Date : 18/24 JAN 18 Journaliste : ÉLISABETH … · 2018-01-24 · reconnaissons nos qualités et...

7
Date : 18/24 JAN 18 Pays : FR Périodicité : Hebdomadaire OJD : 88037 Journaliste : ÉLISABETH MARSHALL Page 1/7 FLAMMARION 5545733500502 Tous droits réservés à l'éditeur L'HEBDOMADAIRE CHRÉTIEN D'ACTUALITÉ *• b) O O) EHe est ou, la politique familiale ? s S PSYCHOLOGIE « SOYONS NARCISSIQUES ! » PAR FABRICE MI DAL CONSOMMATION LES QUESTIONS QUE SOULÈVE L'AFFAIRE LACTALIS ÉTATS-UNIS UN AN APRÈS, LE VRAI BILAN DE DONALDTRUMP

Transcript of Date : 18/24 JAN 18 Journaliste : ÉLISABETH … · 2018-01-24 · reconnaissons nos qualités et...

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 1/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

L'HEBDOMADAIRE CHRÉTIEN D'ACTUALITÉ

*•

b)OO)

EHe est ou,la politiquefamiliale ?

sS

PSYCHOLOGIE« SOYONSNARCISSIQUES ! »PAR FABRICE MI DAL

CONSOMMATIONLES QUESTIONSQUE SOULÈVEL'AFFAIRE LACTALIS

ÉTATS-UNISUN AN APRÈS,LE VRAI BILAN DEDONALDTRUMP

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 2/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

• '. »;.«;v .:-.:• - .. • - •• »* vi "* * • * • "•** " ' * - , •- • " . » . . • * » .

Sens,,sante

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 3/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

• >• .'T r . . ' • r- 'i. . •» • •<"

-r.' . i >'• JlJV^'

•f t. \ -:--xi".A-\ "» *•

- J-CÏS-t- V - V/'- ',

« SOYONSNARCISSIQUES»

s'aimerait trop, on ne serait pas assez altruiste. .:; ^ C'est tout l'inverse, nous dit Fabrice Midal, philosophe '/v

™ et fondateur de l'École occidentale de méditation. ; i:Et d'inviter à relire le mythe de Narcisse, qui est mal :.v.compris. Être narcissique, ce n'est pas être égoïste,c'est être bienveillant avec soi pour... mieux aimer les autres. •'*-

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 4/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

Soigner l'être tout entier, écouter et rencontrer la personne qui est derrièrele symptôme, telle est aujourd'hui la vision à retrouver de la santé La tech-nologie, aussi performante soit-elle, nous sauve la vie bien souvent, maîsne peut répondre entièrement au besoin d'être accompagnée Ce constatet le manque de temps de bien des médecins laissent aujourd'hui un champouvert aux approches complémentaires La science les étudie de plus preset se penche sur tous leurs bienfaits Notre magazine bimestriel Sens & santés'inscrit dans cette veine-là En donnant la parole à des médecins, patients,soignants, thérapeutes, maîs aussi à des philosophes partageant une mêmevision humaniste des attentes et des besoins de nos contemporains, unemême culture de la santé comme art de vivre, nous voulons rester aucarrefour de la recherche et de l'humain C'est dans cet esprit que s'inscritl'interview que vous allez lire de Fabrice Midal La course a la performanceet au rendement épuise et éloigne l'homme contemporain de lui même,constate le philosophe ll convoque ici un mythe grec pournous faire réfléchir à notre besoin de rencontrer et d'aimernotre humaine et fragile condition

ÉLISABETH MARIRÉDACTRICE EN CHEF, E.MARSHALL@L«

De livre en livre, celui qui méditedepuis 30 ans et qui a fondeI Ecole occidentale de médi-tation dénonce la course a lape r fo rmance que nous

imposent nos rythmes de vie et de travail,maîs aussi I idéal de perfection qui traverse la societe, avec I illusion de pouvoir« tenir » grâce a des outils antistress,comme le serait la méditation En 2017,son précèdent ouvrage, Foutez vous lapaix ', visait déjà a nous déculpabiliserde ne pas être « zen » Cette fois, en rehabilitant le mythe mal interprète deNarcisse, le philosophe nous invite a avoirde la tendresse pour soi, comme on l'au-rait pour un ami Mieux s'aimer pourmieux aimer les autres

LAVIE Que nous racontele mythe grec de Narcisse '

FABRICE MIDAL J'ai longtemps cru queNarcisse était l'être qui s'aime trop Or,c'est tout l'inverse Le mythe nous conte

l'histoire d'un enfant a qui on a prédit qu'ilvivra vieux s il ne se connaît pas II granditdonc éloigne de tous les miroirs II est beau,maîs se croît vilain petit canard Lom delui même, il ne sait pas vraiment qui il estUnjour, se mirant dans I eau d une source,Narcisse découvre un beau jeune hommeet tombe amoureux de sa propre image,de cet etranger qui n est autre que lui-même Quand il finit par se reconnaître,il est heureux et se transforme en fleurblanche au coeur d'or, le narcisse, lapremiere a eclore apres I hiver

Ce mythe ferait écho aux souffrancesde notre temps ?

RM Oui i Car jamais nous n'avons vécuaussi lom et avec une telle défiance denous-mêmes Si, au XXe siecle, le mythed'Œdipe était l'emblème de la psychehumaine, de cet homme écrase par la loidu pere, bravant I interdit et qui cherchesa singularité, celui de Narcisse nous parlede l'être fragmente d aujourd hui, qui

s'auto-exploite et cherche sa cohérenceConduit par la quête de performance,I homme contemporain ne respecte plusses besoins, il ne s autorise plus a se repo-ser et se donne jusqu'à l'effondrement.Les risques d'épuisement psychologique- dont le saisissant burn out ' - sont lesnouveaux virus du siecle Chacun s'efforceen permanence d être au top bon profes-sionnel, bon parent, bon compagnon, boncitoyen. s'mstrumentahsant lui-mêmecomme une machine On le voit avec lesjeunes enfants, qui ont déjà l'angoisse de

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 5/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

plus en plus tôt de ne pas être à la hauteur.Il en découle des déficits d'attention, signede ce stress qu'on leur impose pour rentrerdans la performance scolaire, en les éva-luant de plus en plus tôt. Il est urgent deretrouver qui nous sommes, de faire lapaix avec nos corps et nos esprits.

Quelle nouvelle image de nous-mêmesNarcisse nous propose-t-il d'habiter ?

RM. Le mythe nous invite à regarderdans le miroir pour retrouver notrevulnérabilité et les limites de notre propre

Quatre conseilsde Fabrice Midalpour « sauver sa peau »» DEMANDONS-NOUS : quand suis-je àl'écoute de moi-même, de ce que je sens vrai-ment ? Regardons-nous ! Qu'est-ce quej'éprouve maintenant ? Quand suis-je le plusheureux ? C'est en se mirant dans l'eau queNarcisse se rencontre lui-même.

» ÉCOUTONS NOTRE CORPS, qui souventappelle à l'aide et murmure ce que la tête neveut pas entendre. Prenons soin de lui pournourrir la vie et l'humain en nous. Respectonspar exemple nos besoins de sommeil.

» CULTIVONS LA BEAUTÉ, c'est important. Ma grand-mère, qui a vécu jusqu'à 97 ans,était restée coquette, soignée, élégante. Les soins que lui prodiguaient les personnes quis'en occupaient ont certainement contribué à maintenir en elle jusqu'au bout un élan devie, une envie de continuer d'être, un allant.

» CESSONS DE NOUS MALTRAITER, acceptons d'entrer dans nos vulnérabilités,reconnaissons nos qualités et autorisons-nous à être pleinement ce que nous sommes,même imparfaits et insatisfaisants.

F f t B R I C E M i O A l

SAUVEZ VtffREPEAU!

A LIRESauvez votrepeau ! Deveneznarcissique,de Fabrice Midal,Flammanon/Versilio,17,90 €

FABRICE MIDALest philosopheet fin connaisseurdes spiritualitésbouddhisteet chrétienneAuteur d'unevingtaine d'ouvragessur la méditation,it dirige unenseignement et desstages dans le cadrede l'Ecole occidentalede méditationll est chroniqueurde Sens & Santé

humanité. Voir en moi « l'humaine condi-tion », écrivait Montaigne. Être narcis-sique, ce n'est pas être égoïste, c'est avoirde la tendresse pour soi. C'est se regarderdans le miroir pour ne plus être trop lomde soi-même, pouvoir se témoigner del'amitié - comme à un ami dont on connaî-trait les défauts - et se reconnaître destalents pour les faire grandir. Nous n'avonspas assez d'amour narcissique. À cet égard,il est symptomatique de constater quelorsque je demande aux participants demes sessions sur l'amour bienveillant

d'identifier une qualité qu'ils possèdentou un acte bénéfique qu'ils ont accomplidans leur vie, plus de la moitié n'y parvientpas spontanément-

Ce serait donc en reconnaissantnos fragilités que nous poumonsretrouver confiance ?

RM. Le psychiatre américain MiltonErickson raconte que, appelé un jourauprès d'une femme dépressive qui vivaitisolée de tous, il lui a fait cette étonnanteprescription : ayant repéré dans sa maisonune bouture de violette dont la patienteprenait grand soin, il lui a demande d'ache-ter dix pots garnis de fleurs et dix potsvides et de remplir ces derniers de bou-tures pour les offrir un par un aux autresvillageois. L'existence de cette femme ena été bouleversée. En retour de ces cadeauxqui réveillaient en elle le plaisir et l'élanvital, elle a reçu compliments et recon-naissance jusqu'à devenir une personna-lité appréciée de son village. L'histoiremontre qu'un narcissisme bien orientén'est pas une méthode de plus pour culti-ver l'estime de soi, mais une image de soi-même à habiter, une confiance à nourrirpour retrouver sa vitalité et s'engager surla voie de la transformation.

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 6/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

i Retrouvez en kiosquesI le numéro 6 de Sens & santéI jusqu'au 21 février

£ Cultivezi votre intuition; Sensations, perceptions, comment• ' laisser s'ouvrir ces potentiels enI nous ? Découvrez des approchesI thérapeutiques et émotionnellesr qui renforcent notre santé.f>f 100 pages de conseils d'experts,i d'enquêtes et de témoignages.

• Quel intuitif êtes-vous ?Testez ce sixième sens reconnupar la science.• Comment l'intuition entredans le diagnostic médical.• L'haptonomie, une sciencede la présence affective.• La belle histoiredu pansement Schubert.

Et aussi :M La générosité, le secret d'uncerveau heureux.B Révolutionner son hygiènede vie pour luttercontre la maladie de Crohn.

Ils ont repris le travailaprès un cancer.rn Marier les légumes d'hiveravec les épices.• Des fiches pour cultiverla force et la souplesse.

Tous les deux mois dansSens & santé, publicationdu groupe Le Monde,un grand dossier sur la médecinedu « mode de vie »,une ouverture aux thérapies dumonde, les dernièresapplications à notre quotidiendes découvertes desneurosciences.(Voir page 4 de ce numéro.)

Y a-t-il un risque à se donnerau-delà de ses forces ?

RM. Sans aucun doute. Nous n'avons pasà être des amis, des pères, des collèguesparfaits, mais à être d'abord responsablesde notre propre existence ; on peut s'enga-ger pour les autres, mais pas les sauver.Malgré ma longue expérience de la médi-tation, j'ai longtemps cru que mon devoirde bienveillance passait par le sacrifice,notamment pour mon compagnon trèsmalade et en pleine détresse. « Sauvez votrepeau I » : cette parole d'un ami thérapeutea été un déclic. Et dujour oùj'ai assumé queje ne pouvais sauver mon ami, queje pouvaisêtre là, queje pouvais l'aimer et l'aider sansme sacrifier pour autant, je lui ai laissé lapossibilité de trouver en lui-même sa propresolidité. Il nous faut sortir de cette faussedualité entre mon mauvais égoisme et laprééminence de l'autre à quije devrais tout.

On a Fait de « l'autre » un totemécrasant, dites-vous. Pourquoi ?Où sont les fautifs ?

RM. « Je ne vaux rien, et ce qui compte,ce sont les autres ! » Nous devons cet impé-ratif catégorique aux philosophies occi-dentales ! Notons au passage un change-ment de vocabulaire révélateur : on estpassé du « prochain » - celui qui m'estproche ! - à un « autre » complètementabstrait. Je peux aimer mon prochain, maiscomment puis-je aimer « l'autre » ? C'estau XIXe siècle qu'Auguste Comte a inventél'altruisme, la meilleure réponse, selon lui,à notre égoisme... Or, cela ne fait que ren-forcer le problème. Autrui n'est pas séparéde moi. Le croire est une folie ! Tout autantl'égoïste qui croit pouvoir vivre sans s'ouvrirà l'autre que l'altruiste qui croit que celapasse par le déni de soi font fausse route !La philosophie n'a jamais demande de se

sacrifier soi-même sur l'autel de la raison.Dans Ménon, Socrate invite tout êtrehumain - et même l'esclave ! - à parler enson nom, à réfléchir par lui-même en inter-rogeant le sens de son existence.

La théologie chrétienne serait-elleaussi victime de ces dérives ?

RM. Bien sûr ! Je suis frappé de voirqu'on identifie le christianisme au péchéoriginel et qu'on en a fait la source detoutes nos culpabilités. On a retenu cetteidée que si l'homme se regarde, il se voitforcément mauvais. Or il suffit d'ouvrirles Évangiles pour voir que le Christ necesse de montrer sa capacité à aimer cha-cun comme il est, aussi imparfait soit-il.Sa parole n'est jamais écrasante, on le voitdans sa rencontre avec la Samaritaine. Ill'aime plus qu'elle ne s'aime et la conduit,à partir de cet amour-là, à se prendre

Date : 18/24 JAN 18

Pays : FRPériodicité : HebdomadaireOJD : 88037

Journaliste : ÉLISABETHMARSHALL

Page 7/7

FLAMMARION 5545733500502Tous droits réservés à l'éditeur

À LIRE

Lettres à un jeune poète,ue Rainer Mana Rilke,Le Livre de poche, 4,90 €

Les Essais, de Michel de Montaigne,Quarto, Gallimard, 2009, 32 Ê

La Pesanteur et la Grâce.de Simone Weil, Pocket, 1991, 6,30 €

Intuitions pré-chrétiennes,ae Simone Weil, La Colombe, 1951

PROLONGEZ CES PAGES

au.

Bien vivre Psychologiesur RCP le jeudi18 janvier, à 12 h 50.

AVGC Elisabeth Marshall, en direct,au micro de Vincent Belotti dansles Bonnes Ondes Fréquences RCPau 04 72 38 62 10 ou sur www ref fr

elle-même, la pécheresse, en considéra-tion. S'aimer sans condition, simplementparce que je suis un être humain, ce mes-sage est d'une vraie modernité. À l'ère del'auto-exploitation, où nous n'avons plusle droit de nous arrêter pour nous écouter,nous retrouver, être attentifs à nos res-sentis, c'est révolutionnaire. Le malen-tendu de notre temps est là : ce n'est paspar l'auto-contrôle que l'on parvient às'aimer, mais par un don gratuit que nouspouvons nous octroyer à nous-mêmes,ou plus simplement accepter de recevoir.

S'aimer soi-même n'empêchedonc pas l'ouverture au monde ?

RM. Le « moi » n'est pas une identitédangereuse qui nous enfermerait surnous-mêmes, mais plutôt une énigme àrencontrer. Ni mes angoisses, ni mescolères, ni mes peurs ne me résument

totalement. Je reste toujours « autre », àdécouvrir. « Deviens ce que tu es », conseil-lait déjà le poète lyrique grec Pindare auV siècle avant notre ère. Le mythe deNarcisse nous parle de cette aventured'advenir à soi. À l'opposé de l'individua-lisme égoïste de notre temps, je rejoinsla belle vision de la philosophe SimoneWeil (1909-1943) d'un amour de soi quiest d'abord l'amour de la vie qui noushabite. Le narcissique est le contraire duvaniteux, qui est loin de lui-même et quia besoin que tous reconnaissent qu'il estgénial. Le narcissique - celui qui s'estrencontre - est en paix avec lui-même,n'a pas besoin qu'on lui dise qu'il est lemeilleur. Il ne reste pas a se regarder dansle miroir, mais s'engage pour le monde.C'est la peur qui sépare des autres, pasl'amour de soi. L'alternative n'est doncpas de s'occuper de soi ou des autres, c'est

un même mouvement, car l'amour n'estpas un gâteau : la part que je m'octroie,je ne l'enlève pas aux autres.

Qui peut nous aider aujourd'hui à trouvercet amour juste et à sauver notre peau ?

RM. Les spirituels qui nous parlent dece don incroyable d'être aimé au-delà desoi-même. Les bons thérapeutes qui nousaident à retrouver notre socle par la ren-contre véritable : ils nous permettentd'aimer enfin ce que nous sommes. Enfin,les poètes qui nous parlent de la confianceen la vie et de l'humanité qui nous habite.Je pense ici particulièrement à RainerMaria Rilke, qui m'a guidé pour ce livre,avec notamment sa figure du « Narcisseexaucé » : dans sa rencontre avec lui-même,le monde entier lui est donné. *)

INTERVIEW ÉLISABETH MARSHALL

ILLUSTRATIONS MICHEL CALVIN POUR LA VIE