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DÉBATS de L'Assemblée législative du QUÉBEC Le mercredi 6 mars 1963 No 25

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DÉBATSde

L'Assemblée législativedu

QUÉBEC

Le mercredi 6 mars 1963

No 25

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Table des matières

Rapports de comités élusPremier rapport du comité du Code municipal 359Premier rapport du comité de l'agricuiture, de l'immigration et

de la colonisation 359Septième rapport du comité des règlements 359

Motions non annoncéesM. Roy Fournier, membre du comité des affaires municipales 359

Bills privésBill no 132 - Loi changeant le nom de Marie-Lise-José Mivi l le-

Dechêne en celui de Varie-Lise-José Bizier 359Première lecture 359

Bill no 148 - Loi constituant en corporation la ville de VaudreuilPremière lecture 359

Dépôt de documentsArrêtés en conseil relatifs aux dépenses d'élection 359

Question d'intérêt publicExtension de la validité des permis de conduire 360

Dépôt de documents 'suite)Rapport du ministère de la Chasse et des Pêcheries 361

Questions au feuilletonDocument sur l'enguête Salv3s 361Commission hydroélectrique 362

Affaires du jourMotion pour qu'un comité spécial soit formé afin d'entendre les

suggestions en vue d'apporter des remèdes immédiats au problèmedu chômage 370

Reprise du débat sur la motion principale et la motiond'amendement 370

M. Daniel Johnson 370M. Pierre Laporte 376M. Joseph Nadeau 386M. Gérard-D. Levesque 388

Ajournement 388

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(Deux heures et demie de l'après-midi)

M. le Président: Qu'on ouvre les portes.Let the doors be opened.

À l'ordre, messieurs!Affaires courantes.Présentation de pétitions.Lecture et réception de pétitions.Présentation de rapports de comités

élus.

Premier rapport du comitédu Code municipal

M. Godbout: M. le Président, j 'ail'honneur de présenter le premier rapport ducomité du Code municipal.

Premier rapport du comitéde l'agriculture, de l'immigration

et de la colonisation

M. Turpin: M. le Président, j 'a il'honneur de présenter le premier rapport ducomité de l'agriculture, de l'immigration etde la colonisation.

Septième rapport du comitédes règlements

M. Dionne: M. le Président, j 'ail'honneur de présenter le septième rapport ducomité des règlements.

M. le Président: Présentation demotions non annoncées.

M. Roy Fournier, membre du comitédes affaires municipales

M. Morissette: M. le Président, jepropose, secondé par M. Dionne, que lerapport du comité des onze adopté parl'Assemblée législative, à sa séance du 16janvier 1963, relativement à la formation ducomité permanent des affaires municipales,soit modifié en retranchant le nom de M.Guy Fortier comme membre dudit comité eten le remplaçant par celui de M. RoyFournier.

M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

M. le Président: Présentation de billsprivés.

Bill no 132

Première lecture

M. Beaupré: Qu'il me soit permis defaire motion pour présenter un bill intitulé:Loi changeant le nom de Marie-Lise-JoséMiville Dechêne en celui de Marie-Lise-JoséBizier.

M. le Président: La motion sera-t-elleadoptée?

Adopté.

Le Greffier adjoint: Première lecturede ce b i l l . First reading of this bi l l .

M. le Président: Deuxième lecture,prochaine séance.

Bill 148

Première lecture

M. Cadieux: M. le Président, qu'il mesoit permis de présenter un bill intitulé Loiconstituant en corporation la ville deVaudreuil.

M. le Président: Cette motion sera-t-elle adoptée?

Adopté.

Le Greffier adjoint: Première lecturede ce bi l l . First reading of this bi l l .

M. le Président: Deuxième lecture,prochaine séance.

Présentation de bills publics.Affaires du jour.

DÉPÔT DE DOCUMENTS

Arrêtés en conseil relatifsaux dépenses d'élection

M. Lesage: M. le Président, avantl'appel des affaires du jour, je voudraisdéposer copie des arrêtés en conseil relatifsaux modifications du tarif des rémunérations,frais et dépenses d'élection adoptés au coursde l'année 1962.

M. Johnson: M. le Président, jeremercie le premier ministre d'avoir produitces arrêtés; mais me serait-i l permis à cestade-ci de rappeler au gouvernement qu'ilreste encore douze rapports à déposer envertu des règlements et qui sont tous enretard? Il y a sept rapports proprement dits,dont trois concernant des ministères, dont laVoirie, Terres et Forêts, Chasse etPêcheries, et cinq dépôts d'arrêtés enconseil.

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M. Lesage: Est-ce que le chef del'Opposition me permettrait, dans le cas dela Chasse et des Pêcheries, je regrette, maison n'a jamais déposé de rapoort et c'estsimplement l'an dernier, lors de la nouvellerédaction de la Loi de la Chasse et de laPêche qu'a été édictée l'obligation du dépôtd'un rapport annuel? Or, on ne peut pasdéposer le rapport annuel parce que l'annéeen cours n'est pas terminée.

Pour le rapport de la Voirie, onm'affirme qu'il a été déposé.

M. Johnson: Il a été déposé? La Voirie?

M. Lesage: Oui, il a été déposé. Jepense que le chef de l'Opposition est mieuxde vérifier ses renseignements.

M. Johnson: Il y a le ministère desTerres et Forêts qui n'a pas déposé sonrapport.

M. Cliche: Le tout est à l'impression.On devrait le déposer très prochainement.

M. Johnson: Le rapport des biens,revenus et dépenses de l'Office desautoroutes?

M. Pinard: Je n'ai pas eu le temps deretourner à mon bureau ce midi. Mais jel'aurais déposé de toute façon cet après-midi. Je le déposerai demain.

M. Johnson: Il y a le rapport desopérations de la Corporation du pont deTrois-Rivières.

M. Pinard: Je le déposerai demain.

M. Johnson: Il y a le rapport duministère de l'Industrie et du Commerce.

M. Levesque (Bonaventure): Il estfacultatif.

M. Johnson: Facultatif?

M. Levesque (Bonaventure): Je n'ai pasvu de loi qui m'y obligeait.

M. Johnson: Il serait temps d'amenderla loi. Il est mentionné dans l'appendice desrapports...

M. Lesage: Mais pas dans la loi.

M. Johnson: ... qu'ils doivent êtredéposés et je pense qu'il faudrait donner desdirectives au greffier, ou bien amender la loipour que le rapport soit déposé lui aussi. Lesarrêtés concernant les impressions de laGazette off iciel le, les arrêtés en conseilconcernant la loi favorisant le drainage desterres, le rapport du secrétaire de la

province, de son département, les arrêtésconcernant les passaqes à niveau, le rapportdu service provincial d'hygiène, les arrêtésen conseil en vertu de la Loi pour combattrela tuberculose, arrêtés en conseil en vertu dela Loi pour favoriser l'établissement desmédecins dans les campagnes.

Le meilleur "score", M. le Président,c'est le ministre de la Santé qui l'a.

M. le Président: Affaires du jour.

M. Lesage: Ce sont des loisinopérantes. C'est le renseignement que j 'a i ,du moins.

M. Johnson: Il se fie auxrenseignements qui lui viennent du ministrede la Santé.

Question d'intérêt public

Extension de la validitédes permis de conduire

M. Somerville: Mr. Speaker, I wouldlike to bring a matter to the attention ofthe Departments concerned in regard to theextension of the drivers and chauffeurspermits. Huntingdon county is bordered onthe south by the State of New York, andmany of the motorists crossing the line comeinto contact occasionally with the StatePolice.

M. Lesage: Would you speak louder,please Je ne comprends rien.

M. Somerville: The driving permits,chauffeurs and ordinary drivers permits. TheState Police stops some motorists because ofinfractions, for instance speeding or failingto stop at the stop signs. And actually, theyask for the driver's license; when the licenseis presented, the police immediately noticeon the bottom of the cert i f icate "valid untilFebruary 28th, 1963". Instead of aninfraction, only for speeding or whatever itmay be, there is also an infraction given fordriving with a license that has expired. Iwould like to mention this and it is causingembarrassment to many people in the countyand. I am sure, to motorists in the province.

M. Lesage: I thank the honourablemember for drawing the attention of theGovernment to that state of affairs and Iwil l see to it that instructions be given tothe proper officers of the Department ofTransport, so that the authorities of ourneighbouring States be advised that we havepassed an Act extending the validity of thoselicances, those permits, until the 1st of Junenext.

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M. le Président: Affaires du jour.

Rapport du ministère de laChasse et des Pêcheries

M. Arsenault: M. le Président, je désiredéposer le rapport du ministère de la Chasseet des Pêcheries.

M. Lesage: Il n'était pas obligé, il l'adit d'ailleurs. Si on veut bien lire le rapport,je vais le l ire, si vous voulez, et on verraque le rapport dit exactement ce que j 'a i dittout à l'heure.

"Rapport du ministère de la Chasse etdes Pêcheries prévu par les dispositions del'article 5 de la Loi du ministère de laChasse et des Pêcheries, statuts refondusremplacés..." Bon! Le ministre de la Chasseet des Pêcheries dépose devant l'Assembléelégislative un rapport fait en vertu desdispositions de l 'article 5 de la loi . Et lerapport se l i t comme suit: ... Oui, oui, ah!ne riez pas trop vite, ça va être moinsdrôle. Le ministère des Pêcheries n'a paspublié de rapport annuel depuis 1954, parceque la loi ne le demandait pas, et leministère de la Chasse et de la Pêche n'en apas produit non plus depuis 1960 pour lamême raison. La loi instituant le ministèrede la Chasse et des Pêcheries n'étant entréeen vigueur que le 1er avril 1962, le premierrapport détaillé des activités de ce ministèrepour l'année financière 1962-1963 ne pourra,conséquemment, être présenté que l'anprochain.

Est-ce que ce n'est pas ce que j 'a i dit,M. le Président?

M. le Président: Affaires du jour.

Questions au feuilleton

Document sur l'enquête Salvas

M. Lesage: No 7: Il s'agit d'unequestion du chef de l'Opposition relativementà l'enquête Salvas, en tout cas, l'an dernier.Étant donné qu'il s'agit d'un document assezlong, il y a eu motion pour que la questionsoit transformée en motion pour productionde documents. Si la Chambre est prête àaccepter cette motion, je suis prêt à déposerle document.

M. Johnson: M. le Président, le premierministre m'a dit que les questions similaires,l'année dernière, avaient été transformées enmotion; je ne suis pas en mesure de lecontredire: je n'ai pas vérif ié, mais j'avaisbien l'impression que c'était sous forme deréponses, l'année dernière. Maintenant, lepremier ministre me dit qu'il s'agit d'undocument assez long. Il faut s'entendre surl ' interprétation d'"assez long". Nous avonsic i , mardi, le 19 février, dans le procès-

verbal no 16, une réponse du ministre desAffaires municipales qui prend huit pages etdemie. Alors, le ministre des Affairesmunicipales a répondu à une question dont laréponse occupe huit pages et demieimprimées, et je doute fort que la réponse àma question portant le no 7, à l'ordre dujour, puisse contenir huit pages et demie,puisqu'il ne s'agit que de donner un montant,à "A", qui s'élève à X dollars; dans "B", unautre montant qui concerne les engagements;dans "C" , trois lignes, puisqu'il s'agit d'unequestion pour chacun des trois commissaires;dans la quatrième subdivision, je demande lenom des avocats et les montants qui leur ontété payés, ce qui n'est pas tellement longet, M. le Président, la cinquième, les autresemployés.

D'ailleurs, M. le Président, je remerciemes collèques qui sont venus à mon secours;dans les journaux de l'Assemblée législative,contrairement à ce qu'a affirmé le premierministre tantôt, pour la session 1962, à lapage 679, 677, je vous demande pardon, on aici ma question qui est exactement la mêmeque celle de cette année, sauf que, cetteannée, je veux avoir la période qui fut cellepour laquelle on m'a donné des réponsesl'année dernière, et on a répondu au procès-verbal; ça ne prend qu'une quinzaine delignes, comparé à huit pages et demie.

Alors, vous voyez, M. le Président,d'abord le premier ministre, je veux bien lecroire de bonne fo i , nous avait induits enerreur en nous disant que, l'année dernière,c'était converti en motion pour production dedocuments.

Deuxièmement je vous ai donné unprécédent de cette session, une réponse quiprend huit pages; j'aurais pu en ajouterd'autres; par exemple, le ministre de laJeunesse, l'année dernière, nous a fai t unegrande déclaration de trois pages sur lesbourses. Il nous a fourni, à un autre moment,une réponse très lonque sur ses activitésdans un autre domaine, celui des instituteurs,je crois.

Et, troisièmement, je pense que lepremier ministre ne devrait pas insister pourchanger cette question en motion puisque, detoute évidence, la question est très courte,la réponse aussi.

M. le Président: La motion sera-t-elleadoptée?

Des voix: Non, non.

Une voix: Le vote.

M. le Président: Qu'on appelle lesdéputés.

Une voix: Il ne veut jamais changerd'idée.

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Une voix: Il faut attendre les chômeurs.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!Tous ceux qui sont pour la motion pourtransformer la question en motion voudrontbien se lever.

Le Greffier adjoint: MM. Lesage,Bédard, Gérin-Lajoie, Hamel (Saint-Maurice),Courcy, Earl, Arsenault, Saint-Pierre, Cliche,Dionne, Brown, Pinard, Couturier, LévesqueBonaventure), Laporte, Fort in, Mme

Kirkland-Casgrain, MM. Parent, Binette,Turpin, Lechasseur, Roy, Coiteux (Duplessis),Meunier, Harvey, Morissette, Blank,Castonguay, Maheux, Collard, Vaillancourt,Boulais, Coiteux (L'Assomption), Ouimet,Hamel (Iberville), Crépeau, Fournier,Thibeault, Théberge, Fortier, Dallaire,Lacroix, Kennedy, Baillargeon, Hébert,Mailloux, McGuire, Cadieux, Beaupré,Godbout, Dupré, Martin.

M. le Président: Que tous ceux qui sontcontre veuillent bien se lever.

Le Greffier adjoint: MM. Johnson, Élie,Dozois, Bertrand (Missisquoi), Bellemare,Johnston, Lafontaine, Gabias, Bernatchez,Guillemette, Somerville, Raymond, Gervais,Allard, Loubier, Majeau, Gagnon, Nadeau,Lavoie (Wolfe).

Une voix: M. Gauthier n'y est pas.

Le Greffier adjoint:Pour: 52 Contre: 19Yeas: 52 Nays: 19

M. le Président: La motion est adoptée.

M. Lesage: Si vous me le permettez,M. le Président, if you allow me, thehonourable member for Huntingdon raised aquestion and I thank him for having drawnmy attention to the situation which hedescribed.

While the members were called for thevote, I telephoned to the office of theDirector of the Department of MotorVehicles. I spoke to one of his assistantswhile he was out of his off ice, and I wasassured that Mr. Baribeau, the Director ofMotor Vehicles, did advise his oppositemembers in the other provinces of Canadaand in all the States of the Union of theextension of the validity of the drivingpermits to the 1st of June, in January.

Commission hydroélectrique

No 9, M. le Président. Voici unequestion qui concerne la Commissionhydroélectrique. Je voudrais bien examiner,M. le Président, les raisons pour lesquelles je

ne crois pas qu'on puisse justifier deconsentir en principe - qu'on remarque bienles mots "en principe" - à répondre à cettequestion. Il y a une longue jurisprudence,tant ici qu'à Ottawa, selon laquelle, lorsqu'ils'agit de corporations de la couronne quiagissent dans un domaine commercial, il n'ya pas lieu de répondre. Je comprends qu'on adéjà répondu. Je l'admets.

J'ai trouvé une fois où on avaitrépondu, ici en Chambre, à une questionconcernant la Commission hydroélectrique.Mais, en général, pour cette commissioncomme pour les autres commissions et, àOttawa, pour Radio-Canada, pour le CanadienNational, pour Air Canada, on refuse toujoursde répondre, pour l'excellente raison qu'ils'agit de dépenses qui ne sont pas faites àmême le fonds consolidé. D'ailleurs, j 'a i desextraits ici des journaux de l'Assembléelégislative 1958-1959, 4 mars 1959, page 609.C'était une motion de M. Hamel, ministre duTravail à l'heure actuelle, demandant quesoit produite et déposée sur le bureau de laChambre une copie. de la liste du personnelde la Commission du salaire minimum à ladate du 30 novembre 1958; en regard dechaque nom, l'adresse, le montant du salaireannuel et de l'allocation annuelle s'il en est.L'honorable Monsieur Duplessis déclare qu'iln'est pas dans l' intérêt public de faireencourir à la province les dépenses quecomporte cet ordre qui ne concerne pas lefonds consolidé du revenu; et d'une, 1959-1960, 24 février. Et cette décision estapprouvée par la Chambre, la majorité del'Union Nationale, et je trouve le nom duchef actuel de l'Opposition, le nom dudéputé de Champlain, du député deLotbinière...

Une voix: Le député de Saint-Maurice.

M. Lesage: Mais non, il a voté pouravoir...

Non, mais je dis la majorité de laChambre.

Je vais vous en donner d'autres, M. lePrésident. En voici une qui concernedirectement la Commission hydroélectrique.C'est une question de M. Lalonde: "À queltaux la Commission hydroélectrique deQuébec..." C'était en 1959-1960.

Une voix: Qui était ministre à cemoment-là?

M. Hamel (Saint-Maurice): Ce n'est pasle chef de l'Opposition qui...

M. Lesage: Le 24 février, page 53.

M. Hamel (Saint-Maurice): C'est vraiqu'il n'a pas fait parler beaucoup de lui.

M. Lesage: "A quel taux la Commission

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hydroélectrique de Québec vend-elle sonélectr icité' '

a) À la Shawiniqan Water & Power dansles diverses régions de la province7

b) À la Compagnie de pouvoir du Bas-Saint-Laurent?

c) À la Gatineau...?"L'honorable M. Barrette déclare qu'il

n'est pas dans l' intérêt public de répondre àcette question.

Toujours dans les journaux de 1959-1960, à la même date, le 24 février, à lapage 541, motion de M. Lafrance...

Une voix: Quelle année?

M. Lesage: Même année, j 'a i dit, mêmedate.

Motion de M. Lafrance: Qu'il soitproduit et déposé sur le bureau de laChambre une copie de la liste du personnelde la Commission des liqueurs de Québec, àla date du 1er novembre 1959, avec, enregard de chaque nom, etc. L'honorable M.Barrette déclare que cette motion a déjà étérefusée -voir page 609 des journaux de 1958-1959 - et qu'elle doit l'être encore parceque les employés de la Commission desliqueurs de Québec ne sont pas payés àmême le fonds consolidé du revenu et quequelques-uns d'entre eux font partie de lapolice secrète. On sait ce que c'était...

M. Hamel (Saint-Maurice): Ah, c'est ça;c'est pour ça qu'on ne pouvait pas avoir ça.

Une voix: M. Lafrance ne devait pasêtre...

M. Lesage: M. le Président, j'attirevotre attention sur le paragraphe 2 del'article 686, qui se l i t : " Un ministre peutrefuser de répondre à une question sansdonner de raison", et sur le paragraphe 3:"Le refus d'un ministre de répondre à unequestion ne peut être discuté ni sur unequestion de privilège, ni sur une motiond'ajournement de la Chambre." La seulechose qu'on peut faire, c'est d'appeler.

M. Hamel (Saint-Maurice): Peut-on enrire?

M. Lesage: Non, j 'ai parlé tout àl'heure de la Chambre des communes.Évidemment, j 'a i vécu de nombreusesexpériences, mais je voudrais citer unprécédent qui s'est produit alors que j'avaisquitté la Chambre des communes, le 2février 1959, page 647 du Hansard, questionno 46 de M. Parizeau: "Quel traitement ouquelle rémunération la société a-t-elle verséà chacun?" C'était Radio-Canada. Uneréponse de l'honorable M. Nowlan, ministredu Revenu national...

M. Johnson: Les "chacuns", c'étaient M.Laurendeau, M. Lévesque...

M. Lesage: Je ne sais pas, moi.

M. Bertrand (Missisquoi): Vous n'avezpas les noms0

M. Lesage: "Ce serait préjudiciable à lasociété, lorsqu'elle a négocié en vued'engager des réalisateurs, des artistes, etc.,que de porter à la connaissance du public lemontant des cachets versés a chacun." Il y adonc, lorsqu'il s'agit de compagnies de lacouronne ou d'émanations de la couronne,une jurisprudence bien établie en cetteChambre et à Ottawa selon laquelle on nerépond pas à ces questions et, à cause de laquestion de principe, M. le Président, je doisrefuser de répondre.

Cependant, et que ceci ne soit pasconsidéré comme un précédent, je dirai auchef de l'Opposition que M. Louis-PhilippePigeon, conseiller juridique au bureau dupremier ministre, a commencé son travaild'étude spécialisée sur la nationalisation del'électricité - sur mes instructions et à lademande du président de l'Hydro - le 15novembre 1962, ce qui était le lendemaind'une date mémorable. Les autres membresdu comité - c'est M. Pigeon qui était leprésident du comité - les autres membres ducomité, sauf Me Roger Létourneau, ont étéengagés, si vous voulez, ou leurs services ontété requis dans les jours qui ont suivi etc'est par une résolution de la Commissionhydroélectrique, datée du 28 novembre 1962,que leur engagement a été confirmé.

Dans les jours oui ont suivi le 28novembre, a la lumière des discussions quiont eu lieu entre les membres du comité, illeur est apparu clairement qu'ils avaientbesoin des services d'un conseiller juridique,expert en droit des compagnies et enfiscalité des compagnies. Et les membres ducomité m'ont recommandé unanimement etont recommandé à l'Hydro que les servicesdu bâtonnier Létourneau soient requis, ce quifut fai t , et c'est le 19 décembre qu'unerésolution de la Commission hydroélectriquea confirmé la réquisition des services dubâtonnier Létourneau. Quant au compte, iln'y en a qu'un qui a été produit; il l'a étépar M. Fullerton et il a été payé.Cependant, malgré que, sur la question deprincipe, je refuse de répondre à la question,je dis au chef de l'Opposition et aux députésqui veulent obtenir des renseignements del'Hydro, et ceci après une conversation, deuxconversations avec le président de l'Hydro,qu'ils peuvent écrire au président de l'Hydro;et si ce dernier, avec ses collègues, jugequ'il est dans l' intérêt public de répondre etque la réponse ne peut pas préjudicierl'Hydro, il répondra avec plaisir à toutes lesquestions qu'on lui posera par lettre.

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Pour cette première question, si le chefde l'Opposition veut avoir des détails quantaux comptes et quant aux paiements descomptes, il pourra faire passer sa demandepar mon entremise, s'il le désire, pour cettepremière fois; je la transmettrai au présidentde l'Hydro et, au fur et à mesure qu'il aurades renseignements, parce qu'il ne les a pasdans le moment, il pourra les envoyerdirectement au chef de l'Opposition ou parmon entremise, suivant qu'il le jugera bon enautant qu'il considérera que les réponses qu'ildonnera sont d'intérêt public et ne sont pasau préjudice de l ' intérêt de l'Hydro.

M. Johnson: M. le Président, comme lepremier ministre n'a pas refusé de répondre,je soumets que l 'article 690...

M. Lesage: M. le Président, j 'ai refuséde répondre.

M. Johnson: M. le Président, l 'article686 dit: " Un ministre peut refuser derépondre à une question, s'il est contraire àl'intérêt public de fournir les renseignementsdemandés." M. le Président, le premierministre dit : " En principe, je ne suis pasobligé de répondre" et il a répondu enpartie, il a donné tous les renseignementsqu'il possède à ce jour.

M. Lesage: Non, M. le Président, je neles ai pas donnés. Parce que j'aurais pudonner le montant du compte de M.Fullerton, ce que je n'ai pas fai t . Et, M. lePrésident, je laisse le soin au président de laCommission hydroélectrique de juger s'il estdans l' intérêt public, et s'il n'est pascontraire aux intérêts de l'Hydro de le faire.J'ai refusé de répondre.

M. Johnson: M. le Président, c'estjustement...

M. Lesage: Remarquez l 'article 686,pour voir...

M. Johnson: Il a invoqué l 'article etensuite il a répondu. Et je considère que s'ila répondu, l 'article ne s'applique pas et laprohibition de parler de ce que vientd'exposer le premier ministre ne s'apliquepas non plus. Même si elle s'appliquait, M. lePrésident, le premier ministre, au cours deses remarques...

M. le Président: À l'ordre, à l'ordre! Jevoudrais saisir le sens des remarques du chefde l'Opposition. S'il prétend avoir droit deposer des questions supplémentaires, il n'apas le droit de commenter la réponse dupremier ministre. Le chef de l'Opposition aposé une question, le premier ministre adonné une réponse. Il a expliqué la raisonpour laquelle il n'était pas prêt à donner une

réponse complète, et il a clairement expliquéqu'en principe, il n'était pas prêt à répondre,mais que, par exception, il était prêt adonner certains renseignements à la Chambresur la question précise.

Maintenant, je vais essayer de saisir laportée de ce que voudrait dire le chef del'Opposition; mais il doit comprendre qu'iln'a pas le droit de commenter la réponse quia été faite. Il pourrait peut-être poser desquestions supplémentaires, il ne peut pascommenter la réponse, il ne peut passoulever un débat là-dessus.

M. Johnson: M. le Président, il y atellement d'irrégularités dans la réponse dupremier ministre que je ne sais pas parlaquelle commencer; mais, avec votrepermission, je commencerai par me référer àla question, M. le Président.

Ma question faisait suite à une réponsequi a été donnée à la première question quia été posée sur le feuilleton à cette session.Et dans cette question, qui se lisait commesuit: " Quels sont les nom, prénoms,occupation et adresse de chacun des expertsqui ont suggéré au premier ministre..."

M. le Président: À l'ordre; Je viensjustement d'essayer d'expliquer au chef del'Opposition qu'il n'a pas le droit decommenter la réponse. Je pensais que, peut-être, le chef de l'Opposition voudrait poserdes questions supplémentaires comme ilpourrait peut-être y avoir droit, à certainesoccasions, mais il n'a pas le droit decommenter la réponse qui a été fai te;autrement, chaque question pourrait souleverun débat.

M. Johnson: M. le Président, est-ce queje puis attirer votre attention sur l 'article686, paragraphe 3: " Le refus d'un ministrede répondre à une question ne peut êtrediscuté, ni sur une question de privilège, nisur une motion d'ajournement de laChambre." M. le Président, la prohibition,c'est la suivante, en termes très clairs ettrès simples: Si le premier ministre s'étaitlevé et avait dit: " Je considère qu'il estcontraire à l' intérêt public de répondre à laquestion portant le no: 9", je n'avais pas ledroit, ni aucun membre de cette Chambren'avait le droit de discuter ce refus duministre, ni sur une question de privilège, niautrement.

Or, M. le Président, il a répondu ou iln'a pas répondu.

M. Lesage: M. le Président, est-ce quevous me permettez juste de décrire au chefde l'Opposition ce que j 'a i fa i t . Je n'ai pasrépondu, j 'ai refusé de répondre. J'3isimplement indiqué au chef de l'Opposition,gracieusement, comment il devait s'y prendrepour avoir les renseignements qu'il voulait.

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M. Johnson: Justement, là-dessus, M. lePrésident...

M. Lesage: Une indication, un serviceque j 'a i rendu au chef de l'Opposition.

M. Johnson: Dans les paroles que lepremier ministre n'a pas prononcées, qu'il n'apas données, il a inclus ceci: " Si on abesoin de renseignements, qu'on écrive auprésident de l'Hydro." Il a consenti à ça. M.le Président, j ' a i . . .

M. Lesage: Non, non, j 'a i même étéplus loin, j 'a i offert mes bons offices auchef de l'Opposition pour cette première...

M. Johnson: M. le Président, àl'encontre ou à l'occasion de ces propos dupremier ministre, je soulève une question deprivilège.

M. Lesage: Pas un débat là-dessus.

M. Johnson: Ce n'est pas un débat, iln'y a pas de débat; je remercie le premierministre des réponses qu'il nous a données;deuxièmement...

M. le Président: À l'ordre, à l'ordre,messieurs! Je considère que les remarquesque fait actuellement le chef de l'Oppositionsont de nature à soulever un débat. Etj 'a t t i re l'attention de la Chambre, sur lemême article 686, note 3, paragraphe 2: "Lesréponses données, qu'elles soientsatisfaisantes ou non, doivent être tenuespour finales."

À l'ordre, messieurs!

Une voix: Il n'en a pas donné, M. lePrésident.

M. le Président: À chaque endroit oùl'on trouve une référence aux questions dansnos règlements, c'est toujours le mêmeprincipe, les questions doivent être brèves,ne doivent pas contenir de remarquessusceptibles de soulever un débat. Mêmechose pour la réponse, il n'est pas questiond'avoir un débat à ce stade-ci desprocédures. Je ne suis pas prêt à dire s'il yaura d'autres moyens de soulever la question,mais ce n'est certainement pas à l'occasionde la réponse aux questions qu'on pourraitsoulever un débat.

M. Johnson: M. le Président, je vousremercie de ces éclaircissements fulgurantset, au cours des paroles prononcées par lepremier ministre ou parmi les paroles qu'il aprononcées sans répondre à la question, lepremier ministre a fait une offre àl'Opposition. Est-ce que je pourrais diremerci d'abord?

M. le Président: À l'ordre, messieurs:

M. Johnson: Est-ce que je pourrais?

M. le Président: À l'ordre, messieurs;Je crois que j 'a i essayé trois fois d'expliquermon point de vue au chef de l'Opposition. Jeconsidère que l'incident est clos et je nepeux pas permettre d'autres interventions.

M. Johnson: M. le Président, je soulèveune question de privilège de la Chambre.L'article 193. Le premier ministre a fait uneoffre aux députés de cette Chambre disant:"Quand vous voudrez des renseignements,vous pouvez vous adresser directement àl'Hydro et, pour la première fois, vouspasserez par moi, j 'o f f re mes services." M.le Président, je considère que c'est unemanière de procéder que nous ne pouvons pasaccepter.

M. Lesage: M. le Président, je suisobligé de soulever un point d'ordre. Je nepourrai laisser passer ces remarques du chefde l'Opposition sans lui répondre. Il y a euun débat...

M. Johnson: M. le Président, je croisque c'est dans l' intérêt de la Chambre...

M. Lesage: Sur le point d'ordre, M. lePrésident. Si on laisse parler le chef del'Opposition et si on le laisse s'aventurerdans cette voie, je devrai nécessairementvous demander le droit de parole en réplique.

M. Johnson: M. le Président, je vousoffre même la collaboration de l'Oppositionpour permettre au premier ministre derépondre. Mais je crois que le premierministre, si je ne parle pas, si je nem'oppose pas à ce qu'il a dit, se trouvera àavoir posé un précédent qui sera interprété àl'avenir avec le consentement del'Opposition. Voici: nous avons besoin derenseignements dans l'Opposition, s'il y en aun qui le sait, c'est le ministre du Travail,Je trouve que nous ne devons pas nousadresser directement à des présidents decorporations, de compagnies de la couronne,mais que nous devons nous adresser auministre qui est responsable en Chambre dela corporation en question et que toutes lescorporations de la couronne, y inclus l'Hydro,ont un lien quelconque avec un ministre.L'Hydro a un lien avec le ministre desRichesses naturelles, à qui la loi imposel'obligation de déposer le rapport une foispar année. L'Hydro a des relations avec leministre des Finances, qui est celui qui doitdécider si, oui ou non, les emprunts doiventêtre endossés par la province. L'Hydro a desrelations avec le premier ministre, l'Hydro ades relations avec le conseil des ministrespuisque ses dépenses capitales doivent être

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approuvées par des arrêtés ministériels.M. le Président, je trouve qu'il est

contre tout notre système parlementairequ'on laisse à un président de l'Hydro, quelqu'il soit, la responsabilité de dire si, oui ounon, c'est dans l' intérêt public.

Je soumets que nous devrions nousadresser au ministre titulaire et lui, aprèsavoir communiqué avec l'Hydro, prendra laresponsabilité de dire en Chambre si, oui ounon, il considère que c'est dans l'intérêtpublic que la réponse ne soit pas donnée.Autrement, M. le Président, on cause unaccroc évident à tout le systèmeparlementaire que même un enfant de 15 ou16 ans peut saisir. Que les ministresprennent leurs responsabilités en Chambre,qu'après avoir pris des renseignements - ilssont placés pour les obtenir - Ils se lèventdans cette Chambre et nous lisent: "Jeconsidère, après renseignements pris de bonnesource, qu'il n'est pas dans l'intérêt publicde répondre à telle question qui a étéposée." Je trouve que c'est la seule manièreselon laquelle on doit procéder, M. lePrésident. Que les députés écrivent auprésident de l'Hydro, c'est très gentil, çaparaît magnanime. Mais, M. le Président,j 'at t i re tout de suite votre attention, si ondemandait au président de l'Hydro unrenseignement et qu'il nous réponde que cen'est pas dans l'intérêt public, eh bien, M. lePrésident, on se lèverait dans cette Chambreet on dirait: "Vous savez, à l'Hydro, il y aun homme qui n'a pas l'air d'avoir un grandjugement" et, on expose ainsi l'Hydro àtoutes sortes de critiques.

M. Lesage: Ce n'est pas pour vrai qu'ilsdisent ça!

M. Johnson: M. le Président, ça peutarriver, mais pourquoi ne pas prendre notreresponsabilité, pourquoi...

M. le Président: À l'ordre, messieurs;

M. Johnson: Là, vous venez de trouverque c'est assez, M. le Président?

M. Gabias: Il a vu le signe du premierministre.

M. Johnson: Ah bon!

M. Lesage: Pardon? Je demande que ledéputé de Trois-Rivières retire ce qu'il vientde dire.

M. le Président: À l'ordre, messieurs;

M. Gabias: Je n'ai pas dit ça.

M. le Président: À l'ordre, messieurs;Je viens d'entendre le député de Trois-Rivières exprimer quelque chose et je crois

qu'il voudra bien le retirer sans faire un...

M. Lesage: Il a dit que le premierministre...

M. le Président: J'ai bien entendu ceque le député de Trois-Rivières a dit. Est-ceque le député de Trois-Rivières est prêt àretirer ses mots?

M. Gabias: Je laisse l'assistance juger.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Gabias: Oui, oui, je vais retirer mesparoles.

One voix: Oui, j 'a i vu son signe.

M. Gabias: Mais je ne peux m'empêcherde voir...

M. Lesage: M. le Président, est-ce quevous me permettez? Le député de Trois-Rivières a déclaré, et je l'ai très bienentendu, faussement, en vous insultant et eninsultant le premier ministre, que leprésident s'était levé sur un signe du premierministre. J'ai très bien entendu, très bienentendu, comme les autres députés quim'entourent et, M. le Président, je voussoumets...

M. Gabias: Je soulève un point d'ordre,M. le Président...

M. Lesage: Je regrette, M. lePrésident, je suis sur un point d'ordre, jevous soumets respectueusement...

M. le Président: Je rappelle le députéde Trois-Rivières à l'ordre, je demande qu'ilreprenne son siège. À l'ordre...

M. Gabias: Tout de même, le député deTrois-Rivières...

M. le Président: À l'ordre, messieurs;Pour la deuxième fois, je rappelle le députéde Trois-Rivières à l'ordre..

M. Lesage: M. le Président, au momentoù le député de Trois-Rivières a dit cesmots - je les ai bien entendus, parce que jeregardais le chef de l'Opposition qui parlait -et le député de Trois-Rivières a très biendéclaré... C'est contraire à la dignité decette Chambre, au respect qu'on vous doit,et, il me semble, au moindre respect de lavérité que l'on doit en Chambre. Jedemande, M. le Président, que le député deTrois-Rivières retire les paroles outrageantesqu'il vient d'avoir à votre égard.

M. le Président: A l'ordre, messieurs;J'avais bien entendu les paroles prononcées

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par le député de Trois-Rivières. J'avais... Àl'ordre, messieurs! J'avais compris que ledéputé de Trois-Rivières avait retiré sesparoles. Je viens justement d'expliquer que lepremier ministre a soulevé un point d'ordrecontre certaines paroles du député de Trois-Rivières. Moi, j'avais entendu les paroles dudéputé de Trois-Rivières et j'avais comprisque le député de Trois-Rivières avait retiréses paroles. Est-ce que c'est vrai?

M. Bernatchez: Le premier ministre aparlé ensuite.

M. le Président: Je lui demande si c'estvrai qu'il les a retirées?

M. Gabias: M. le Président, j 'a i soulevéun point d'ordre sur les remarques faites parle premier ministre. Je comprends que,comme d'habitude...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!Je voudrais, premièrement, régler la

question de règlement soulevée par lepremier ministre, et je crois que je pourraisle faire très vite. Je demande simplement audéputé de Trois-Rivières s'il est vrai qu'il adéjà retiré les paroles qu'il a prononcées.

M. Gabias M. le Président, je n'oseraiscontredire le président de cette Chambre.Simplement, je ne peux laisser passer...

M. Lesage: M. le Président, je regrette.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Àl'ordre, messieurs!

M. Gabias: ...les remarques du premierministre.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!Est-ce que... À l'ordre, messieurs! Jevoudrais demander, encore une fois, audéputé de Trois-Rivières de me répondreclairement: Est-ce que, oui ou non, il aretiré les paroles dont se plaignait lepremier ministre et que j 'a i moi-mêmeentendues. Est-ce qu'il a retiré ses paroles?

M. Johnson: M. le Président, je soulèveune question sur les règlements. M. lePrésident, le premier ministre...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!Je ne peux laisser cette question comme ça.Je vais demander et je vais insister pouravoir une réponse, oui ou non, du député deTrois-Rivières s'il avait, comme je l'avaiscompris moi-même, déjà retiré les parolesque j 'a i entendues de mes propres oreilles?

M. Gabias: J'ai dit , M. le Président, jel'ai bien compris, vous avez bien entendu,mais je me suis levé sur un point d'ordre

afin de contredire les paroles qu'a eues lepremier ministre et qui ne sont pas exactes,qui sont contraires à la vérité.

M. Lesage: Bien, voyons!

M. Gabias: Je l'ai entendu, dès ledébut, après que le premier ministre s'estassis, se tourner vers vous et dire: "Pas dedébat", immédiatement après, M. lePrésident.

M. Lesage: Jamais de la vie.

M. Bellemare: C'est enregistré là.

M. Gabias: Et, par la suite, j 'a i vu lepremier ministre se tourner vers vous. Est-cequ'il y a offense à ce que le premierministre vous regarde, M. le Président? Est-ce qu'il y a offense?

M. Lesage: Bien, voyons! Ce n'est pasdu tout ce que vous avez dit .

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Àl'ordre, messieurs! Je considère que le députéde Trois-Rivières essaie d'expliquer certainesremarques qu'il avait faites. Je suis orêt àaccepter l'explication du député de Trois-Rivières, et je demande à la Chambre delaisser cet incident.

Je voudrais revenir aux questions deprivilège qu'avait soulevées le chef del'Opposition. Le chef de l'Opposition s'estlevé, il a invoqué une question de privilège,il a commencé un discours, et,personnellement, je considère qu'il asimplement essayé de faire indirectementquelque chose qu'il n'avait pas le droit defaire directement; il a parlé en qualifiant sesremarques comme question de privilège, ilvoudrait commenter la réponse oul'explication que le premier ministre venaitde donner sur une certaine question aufeuilleton.

Je demanderais la coopération desmembres de cette Chambre. S'il y a quelquechose sur les règlements, sur la manière derépondre à des questions, moi, je considèreque le premier ministre avait très bienexpliqué son attitude sur la question endiscussion. Cela concernait une compagnie dela couronne et le premier ministre avaitcommencé en expliquant qu'en principe, iln'était pas prêt à répondre à des questionsconcernant les compagnies de la couronne,mais qu'il était prêt à donner certainsrenseiqnements. J'avais auparavant demandéau chef de l'Opposition de ne pas insisterpour soulever un débat, et en appelant sonintervention une question de privilège, ilvoulait exactement prononcer des paroles quine pouvaient avoir d'autre but que desoulever un débat. Je ne croi3 pas que c'estquelque chose qui doit ou qu'il est

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absolument nécessaire de régler aujourd'hui,si c'est simplement une question deprocédure. Je demanderais la coopération detous les membres.

M. Gabias: M. le Président, sur le pointd'ordre que j 'a i soulevé, le premier ministrem'a accusé d'avoir eu en cette Chambre uneconduite outrageante à votre égard. Que lepremier ministre pense, dans son opinion, queje n'ai pas respecté le règlement, c'est sondroit. Mais il n'a pas le droit de me prêternon seulement des intentions, mais uneattitude que je n'ai jamais eues. Je n'ai pasl' intention...

M. le Président: À l'ordre, messieurs!Sur le point d'ordre... Sur le point d'ordresoulevé par le député de Trois-Rivières, ilavait déjà retiré certaines paroles que moi,personnellement, j'avais considérées... Je nevoudrais même pas les répéter, et le députéde Trois-Rivières a retiré ses paroles. Jecrois qu'on pourrait laisser l'incident à cestade-là.

M. Gabias: M. le Président, c'est aprèscet incident que le premier ministre m'aprêté une conduite que lui considèreoutrageante, et lorsqu'on a vu le Procureurgénéral, dans cette Chambre, refuserd'obtempérer à un de vos ordres, M. lePrésident...

M. le Président: À l'ordre! J'avaisespéré que ce ne serait pas nécessaire pourmoi de le dire, mais j'avais considéré dans letemps les remarques du député de Trois-Rivières exactement comme les avaitdécrites le premier ministre.

M. Lesage: Alors, le no 12.

M. Johnson: M. le Président, est-ce queje comprends que vous ne voulez pas qu'onvous demande de faire retirer les paroles parle premier ministre. On n'a même pas droitde le demander, M. le Président?

M. le Président: Vous avez le droit dele demander et j 'a i rendu ma décision là-dessus. Je ne considérais pas que le premierministre n'avait quoi que ce soit à retirer,parce que j'avais considéré que les parolesdu premier ministre étaient les paroles quej'aurais peut-être dû prononcer moi-même. Al'ordre! Affaires du jour.

M. Gérin-Lajoie: No 12, question de M.Bellemare, lu et répondu.

M. Lesage: No 13; M. Allard, lu etrépondu; 13, oui, c'est ça.

16. Document déposé. 22. M. Boudreau,document déposé, 23. M. Allard. La motion.M. le Président, se l i t comme suit: ''Qu'il

soit déposé sur le bureau de cette Chambrecopie des plans et estimés préparés par legouvernement en vue des travaux à êtreeffectués sur la rivière Chaudière par lessoins du ministère des Richesses naturelles,selon un engagement du ministre desRichesses naturelles et du premier ministre".

M. le Président, cette motion va àl'encontre de l 'article 690 des règlements del'Assemblée législative qui stipule, auparagraphe 2: "Sont réputés privés etconfidentiels, à moins qu'un ministre ne lesait cités, les estimations et les rapports desingénieurs des ministères et descommissions", etc... j 'en ai suffisamment.

M. Johnson: M. le Président, est-ce quej 'a i le droit de parler?

Des voix: Hors d'ordre.

M. le Président: À l'ordre, messieurs?

M. Johnson: Oui, M. le Président. Lepremier ministre a invoqué le paragraphe 2:"Sont réputés privés et confidentiels, à moinsqu'un ministre ne les ait cités, lesestimations et les rapports des ingénieurs desministères et des commissions."

M. le Président, ça, c'est normal et jecrois qu'il y a une raison sérieuse à ça.Cependant, il ne s'agit que des estimations.Alors, dans la question, M. le Président, ils'agit des estimations et des rapports desingénieurs.

M. le Président, la question de M.Allard, député de Beauce, se l i t comme suit:"copie des plans et estimés..."

M. Lesage: Un plan, c'est un rapportd'ingénieur.

M. Johnson: M. le Président, on peutproduire un plan sans produire desestimations. Le premier ministre aurait pudire: Quant aux estimations, j'invoque leparagraphe 2 de l 'art icle 690, mais je déposeles plans. Parce que, M. le Président, il yaura aussi un doute à savoir si le ministrene les a pas déjà cités, ces chiffres-là. Il aau moins parlé des plans et même le premierministre... Ils étaient ministres, M. lePrésident, ils étaient en fonction, alors qu'ilssont allés promettre dans la Beauce...

M. Lesage: M. le Président, je doisfaire une recti f icat ion. Lorsque j 'ai parlé,dans la Beauce, des améliorations à apporterà la rivière Chaudière, j 'a i dit que des planset estimations étaient en préparation par desingénieurs. C'est tout ce que j 'a i dit. Je n'aicité ni plan, ni estimation. Et le ministredes Richesses naturelles, à ma connaissance,n'est jamais allé plus loin.

M. Al lard: Pardon, M. le premier

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ministre, je crois que le ministre desRessources naturelles a annoncé le début destravaux pour mai 1963.

M. Lesage: Ça n'a rien à faire avec lesplans.

M. Allard: Si les travaux doiventcommencer en mai, j ' imagine qu'il doit yavoir des plans.

M. Lesage: M. le président, j 'ai déjàrépondu à une question du député de Beauce,quant aux intentions du gouvernement.C'était la question qui apparaissait sous leno 7 ou 9, je ne sais trop. La réponse a étédéposée.

Une voix: 13.

M. Lesage: Pardon? 13. Ici , il s'agitd'une motion pour production de documents.On demande de produire des plans et desestimations. Or, l 'article 690 des règlementsdit qu'il s'agit de documents confidentiels etprivés.

Alors, M. le Président, j 'ai donné mesraisons pour lesquelles nous refusons deproduire plans et estimations parce qu'unplan, après tout, est tout de même uneopinion d'ingénieur.

M. Allard: Est-ce qu'il y a des plans depréparés?

M. Lesage: M. le Président, qu'onveuille donc lire la réponse à 13, avant deposer des questions.

M. Johnson: M. le Président, elle vientd'être déposée, nous n'en avons pas decopie...

M. Lesage: Qu'on la lise avant de poserdes questions supplémentaires.

M. Johnson: On n'a pas, M. le Présidentla prescience du premier ministre.

Une voix: Prochaine séance.

Une voix: Cela ne presse toujours paspour cet après-midi.

M. Johnson: M. le Président...

Des voix: Les chômeurs;

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: La question, M. lePrésident, qui a été déposée sous le no 13,se l i t comme suit: "Le gouvernement de laprovince a-t- i l pris les précautionsnécessaires pour la protection de lapopulation de la vallée de la Chaudière, à

l'occasion du dégel printanier?''

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

Une voix: Les chômeurs attendent!

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Johnson: M. le Président, jecontinue... réponse par M. Lesage: "Lesautorités du ministère des Richessesnaturelles...

M. Lesage: Est-ce bien dans l'ordre dediscuter et de poser des questions sur uneréponse donnée? Est-ce qu'on ne ferait pasmieux de la lire? J'ai dit, M. le Président,et...

M. Johnson: C'est ça que je suis àfaire...

M. Lesage: M. le Président, j 'a i dit queje ne pouvais pas...

M. Johnson: M. le Président, c'est moiqui ai la parole, il n'y a pas un point d'ordrede soulevé.

M. Lesage: J'ai soulevé un pointd'ordre.

M. Johnson: M. le Président, vous avezautorité même sur le premier ministre, jevous annonce ça, et tâchez cionc de prouverque vous pouvez l'exercer, M. le Président.

M. le Président: A i'ordre, à l'ordre!

M. Lesage: M. le Président, je tiens àremercier, par votre entremise, ces messieursqui m'applaudissent, et je voudrais biensouligner au chef de l'Opposition que, quandil soulève un point d'ordre, j 'a i la décencede m'asseoir. Décence qu'il n'a pas lui-même. M. le Président, je soulève un pointd'ordre. Sur la motion telle que présentée,j 'a i refusé la production des documents; jecomprends qu'un tel refus ne doit pasentraîner de débat. Si l'Opposition n'est passatisfaite, le recours, c'est l'appel.

M. Johnson: M. le Président, un peuplus loin, parlant sur le point d'ordre, lepremier ministre a dit: "Qu'on lise donc laréponse avant de poser des questions." Jesuis en train de la lire et le premierministre soulève un point d'ordre; la réponsen'est pas du tout appropriée, la réponse nedonne pas du tout satisfaction, quant a laquestion qui est contenue dans la motionpour production de documents. M. lePrésident, les autorités du ministère desRichesses naturelles voient à ce que lesdispositions soient prises en vue d'assurer laprotection de la population de cette région à

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l'occasion du dégel. C'était la réponse à laquestion portant le no 13, sur le feuilleton;un peu plus loin, le premier ministre, à lasuite de questions que j 'a i posées et deremarques faites par le député de 3e3uce, adit: "Bien, si on avait lu les réponses, on neposerait pas ces questions." M. le Président,il voulait, dans cette Chambre et devanttoute la province, tâcher de démontrer quece n'était pas sérieux ce que nousdemandions par la motion pour production dedocuments. M. le Président, c'estéminemment sérieux, il s'agit du sort desgens de la Beauce et cela a été promis parle premier ministre et par le ministre desRichesses naturelles. Ils n'ont qu'à répondresi, oui ou non, ils ont des plans préparés. Cen'est pas long, ça, M. le Président, et undéputé a le droit de demander ça pour sesélecteurs; il a le droit de savoir si legouvernement est en train de préparer desplans, oui ou non. Ce n'est pas excessif, cen'est pas une demande exorbitante qu'on faitau premier ministre. S'il ne peut pasrépondre, qu'il nous le dise...

M. Lesage: Qu'on pose la question aufeuilleton. On n'a pas oosé cette question-làau feuilleton.

M. Johnson: M. le Président, on laposera au feuilleton.

M. le Président: Alors, la motion 23,est-ce qu'elle sera adoptée?

M. Johnson: Le premier ministre arefusé de répondre et je n'ai pas le droit decommenter.

M. le Président: À l'ordre, messieurs! Ily a une motion. Le premier ministre aexpliqué les raisons pour lesquelles il n'estpas prêt à accepter la motion. On pourraits'exprimer de vive voix ou que tous ceux quisont en faveur de la motion veuillent bien selever. Est-ce qu'on veut avoir un vote?

M. Johnson: M. le Président, je nepense pas, je regrette. Si vous me lepermettez, l'article 690, paragraphe 2, dit:"Sont réputés privés et confidentiels, à moinsqu'un ministre ne les ait cités, lesestimations et les rapports des ingénieurs."Le premier ministre nous a dit qu'ilinvoquait cet article pour ne pas répondre,pour refuser de produire les documents qui,si la motion soumise par le député deBeauce était acceptée, devraient êtreproduits comme suite d'un ordre de laChambre.

M. le Président, du moment que lepremier ministre invoque cet article, jeconsidère qu'il est de mon devoir toutsimplement de ne pas insister pour un vote,ni autrement marquer ma désapprobation,

sauf que j 'ai tenté de demander au premierministre de produire les plans ou bien denous donner des réponses verbales. Il aterminé en nous disant: "Posez une questionau feuilleton", c'est ce que le député deBeauce fera, j'en suis certain.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Lesage: No 10. C'est une questionde M. Dozois. Je fais motion pour que laquestion soit transformée en motion pourproduction de documents. Le ministre desAffaires municipales a en main ladocumentation qui est très volumineuse.Alors, adopté7 Documents déposés par leministre des Affaires municipales.

No là.

Motion principale et motiond'amendement sur le chômage

M. Daniel Johnson

M. Johnson: M. le Président, enfin, leprince nous permet de nous occuper deschômeurs!

M. Lesage: Monsieur, je dois souleverun point d'ordre. Cet après-midi, s'il est 4heures et si ce n'est qu'à 4 heures que nouspouvons discuter de la motion du député deChamplain, l'Opposition doit porter l'entièreresponsabilité du retard.

M. Gabias: Il se pense le prince!

M. Lesage: Je ne me pense pas leprince, mais je connais le chef del'Opposition, et pas besoin d'être bien fin,surtout pour rire d'une façon aussi niaiseuseque le député de Trois-Rivières.

M. Gabias: M. le Président, pour unefois que j 'ai essayé, que j 'a i voulu éviter...Le premier ministre, vous voyez ce qu'ilpense de lui, M. le Président.

Des voix: Les chômeurs, les chômeurs,le chômage!

M. le Président: A l'ordre, messieurs!

M. Johnson: Enfin, à 4 heures moinsdeux minutes, aujourd'hui, ce 6 mars, onnous permet de discuter une motion. Lepremier ministre a été très prompt à nousreprocher ce qu'il appelle, lui, un retard, de2 heures et demie jusqu'à 4 heures, soit uneheure et demie. Il est prêt à nous faire ungrief d'avoir voulu, d'avoir tenté, dis-je,d'utiliser notre droit de parole dans cetteChambre et de faire notre devoir. Alors lepremier ministre doit porter toute laresponsabilité, non pas d'un retard d'uneheure et demie, mais d'un retard qui dure

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depuis le 30 janvier, c'est-à-dire d'un retardd'au-delà d'un mois, de pratiquement sixsemaines. M. le Président, après sixsemaines, nous en venons enfin à cettemotion, qui a été inscrite à l'ordre du jourpar le député de Champlain, qui a fait unemotion, vous vous en souviendrez, convoquantun comité spécial de la Chambre pourpermettre aux représentants des associationspatronales et ouvrières, des organismes depromotion économique et des corporationsmunicipales de la province, de faireconnaître leurs suggestions en vue d'apporterdes remèdes immédiats au problème duchômage.

Après un excellent discours du députéde Champlain, proposeur de la motion, nousavons entendu deux longs discours, l'un parle ministre du Travail et l'autre, par leministre de la Jeunesse; et, lorsque j 'aientamé le mien, lorsque j 'a i voulu discuterdu problème fondamental, vous pourrez vousen rendre compte en vous référant à latranscription des débats, vous m'avezdemandé à ce moment-là si je voulaisdiscuter sur le fond de la motion, puisque leministre de la Jeunesse avait conclu par unamendement. Or, à ce moment-là, nous avonsaccepté l'amendement et, au lieu d'uncomité spécial, si la motion est votée, lespersonnes intéressées, les associationspatronales, les associations ouvrières, lesorganismes de promotion économique et lescorporations municipales se feront entendre,non pas devant un comité spécial, maisdevant le comité des relations industrielles,afin toujours, M. le Président, de faireconnaître leurs suggestions en vue d'apporterles remèdes immédiats au problème duchômage. Même si la motion conclut à larecherche de remèdes immédiats au problèmedu chômage, le ministre du Travail et leministre de la Jeunesse ne se sont pointgênés pour se lancer dans de grandesdémonstrations relativement à des remèdes àlongue portée. Il vous souviendra, M. lePrésident, que le ministre du travail, parexemple, a parlé, lui, de mesures à courtterme et de mesures à long terme. Dans lesmesures à court terme, il a mentionné lestravaux d'hiver, la prolongation de lascolarité obligatoire et les emprunts pourexécuter des travaux permanents; quant auxmesures à long terme, il les a classées souscinq en-têtes:

1) Éducation; 2) création d'un conseild'orientation économique; 3) maisons duQuébec à Paris et à Londres; 4) créationd'une Société générale de financement; 5)nationalisation du secteur privé del 'électr ici té.

M. le Président, à ce moment-là, nousaurions été préparés à voter la motion etnous nous en serions tenus à quelquesremarques seulement, mais le ministre de laJeunesse, lui, s'est levé et a recommencé, a

repris la plupart des arguments du ministredu Travail. Il a parlé aussi de mesures àlong terme et de mesures à court terme. Ila parlé par exemple:

1) de la fréquentation scolaireobligatoire; 2) des cours spéciaux auxchômeurs; 3) de réadaptation à d'autresmétiers des ouvriers déplacés parl'automatisation ou l'automation, encollaboration avec l'industrie parl'instauration de cours spéciaux; 4) de laperspective d'un plan d'ensemble,participation au plan conjoint fédéral-provincial, le développement del'enseignement technique; 5) du comitéd'étude sur l'enseignement technique etprofessionnel.

M. le Président, j 'a i touché à la plupartde ces points et je n'ai pas l'intention d'yrevenir. Je voudrais cependant, après avoirmis les choses au point, quant auxstatistiques, répondre au ministre du Travailet un peu au ministre de la Jeunesse surl'une des méthodes suggérées pour aider lechômage, l'un des moyens à long terme,celui de la planification ou des activités duConseil d'orientation économique.

D'abord, M. le Président, desstatistiques. Depuis le 30 janvier, nous avonsmaintenant de nouvelles statistiques qui, aulieu de nous donner un motif d'espoir et denous porter à retirer cette motion, nousencouragent et nous incitent à parlerdavantage et avec beaucoup plus, disons, dechaleur, et beaucoup plus d'actualité, de ceproblème crucial qu'est le chômage. Eneffet, on pouvait lire dans tous les journaux,le 14 février, les statistiques les plusrécentes, celles qui sont arrêtées par leBureau fédéral de la statistique au 19 dumois précédent, c'est-à-dire au 19 janvier.Seul le Québec, disait le Devoir, connaît untaux de chômage plus élevé qu'en 1962. LeQuébec est la seule province où l'on compteun taux de chômage plus élevé que l'andernier à la même date. Quand le taux duchômage s'élève à 8.3 pour le Canadacomparativement à 8.5 pour l'année dernière,soit deux dixièmes pour cent de diminution,les taux de chômage sont les suivants pourles régions du Canada: Québec, 10.5 en 1963comparé à 10 en 1962, donc augmentationd'un demi pour cent entre janvier 1962 etjanvier 1963; Atlantique, 14.8 en 1963comparativement à 14.7 en 1962, doncaugmentation, mais seulement de un dixièmepour cent dans les provinces de l'Atlantique;Ontario, 5.5 en 1963 comparé à 6.3 en 1962,donc une diminution de huit dixièmes ou dequatre cinquièmes pour cent entre 1962 et1963 aux mêmes dates; provinces des Prairies6.6 en 1963 comparativement à 6.8 en 1962,diminution encore; Pacifique 9.8 en 1963comparativement à 10.1 en 1962, doncdiminution. Sauf pour la région del'Atlantique, qui comptait un chômage de

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14.7 et qui a maintenant, en 1963, un anaprès, 14.8, sauf pour ces provinces, c'est laprovince de Québec qui a le championnat nonseulement du chômage, mais del'augmentation du chômage; et elle a ledouteux honneur d'être, avec les provinces del'Atlantique, la seule à connaître uneaugmentation du nombre des chômeurs ou dela proportion des chômeurs entre 1962 et1963. La région de l'Atlantique comptait, le19 janvier, 63,880 chômeurs, soit 4,000 deplus que l'an dernier. Le Québec comptait192,000 chômeurs, soit 13,000 de plus quel'an dernier. L'Ontario comptait 130,000chômeurs, soit 19,000 de moins que l'annéedernière; les Prairies, 73,000 chômeurs, soit2,000 de moins que l'an dernier, et lePacifique, 58,000 chômeurs, soit exactementle même nombre que celui de l'an dernier.

Pour le Canada tout entier, il y avait541,000 chômeurs, le 19 janvier 1963,comparé à 545,000 le 13 février 1962. Parailleurs, dans le secteur de l'emploi, c'est-à-dire les personnes ayant un emploi, il y enavait 92,000 de plus au travail au Canada, le18 janvier 1962. Pour les diverses régions dupays, voici les chiffres: Québec, une haussede 25,000 travailleurs occupant un emploi;l'Ontario, 36,000 travailleurs de plusoccupaient un emploi; Atlantique, 20,000;Prairies, 4,000 de moins; et 15,000travailleurs de plus occupaient un emploidans la région du Pacifique. Il découle donc,dit le correspondant du journal Le Devoir,que si, dans l'ensemble, plus de Canadiensque l'an dernier se trouvent du travail aupays et dans la province de Québec, lenombre des chômeurs ne cesse parallèlementd'augmenter dans cette province, ce quiimplique une insuffisance de l'expansionéconomique pour fournir du travail auxnouveaux venus sur le marché du travail.Pour l'ensemble du pays, il y a eu uneaugmentation de 88,000 dans l'objectif de lamain-d'oeuvre, tandis que le chiffre del'emploi a été de 92,000 de plus que l'andernier, ce qui indique une croissance à peuprès égale à celle de l'augmentation de lamain-d'oeuvre. Sur le total des chômeurs,468,000 étaient des hommes, et 73,000 desfemmes; environ 416,000 se trouvaient enchômage depuis trois mois ou moins, 71,000se cherchaient du travail depuis quatre à sixmois et 54,000 depuis plus de six mois.

M. le Président, la seule lecture de ceschiffres constitue un triste portrait de lasituation et démontre clairement, M. lePrésident, que la situation, au lieu des'améliorer, se détériore dans la province deQuébec. M. le Président, quand, dans lesautres provinces, la situation s'améliore. Ondira que c'est un triste héritage, M. lePrésident. J'aurai l'occasion tantôtd'expliquer les origines de cette situation etje pense que le ministre de la Jeunesses'entendra avec moi pour blâmer très

sévèrement son chef et sa politique, lorsqu'ilétait à Ottawa. M. le Président, je voudraisici non pas déprécier mon pays, ni maprovince, mais fournir des chiffres qui nouspermettent d'envisager, bien en face, unesituation qu'on ne peut pas tolérer pendantbien longtemps encore.

Il y a du chômage au Canada, vousl'avez vu tantôt; il y a plus de chômagedans le Québec que de raison, je vous l'aidémontré en lisant les dernières statistiques.M. le Président, il y a aussi plus de chômageau Canada et au Québec que dans plusieurspays du monde et j 'a i pris la peine de fairepréparer un tableau qui en dit long sur ledegré relatif du chômage entre les diverspays. Je ne voudrais pas, M. le Président,vous imposer la lecture de tous ces chiffres;je vais me contenter de vous référer à untableau, dont je donnerai une copie augreffier et le greffier en disposera commed'un document de la session. Qu'il me suffisede faire remarquer, tout simplement, qu'à ladate de septembre 1962, un mois donc oùl'emploi est censé être à son plus hautniveau, il y avait dans la seule province deQuébec, qui compte une population de5,430,000 âmes, 97,000 chômeurs alors que,dans un pays qui en compte 55,000,000, dixfois plus de monde, il y avait, pour la mêmepériode, seulement 83,000 chômeurs, soit14,000 chômeurs de moins. Pour l'Allemagnede l'Ouest, pays qui compte 55,000,000 depopulation, j'arrondis les chiffres, il y avait14,000 chômeurs de moins que dans laprovince de Québec, qui ne compte que5,500,000 en arrondissant les chiffres. EnFrance, M. le Président, à la même date, ily avait à peine quelques milliers dechômeurs de plus pour toute la France, quicompte 45,000,000 de population, que pour laprovince de Québec et il n'y en avait pas lamoitié de ce que nous avions au Canada.

M. le Président, je pourrais vous donnerdes chiffres ici sur les États-Unis, le Japon,l'Italie, le Royaume-Uni et je crois qu'il mesuffira de n'en piger que quelques-uns auhasard, quelques-uns qui sont assezsignificatifs. Par exemple, en septembre1962, alors que le taux de chômage était de3.9 pour le Canada en général, dans laprovince de Québec, le taux des chômeurs,par rapport à la main-d'oeuvre, était de 3.1.Aux États-Unis, il était de... Dans laprovince de Québec, je vous demande pardon,c'est l'Ontario que je donnais, c'est 5.3.L'Ontario était à 3.1, en bas de la moyennepour le pays, alors que le Québec était debeaucoup en haut de la moyenne pour leCanada. Aux États-Unis, 4.9, Québec 5.3, ons'en souvient. Japon, 0.7; Ital ie, 2.2, Québec5.3. Allemagne de l'Ouest, 0.4, Québec 5.3et Royaume-Uni, 2.1, Québec, 5.3, tout letemps. M. le Président, on voit que cettesituation n'est pas du tout rose. Je saisqu'on pourra me répondre qu'il y a diverses

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manières de calculer le chômage et j 'a i prissoin de faire noter, en bas, les référencesexactes où ces chiffres ont été puisés, ainsique certaines annotations qui constituent unemise en garde pour ceux qui voudraientutiliser ces chiffres, c'est-à-dire que, pourcertains pays, la comparaison n'est pas toutà fai t sur la même base qu'au Canada ouaux États-Unis, par exemple.

M. Pinard: Est-ce que je pourrais poserune question?

M. Johnson: Oui.

M. Pinard: Quelle est la constante dutaux de chômage au Québec, par exemple? Àpartir d'une année donnée, disons 1950 àaujourd'hui, par exemple?

M. Johnson: M. le Président, quelle estla constante? Je vois venir le ministre.Évidemment, comme je savais que le premierministre ou un autre membre de la droitenous donnerait ces chiffres-là, je ne les aipas apportés, mais je les connais. La relationentre la main-d'oeuvre et le chômage de laprovince de Québec et le reste du Canadan'a jamais été un record pour la province deQuébec.

M. le Président, nous n'avons jamaisété fiers de cette situation, mais, en 1960,par exemple, il s'est levé, dans cetteprovince, un chef politique et toute uneéquipe du tonnerre qui ont dit à lapopulation: 1) que le chômage était uneresponsabilité provinciale; 2) qu'il y avaitmoyen de régler ce problème et 3) qu'onavait tout près des moyens adéquats pourrégler, non pas dans une génération, non pasau bout de 30 ans, mais tout de suite, ceproblème du chômage et c'est précisémentce que je vais établir. C'est que cettedémonstration faite dans le temps par leParti libéral, par le ministre entre autres quiparle, par le programme, par les annoncesdans les journaux, constitue la plus grandeopération de déception qu'on ait jamais faite.Et je voudrais à ce chapitre dire à mesamis, à mes honorables amis d'en face que,dans cette question du chômage, leurpolitique a été non seulement un reniementde ce qu'ils avaient promis, mais une fai l l i temonumentale, si on regarde les moyensimmédiats de garantie.

M. le Président, j'aurais le temps, maisje n'en abuserai pas. Le règlement mepermet de prendre plus de temps que lesautres, mais je ne voudrais pas me prévaloirde ce privilège. Et je voudrais raccourcir leplus possible les remarques que j 'a i à faire,des remarques extrêmement sérieuses, pourrépondre au ministre de la Jeunesse et auministre du Travail, qui ont parlé du Conseild'orientation économique.

M. le Président, le Conseil d'orientation

économique aidera-t-il à résoudre leproblème du chômage? Je l'espère. Nousavons voté pour cette mesure, nous avonsinsisté dans cette Chambre pour qu'on metteplus d'argent à la disposition du Conseild'orientation économique et nous insisterons,lors de l'étude des prochaines estimationsbudgétaires, pour que le Conseil d'orientationéconomique ait les fonds nécessaires pours'équiper complètement en matériel et enhommes pour tâcher d'en arriver à un plan,et à un plan complet, qui nous permettra derégler le problème du chômage, au moins àlong terme.

Mais, en attendant, il est importantd'examiner quelles sont les causes etd'indiquer, je le crois, au Conseild'orientation économique quelle serait lamanière de régler d'une façon définitive ceproblème ou, au moins, de mettre entre lesmains du gouvernement les instruments quisont absolument essentiels à la solution dece problème.

M. le Président, il en est du chômagecomme de tous nos autres problèmeséconomiques, sociaux et culturels, c'est-à-dire que, dans l'état actuel des relationsfédérales-provinciales, nous ne pouvons yapporter que des remèdes partiels. Et, pourle régler dans toute sa dimension, il faudraitcommencer par briser l'impasseconstitutionnelle. Le chômage a toujours étél'un de ces ballons qu'on se renvoieinlassablement, d'Ottawa à Québec et deQuébec à Ottawa. Comment pourrait-i l enêtre autrement, les responsabilités à ce sujetétant partagées et imprécises? Surtout quandil s'agit d'un problème épineux comme celui-là! Les responsabilités mal définies sont decelles que personne ne s'empresse d'assumer.Chacun est trop porté à passer le fardeau auvoisin; quand il y a trop de responsables,personne n'est responsable. Impossible, donc,de régler véritablement le problème duchômage si une seule et même autorité neprend pas l ' init iative de la planification danstous les domaines. Une planification partiellene suffirait pas. Il faut une planificationglobale.

Je ne veux pas signifier, par là, uneplanification étatique, M. le Président, uneplanification coercitive ou total i taire. Jecrois, au contraire, qu'une planificationvraiment démocratique, conçue et appliquéeen étroite collaboration avec tous les agentsde l'économie, sera beaucoup plus efficace,tout en respectant les libertés essentiellesdes personnes et des groupes sociaux. Mais ilfaut une autorité unique, et qui accepterésolument la tâche de présider àl'élaboration et à l'exécution des plansdirecteurs; sans quoi le jeu de ballon sepoursuivra indéfiniment avec toutes lesdéceptions et les frustrations qui en sont laconséquence.

L'Union Nationale estime, M. le

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Président, qu'en ce qui nous concerne cetteautorité ne peut être que l'État du Québec.Puisque nous formons une nation, c'est ànous qu'il appartient de choisir et de mettreen place tous les cadres nécessaires à notreépanouissement collectif. Nous ne pouvonspas abandonner à d'autres la direction denotre vie nationale. Et c'est exactement ceque préconise le programme du parti del'Union Nationale: dresser dans tous lesdomaines les plans directeurs qui permettrontà la communauté québécoise de s'épanouirpleinement suivant ses aspirations propres etprendre l ' init iative des solutions, quitte àexiger et à obtenir le concours d'Ottawadans la mesure où il est nécessaire à laréalisation de ses plans.

M. le Président, l'instrument essentiel,la clé de cette planification, c'est lafiscalité. C'est elle qui pourrait nouspermettre, non seulement de proportionnernos revenus à nos besoins, mais aussid'accorder notre vie économique à nosimpératifs nationaux. Cette clé estprésentement entre les mains d'Ottawa, qui,en plus d'avoir l'exclusivité de la taxationindirecte, contrôle l'usage de 80% de nosimpositions directes, dans le domaine del'impôt sur le revenu des particuliers et ledomaine des taxes sur le profit descorporations.

Il est vain de prétendre que nouspourrions assumer la direction de notre vieéconomique et appliquer une politique deplein emploi avec seulement 20% de l'uniquechamp fiscal qui nous soit accessible, celuide l'impôt direct. C'est parce qu'Ottawas'est emparé de la clé qu'il est en train demouler à sa guise nos institutions sociales etéconomiques; l'invasion fiscale lui a servi detremplin pour entreprendre l'invasion del'enseignement, du bien-être social et desrichesses naturelles.

Dans l'application que l'on faitaujourd'hui d'une constitution galvaudée, il ya donc quelque chose de plus grave encorequ'un partage mal défini des responsabilités;il y a que les pouvoirs fiscaux de l 'Étatprovincial ne sont plus taillés à la mesure denos besoins propres et, au lieu d'agrandir unavenir devenu trop petit, on s'applique àréduire la compétence provinciale. S'il y aquelqu'un qui en a souffert récemment, si onen juge par les cris tardifs d'autonomismequ'il fa i t entendre, c'est bien le ministre dela Jeunesse, qui s'est vu refuser, aprèsl'avoir demandé à genoux à Ottawa,l'extension de l'application de cette loi enfaveur de l'aide aux provinces pour ledéveloppement de l'enseignement technique.

M. le Président, la liberté fiscale est lacondition première a toutes les autreslibertés. Aux État-Unis, c'est par larésistance fiscale qu'a débuté la lutte pourla souveraineté nationale. La guerre del'indépendance, on s'en souvient, a commencé

par le refus de payer une taxe, une taxe surle thé. Comment, dans l'état actuel deschoses, pourrions-nous donc organiser notreéconomie de façon à mettre fin au chômage?Ce n'est pas nous qui pourrions accorder desdéqrèvements valables aux industries pour lesencourager à s'établir dans les régions sous-développées, puisqu'elles sont taxées cinq foisplus lourdement par Ottawa que par leQuébec.

M. le Président, s'il y en a un de cetemps-ci qui doit comprendre exactement laportée de ce que je viens d'affirmer, c'estbien le ministre de l'Industrie et duCommerce qui aimerait, lui , être en mesured'offrir des abattements d'impôt, parexemple, pour une période déterminée, àcertaines usines de compagnies étrangères quisongent à venir s'établir dans notre province.Le contrôle du pouvoir de taxation sur lesprofits des compagnies, c'est l'un deséléments qui permettraient au ministre del'Industrie et du Commerce, dont je connaisles bonnes intentions, de tirer très fort etavec succès pour l'établissement, disons,d'une usine de voitures françaises ou autresdans la province de Québec; même si çaallait dans le comté de Bonaventure, monDieu, ce serait dans la province de Québec.On sait que le ministre tire fort sur lacouverte pour son comté, mais tout demême, c'est dans la province. M. lePrésident, comment pouvons-nous planifier aupoint de vue du développement industriel etau point de vue de la décentralisation, sinous n'avons pas cette clé essentielle,tellement plus importante que n'importequelle autre clé dans le trousseau, M. lePrésident, cette clé de la fiscalité? Demême, tout ce que nous pourrions tenter enmatière d'impôt sur le revenu pour inciterles épargnants à investir davantage dansl'industrie laisserait intact un impôt fédéralsix fois plus onéreux que le nôtre. Bien plus,quand une municipalité consent des avantagesà une industrie qu'elle veut att irer chez elle,c'est encore Ottawa qui en bénéficie le plus,par le truchement de son impôt sur lescorporations.

Je ne veux pas entrer dans les détailset allonger inutilement les délibérations surcette motion, mais chacun peut sereprésenter la situation quand unemunicipalité, avec la bénédiction de laLégislature, accordait un abattement d'impôtmunicipal, par exemple, et que la compagniese trouvait ainsi à épargner, disons, unchiffre théorique de vingt mille dollars parannée; eh bien, c'est vingt mille dollars quideviennent taxables entre les mainsd'Ottawa, au rythme de vingt mille dollarsadditionnels, au taux de 52%, moins les 12%qui vont au provincial, c'est-à-dire 40%. Pourchaque tranche de ving mille dollars deréduction de taxes municipales qu'on accordeà une industrie, Otawa vient en chercher

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huit mil le, quand il s'agit d'une industrie quiest assez prospère pour payer de l'impôt surle profits et c'est ce genre d'industrie quenous souhaitons avoir dans la province deQuébec, le plus possible, du moins.

M. le Président, tout ce que nousfaisons dans le Québec pour encourager ledéveloppement économique profite donc àOttawa d'abord. C'est nous qui possédons lesrichesses naturelles, c'est nous qui lesrendons productives par des constructions deroutes et autres investissements productifs,c'est nous qui devons investir toutes lessommes nécessaires à l'organisation desservices de toutes sortes et, quand nousavons fait 100% des dépenses, c'est Ottawaqui prend 80% du revenu fiscal.

Si nous pouvions utiliser l'impôt directdans toute la mesure de nos besoins, suivantl'esprit qui animait originairement le pactefédératif, il nous serait facile de mettre enbranle, sans pressurer les contribuables, unvaste programme de travaux publics; mais lesaccaparements d'Ottawa ne nous laissent quedeux moyens d'augmenter les revenus:imposer de nouvelles taxes à descontribuables déjà surtaxés et décourager parl 'effet même l'esprit d'initiative ouquémander des subsides fédéraux enacceptant des normes qu'on nous impose eten devenant progressivement une provincecomme les autres. M. le Président, il fautplus qu'une enquête sur le biculturalismepour sortir de cet étau dont les deuxmâchoires se referment inéluctablementdepuis juin 1960, par la hausse de taxes etla multiplication des programmes conjoints. Ilnous faut une constitut ion. nouvelle, adaptéeaux besoins d'aujourd'hui et de demain.

Impossible de bâtir un Québec fort tantque nous ne serons pas maîtres de nossources de revenus. C'est un minimum.Aucune autorité ne peut se dire souverainetant qu'un autre gouvernement tient lescordons de la bourse. Exposer nos besoins etquémander des subventions, c'est agir enmendiant, non pas en souverain, comme nousavons eu un exemple récemment par laconduite du ministre de la Jeunesse.

Jamais nous ne serons vraiment maîtreschez nous tant qu'une constitution claire nenous aura pas donné la maîtrise de nossources de revenus. Ottawa possédantl'exclusivité de la taxation indirecte, Québecdevrait percevoir la total i té des impôts surle revenu, les corporations et les successions,quitte à accorder au besoin des subsides aupouvoir central. Bref, pas de règlementpossible du problème du chômage sansplanification économique. Pas de planificationvéritable sans liberté fiscale, et pas deliberté fiscale sans une constitutioonnouvelle. Il me semble, M. le Président, quec'est là l'élémentaire cadre que la provincedoit se donner pour réellement pouvoirplanifier, pour planifier d'une façon efficace

en ayant en main tous les instrumentsnécessaires.

Je n'ai pas l'intention d'y recourirlonguement, mais j 'a t t i re votre attention surle rapport qu'on a intitulé "Document debase en vue de la planification", rapportdéposé en cette Chambre par le premierministre et dont tous les députés, je crois,ont une copie. Ces plans, ces documents debase en vue de la planification contiennentdes propositions extrêmement intéressantes.Et, quand on les l i t attentivement, ons'aperçoit, ah! mon Dieu, avec quelledélicatesse, ces chers messieurs font unreproche implicite à ceux qui ont permis laconcentration des pouvoirs de planificationentre les mains de l'autorité fédérale et,particulièrement, cette clé nécessaire, cellede la fiscalité.

M. le Président, c'est tellementévident, si ces gens-là étaient ic i , enChambre, on les accuserait de faire de lapolitique. Mais, ces gens-là, qui ne font pasde politique, même s'ils sont trèssympathiques au gouvernement, établissentquand même les bases nécessaires à laplanification efficace et, parmi ces bases, ily a un meilleur contrôle de la f iscalité.

M. le Président, on nous dira que lechômage, ce n'est pas nouveau dans laprovince de Québec, et on aura raison. Onnous dira que c'est un mal qui caractérisenotre économie, en Amérique du Nordparticulièrement, et on aura raison. On diraque ce n'est pas la première fois que Québecn'a pas fait de progrès dans une périodedonnée, on pourra citer des chiffres, onpourra aligner des tableaux, faire desgraphiques, mais tout ça, ça ne règle pas leproblème qui fait l'objet de la présentemotion. Et, quand bien même le premierministre, avec éloquence, voudrait établir ouétablirait devant cette Chambre ce qu'ilconsidère être les causes lointaines duchômage; quand bien même il viendraitprouver qu'il a eu raison de croire auxthéories de M. Lamontagne, le propagateurdu nouveau fédéralisme; quand bien même lepremier ministre viendrait nous dire que lechômage est dû à une erreur qu'il a faitequand il était à Ottawa et qu'il a partagésous la dictée de M. Mackenzie King et deson successeur les théories à la mode, lathéorie Keynéséenne des budgets cycliques;quand bien même le premier ministreviendrait battre sa coulpe devant cetteChambre et s'excuser de nous avoirempêchés de prendre, dans Québec, lespouvoirs de taxation qui avaient été louéspour une période limitée et qu'Ottawa n'apas voulu nous remettre précisément sous leprétexte qu'il fal lait les garder en vue d'uneplanificatin qui abolirait le chômage etdonnerait un plus haut standard de vie àtoute la population; quand bien même lepremier ministre considérerait cete Chambre

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comme sa route de Canossa; quand bienmême il nous implorerait à genoux de luipardonner son passé centralisateur, M. lePrésident, ça ne réglerait encore rien.

Il y a un fait brutal: il existe dans laprovince plus de chômeurs en proportion dela main-d'oeuvre que dans les autresprovinces, sauf l 'Atlantique. Il n'y a pas eude diminution entre janvier 1962 et janvier1963; donc le chômage augmente enproportion, la situation se détériore. Parailleurs, il est vrai que l'on tente de prendrecertains moyens qui, à la longue, je l'espère,et tous les députés de cette Chambrel'espèrent comme moi, apporteront unesolution radicale, une solution de base à ceproblème. Il reste quand même tout près de200,000 chômeurs dans la province deQuébec. Et si j 'étais comme un chef de partiqui a fa i t des images, récemment, assezsaisissantes sur ce problème, je vous dirais,M. le Président, que ça représenteprobablement un total de 600,000 ou 700,000personnes qui sont affectées, si ce n'est pasun mil l ion; et 600,000 personnes, c'est plusque la population totale de la ville deQuébec et des environs, c'est plus que lapopulation totale de l'Ile-du-Prince-Édouardet de la province de Terre-Neuve et de laprovince du Nouveau-Brunswick additionnéesensemble; 600,000 personnes, mais c'est unemasse, c'est un groupe de personneshumaines comme nous, considérable et si,d'un coup sec, par exemple, comme le disaitcet orateur dont on soupçonne le nom, il yavait une ville comme la ville de Québec, ouune province entière, ou deux ou troisprovinces entières comme celles que j 'aimentionnées tantôt, affligées d'un fléau, d'unmanque de revenu pour toute sa population,pour ses 600,000 habitants, tout le reste duCanada s'apprêterait à aller lui porter dessecours d'urgence.

M. le Président, c'est dans cetteoptique que le député de Champlain a fait samotion, non pas une motion pour savoir si,oui ou non, nous sommes responsables dans lepassé du chômage, non pas pour savoir si,oui ou non, le gouvernement actuel estresponsable du chômage, mais pour dire à lapopulation, pour manifester à tous ceux quiveulent s'occuper de ce problème uneintention de la Chambre de les entendre,afin de trouver non pas des remèdes quiauront un effet dans une génération, maisdes remèdes immédiats à une situation quenous considérons urgente et tellementurgente que nous aurions dû l'étudierdavantage, et tellement urgente que, malgréla liasse de documents que j 'a i ic i , je nevoudrais pas allonger mon intervention etprendre plus de temps de cette Chambre.

Puis-je, en terminant, demander aupremier ministre et au gouvernement de nepas retarder davantage? Nous n'avons pastrouvé, le gouvernement actuel n'a pas

trouvé, l'Assemblée législative n'a pas trouvédes remèdes immédiats à cette situation. Lescentrales ouvrières ont-elles des recettes?L'UCC a-t-elle des suggestions constructives?Les associations patronales pourraient-ellesnous éclairer sur des remèdes à adopterimmédiatement? Les corporations municipalesont-elles des suggestions qui nous aideraientà faire cesser la misère, au moins dans uneproportion, de cet immense groupe dechômeurs dans la province de Québec7 Nousle saurons, M. le Président, en réunissant leComité des relations industrielles et enentendant des voix autorisées.

Le problème est tellement importantqu'après avoir établi, comme nous devons lefaire, les plus grandes lignes, oui, je dis bienles grandes lignes du problème, nous devrionsnous hâter d'aller entendre ces experts etvoir s'il ont, eux, une solution à nousapporter, non pas dans 30 ans, mais unesolution qui donnera des effets immédiats etqui soulagera cette partie souffrante denotre population, cette partie qui a besoinqu'on se penche d'une façon tout à faitspéciale, avec un amour spécial et uneattention spéciale sur elle, cette portion denotre population qui est affligée du chômage.

J'aurais pu, M. le Président, entrerdans les détails ou faire des considérationssur ces personnes de 40 ans et plus qui sont,à un moment donné, frappées par le chômageet qui peuvent très diff ici lement se replacerdans une autre occupation. J'aurais pu vousparler, M. le Président, de ces mises à piedhâtives que je considère mauvaises decertains employés à cause du système deretraite et à cause de tout un système assezcomplexe de fonds de retrai te. Pour lemoment, M. le Président, je me contented'adjurer le gouvernement de se hâter deréunir le comité et peut-être que nousentendrons là une suggestion qui pourraitservir de base a une mesure apportant desremèdes immédiats à une situationdéplorable, celle du chômage dans laprovince de Québec.

M. Pierre Laporte

M. Laporte: M. le Président, il estévident que c'est avec angoisse qu'onconstate qu'au Canada, on ne réussit pas àvaincre le problème du chômage. C'est avecangoisse que l'on constate que chaque reprisede l'économie, après une récession, laissedans son sillage un chômage un peu plusélevé. Tout le monde, et ce n'est pas trèsdiff ici le, tout le monde s'inquiète de cetétat de choses; les grandes formationsouvrières, les hommes d'affaires, les hommespolitiques, les économistes, il suff i t , jepense, de rappeler la grande enquête qui aété faite par le Sénat canadien, il n'y a pastellement longtemps, de rappeler le mémoireque la CSN présentait au gouvernement de la

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province de Québec, je pense, en mars de1962; de rappeler la démarche que faisaient,auprès de l'administration provinciale, sixgrands organismes des domaines industriel,agricole, ouvrier et coopératif, également en1962.

Le problème est sérieux, et par lamotion du député de Champlain, il est posédevant l'Assemblée législative. Commentdevons-nous ou pouvons-nous aborder leproblème du chômage? Il y a d'abord unefaçon opportuniste, on peut en faire unballon partisan; quand on est au pouvoir, M.le Président, il faut alors juger qu'il s'agitd'un mal secondaire, il ne faut pas exagérer,il ne faut pas le souligner avec tropd'insistance car, alors, le mot est connu,vous l'avez entendu, M. le Président, caralors on dénigre sa province. On tente alors,quand on est au pouvoir, d'annexer laprospérité qui peut exister dans une province,on tente et on réussit à en faire unargument politique, un argument électoral;mais quand vient la récession, on s'en laveles mains. Mais quand on fait un ballonpartisan du chômage et qu'on retourne dansl'Opposition, alors, M. le Président, le coeurpartisan se met soudainement à saigner. Lemême coeur, d'ailleurs, qui, dans les cabinetsministériels, battait avec sérénité. L'UnionNationale était-elle la seule à avoir agi dela sorte? Probablement pas, M. le Président,mais c'est certainement un classique dugenre.

Je citerais, dans le même ordre d'idéeset dans une autre juridiction, cette espècede politique d'autruche qui ne voit que quandça fai t son affaire, une déclaration de l'ex-ministre du Commerce dans le gouvernementcanadien, qui déclarait, pas plus tard que le29 janvier de cette année: "Pendant ladernière campagne, les partis d'Oppositionont chanté sur tous les tons que notreéconomie était stagnante, rien de plus faux."Écoutez la suite, M. le Président: "Notreéconomie se porte mieux que celle de tousles autres pays du monde." Après ce que lechef de l'Opposition a déclaré sur l'économiede certains pays d'Europe, cette déclarationde M. Hees porte évidemment à réfléchir.

M. Johnson: M. le Président, j'espèreque le ministre m'a bien compris; je ne veuxpas induire la Chambre en erreur. Le tableauque j 'a i donné n'est pas là. Le ministre parlede l'augmentation dans la valeur du produitnational brut; une déclaration de M. Hees surl'augmentation de 9%, ce qui est vrai, c'estun record pour tous les pays de l'Ouest, etmoi je donnais les chiffres des pourcentagesde chômeurs par rapport à la totalité de lamain-d'oeuvre. Ce n'est pas du tout la mêmechose.

M. Laporte: Alors, M. le Président, jene veux en rien du tout laisser supposer que

j 'a i mal interprété les paroles du chef del'Opposition; il est évident qu'il se référait àun problème de chômage ou d'absence dechômage; mais je prétends, pour ma part,que l'économie d'un pays comme la France,l ' Italie ou l'Allemagne est actuellement encroissance extrême, par rapport à desrécessions que l'on constate en Amérique duNord. Je dis, M. le Président, que cettefaçon que peuvent avoir, d'ailleurs, tous lespartis politiques devant un problème commecelui du chômage, de l'aborder avec passionquand il est dans l'Opposition et de l'aborderavec une extrême prudence quand il est aupouvoir, je dis que cette façon de procéderdevrait être définitivement passée de modechez nous, parce que c'est scandaleux qu'unparti politique au pouvoir ne s'intéresse pasdavantage à la classe ouvrière; parce quec'est dangereux si on continue ce jeu debascule, pouvoir-opposition; c'est dangereuxque, du point de vue social, cela nousconduise à des conséquences qu'il est facilede prévoir; et troisièmement, ce jeu, quiconsiste à voir démesurément grand dansl'Opposition et démesurément petit aupouvoir, n'a rien de bon pour l'économied'une province.

M. Johnson: Arrêtez donc de décrire leParti l ibéral.

M. Laporte: M. le Président, quand oncommencera les descriptions des deux partistout à l'heure, on s'en reparlera. M. lePrésident, il y a une façon sérieuse, il y aune façon efficace d'aborder le problème duchômage. Il faut éviter ce que le chef del'Opposition a fai t tout à l'heure, ladémagogie facile des chiffres. On me disait,tout à l'heure, que si on prend l'ensembledes chômeurs des États-Unis, ça représente àpeu près la main-d'oeuvre du Canada. Alors,on imagine quelle catastrophe effroyable, M.le Président, que tout le Canada, d'un coup,soit en chômage. Je prétends que c'est unefaçon démagogique, c'est une façon peuefficace et peu constructive de présenter lesfaits.

M. Johnson: M. le Président, est-ce quele ministre est en train de qualifier mespropos de démagogiques? D'abord, c'estclairement à l'encontre du règlement;deuxièmement, pour l ' information duministre...

M. Laporte: Non, je n'ai pas besoin devos informations. Je vais retirer mon mot"démagogique", mais je n'ai pas besoin devos informations.

M. Johnson: Je faisais tout simplementallusion à des propos de son chef ou du chefde ses amis...

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M. le Vice-Président: À l'ordre:

M. Laporte: M. le Président, d'abord, jeretire le mot "démagogique" pour simplifierla discussion. Deuxièmement, quand le chefde l'Opposition a parlé, il a exprimé des tasde choses avec lesquelles je n'étais pasd'accord. J'ai évité de me lever à chaquefois pour le contredire; alors je luidemanderais d'avoir la même délicatesse. Ilest évident que je vais dire des choses aveclesquelles il n'est pas d'accord; or, sondiscours est terminé. M. le Président, je disque, si l'on veut étudier sérieusement leproblème du chômage, on doit, même etsurtout quand on est au pouvoir, décider dele déceler honnêtement, décider de l'étudiersérieusement, d'accepter sa part deresponsabilité, ce que l'Union Nationale, dansle passé, a toujours refusé de faire vis-à-visdu chômage, et, troisièmement, de trouverles causes du mal, de chercher les remèdeset de les appliquer ensuite avec vigueur.

Le problème du chômage, M. lePrésident, le chef de l'Opposition y a faitallusion tout à l'heure quand il a dit que,dans la province de Québec, l'indice duchômage a toujours été supérieur à lamoyenne du Canada, et c'est vrai; mais l'onremarque actuellement qu'aux États-Unis - lechef de l'Opposition a cité un chiffre - lechômage est un problème qui est devenu deplus en plus grave depuis la f in de la guerrede Corée. C'est un paradoxe troublant,d'ailleurs, de voir la jeune Amérique, qui estmaîtresse du monde, qui aime fréquemmentenfler la voix, de la voir aux prises avec unproblème de chômage qu'elle n'est pas enmesure de régler, alors que la vieille Europe,pour la peau de laquelle on n'aurait pasdonné cher il y a 20 ans, est en traind'importer de la main-d'oeuvre parce qu'il luien faut.

Le chef de l'Opposition a parlé tout àl'heure de l'absence de chômage danscertains pays d'Europe; c'est un fa i t , maisceci demande, évidemment, une explication.C'est clair que le problème de lareconstruction d'après-guerre, qui dure depuis20 ans, il est clair que l'augmentation duniveau de vie dans ces pays d'Europe aamené, d'une part, une reconstructionmajeure des ponts, des routes, des édificespublics, des immeubles particuliers; et,deuxièmement, que l'augmentation du niveaude la vie a amené une consommation debiens beaucoup plus considérable qu'avant, etceci expliqua en bonne partie que l'économiedes pays d'Europe soit si florissanteactuellement. Les États-Unis font face auchômage et les économistes proposent deshypothèses, quant à la cause. Il y aactuellement une saturation du marché; lesmoyens de production sont tellementperfectionnés qu'on atteint actuellement,dans bien des domaines, un niveau de

saturation.Deuxièmement, les coûts de production,

en maints endroits, sont trop élevés, ce quiempêche la libre concurrence des États-Unisavec d'autres producteurs du monde où lescoûts de production sont moins élevés.

Et il reste encore, dans bien desendroits des États-Unis, dans bien descerveaux américains, cette vieille théorie dela magie de l 'offre et de la demande.

Chômage, phénomène américain, devientfatalement chômage, phénomène canadien.Quand les États-Unis sont malades,malheureusement et fatalement, l'économie duCanada l'est parce que ce sont nos voisins etparce que notre économie est captive de laleur.

M. Johnson: M. Pearson ne réglerait pasça, hein?

M. Laporte: il arrive même...

M. Johnson: Est-ce que le ministre mepermet une question0

M. Laporte: Non, non. C'est unequestion qui a une tendance strictementpolitique, je tâche de parler sérieusementd'un problème sérieux.

M. Johnson: ...de nous donner un avisde ça?

M. Laporte: M. le Président, lorsqu'il ya du chômage aux États-Unis, il arrivefatalement que le Canada est frappé plusdurement que les États-Unis car noussommes de plus en plus des vassauxéconomiques de pays étrangers.

En 1900, les pays étrangers etprincipalement les États-Unis avaient investiau Canada $1,232,000,000 et, en 1960,soixante ans plus tard, le mil l iard étaitdevenu $22,200,000,000. Le pourcentage decette colonisation étrangère était le suivantdans trois domaines importants: lesmanufactures, en 1954, ce n'est pas lerégime préhistorique, en 1954, c'était 51%, en1959, c'était devenu 57%; pétrole et gaznaturel, 69% de contrôle étranger en 1954,75% quelques années plus tard, quatre ansplus tard; les mines, 51% de contrôleétranger en 1954, 61% en 1959.

Au cours des 10 dernières années,certains noms, qui paraissaient dans lesjournaux de fin de semaine d'ailleurs,certains noms vont paraître révélateurs. Aucours des 10 dernières années, 51 compagniescanadiennes importantes sont devenuespropriétés d'étrangers; je cite des noms:British American Oil , Canadian Oi l , CanadianCar & Foundry, Canadian Vickers, DominionSteel & Coal, Sorel Industries, England NorthTrust, Miron & Frères, Canadian Marconi,Gearney Products, James Robertson,

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Continental L i fe, St. Lawrence Flower,Dominion L i fe , Halifax Insurance; ExcelsiorLife Insurance, Western Assurance, BritishAmerican Assurance, puis Henry Morgan &Co.

On imagine qu'il y a le nombre...

M. Johnson: Shield Chemical aussi.

M. Laporte: ...de millions, de centainesde millions de dollars que représente cepassage de la propriété canadienne à nepropriété étrangère.

La conclusion est facile à t irer. Nousimportons de l'étranger fréquemment descompagnies dont les nôtres sont lessubsidiaires des biens de consommation quenous pourrions produire au Canada.

Deuxièmement, les compagnies mèressont étrangères, s'opposent fréquemment à ceque nous tentions, avec nos compagniessubsidiaires, de évelopper des marchésd'exportation là où les compagnies mèressont déjà installées.

Et quand il y a récession, M. lePrésident, quand le chômage frappe c'estd'abord, en général, chez les compagniessubsidiaires que l'on congédie des employés.

Il y a certainement, et le chef del'Opposition le soulignait tout à l'heure, descauses du chômage qui nous échappentcomplètement parce qu'elles sontexclusivement du ressort du gouvernementfédéral. La politique monétaire et financièreen est une cause. Mais je n'admets pas quela politique fiscale du gouvernement fédéral,même si nous y sommes opposés sur certainspoints, nous empêche ou nous ait empêchésdans le passé de poser des actes qui auraientpu nous aider à combattre le chômage dansla province de Québec.

M. le Président, chômage aux États-Unis, chômage au Canada, chômage dans laprovince de Québec, et je vaisimmédiatement m'accorder encore une foisavec le chef de l'Opposition, nous avonsconstaté que, lorsqu'il y a chômage auCanada, la province de Québec est plusdurement frappée que les autres provinces.Pas de cachette dans ça. Lorsqu'il y a 100chômeurs en moyenne au Canada, le chef del'Opposition aime les chiffres, l'Ontario en a75 par rapport à la moyenne et, lorsqu'il y aune moyenne de 100 chômeurs au Canada,nous avons une moyenne de 130, dans laprovince de Québec; alors que la moyenneontarienne est de 75.

M. Johnson: Cela a toujours été demême.

M. Laporte: Autre constatation, unepremière raison qui expliquerait ce chômageplus considérable c'est que nous lançons,chaque année, sur le marché du travail unnombre relativement plus élevé de

travailleurs. Mais je n'insiste pas sur cetargument. La raison fondamentale quiexplique que le chômage soit plus grand dansla province de Québec qu'ailleurs, et c'estune constante, c'est la nature del'industrialisation de notre province.

Dans le Québec, le secteur del'industrie primaire est beaucoup plusimportant que celui de l'industrie secondaire.Et lorsqu'il y a ralentissement économique,c'est d'abord le domaine primaire qui souffrele plus. Les économistes que j 'a i consultésexpliquent le phénomène comme ceci: Dansl'industrie secondaire, on accumule desinventaires qui permettent, en période deralentissement, de freiner le secteur duprimaire tout en continuant la productionpendant longtemps. Ils se servent de leursinventaires pour freiner la production auniveau primaire. Le primaire produitmalheureusement, ce qui a été le lot de laprovince de Québec pendant un très grandnombre d'années, le "cheap labour". Et c'estle domaine le plus vulnérable.

Le tableau suivant, M. le Président, queje résume, nous expose par comparaison avecl'Ontario pourquoi nous avons plus dechômage, explication qui se donne par notreprésence dans le primaire et notre semi-absence dans le secondaire. Dans les neufindustries qui ont produit le plus en Ontario,en 1959, dernière année où l'on a desstatistiques, de $256,000,000 de productionpar année jusqu'à $932,000,000 par année, surles neuf principales industries, il y en a huitqui sont dans l'industrie secondaire:manufacturiers de véhicules automobiles,$900,000,000; fonte et affinage, $600,000,000.M. le Président, pour abréger, il y en a huitsur neuf de $266,000,000 jusqu'à près d'unmill iard qui sont dans le domaine del'industrie secondaire; alors que, dans laprovince de Québec, parmi les neuf genresde commerces ou d'industries qui produisentle plus, de $144,000,000 à $647,000,000, nousn'en avons que trois. Fonte et affinage,$647,000,000 dans la province de Québec;$622,000,000 en Ontario. Automobiles,$932,000,000 en Ontario; zéro dans laprovince de Québec. Industrie du fer et del'acier, ça va rappeler des souvenirs aux gensde l'Union Nationale, industrie du fer et del'acier, $595,000,000 par année en 1959, enOntario; et dans la province de Québec, çan'apparaît même pas dans les 16 industriesqui produisent $100,000,000 ou plus parannée.

Nous sommes également, M. lePrésident, présents en grand nombre dansl'industrie tert iaire: le transport, lecommerce, la finance; mais,malheureusement, c'est encore un secteur quiest particulièrement affecté parl'effondrement ou par la dépression dans lesecteur primaire ou dans le secteursecondaire.

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En résumé, la cause fondamentale duchômage dans la province de Québec, c'estque, pendant qu'en Ontario ils fabriquent desautomobiles, ils fabriquent des machinesaratoires, ils fabriquent des produitschimiques, dans la province de Québec nousfabriquons surtout des chemises, des draps etdes produits du coton et des textiles engénéral. M. le Président, notre économie estmoins diversifiée qu'en Ontario et, si nousvoulons réussir à enrayer le chômage dans laprovince de Québec, il est absolumentessentiel que nous fassions ce que noussommes en train de faire, un effort décisifpour amener chez nous de l'industriesecondaire majeure.

Un autre fait, c'est qu'à l'intérieur dela province de Québec le chômage ne frapoepas avec la même vigueur dans tous lessecteurs de notre province. C'est ainsi qu'àMontréal, et je ne sache pas qu'vn membrede l'Opposition l'ait souligné, selon deschiffres de 1959 toujours, le taux dechômage n'est que de 61.2%, marchéexceptionnellement vigoureux. Alorsqu'ailleurs, au Lac-Saint-Jean, par exemple,le chômage est de 131% de la moyenne duCanada et, en Gaspésie, nous arrivons à untaux extrêmement regrettable de 217% de lamoyenne canadienne. On a pu établir de lasorte qu'il y a des régions québécoises quidépassent sensiblement le taux national duchômage, la Gaspésie, la région deMontmagny et Rivière-du-Loup, la Côte-Nordoù, si ce n'était un terme que je ne voudraispas péjoratif, ce sont pratiquement, du pointde vue économique, des régions sous-développées et où il faudra, à l'intérieur d'uneffort que nous devons faire dans toute laprovince de Québec, redoubler d'ardeur grâceà la planification pour sortir ces régionsparticulièrement affectées des problèmesauxquels elles doivent faire faceactuellement. Dans d'autres secteurs,Drummondville et Québec, par exemple, letaux du chômage est approximativement autaux du Canada ou légèrement en bas, alorsqu'ailleurs, comme à Saint-Jean, à Montréal,à Sherbrooke, à Saint-Hyacinthe, le taux duchômage est nettement inférieur à lamoyenne du Canada. Une étude approfondiede ce problème permettrait d'établir que cesfluctuations sont plus ou moins directementreliées à la présence ou à l'absence et à lavigueur de l'industrie secondaire qui est etqui restera le baromètre de la prospéritééconomique dans un pays. On peut dire, enrésumé, que l'économie de la régionmétropolitaine, Montréal, est rattachée àcelle du sud de l'Ontario, par exemple, alorsque le reste de la province ne bénéficiemalheureusement pas de ce voisinage et ensouffre de plus en plus à mesure que nousnous dirigeons vers les provinces maritimes.

Telle est la situation, M. le Président,chômage en Amérique, chômage au Canada,

chômage dans le Québec, chômage plus aigudans certains secteurs de la province deQuébec. Le problème posé et en termes qui.je pense, ne cherchent pas à masquer ou àfarder la vérité, quelle doit être la réactiondes administrateurs devant un tel état dechoses? Nous avons connu une de cesréactions jusqu'au 22 jutn 1960. Elleconsistait, je le disais plus haut, à tenter detirer profit de la prospérité et d'abandonnerà d'autres la responsabilité du chômage. Leschefs de l'Union Nationale ont toujoursdéclaré que le chômage était laresponsabilité du gouvernement fédéral. M.Duplessis l'a dit, à Trois-Rivières, le 4octobre 1939. Vous vous rappelez sans doute,il y a quelques semaines, je me suis rendu àOttawa à la tête d'une délégation, et nousavons dit au gouvernement d'Ottawa: Leproblème du chômage, c'est votre problèmeet c'est vous qui devez voir à laresponsabilité tout entière de sa solution.

En 1959, l'ancien ministre des Affairesmunicipales, M. le député de Saint-Jacques,déclarait lui aussi, au cours d'un débat, quele chômage est une responsabilité dugouvernement fédéral, et le premier ministrede la province de Québec de l'époque, celuiqui est devenu l'ambassadeur du Canada enGrèce, faisait une déclaration analogue le 16mars 1960. Comment vouliez-vous, M. lePrésident..

M. Bellemare: Il y en a d'autresministres libéraux depuis ce temps-là.

M. Laporte: M. le Président, nousverrons tout à l'heure quelle est l'attitude duParti libéral.

M. le Président, comment ungouvernement se serait-il intéressé à réglerun problème que lui-même déclarait ne sasrelever de sa compétence? Devant les prisesde position de l'Union Nationale, déclarantque le chômage est strictement un problèmefédéral, je me demande même comment il sefait qu'un des députés de ce parti nousapporte aujourd'hui, devant l'Assembléelégislative de Québec, une motion pour réglerun problème qui relève du gouvernementfédéral. M. le Président, le chef del'Opposition a, en somme, en beaucoup dephrases, répété la même chose. Le nucléusde son argumentation, le centre de sonargumentation, c'est qu'il est extrêmementdifficile de régler le problème du chômageparce que c'est le gouvernement central,c'est le gouvernement d'Ottawa qui détientles cordons de la bourse. Si nous voulonsrégler le problème du chômage, dit-il, il nousfaut non seulement une conférencebiculturelle, mais il faut une nouvelleconstitution pour régler ça, si j'ai biencompris le point de vue du chef del'Opposition.

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M. Johnson: M. le Président, le ministrea encore mal compris; je n'ai pas dit que,pour aider le chômage, nous avons les droitsfiscaux; j'ai dit que, pour faire uneplanification efficace qui soit une solution àlong terme de ce problème du chômage, ilfaudrait avoir un meilleur contrôle de lafiscalité, puisque d'ailleurs la proposition 8des documents d'orientation économique de laprovince de Québec...

M. Laporte: Alors, je me permettrai deréférer le chef de l'Opposition, non pas àcette partie qu'il vient de citer, mais àcette autre partie de son discours quicommence à peu près comme ceci: "Nonseulement il nous faut une conférence debiculturalisme, mais il nous faut uneconférence sur..." où il déclare que c'est legouvernement central qui, à cause decertaines interventions, et il a longuementinsisté sur "certaines interventions du passé",que c'est le gouvernement central qui détientles cordons de la bourse et que, si nousn'avons pu faire plus dans le passé, comme adit le chef de l'Opposition, commentpourrions-nous accorder des réductionsd'impôt quand c'est le gouvernement fédéralqui les reçoit? Cela, je pense que c'est sathèse.

Je réponds à cela, M. le Président, quec'est clair qu'il existe un problème defiscalité et que c'est un mauvais argumentque de prétendre qu'on ne peut rien fairepour s'excuser de n'avoir rien fait avec cetargument-là pour régler le problème duchômage. Les choses, les institutions et lesorganismes que le gouvernement actuel est àmettre sur pied, justement pour faire cetteplanification que le chef de l'Opposition jugeimpossible à cause de certaines relationsfiscales et fédérales-provinciales, cesorganismes que nous sommes en train decréer, ils auraient pu être faits il y a denombreuses années et probablement dès 1936,lorsque le fondateur de l'Union Nationalepromettait de remplacer le Conseil législatifpar un conseil économique.

M. le Président, cette attitude négativede l'Union Nationale face au chômage, ententant de rapporter tout le problème ducôté d'Ottawa, a non seulement été, pendanttrès longtemps, une façon de ne pas vouloirvoir le problème, mais ce n'est nullementconforme à l'Acte de l'Amérique du Nordbritannique qui dit que nous avons uneresponsabilité, parce que c'est clair que ledomaine du Code civil et que les loissociales sont impliqués et que nous avonsnotre part de responsabilité dans la solutiondu problème du chômage.

Et on voit comme l'Union Nationaletente aujourd'hui de pousser un peu sur lesdéclarations du Parti libéral. Dans le tempsde l'Union Nationale, c'était toute laresponsabilité fédérale et l'on voudrait

aujourd'hui tenter - et ce n'est pas le chefde l'Opposition qui l'a dit - et l'on voudraitaujourd'hui tenter de laisser croire que leParti libéral provincial a déclaré que c'étaitsa seule responsabilité à lui. Ce qu'il adéclaré, c'est, noir sur blanc, dans leprogramme politique de 1960: "Legouvernement provincial doit assumer "ses"responsabilités en matière de chômage". Iln'a jamais été question, ni directement, niindirectement, d'assumer les responsabilitésd'une autre juridiction; et c'était la fin decette fausse théorie voulant que la provincede Québec n'ait aucune responsabilité enprésence d'un problème qui devenait de plusen plus grave.

M. le Président, qu'est-ce qu'a faitensuite le Parti libéral lorsqu'il a pris lepouvoir? Il a d'abord déclaré qu'il avait uneresponsabilité et ensuite il a agi; nous allonsvoir comment. L'attitude qu'il avait, aumoment où il était dans l'Opposition, il nel'a pas modifiée, il continue de déclarerqu'en matière de chômage, le gouvernementde la province de Québec doit prendre sesresponsabilités. Le gouvernement actuelaffirme qu'il y a deux genres de solutions:des solutions immédiates pour donner le plusde travail possible à ceux qui n'en ont pas;et des solutions à brève ou à longueéchéance qui vont permettre, non pas dedonner, du travail dans l'immédiat à ceux quin'en ont pas et de régler le problème duchômage, non pas de conduire au pleinemploi, qui est une utopie complète, mais dedonner du travail au plus grand nombrepossible de gens dans une économie normale.

Pour les solutions immédiates, il yavait les travaux; il y avait cette chose quis'est appelée par exemple... Je sais qued'autres de mes collègues aurontprobablement l'occasion d'exprimer ce queleurs ministères ont fait, mais on mepermettra, M. le Président, au chapitre dessolutions, dans l'immédiat, de souligner ceque le gouvernement actuel et ce que legouvernement précédent ont fait, parexemple, dans le domaine des travauxd'hiver. En 1958-1959, le gouvernementfédéral payait 50% du coût de la main-d'oeuvre pour des travaux d'hiver. On ademandé au gouvernement de l'époque defaire également sa part. Il a répondu non etc'est à l'occasion de ce débat, je pense, quele député de Saint-Jacques a déclaré quec'était une responsabilité fédérale, la solutiondu problème du chômage.

Coût en salaires, en 1958-1959:$2,852,000; montant payé par legouvernement fédéral: $1,426,000; partiepayée par la province de Québec, sousl'Union Nationale: zéro. Et en 1958,seulement 71 municipalités s'étaientprévalues de cette offre du gouvernementfédéral qui était extrêmement moinsintéressante, parce qu'elles devaient payer

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50% de la main-d'oeuvre. 1959-1960, légersgains: 90 municipalités se prévalent del'offre du gouvernement fédéral, qui paie$1,685,739.40, alors que le gouvernement dela province de Québec, dirigé par l'UnionNationale, paie: zéro. 1960-1961, changementde gouvernement.

Immédiatement après la prise dupouvoir, le chef du gouvernement déclaraitque, pour accélérer les travaux d'hiver, lestravaux de chômage, le gouvernementacceptait de payer 40% du coût de la main-d'oeuvre; ce qui veut dire 50% payé par legouvernement fédéral, 40% payé par laprovince de Québec, 90%, et vous allez voirles résultats, M. le Président. 1959-1960, 90municipalités s'étaient prévalues de l'entente.L'année suivante, 639. Payé par legouvernement fédéral: $9,107,000; l'annéeprécédente, payé par le gouvernement del'Union Nationale: zéro; l'année suivante,payé par le gouvernement l ibéral: $7,201,000.1961, 911 municipalités...

M. Bellemare: Un drôle de pall iat i f ,mon cher, endetter les autres pour fairevivre...

M. Laporte: Si le député de Champlainveut poser une question sur ça, je suis prêt.

M. Bellemare: Je vais vous répondre, jevais vous répondre.

M. Laporte: 1961-1962...

Une voix: ...s'endetter pour ça...

M. Laporte: Si le député de Champlainveut poser une question sur ça, je suis prêt.

M. Bellemare: Vous avez endetté lesmunicipalités pour régler le chômage...

M. Laporte: Vous prendrez note deschiffres que je vais donner tantôt, monsieur.

M. Bellemare: ...sur le dos des autres.

M. Laporte: M. le Président, 911municipalités s'en sont prévalues en 1961 et,cette année, au 5 mars, nous sommes rendusà 920 municipalités qui ont bénéficié del'entente fédérale-provinciale. Nous allons,d'après l'estimation de cette année, payer$13,152,920.36, solution dans l' immédiat,pall iatif au problème du chômage. Si l'on sedemande combien de personnes ont ainsiobtenu du travail pour des périodes plus oumoins longues, nous constatons - et, cettefois, je cite un document du ministère duTravail fédéral, province de Québec - onestime qu'en 1963, au 1er mars, 53,000personnes auront obtenu du travail grâce auxtravaux d'hiver financés à coups de millionsde dollars par le gouvernement de la

province de Québec. Ce qui veut dire, M. lePrésident, que, si les travaux d'hivern'existaient pas, nous...

Une voix: ...le gouvernement fédéral...

M. Laporte: ...aurions, dans la provincede Québec, actuellement, 53,000 chômeurs deplus; ça, c'est un pall iat i f . Et lorsque ledéputé de Champlain, M. le Président, ditque nous avons endetté les villes pour tenterde régler le problème du chômage, je l' inviteà prendre note des chiffres que je vais luidonner maintenant.

M. Bellemare: Je vais vous en donner,moi aussi. Je vous en donnerai tout àl'heure.

M. Laporte: Sur 700, M. le Président,sur 729 municipalités rurales...

M. Bernatchez: ... l 'entretien des travauxd'hiver.

M. Johnson: Coupage de branches pourla Voirie.

M. Laporte: Sur 729 municipalitésrurales qui ont accepté l'entente fédérale-provinciale pour les travaux de chômage, 401sur 700, 401 ont soumis des projets quiconsistent uniquement en main-d'oeuvre. Oùest-ce qu'on les a endettées, M. le Président,si ce n'est le petit montant de 10% en haut?Pour 401, ça ne consistait qu'en de la main-d'oeuvre. Et dans les autres cas, M. lePrésident...

M. Johnson: Pour quel montant, pourquel montant?

M. Laporte: Et dans les autres cas, M.le Président, dans les autres cas, 182 citéset villes...

M. Johnson: Pour quel montant, les401?

M. Laporte: Ah! Je n'ai pas les chiffresdevant moi i c i .

M. Johnson: Ah oui!

M. Laporte: Mais oui; le montant dequoi?

M. Johnson: Bien oui, le coupage debranches à Saint-Nazaire pour $800.

M. Laporte: Cela, c'est la façon dontle chef de l'Opposition interprète la façondont les municipalités exploitent les travauxd'hiver.

M. Johnson: M. le Président, je fais

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appel au règlement.C'est drôle, lorsqu'il s'agit de

renseigner complètement la Chambre, leministre n'a pas les chiffres, il n'a que ceuxqui font son affaire.

M. Laporte: Très bien, très bien, etlorsqu'il s'agit de déformer lesrenseignements qu'on donne, le chef del'Opposition n'a pas son pareil.

M. Johnson: M. le Président, à l 'article285 - j'invoque le règlement - en vertu del'article 285, le ministre n'a pas le droit dedire que je déforme; je lui fais toutsimplement un reproche et, deuxièmement, ilcommunique un renseignement que je connais.Les travaux des 401 municipalités neconcernent que du travai l , que de la main-d'oeuvre, M. le Président; le ministre a parléde 401 municipalités.

M. Laporte: Je ne sais pas pourquoi, jene vois pas sur quoi; ce n'est pas un pointde règlement. Si le temps du chef del'Opposition est terminé, d'autres de sesdéputés vont parler, ils pourront merépondre; s'il n'est pas satisfait de ce que jedis, ce n'est pas ma faute.

M. Johnson: On va finir là.

M. Laporte: Ce ne sont pas des pointsde règlement.

M. Johnson: M. le Président, ça paraîtque le ministre, en devenant libéralrécemment, n'a pas changé de méthode. Qu'ilnous donne donc les chiffres, les montantsdes travaux représentés par ces 401municipalités.

M. Laporte: Si vous voulez vous asseoir,on va vous en donner. M. le Président, jesais que 729 municipalités rurales font destravaux pour $19,764,000, dont $8,395,349seront du salaire, de la main-d'oeuvre; et àmême ces 729 municipalités, il y en a 401dont les travaux sont principalement destravaux de fossés et non pas d'ébranchage,comme l'a laissé supposer le chef del'Opposition, des travaux de fossés qu'on faitfaire et des tas de travaux qui ne consistentqu'en main-d'oeuvre. M. le Président, jecomprends l'Opposition de tenter par tous lesmoyens... D'ailleurs, quand ça devientsensible, tout le monde a envie de parler enmême temps de l'autre bord.

M. Johnson: On réagit encore auxfausses représentations.

M. le Président: À l'ordre, messieurs!

M. Laporte: Je comprends, M. lePrésident. Là, c'est moi qui vais demander

au chef de l'Opposition de retirer sesparoles; je n'ai fait aucune faussereprésentation; je cite des chiffres off iciels;c'est off iciel qu'en 1962, on va payer$13,000,000 puis qu'en 1958 et 1959, vousavez payé zéro.

M. Johnson: M. le Président, ce sontdes représentations incomplètes que leministre a faites tantôt et qui peuventfacilement devenir de fausses représentations.

M. Laporte: M. le Président, quand mesmots ont dépassé ma pensée, je les ai retiréssans hésiter. Je demande au chef del'Opposition de faire la même chose. Il n'apas le droit de dire que je fais de faussesreprésentations.

M. Johnson: M. le Président, le ministrea dit : C'est quand ça fait mal que tout lemonde veut parler en môme temps.

M. Laporte: M. le Président, ce n'estpas ça le point de règlement, non.

M. Johnson: C'est quoi le point derèglement?

M. Laporte: S'il voulait, pour une fois,lâcher le patinage de fantaisie puis retirerses paroles qui étaient antiparlementaires.

M. Johnson: M. le Président, vousm'excuserez si, dans mon ardeur pour avoirla vérité, j 'a i été un peu indigné par lespropos du ministre, et je retire les mots"fausses représentations".

Des voix: Très bien, très bien.

M. Laporte: Et quant aux autresmunicipalités, M. le Président, 401municipalités, le travail a consistéuniquement en main-d'oeuvre. Et quant auxautres municipalités, 182 cités et villes et lereste des municipalités rurales, l'onm'informe que 90% des travaux auraient dûêtre exécutés de toute façon, parce qu'ils'agit, dans un très grand nombre de cas, deposer des égouts, des travaux qui de toutefaçon auraient dû être exécutés, et que nonseulement ça n'a pas augmenté les dettes deces municipalités, qui auraient contracté desemprunts de toute façon, mais que ç'a étéune façon très efficace de les aider à payerune partie des dettes qu'elles étaient en voiede contracter.

M. le Président, voilà.

M. Dozois: Le ministre me permettrait-il une question?

M. Laporte: Certainement.

M. Dozois: M. le Président, le ministre

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des Affaires municipales affirme que lessalaires payés pour l'année 1962 sont del'ordre de $13,000,000; je crois que c'est lapartie de la province. Est-ce que le ministrepourrait nous dire à combien s'est élevé lemontant dépensé par les municipalités pourpayer cette main-d'oeuvre de $13,000,000subventionnés par la province?

M. Laporte: 10%.

M. Dozois: Pardon?

M. Laporte: 10%. Le gouvernementfédéral paie 50%, la province de Québec paie40%, et les municipalités, 10%.

M. Dozois: Non, non, la question estcelle-ci. Une municipalité vote un règlementd'emprunt pour exécuter certains travaux etdépense $100,000. Il y a des matériaux àacheter, il y a de la main-d'oeuvre. Je saisque, par les années passées, le ministre l'apublié dans son rapport annuel, certainesannées, les travaux se sont montés à$90,000,000 ou $92,000,000, alors que lessalaires ne représentaient que 22% à 23%des montants dépensés par les municipalités.

M. Johnson: Ah bon! il ne sait pas ça.

M. Dozois: Les travaux ont coûté$80,000,000 ou $90,000,000, je crois, en 1961et les salaires étaient de l'ordre de$20,000,000 ou $23,000,000, un pourcentaged'à peu près 22% ou 23%.

M. Laporte: Deux réponses. D'abord,dans le temps de l'Union Nationale, cen'était pas compliqué, il n'y avait rien, onne se le demandait pas. Deuxièmement, je...

M. Dozois: Il reproche cela aux autres.

M. Bernatchez: Ce n'est pas dupatinage, c'est du "bluffage".

M. Laporte: Deuxièmement, si le députéde Saint-Jacques veut ajourner sa questionjusqu'à l'étude des crédits du ministère desAffaires municipales, j 'aurai des documentscomplets pour chaque municipalité qui existe,je n'ai pas avec moi ce renseignement cetaprès-midi.

M. Johnson: Pourquoi farder la vérité?

M. Laporte: C'est vrai, ça, mais vousessaierez de farder votre zéro, vous autres,de deux années de suite.

M. Johnson: M. le Président, est-ce quele ministre me permet une question9

M. Laporte: Est-ce que c'est un pointde règlement de "fardage"?

M. Johnson: Quand le premier ministreactuel de la province était ministre àOttawa, est-ce que cette loi d'aide auxmunicipalités existait?

M. Laporte: Oui, elle existait.

M. Bellemare: Non, non, non.

M. Lesage: M. le Président, j 'étais àOttawa, j 'étais député, j 'a i voté pour.

M. Johnson: Alors, quand le premierministre était ministre...

M. Lesage: J'étais dans l'Opposition etj 'a i voté pour la loi.

M. Johnson: C'est ça.

Des voix: Quand il était dansl'Opposition, oui.

M. Johnson: En somme, tout ce quevous avez à dire, c'est que M. Diefenbakervous a aidé.

M. Lesage: M. Diefenbaker est un deceux qui ont rendu les plus mauvais servicesà son pays qu'on puisse imaginer.

Des voix: Il ne participe pas à lacampagne électorale.

M. Johnson: Est-ce qu'on va présenterun bill pour déclarer que M. Pearson estaméricain?

M. le Président: À l'ordre, à l'ordre, àl'ordre, messieurs!

M. Laporte: Alors, M. le Président,dans trois ans, $30,000,000 payés par legouvernement fédéral pour aider à pallier leproblème du chômage en hiver. Et il existeégalement, et j 'en disais un mot tout àl'heure, des solutions à long terme, etsurtout celles-là ont été négligées dans lepassé, et sur lesquelles il faut insister.

La première, qu'on le veuille ou non,est l'éducation. En 1959, des statistiques ontétabli que les travailleurs qui n'avaientaucune scolarité gagnaient en moyenne $600par année; ceux qui avaient quelques annéesd'école primaire, $24.00 par année; une écoleprimaire complète, $3200; un peu d'écolesecondaire $3700; l'école secondairecomplète, la moyenne était de $4600. Un peud'université, $4651, et la moyenne desdiplômés d'université gagnait $7468 parannée. Il est évident que nous avonsextrêmement besoin d'éducation afin dedonner à la population de la province deQuébec l'instruction nécessaire dont elle aurabesoin pour s'aider elle-même à se sortir duproblème du chômage.

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Un économiste canadien, M. PeterDrewker, a aff irmé ceci: "Les citoyensinstruits constituent le capital d'une nationépanouie". Quand un économiste parle decapital, il mentionne rarement le savoir.Pourtant, c'est aujourd'hui le seul vraicapital. Nation économiquement pauvre, nousavons besoin, encore plus que d'autresnations, d'hommes et d'éducation.

Le gouvernement actuel a compris queplus nos gens seront instruits, plus nousaurons de chance de lutter contre lechômage. Je n'irai pas jusqu'à dire...

M. Johnson: Est-ce que c'est la citationde l'économiste encore?

M. Laporte: Non, celle-là est terminée.Il ne faudrait pas simplifier outre mesure enfaisant un règle: instruction plus pousséeégale disparition du chômage, mais il estévident, pour toute personne qui étudiemême sommairement le problème, qu'il y aune relation évidente entre instruction ettravail.

Deuxièmement, moyens à long terme.La planification. La planification, c'est unmot qui fait peur. Quand on en parle dansl'Opposition, on l'utilise rapidement et avecune certaine gêne, presque en cachette.

M. Johnson: Quel mot?

M. Laporte: Planification. Le pèreEmile Bouvier écrivait récemment dans"Relations" que c'est encore un mot qui fai ttrembler dans l'Amérique du Nord, qu'onl'accole encore facilement au socialisme. Etpourtant, l ' importante expérience à laquellese référait brièvement le chef del'Opposition, l ' importante expérienceeuropéenne dans ce domaine-là, devrait nousconvaincre que c'est là qu'est la véritablesolution à longue échéance du problème dechômage.

On a publié, récemment, un livre queje trouve extrêmement intéressant, et quis'appelle "La Planification française - quinzeans d'expériences", par Pierre Pauchet, etdans lequel je lis une phrase, dans ledomaine de l'énergie entre autres: "Lapolitique du laisser-faire a cessé. Qu'on s'enréjouisse ou qu'on le déplore, elle a cesséd'être praticable et, en fa i t , d'être pratiquéepar quelque État que ce soit. Gouvernerc'est prévoir, à moyen comme à long termeet même à très long terme, pour traduirecet effort de prévision en programmesconcrets, solidement charpentés."

M. le Président, ne serait-ce que pouren vanter les mérites, et peut-être pourfaire disparaître dans l'opinion publique unecertaine crainte que l'on garde à cause d'unpassé où l'on a toujours tenté de crier, demonter les gens, d'ameuter la populationcontre la planification, me serait-il permis

de résumer brièvement l'expérience françaisedans ce domaine?

M. Johnson: Il a besoin d'être bref, letemps expire.

M. Lesage: Ils nous ont interrompusassez souvent.

M. Laporte: M. le Président, le premiereffort de planification a été commencé en1948 par M. Jean Monnet. C'était pourtenter de rebâtir une France brisée par laguerre. Le Commissariat général du plan aorganisé successivement des plans de quatreans. Le premier, de 1949 à 1952, avait pourobjectif de remettre sur pied l'appareilproductif et de moderniser l'équipement. De1954 à 1957, deuxième plan de quatre ans:on s'est attaqué à améliorer la qualité desproduits, à abaisser les prix de revient, àaméliorer les recherches, à améliorer laqualité de la main-d'oeuvre.

À la f in de cette deuxième période,l'indice de la production, en France, avaitatteint le chiffre de 130 au lieu de 125 quel'on s'était f ixé.

Le troisième plan, de 1958 à 1961,avait pour objectif d'augmenter la productionnationale de 5% par année.

Et le quatrième, qui est actuellementen cours, se terminera en 1965 et il vise àaugmenter la production de 5,5% par année.

Le succès de ce plan français estuniversellement connu et ça nous fournit lapreuve, comme on pourrait l 'avoir en Ital ie,comme on pourrait l'avoir en Hollande,comme on pourrait l'avoir en Belgique, quela planification, c'est une chose qui permetd'organiser l'économie d'un pays d'une façonrationnelle et à longue portée.

Nous avons besoin, dans la province deQuébec, surtout après la permission qu'on adonnée au député de Champlain quand il aproposé sa motion, il devrait être ledernier...

M. Bellemare: Ah non! On va y voir,moi, j 'étais le proposeur, je n'étais pas le"flaseur"!

M. Laporte: M. le Président, nous avonsunanimement, évidemment, je n'ai pas cité65 journaux, je m'en excuse...

M. Bellemare: Ah non! Ça n'a pas desens. Faudrait pas citer tout ce qu'il avaitécrit non plus.

M. Laporte: De toute façon, ne mangezpas mes trois minutes.

Une voix: Surtout dans le chômage.

M. Laporte: M. le Président, legouvernement actuel, et je réponds à ce que

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prétendait tout à l'heure le chef del'Opposition, le gouvernement actuel s'estmis à l'oeuvre comme il l'avait promis, dèsson arrivée au pouvoir. Immédiatement, il acréé le Conseil d'orientation économique, quipourra devenir, pour le Canada, ce que lecommissariat au plan est pour la France. Çafait 17 ans que ça fonctionne en Franceavec des résultats merveilleux aprèsseulement quelques mois. Le chef del'Opposition a en main le premier rapportimportant du Conseil d'orientationéconomique où lui-même aff irmait tout àl'heure qu'il y a des renseignementsextrêmement intéressants pour l'avenir.

Nous avons vu le gouvernement actuelproposer hardiment la nationalisation de onzecompagnies d'électricité, faisant ainsi rentrerdans notre avoir une richesse considérable etproductive. Nous avons vu le gouvernementactuel créer la Société générale definancement. Nous avons vu créer la Sociétégénérale de financement, qui est en marcheet qui pourra, avec un homme decompétence, un Gérard Fil ion, par exemple...

M. Johnson: Non.

M. Laporte: ... nous donner, pour laprovince de Québec, ce que la Sociétégénérale, en Belgique, a fai t de merveilleuxpour ce pays au cours des 150 dernièresannées.

M. Johnson: Les belles illusions;

M. Laporte: Telles sont les bases.Conseil d'orientation économique;nationalisation de certains secteurs, celui del 'électr ici té; Société générale definancement, sociétés mixtes, telles sont lesbases sur lesquelles le gouvernement actuel acommencé, dès son arrivée au pouvoir, àtrouver des solutions à long terme auproblème du chômage dans la province deQuébec.

M. le Président, il faut seulementinsister pour que le gouvernement actuelcontinue son excellente activité et qu'ilreprenne à bouchées doubles le temps qui aété perdu pendant les seize années qui ontprécédé.

Et, je terminerai sur ça, M. lePrésident, la CSN...

M. Johnson: C'est le journalisme...

M. Laporte: ... est venue devant legouvernement de la province de Québec, etle chef de l'Opposition demandait que lesunions ouvrières puissent venir nous dire cequ'elles veulent. Elles ont demandé lacréation d'un petit nombre de pôles puissantsde développement venant compléter l'actionde la région de Montréal; la planification, lacréation d'un organisme de planification

provinciale, nous l'avons M. le Président; lanationalisation de certaines ressourcesimportantes, comme celle de l 'électricité, esten voie de se faire. La création d'organismesmixtes de financement tant au niveaurégional qu'au niveau provincial: nous avonsla Société générale de financement, qui estune société mixte.

Les quatre demandes faites en 1962par la CSN sont maintenant en voie d'êtreou sont réalisées dans la province de Québec.

M. le Président, en 1962 aussi, et c'estmon dernier mot, six organismes, laConfédération des syndicats nationaux, laFédération des travailleurs du Québec,l'Association professionnelle des industriels,l'Union catholique des cultivateurs, le Conseilde la coopération et de la Chambre decommerce du Québec, sont venus voir legouvernement de la province de Québec afinde demander au Conseil d'orientationéconomique de la province de travailler à laplanification économique, non seulement àl'échelle globale, mais aussi à l'échelle desrégions et des secteurs économiques. C'esten voie de se faire, M. le Président. Les sixgrands de l'économie québécoise sont venusnous demander une chose qui est en voie dese faire, la CSN a demandé pour régler àlong terme, la CSN dit: "N'allons pas nousfaire d'illusions, ça ne se réglera pas dans 24heures". Mais poser des jalons pour régler leproblème à longue échéance; c'est en voie dese faire, les quatre choses qu'elles ontdemandées, M. le Président. C'est avecimmensément de confiance que nous irons lesrencontrer devant le comité des relationsindustrielles.

M. Joseph Nadeau

M. Nadeau: M. le Président, je n'ai pasl'intention de prononcer un grand discours,non plus que de prolonger davantage cedébat, parce que, tel qu'on l'a dit et répétéa maintes reprises, les chômeurs sont desgens qui ne vivent pas de discours et debonnes intentions, mais qui vivent d'argentcomme tous les autres éléments de lapopulation.

Aujourd'hui, M. le Président, ce sontdes actes qu'il faut poser afin d'améliorerleur sort. Et, comme représentant de laclasse laborieuse à laquelle je suis fierd'appartenir, il est de mon devoir de dire encette Chambre dans quelle situation setrouve la population de mon comté. Et c'estavec fierté, M. le Président, que je prendspart à ce débat, parce que je crois que lerôle d'un député n'est pas de créer desembêtements au gouvernement, mais tenterde l'éclairer sur les problèmes auxquels lapopulation de son comté doit faire face. Etchez nous, comme ailleurs dans le Québec, lechômage est, je crois, le problème no un,parce que, dépourvu d'industries petites ou

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grandes, ne pouvant vivre avec le revenu dela terre, le cultivateur a dû délaisser celle-cipour grossir nos villages et, dans bien descas, grossir le nombre de chômeurs.

L'on sait aujourd'hui, comme depuisplusieurs années d'ailleurs, qu'une grandepartie de nos travailleurs sont obligés d'allergagner leur subsistance aux États-Uniscomme ouvriers de la forêt, et cela durantune période de cinq à six mois. Par la suite,pour le reste de l'année, ces pères defamille et ces jeunes désireux de se forgerun avenir et de se fonder un foyer sontdevenus des chômeurs. Pourtant, comme vouset moi, ils ont à coeur d'assurer au moins lestrict nécessaire à leur famille. Et pendanttous ces mois d'inactivité, ils ne peuventtoucher les prestations d'assurance-chômage,et c'est là que, souvent, le coeur gros ethumiliés dans leur honneur d'hommes digneset travailleurs, ils doivent se rendre aubureau d'assistance-chômage pour réclamerl'aide nécessaire pour survivre. Je sais, M. lePrésident, que ce problème ne peut se réglerqu'avec des lois bien adaptées qui, à monsens, auront leurs bienfaits pour l'avenir,mais qui, en attendant, laissent actuellementmes concitoyens dans une situationlamentable. Lorsque l'on sait que le revenumoyen par tête au Canada est d'environ$1400, dans mon comté, ce revenu est de$560.

Comme solution immédiate, je crois quec'est le devoir du gouvernement du Québecde demander au gouvernement fédéral deconclure une entente avec les autoritésaméricaines concernées, spécialement l'Étatdu Maine, afin que nos travailleurs quigagnent leur vie outre-frontière puissentbénéficier des prestations d'assurance-chômage. Ceci, M. le Président, aurait pourrésultat immédiat d'alléger considérablementles obligations des bureaux d'assistance-chômage et, en même temps, redonnerait àces travailleurs leur dignité d'homme. Et sile gouvernement fédéral refuse de régler ceproblème, je crois que cela sera le devoir dugouvernement de la province de Québecd'aller rechercher nos droits en matièred'assurance-chômage qui ont été cédés augouvernement fédéral en 1941. Comme il estreconnu...

M. Lesage: Une caisse vide! Pardon,excusez-moi. Excusez-nous.

M. Nadeau: Je n'ai pas parlé de caissed'assurance-chômage.

M. Lesage: Non, j 'ai très bien compris.Je m'excuse d'avoir interrompu le député,c'est son premier discours. Je m'adressaisplutôt à ses collègues, qu'il se sente bien àl'aise.

M. Nadeau: Je comprends, M. le

premier ministre, que c'est mon premierdiscours...

M. Lesage: Faites comme si je ne vousavais pas interrompu.

M. Nadeau: ... et je vous remercie del'attention que vous me portez; mais mêmesi c'est mon premier discours, je vis dans lecomté de Dorchester depuis 34 ans et ceproblème d'assurance-chômage pour lestravailleurs de mon comté, le gouvernementlibéral d'Ottawa et le gouvernementconservateur d'Ottawa ont promis de lerégler, mais ils ne l'ont pas réglé et, enattendant, les citoyens du comté deDorchester sont obligés d'aller se ramasserau bureau d'assistance-chômage parce qu'ilsne peuvent bénéficier des mêmes avantagesque le reste de la population de la province.

Et comme il est reconnu que le grandnombre de chômeurs est dû également à lafaiblesse de notre agriculture, je crois que legouvernement devrait pourvoir auréaménagement des terres, en aidant autantque possible le cultivateur à demeurer sur saferme, tout en lui assurant un revenu assezélevé pour qu'il puisse vivre entièrement durevenu de cette ferme. Car, aujourd'hui, dansla plupart des cas, nos cultivateursdeviennent en même temps des ouvriers detoutes sortes, parce qu'ils sont obligés depuiser une grande partie de leurs revenusailleurs. Il est admis également que, pourremédier a cette situation, seule unepolitique dynamique encourageant la petite etla moyenne industrie à s'établir dans moncomté et sa région peut assurerl'émancipation économique de cette vasterégion.

J'ai vécu et je vis encore chaque jourles besoins de cette population qui, nousl'admettons tous, a droit à un niveau de vieaussi élevé que la population du reste duCanada. Il est évident qu'un souffle demécontentement s'élève au sein de cepeuple, qui, malgré qu'il n'ait connu depuistoujours que de grands espoirs et de grandesdéceptions, ce peuple, dis-je, est prêt àdonner encore une chance à notre systèmepolitique actuel qui n'a fait autre chose quede créer des chômeurs et de faire de lui unéternel "payeur de taxes".

Je crois, M. le Président, que c'est làréellement la dernière chance; si nous nepouvons démontrer que nous pouvons, dans unpays riche comme le nôtre, assurer au moinsle nécessaire à chaque citoyen, alors que,dans des pays beaucoup moins riches que lenôtre, le chômage a été réduit et a presqueentièrement disparu, chez nous, chaqueannée, nous déplorons un nombre toujoursplus grand de sans-travail. Je ne crains pasde dire, dans cette Chambre, que je croisaux bienfaits de la planification; mais, M. lePrésident, je crains fort que, sous le

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prétexte que la planification réglera tous lesproblèmes de l'avenir, on néglige de prendreles mesures nécessaires pour régler lesproblèmes du présent. Notre mandat, M. lePrésident, nous oblige à préparer l'avenir,mais il ne nous permet pas de négliger leprésent et les grands problèmes auxquelsnous avons à faire face. Je souhaite de toutcoeur que le présent gouvernementcomprenne la situation et y apporte lesremèdes nécessaires. Je puis l'assurer quej'appuierai toutes les mesures qu'il prendrapour améliorer la situation, car je croissincèrement qu'une question aussi grave quecelle du chômage passe au-dessus de toutesles allégeances politiques. Évitons toujoursd'excuser notre incapacité à régler lechômage en tenant responsables de cet étatde choses ceux qui nous ont précédés; disons-nous que ce que les gouvernementsprécédents n'ont pu réaliser, nous devons lefaire. Attelons-nous à cette noble et grandetâche de faire de tout le Québec un pays oùvivra une population heureuse et prospère, oùle chômage aura été banni pour toujours, età cette condition seulement, nous pourronsêtre fiers d'avoir été un jour les législateursdans le Parlement de Québec. Là seulement,nos successeurs pourront dire de nous avecfierté: Ils étaient dignes d'entrer.

M. Gérard-D. Lévesque

M. Levesque (Bonaventure): M. lePrésident, je n'ai pu être indifférent,évidemment, au magnifique exposé que vientde donner à cette Chambre le ministre desAffaires municipales lorsqu'il a étudié avecnous les problèmes causés par le chômage,lorsqu'il a, évidemment, analysé d'une façonbien concrète, d'une façon tout à faitobjective... (est-ce que c'est le consentementunanime de la Chambre) ça fait plaisir.

Une voix: On va voter.

M. le Président: Adopté.

M. Levesque (Bonaventure): Appuyé parle ministre de la Santé, je proposel'ajournement du débat.

M. le Président: La motiond'ajournement du débat sera-t-elle adoptée?Adopté.

M. Lesage: M. le Président, je proposel'ajournement de la Chambre à demain, 2 h30, et nous ajournerons immédiatement. Noussacrifierons une journée du gouvernementpour aller en comité pour la Loi électorale,et, à moins que, vendredi matin, il y aitquelque chose de bien important que je neprévois pas, je suggérerai demain, à 2 h 30,que nous ajournions la Chambre jusqu'àmardi, étant donné que, vendredi matin, on

commence à siéger au comité à 10 h 30 etque ça ne nous donne que deux heures.

M. le Président: La motion sera-t-elleadoptée'' Adopté.

La Chambre est ajournée à demainaprès-midi, à 2 h 30.