De la mythologie à la fibrillation atriale : que penser de ...les arythmies auriculaires,...

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Placebo Dronédarone HR = 0,76 p < 0,001 50 40 30 20 10 0 0 6 12 18 24 30 Suivi (mois) Patients à risque Placebo 2 327 1 858 1 625 1 072 385 3 Dronédarone 2 301 1 963 1 776 1 177 403 2 Incidence cumulée Figure. Réduction sous dronédarone de la fréquence du critère de juge- ment principal dans l’étude ATHENA (hospitalisations pour raisons cardiovasculaires et mortalité toutes causes confondues). 4 | La Lettre du Cardiologue • n° 439 - novembre 2010 ÉDITORIAL De la mythologie à la fibrillation atriale : que penser de l’étude ATHENA ? From mythology to atrial fibrillation: what about ATHENA study? J.Y. Le Heuzey* * Service de cardiologie et de rythmologie, hôpital Georges-Pompidou, Paris. L a déesse Athéna occupe dans la mythologie grecque une place bien particulière, puisqu’elle est à la fois déesse de la guerre et de la sagesse. L’étude ATHENA, qui a testé la dronédarone, a soulevé des questions chez nombre de cardiologues qui ont exprimé des opinions bien tranchées et parfois opposées. L’étude ATHENA constitue-t-elle un tournant dans le traitement antiarythmique de la fibrillation atriale ? En 1989, un tremblement de terre est survenu dans la planète rythmologie, séisme qui a également ébranlé toute la cardio- logie. Pour la première fois, un essai de grande envergure apportait des résultats négatifs, le groupe traité par placebo ayant eu une meilleure survie. L’étude CAST concernait l’uti- lisation des antiarythmiques de classe I dans les arythmies ventriculaires, mais l’amalgame a rapidement été fait avec les arythmies auriculaires, d’autant plus qu’une méta-analyse (de S.E. Coplen et al.) avait montré que la quinidine était un excellent médicament pour maintenir le rythme sinusal mais qu’il y avait également une surmortalité dans les groupes traités par rapport aux groupes placebo. Le dernier médica- ment antiarythmique oral enregistré dans la fibrillation atriale a été la cibenzoline, il y a 20 ans et, depuis, aucun nouveau médicament n’a été enregistré. Les antiarythmiques de classe I sont sûrs dans la fibrillation atriale (1), à la stricte condition qu’ils soient utilisés dans le respect absolu des contre-indications qui sont l’insuffi- sance cardiaque, l’insuffisance coronaire, le bloc de branche complet. Le sotalol a des limites bien connues : efficacité modeste à faible dose, risque de torsades de pointes à forte dose. Enfin, l’amiodarone est bien entendu l’antiarythmique le plus efficace, mais on connaît sa mauvaise tolérance, prin- cipalement extracardiaque. L’étude ATHENA (2) est arrivée dans le développement, complexe, de la dronédarone qui avait connu des succès avec les études ADONIS et EURIDIS, mais aussi des échecs avec l’essai ANDROMEDA. Les patients inclus dans ATHENA avaient un profil bien particulier : patients en fibrillation atriale avec des facteurs de risque comme l’insuffisance coronaire ou l’hypertension artérielle avec hypertrophie ventriculaire gauche, et pour lesquels les antiarythmiques de classe I sont à éviter. Pour la première fois, une étude démontrait, de façon prospec- tive et randomisée, un intérêt en termes de critères de juge- ment plus “durs” que le simple maintien du rythme sinusal, c’est-à-dire hospitalisations pour causes cardiovasculaires et mortalité de toutes causes. Ce bénéfice (figure) est un atout considérable, puisqu’il n’avait jamais été démontré aupara- vant qu’un antiarythmique puisse avoir un effet favorable sur des critères de morbi-mortalité dans le traitement de la fibrillation atriale. Quelle place pour la dronédarone dans le traitement de la fibrillation atriale ? Cette étude souligne tout l’intérêt de la dronédarone, médica- ment qui a indiscutablement sa place dans l’arsenal thérapeu- tique, mais dont il faut se garder de penser qu’il va résoudre

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Placebo

Dronédarone

HR = 0,76p < 0,001

50

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00 6 12 18 24 30

Suivi (mois)

Patients à risquePlacebo 2 327 1 858 1 625 1 072 385 3Dronédarone 2 301 1 963 1 776 1 177 403 2

Incid

ence

cum

ulée

Figure. Réduction sous dronédarone de la fréquence du critère de juge-ment principal dans l’étude ATHENA (hospitalisations pour raisons cardiovasculaires et mortalité toutes causes confondues).

4 | La Lettre du Cardiologue • n° 439 - novembre 2010

ÉDITORIAL

De la mythologie à la fibrillation atriale : que penser de l’étude ATHENA ?From mythology to atrial fibrillation: what about ATHENA study?

J.Y. Le Heuzey*

* Service de cardiologie et de rythmologie, hôpital Georges-Pompidou, Paris.

La déesse Athéna occupe dans la mythologie grecque une place bien particulière, puisqu’elle est à la fois déesse de la guerre et de la sagesse. L’étude ATHENA, qui a

testé la dronédarone, a soulevé des questions chez nombre de cardiologues qui ont exprimé des opinions bien tranchées et parfois opposées.

L’étude ATHENA constitue-t-elle un tournant dans le traitement antiarythmique de la fibrillation atriale ?En 1989, un tremblement de terre est survenu dans la planète rythmologie, séisme qui a également ébranlé toute la cardio-logie. Pour la première fois, un essai de grande envergure apportait des résultats négatifs, le groupe traité par placebo ayant eu une meilleure survie. L’étude CAST concernait l’uti-lisation des antiarythmiques de classe I dans les arythmies ventriculaires, mais l’amalgame a rapidement été fait avec les arythmies auriculaires, d’autant plus qu’une méta-analyse (de S.E. Coplen et al.) avait montré que la quinidine était un excellent médicament pour maintenir le rythme sinusal mais qu’il y avait également une surmortalité dans les groupes traités par rapport aux groupes placebo. Le dernier médica-ment antiarythmique oral enregistré dans la fibrillation atriale a été la cibenzoline, il y a 20 ans et, depuis, aucun nouveau médicament n’a été enregistré.Les antiarythmiques de classe I sont sûrs dans la fibrillation atriale (1), à la stricte condition qu’ils soient utilisés dans le respect absolu des contre-indications qui sont l’insuffi-sance cardiaque, l’insuffisance coronaire, le bloc de branche complet. Le sotalol a des limites bien connues : efficacité modeste à faible dose, risque de torsades de pointes à forte dose. Enfin, l’amiodarone est bien entendu l’antiarythmique le plus efficace, mais on connaît sa mauvaise tolérance, prin-cipalement extracardiaque.L’étude ATHENA (2) est arrivée dans le développement, complexe, de la dronédarone qui avait connu des succès

avec les études ADONIS et EURIDIS, mais aussi des échecs avec l’essai ANDROMEDA. Les patients inclus dans ATHENA avaient un profil bien particulier : patients en fibrillation atriale avec des facteurs de risque comme l’insuffisance coronaire ou l’hypertension artérielle avec hypertrophie ventriculaire gauche, et pour lesquels les antiarythmiques de classe I sont à éviter.Pour la première fois, une étude démontrait, de façon prospec-tive et randomisée, un intérêt en termes de critères de juge-ment plus “durs” que le simple maintien du rythme sinusal, c’est-à-dire hospitalisations pour causes cardiovasculaires et mortalité de toutes causes. Ce bénéfice (figure) est un atout considérable, puisqu’il n’avait jamais été démontré aupara-vant qu’un antiarythmique puisse avoir un effet favorable sur des critères de morbi-mortalité dans le traitement de la fibrillation atriale.

Quelle place pour la dronédarone dans le traitement de la fibrillation atriale ?Cette étude souligne tout l’intérêt de la dronédarone, médica-ment qui a indiscutablement sa place dans l’arsenal thérapeu-tique, mais dont il faut se garder de penser qu’il va résoudre

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que penser de l’étude ATHENA ?

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La Lettre du Cardiologue • n° 439 - novembre 2010 | 5

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Références bibliographiques

1. Le Heuzey JY. The risk of antiarrhythmic drugs in atrial fibrillation: 20 years of controversies. Europace 2009;11:840-1.2. Hohnloser S, Crinjs HJ, Van Eickels N et al. Effects of dronedarone on cardio-vascular events in atrial fibrillation. N Engl J Med 2009;360:668-78.

3. Le Heuzey JY, De Ferrari GM, Radzik D, Santini M, Zhu J, Davy JM. A short term randomized double blind parallel group study to evaluate the efficacy and safety of dronedarone versus amiodarone in patients with persistant atrial fibrillation: the DIONYSOS study. J Cardiovasc Electrophysiol 2010;21:597-605.

tous les problèmes. La dronédarone sera à éviter chez les patients avec une insuffisance cardiaque évoluée. Il est clair que de nombreux patients seront candidats pour être traités par ce médicament, les progrès de l’ablation ne pouvant pas tout résoudre, loin de là…La dronédarone, dans ATHENA, a montré un intérêt en termes de morbi-mortalité. Si l’on recherche avant tout le maintien du rythme sinusal, c’est cependant l’amiodarone qui reste la plus efficace, comme l’a démontré l’étude DIONYSOS (3).

ATHENA a changé le paysage du traitement antiarythmique de la fibrillation atriale mais il convient de raison garder, la sagesse étant de considérer que la dronédarone apporte un plus dans ce traitement, mais il ne faut pas penser que ce médicament représente la panacée. Il ne faut pas confondre Athéna, fille de Zeus et de Métis, avec Panakeia, fille d’Asclé-pios (Esculape, dieu de la médecine) et d’Epione ! ■

Conflit d’intérêts. L’auteur déclare avoir été investigateur de l’étude DIONYSOS pour le laboratoire Sanofi-aventis.