de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies...

8
Introduction La sélection des céréales dans les Stations fédérales de Chan- gins et de Reckenholz a une longue tradition (FOSSATI, 1998), datant du début du XX e siècle, et un poids parti- culier y est mis sur la résis- tance du blé et du triticale aux diverses maladies sur feuilles et épis. Le travail d’un groupe de pathologie au sein de la section Amélioration et certi- fication des plantes (AMC) as- sure la base nécessaire à la création de variétés résistan- tes. Le but de cet article est de présenter un aperçu des diffé- rentes activités liées à la créa- tion de variétés résistantes telles qu’elles sont pratiquées actuellement à Changins. La sélection du blé et du triticale: les bases Connaître un peu le processus de sélection est nécessaire pour bien comprendre les dif- férents travaux des patholo- gistes qui y collaborent. Quelle que soit l’espèce, la fixation des objectifs d’amé- lioration précède le choix d’un schéma de sélection et d’une méthodologie. Pour les blés sélectionnés à Changins, ces objectifs sont le rendement économique, la qualité bou- langère et la résistance aux maladies. Un haut rendement, un grain bien formé, la résis- tance aux maladies et à la verse sont les objectifs de la sélection du triticale. Les sché- mas de sélection varient légè- rement en fonction de l’espèce (blé ou triticale) et de la pé- riode de semis (automne ou printemps). Dans le schéma de sélection du blé d’automne (fig. 1) par exemple, différen- tes étapes peuvent être distin- guées. Le choix des géniteurs 838 MISE 380-A401 La sélection de variétés de blé et de triticale résistantes aux maladies V. MICHEL, Station fédérale de recherches en production végétale de Changins, CH-1260 Nyon 1 E-mail: [email protected] Tél. (+41) 22 / 36 34 444. @ Sélection pour résistance aux maladies (M1) Choix des géniteurs – Croisements Sélection en pépinière Essais agronomiques Homologation Tests de résistance aux maladies (M2) Analyses de qualité boulangère Sélection conservatrice Production de semences P F1 F2 F3 F4 F5 (A) F6 (B) F7 (C) F8-F10 F11-F12 Génération en vrac («bulk») Plantes espacées Lignes épis Micro-parcelles (plusieurs répétitions) 133 Revue suisse Agric. 33 (4): 133-140, 2001 Résumé La sélection de variétés de blé et de triticale résistantes aux principales maladies en Suisse implique certaines tâches très précises. L’inoculation artificielle des pépinières de sélection avec les pathogènes de l’oïdium, des rouilles jaunes et brunes, et de la septoriose causée par Stagonospora nodorum, est l’une des principales. La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- dies). En plus des quatre maladies mentionnées, ces tests incluent la septoriose causée par Septoria tritici et la fusariose sur épi. Les résultats de ces évaluations permettent aux sélectionneurs de retenir des lignées dans le processus de sélection mais également de choisir les géniteurs des futurs croisements. De plus, ces données servent de base à la description des variétés suisses et étrangères dans le processus d’homologation. Fig. 1. Schéma de sélection du blé d’automne. Les maladies tes- tées dans la sélection en pépinière sont l’oïdium, la rouille jaune, la rouille brune et la septoriose cau- sée par Stagonospora nodorum (M1). En plus de ces quatre mala- dies, la septoriose causée par Sep- toria tritici et la fusariose sur épi sont incluses dans les tests mala- dies (M2). Station fédérale de recherches en production végétale de Changins Directeur: André Stäubli http://www.changins.ch RAC

Transcript of de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies...

Page 1: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

IntroductionLa sélection des céréales dansles Stations fédérales de Chan-gins et de Reckenholz a unelongue tradition (FOSSATI,1998), datant du début duXXe siècle, et un poids parti-culier y est mis sur la résis-tance du blé et du triticale auxdiverses maladies sur feuilleset épis. Le travail d’un groupede pathologie au sein de lasection Amélioration et certi-fication des plantes (AMC) as-sure la base nécessaire à lacréation de variétés résistan-tes. Le but de cet article est deprésenter un aperçu des diffé-rentes activités liées à la créa-tion de variétés résistantestelles qu’elles sont pratiquéesactuellement à Changins.

La sélection du bléet du triticale: les basesConnaître un peu le processusde sélection est nécessairepour bien comprendre les dif-férents travaux des patholo-gistes qui y collaborent.

Quelle que soit l’espèce, lafixation des objectifs d’amé-lioration précède le choix d’unschéma de sélection et d’uneméthodologie. Pour les bléssélectionnés à Changins, cesobjectifs sont le rendementéconomique, la qualité bou-langère et la résistance auxmaladies. Un haut rendement,un grain bien formé, la résis-tance aux maladies et à laverse sont les objectifs de lasélection du triticale. Les sché-mas de sélection varient légè-rement en fonction de l’espèce(blé ou triticale) et de la pé-riode de semis (automne ouprintemps). Dans le schémade sélection du blé d’automne(fig. 1) par exemple, différen-tes étapes peuvent être distin-guées. Le choix des géniteurs

838 MISE 380-A401

La sélection de variétés de blé et de triticalerésistantes aux maladiesV. MICHEL, Station fédérale de recherches en production végétale de Changins, CH-1260 Nyon 1

E-mail: [email protected]él. (+41) 22/36 34 444.@

Sél

ectio

n po

ur r

ésis

tanc

e a

ux m

alad

ies

(M1)

Choix des géniteurs – Croisements

Sélection en pépinière

Essais agronomiques

Homologation

Test

s de

rés

ista

nce

aux

mal

adie

s (M

2)

Ana

lyse

s de

qua

lité

boul

angè

re

Sél

ectio

n co

nser

vatr

ice

Pro

duct

ion

de s

emen

ces

P

F1

F2

F3

F4

F5 (A)

F6 (B)

F7 (C)

F8-F10

F11-F12

Générationen vrac («bulk»)

Plantes espacées

Lignes épis

Micro-parcelles(plusieurs répétitions)

133Revue suisse Agric. 33 (4): 133-140, 2001

Résumé

La sélection de variétés de blé et de triticale résistantes aux principales maladies en Suisse implique certainestâches très précises. L’inoculation artificielle des pépinières de sélection avec les pathogènes de l’oïdium,des rouilles jaunes et brunes, et de la septoriose causée par Stagonospora nodorum, est l’une des principales.La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala-dies). En plus des quatre maladies mentionnées, ces tests incluent la septoriose causée par Septoria tritici et lafusariose sur épi. Les résultats de ces évaluations permettent aux sélectionneurs de retenir des lignées dans leprocessus de sélection mais également de choisir les géniteurs des futurs croisements. De plus, ces donnéesservent de base à la description des variétés suisses et étrangères dans le processus d’homologation.

� Fig. 1. Schéma de sélection dublé d’automne. Les maladies tes-tées dans la sélection en pépinièresont l’oïdium, la rouille jaune, larouille brune et la septoriose cau-sée par Stagonospora nodorum(M1). En plus de ces quatre mala-dies, la septoriose causée par Sep-toria tritici et la fusariose sur épisont incluses dans les tests mala-dies (M2).

Station fédérale de recherches en production végétale de Changins

Directeur: André Stäubli http://www.changins.ch

RAC

Page 2: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

vise la meilleure combinaison possiblede deux parents (P) complémentairespour leur valeur agronomique, leurqualité et leur résistance. Après croise-ment, une première étape consiste àfixer (rendre homozygote) le matérieltout en lui faisant subir une pression desélection. Lors de ces premières géné-rations (F1 et F2), l’ensemble des des-cendants du croisement est considérécomme une unité. La deuxième étapeest la sélection en pépinières qui abou-tit à des lignées fixées. Chaque descen-dant est alors pris en considération in-dividuellement. A ce stade, l’inocula-tion artificielle de l’oïdium, de la rouillejaune, de la rouille brune et de la septo-riose causée par Stagonospora nodo-rum (anciennement Septoria nodorum)permet l’identification et l’éliminationdes génotypes sensibles à ces maladies.Les premiers tests pour la qualité bou-langère commencent dès la récolte dela sixième génération (F6). A la troi-sième étape commencent les essaisagronomiques, c’est-à-dire des essaisen micro-parcelles et en plusieurs lieux,qui permettent une première mesure dupotentiel de rendement. A partir de cemoment, l’évaluation de la résistancese fait séparément pour chacune des sixmaladies. Aux quatre maladies notéesen pépinière s’ajoutent la septoriose cau-

sée par Septoria tritici et la fusariosesur épi. Le nombre de tests sur la qua-lité boulangère augmente pour unemeilleure évaluation de ce caractèrecomplexe. Dès la huitième génération(F8) débute alors la sélection conserva-trice par Delley Semences et PlantesSA, le co-obtenteur et représentant desvariétés des Station fédérales. Le tra-vail des sélectionneurs de Changins estpratiquement terminé à la fin de cettetroisième étape par le choix des lignéesà présenter en essai officiel. La der-nière étape, qui est l’homologation desvariétés suisses et étrangères, est con-duite par d’autres équipes. La naturetrès spécifique des tests de résistanceaux maladies et de qualité boulangèreimplique que ces tests restent déléguéspour leur exécution aux collaborateursde la section AMC.

Résistance du blé et du triticale aux maladiesimportantesEnviron vingt maladies du blé et du tri-ticale causées par des champignons oudes virus ont une certaine importanceen Suisse (HÄNI et al., 1990). La sélec-tion pour la résistance se concentre surles six maladies jugées particulièrementcritiques pour l’ensemble de la Suisse(tabl. 1). Les pathogènes causant cesmaladies sont tous des champignonsqui exigent une humidité élevée afind’infecter leur plante hôte. L’oïdium(fig. 2), la rouille jaune (fig. 3) et laseptoriose causée par S. tritici (fig. 4)sont des maladies qui se développentbien aux températures fraîches du prin-temps. En revanche, la rouille brune(fig. 5), la septoriose causée par S. no-dorum (fig. 6) et la fusariose sur épi(fig. 7) ont besoin de températures plusestivales. L’importance de ces maladiesne varie pas seulement selon la saisonmais aussi en fonction des régions et deleurs conditions environnementalesspécifiques (météo, nature du sol, etc.),des résistances déployées dans les va-riétés cultivées et de l’évolution despopulations de pathogènes. Un exem-ple actuel pour ce dernier cas est l’ap-parition d’une nouvelle virulence dansPuccinia striiformis, le pathogène de larouille jaune. Ces souches virulentes deP. striiformis peuvent contourner la ré-sistance spécifique Yr17, une résistancede type gène-pour-gène largement utili-sée dans les programmes de sélectionde blé en Europe et en Suisse.Pour créer des variétés résistantes auxmaladies, la base génétique de la résis-tance doit être bien comprise. Deux

134

� Fig. 2. L’oïdium se reconnaît facilementà ces pustules poudreuses qui se forment surles feuilles, surtout pendant les périodesfraîches printanières. Le champignon, qui sedéveloppe principalement à la surface desfeuilles et qui forme des spores riches eneau, supporte mal les grandes chaleurs.

� Fig. 4. Septoria tritici, un des deux pa-thogènes qui causent la septoriose. S. triticine se développe que sur les feuilles et sedistingue de Stagonospora nodorum par laprésence de petits points noirs à l’intérieurdes lésions (zones de tissu végétal mort). Cesont les corps de fructification dans lesquelsse forment des masses de nouvelles spores.

�� Fig. 3. La rouille jaune se traduit pardes symptômes de stries sur la feuille (ceque suggère bien son nom latin Pucciniastriiformis) qui la rendent facile à identifier.C’est une maladie qui se développe déjà àdes températures relativement froides, etune attaque précoce peut causer d’impor-tants dégâts. Elle est actuellement peu fré-quente en Suisse, mais des souches portantune nouvelle virulence sont apparues enSuisse au printemps 2001.

Page 3: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

genres de résistance jouent un rôledans la sélection du blé et du triticale.La résistance de type gène-pour-gène,aussi appelée résistance qualitative ourésistance spécifique, est en généralcelle qui permet une résistance complè-te aux rouilles et à l’oïdium. De maniè-re imagée, on pourrait dire qu’une va-riété est pourvue d’une serrure qui em-pêche le pathogène d’entrer dans laplante et d’y faire des dégâts (fig. 8).Le seul moyen pour le pathogène d’en-trer est de disposer de la clé qui lui per-met d’ouvrir cette serrure. En termes depathologie, la serrure est appelée gènede résistance et la clé gène de viru-lence. A un gène de résistance de la va-riété correspond un gène de virulencede la souche (gène-pour-gène). Quandune souche dispose du gène de viru-lence nécessaire pour rendre inefficaceune résistance spécifique d’une variété,

on dit que la résistance a été «cassée».Afin de diminuer ce risque, les sélec-tionneurs tentent parfois d’accumulerplusieurs gènes de résistance dans lamême variété. Dans pareil cas, lasouche doit disposer de tous les gènesde virulence correspondants pour cas-ser la résistance. En revanche, un seulgène de résistance peut offrir une pro-tection parfaite même contre dessouches possédant un grand nombre de

135

Fig. 7. Une attaque de fusariose sur épi com-mence par l’infection de quelques épillets siceux-ci sont sensibles. Ensuite, la maladiese répand plus ou moins vite à l’intérieur del’épi. A part une diminution de rendement,la fusariose provoque aussi la formation demycotoxines dans les grains. De plus, lamaladie est transmise par les grains et peutaltérer la qualité du semis.

Fig. 6. Stagonospora nodorum (ancienne- �ment Septoria nodorum) cause la septorioseaussi bien sur les feuilles (a) que sur les épis(b). A part la forte diminution de rendementqu’elle occasionne par ses attaques sur lesfeuilles et les épis, S. nodorum altère aussi laqualité du grain. La maladie est en plus trans-mise par les grains atteints et peut causer desdégâts lors de la levée de la plante.

Fig. 5. La rouille brune est une maladie quia besoin d’une certaine température pourbien se développer; elle ne se manifestesouvent que tard dans la saison. L’humiditéapportée par la rosée lui suffit pour infecterson hôte; cela explique son fort développe-ment même pendant des périodes sans pluie.�

Tableau 1. Maladies pour lesquelles la résistance chez le blé et le triticale faitl’objet d’une sélection.

Maladie pathogène (autre nom) Plante hôte

Oïdium Blumeria graminis Erysiphe graminis blé et triticaleRouille jaune Puccinia striiformis blé et triticaleRouille brune Puccinia recondita Puccinia triticina blé et triticaleSeptoriose Stagonospora nodorum Septoria nodorum blé et triticaleSeptoriose Septoria tritici blé et triticaleFusariose sur épi Fusarium graminearum blé et triticale

Fusarium culmorum

aa

bb

Page 4: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

gènes de virulences, pour autantqu’elles soient privées de la virulencecorrespondante.Le deuxième groupe de résistance in-clut les résistances quantitatives, aussiappelées résistances non spécifiques.Elles sont génétiquement basées surplusieurs gènes de résistance dont cha-cun contribue partiellement à la résis-tance de la plante. Contrairement à larésistance qualitative, où une plantepeut rester complètement indemne dedégâts causés par le pathogène, la ré-sistance de type quantitatif ne protègeque partiellement la plante. La résis-tance aux deux septorioses et la résis-tance à la fusariose sur épi font partiede ce groupe. Dans le cas de la septo-riose causée par S. tritici, une résis-tance de type gène-pour-gène sembleaussi exister (KEMA et al., 2000).

Inoculation artificielledes maladies dans les pépinièresLes pépinières sont semées à l’aide desemoirs expérimentaux (fig. 9) qui per-mettent de sélectionner chaque planteindividuelle (F3 et F4) ou la descen-dance d’un seul épi (ligne épi, F5-F7).Pour assurer un bon établissement dessemis, le traitement des semences avecun fongicide est la règle. De ce fait, au-cune sélection pour une résistance auxmaladies du sol ou transmises par la se-mence ne se fait à Changins. Les pépi-nières sont implantées à Changins ouà Vouvry (Chablais valaisan). Cettedeuxième région possède des condi-tions optimales pour le développementdes maladies du blé et du triticale.L’inoculation des pépinières avec larouille jaune, la rouille brune et l’oï-dium se fait à l’aide de «bandes d’in-fection» (fig. 10). Le principe est d’in-sérer à intervalles réguliers un semisd’un mélange de variétés ou de lignéesextrêmement sensibles à ces maladies.Au printemps, les bandes d’infectionsont inoculées avec les pathogènes destrois maladies de deux façons différen-tes. Pour l’oïdium, des plantules sontinoculées en serre avec un mélange desouches. Dès que les conditions météo-rologiques le permettent, ces plantulessont plantées dans les bandes d’infec-tion à l’aide d’une planteuse (fig. 11).Après sporulation, les spores produitespar les plantules infectent les plantessensibles dans les bandes d’infectionqui à leur tour transmettent les patho-gènes aux plantes en observation dansles pépinières. Depuis cette année,l’inoculation des rouilles se fait sans le

136

� Fig. 9. Un semoirspécialement conçupour un semis oùchaque ligne seméeest une autre lignéeexpérimentale. Il estalors possible de se-mer sur une surfacede 35 m2 cent lignéesdifférentes.

Fig. 8. Mécanisme de résistance de type gène-pour-gène comme dans le cas de l’oïdium, dela rouille jaune et de la rouille brune, schématisé par une serrure (gène de résistance dans laplante) et une clé (gène de virulence dans le pathogène). Il est important de constater que cen’est pas forcement un grand nombre de gènes de résistance qui garantit une bonne protec-tion contre le pathogène.

Variété A Souche X

Variété B Souche X

Variété C Souche Y

Variété D

Variété sensible

Variété résistante

Souche virulente

Souche avirulente

Souche Y

Plante

Gène de résistance 1

Pathogène

Gène devirulence 1

Gènes de résistance 1 + 2

Gène devirulence 1

Gènes derésistance 1 + 2 + 3

Gènes devirulence 1 + 2 + 3

Gène derésistance 4

Gènes devirulence 1 + 2 + 3

Page 5: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

recours au repiquage de plantules infectées. Les bandes d’in-fection sont inoculées directement avec une suspension despores de rouille dans une huile minérale non phytotoxique.A cette fin, des spores sont aspergées sur les bandes d’infec-tion avec une quantité équivalant à cinq grammes de spores àl’hectare. Ce travail se fait avec un pulvérisateur porté sur ledos conçu pour l’application à très bas volume. Cette tech-nique diminue le travail mais, surtout, permet l’accès au ter-rain même dans des conditions où le passage des machinesest rendu difficile. Les avantages de cette méthode sont parti-culièrement flagrants lors d’années humides comme 2001.L’inoculation des pépinières avec S. nodorum se fait à l’aided’une pompe à traiter traditionnelle. Une suspension despores est préparée après une multiplication du pathogène surdu grain de blé stérile (FRIED, 1989). Quand la dernièrefeuille de la plupart des plantes est complètement sortie,300 l/ha d’une suspension de spores à une concentration deun million de spores par ml sont répartis sur les pépinières.Cette concentration permet d’obtenir une infection assezforte pour facilement détecter les plantes sensibles sans tou-tefois trop diminuer la qualité des grains des plantes retenues.En effet, une trop forte attaque de S. nodorum aurait un effetnéfaste sur la qualité des grains utilisés pour la prochainegénération de sélection.L’infection artificielle dans les pépinières aide les sélection-neurs à faire leur travail en diminuant la variabilité de la pres-sion des maladies à l’intérieur d’une parcelle mais aussi entreles années. De plus, par l’utilisation de souches isolées dansdifférentes régions de Suisse, une partie de la spécificité deces régions, exprimée dans la composition des populationsdes pathogènes, est transférée dans l’espace standardisé despépinières de sélection.

Evaluation de la résistance des variétés et des lignées par les «tests maladies»Les essais d’évaluation de résistance pour chaque maladie àun stade avancé de la sélection, c’est-à-dire parallèlement auxessais agronomiques et d’homologation, sont appelés les«tests maladies». Pour chaque test, et donc pour chaque mala-die, la totalité des lignées est mise en place dans un dispositifpermettant une infection uniforme et une évaluation précise(fig. 12). Les tests de résistance à l’oïdium et aux rouilles ontrecours à des «lignes d’infection» pour arriver à une fortepression de la maladie dans la parcelle. Les lignes d’infectionsont semées à une densité beaucoup plus élevée que lesbandes d’infection. Une ligne de 65 cm de long est semée

137

� Fig. 10. La rouillejaune est bien visiblesur cette bande d’in-fection. Partant decette bande, cette ma-ladie, de même quela rouille brune etl’oïdium, se répandsur le matériel de sé-lection se trouvantdes deux côtés.

Fig. 11. L’utilisa- �tion d’une planteusepermet la mise enplace rationnelle desplantules infectéesavec l’oïdium.

� Fig. 12. Le testmaladie de fusariosesur épi montre bien leprincipe de ces tests.On compare les diffé-rentes lignées de sélec-tiondanslesconditionsles plus uniformes pos-sible.

Fig. 13. Infection du �test maladie de rouillejaune grâce à des li-gnes d’infection insé-rées à intervalles régu-liers (la ligne du milieudans chaque deuxièmeparcelle). La parcelleau premier plan con-tient des variétés spé-cialement sensiblesutilisées pour les li-gnes et bandes d’in-fection. Les autres par-celles contiennent leslignées du programmede sélection.

Page 6: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

tous les deux mètres au centre desbandes de semis qui ont une largeur de1,5 m (fig. 13). Le repiquage des plan-tules infectées d’oïdium au centre decette ligne se fait à la main. L’inocula-tion du test S. nodorum a lieu à deuxstades, à la sortie de la dernière feuilleet sur l’épi, à deux concentrations diffé-rentes: cinq millions de spores par mlsur les feuilles et un million de sporespar ml sur épi. La plus faible concentra-tion de la deuxième inoculation vise àéviter une trop forte altération desgrains. L’évaluation séparée de la résis-tance à S. nodorum sur feuille et sur épiest fondée sur la différence du contrôlegénétique de ces résistances (FRIED etMEISTER, 1987). En effet, une plantepeut être sensible à cette maladie au ni-veau de la feuille mais résistante au ni-veau de l’épi, et vice versa. Ces diffé-rences de résistance des variétés homo-loguées en Suisse sont indiquées dansle catalogue national des variétés de cé-réales (COLLAUD et al., 2000).La septoriose due à S. tritici, en revan-che, ne se développe que sur les feuil-les. Pour inoculer la dernière feuille,une suspension de spores à une con-centration de dix millions de spores parml est préparée après une multiplica-tion des souches dans un milieu nutritifliquide. Pour assurer une infection op-timale de S. tritici, le recours à l’irri-gation est parfois nécessaire, car la du-rée minimale pour l’infection est de48 heures (KEMA et al., 1996). Une ins-tallation fixe d’irrigation (fig. 14) per-met d’assurer une humidité élevée du-rant cette période.Un système d’irrigation est systémati-quement utilisé pour le test de fusa-riose sur épi. Les pathogènes de cettemaladie, Fusarium culmorum et F. gra-minearum, attaquent l’épi au stade dela floraison, et une humidité très élevéeest une condition primordiale pour queréussisse l’infection. Trois inoculationsconsécutives, avec une suspension despores à une concentration de un mil-lion de spores par ml, sont faites aprèsla multiplication des souches de F. cul-morum sur des grains stériles d’avoineet de F. graminearum dans un milieunutritif liquide. L’inoculation à plu-sieurs reprises est liée aux stades defloraison différents des lignées testées(KLEIJER et MICHEL, 2001).

138

aa

bb

cc

� Fig. 14. Différents systèmes d’irrigationutilisés dans les tests maladies. Les installa-tions fixes (a, b) servent à l’irrigation journa-lière des tests de fusariose sur épi et deS. tritici. La rampe d’irrigation mobile (c),en revanche, n’est utilisée que ponctuellementpour l’irrigation des autres tests maladieslors de périodes de sécheresse prolongée.

Page 7: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

Un apport d’eau sur les autres tests ma-ladies pendant une période de séche-resse accrue, comme c’était le cas en2000, est possible grâce à une ramped’irrigation d’une largeur de 24 m(fig. 14c).En plus de l’inoculation artificielleavec des souches de provenances diffé-rentes, les multiples possibilités d’irri-gation permettent de modifier l’envi-ronnement en faveur des maladies dansle cadre de l’évaluation des résistances.

Utilisation des résultatsdes tests maladiesL’évaluation de la résistance se fait parla notation des symptômes visibles surla dernière feuille ou sur l’épi. Pour ces«notations visuelles», dont le nombrevarie selon la maladie, on utilise uneéchelle standardisée (tabl. 2). Cetteéchelle ne tient pas seulement comptede l’évolution dynamique des maladiesmais aussi des exigences de la trans-formation statistique pour la mise envaleur des résultats. L’utilisation deschémas d’évaluation des surfaces defeuille ou d’épi, élaborés dans le cadrede la coopération scientifique euro-péenne (action COST 817), permet deréduire la variation entre les notesprises par les différentes collaborateursdu groupe de pathologie du service desélection.Les résultats des notations sont directe-ment utilisés pour la description de larésistance à l’oïdium, aux rouilles et àla fusariose sur épi. Le cas est différentpour les septorioses où les données deplusieurs notations sont transforméesen un indice de résistance. La base decette transformation est la surface sousla courbe de la progression de la mala-die, une méthode d’évaluation de la ré-sistance développée aux Etats-Unis(SHANER et FINNEY, 1977). L’indice derésistance est la valeur relative de cettesurface avec comme référence (indice= 100) la moyenne de la surface detoutes les lignées testées. L’indice finalest obtenu après une correction pour laprécocité, à cause de la diminution dela résistance avec le vieillissement dela plante. L’interprétation de cet indicese fait comme pour les notes décrivantle niveau de résistance à l’oïdium, auxrouilles et à la fusariose sur épi. Plus lavaleur est basse, plus le niveau de résis-tance est élevé.Les résultats des tests maladies ontdeux utilisations principales. Première-ment, ils servent à la description de larésistance aux maladies des variétéshomologuées ou recommandées en

Suisse. Un schéma a été élaboré récem-ment pour transformer ces résultats encatégories de résistance (tabl. 3). Ceclassement est basé sur les résultats dedeux ans au moins et peut être modifiéen tenant compte d’observations sup-

plémentaires faites dans des parcellesd’expérimentation naturellement infec-tées. Deuxièmement, les résultats destests maladies donnent aux sélection-neurs les informations nécessaires pouridentifier les lignées possédant une

139

Tableau 2. Echelle de notation pour l’évaluation de la résistance aux maladies dublé et du triticale.

Note % surface Symptômes

1 0 pas de symptômes

2 2,5 quelques symptômes

3 10 1/10 de la feuille/épi couvert de symptômes

4 25 1/4 de la feuille/épi couvert de symptômes

5 50 1/2 de la feuille/épi couvert de symptômes

6 75 1/4 de la feuille/épi exempt de symptômes

7 90 1/10 de la feuille/épi exempt de symptômes

8 97,5 traces de la feuille/épi sans symptômes

9 100 feuille/épi complètement couverts de symptômes

Tableau 3. Conversion de la note (oïdium, rouilles, fusariose sur épi) et de l’indice(septorioses) en catégories de résistances.

Note (= x) Indice (= x) Catégorie Description

x ≤ 2 x ≤ 60 + + + très résistant

2 < x ≤ 3 60 < x ≤ 75 + + résistant

3 < x ≤ 4 75 < x ≤ 90 + légèrement résistant

4 < x ≤ 5 90 < x ≤ 110 Ø moyen

5 < x ≤ 6 110 < x ≤ 130 - légèrement sensible

6 < x ≤ 7 130 < x ≤ 160 - - sensible

7 < x 160 < x - - - très sensible

Fig. 15. L’inoculation de spores d’oïdium à des plantules protégées par un sachet de cello-phane se fait sous une hotte stérile spécialement transformée pour cette tâche. Chaque pot estinoculé avec une autre souche d’oïdium et est ensuite placé dans une chambre froide avec unéclairage permettant de conserver la souche pendant six mois. Le maintien de l’oïdium surune plante vivante est le seul mode de conservation de ce pathogène, qui ne se multiplie quesur du tissu végétal vivant (organisme biotrophe) et ne peut pas être stocké sous formecongelée ou lyophilisée.

Page 8: de Changins - Agroscope · La seconde activité est l’évaluation de la résistance aux maladies du matériel de sélection avancé (tests mala- ... De plus, ces données servent

bonne résistance générale, et constituentdonc une indication précieuse pour lechoix des géniteurs dans les futurscroisements.

Et quelques activités en plus...Pour le bon déroulement de tous cestravaux, plusieurs activités «annexes»font partie du quotidien des patholo-gistes au service de la sélection. L’ino-culation artificielle des pépinières etdes tests maladies exige de collection-ner de nouvelles souches de patho-gènes. Chaque année, des échantillonsdes différents pathogènes sont collectésdans les principales régions céréalièresde Suisse. Après isolation, les souchesdoivent être conservées jusqu’à leurmultiplication pour les infections artifi-cielles. Cette opération se fait par lyo-philisation, un procédé qui permet destocker les souches de tous les patho-gènes, sauf de celui de l’oïdium. Cedernier est, comme la rouille jaune etbrune, un organisme strictement bio-trophe, c’est-à-dire qu’il ne peut senourrir que de tissu végétal vivant. Lamultiplication de ces trois pathogènesse fait donc seulement sur des plantesvivantes. De plus, l’oïdium ne peut êtreconservé que sur des plantules vi-vantes. A cette fin, des plantules de blétrès sensibles sont couvertes avec unsachet de cellophane qui laisse passerl’air mais pas les spores. Elles sont ino-culées avec des spores prélevées surune plante malade (fig. 15). Les plan-tules inoculées sont alors stockées dansune chambre froide avec un éclairagepermettant de maintenir les plantulesvivantes, et avec elles l’oïdium, pendantsix mois.La participation à des programmes in-ternationaux d’échange de variétés sou-mises à des tests de résistance est uneautre activité importante en pathologie.Ces échanges concernent la résistance àl’oïdium et aux rouilles jaune et brunedu blé d’automne. Depuis 2001, l’oï-dium du blé de printemps est égalementinclus dans ces comparaisons. Des va-riétés provenant de plusieurs pays euro-péens (jusqu’à huit pays) sont alors in-cluses dans les tests maladies réalisés àChangins. En contrepartie, des lignéesavancées de notre programme de sélec-tion sont testées pour leur résistance àces trois maladies dans de nombreuxpays d’Europe. Ce travail permet de vé-rifier la valeur des résistances de nosvariétés dans d’autres environnementset surtout d’examiner des variétés étran-gères en vue de leur utilisation commegéniteurs pour les futurs croisements.

Pour conclureLa sélection pour des variétés résis-tantes aux maladies implique une expo-sition continue du matériel de sélectionaux pathogènes afin de n’en retenir quele plus résistant. L’absence d’une mala-die dans les pépinières ou tests mala-dies doit être évitée à tout prix. Latâche prioritaire du groupe de patholo-gie d’un service de sélection est d’as-surer que de bonnes conditions pourl’évaluation de la résistance des varié-tés existent chaque année.

Remerciements

Je remercie tous les membres de la sec-tion AMC et le photographe de la RACpour leur excellente collaboration etleur grand intérêt concernant tous lesaspects de la sélection des variétésrésistantes.

BibliographieCOLLAUD J.-F., FOSSATI A., FOSSATI D., SCHWÄR-

ZEL R., MENZI M., WEILENMANN F., WINZE-LER M., 2000. Description des variétés de cé-réales du catalogue national 2000. Revuesuisse Agric. 32 (3), I-VIII.

FOSSATI A., 1998. Amélioration des plantes: ré-flexions d’un sélectionneur. Revue suisseAgric. 30 (6), 251-253.

FRIED P. M., 1989. Improved method to producelarge quantities of Septoria nodorum inocu-lum. In: Septoria of cereals, Proceedings of3rd International Workshop on Septoria Di-seases of Cereals, July 4-7, 1989, Zurich,Switzerland, 28-31.

FRIED P. M., MEISTER E., 1987. Inheritance ofleaf and head resistance of winter wheat toSeptoria nodorum in a diallel cross. Phytopa-thology 77, 1371-1375.

HÄNI F., POPOW G., REINHARD H., SCHWARZ A.,TANNER K., VORLET M., 1990. Protection desplantes en production intégrée. LmZ, Zolliko-fen, 334 p.

KEMA G. H. J., DAZHAO Y., RIJKENBERG F. H. J.,SHAW M. W., BAAYEN R. P., 1996. Histologyof the pathogenesis of Mycosphaerella grami-nicola in wheat. Phytopathology 86, 777-786.

KEMA G. H. J., VERSTAPPEN E. C. P., WAALWIJKC., 2000. Avirulence in the wheat Septoriatritici leaf blotch fungus Mycosphaerella gra-minicola is controlled by a single locus.MPMI 13, 1375-1379.

KLEIJER G., MICHEL V., 2001. Observations sur larésistance du triticale et du blé à la fusariosesur épi. Revue suisse Agric. 33, à paraître.

SHANER G., FINNEY R. E. , 1977. The effect of ni-trogen fertilization on the expression of slow-mildewing resistance in Knox wheat. Phyto-pathology 67, 1051-1056.

140

SummaryBreeding disease resistant wheat and triticale varieties

Breeding for resistance to the major diseases in Switzerland is part of the wheat andtriticale improvement program at Changins. Therefore, the breeding nurseries areartificially inoculated with the pathogens of powdery mildew, stripe and leaf rust, andleaf and glume blotch caused by Stagonospora nodorum. Another important activity isthe evaluation of the disease resistance of the advanced breeding material (diseasetests). In addition to the four diseases mentioned above, the resistance to speckled leafblotch, caused by Septoria tritici, and to fusarium head blight are also measured. Theresults of the tests help the breeders to select the advanced breeding lines but also tochoose the parents for the future crosses. Furthermore, they are the bases on which thedescription of the newly registered Swiss and foreign varieties is established.

Key words: resistance breeding, wheat, triticale, powdery mildew, stripe rust, leafrust, leaf and glume blotch, speckled leaf blotch, fusarium head blight.

ZusammenfassungZüchtung von krankheitsresistenten Weizen- und Triticalesorten

Die Züchtung von Sorten, welche gegen die wichtigsten in der Schweiz vorkommen-den Krankheiten resistent sind, umfasst eine Anzahl gezielter Tätigkeiten. Dazugehört das künstliche Beimpfen der Zuchtgärten mit den Krankheitserregern desMehltaus, des Gelb- und Braunrosts, sowie der durch Stagonospora nodorum ver-ursachten Blatt- und Spelzbräune. Eine weitere wichtige Aktivität betrifft die Bestim-mung der Krankheitsresistenz des fortgeschrittenen Züchtungsmaterial (Krankheits-tests). Zusätzlich zu den bereits erwähnten vier Krankheiten schliessen diese Tests diedurch Septoria tritici verursachten Blattdürre sowie die Ährenfusariose ein. Die Er-gebnisse der Krankheitstests sind eine wichtige Entscheidungshilfe beim Bestimmender im Züchtungsprogramm zurückgehaltenen Zuchtlinien aber auch für die Auswahlder zukünftigen Kreuzungspartner. Sie dienen zudem als Grundlage der Beschreibungder Resistenzeigenschaften der in dem Zulassungsverfahren stehenden in- und auslän-dischen Sorten.