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Débats "Santé et Travail" dans les départements bourguignons à l'initiative de la Conférence Régionale de Santé de Bourgogne janvier-mars 2007 avec le soutien financier de la DRASS de Bourgogne PRÉFECTURE DE LA RÉGION DE BOURGOGNE DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES ET SOCIALES

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Débats "Santé et Travail"

dans les départements bourguignons

à l'initiative de la Conférence Régionale de Santé

de Bourgogne

janvier-mars 2007

avec le soutien financier de la DRASS de Bourgogne

PRÉFECTURE DE LA RÉGION DE BOURGOGNE

DIRECTION RÉGIONALE DES AFFAIRES SANITAIRES

ET SOCIALES

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SOMMAIRE

INTRODUCTION............................................................................................................ 1

ACTUALITÉS ET ENJEUX AUTOUR DE LA SANTÉ AU TRAVAIL ..................................................... 2

Les moyens de la réforme et des institutions .................................................................................5

La pluralité des acteurs et le manque de coordination ....................................................................5

APTITUDE ET PRÉVENTION ? DIFFICULTÉS ACTUELLES POUR LES ACTEURS CONCERNÉS ................. 7

Définitions et précisions ...............................................................................................................7

Difficultés rencontrées par les acteurs...........................................................................................9

Des problèmes juridiques et éthiques ........................................................................................9

Effets contradictoires du contexte économique et de l’emploi.......................................................9

Gestion des ruptures de contrat de travail ................................................................................ 10

Gestion des fins de carrière..................................................................................................... 10

Inaptitude : un problème individuel ou collectif ? ...................................................................... 11

Pistes d’amélioration.................................................................................................................. 11

Mieux informer sur les solutions existantes .............................................................................. 12

Améliorer les conditions de travail, agir en amont ..................................................................... 13

Un besoin d’articulation de tous les acteurs dans et en dehors de l’entreprise ............................. 13

RISQUES PSYCHOSOCIAUX : ÉVALUER POUR AGIR .............................................................. 14

Définitions et précisions ............................................................................................................. 14

Difficultés rencontrées par les acteurs......................................................................................... 15

Des facteurs expliquant la progression des risques psychosociaux .............................................. 15

Difficultés de reconnaissance des problèmes ........................................................................... 16

Propositions.............................................................................................................................. 16

Contribuer à la perception du risque ........................................................................................ 16

Diffuser les outils d'évaluation................................................................................................. 17

Sensibiliser aux divers niveaux d'intervention à articuler ............................................................ 17

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Débats Santé et travail dans les départements bourguignons à l'initiative de la CRS de Bourgogne

Introduction

J. P. FAVRE, Président de la Conférence régionale de santé

La Conférence Régionale de Santé (CRS) de Bourgogne a souhaité organiser des débats sur le thème complexe et vaste de « santé et travail ».

En effet, à l'occasion de la présentation d'un "diagnostic partagé" sur la santé en Bourgogne1, les participants aux consultations départementales avaient exprimé le souhait que les problèmes de santé au travail soient mieux pris en compte, et que des préconisations puissent être formulées.

Ainsi, le Plan régional de santé publique (PRSP) qui a fait suite à cet état des lieux a inclus la "lutte contre les facteurs de mauvaise santé au travail" dans le but d’"Améliorer les facteurs de l'environnement, causes de dégradation de la santé des populations". Le PRSP a été élaboré en tenant compte des problèmes de santé des Bourguignons, des actions et dispositifs existants, et des orientations des plans nationaux connexes comme le Plan national santé travail.

Dans cette même perspective, l'Observatoire régional de la santé a engagé courant 2006 un "état des lieux sur la santé et le travail en Bourgogne", en s'appuyant sur les principaux acteurs régionaux dans ce domaine : Direction des risques professionnels de la CRAM, Direction régionale du travail et de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP), Service Prévention de la MSA, Institut de médecine du travail et d'ergonomie, Laboratoire d'Économie et de Gestion de l'Université de Bourgogne… C'est dans la continuité de cet état des lieux que la CRS a confié à l'ORS le soin d'organiser des débats dans chacun des départements bourguignons. Les débats ont été ouverts aux professionnels directement concernés par les sujets (services de santé au travail, inspection du travail, intervenants en prévention des risques professionnels, représentants syndicaux des salariés et des employeurs), mais aussi aux membres de la conférence régionale de santé et aux acteurs du secteur sanitaire et social partenaire de l'ORS, ainsi qu'aux membres du comité économique et social de Bourgogne.

Au cours des réunions, qui se sont déroulées en janvier et mars 2007, deux questions ont été abordées :

- l'aptitude / inaptitude médicale, question, dit-on, typiquement française, en débat éthico-juridique, les avis d'inaptitude étant en progression selon certains acteurs ;

- les risques "psychosociaux", également en augmentation (à côté des risques chimiques, physiques, biologiques, qui restent eux aussi importants, en dépit des moyens engagés pour les réduire).

Des échanges ressort un besoin de définition et d'évaluation communes de ces questions et risques « émergents », afin que les acteurs concernés puissent mettre en oeuvre les moyens de les réduire.

Auparavant, pour présenter les problématiques et enrichir les deux discussions, les représentants de la DRTEFP ont présenté succinctement l'actualité et les enjeux de la santé au travail en Bourgogne en 2007.

1 Réalisé en 2004 par l'Observatoire régional de la santé à la demande de l'ARH, la Drass et l'Urcam de Bourgogne.

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Actualités et enjeux autour de la santé au travail2

DRTEFP

2 Synthèse des diaporamas présentés dans chacun des départements par Mme BIDET, M. le Dr ABECASSIS

DRTEFP Bourgogne 2

Accidents du travail avec arrAccidents du travail avec arrêêt en Bourgogne t en Bourgogne éévolutionvolution

20663

19685

2049420963

22028

21749

22596

19348

15000

20000

25000

1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004

DRTEFP Bourgogne 3

Accidents du travail en Bourgogne

• 34% manutention manuelle• 23% chutes de plain-pied • 15% risques mécaniques • 12% chutes de hauteur

DRTEFP Bourgogne 5

Le nombre dLe nombre d’’accidents graves et mortels en accidents graves et mortels en Bourgogne de 1999 Bourgogne de 1999 àà 20042004

1082

9861012

1093

11731222

31 33 34

21

29

19

900

1000

1100

1200

1300

1400

1999 2000 2001 2002 2003 20040

5

10

15

20

25

30

35

40

accide nts gra ve s

accide nts m orte ls

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

Santé au Travail :Santé au Travail :

Nouvelle donneNouvelle donneNouveau contexteNouveau contexteNouveaux enjeuxNouveaux enjeux

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

Le travail change : les nouvelles organisations du

travail

• Accélération des communications et des process (flux tendu, zéro stock, « juste à temps »...)

• Exigences de productivité, rentabilité performance : l’ INTENSIFICATION du W

• Taylorisation du tertiaire• Nouvelles modalités managériales

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

2000 2001 2002 2003 2004

369522

836942 937

23 72 86 82 11432 64 75 67 940

250

500

750

1000

Le nombre de maladies professionnelles Le nombre de maladies professionnelles indemnisindemniséées pour les trois maladies les plus es pour les trois maladies les plus

frfrééquentes en BOURGOGNEquentes en BOURGOGNE

lo m b a lg ie s /p o r t d e c h a r g e s lo u r d e s

m a l a d ie s d u e s à l'a m ia n te

a f f e c tio n s p é r ia r t ic u l a ir e s

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DRTEFP Bourgogne 8

Les nouvelles organisations du travail

• Individualisation des relations de travail• Fusions, restructurations,

internationalisation, mondialisation• Normes qualité / normes de marché / normes de

métier• Nouvelles formes de contrat de travail et

nouveaux rapports économiques:• (temps partiel, temps" éclaté", intérim, travail saisonnier,

télétravail, travail à domicile, sous-traitance et externalisation,mobilité érigée en mode de management.

DRTEFP Bourgogne 10

Les troubles musculo-squelettiques (TMS)

• Après l’explosion.... : de 3 000 en 1993à 24 000 en 2003 soit + 20 % par an

x 8 en 10 ans• La stabilisation ? 25 000 en 2004• Ou un ralentissement de la hausse ?• Maladies multifactorielles à composante

professionnelle. Un TMS est la résultante de • facteurs environnementaux : sollicitations bio-

mécaniques, organisation du travail, contraintes de production et managériales

• facteurs individuels : âge, sexe, antécédents....

DRTEFP Bourgogne 11

Le vieillissement de la population salariée

•• En 2005, 1 salarié sur 3 arrive à l’âge de la retraite en En 2005, 1 salarié sur 3 arrive à l’âge de la retraite en travaillanttravaillant

•• Objectif européen 2010 (sommets de Stockholm et Objectif européen 2010 (sommets de Stockholm et Lisbonne) : taux d’emploi des 55Lisbonne) : taux d’emploi des 55--64 ans = 50% 64 ans = 50%

•• Comment maintenir les salariés âgés au travail en Comment maintenir les salariés âgés au travail en bonne santé ?bonne santé ?

•• Comment parvenir à la PROMOTION et à la Comment parvenir à la PROMOTION et à la MAINTENANCE de la CAPACITE de TRAVAIL ? MAINTENANCE de la CAPACITE de TRAVAIL ?

DRTEFP Bourgogne 12

Les effets à long terme des produits chimiques

• Avant, pendant et après l’amiante ... les CMR•• De 1,4 à 2,6 millions de salariés exposésDe 1,4 à 2,6 millions de salariés exposés•• 5 millions de tonnes de CMR utilisés en 20055 millions de tonnes de CMR utilisés en 2005

•• 4 à 8,5 % des cancers suspectés d’avoir une origine 4 à 8,5 % des cancers suspectés d’avoir une origine professionnelle. 4100 à 8270 selon professionnelle. 4100 à 8270 selon InVSInVS

•• 1500 cancers professionnels reconnus dont 84% liés à 1500 cancers professionnels reconnus dont 84% liés à l’amiante et 6% aux poussières de bois. l’amiante et 6% aux poussières de bois.

•• Une situation inégalitaire : l’excès de risque de Une situation inégalitaire : l’excès de risque de mortalité précoce est doublé chez les ouvriers hors mortalité précoce est doublé chez les ouvriers hors tabagismetabagisme

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

L ’émergence des risques psycho-sociaux

• La prise en compte de la santé mentale• La souffrance mentale au travail (burn out,

conflits interpersonnels...)• L ’absentéisme• Le stress• Le harcèlement moral• Les conduites addictives et le dopage• La violence au travail (incivilités, agressivité,

braquages, suicides....)

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

L’intégration et le maintien dans l’emploi des handicapés•• La loi du 11 février 2005 pour lLa loi du 11 février 2005 pour l ’égalité des droits et ’égalité des droits et

des chancesdes chances

•• Le principe de la NON DISCRIMINATION au TRAVAILLe principe de la NON DISCRIMINATION au TRAVAIL

priorité d’emploi en milieu orpriorité d’emploi en milieu ordinairedinaire

•• Obligation d’emploi maintenue à 6%, étendue à de Obligation d’emploi maintenue à 6%, étendue à de nouvelles catégories (AAH et Carte d’invalidité) et nouvelles catégories (AAH et Carte d’invalidité) et aux Fonctions Publiquesaux Fonctions Publiques

•• Renfort des sanctions financières Renfort des sanctions financières

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DRTEFP Bourgogne 16

LES PLANS DE SANTE LES PLANS DE SANTE PUBLIQUEPUBLIQUE

•• Le plan CANCERLe plan CANCER

•• Le plan de Santé Publique (PNSP)Le plan de Santé Publique (PNSP)

•• Le plan Santé Environnement (PNSE)Le plan Santé Environnement (PNSE)

•• Le plan Santé Travail (PST)Le plan Santé Travail (PST)

–– et leurs déclinaisons régionaleset leurs déclinaisons régionales

DRTEFP Bourgogne 17

La SANTE au TRAVAILLa SANTE au TRAVAILDANSDANS la SANTE PUBLIQUEla SANTE PUBLIQUE

•• La veille sanitaire et épidémiologique : La veille sanitaire et épidémiologique : ll ’Institut de veille sanitaire (’Institut de veille sanitaire (InVSInVS))

•• La veille scientifique : création de La veille scientifique : création de l’agence française de sécurité sanitaire, l’agence française de sécurité sanitaire, de l’environnement et du travail de l’environnement et du travail (AFSSET)mesure (AFSSET)mesure ––phare du PSTphare du PST

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

Santé au Travail : Santé au Travail :

Nouveau contexte,Nouveau contexte,nouveaux enjeux :nouveaux enjeux :

l’État reprend la mainl’État reprend la main

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

La LOI de MODERNISATION La LOI de MODERNISATION SOCIALE de janvier 2002 SOCIALE de janvier 2002

•• La santé mentale au travailLa santé mentale au travail

•• La santé au travail par l’approche globale : La santé au travail par l’approche globale : la PLURISDISCIPLINARITE dans les la PLURISDISCIPLINARITE dans les Services de Santé au Travail (SST)Services de Santé au Travail (SST)

•• La réforme de la MEDECINE du TRAVAIL : La réforme de la MEDECINE du TRAVAIL : le décret du 28 juillet 2004le décret du 28 juillet 2004

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

L’EVALUATION des RISQUESL’EVALUATION des RISQUESLES RESPONSABILITES NOUVELLES LES RESPONSABILITES NOUVELLES

DU CHEF D’ENTREPRISEDU CHEF D’ENTREPRISE•• Les principes généraux de préventionLes principes généraux de prévention

•• L’obligation d’évaluer les risquesL’obligation d’évaluer les risques

•• L’obligation de sécurité de résultatsL’obligation de sécurité de résultats

•• La faute inexcusableLa faute inexcusable

•• Vers la réparation intégrale des AT/MP ?Vers la réparation intégrale des AT/MP ?

•• Vers la «Vers la « réformeréforme » de l’aptitude ?» de l’aptitude ?

CONFERENCE REGIONALE de SANTE JANVIER 2007DRTEFP Bourgogne

La SANTE au TRAVAILLa SANTE au TRAVAILDANSDANS la SANTE PUBLIQUEla SANTE PUBLIQUE

•• AVEC QUI ?AVEC QUI ?

•• AVEC QUELS MEDECINS ?AVEC QUELS MEDECINS ?

Sur les 192 MÉDECINS DU TRAVAIL de Sur les 192 MÉDECINS DU TRAVAIL de BOURGOGNE, 48% ont 55 ans et plusBOURGOGNE, 48% ont 55 ans et plus--------------> Une adaptation de la réforme > Une adaptation de la réforme

est nécessaire est nécessaire

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Sur les deux thèmes affichés, les quatre réunions ont fait émerger des constats communs, mais selon des modalités différentes et complémentaires. Les remarques et questions ont surtout été formulées par des professionnels de la santé au travail (services de santé au travail, de prévention des risques professionnels, inspections du travail), même si les réunions étaient également ouvertes aux acteurs du secteur sanitaire et social et aux membres du comité économique et social régional, proportionnellement moins nombreux parmi les participants. La présentation de la DRTEFP a suscité des échanges soit directement après cette intervention, soit au cours de débats sur les deux sujets plus spécifiquement abordés par la suite. Pour plus de clarté, nous rapportons ci-après les principales réflexions suscitées par la première présentation.

Les moyens de la réforme et des institutions

- Plusieurs intervenants ont souligné les difficultés de mise en œuvre de la réforme de 2004 (la médecine du travail, devenue « santé au travail », étant davantage orientée vers l’activité en milieu de travail et la santé publique) dans un contexte de déficit en moyens humains. Dans ses interventions, le Médecin inspecteur régional du travail et de la main d'œuvre (MIRTMO) a insisté sur la démographie médicale. Il a été rappelé que les services de l'inspection du travail étaient aussi largement impliqués dans la surveillance de l'hygiène et de la sécurité, au même titre que leurs autres missions de contrôle également essentielles (lutte contre le travail illégal, contrôle du respect de la durée du travail, du paiement des salaires…), avec des moyens humains également limités3. Quant à la direction des risques professionnels de la CRAM, compte tenu de son effectif modeste, son rôle est d'impulser, de sensibiliser, de mettre en relation les acteurs, d'engager des démarches de prévention "concises". - Si les participants ont insisté pour "faire remonter" ces contraintes au niveau régional (puis national) au travers de la CRS, il a été clairement affirmé que cela ne devait pas empêcher de tenter d'appliquer, avec les acteurs et moyens existants, une réforme dont la nécessité et l'opportunité ne sont pas remises en cause.

La pluralité des acteurs et le manque de coordination

- La diversité des acteurs susceptibles de s'engager dans la réforme a été plusieurs fois mise en évidence : services déconcentrés du ministère du travail, services de l'assurance maladie en charge des risques professionnels, représentants du personnel, partenaires sociaux (syndicats de salariés et d'employeurs)4, avec le besoin de plus de visibilité sur les rôles et les fonctions de chacun. - Mais c’est surtout le défaut de coordination entre eux que les participants et intervenants ont évoqué dans chaque département. Cette carence peut sans doute tenir aux organisations territoriales ou statutaires différentes selon les services. Mais si des relations, des articulations entre les acteurs existent au niveau individuel, ce sont les synergies institutionnelles qui font défaut. Dans le même ordre d’idée, on a évoqué, pour les petites entreprises, l'opportunité de créer des CHSCT interprofessionnels. En matière de coordination, exemple pourrait être pris sur le comité départemental d'insertion des travailleurs handicapés (CDITH), même si elle ne se manifeste qu’"en fin de parcours". - Les sommes dépensées en indemnités journalières et en compléments de prévoyance par rapport aux coûts de la prévention ont par ailleurs été mises en perspective. Un intervenant a

3 Même s'il est prévu au niveau national le recrutement de 700 agents supplémentaires (dont les effets devraient se ressentir d'ici deux ans dans les départements).

4 cf. schémas remis aux participants.

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fait référence aux États-Unis où les taux de cotisations des assurances, particulièrement élevés, sont directement liés aux préjudices causés par les entreprises, et où l’équivalent de l’Inspection du travail semble avoir davantage de pouvoirs directs, tant au plan juridique que financier (arrêt d’activités, fermeture d'ateliers non conformes..., jusqu'au règlement du problème). - La santé au travail reste encore dissociée de la santé publique au niveau de l’État. Les plans ont été conçus pour rapprocher les logiques mais ce n'est qu'un début. L'articulation et la pluridisciplinarité en matière de prévention en santé restent largement à mettre en œuvre. De plus, la diminution du nombre de médecins dans certaines disciplines et certains territoires reste un handicap pour la mise en œuvre de la réforme de la santé au travail, même si on peut aussi compter sur d’autres intervenants (ingénieurs, techniciens, ergonomes, psychologues…). Cependant, la création du comité régional de prévention des risques professionnels (le décret l'instituant étant encore à paraître) devrait permettre le renforcement en région de la coordination des acteurs de santé au travail.

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Aptitude et prévention ? Difficultés actuelles

pour les acteurs concernés

Propositions d’amélioration

Les notions d'inaptitude, de restriction d'aptitude ont tout d’abord été recadrées et précisées.

Dans le cadre des examens médicaux d'embauche, périodiques ou de reprise (après maladie ou accident de plus de 21 jours, maternité, accident ou maladie professionnels....) les médecins du travail délivrent, à l'issue de l’examen clinique, un avis d'aptitude (94% des cas), de restriction d’aptitude (4%), d’aménagement, ou d'inaptitude (temporaire ou non) du salarié au poste qu'il occupait auparavant.

La légitimité éthique, pour des médecins, à déclarer des salariés aptes à des postes exposant à certains risques (produits « CMR » - cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction -,...) est mise en question, notamment suite à la reconnaissance tardive des conséquences de l'exposition à l'amiante. Des critiques portent aussi sur les aspects juridiques qui n'incitent pas à la prévention primaire. Les difficultés rencontrées par les médecins du travail par rapport à cette question sont à replacer dans un contexte de réduction des moyens humains (départ en retraite prévu dans les cinq années à venir de 50% des médecins du travail dont une majeure partie ne pourra être remplacée compte tenu de l'évolution générale de la démographie médicale).

Le plan national « santé au travail » a fixé comme objectif de clarifier les questions d'aptitude et d'inaptitude au poste de travail ou à l'emploi, afin de proposer un dispositif qui permette d'articuler tout au long de la vie professionnelle les exigences de protection de l'état de santé du salarié, la prise en compte de son évolution et l'accès ou le maintien dans l'emploi en agissant sur les situations de travail et les parcours professionnels.

Définitions et précisions

Des précisions ont été apportées, des distinctions ont été opérées entre les différentes notions pouvant parfois porter à confusion.

- L'avis d'aptitude, compétence du seul médecin du travail, consiste à vérifier l'adéquation entre l’état de santé d’un individu et son poste de travail, évaluer la dangerosité du travail pour la santé de l'individu et celle des tiers. Cette notion a commencé à poser problème à partir des années 70 au fur et à mesure des jurisprudences codifiant son lien avec le contrat de travail et de la montée en puissance des problématiques santé / travail. L'aptitude passe donc par l'identification des dangers et une appréciation – forcément subjective - du risque. Un participant a évoqué à ce propos un "consensus" entre l'évaluation des risques par l'employeur, celle de l'équipe de santé au travail et celle du salarié. La restriction d'aptitude5, basée sur des aspects techniques, constitue une sorte de cahier des charges pour l'employeur visant à éviter qu'une situation de dangerosité ne puisse constituer un risque, sous réserve qu'elle soit compatible avec les exigences du poste de travail, puisse être argumentée et servir à la recherche de solution.

5 Le médecin du travail définit les restrictions d'aptitude en fonction de la situation médicale et de la configuration globale du poste du travail ; en aucun cas, il n’a à prendre en compte la capacité professionnelle du salarié à occuper le poste de travail, qui relève, elle, de la responsabilité du chef d’entreprise.

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Un des animateurs a spécifié, dans un débat, qu’une décision d'inaptitude est posée pour un poste de travail et nullement pour tous les postes de l’établissement ; elle n'est pas non plus :

- une incapacité de travail, qui est une décision d'un médecin traitant si elle est temporaire et totale,

- une incompatibilité, qui est une décision réglementaire,

- une invalidité, qui consiste en l'appréciation définitive de l'incapacité de travail ou de se procurer un revenu ; elle résulte de la décision d'un médecin conseil de l’organisme de Sécurité Sociale, qu’elle soit permanente et partielle (IPP) ou totale,

- un handicap, dont l'appréciation relève de la commission départementale pour l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH, ex-Cotorep),

- une garantie d'indemnisation ni un motif systématique de mise en retraite anticipée…

Toutefois, un autre animateur, dans un autre département, a souligné que la distinction entre restriction d'aptitude, inaptitude, handicap est moins évidente qu'il n'y paraît. Souvent, des avis d'inaptitude ou d'aptitude avec restriction masquent des problèmes de conditions de travail. Par ailleurs, selon cette personne, les demandes formulées aux CDAPH pour des travailleurs handicapés concernent à 80% des personnes handicapées suite à des "accidents de la vie" et maladies apparus à l'âge adulte dont certains dus au travail.

- A partir de l'appréciation du médecin du travail (restriction, inaptitude), l'employeur a une obligation de reclassement ; il doit rechercher tous les postes dans l’établissement, l'entreprise ou le groupe s'il existe, susceptibles de convenir au salarié, et étudier toutes les possibilités d’aménagements de poste. Il semble que de nombreuses démarches de maintien dans l'emploi aboutissent, et que les échecs sont liés à des situations spécifiques : conflit entre employeur et salarié, entreprises de très petite taille, rigidité des organisations du travail, des modes de management ou de gestion liés à la taille des établissements, à l’âge des cadres dirigeants...

- Vis à vis du dispositif d’aptitude, un intervenant dans un des départements a distingué trois « postures » possibles pour le médecin du travail :

- Celle d'un préposé de l’employeur, dans une logique de rentabilité et de sélection (détermination des salariés en bonne santé), éthiquement inacceptable,

- Celle d'un expert technique qui décide de l’aptitude en fonction de critères administratifs et scientifiques validés, mesurables et réputés objectifs,

- Celle d'un conseiller, laissant aux employeurs et aux salariés leurs prérogatives, leurs responsabilités dans le dialogue social ; il apporte son expertise pour aider à résoudre les problèmes et dans cette perspective, le dispositif de l’aptitude n’a plus de sens.

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Difficultés rencontrées par les acteurs

Des problèmes juridiques et éthiques

Du point de vue des médecins du travail, la décision d'inaptitude est au cœur de la contradiction entre le droit et le droit à la santé même si toute décision jugée inappropriée par l'une ou l'autre des parties peut faire l'objet d'une contestation auprès de l’Inspecteur du travail qui décide après avis du Médecin Inspecteur Régional du Travail et de la Main d'œuvre (MIRTMO). La première difficulté pour les médecins du travail mise en avant dans un département, tiendrait à la "judiciarisation" des accidents du travail et des maladies professionnelles, combinée au "principe de précaution" et au "principe de réparation" (selon lequel chacun doit obtenir réparation de tout préjudice subi). Quand un médecin du travail signe une fiche d'aptitude ou d'inaptitude, il risque de générer un préjudice, qui n'est pas seulement professionnel mais également social et financier, sur lequel le médecin du travail doit pouvoir engager sa responsabilité (répondre de la décision qu'il a formulé). Un médecin du travail a évoqué la difficulté particulière de la notion d'aptitude avec l'augmentation du travail intérimaire. "Comment peut-on connaître réellement l'aptitude au poste d'un intérimaire qui va avoir trois métiers ? (…) On donne des aptitudes à un poste qu'on ne connaît pas. Comment peut-on donner l'aptitude à une personne qui est polyvalente ? Est-ce que l'aptitude a un sens à ce moment-là ? Est-ce que l'on ne devrait pas faire des avis d' « aptitude » d’un poste à recevoir un salarié ? Si le poste n’est pas conforme, il faut « reclasser » le poste, pas le salarié, jusqu'à ce qu'il soit acceptable pour un homme normal en bonne santé… " Dans cette perspective, et plus largement pour tout poste, le médecin du travail peut-il réellement attester que le travail n'est pas de nature à altérer la santé, quand on sait que tout travail est, à la fois, effecteur de santé et susceptible de lui porter atteinte ? Même si on admet que d'un point de vue médical, le constat d’aptitude correspond à une absence de "sur-risque", il n’offre aucune garantie juridique quant à l’absence de danger. Or dans chaque réunion, c’est bien de l’éthique médicale dont il a été question, au-delà d’un concept devenu juridique parce que posé par le juge comme nécessaire à la poursuite du contrat de travail.

Effets contradictoires du contexte économique et de l’emploi Les avis divergent quant à l'évolution du nombre de restrictions ou d'inaptitudes : certains médecins du travail estiment qu'elles sont stables, d'autres qu'elles augmentent fortement, en entraînant principalement des licenciements. Un médecin du travail participant aux tables rondes a résumé ces constats divergents : pour lui il y a une augmentation des inaptitudes, du fait de l’intensification du travail, du vieillissement des salariés qui ne peuvent « suivre »…, mais eu égard aux problèmes de santé rencontrés, les médecins du travail ne les déclarent pas toutes, du fait notamment de la pression économique et du chômage. D’autres ont évoqué la nécessité de protéger les salariés « contre eux-mêmes », car certains continuent de risquer leur santé pour des motifs socio-économiques. Les restrictions d'aptitude sont souvent assimilées par les employeurs à des inaptitudes. Ceci est renforcé par le fait que pour des raisons de concurrence accrue avec des pays à faible coûts salariaux, les postes "réservés" sont de plus en plus rares et que les entreprises ont besoin de salariés polyvalents (donc sans restriction d'aptitude).

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Dans un département, des intervenants en santé au travail ont confirmé que, dans des secteurs très spécialisés, les entreprises avaient de réelles difficultés de reclassement "sur place". Pour les représentants syndicaux dans les entreprises, le problème de l'inaptitude se pose tardivement, suite à une longue période d'arrêt, période qui devrait permettre de trouver des solutions pour le salarié à l'issue du congé maladie. Les divergences de point de vue sont bien connues (le médecin conseil qui dit : "votre pathologie n'évolue plus, vous pouvez reprendre le travail", le médecin du travail qui répond : "plus question sur le poste où vous êtes" et l'employeur qui affirme : "moi, je n'ai rien d'autre à proposer")... Selon les autres acteurs présents dans les réunions, les délégués du personnel, les CHSCT..., ne se saisissent pas suffisamment de ces problèmes pour mettre à l'étude les aménagements de poste et favoriser le retour au travail des salariés en difficulté. Dans un département, il a été noté que les partenaires sociaux représentatifs, à l’exception de la CGT, se sont prononcés au niveau national en faveur du maintien, avec aménagements, du dispositif de l’aptitude.

Gestion des ruptures de contrat de travail

La difficulté liée aux demandes explicites d'inaptitude provenant de l'employeur comme du salarié a été évoquée dans chaque département.

La majorité des salariés qui demandent à « être inaptés » le font parce qu'ils sont "en souffrance", les cas de convenance personnelle étant exceptionnels ; la seule manière qu'ils ont en effet de mettre fin à leur situation délétère est de sortir de l'entreprise, soit en démissionnant (ils n'ont alors pas droit aux allocations chômage et aux droits sociaux associés), soit par l'inaptitude au travail (qui préserve leurs droits).

En fin de compte, ce sont les modalités de rupture du contrat de travail qui sont en question. Si certains départs d'une entreprise ouvraient droit à indemnisation, cela règlerait beaucoup de situations dans lesquelles le médecin du travail se sent "utilisé".

Gestion des fins de carrière

Un intervenant a demandé quel était le nombre de cas d'invalidité admis par les médecins conseils de l’assurance maladie en Bourgogne par rapport aux 3 600 inaptitudes prononcées sur une année par les médecins du travail6. En effet, c'est souvent in extremis que le médecin du travail prononce une inaptitude au travail, pour des salariés "vraiment cassés" ("c’est le dernier recours pour des salariés qui ont travaillé 30 à 35 ans dans des entreprises et qui arrivent en fin de cursus professionnel, mal en point, sans avoir un diagnostic d'expertise très fiable"). Les médecins du travail estiment alors jouer un rôle de médiateur, régulateur, entre les services de protection sociale qui doivent veiller à maîtriser l'évolution de leurs dépenses et les intérêts des salariés et employeurs qui ont besoin de solutions indemnisées.

- Pour un inspecteur du travail, l'inflation d'avis d'inaptitude est liée à l'absence de dispositif pertinent en termes de fin de carrière ; "c'est-à-dire qu'on retrouve en inaptitude beaucoup de salariés pour lesquels auparavant étaient constitués des dossiers d'accompagnement de fin de carrière du type Cessation Anticipée d'Activité (CAA)... Ce mode de sortie d'entreprise, de gestion est admis à la fois par l'entreprise et par le salarié " …

6 On ne connaît que le nombre d'invalidités servies une année donnée : un peu moins de 15 000 pour l'ensemble de la région.

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- Un représentant syndical a insisté sur le fait que de son point de vue les pouvoirs publics devraient davantage veiller à l'application par l’employeur de l'obligation de reclassement. Il a été plusieurs fois mentionné qu'auparavant (sans préciser de date) les personnes qui avaient un problème de santé, reconnues comme travailleurs handicapés, étaient plus souvent maintenues dans la même entreprise (publique ou privée, sans précision).

Inaptitude : un problème individuel ou collectif ?

Dans chacun des débats, on a évoqué les deux dimensions, individuelle et collective, du problème de l'inaptitude. Pour un intervenant en prévention des risques professionnels (IPRP), qui estime que les deux dimensions ne s'excluent pas, il faut d'abord, le plus en amont possible, prévenir collectivement, maîtriser le risque à la source, puis faute de mieux, envisager les mesures de protection individuelles. Pour cet intervenant, "s'il y a des métiers plus usants que d'autres, il faut agir en amont : voir comment faire pour que certains emplois arrêtent d'être usants". Un médecin du travail constate dans sa pratique, en dehors du vieillissement, une dégradation de la santé des actifs (même les plus jeunes), pas nécessairement liée au travail, et par voie de conséquence, des possibilités de reclassement limitées.

Un représentant des salariés estime que la réforme de la santé au travail de 2004 et la diminution du nombre de médecins ont, dans les faits, rendu difficile la mise en œuvre de leur de mission de prévention. L'un d'eux a confirmé que, lors des visites plus espacées du fait de la réforme, il constatait "une altération générale de l'état de santé, les aides à la manutention qui demeurent insuffisantes, toujours pas d'aspiration dans les entreprises de soudage.... ; en tant que médecins du travail, on fait passer des radios, on interpelle les chefs d'entreprises, mais il n'est pas possible d'augmenter les contrôles...". Cependant, il met à l'actif de la réforme l'extension de la fiche d'entreprise aux entreprises de moins de 10 salariés, ce qui a permis aux médecins du travail d'aller dans des lieux où ils n'allaient pas jusque là.

Selon un représentant d'employeurs, les chefs d'entreprises n'ont jusque là pas suffisamment perçu l'acuité du problème du vieillissement des salariés et de ses conséquences en terme d'état de santé. Par contre, pour lui, des résultats en matière de prévention ont été obtenus en dépit des moyens limités disponibles, et il partage avec les autres intervenants l'idée de la nécessité d'aborder la prévention sur un plan collectif. Un autre participant employeur a souligné que l'inaptitude, la restriction d'aptitude, posent des problèmes pour l'entreprise, et que celle-ci compte sur l'aide des acteurs de santé au travail pour trouver avec eux une place aux salariés ayant des problèmes de santé. Il partage également l'idée qu'il faut agir en amont, évaluer les risques et les prévenir au niveau collectif, et pour cela mieux utiliser les moyens déjà disponibles.

Pistes d’amélioration

Au cours de chaque débat, il a été nécessaire de rappeler la question posée : est-ce que l’"aptitude" fait avancer la prévention primaire ? Ne sert-elle pas de caution à des conditions de travail pathogènes ? La déclaration d'aptitude a validé pendant longtemps l'idée que le médecin du travail considérait le salarié comme « apte à être exposé à… ». Une des conséquences de cette ambiguïté est qu'il a fallu et qu’il faut encore un travail de mise en confiance pour que les salariés puissent parler de leurs problèmes.

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Mieux informer sur les solutions existantes

Il est ressorti un besoin d'information : comment une personne qui ne peut plus assumer un poste peut-elle avoir une idée de faire autre chose ? "On se focalise sur la pathologie, mais la personne qui est déjà en difficultés doit faire les démarches pour rechercher des ouvertures. Donc, avant de parler d'indemnisation etc., il y a peut être une possibilité de formation pour un autre poste". Les employeurs perçoivent l'image négative que renvoie l'inaptitude des salariés et veulent trouver des solutions. Il peut y avoir un défaut de compétences, un besoin d'accompagnement, y compris sur le plan financier. Un premier élément qui devrait permettre de résoudre ou de réduire les inaptitudes est la pluridisciplinarité développée avec la réforme de 2004, avec la possibilité d'adjoindre au médecin du travail des compétences techniques pour l’identification d'un danger et l'évaluation du risque. Un intervenant de la CRAM a indiqué que son service était ponctuellement interpellé sur des aspects techniques de l'aptitude à un poste7. Certains acteurs essayent de faire suivre des formations professionnelles aux salariés pour qu'ils puissent changer de poste, d'autres soulignent l'intérêt des bilans de compétence pendant l'arrêt maladie. Il est toutefois noté que dans les petites entreprises, la mise en oeuvre de ces mesures reste difficile. On a par ailleurs évoqué le développement des examens de pré reprise, qui peuvent permettre la préparation du retour à l'emploi, notamment avec les cellules de maintien dans l'emploi. Et, en amont, les médecins conseils signalent au service social de l'assurance maladie les salariés qui sont en congé maladie de longue durée pour que les assistantes sociales aillent les rencontrer ; l'important est que le salarié ne perde pas contact avec l'entreprise pour rechercher une solution en son sein avant même de faire intervenir la cellule de maintien dans l'emploi. Au total, s’il existe des moyens et des solutions de reclassement, ils sont sous-utilisés, souvent faute d'information.

Améliorer les conditions de travail, agir en amont

Un IPRP s'est interrogé : "Quand on voit venir une inaptitude au travail, qui est due à l'usure au travail accumulée tout au long de la carrière, pourquoi ne s'interroge-t-on pas sur ses conditions de travail ? En prévention, on peut alléger la pénibilité des tâches... Avec le dispositif de l’inaptitude, on remercie un salarié et "place au suivant" ! Cela va continuer, or ce n’est pas le rôle de la prévention de le permettre. Quand le travail dégrade la santé, on n’est plus dans le contrat de départ. En revanche les acteurs pourraient s'accorder pour travailler à améliorer les situations de travail. Ceci est d'autant plus nécessaire que les actifs doivent poursuivre plus longtemps leur carrière professionnelle (pour assurer le financement des retraites). En résumé, il faut intervenir en amont, si on veut diminuer la fréquence des inaptitudes. Dans chaque débat, il a été noté qu'une décision d'inaptitude est une forme de constat d'échec. En allant plus loin, c'est l'aptitude du poste à recevoir un salarié qui devrait être évaluée, même si cette proposition peut sembler utopique.

7 Dans un département, un interlocuteur s'est interrogé à ce propos sur le risque de "grignotage" du travail du médecin du travail par les intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP). Il a alors été précisé que les deux fonctions sont complémentaires mais différentes. L'IPRP intervient dans l'évaluation et les propositions de prévention des risques au niveau collectif, éventuellement pour un aménagement technique individuel, Le médecin du travail demeure l’interlocuteur « santé » dans le cadre du colloque singulier et dans sa retranscription au plan collectif.

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Un besoin d’articulation de tous les acteurs dans et en dehors de l’entreprise Les médecins du travail et les représentants des services d'Inspection du travail ont reconnu qu'ils "se renvoyaient" les salariés dans des situations difficiles pouvant déboucher sur une inaptitude. Les uns et les autres ont convenu qu’ils avaient tous leurs rôles à jouer en la matière, d'autant que dans des domaines comme les risques psychosociaux, les salariés ont parfois des difficultés à déterminer les compétences des uns et des autres. En dehors des CHSCT, des coordinations informelles, non institutionnalisées, existent entre inspecteurs et médecins du travail, entre les intervenants de la CRAM et services de santé au travail, mais elles butent parfois sur les indisponibilités, le défaut de connaissance entre les uns et les autres. Dans un département, il a été évoqué l'idée de renouveler l'organisation de réunions entre médecins du travail et personnels de l'inspection du travail à partir de cette question. Les diverses remarques émises dans cette perspective ont conduit au constat d'un besoin de synergie entre les différents "métiers" de la santé au travail : services déconcentrés du Ministère du travail, CRAM, services de santé au travail8, service médical de l'assurance maladie9.... Des représentants de l’inspection du travail ont souligné qu’ils intervenaient sur cette question de l’aptitude plutôt « en fin de course » (par exemple lors de la vérification après un accident du travail, ou lors d'un rappel de la réglementation...). Dans un département, plusieurs participants ont évoqué le manque de liens entre les différentes médecines préventives (santé scolaire, santé au travail), et entre santé publique et santé au travail. Dans le même ordre d’idées, les difficultés de communication avec les médecins traitants et l’impossibilité de communication sur les dossiers des patients ont été également mentionnées. Le Directeur des affaires sanitaires et sociales a indiqué qu’il y avait une réflexion au niveau national sur la « médecine de prévention », sur la nécessité d’articuler les diverses interventions aux différents âges de la vie (cf. un des axes de réflexion des états généraux de la prévention organisés en région début 2007). Dans un débat, tous les acteurs ont été invités à faire l'analyse du travail réel pour adapter les postes, éviter l'inaptitude. Dans cette perspective, la question du financement de l'adaptation des postes a été posée : il a été évoqué la possibilité de moduler les cotisations en fonction des résultats en matière de protection de la santé.

8 Cela dépend des situations mais dans l'urgence les collaborations fonctionnent bien.

9 En effet, quand le médecin du travail déclare une inaptitude au poste, le salarié est souvent « repris » par le médecin conseil dans le cadre d'une prolongation pour maintenir ses indemnités journalières, et ce médecin va s'interroger sur la mise en invalidité : l'articulation entre le médecin du travail et le médecin conseil est également importante.

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Risques psychosociaux : Évaluer pour agir

Un petit film de l’INRS «Le stress au travail : le démasquer pour le prévenir» a permis de visualiser une situation que chacun peut observer en tant qu'usager, consommateur et aussi dans son cadre professionnel. Quelques définitions et rappels des enjeux ont permis d’introduire le débat. Les discussions ont été ensuite centrées sur l’évaluation des problèmes, puis les actions et dispositifs existants pour y remédier.

Définitions et précisions

« Le stress survient lorsqu'existe un déséquilibre entre la perception des contraintes imposées par l’environnement et la perception des ressources de la personne pour y faire face. C’est un processus d’origine psychologique, mais les effets ne sont pas uniquement de nature psychique ». (Agence pour la santé et la sécurité de Bilbao) Il est souvent difficile de démêler les facteurs personnels et professionnels dans la genèse de la souffrance. Ils sont intriqués. D’où les difficultés pour les appréhender et les évaluer. Cependant de nombreux participants ont souligné la nécessaire distinction entre la fragilité individuelle et la réalité du risque psychosocial. L'individu qui « craque » est comme un "fusible". Un tel événement doit alerter l'employeur, qui doit alors s’interroger dans son entreprise. Le syndrome d’épuisement professionnel est plus spécifique aux professions d’aide, de formation. En synthétisant de manière sans doute excessive, il s’agit d’un épuisement des ressources physiques et mentales qui se traduit par une attitude négative avec perte d’intérêt. Le harcèlement moral défini par le Code du travail, se manifeste par des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits de la personne, du salarié au travail et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Son auteur peut être un employeur, un cadre, un agent de maîtrise, un collègue de la victime… Une situation de travail stressante peut être définie de différentes manières selon les modèles auxquels on se réfère : par un déséquilibre entre une forte demande psychologique au travail (rythme très soutenu, délais très courts) et une faible autonomie selon le modèle de Karasek ; ou bien par un déséquilibre entre l’effort consenti au travail et les récompenses obtenus (salaire, stabilité de l’emploi, reconnaissance par les collègues ou les supérieurs) selon le modèle de Siegrist. Les conséquences des risques psychosociaux peuvent se traduire par des réactions émotionnelles et psychologiques (dépression, syndrome d’anxiété), psychosomatiques, cognitives, comportementales (addictions, prises de risque), physiologiques (troubles cardiovasculaires, perturbation des lipides sanguins, immunologiques ...). Les facteurs de risques psychosociaux sont divers : organisation du travail, qualité des relations de travail, environnement matériel, modes de travail, évolution sociologique. On a noté que le secteur « marchand » n'est pas le seul pourvoyeur de risques : le secteur associatif, celui des soins, les fonctions publiques sont, pour d’autres raisons, statistiquement en pointe dans ce domaine. Les salariés de niveau hiérarchique inférieur, les plus jeunes ou, au contraire, les plus âgés, les femmes, les personnes handicapées sont significativement plus sensibles. Un intervenant insiste sur le lien entre l'intensification du travail, la pression externe… l’évolution des situations de travail qui, vécues en permanence, vont avoir un impact négatif

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sur la santé. Il faut distinguer le côté positif d'une "petite dose de stress" et les situations intenables vécues sur de longues périodes par les salariés. Un médecin du travail note qu'il se pose souvent la question d'une maladie mentale sous-jacente en voyant l'état de santé des salariés, mais qu'une fois clarifié le problème d'organisation du travail, ceux-ci vont nettement mieux… Pour compléter les définitions, on a évoqué les facteurs pouvant influer la perception de la situation par le salarié : demande psychologique, autonomie, absence ou présence d'un "collectif"10, ou encore la perte de sens du travail. Le coût direct et indirect des risques psychosociaux (RPS) (pertes de production, coût de prise en charge de la maladie) a été mentionné à plusieurs reprises. Ainsi les facteurs de risques psychosociaux sont non seulement délétères sur le plan humain mais très coûteux pour l'entreprise et pour le système économique. Dans le cadre du Laboratoire d'Économie et de Gestion (LEG) de l'Université de Bourgogne, une évaluation macro-économique du coût du stress professionnel en France a montré qu'en 2000, 3 millions et demi de journées ont été perdues, 2 milliards d'euros dépensés en lien avec à la fois la prise en charge des maladies (dépression, TMS, maladies cardio-vasculaires...) et la perte de production. Un autre travail a été mené, au niveau micro-économique, par Jean-Pierre Brun (Université de Laval à Québec) visant à élaborer un outils d'auto-évaluation pour permettre aux entreprises d'évaluer ce que leur coûtent les troubles d'origines psychologiques dans l'entreprise (des coûts liés à l'absentéisme, mais également au "présentéisme", c'est à dire aux pertes de performances, là où on a la présence sur le lieu de travail de personnes qui sont dans une situation psychologique difficile…).

Difficultés rencontrées par les acteurs

Des facteurs expliquant la progression des risques psychosociaux

Pour certains participants, la perception d’un accroissement des problèmes est liée à leur médiatisation : les salariés reconnaissent souffrir parce qu'on en parle. Cela ne veut pas dire qu'il y aurait un abaissement du seuil de tolérance aux contraintes de la part des salariés.

Pour d’autres, la mise à mal des collectifs de travail (désyndicalisation, isolement sociétal comme au travail), la production de moins en moins maîtrisable (flux tendus, contraintes définies par la clientèle), les rapports sociaux dans l'entreprise (décideurs invisibles, financiarisation) sont à l’origine du stress et des RPS. En outre, les organisations du travail dites innovantes ("toyotisme") combinant les contraintes de l'autonomie et de la pression externe, les contraintes du taylorisme et la recherche de "l'excellence", peuvent expliquer la croissance de la souffrance au travail. Le management par le stress, ou par objectifs, est très coûteux sur le plan psychique.

L'application de la RTT conduisant souvent les salariés à faire le même travail en moins de temps s'est traduite par une intensification du travail. Tous ces éléments expliquent l'émergence des risques psychosociaux.

10 Le questionnaire de KARASEK, utilisé dans l'enquête Sumer, permet de mesurer une certaine forme de stress, combinant à la fois les exigences de travail, les exigences psychologiques au travail et les marges de manœuvre, la latitude décisionnelle. Les situations de stress les plus marquées sont celles où le salarié est à la fois soumis à des exigences psychologiques élevées et a en même temps une latitude décisionnelle faible.

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Difficultés de reconnaissance des problèmes

Un médecin du travail insiste sur le fait qu'"on a beaucoup de mal à passer de l'individu au plan collectif, et on a énormément de mal à être dans les entreprises en temps voulu…" Si un participant a souligné la nouveauté et l'intérêt de l'abord de la souffrance au travail comme étant liée aux organisations du travail et non principalement à des facteurs exogènes, d'autres ont évoqué les difficultés de reconnaissance des risques psychosociaux et de leurs conséquences, la crainte de leur déclaration par le salarié. Un représentant d'une mutuelle a indiqué à ce propos la mise en place dans la région Rhône-Alpes de structures d'écoute sous la forme de consultations où interviennent médecins du travail, psychologues, juristes. Il est noté que les organisations syndicales ont elles aussi mis du temps pour prendre en compte les problématiques des RPS au travail, souvent renvoyées à la sphère privée. Un intervenant souligne deux autres problèmes de reconnaissance

« l'élaboration d'une clinique » en est à ses balbutiements en la matière, l'organisation du travail est un sujet qui reste encore difficile à aborder avec le chef

d'entreprise car "c'est son domaine". Malgré une faible représentation des employeurs, explicitement invités, dans ces débats, il a été noté une prise de conscience de leur part de ces problèmes, par le biais des coûts qu'ils induisent pour les entreprises y compris pour les petites entreprises (arrêts de travail, pertes de marchés). Le coût pour l'entreprise et le système économique en général ne semble nié par personne. Mais la prise en compte du coût économique nécessite de raisonner à moyen ou long terme, alors que concrètement dans l'entreprise, les problèmes se posent à court terme. Et pour le médecin, la solution immédiate, c'est l'arrêt de travail.

Propositions

Contribuer à la perception du risque

Les acteurs de santé au travail estiment qu'il faut d'abord reconnaître la réalité de ce risque professionnel comme un autre. Dans un département, un intervenant médecin du travail en a fait la démonstration, en mettant en parallèle les caractéristiques des uns et des autres. - Juridiquement l'employeur est devenu, depuis la loi de modernisation sociale de janvier

2002, responsable de la santé mentale comme de la santé physique des salariés. - Les causes sont identifiables (comme les produits chimiques). - Le Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles est de plus en plus

saisi à ce propos (car le risque psychosocial n'est pas reconnu comme maladie professionnelle), preuve que les RPS génèrent des maladies graves.

- On peut mesurer l'ampleur du risque au sein d'un groupe de salariés (comme pour les dosages atmosphériques…) par des enquêtes (il existe des questionnaires validés).

- Des actions de prévention sont possibles : o prévention primaire : éviter les organisations du travail déstabilisantes, former,

informer les managers, les choisir non pour leurs seules connaissances techniques mais en tenant compte de leurs qualités humaines à encadrer des équipes, écouter le ressenti du médecin du travail sur l'atmosphère de travail ;

o prévention secondaire : apporter un soutien aux équipes, aux individus (groupes de parole, modification de l'organisation du travail avec l'aide de l'ARACT, des IPRP, des médecins du travail) ;

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o prévention tertiaire : le salarié exposé peut être indemnisé, il a droit à de la rééducation professionnelle, on peut chercher la faute de l'employeur…

Diffuser les outils d'évaluation

Les médecins du travail, contrôleurs et ingénieurs CRAM, inspecteurs du travail se sont demandés comment se fédérer concrètement ? Comment confronter les regards, les méthodes d'intervention, réfléchir à des modes de coopérations plus adaptés ? Cela passe par des outils communs qui permettent d'évaluer les risques encourus.

Face à la progression des risques psychosociaux, un certain nombre de dispositions ont été prises au niveau national : la loi de modernisation sociale de 2002, le document unique, un axe du plan santé travail : « prévenir les risques psychosociaux sur les lieux de travail ».

Un représentant de l'inspection du travail a indiqué utiliser le document unique, s’appuyer sur les représentants du personnel, sur le CHSCT pour interpeller une entreprise lorsque des salariés le sollicitent pour des situations de travail délétères. Cependant, ce type d’approche ne semble pas possible dans la majorité des entreprises. Un autre dit intervenir dans les entreprises sans se poser de question : « il doit faire appliquer le texte de loi qui n’est pas si mal fait que ça ».

Pour intéresser les employeurs à la question des risques psychosociaux, il faut traduire en termes pratiques (en particulier financiers) les problèmes et les solutions, et présenter des mesures communes d'évaluation. La problématique est celle des coûts qui pourraient être évités par l’entreprise (absentéisme, pertes de production, désorganisation des équipes…) grâce à une prévention des risques psychosociaux.

Pour l'évaluation des risques psychosociaux, les médecins du travail utilisent des indicateurs simples (le nombre de consultations spontanées, le turn-over, l'absentéisme)...

La CRAM s'est saisie de l'évaluation et de la prévention des risques psychosociaux depuis un certain nombre d'années ; ses services sont prêts à collaborer à l'intérieur des entreprises, au niveau par exemple des CHSCT, des plans de formation des entreprises, et également à l'extérieur des entreprises dans le cadre de rencontres. La CRAM s'appuie sur le fait que la loi du 31 décembre 1991 fait obligation à l'employeur d'évaluer les risques (et les risques psychosociaux doivent faire partie du document unique). Pour accompagner les entreprises dans cette évaluation, le service des risques professionnels de la CRAM utilise une batterie d'indicateurs relatifs :

au temps de travail : horaires journaliers, durée annuelle du travail, congés non pris, horaires atypiques…)

à la santé des salariés : absentéisme, prise de médicaments, problèmes de sommeil, accidents et maladies professionnelles, passages à l'infirmerie.11

Sensibiliser aux divers niveaux d'intervention à articuler

Trois niveaux d’intervention sont possibles pour réduire les risques psychosociaux : diminuer les contraintes à l’origine du stress, limiter les conséquences, prendre en charge les personnes qui en souffrent. Au-delà des réponses individuelles (« gestion du stress ») il y a nécessité d’une approche collective (action sur la source). La mise en oeuvre n’est pas obligatoirement coûteuse, mais suppose une demande explicite des acteurs de l’entreprise.

11 L'INRS doit publier un guide des indicateurs à ce sujet.

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Les participants acteurs en santé au travail ont indiqué que lorsqu'ils constatent des dysfonctionnements, ils interpellent les syndicats, l'employeur, le CHSCT... Mais à un certain moment, "il faut savoir passer la main sur (le sujet délicat de) l'organisation du travail" à l'ARACT ou autres intervenants spécialistes dans ce domaine. Le médecin du travail, de manière pédagogique, peut rassurer les partenaires sociaux de l'entreprise, présenter les structures et leurs compétences. Mais il a été souligné que le dysfonctionnement ne va pas disparaître en quelques jours, en 1 mois, ou même en 1 an ; et "une maturation est d'abord nécessaire pour que l'employeur prenne conscience des causes profondes, même s'il voit bien les problèmes de santé, les grèves, multiplication des CDD, des titulaires qui ne restent pas"...

Dans un département, pour renforcer les possibilités d'intervention des acteurs concernés (médecin du travail, inspection du travail, conseillers des salariés), un participant a mentionné l'expérience de médiateurs de terrain au Canada : il s’agit de personnes extérieures aux entreprises, qui interviennent en amont des conflits et qui pourraient pallier aux difficultés rencontrées dans les très petites entreprises (les plus nombreuses).

Dans un autre département, on a posé la question d’un « lieu d’écoute » pour pallier la réticence de salariés à dévoiler leurs problèmes directement auprès d’intervenants dans l'entreprise.

Tous ces débats rappellent aux représentants de la Direction des Risques Professionnels de la CRAM ceux qu'ils avaient il y a quelques années, sur les Troubles Musculo-Squelettiques (TMS) et les risques routiers. On leur disait : " Les TMS, c'est au chirurgien, et pas à l'entreprise de gérer ça », « le risque routier, c'est pas mon problème". Or, aujourd'hui, en matière de prévention des TMS et des risques routiers, ce sont bien les entreprises qui sont dans l’action....

Il reste donc aux acteurs concernés par la santé au travail d'informer les chefs d'entreprise, les responsables des ressources humaines et les représentants du personnel des possibilités d'évaluation, de diagnostics (exemple stages de la CRAM) et d'actions pas nécessairement coûteuses ni complexes.