De la veritable orthographe du nom de Jeanne...

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Document

il 1^ il M 111111 il 1 il 1 ^ i l il0000005618989

IE

L

11,,,/L

pour 18.).5.

DE LA VÉRITABLE ORTHOGRAPHE'

J)U NOM UF

JEANNE D'ARC.

IJnlee loci patrii serran, ab origine nomen.

En voyant qu'on voulait tout de bon, et iiou plus commesimple eu riosité archéologique, introduire pour orthographeJeanne Darc au lieu de Jeanne d'Arc, l'auteur avait senti,comme bien d'autres, une sorte de besoin de mettre oh-stade sur-le-champ au prétendu redressement, lequel,selon lui, provient d'un niai entendu. II écrivit donc, depremier jet, quelques pages de protestation, et cela sanssavoir que M. Athanase Renard venait déjà dc réfuter lesystème de M. de Viriville.

Or, à la rigueur, la brochure de M. Renard pourraitsuffire, car elle emploie des arguments victorieux. Toute-fois, il y a peut-être avantage laisser subsister le petittravail qu'on va lire, attendu qu'il apporte à l'appui de lachose quelques raisons différentes, et aussi parce qu'il dé-

vetoppe, chemin faisant, certaines vérités dont la connas-sance parait n'être pas assez généralement répandue.

Impossible (le jeter plus d'intérêt sur une questionaride que ne l'a fait M. de \'iriville dans soir mé-

moire sur le nom de Jeanne d'Are. Et cependant, il

aurait pu, ce nous semble, arriver, et sans grandesincertitudes, ù d'autres conclusions, à des conclusionsopposées. Ce qui Fa laissé dans le doute sur une choseau fond très-peu embrouillée, c'est un désavantage quilui fait grand honneur ; c'est l'embarras où le mettaientses richesses.

Pour nous, chétifs, qui ne possédons pas à beaucoupprès son érudition, nous n'aurions pas droit d'hésiter silongtemps que lui; nous it'en avons pas envie flOfl plus.A tort ou à raison (le publie en décidera), le parti àprendre ici nous parait clair comme le soleil en pleinmidi. La véritable orthographe du nom de l'héroïne deVaucouleurs, c'est tout bonnement Jeanne d'Arc, et cene peut pas être même autre chose.

Non pas que la forme Dare, résultat d'une simplenégligence dans l'écriture, n'eût dû aisément s'établir,et qu'il ne soit très-naturel qu'au siécle de la Pucelle,l'usage d'une telle altération eût depuis longtemps pré--'alii ; mais qu'importe

Coinincm:ons par une remarque aussi puissante que

r

-3—.

simple. Lorsqu'on SIij)l)I'iiiiait ici l'apostrophe, nous (litM. de Viriville, on écrivait ou Dure ou Dore. Eh bien,cela suffit déjà pour montrer que le c date de l'originecar, si cette consonne n'eÙt pas été primitive, personne

ne l'aurait ajoutée après coup. En passant de leur arti-

culation originelle et pure à la prononciation circulante oupopulaire, les mots perdent leurs aspérités, s'usent parle frottement, se raccourcissent, s'adoucissent ; ils ne

s'allongent, ils ne s'endurcissent p•

De très-bonne heure ic e, à la fin (les mots français,

cessa, dans la plupart des cas, de se faire entendre. Celacommença par les pluriels ; depuis longtemps, parexemple, u rue St-André-des-arcs ii et ii tendre des lacs, is'articulent comme des arts et des las. Les singulierssuivirent. Ne mangeons-nous pas la finale de tabac,d'un cric, d'un accroc? Oui, tout à fait; nous prononçonscoiiiine s'il y avait tabat, cry, accroS.

Or, une fois que Dore ne produisit plus (IUC le simpleson de Dur, il va sans dire que les ignorants durentaisément l'écrire Dare ou Dan-e; rien de plus naturel(j(IC cette orthographe de cuisinière. Quand ils seraientallés jusqu'à écrire Dort, cc serait encore de ménic: lesgens du peuple se sont bien imaginé que fer blanc c'étaitfrrbiant; tellement qu'ils en ont formé, au lieu de fer-blomjuier, le dérivé ferblantier. Là, pourtant, l'étymo-logie sautait aux yeux, puisque chacun peut voir que lefer dit blanc se distingue de l'autre par sa blancheurréelle. N'importe : comme le son d'un I ne se fait pas

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entendre à la fin dit blaiu, cii été assez pour amener

une dérivation adoucie, bien qu'absurde.Règle sans exception : de la finale e ou k, on est

descendu à rien, - ou bien à t muet, ce pqui revient au

nième. -- Jamais, au contraire, de l'absence de consonne

finale, OU (le la présence d'un simple t muet, on n'est

remonté à un e ou à un k.Dans le cas donc où l'on cherche un peu raisonnable-

ment à priver la vierge de Dom-iterny dc son apos-trophe, il faut d'abord écarter la le4on corromptie Darcou i)ai't, et ne proposer (lu moins, pour seule forme

originelle, que Darc (prononcé D(o'k).Or, maintenant, d'où un tel mot viendrait—ilAvant tout, n'oublions pas que chaque nom propre

doit indispensablemcnt avoir un sens. Pas un seul vo-cauile, assigné aux personnes, qui ne signifie quelque

chose; pour l'ordinaire, une chose autrefois très-connue,jadis très—usuellement désignée par ce mot dans la langueoù le nom propre fut d'abord donné (o).

(a) Puisque le hasard nous amène à employer le ternie vo-CABLE, signalons, en passant une discussion qui vient d'avoir lieusur son genre grammatical.

Dernièrement, un fonctionnaire public, ayant eu à se servir dece mot, crut devoir, au lieu du vocable, (lire la vocable, expres-sion qui fit naltre chez les auditeurs une grande surprise. Le ma-gistrat qui parlait ainsi n'était pourtant pas sans raisons plausiblespour le faire, puisqu'en cela il avait le mérite de tenir compted'une nuance, supposée légitime, établie par un dictionnaire digne

J)arc serait-il l'anglo-saxon dark, sombre? Ciic (diehypothèse est bien savante; disons qu'elle parait gra-

tuite. Aucun indice ne montre que dark soit jouais veuti

exercer de l'influence sur la langue française ((r).En tout cas, si ce radical, arrivant du Nord, a\ait

en apparence de former loi, et qui s'intitule même (par sa propreautorité, il est vrai) Sijpplérntnl au dic1ionnare de l'Académie.La chose mit en éveil tous les amateurs de grammaire ; on s'in-terrogea réciproquement, on feuilleta les livres, on consulta leshommes instruits et traditioniiistes ; on écrivit même, au loin, àcerLains connaisseurs studieux, considérés à bon droit conhllied'excellents juges.

Les avis, bientôt rassemblés, ne laissèrent subsister aucundoie;ils condamnèrent énergiquement l'innovation dont il s'agit,c'est-b- dire, la distinction, créée sans fondement, entre deux iiititsvocable, dont l'un serait supposé rester masculin et l'autre de-venir féminin. La métamorphose féminine fut déclarée ti'èirepermise en aucun cas. De toutes paru, le feu croisé d'opinionsaussi fermes que convergentes, émises par des gens du métier.foudroya comme téméraire la fantaisie du lexicographe qui s'étaitdonné le plaisir de consacrer par un articlearticle de dictionnaire nuevéritable faute : faute dans l'ordre rationnel, puisque vocubulurn,

comme tous les neutres latins abstraits, a dû former en françaisun masculin, à moins d'exception consacrée par la coutume : etfaute dans l'ordre usuel aussi, puisque, d'après tous les souvenirs(l'oreille, des académiciens et des professeurs, cette coutumecontraire, qui serait indispensable, n'existe point.

(a) Un darc une darche, cela ne Se trouve liohit dans nosvieux glossaires. Tout cc qu'on pourrait alléguer, c'est l'existenced'une fam 1k D_t kCsT mais r lin n'e rnpédrc qu'elle n'ait aussitrès.bicri été primitivement D'Aitctr (de IrcUo, sen ilicello).

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passé la Manche, ce n'aurait pas été du moins avec les

Anglais sous les Plantagénets, car la date (l'une pareilleiniroductioii serait beaucoup trop récente ce ne pour-

rait être qu'avec les Norvégiens qui se fixèrent en Neus-trie sous Rollon. Mais dans quelle province voyons-nousfigurer les Dare ou (t'Are? -- En Champagne et enBarrois. -- Singulier hasard! En Champagne et en

ilarrois !... tandis qu'ils auraient dû, avant tout, pullullcren Normandie, si le dark septentrional avait à voir iciquelque chose. -- Et puis, d'ailleurs, dans ce cas-là, lesAnglais, retrouvant les habitudes (le leur langue, en au-raient bien vite usé; Lotit bonnement ils auraient écritJoan DarI, qui était de leur style, au lieu d'imaginerde mettre Joan cf Arc transcription que pourtant ilsont choisie, et qui forme contre le système Dark un té-moignage accablant.

Mon Dieu, comme on s'en va chercher loin ce quiest près! cc qu'on tient à côté de soi!

Tous les noms de famille, nous l'avons dit, ont une

signification quelconque. Les uns sont empruntés à desobjets physiques, de la campagne (u) ou de la ville (b);les autres sont tirés soit du rang que l'on occupait (e),

(a) Dupré, Dupont, Duroc, Dumont, Dutertre, Dulac, Delétang,Dubois, Dubocage, Bosquet, fluchône, Dupin, Dufrne, Dulilleul,Deshuissons, etc.

(b) I)elarue, I)et;iporte, Delaplace, Latour, Maisonneuve, etc.(r) Lepape, Lévêque, Leroy, Leprince, Ledur, Marquis, Le-

culOt, Ikiion, Chevalier, Ltcucr, Lenoble, Lepage, Levasseur.

soit du métier que l'on faisait (a), soit d'une qualitécorporelle (b), ou d'un défaut tant soit peu notable (e),

parfois même de la comparaison de l'individu avec quel-que animal (d). Beaucoup, enfin, désignaient la contrée,la ville ou la bourgade, d'où était parti le chef dcla Luille, lors d'une migration dont on avait gardé

mémoire (e).Or, ces derniers vocables consistaient tantôt en un

adjectif dérivé du lieu tel que Provençal, Floreti,,,Parizel, Lyonnais, Tiiolozan, Bourdelais), et tantôt

dans l'ablatif du lieu lui-même ; exemples D'Auverqne,De Goen, De Mantes. Quelquefois les deux foriics

coexistaient; ainsi, il y a des familles Lenormand et

Denormandie, Bourguignon et de Bourgogne, Laite-mand et Dal1cwgne, Messin et Dcmetz, etc.

Ceux de ces noms où le lieu géographique figure soussa désignation substantive, n'impliquaient ni la qualité dc

noble, -- il laquelle la particule de est une chose étran-

gère (t), -- ni même la possession des seigneuries et

terres, laquelle motive bien l'emploi du de, mais comme

(a) Boulanger, Boucher, Tijier, Couturier, Chaussier, Sabatier,Serrurier, Charpentier, Masson, Guerrier, Larcher, Lepeintre, etc.

(b) Gros, Legros, Legras, Legrand, Petit, Leboiid, Lebrun,Lenoir, Legris, Leroux, Lefort, etc.

c) Leborgne, Lcb'gue, Letort, Bancal, Bossu, Bossuet, etc.(d) Lebœuf, Lecerf, Lc]ivre, Mouton, Rossi g nol, vte.

(e) Langlois, Turck, Grégeois, Lclorr,in, Suisse, Breton, Poi-teviuu, Darragon, Damiens, Dalençon, etc.

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signe du géiiitif, tandis que dans les exemples précé-

dents cette préposition est le signe (le l'ablatif.

1] a existé pendant trois ou quatre cents uns, à Blénod,

une lmille à particule (MM. de Tout), qui n'avait aucuneprétention à n'ètre point roturière. Pierre ou Jacques DE

'foui, en effet, n'était nullement Petrus ou Jaeohirs

'fILLI (sous—entendu (lo?ninus), mais Parus ou Jacobus

a TULLO (oriwuiu), ou bien DE TULLO (eg)'essus).Et si MM. DE METZ sont fort bons gentilshommes (u),

ce n'est pas du tout à cause de leur nom, n'ayant à coupstir jamais été seigneurs et inaitres de cette grande ville,cio,nini iWetis, mais simplement remarqués en leur qualitéd'étrangers parmi les habitants (le Saint-Mihiel, et dé-signés là comme messins (l'origine (oi'iundi ex urbeMcli).

Eh bien, tel était aussi le sens du nom des D'Are,gens autrefois venus (à Vaucouleurs ou à Reims) soit dela ville (l'Arc cri Barrais , soit d'Arc en Champagne.

Avant (lire les gens n'eussent changé, par négligence, cenom de !mille en Dore, et plus tard nième en Dore ouDan, il avait porté ou dù porter l'apostrophe. On fit(loue û merveille de la lui restituer, aussitôt que com-mencèrent les siècles de lumière et rie correction. -- A

présent, ce ne serait point un progrès, mais un acte ré—Irograde, que de vouloir faire disparaitre ce signe gra—

r

(a) Nobles depuis environ 140.

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phique excellent; réclamé qu'il est, non point paraucune

raison nobiliaire, niais par la Ibrce des antécédents et

par les lois d'une saine orthographe.

P. S. On nous fait observer que dans nos conclusionsnous péchons par surabondance de droit, et qu'en parlantde rétablir ou de restituer l'apostrophe, comme si les genseussent fait exprès autrefois de l'enlever, nous employonsdes termes impropres. Car il n 'y avait pas eu besoin, nousdit-on, d'un abus spécial pour ce cas-ci; et si les vieuxmanuscrits omettent l'apostrophe dans le nom (le Jeanned'Arc, c'est tout bonnement parce que jadis l'usage ordi-naire n'était pas de s'en servir.

La remarque est juste; si juste, même, qu'à la rigueurelle efit pu nous dispenser de toutes nos raisons, preuvesirrésistibles mais presque superflues (a).

Lorsqu'en effet on se met à lire les chartes ou livres dunaoyen-ûge, et qu'on y rema t?que cette absence généralede l'apostrophe; quand, par exempte, et sans Sortir duterrein des événements lorrains, on voit Volcyr écrire en-

core en 126 Lllistoire (l'histoire) de la triomphantevictoire obtenue sur les mescreans du pays Daulsay(d'Aulsays) ; à alors on est tenté de regarder comme dutemps perdu toute argumentation, puisque Dore n'a riende particulier, et n'est autre chose que l'ancienne et vi-

(a) Il n'y n pas de mal, cependant, à ce que ta v.rité ait été montréesous toutes ses faces, et qu'on en ait fait voir au public toutes les bue,tous les appuis.

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cieuse manière d'écrire d'Arc, à une époque où l'on nes'inquiétait pas plus d'omettre noire apostrophe que nosaccents.

Ainsi, au fond, M. Athanase Renard n'a pas grand tortdans sa boutade finale, quoiqu'un peu vive. Comme lui, nousconsentirons au rétablissement de l'orthographe Parc,pourvu que l'on écrive aussi « l'empereur Dallemciync, lecardinal Damhoie et le duc Daknon; n pourvu surtoutqu'on ne se permette plus de nommer Jeanne une fille quis'appelait Jelwnne, et qu'on ait soin de l'aire de Charles VIIle père, non point du roi Louis, mais du roy Loys.

NOTE.

(1) u La qualité de noble, i laquelle la particule de

est mie chose étringère. n

Que la noblesse dépende du de, ou que du moins le de suivenécessairement la noblesse, c'est une erreur tellement grossièrequ'on ne peut jamais s'étonner assez de la rencontrer si répanduequ'elle l'est.

Une foule de familles qui portent à bon droit le de, ne Sontpas nobles (De Toul, De Manies, De Rome, IYArcis, etc.); oubien le sont, niais par d'autres raisons, et s'appelaient ainsi avantd'avoir été anoblies (De Met--, De Ceux, etc.). Et vice vers4

des familles nobles, très-nobleS, n'ont jamais eu le de, et devaienten effet ne point l'avoir. Qui jamais s'est imaginé d'affubler d'unde MM. Séguier ou MM. Molé? A-t-on jamais eu la sottise d'endonner un à MM. Le Veneur, dont la maison date pourtant dusiècle de Phulippe-k.Bel? On a pu dire M. Séguier de Saint-Brisson, M. Molé de Cbampltreux, ou M. Le Veneur de Car-ronges ; à la bonne heure, - parce qu'il s'agit là de lieux, et quele génitif y est juste.

Toi est, en effet, le sens de la particule de dans les noms (lefamille, Quand elle ne caractérise pas l'ablatif, c'est-à-dire, l'ori-gine, elle est le signe grammatical du génitif, c'est-à-dire, de lapossession. Dans l'un et l'autre cas, elle s'applique à des cantons,villes, villages, châteaux ou terres; car, en aucune hypothèse,on ne saurait être DE que d'un lieu (s).

() Ou tout an moins, que d'une chose assimilée à un domaine oulieu. Ainsi, les Espagnols ont bien pu, transformant la Victoire et taPaix en domaines, en régions imaginaires (comme M" (le Sciidiryavait créé pour les amants le royaume de Tendre), doter de ces flef

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Et les titres et grades héraldiques, ajoutés à la simple qualitéde noble, ne font rien à ceci. Le maréchal Bessières, le maréchalDuroc, le général Arrighi ou le maréchal Bugeaud, investis soit desduchés (plus oit réels) d'lstrie, de Frioul, de Padone. soitdu duché in partibus d'lsly, ne se travestissaient point, pour cela,en ducs de Bessières-Istrie, de Duroc-Frioul, d'Arrig/ti-I'a.doue, ou de Bugeaud-Isly : ils restaient, avec raison, M. Bes-sières, duc d'lstrie, H. Duroc, duc de Frioul, M, Arrigiti, ducde Padoue, ou M. Bugeaud, duc d'lsly. Le héros de la retraitede Itussie, quoique duc d'Ekhiugen et prince de la Moskowa, estdemeuré Ney, saris particule, et ses enfants sont restés de même.Est-ce qu'on ne dit pas Edgard Ney ? - Edgard de Ney seraitridicule.

Même quand la couronne d'un titre nobiliaire n'est accordéeavec accompagnement d'aucune désignation territoriale ou réputéetelle; même quand le titre est concédé tout sec - ce n'estpas un motif pour s'emparer d'un de et pour l'appliquer à sapersonne, comme si on voulait la transformer en territoire oudomaine. Deux personnages, de famille depuis longtemps noble,M. Molé, quand on le lit comte, et M. Pasquier, quand on ic créaduc, devinrent le comte Molé et le duc Pasquier. Ni l'un nil'autre n'aurait voulu se faire appeler le comte de Molé ou le ducde Pasquier: ils étaient de trop bonne compagnie pour ne passavoir le français, et pour ignorer que l'on n'a jamais polir pos-session féodale son propre nom (*).

Chimériques un Espartero, duc de la Victoire, ou tin Godo, prince dela Paix; mais ils n'ont pas fait, pour cela, tin duc d'Esparlcro, ni tinprince de Godoi. Le génitif n'a pas envahi le nom propre.

() Ou peut avoir sous son propre nom un rang ou titre féodal lié-réditaire (par ex. les COSITES LE DL-cuit, créés comtes du St-Empire souscette dénomination). Mais un nom propre, devenu titre, ne devientpour cela domaine oit aussi ne peut-il jamais se nictLrc augénitif. Ccci est une règle de scias coniinun.

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Au reste, lisons les granits anteurs comiques, lesquels té-inoiguent des usages nationaux. Lorsque le riche financier Lisi-mon, qui ne se croit point du tout inférieur au marquis dTufières, baron de Mont-sur-Mont et possesseur de vingt autresfiefs, veut se donner des qualités dans un contrat..., comment sefait-il dénommer ? Antoine Lisi,non, écuyer, seigneur suzeraind'un million d'écus. L'idée ne lui vient pas de faire mettre Antoinede Lisimon. A défaut de terres titrées, il s'en fait mine de sonargent il n'a garde de s'en faire une de son nom et de sa per-sonne. De quoi se pose-t-il en possesseur seigneurial ? De sacaisse; fort bien, et c'est un bon trait de gatté. De son individu?Non pas : cc ne serait qu'une balourdise.

Non-seulement, comme nous l'avons déjà dit, certaines famillesdont le nom a toujours été précédé de la préposition de, la possé-daient régulièrement longtemps avant d'être devenus nobles, oumême ne le sont pas encore; mais d'autres, qui le sont, et qui laprennent maintenant, n'en usent point avec le nom sous lequelelles ont été anoblies, taudis qu'elles la font servir à désigner lapossession (présente ou passée) de domaines dont elles sont oudont elles ont été propriétaires. On en citerait des milliersd'exemples. La famille Le Febvre de Tumejus n'est pas noble parcequ'elle o le cltàteau (le Timuuejus, muais parce qu'elle est Le

Febvre (»). M. Oudan de Virly, M. Cueuillet de Beauchamp, M.Fourier de l3court, ne sont pas nobles en tant que Virly, quel3eaucliamp ou que Bêcouri, mais en tant qu'Oudan, que Cueuilletoit Fourier. Et le plus beau titre de noblesse de MM. de

Gerrniny, de Passoncourt, ou de Girmont, c'est d'être Le Bègueet (l'en porter l'écu (").

D'om peut donc être venue une erreur si lourde et si dépourvued'excuses? - Le voici

(*) Elle s fourni le fameux président Le Febvre, ambassadeur deLorraine sons Léopold.

() Ces trois branches des Le Bègue tiennent an même tronc que lecrtcl'rc cIriçeher Le 13ietic 5 rciit de Lorraine.

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Comme b possession des terres, surtout s'il s'agissait de pro-priétés importantes, avait lieu moins souvent par franc.aleu quepar tenure féodale ou seigneurie; et comme l'exercice du droitde seigneurie exigeait la noblesse, ou une situation équivalenteil arrivait qu'en disant, par exemple, le seigneur de Brigny (ou,par abréviation, le sieur de Iirigny, monsieur de Brign, etc.),les gens se trouvaient articuler sa fonction féodale (, et parconséquent ils donnaient lieu, indirectement, de penser que cethomme devait être noble. Voilà k point de jonction des deuxidées, et comment l'emploi de la particule de, fréquemment gé-niLiCe dans cette acception, n fini par faire 11'nn1er (11(7. 5011

Porteur l'état nobiliaire.Et cependant, si l'acquéreur des droits seigneuriaux constitués

sur Briguy s'appelait auparavant Salmon ou Baudrand, sa qualitéde noble, toute renforcée qu'elle était par celle (le seigneur ter-lieu, ne le rendait pas M. de Salmon ni M. de Daudrand : il de-venait seulement M. Salmon de &igny ou M. Ilsiidrand de Brigny.Nulle méprise donc n'était possible au sujet du principe, et nousn'avons plus besoin de répéter une règle s uffisamment élucidée,qu'à présent le moindre écolier doit comprendre ( ' i).

(.Itaut à l'abus par lequel on se met à génitiver k propre 110111

(') La fonction héréditaire de juge et maire permanent de Brigny.( 'e ) Pourquoi èxjsle-t-il des familles qui n'ont pour nom que celui

d'une terre Ou seigneurie? Parce ( l ue ces illustres maisons (MM. deMoummorcnc y , de Beaucau, 1e la Roche-Foucauld, etc.) la pnsélientdéjà féodalement avant le douzième ou treizième siècle, époque où pritnaissance l'usage des noms de ramille. Jusque là, chacun n'avait porté(lIte SOtS 110111 de baptême, suivi d'un sobriquet variable et individuel.Quand s'établit la coutume des sobriquets non-seulement fixes, maishéréditaires, les personnages déjà pnisanms n'eurent pas besoin de rece-voir d'autre nom permanent, transmissible à leurs enfants, que le nomnième du canton, du bour4 du cli&tau, etc., sur lequel leur droitde propriété était le plus connu, et douL ils paraissaient ére, eu ceLenipa- là, les seigneurs incommutables.

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des gens en le leur donnant pour quasi-lief, - comme si l'oispolirait, au lieu de rnarchio Rudolphus, cornas I1u9o, dux Go-hofredus, dire marchio Rudoiphi, cornes Ilugonis, dux Got/w-

fredi, on comme si l'on prétendait que le conquérant des Gaules, àcause de sa naissance patricienne , pouvait se faire appeler Julius

Cœ.earis au lieu de Julius ('œsar ; - cette absurdité est lotit à

liait récente. Le premier exemple qui en soit connu (celui deM. Chamillart, transformé un beau matin en M. de Chamillart)est d'environ 1710. 11 fut réputé si bizarre qu'il resta longtempsisolé.

C'est de 1730 à 1740 qu'on en vit surgir quelques imitations,encore en très-petit nombre (a).

() Par parenthèse, - puisque force est b l'écrivain de toucher icides points qui le concernent, attendu qu'autrement les épilogueurs IirC-raielli de son propre nom nue objection contre sou plaido yer ; - parparenthèse, disons-nous, l'un des plus anciens cas de celle déviation deslois du bon sens car te fait remonte à décembre 4757), c'est celui quieut lieu lors tic la naissance du grand-père de l'auteur même des pré.-sentes remarques.

Dans l'acte de bsplème de cet aïeul, le curé (le \Varnetou en Flandres,dont le capitaine Guerrier du Mast traversait alors la paroisse, inscrivitainsi l'enfant o Claude-Joseph-François Guerrier de Dunjast. o - Orpersonne ne counait de village, de hameau ni (le manoir, appelé Dumast.Il n'y avait donc lieu d'amener là ni le génitif ni l'ablatif; et le de, quele bon curé s mal b propos ajouté à ce nom, y forme double emploi avecle du, qui en faisait déjà partie.

Comme néanmoins la puce est devenue un document de l'étal civil,et comme elle n servi de base à des actes postérieurs, elle s pris forcejuridique, en dépit (Id la raison ; cl quoique les intéressés n'aieut jamaisusé qu'à demi de celte addition saugrenue, désagréable à l'oreille, lafamille Du MasL se trouve, cmi définitive, devant la Loi, affublée d'un(k surabondant.

Le nom pourtant , était d'avance écrit comme il faut, et avec en-tière justesse, dans une pièce antérieure ; à savoir, dans des certifie0tsdu 'énér1 comte de Marignanne, de 4717 et 1719, où son aide-de-camp , le père de l'enfant) est correctement appelé k sieur du ,PIas(.

- Ici -

Vers 1750, certaines personnes avancèrent, nous ne savonssous quel prétexte, qu'à la quatrième génération de noblesse,c'est-à-dire, lorsqu'on était devenu gentilhomme (et autorisé parconséquent à timbrer ses armoiries d'un casque pour cimier), onétait maitre, si on le voulait, de transporter , de ses terres féodalesà son nom même, le de qui précédait l'indication de celle-ci. Unsi étrange paradoxe, qui lit sourire d'abord, fut malheureusementrépété peu à peu, étant devenu l'objet d'une tolérance tacite.

Enfin, vers 17', la chancellerie impériale de Vienne, qui semontrait la plus facile de toute l'Europe à contenter pour del'argent les fantaisies du tiers et du quart, imagina d'ajouter auxmille faveurs puériles dont elle remplissait ses longs diplômes,Cttte clause, jusqu'alors inouïe Item, permettons au sieur ',anobli par ces présentes, d'user de la particule ablative latine, s'ilen a envie. » Item, tai partieul4 DE vol ., si volueri€.

Mais cette bizarre concession resta bornée au Saint-Empireet nos rois ne l'avaient encore accordée à personne en France,lorsque la grande Révolution vint emporter les institutions no-biliaires. Ceci ne fut donc pas du nombre des petites niaiseriesque balaya l'ouragan au milieu de choses plus importantes. LaSottise dont il s'agit n'avait pas encore chez nous d'existenceICCOI1UUC.

Telle est en effet ta véritable orthographe, chacun le comprend, car il aexisté des lieux nommés Le Must (la perche de signal, la balise). -Et méme, si la chose en valait la peine, l'auteur devrait demander à seréappe!cr tout simplement M. du 31ait, comme son bisaïeul. Cela seraitdu moins conforme aux exigences de la langue française et du senscommun.

Dans le même genre, on peut mentionner aussi l'aberration qui aintroduit une particule devant le nom du poète Béranger. Notre célèbrechansonnier est innocent, m la vérité, de Cette addition; mais de cequ'elle a précédé sa naissance, elle n'en reste pas moins abusive. Le vo-cable tkmioti ou DéRANGeR est essentiellement nominatif. On estdominus IJerengariu.s, et non point dominus Beruga,ii ni de IJeren-gonG.