficultés

Les deux problèmes majeurs que rencontre l’Olped depuis sa création sont le problème de

siège et celui du budget de fonctionnement. Il est le lieu de noter que ceux-ci sont liés l’un et

l’autre.

L’Olped occupe les mêmes locaux que l’UNJCI. En effet, l’Etat ivoirien a octroyé une villa

de plus de 1500 m2 le 3 mai 200120. A l’occasion des 10 ans d’existence de l’UNJCI, cette

villa du nom de « Maison de la presse d’Abidjan » sera inaugurée et abritera à la fois

l’UNJCI, l’Olped et les associations et syndicats qui pourront y bénéficier un secrétariat

permanent et commun.

Elle sera un lieu de rencontre, un espace de travail (salle de rédaction), un cyber-hall

d’informations et de partage de connaissances. Egalement lieu de ressources et d’information

grâce à des abonnements à des journaux, l’abonnement à une agence de presse internationale

et une antenne parabolique.

La maison de la presse offrira un cadre de formation et de réhabilitation sociale et

professionnelle (séminaires et ateliers de formation, possibilité de modules de longue durée –3

à 6 mois). Pour commencer, un projet de cycle en journalisme économique et financier sera

soumis à la Fondation pour le renforcement des capacités en Afrique (ACBF). Elle sera

19 Voir annexe20 Zio Moussa et Florence Lemoine-Minéry, L’état des media en Côte d’Ivoire, GRET, Décembre 2001, p 12.

Page 19: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

également un lieu d’accueil et d’hébergement des confrères étrangers de passage à Abidjan.

Sa gestion sera assurée par un comité installé par l’UNJCI et qui comprendra tous les

représentants des associations professionnelles qui fonctionnent régulièrement. Ce conseil

d’administration nommera le directeur.

La réhabilitation des lieux a été financée par l’Etat ivoirien. Une partie de l’équipement a été

financée par la Fondation F. Ebert et l’Union Européenne et la Coopération française a fourni

du matériel informatique.

Dépendant pour ce qui est de son budget de fonctionnement, de financements

extérieurs, l'Olped n'organise aucune activité pouvant générer de l'argent.

Le fait de ne pas disposer de fonds propres pour constituer son budget de fonctionnement

explique que l'Olped n'ait jusque-là qu'un siège provisoire qu'il partage avec l'UNJCI. Il est

évident que dans une telle situation, la marge de manœuvre est réduite quand il s'agit d'établir,

sur une période de deux ans (durée du mandat du Bureau exécutif), un programme d'activités.

Depuis sa création jusqu'à ce jour, l'Olped n'a pas de budget de fonctionnement annuel : le

coût de chacune de ses activités est évalué, et un budget spécifique est soumis à un partenaire

au développement de la presse qui le modifie ou l'entérine selon ses propres critères, et assure

le contrôle de son exécution.

L'Olped a toujours recherché des moyens financiers pour pouvoir mettre en place un budget

de fonctionnement. Mais, il a jusque-là plutôt reçu des appuis financiers ponctuels pour la

réalisation de programmes eux aussi ponctuels. Il privilégie le soutien financier d'institutions

et d'organismes indépendants, pour préserver son indépendance.

III/ AUTOREGULATION ET ETAT DE LA PRESSE ECRITE EN COTE D’IVOIRE

III- 1- Apports

III-1-1- Actions menées : l’Olped face à la crise ivoirienne1999

Page 20: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

Les sanctions de la communauté internationale prises contre la Côte d'Ivoire, après les

troubles politico-militaires de 1998, ont pesé sur le fonctionnement de l'Olped : elles ont

signifié l'arrêt des appuis financiers à l'Observatoire par l'Union Européenne et les autres

partenaires au développement. Certaines activités telles que les séminaires ou les tables

rondes, n'ont plus pu être organisées faute de financement. L'Union nationale des journalistes

de Côte d'Ivoire a, pendant un certain temps, apporté son secours à l'Observatoire pour payer

les piges de l'équipe d'écoute et de lecture des médias. Malgré ce manque de ressources

handicapant, les séances de travail se sont déroulées au rythme habituel, c'est-à-dire deux

réunions en période préélectorale et postélectorale, et une en temps ordinaire. Le Bureau,

quand la situation l'exigeait, se retrouvait en séances extraordinaires.

De 1999 aux grandes élections de l’an 2000, l'Olped a redoublé de vigilance en lançant

systématiquement des appels à la société civile, aux chefs et leaders politiques et religieux,

aux journalistes. Cependant sans entreprendre d'action particulière relative à la querelle de «

l'ivoirité » : c'est que ce concept politisé était diversement exploité et ne pouvait donc être

traité de façon spécifique. Cette prudence a permis en fait à l'Observatoire d'éviter un

glissement vers des prises de position politiques.

III-1-2- Les acquis

Le plus grand acquis de l'Olped est le fait d'exister. Ce n'était pas évident vu le

contexte politique, la passion, le multipartisme qui a libéré et libéralisé la parole et les

médias, et le climat troublé de ces dernières années.

La mise au point d'une « méthode » de lecture et d'écoute des médias.

L'acquisition d'une expertise en matière d'autorégulation des médias, reconnue en

Afrique de l'Ouest où l'Olped est sollicité pour la création d'autres instances

d'autorégulation: Bénin, Togo, Sénégal, Burkina Faso, Niger, Mali. Mais aussi

internationalement : coopération avec les partenaires au développement de la presse et

confiance des institutions multilatérales et bilatérales de coopération : l'Union

européenne, la Fondation allemande Friedrich Ebert, la coopération des États-Unis, du

Canada, de la France, l'Unesco, le GRET21, le Conseil de presse du Québec.

21 Groupe de Rechercher et d’Echanges Technologiques.

Page 21: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

Une reconnaissance nationale, en tant que tribunal moral, par les journalistes eux-

mêmes d'abord, la société civile ensuite et les pouvoirs publics.

Une crédibilité internationale, africaine et nationale : l'Olped est consulté pour toutes

les grandes questions nationales, pour les questions relatives aux médias ivoiriens et

africains. Crédibilité accordée à l'Olped par les institutions internationales qui

financent régulièrement ses activités, qui invitent les membres de l'Observatoire à de

grands forums à travers le monde. Crédibilité accordée par les journalistes aux

décisions de l'Olped qui ne sont jamais remises en cause. Crédibilité accordée à

l'Olped par la société civile qui, en cinq années d'existence de cette instance

d'autorégulation, l'ont saisie 80 fois22 pour des délits de presse qui auraient pu amener

les journalistes devant les tribunaux (c'est peu, mais c'est encourageant, puisque

certains des délits de presse pour lesquels les membres de la société civile ont saisi

l'Olped étaient à notre sens graves).

Enfin, l'Olped a réussi à convaincre et les journalistes et les pouvoirs publics, ainsi que

la société civile, que les journalistes peuvent eux-mêmes faire leur autocritique sans

complaisance et publiquement, et s'infliger des sanctions morales qui, à notre avis,

sont probablement les sanctions les plus lourdes. Et surtout à les accepter.

III-1-3- Autorégulation et bon journalisme

Dans le souci de s’autoréguler, de s’auto-corriger et mener à bien leur profession de

journalistes, les professionnels des media écrits se sont réunis pour établir un cahier de route

ou encore une ligne éditoriale. C’est ce cahier qu’il a été convenu d’appeler codé

déontologique ou encore code de déontologie (expression usuelle). Qu’en est-il ?

III-1-3-1- Code de déontologie du journaliste ivoirien

Ce mot est beaucoup utilisé dans la mesure où il intervient dans tous les domaines. Il constitue

en quelque sorte la ligne éditoriale ou le leitmotiv de tout organe ou de toute entreprise ; il en

est encore plus pour le métier qu’est le journalisme. Il est impossible et même impensable de

parler d’autorégulation sans parler de code d’éthique appliquée. Qu’en est-il ? Que renferme-

t-il ?

22

Page 22: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

Les codes de déontologie définissent publiquement les fonctions, les droits et les devoirs des

journalistes en leur offrant des principes directeurs concernant la meilleure façon d’exercer

leur profession. Ces codes sont désignés de diverses façons – normes déontologiques, charte

déontologique, code de conduite, code de pratique, code de déontologie, etc. – mais ils

répondent tous à des fins analogues, à savoir préserver l’autonomie de la profession et servir

l’intérêt public. Nous emploierons ici l’expression la plus usuelle, à savoir « code de

déontologie ».

Le code déontologique est l’élément central de l’autorégulation des media. En côte d’Ivoire, il

constitue les droit et devoirs des journalistes. Le code de déontologie du journaliste ivoirien a

été adopté par les représentants de la presse nationale à Yamoussoukro le 29 Août 1992.

Vous êtes invités à voir l’annexe pour plus de détails sur les droits et devoirs du journaliste

ivoirien.

Ce qui suit consistera à donner des explications sur la raison pour laquelle le code de l’éthique

appliquée est indispensable à la profession qu’est le journalisme afin de la promouvoir et à

voir enfin comment il serait idoine de le réviser.

III-1-3-2-Le code de déontologie : garant d’un journalisme

professionnel ?

Au sein d’une démocratie, les journalistes jouissent de droits et de privilèges protégés leur

garantissant la liberté de créer divers organes d’information, de se déplacer en public pour

recueillir des faits et des opinions, de diffuser des nouvelles et de demander des comptes. En

contrepartie, les journalistes doivent être responsables. Ils doivent travailler en ayant la

conscience tranquille et des objectifs transparents.

Il y a inévitablement des moments où les journalistes testent la limite de leurs libertés au nom

de la défense du bien public. Si les journalistes travaillent en se conformant aux normes

déontologiques convenues – fondées sur l’exactitude, l’objectivité, l’indépendance et le sens

des responsabilités – ils risquent alors moins d’entrer en conflit avec la loi. De fait, les codes

de déontologie font prévaloir la liberté de la presse.

Par ailleurs, le code de déontologie profite à tout le monde. Pour les propriétaires et les

éditeurs d’organes d’information, un code constitue une protection contre la critique et les

actions en justice ; pour les journalistes, il sert de normes à l’aune desquelles leur travail peut

être jugé ; pour le public, il garantit que les informations qu’il reçoit sont impartiales, exactes

et vérifiées.

Page 23: De l'autorégulation de la presse ivoirienne

La particularité d’un bon code est qu’il est rédigé de manière claire; il est complet et concis; il

est contrôlé constamment et révisé régulièrement. A quel besoin répond la révision régulière

du code ?

III-1-3-3- Révision régulière du code : quelle importance ?

Les sociétés évoluent constamment, ce qui influe sur la façon dont les informations sont

réunies, évaluées et diffusées. Des dilemmes, des recherches et des considérations nouvelles

influencent la façon dont les journalistes travaillent. Ainsi, il a été prouvé récemment que la

façon dont est rendu compte des suicides peut amener des personnes à copier ce

comportement néfaste. Les journalistes se voient donc contraints de ne pas encourager de

telles imitations et devraient modifier leur code de déontologie en conséquence.

Le signal d’alarme est donné lorsqu’un code semble incapable de répondre aux dilemmes

posés lors de la production de l’information. Lorsque les journalistes conviennent que le code

de déontologie présente des défauts, des insuffisances ou simplement des lacunes, il est temps

de le réviser et d’y apporter des ajouts ou des modifications.