Daniel Meurois - Les Enseignements Premiers Du Christ

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  • De Daniel MeuroisParus aux ditions Le PersaLA DEMEURE DU RAYONNANT - Mmoires gyptiennesVU D'EN HAUT - ... un rendez-vous trs particulierLES MALADIES KARMIQUES - ... les reconnatre, les comprendre, les dpasserVISIONS ESSNIENNES - dans deux fois mille ans...L'VANGILE DE MARIE-MADELEINE - ...selon le Livre du TempsLOUIS DU DSERT - Le destin secret de Saint Louis( tome J)LOUIS DU DSERT - Le voyage intrieur (tome lI)LE NON DSIR - Rencontre avec l'enfant qui n'a pas pu venir...CE CLOU QUE J'AI ENFONC - Une exploration du sentiment de culpabilitCOMMENT DIEU DEVINT DIEU - Une biographie collective

    De Daniel Meurois en collaboration avec Anne GivaudanParus aux ditions Le PersaDE MMOIRE D'ESSNIEN - L'autre visage de JsusCHEMINS DE CE TEMPS-L - De mmoire d'Essnien (tome 2)RCITS D'UN VOYAGEUR DE L'ASTRAL - Le corps hors du corps...WESAK - L 'heure de la rconciliationLE VOYAGE SHAMBHALLA - Un plerinage vers SoiLE PEUPLE ANIMAL - ... les animaux ont-ils une me?LES ROBES DE LUMIRE - Lecture d'aura et soins par l'Esprit

    Des mmes auteursParus aux ditions S.O.LS.TERRE D'MERAUDE - Tmoignages d'outre-corpsPAR L'ESPRIT DU SOLEILLES NEUF MARCHES - Histoire de natre et de renatreCHRONIQUE D'UN DPART - Afin de guider ceux qui nous quittentCELUI QUI VIENTSOIS - Pratiques pour tre et agirUN PAS VERS SOI - Sereine Lumire

    ditions le Persa - Case Postale 382Succursale Place du Parc

    Montral (Qubec) Canada H2X 4A5Courrier lectronique: [email protected]

    Sites Internet:www.danielmeurois-givaudan.alchymed.com

    etwww.meurois-givaudan.com

    Marie, tout spcialement ces diffrences qui font de chacun

    de nous ce qu'il estEt, bien sr, Celui qui m'a enseign

    la Diffrence ...

    1re couverture: Jeshlla et Joseph d'ArimathieMaquette informatique du texte : Lucie Bellemare ditions Le Persa - 4e trimestre 2006Tous droits rservs pour tous pays. ISBN: 2-922397-21-1

  • Remarque

    Cet ouvrage est n de la demande de nombreuxlecteurs de Daniel Meurois n'ayant pu participeraux sminaires donns par celui-ci sur le mmethme.Il est noter qu'il n'est aucunement la retrans-cription du coffret de huit CD portant le mmetitre, dit en tirage limit et dsormais puis.Il s'agit d'une uvre part entire apportantnombre d'informations et relatant des anecdotesencore non publies par l'auteur.

    Je me souviens...

    Je me souviens... Comment dbuter cet ouvrage autre-ment que par ces quelques mots tout simples? Oui, je mesouviens... parce que c'tait hier encore, ou presque. Deuxmille ans, aprs tout, ce n'est pas si norme dans l'histoirede notre humanit : gure plus de soixante-six gnrationsde femmes et d'hommes qui se sont succd en essayanttant bien que mal de comprendre...

    Comprenons-nous enfin, aujourd'hui? Et est-ce que jecomprends seulement, moi qui ai rsolu de vous proposerces pages?

    Comprendre, voyez-vous, cela signifie beaucoup !C'est prtendre englober toute une ralit, c'est affirmer ensaisir le comment et le pourquoi.

    Alors, dire que je "comprends" dans le cadre d'un sujetsi vaste et si mystrieux, ce serait sans nul doute trs pr-tentieux de ma part. Voil pourquoi tout ce que j'entre-prends de relater ici c'est uniquement ce dont je me sou-viens... et rien d'autre. Mon outil, comme d'habitude, cesera ma mmoire, ma mmoire allie la maturation queseul procure le recul du Temps.

    C'est le tmoin qui vous parlera donc, pas un historienni un thologien et encore moins un rudit. Je sais fort

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  • bien, d'ailleurs, qu'un certain nombre des points que j'ex-poserai tout au long de ce livre pourront tre en discor-dance par rapport au savoir officiel, dplairont ou choque-ront mme certaines coles de pense spiritualistes ou reli-gieuses.

    J'en prends dlibrment le risque, sachant qu'il existede plus en plus d'tres en ce monde qui essaient de pens~rlibrement... sans assujettissement, sans "ligne du parti". Ace titre, je n'entends pas entrer dans la moindre polmique.

    Au-del de l'enseignement qu'il espre transmettre, celivre que vous tenez entre les mains sera avant tout un livrede partage et de confidences, un peu comme une mmoirequi s'ouvre.

    Bien sr, il existe autant de mmoires qu'il y a d'tresvivants. Chacun de nous est, d'une certaine faon, ana-logue une camra qui filme et enregistre la vie du pointde vue o elle a t - ou s'est - pose, selon la qualit deson objectif et le rglage de son angulaire.

    Partant de cette constatation, on peut comprendre quela notion de vrit est toute relative; ce qu'on appelle laVrit absolue n'est certainement pas accessible uneconscience humaine puisqu'elle se compose tout naturelle-ment d'une multitude d'angles de prises de vue et donc devrits partielles.

    Soyez ds lors certains, vous qui allez dcouvrir cespages, que celles-ci n'aspirent pas tre autre chose qu'unebase de rflexion. Leur vrit, c'est la vrit d'un tmoinoculaire qui, se projetant dans le Temps jusqu' au-jourd'hui avec sa propre sensibilit, invite chacun cher-cher d'avantage, en toute libert, la vrit premire de sonme.

    Voici un point encore qui correspond, me semble-t-il, une interrogation fondamentale:

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    Pourquoi m'est-il donn de me souvenir avec tant deprcision de ce que j'ai vcu dans l'entourage du Christ il ya deux millnaires?

    cette question, j'ai simplement envie de commencer rpondre par d'autres questions : Pourquoi certainsviennent-ils au monde avec la capacit quasi spontane de"capter" des mlodies et d'en faire des symphonies? Pour-quoi d'autres ont-ils cette incroyable aisance qui les pousse jongler avec les plus hautes abstractions mathmatiques?Pourquoi d'autres encore sont-ils habits par une vision etune force qui les rendent capables d'extraire un corps par-fait d'un bloc de marbre? Pourquoi enfin, le disque durd'un ordinateur est-il susceptible d'enregistrer des milliardsd'informations et de vous les resservir en quelques secon-des?

    Pourquoi, oui, pourquoi ? L'univers est plein de cespourquoi que notre seule raison compartimente et for-mate ne peut cerner.

    Ce n'est certainement pas parce qu'on a constat puisbaptis une phnomne qu'on l'a ncessairement compris.

    Il existe un mystre au cur de tout ce qui est et c'estce mystre-l, infiniment beau, infiniment grand et infini-ment respectable que je souhaite vous faire approcher unpeu plus en vous livrant une nouvelle fois le contenu de mammoire. Un mystre aussi que ne cesse d'activer Celui quiconstitue le germe, l'essence et le diamant de cet enseigne-ment chez tous ceux d'entre nous qui s'attachent retrou-ver leur potentiel d'ascension.

    C'est ceux-l, ainsi qu' tous ceux qui ne se saventpas encore concerns, que j'offre donc en priorit ces sou-venirs...

    Mon fil directeur sera celui d'une conversation; il os-cillera au gr de mon cur et, je l'espre aussi, du vtre

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  • comme lors d'une runion entre amis. Est-il d'ailleurs pos-sible d'essayer d'approcher Ce qui habitait le Christ autre-ment que sur un tel mode? Je suis convaincu, pour l'avoirmoi-mme prouv, que c'est dans le cadre d'une intimitd'me, sans artifice, que le Divin laisse perler Sa prsenceet Se communique.

    Je vous invite donc vous laisser emporter par le cha-pelet sans calcul de ma mmoire vivante, simplementcomme si nous tions assis ensemble, mme le sol, aucoin d'un feu de branchages quelque part au bord du lac deGalile ou dans le dsert, en Jude.

    Voulez-vous que nous commencions par nous plongerdoucement dans le contexte de l'poque? Nous rejoindronsle cur de sa population puis nous irons tranquillement ladcouverte du Matre et de sa Parole profonde... tout enrendant visite ses proches, ceux qui ont laiss une tracedans l'Histoire... enfin aussi ceux qui n'ont offert d'autremarque que celle de leur amour.

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    Premire partie

    Le thtre terrestre

    Chapitre 1

    Le dcor

    E ssayez d'imaginer. .. Nous tions en terre occupe... Il yavait plus d'un demi sicle que les Romains vivaient l.Quand je dis "les Romains", je ne parle pas simplement deleur arme mais des familles qu'ils avaient fondes, deleurs commerces et, finalement, de leur culture qui s'infil-trait. Tout cela tait si subtil, si intelligent que, parfois, onne se croyait mme plus "occups".

    C'tait les parents et les grands parents qui savaientcomment a s'tait pass, comment les soldats taient arri-vs et avaient prtendu tout contrler sur l'ordre d'un em-pereur] que nul ne verrait jamais.

    Quant aux jeunes, il en tait beaucoup que cela ne d-rangeait pas. Comment s'en tonner? Ils taient venus aumonde avec le pourpre de la lgion devant les yeux et cela

    ] L'empereur Auguste.

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  • faisait partie de leur dcor, de la mme faon que ces ri-deaux de boucliers et de pilums qui barraient de temps entemps certaines rues sans que personne ne sache pourquoi.Il leur suffisait d'un On ne passe pas et ils allaient voirailleurs, contournant le barrage ou changeant d'ide.

    Pour eux, je m'en souviens, ce n'tait pas si choquantque cela. De toute faon, lorsqu' Pessah, la Pque, ils p-ntraient dans l'enceinte du grand Temple, Jrusalem, il yavait toujours galement une zone qui leur tait inacces-sible, un seuil que les prtres leur interdisaient de franchir,eux et leurs parents: le Saint des Saints.

    Alors, lorsqu'une meute venait clater quelque part,ils se sentaient rarement impliqus. Lorsqu'ils s'en m-laient c'tait souvent par imitation, par mulation ou parsoumission leurs ans... parce que l'ordre d'un pre, acomptait, a ne se discutait pas.

    vrai dire, les entendre chuchoter dans les ruelles,pour un nombre grandissant d'entre eux la citoyennet ro-maine aurait mme t une bonne chose. Ils y voyaient unesorte de protection, de garantie pour leur avenir, un atoutsocial et puis aprs tout, se disaient-ils, puisque Rome leurlaissait la libert de culte... Pourquoi pas?

    S'il n 'y avait eu ces bandes armes qu'on appelait Z-lotes et qui s'attaquaient sporadiquement aux petits dta-chements de lgionnaires, ils ne se seraient pas mme posde questions.

    videmment, en amont il y avait les prtres, les rabbisqui leur enseignaient les rudiments de leur foi, qui les ru-doyaient un peu et tentaient officiellement de les faire "setenir droit" devant l'envahisseur.

    Comment, ds lors, ne se seraient-ils pas cherchs? Jegarde le souvenir de leurs petits groupes, souvent un peudsuvrs, pris entre des sermons dogmatisants, des pa-

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    rents mi-nostalgiques mi-rsistants, des meneurs de rixessanglantes, des Romains qui exploitaient tout avec une d-termination rassurante... et aussi avec leurs filles qui atti-raient les regards sur les marchs.

    En ralit, toute la socit de Palestine vivait dans leflou. Souterrainement, elle cherchait ses nouvelles valeurs.On ne comptait plus ceux qui baissaient les bras et qui col-laboraient, plus ou moins discrtement, avec l'occupant.Ceux-l, sans le vouloir, excitaient en permanence les rac-tions extrmistes des Zlotes, lesquels n'hsitaient pas, par-fois, en liminer.

    Jrusalem surtout, on pressentait bien qu'on tait aubout de quelque chose, l'extrmit d'un monde et qu'ilfallait finir par choisir : Soit dmissionner et se soumettrepour de bon l'autorit romaine, soit dire non, cambrer lesreins et se soulever radicalement. Mais qui choisirait? Quidciderait ?

    Les rabbis et les docteurs de la Loi, garants thoriquesde l'identit collective jouissaient d'un incontestable ascen-dant sur le peuple mais il devenait de plus en plus clairqu'un bon nombre d'entre eux jouaient double jeu. Il n'yavait pas un jour o je ne le constatais moi-mme. Cadeauxaprs cadeaux, honneur aprs honneur, les Romains sa-vaient les acheter, placer de bons arguments dans leursbouches et les aider fermer les yeux au moment adquat.

    En fait, je peux dire que chacun essayait de se d-brouiller comme il le pouvait; idaliste quand il le fallait,opportuniste lorsque c'tait plus prudent ou ncessaire.

    L'un des problmes de "notre" pays - puisque j'y vi-vais - c'tait la prcarit de l'existence. Si on n'appartenaitpas une classe sociale dominante, une sorte de caste biendfinie, on tait forcment pauvre et condamn le rester...

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  • d'autant plus que Rome accumulait tout ce qui passait saporte, anne aprs anne.

    Je crois aujourd'hui que c'est cette pauvret doubled'une forme de dsillusion face une vidente corruptionqui ont donn du poids l'arrive et l'impact d'un certainRabbi...

    Les Sadducens

    Parmi ceux qui trouvaient leur avantage la prsenceromaine, il y avait videmment la grande majorit des Sad-ducens. Il tait facile de les reconnatre. Que l'on ait vcu Jrusalem ou dans les bourgades provinciales, ils mar-chaient toujours le menton haut et vtus des habits les plusfinement tisss. Certains menaient trs grand train de vie etne s'en cachaient pas. Pour eux, la richesse constituait undon du Trs-Haut en rponse aux mrites accumuls parleur me.

    Selon leurs croyances, quand on tait pauvre c'taitparce qu'on payait une dette l'ternel. On n'avait doncpas se plaindre!

    Bien sr, tout cela constituait une gnralit, un traitcaractristique de leur philosophie. Lorsque les yeux demon me visitent les ruelles et les maisons de ce temps-l,ils trouvent aussi des hommes de bien, des tres gnreuxet compatissants parmi les Sadducens.

    Cependant, je me souviens que ce qu'ils aimaient pardessus tout, c'tait discuter. Je dirais mme polmiquer,pour le plaisir, ainsi que le feraient aujourd'hui des intel-lectuels rationalistes pigs par le jeu de l'argumentationplus que par le rel dsir d'avancer. Cela ne signifiait nul-lement que les Sadducens ne croyaient en rien de sacrmais ils donnaient tous l'impression que leur foi cultivait

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    quelque chose de brumeux, apte justifier nombre de leurscomportements.

    D'ailleurs, contrairement aux autres groupes sociaux,je ne les ai jamais entendu proclamer des lments doctri-naux prcis et fixes. En ralit, nous tions tous convaincusque ce qu'ils recherchaient globalement et aimaient, c'taitle pouvoir.

    Je crois qu'il est juste de dire que leur sphre d'actionse situait mi-chemin entre les privilges clricaux et lescoulisses de la politique. De nos jours, on affirmerait qu'ilsformaient un vritable "parti" entretenant des rapports cor-diaux avec l'occupant romain.

    Je sais que lorsqu'un certain Rabbi Jeshua - le MatreJsus - commena troubler l'opinion publique par ses d-clarations et ses actes, ce sont d'abord les Sadducens quis'opposrent ouvertement Lui, la plupart du temps. Je necompte pas les fois o je les ai vus L'apostropher ironique-ment en plein march ou sur le parvis d'une synagogue.

    Je pense que ce n'est pas vraiment parce qu'ils ne L'ai-maient pas en tant qu'homme. Ils taient certainement d'a-bord trs intrigus par Lui, par son franc-parler et par lefait incontestable que, Lui aussi, savait discuter et argu-menter s'il le fallait.

    Je demeure convaincu que, dans les premiers temps, ilsne percevaient pas le danger que le Rabbi reprsentait pourleur faon d'tre.

    J'ai toujours en moi le souvenir de quelques conversa-tions surprises au hasard de mes marches matinales dansles ruelles de Capharnam. Selon elles, "1 'homme" n'taitgure davantage qu'un de ces lettrs originaux et pluttcharismatiques mais finalement pas trs dangereux... hor-mis pour lui-mme.

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  • Cependant, j'ai vite compris pour l'avoir entendu queson aspect "magique" leur dplaisait foncirement. LesSadducens avaient tendance fuir tout ce qui avait traitaux capacits que l'on dit surnaturelles. Ainsi, lorsque lercit de quelque gurison miraculeuse venait leurs oreil-les - et mme lorsqu'ils assistaient l'une d'elles - ils nepouvaient retenir des sarcasmes tout en prtextant une su-percherie.

    Gnsareth, certains Sadducens allrent mme jus-qu' tendre un pige au Rabbi Jeshua. Je n'ai pas assistpersonnellement la scne mais son rcit a rapidement faitle tour de la rgion.

    On raconta qu'un vieux Sadducen Lui avait amenson fils, un homme d'une trentaine d'annes prtendumentaveugle de naissance. Le Matre regarda ce dernier quel-ques instants puis fit soudain mine de vouloir donner l' in-firme une gifle magistrale. Surpris et par rflexe de protec-tion, l'homme se recula alors en une fraction de secondesans avoir mme t effleur, avouant ainsi sa tricherie.

    C'est l, dit-on, que le Rabbi se mit sourire un peutristement et dclara au vieil homme :

    - Dis-moi, qui est le plus malade? Celui qui mani-pule... ou celui qui se laisse manipuler? Lorsque votre meaura compris qu'elle est vraiment souffrante, alors, je vousle dis, vous viendrez me chercher. Ainsi en est-il de toutvotre peuple; il doit d'abord apprendre reconnatre la na-ture de sa propre ccit...

    Cette anecdote est, mon avis, typique de la faon quele Matre avait de nous enseigner brle pourpoint, saisis-sant toutes les opportunits de la vie afin de crer un im-pact.

    Parlait-Il l spcifiquement du "peuple sadducen"? Jene le crois pas. Si, dans sa pense, certaines classes socia-

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    les ou certains individus taient utiliss en tant que symbo-les, son but tait plutt trs clairement d'enseigner l' en-semble de l'espce humaine car, pour Lui, celle-ci consti-tuait une seule famille souffrante.

    Aujourd'hui encore, il m'est bien difficile de dire sibeaucoup de Sadducens se laissaient toucher par la Paroledu Matre Jeshua. Un vident orgueil intellectuel alli uneaisance financire faisait d'eux une micro-socit distincteau sein de laquelle il faut dire aussi que chacun s'piait etdont il n'tait, par consquent, pas facile de se dmarquerquand on tait pris dans son ciment. Dans le contexte de lasocit de la Palestine de l'poque, tout le monde se sur-veillait plus ou moins, d'ailleurs...

    Les Pharisiens

    En tant qu'lments reprsentatifs d'une certaine lite,on pourrait croire que les Sadducens faisaient cause com-mune avec les Pharisiens. Il n'en tait pourtant rien. lafaveur de quelques confidences ou indiscrtions circulantdans l'entourage du Matre, on pouvait s'apercevoir rgu-lirement que c'tait qui, des Sadducens ou des Phari-siens, pactiseraient le plus intelligemment avec les repr-sentants de Rome.

    En thorie, les Pharisiens ne se proccupaient guredes "viles affaires de ce monde". l'affirme sans hsiterqu'ils n'taient pas loin de se considrer eux-mmescomme de vritables saints, d'une puret sans tache. D'ail-leurs, ils n'taient pas peu fiers de rappeler avec constanceque leur vie tait rgle par plus de six cents prescriptions-obligations ou interdictions - et que cette manire d'tre lesidentifiait d'emble comme les lus absolus dsigns parl'ternel.

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  • En rsum, on dirait de nos jours qu'ils se compor-taient en parfaits intgristes, aussi intouchables et intol-rants qu'on peut imaginer l'tre. Ils n'taient pas trs nom-breux mais se montraient fort actifs, se rservant les plushautes fonctions sacerdotales.

    Nul ne les apprciait beaucoup, c'est vident; cepen-dant on les craignait car un dcret ou un jugement manantde leur part quivalait souvent une condamnation mort,physique ou morale... ce qui revenait rapidement au mme.tre mis au banc de la socit par les "docteurs de la Loi"signifiait finir sa vie tel un misrable, moins de se fairelapider sance tenante.

    travers le pays, tout cela paraissait normal, dans l' or-dre logique et immuable des choses. On se devait de res-pecter les Pharisiens et aussi d'en avoir peur puisqu'ils sa-vaient, rptait-on, ce que veut Adona l ... Mis part le faitqu'il arrivait qu'on ne sache plus toujours exactement cequ'Adona attendait de nous! Avait-Il souhait la prsenceromaine? Avait-Il ainsi voulu nous punir de nos errances?

    Les Pharisiens, quant eux, ne connaissaient pas ceque nous appelons communment le pch. Jamais ils n'a-vaient faut! C'tait bien connu puisqu'ils suivaient lalettre la Tradition premire dicte par Mose lui-mme!

    Au fond de ma mmoire, je les revois souvent raser lesmurs par petits groupes et viter systmatiquement l' exu-brance des marchs. Par contre, aux abords des synago-gues et des lieux saints, ils portaient le front haut et me-naient grand tapage avec des dclarations doctrinales l'image de leur intransigeance.

    1 Adona: l'un des noms attribus Dieu dans les critures sacreshbraques.

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    Il tait de notorit publique que, eux aussi, s'taientdepui.s longtemps accommods de l'occupation des lgionsro~ames.. Les fonctionnaires nomms par l'empereur a-valen~ touJours eu la sagesse de leur laisser faire ce qu'ilsvoulaIent dans le domaine o ils entendaient rgner : lecontrle des consciences.

    ~epen~ant, il ne fallait pas s'y tromper. .. En partageantcertams pomts de vue avec le Matre et nombre de ses pro-ches, j'ai d me rendre l'vidence: Les Pharisiens fai-saient simplement semblant de pactiser avec l'envahisseur.En ralit, ils mprisaient profondment les Romains. Poureux, ce~ derniers taient si impurs! Face eux, ils essay-rent tou~ours de ruser et bien naf aurait t celui qui auraitcru devmer le fond de leur pense.

    . Lo~squ' trav~r.s toute la terre de Palestine, je les regar-daIS agIr, mes ongmes, ma culture et ma sensibilit ess-niennes se cabraient... Et je n'tais certes pas le seul ma-nifester ce mouvement de rejet. L'ensemble de la commu-naut dont j'tais issu prfrait les ignorer plutt que de s'yfrotter. .. Une attitude qui nous tait d'ailleurs rendue aucentuple!

    Les Essniens

    Pourtant Dieu sait que, contrairement ce que l'oncroit, nous, les Essniens, n'avons pas toujours t des mo-dles en matire de tolrance!

    dire vrai, nous tions quelque peu diviss au sein denotre communaut. Tellement diviss que le terme de Fra-ternit en tait parfois malmen.

    Il y avait d'abord ceux qu'on appelait les "Ans" etqui vivaient pour la plupart de faon trs rude aux alen-tours de la Mer Morte, protgs par des murailles aux cou-

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  • leurs du dsert. Eux galement me faisaient parfois peuravec leur asctisme presque aussi doctrinal que celui desPharisiens. J'avoue que je n'ai jamais aim leurs mursinspires directement du Lvitique l . Oui, les Ans taientprompts la punition! . .

    chaque fois que j'ai t amen leur rendre vIsIte,j'ai compris qu'avec eux il tait plus rapide et plus simplede dresser une liste de ce qui tait permis que de ce qui nel'tait pas.

    Lorsque j'y pense aujourd'hui, je reconnais qu'il yavait chez eux une volont tenace et sincre d'aller vers leBien et le Vrai, vers ce qu'ils appelaient la "Lumire ang-lique du Trs-Haut". l'inverse des Pharisiens, ils taienthonntes dans leurs excs; ils taient sans calcul.

    Leur problme majeur, me semble-t-il encore, c'taitmalgr tout ce terrible orgueil non avou, ce sectarismelitiste qui les autorisait peine sortir de leurs retraites depierre et de sable.

    En ce qui me concerne, je n'ai pas grandi dans leurentourage. Je me rattachais "ceux des villages", ceuxque le peuple dans son ensemble qualifiait simplement de"Frres en blanc" cause de leurs longues robes immacu-les. Nous n'tions gure nombreux non plus, nous, lesEssniens des villages ; peine quelques communautsparses qui s'taient fixes l o on pouvait cultiver etvivre par familles.

    l'instar des Ans, il faut le reconnatre, nous prou-vions de la difficult nous mler aux autres. Nous tionsgalement atteints de cette maladie qui nous faisait nous

    1 Lvitique: Livre attribu Mose, o la Loi divine est prsente defaon terriblement exigeante, rglementant la vie dans ses plus infimesdtails.

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    ressentir comme tant issus d'une "race part". Et pourcause ainsi que pour notre dfense, contrairement aux asc-tes de Qumran, nous placions d'abord notre foi quotidiennedans les vertus de la douceur et d'une plus grande sou-plesse. Nous nous efforcions donc de prner la tolrance...mme si une certaine rigidit persistait vouloir nous rat-traper rgulirement.

    Il est vident qu'il existait une forme d'incomprhen-sion entre nous, ceux des villages, et les autres qui se clo-traient dans leurs monastres. Face ces derniers, j'ai sou-venir que nous faisions figure de faibles et de dviants.

    Aux yeux de l'ensemble du peuple de Palestine, je doispourtant dire que nous, les "dviants", tions plutt respec-ts... si ce n'est apprcis. Pourquoi? Oh, je crois que c'esten premier lieu par intrt pratique. Nous comptions beau-coup de thrapeutes parmi nous!

    Nous connaissions les herbes mieux que quiconque etnous ne cachions pas non plus notre comprhension desliens invisibles qui unissent l'me et le corps. Nous dispo-sions mme d'un enseignement secret ce propos au seinduquel il existait des rituels destins nous mettre en rap-port avec le monde des Elohims et les hirarchies angli-ques.

    Chacun d'entre nous n'y avait pas accs, loin de l,mais cela se savait et cela contribuait nous entourer d'uneaura un peu magique ou tout au moins assez mystrieuse.

    Personnellement, ce regard que l'on posait sur nous neme dplaisait pas. Je crois aussi que notre rputation degurisseurs nous aidait beaucoup "passer entre les gouttesd'eau de la vie" lorsque cela n'allait pas bien. Cela ne si-gnifiait pas pour autant qu'on nous aimait - d'ailleurs je nesavais pas qui aimait qui - mais on nous respectait peuprs partout. On avait besoin de nous, c'tait certain!

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  • Les bethsads 1 que nous avions amnags un peu par-tout taient des refuges absolus et gratuits pour les femmesenceintes, les blesss, les malades, les mourants et tous lesncessiteux de passage.

    Le sens de l'accueil, simple et droit, reprsentait peut-tre notre premire qualit ou spcificit.

    Au monastre du Krmet2, o j'ai pass une bonne par-tie de mon enfance l'tude des rapports entre l'invisibleet le visible, nos enseignants adoptaient une position inter-mdiaire entre celle des Ans du dsert et les autres, celledes communauts villageoises.

    J'ai plus que jamais conscience aujourd'hui d'avoir tprivilgi en tant admis ces tudes mais je m'aperoisaussi que notre mode de vie y fut, malgr tout, tellementexigeant que j'aurais pu m'y briser. Aprs avoir t con-traint durant de nombreuses annes de continuels allers-retours entre la douceur et la svrit, j'ai longtemps gardla sensation de marcher sur une corde tendue au-dessus duvide.

    Tous ceux de mon peuple qui taient passs par l'en-tranement et l'preuve du Krmel savaient mutuellement sereconnatre travers le pays. C'tait par une sorte d'clatdiffrent dans le regard, une faon de marcher aussi et puisde parler. Ces indices suffisaient. Lorsque l'on sortait duKrmel, on se sentait donc ncessairement marginaliss, unpeu " part"... parmi ceux qui taient dj " part".

    1 Bethsad : sorte de dispensaire et de lieu d'hbergement. Voir "Demmoire d'Essnien", D. Meurois et A. Givaudan, chapitre III. ditionsLe Persa.

    2 KnneI : Voir encore "De mmoire d'Essnien", chapitre IV.

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    Et comme il tait facile et tentant de tomber dans lepige de la jouissance de cette marginalisation ! Ce futl'une des premires mises en garde que je reus de la bou-che mme du Matre lorsque Celui-ci se manifesta en tantque tel dans mon existence d'alors.

    travers tout le pays, chacun savait que, Lui aussitait issu des "Frres en blanc" mme si manifestement, Il~herchait souvent en dpasser l'apparence physique, ves-tllnentaire par exemple.

    Comme nous tous, Il portait la grande robe de lin; ce-pendant, il Lui arrivait de remonter celle-ci au niveau desgenoux lorsqu'Il devait marcher longtemps et qu'il faisaitchaud ou lorsqu'Il avait envie de se mler aux pcheurs.Cela en choquait beaucoup... Un rabbi ne faisait pas cela!En tout cas, pas un rabbi de son envergure!

    Je me souviens avoir moi-mme t trs interpell int-rieurement lorsqu'un jour je L'ai vu arborer son ct uneespce de besace taille dans la peau de je ne sais quel f-lin. Je n'avais jamais observ cela et je trouvais cette choseincompatible avec notre foi.

    - Eh bien, Simon! me fit-Il alors, c'est ce sac qui tegne? Un centurion me l'a offert hier aprs que je l'eussoign... C'est ma faon de le remercier d'avoir pu mani-fester la Prsence de l'ternel. Est-ce qu'un lan du curte blesse?

    Ce jour-l j'ai pris la leon, mme si celle-ci tait indi-geste... Par ailleurs, quand je me revois en train de parcou-rir avec d'autres les chemins de Samarie, de Galile ou deJude, je dois avouer que tous ceux qui, comme moi, a-vaient grandi dans les communauts villageoises s'taientdj employs depuis longtemps dpasser certains destabous dcrts par les Ans du dsert.

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  • Par exemple, il m'arrivait de porter une sorte de man-teau de laine. C'tait une aberration aux yeux d'un "pur"issu de notre Fraternit. Tout lainage tait proscrit parceque le poil tait sens vhiculer prcisment un peud'animalit. On disait qu'il portait la mmoire des pulsionsde son rgne, presque comme le sang ou la chair. Etcomme nous tions assez strictement vgtariens...

    Et puis, il y avait les cheveux! Moi, je n'aurais jamaisenvisag de couper les miens; leur longueur et leur libertfaisaient partie intgrante de ma personne ainsi que l'unedes marques traditionnelles de mes origines.

    Le Rabbi Jeshua les portait galement longs, la plupartdu temps. Quand il faisait du vent, Il avait sa faon Luide les maintenir l'aide d'un serre-tte mtallique garnid'une bandelette de cuir ou de toile. Cela nous tonnait...Parfois, Il relevait sa chevelure sur la nuque en ce qui res-semblait un chignon. Je L'ai vu aussi se couper les che-veux relativement courts deux ou trois reprises.

    On me dira que cela n'a aucune importance dans lepropos gnral qui m'amne vous confier ces souvenirs.Je n'en suis pas si certain car cela permet de mieux com-prendre que l'un des traits marquants de la personnalit duMatre - ne ft-ce que dans le contexte essnien - c'tait lavolont de briser, comme par plaisir, des principes appa-remment immuables ou des images figes.

    En vrit, Il aimait jouer. Si personne ou presque ne lesait aujourd'hui, peu galement en prenaient conscience l'poque car cela paraissait inconcevable.

    L'aspect ludique de la vie tait d'ailleurs quelquechose de rarissime chez nous, les Essniens. On voquaitnotre tendance la douceur, nos connaissances et notrenaturelle discrtion, cependant jamais on n'aurait dit denous que nous tions joyeux ou que nous aimions plaisan-

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    ter. En cela, on ne se trompait pas ... Nous nous montrionsassurment trop srieux!

    Il faut dire que nous n'tions gure aids dans cetterputation par ces hommes que l'on confondait rgulire-ment avec nous, les Nazarites.

    Nazarites et Essniens

    Les Nazarites vivaient, comme la plupart de "nos" A-ns, aux abords de la Mer Morte, dans des grottes ou deminuscules monastres.

    Le comble est que les uns et les autres ne se frquen-taient presque pas. Notre histoire interne affirmait que nousformions un seul et mme peuple l'origine mais qu'unesorte de schisme trs subtil s'tait produit un momentdonn, environ une centaine d'annes avant nous.

    Il y avait les partisans d'une "ligne dure" et ceux d'uneligne "relativement moins dure". Ce sont les plus rigidesque nous nommions Nazarites. D'aprs mes souvenirs,quelque chose en eux essayait toujours de vouloir convain-cre l'autre, tel point que nous les ressentions comme desmes plutt guerrires.

    Leur apparence physique et vestimentaire restait globa-lement identique la ntre, hormis le fait qu'il n'tait pasrare de les voir avec la chevelure couverte de cendres et lecou charg de plusieurs chapelets de graines colores derouge.

    tant donn qu'ils se montraient moins discrets quenous, notre nom disparaissait souvent derrire le leur.D'ailleurs, j'ai frquemment entendu des hommes et desfemmes parler du Matre en L'appelant "le Nazarite" ouencore "le Nazaren", ce qui revenait au mme.

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  • Les vrais Nazarites, quant eux, s'insurgeaient contrele fait qu'on puisse prendre le Rabbi Jeshua pour l'un desleurs. Je les ai maintes fois entendu protester ce sujet, jus-qu' se fcher. Pour eux, Il tait un impie et un provocateurpuisqu'Il bravait la plupart de leurs interdits. Bien qu'Il nemanget pas de chair animale, ils savaient qu' plusieursreprises il Lui tait arriv d'accepter un peu d'agneau chezdes Bdouins, prs de Jricho. Pour eux, c'tait impensa-ble!

    Le peuple

    Chacun, on le voit, restait donc cloisonn dans son uni-vers. Le seul liant de la socit, c'tait finalement le petitpeuple, celui qui ne pouvait se rclamer ni des Sadducens,ni des Pharisiens, ni des Essniens ou des Nazarites. Il secomposait essentiellement de pcheurs, de paysans, d'arti-sans, de modestes marchands et de misreux de toutes sor-tes.

    Tout ce monde-l tait inculte, bien entendu et parconsquent servile... puisque sans arguments de rflexion.

    force de l'observer lorsque le Matre captait son at-tention et suscitait ses interrogations, je lui reconnaissaistoutefois du bon sens, un solide bon sens sur lequel Ils'appuya afin d'improviser une incroyable quantit d'his-toires allgoriques ou symboliques.

    Ce don oratoire que manifestait le Rabbi Jeshua nousmerveillait tous. L'ensemble du peuple avait t tellementhabitu de froids discours et des sermons culpabili-sants! C'est donc la diffrence de ton qu'exprimait le Ma-tre par rapport ceux qui reprsentaient l'autorit reli-gieuse qui exerait sa fascination. Le petit peuple avait be-soin d'images et de faits. Il tait simple et voulait voir...

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    En cela, je puis dire que le Rabbi les captiva complte-ment. Les rcits de ses gurisons et de ses prodiges fai-saient le tour du pays de faon continuelle. Certains taientmme purement invents ou embellis, comme si ce qui sepassait n'tait pas encore assez extraordinaire.

    Ces "pieux mensonges" desservaient d'ailleurs l'ensei-gnement et l'image du Rabbi Jeshua. Inutile de prciserque les Pharisiens s'en servaient pour fltrir sa rputationen Le rduisant un illusionniste provocateur ou, aumieux, en le mettant au rang de ces quelques magiciens quitranaient toujours aux abords du Sina.

    Il faut savoir que nombreux taient ceux qui, traversle pays, croyaient en la magie, c'est--dire aux pouvoirsqu'ont certains hommes de "manier" les puissances invisi-bles. Seuls les Sadducens, ainsi que je l'ai dit, s'aventu-raient parfois hausser les paules et plaisanter ce su-jet.

    Le Rabbi Jeshua, quant Lui, se proccupait apparem-ment trs peu de ce qui se colportait de ses interventionsmiraculeuses. Il est indniable qu'Il voulait toucher les fou-les et qu'Il avait compris, depuis le dpart, que celles-cin'entendaient non seulement rien aux grands discours maisqu'il fallait les secouer de leur torpeur par du tangible et dusimple.

    - Vous ne savez mme pas ce en quoi vous croyez nipourquoi vous y croyez! rptait-Il sans se lasser, partouto Il allait.

    l'ai souvent vu que cela agaait, que cela choquait...mais qu'Il atteignait son but car, bon gr mal gr, le petitpeuple finissait toujours par L'couter et par se dpoussi-rer un peu la conscience. Partout, nous L'entendions dcla-rer qu'Il tait venu pour nous branler et nous rafrachir lammoire, qu'Il n'avait rien nous inculquer hormis la vo-

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  • lont de nous retrouver nous-mmes, tels que nous tionsen vrit dans nos profondeurs.

    - Tu viens rinventer la Loi ? Lui demandait-onsouvent, mme dans les milieux les plus humbles. cela, Ilrpondait invariablement:

    - La Loi est la Loi. Puisqu'elle est divine, nul ne peutl'inventer, ni la modifier, ni la dtruire. Mon Pre m'a seu-lement demand d'en exhumer les plus belles pages del'oubli dans lequel elles sont tombes...

    J'ai souvenir qu'il tait hlas terriblement difficile pourdes hommes et des femmes simples de saisir la porte detelles paroles. Ce peuple qui tait habitu aux rituels dont ilignorait le sens profond, ce peuple dont les prtres dictaientet rglementaient la conduite, voil qu'on attendait soudainde lui qu'il fasse un effort d'autonomie!

    La libert de penser, d'agir et d'tre ne peut manquerqu' ceux qui sont conscients d'en tre amputs, c'est--dire qu' ceux qui commencent merger de leur anes-thsie.

    De tout temps, il a toujours t plus commode d'tredocile. On a toujours prfr ne rien avoir de grand devantsoi... mais tre certain de ne pas courir de risque.

    C'est cette attitude commune l'ensemble de l'huma-nit qui semblait parfois fcher le Matre. La tideur, lafrilosit consentie et entretenue Le faisaient toujours ragir.

    Les Romains

    Les Romains, au milieu de tout cela? Ils rgnaient forthabilement. Au dbut, il est clair que ni le Rabbi Jeshua, ninous qui Le suivions ne les avons inquits. Notre "affaire"

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    tait celle de quelques mystiques heureux de faire parlerd'eux mais gure plus.

    Cependant, plus le temps s'est mis passer, plus lesmoindres dplacements et paroles du Rabbi finirent par tresurveills... et les ntres aussi.

    En vrit, les Romains se moquaient perdument de ceque Jeshua essayait d'aller chercher dans le cur de chacunlorsqu'Il s'adressait au peuple, deci-del. Ils s'en sont mo-qus tant que cela n'branlait pas le pouvoir sadducen etpharisien... puisqu'ils entretenaient un assez bon quilibreavec lui.

    videmment, plus rien ne s'est mis aller lorsque lesattroupements devinrent trop importants et bruyants autourdu Matre. Le pouvoir romain n'avait rien faire de la reli-gion et des croyances qui avaient cours chez nous... Cequ'il redoutait c'tait le possible ferment d'une rbellioncontre la foi couramment admise. C'est bien l o le Matrefinit par leur dplaire.

    Celui-ci ne parlait-Il pas trop ouvertement de l'ind-pendance des consciences et d'un rapport direct possibleavec la Puissance cleste? De cette indpendance-l l'au-tre, les Romains en vinrent comprendre qu'il pouvait n'yavoir qu'un pas!

    Pourtant, je puis vous dire que tout n'tait pas si simplecar, mme si de plus en plus souvent les coups de bouclierdes lgionnaires et le plat de leurs lances nous contrai-gnaient quitter certains lieux, des indices nous faisaientvoir que tous les Romains n'taient pas aussi systmatique-ment nos ennemis qu'on pouvait le croire.

    Il faut raliser le fait que la Palestine tait un petitmonde en soi. Il y avait des "choses" qui se chuchotaient...Trs souvent, derrire une intervention militaire, nous ap-prenions qu'il y avait une demande pharisienne. Gnrale-

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  • ment, c'tait un centurion lui-mme qui se hasardait nousle confier mots peine voils... et il nous le chuchotaitsubrepticement parce qu'il n'tait pas insensible au rayon-nement du Matre.

    Ainsi donc, mme parmi l'occupant romain, le groupe"inclassable" que nous constituions comptait quelques sym-pathisants... voire des complices.

    Je me souviens en particulier de cette fois o nous a-vions envisag un rassemblement important au cur mmede Tibriade.

    La veille au soir, dans le campement improvis onous projetions de passer la nuit non loin de l'entre de laville, un homme sur un ne nous rejoignit et demanda parler au Rabbi. ..

    La conversation eut lieu au cours de laquelle nous ap-prmes que l'homme tait discrtement dpch par un res-ponsable de cohorte l . Ce dernier disait avoir appris que lesZlotes espraient s'infiltrer dans la foule attendue le len-demain et rcuprer de la sorte, leur avantage, l'impactdu Matre... en faisant entendre leurs propres voix. Chacunde nous comprit aussitt comment cela se terminerait : unemeute serait invitable, la lgion interviendrait, le sangcoulerait et il y aurait des arrestations.

    Le rsultat de cette information fut que la rencontreannonce se vit simplement annule. Nous passmes notrechemin...

    J'ai toujours vu le Matre refuser de servir de levier un possible affrontement physique avec le pouvoir. Sa r-volution n'tait pas celle des Zlotes. Il l'a dit et rptconstamment.

    1 Cohorte: dtachement militaire romain qui comptait environ sixcents lgionnaires.

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    Les Zlotes

    Quant aux Zlotes, je me souviens de nos opinions trspartages leur propos... A priori, chacun acceptait le faitqu'ils taient des rsistants lgitimes face l'envahisseurromain. Quand on regardait les vnements pourtant, on nesavait plus trop...

    Ds qu'ils intervenaient, on dnombrait toujours autantde morts et de blesss parmi le peuple que chez les soldatscontre lesquels ils taient uniquement senss se battre. Sittqu'on les voyait arriver - ou qu'on devinait leur prsence -on se mettait avoir peur, on apprhendait que cela ne fi-nisse mal.

    Leur discours tait fort simple : Jeter les Romains horsdu pays. Le problme tait que, pour cela, tous les moyensleur semblaient acceptables, y compris causer des mortsparmi la population.

    Quand ils surgissaient quelque part avec leurs ban-deaux rouges dlavs autour du front, on savait dj quois'en tenir. Ils avaient le poignard facile ! C'est pour cetteraison qu'on les nommait aussi Iscarii ; leurs coutelas -taient des "sicarius".

    Bien sr, ils n'taient pas les seuls porter de tellesarmes. La plupart des hommes qui voyageaient en arbo-raient une la ceinture en raison des routes qui se mon-traient peu sres. Par contre, ce qui caractrisait les Zlo-tes, c'est qu'ils savaient vraiment s'en servir! Pour eux, lepoignard n'tait pas dissuasif.

    Quant leurs croyances profondes, le plus trange estqu'elles s'affichaient de faon presque aussi extrmistesque celles des Pharisiens. Eux aussi, donc, se disaient pursparmi les purs. En cela les Zlotes taient un paradoxe vi-vant. Nous nous demandions toujours comment leur "pure-

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  • t" pouvait s'accommoder si facilement de tant de violen-ces et de meurtres.

    Il est vrai cependant, qu'en ce temps-l, on n'entrete-nait pas tout fait le mme rapport la vie qu'aujour-d'hui ... Une vie nous tait prte par l'ternel, Celui-ci lareprenait quand Il le voulait et il fallait accepter cela trsvite aprs s'tre donn le droit une brve mais violentevague motionnelle.

    En y rflchissant bien, ce paradoxe qui habitait lesZlotes n'est-il pas encore un trait caractristique de l'en-semble de la race humaine? On a toujours massacr aunom des religions qui, en principe, disent toutes se nourrirde la mme Force aimante. L'tre humain est tiss de con-tradictions. Celles-ci semblent tellement faire partie int-grante de sa nature que l'on est en droit de se demander sice ne sont pas elles qui constituent l'un des freins majeurs son avancement.

    Pour en revenir aux Zlotes, il ne faudrait pas s'imagi-ner que nous les voyions purement et simplement commedes rsistants extrmistes et imprgns de foi. Plus les an-nes passaient et plus nous nous rendions compte que, pourrenforcer leurs troupes, ils recrutaient de faon trs "large".Je veux dire qu'ils embauchaient parmi les brigands et lesassassins afin de grossir leurs rangs. D'ailleurs, le mot "si-carius" a donn naissance au nom "sicaire", terme souventutilis pour dsigner une sorte de tueur gages.

    Il est certain que les Zlotes ne constituaient pas unearme de rsistants au sens structur du terme. C'est peut-tre la raison pour laquelle ils donnaient l'impression d'treinsaisissables. Leurs petites bandes taient commandespar autant de chefs locaux qui avaient bien des difficults se concerter et s'accorder entre eux.

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    On dit traditionnellement de Barabbas qu'il tait leurtte mais, en ralit, celui-ci ne commandait que les troupeszlotes de la rgion de Jrusalem.

    Il y a quelque chose d'intressant noter propos dece clbre Barabbas. Son nom signifie littralement "fils dupre"l. Quand on sait que cet homme aurait t libr laplace de Jsus, lequel se rclamait ouvertement de son "P-re", on ne peut qu'y trouver un trange clin d' il du Des-tin. l'poque, ce dtail ne nous a pas chapp mais nousn'y avons pas accord de valeur particulire car le nom deBarabbas tait port par un certain nombre de personnes...

    1 Bar signifiait "fils de" en Aramen et Abba, "pre".

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  • Chapitre II

    Le premier rle

    Le Rabbi Jeshua

    I l faut prendre conscience que le nom de Jeshua, lui aussi,tait celui d'un grand nombre de personnes. Il existaitmme un autre rabbi qui le portait, ce qui provoqua, dansles premiers temps, un peu de confusion car son originetait galement galilenne!.

    Le Matre, Lui, n'avait pas toujours port ce nom.Nous tions peu le savoir. Ceux qui taient issus de laFraternit essnienne des villages et qui avaient t ins-truits au Krmel - c'tait son cas - se voyaient parfois attri-buer un nouveau nom.

    Ainsi, le petit "Joseph,,2 que j'avais connu durant monenfance ne devint-il Jeshua que lors de son sjour forma-teur au Krmel.

    1 Jeshua vient de \'Aramen Jehoshuah, c'est--dire aussi Josu.

    2 Voir "De mmoire d'Essnien", chapitre VI.

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  • Avant que de faire appel mes souvenirs pour parlerdu Matre qu'Il devint, je voudrais d'abord voquer le rabbi- ou encore le "rabboune" comme nous disions parfois af-fectueusement - c'est--dire l'homme que nous ctoyionspresque quotidiennement. En effet, un Matre de Sagesse,ft-il destin tre investi par la Prsence du Christ, estd'abord et avant tout un homme, ce qui signifie un tre"oblig" de composer avec les lois de ce monde.

    Je comprends que cette vrit puisse en choquer plusd'un mais il faut pourtant qu'elle soit dite. Elle n'a d'ail-leurs rien qui puisse diminuer ou ternir l'image et l'uvred'un Matre, bien au contraire. Quel mrite y aurait-il incarner la Matrise de la Sagesse et tre habit par uneForce supra-humaine sans avoir uvrer sur soi-mmepour rvler sa propre essence divine? La vraie grandeurvient toujours de Ce que l'on s'efforce de cultiver et de laquantit de "plomb humain" que l'on parvient transmuteren or spirituel au fond de soi.

    Ainsi le "petit Joseph" - lui-mme fils de Joseph - quiavait grandi dans une communaut villageoise essnienneavant de passer par l'cole terriblement formatrice duKrmel a-t-il d, comme tout un chacun, se soumettre unediscipline exigeante afin de faire ressurgir avec clat la ma-gnificence de son tre.

    Lorsque nous passions de longues soires ses cts, iltait trs rare qu'Il acceptt d'en parler. Tout ce dont je mesouviens des confidences qu'il Lui est arriv de faire pro-vient d'une srie de courts instants parpills sur plusieursannes. Je ne crois pas que cette attitude ait t la cons-quence d'une pudeur ou d'une volont d'entretenir un se-cret. Pour Lui, c'tait tout simplement sans importance; Ilavait, disait-Il, mieux faire qu' nous confier ses souve-nirs "humains".

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    Cette partie humaine, celle qui portait le titre de Frreessnien, se montrait pourtant toujours extrmement pr-sente. Aujourd'hui encore, je demeure persuad que c'estcet aspect, en apparence secondaire, qui a contribu im-mortaliser sa Prsence et son uvre.

    La croyance populaire, essentiellement entretenue parl'glise catholique romaine, veut que Jeshua soit n Christ,c'est--dire dans toute sa conscience et sa perfection, qua-siment ds l'instant de son premier cri. Selon cette affirma-tion, Jsus n'aurait rien eu apprendre puisque, d'embleIl tait Dieu incarn et que, par consquent, Il avait laConnaissance et la Puissance absolues...

    En tant que tmoin de ce qui s'est pass il y a deuxmillnaires, j'affirme que cette vision des choses est d'unenavet tout fait tonnante et entretient un mensonge. Quele petit Joseph - le futur Jeshua - ait manifest des connais-sances et des talents exceptionnels ds sa tendre enfanceest incontestable mais prtendre qu'Il ait t pleinementLui-mme et parfaitement "christ" ds le dpart rsulted'une ignorance totale des lois de l'volution imposes parle seul fait de l'incarnation. Je dirai que Jeshua, avantmme que de pouvoir porter le titre de rabbi, a eu travail-ler pour se re-souvenir de sa propre nature, donc pour se re-connecter avec sa mmoire profonde et redcouvrir sacharge..

    Quand il Lui arrivait de cder nos questions, Il nes'en cachait pas. Il parlait de Lui humblement comme d'unlve qui avait d faire face ses propres difficults et des enseignants incroyablement exigeants, d'autant plusexigeants que ses matres pressentaient Qui ils avaientaffaire.

    Dans de tels moments, nous comprenions alors que lagrandeur d'un tre n'tait pas donne celui-ci par quelque

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  • grce divine mais que cet tre devait l'extirper de lui-mmepour la ressusciter des profondeurs de la Matrise acquisede ses vies passes.

    Un jeune enfant ou un adolescent sont toujours enfantou adolescent devant se plier aux rythmes naturels de lamaturation... mme si leur tre essentiel renferme le plusinou des diamants.

    Pour ma part, lorsque re-dfilent en moi les imagesprcises des moments d'intimit et de partage dont il m'estarriv de bnficier avec le Matre, il me semble impos-sible de parler du Christ qu'Il manifestait tout en faisantexclusion de l'homme qu'Il continuait d'tre.

    Celui-ci avait les mmes besoins que nous. Il avaitfaim et soif ; Il prouvait de la fatigue, parfois mme Iltombait de sommeil... et il Lui arrivait de ronfler. Cela pa-rat peut-tre stupide ou prosaque prciser mais, mme sisa conscience tait d'une nature diffrente de la ntre etdveloppait constamment une volont et des capacits stu-pfiantes, son corps tait bel et bien un corps humain. Toutcomme nous, le Matre pouvait s'entailler la plante du pieden marchant sur une roche coupante; tout comme nous, Ildevait se protger de la brlure du soleil et de maintes au-tres choses.

    Je dois dire qu' plusieurs reprises, je L'ai mme vupleurer; dont une fois chaudes larmes, lorsqu'Il apprit ladcapitation du Baptiste. l'poque, cela nous paraissaitnormal car nul ne pouvait ressentir de honte dans l' expres-sion de sa peine.

    Aujourd'hui, dans notre monde occidental, il en va toutautrement. Lorsqu'un homme ne parvient pas contenir sesmotions ou qu'il ose les laisser s'exprimer, on se prendsouvent le trouver faible et sans contrle de lui-mme. Enfait, tout ceci est purement culturel.

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    Cependant, lorsqu'il m'arrive d'voquer les larmes duMatre Jeshua, on me pose souvent cette question: Ilavait donc des motions?

    Eh bien oui, Jeshua, l'homme, le rabbi, tait capabled'motions. Et j'ajouterai que, par bonheur, Il prouvaitdes motions...

    Mais comprenons-nous bien; cela ne signifie pas qu'Iltait le jouet de celles-ci ou qu'Il ne pouvait pas les domi-ner. Il acceptait pleinement de les laisser se manifesterparce qu'Il reconnaissait sans rserve ce que sa nature in-carne avait de respectable et de noble. La douleur d'uncur et d'une me sont-elles dshonorantes ou amoindris-santes? Nul n'oserait le prtendre, je l'espre.

    Nous ne parlons pas ici de sensiblerie ni d'motivitmais de l'expression simple, pure et belle, de ce qui faitqu'une me est humaine.

    D'une manire gnrale, le Matre n'a jamais vouluriger de frontire entre Lui et nous. Il partageait entire-ment notre vie, se montrant parfois du et feignant mmela colre face certains comportements. Je dis "feignant"car cette colre n'avait rien de pulsionnel. Elle tait con-trle dans ses moindres manifestations comme si elle taitcalcule et avait intentionnellement une fonction ducative.

    La fameuse scne des marchands qu'Il chassa "manumilitari" hors du Temple en est sans doute le plus belexemple connu. La colre exprime n'tait que de surface;elle ne traduisait pas un aspect brutal et incontrlable de sapersonne mais la volont intelligemment dirige de rappe-ler les principes fondamentaux du respect d aux lieux sa-crs.

    J'ai eu le privilge d'tre en sa compagnie peu detemps aprs ces vnements qui firent grand tapage Jru-salem.

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  • Tout en insistant sur l'indcence mercantile des mar-chands qu'Il avait rappels l'ordre, le Matre riait Lui-mme de sa propre raction et se disait amus de l'impactqu'Il avait su crer. En cela, Il me rappela l'un de nos moi-nes enseignants du Krmel qui faisait rgulirement mine dese fcher contre nous afin d'exiger un effort supplmen-taire dans nos tudes. la fin de mon sjour en ce lieu, jeme souviens que j'avais fini par djouer son stratagme etque tout cela s'tait achev en un rire complice entre lui etmoi.

    Ce qui tait trange avec le Rabbi Jeshua, c'tait laproximit qu'Il acceptait que nous ayons avec Lui. J'avouecependant que cette proximit consentie nous mettait par-fois mal l'aise. Chez moi, par exemple, elle avait poureffet de dclencher une forme de timidit laquelle bloquaitdes ventuelles questions au fond de ma gorge. Je suis cer-tain, par ailleurs, de ne pas avoir t le seul prouver cela.

    Pour parler encore de Jeshua en tant qu'homme, iln'est sans doute pas inutile de signaler que, malgr la di-mension spirituelle qu'Il incarnait d'vidence, Il avaitl'humilit de demander de l'aide lorsqu'Il en avait besoin.Je me souviens qu'il Lui arriva de se blesser l'articulationd'un genou en enjambant des rochers dans les montagnessurplombant le lac de Galile. Il demanda un massage l'aide d'un onguent puis qu'on le dcharget de son sacpour le reste de la journe.

    On me dira: Mais ne pouvait-Il pas se gurir Lui-mme? Il l'aurait vraisemblablement pu en faisant appel ses liens avec le monde subtil mais il est clair que sonintention tait de demeurer le plus humain possible parmiles humains.

    Je ne l'ai jamais vu utiliser ses capacits - disons mira-culeuses - dans le cas d'vnements simples appartenant

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    la banalit du quotidien. Ainsi, par exemple, lorsque nousavions faim, Il ne se serait pas "amus" gratuitement ma-trialiser de la nourriture. Nous nous en procurions par lesvoies normales: achat, troc ou service rendu. Lorsqu'il Luiest arriv d'utiliser ses pouvoirs dans ce domaine, c'taittoujours en vue d'un enseignement afin d'illustrer la toutepuissance de l'Esprit.

    Du reste, nous mangions fort peu. L'homme qu'tait leRabbi Jeshua ne contraignait personne au jene ou la fru-galit. Son rayonnement seul induisait le fait que nous pen-sions peu une abondance de vivres. Par contre, celle-cinous tait offerte de temps autre, tel un vritable prsentdu Ciel lorsque, par exemple, un Sadducen quelque peudissident ou tmraire nous invitait en sa demeure.

    Quand on Lui proposait un peu de vin, le Matre neddaignait pas celui-ci. Sans jamais en abuser, Il reconnais-sait l'apprcier pour la dtente et la joie dont son principepouvait tre porteur.

    J'ai entendu quelques-uns de nos contemporains affi-lis certains regroupements religieux prtendre qu'il nes'agissait pas vraiment de vin... mais plutt de jus de rai-sin l ! Quelle plaisanterie ou, plutt, quelle hypocrisie! Ja-mais le Matre ne fut un poseur de barrire ou un dresseurd'interdits. Il incarnait un merveilleux message de libert etde temprance, ce qui a toujours hriss le poil des Phari-siens... ceux d'hier comme ceux d'aujourd'hui!

    Jsus, l'homme, tait tonnamment libre, libre et d-concertant, capable de changer de direction gographiqueen l'espace d'un instant comme un animal qui aurait sentiquelque chose dans le vent, un danger ou une invitation. Le

    1 Ou d'une sorte de rsine laquelle on aurait ajout de l'eau, ainsique cela pouvait se faire en Grce.

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  • suivre devenait donc un exercice de lcher-prise continuel. ce sujet, Il nous incitait souvent nous rebeller sur lebord du chemin.

    - Alors si, d'un coup, je me jetais du haut de ce ro-cher, vous me suivriez? Et Il ajoutait encore parfois: Ilpeut m'arriver de chercher mon chemin... Je ne veux pasdire mon chemin intrieur - celui-l est grav - je veux par-ler de mon "chemin de terre". Je ne suis pas un bloc de gra-nit, voyez-vous; mon Pre m'a donn la libert de mesmouvements, alors l'hsitation que peut prouver la plantede mes pieds est aussi un cadeau... Ceci est un plus grandenseignement qu'il n'y parat: Retenez-le...

    La Tradition colporte le fait qu'Il aurait appris le tra-vail du bois auprs de son pre durant son enfance. C'estexact mais, en ralit, Il montrait peu de dispositions pource genre de tche. Il n'aimait gure cela. Par contre, Il pou-vait prendre plaisir riger ou rparer un muret de pierre, tailler un arbre ou encore aider un paysan ensemencerson carr de terre. Les travaux lis la matire ne le rebu-taient pas. En ce sens, Il mettait scrupuleusement en pra-tique la faon d'tre qui tait enseigne au Krmel.

    Pour Lui, de la mme faon qu'un arbre ne poussaitpas sans racines, il tait indispensable qu'un tre humain nesoit jamais tranger aux choses de la terre. ses yeux, lapermabilit entre les mondes que l'homme est amen ctoyer et dont il est naturellement issu devait tre impra-tivement entretenue. Jeshua ignorait la notion de coupureou de rupture.

    S'il Lui arrivait de ne plus souhaiter tre en contactavec telle ou telle personne ou de ne pas retourner danscertains endroits, Il ne considrait sa dcision que commeune parenthse momentane, une parenthse qui se verraitun jour ou l'autre r-ouverte de faon constructive en des

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    temps plus propices puisque toutes les mes taient ame-nes ncessairement communier au bout de leur volu-tion.

    Si un rapport conflictuel se dessinait entre Lui et quel-qu'un d'autre, Il vivait la situation de manire tout faitdpassionne, un peu comme un acteur qui ne se laisseraitpas "manger" par le rle qu'il interprte et qui garderaitune constante altitude par rapport au scnario.

    En tant que tmoin, je vous assure que cela ne signi-fiait nullement qu'Il adoptait une attitude froide, dtacheou lointaine lors des situations de tension.

    J'ai constat maintes reprises que le Rabbi pouvaitprouver de la peine. Il n'a jamais t un bloc de marbredifficile entailler au burin. Il avait seulement une extraor-dinaire capacit prendre une distance trs rapide relative-ment une situation agressante ou blessante.

    Si on dit de quelqu'un qu'il parvient vivre dans l"'iciet maintenant", c'tait exactement son cas. Non pas que sammoire s'ingnit ne vouloir conserver que les chosesagrables de l'existence mais parce que tout son tre semontrait capable de transcender avec une vitesse tonnantechaque blessure ou chaque agression.

    La notion de ressentiment Lui tait inconnue. L'insul-te, la mdisance ou la calomnie glissaient sur Lui... aupoint o il s'en trouva de temps autre pour dresser de sapersonne le portrait d'un lche ou d'un peureux.

    Dieu sait pourtant que ces deux tristes qualificatifs nepouvaient en aucun cas s'appliquer Lui! Rgulirement,en effet, c'tait Jeshua qui, par ses prodiges ou ses paroles,gnrait des situations dont Il pouvait prvoir qu'elles d-clencheraient des temptes et se retourneraient contre sapersonne.

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  • Le Rabbi tait, par essence, un provocateur. Non pasqu'Il aimt les ambiances conflictuelles mais parce qu'Ilestimait qu'une partie de la tche qui Lui incombait tait desecouer l'tre humain pour mettre en vidence ses attitudesmentales poussireuses et toxiques.

    Du reste, la seule prsence physique de l'homme qu'Iltait ne pouvait pas passer inaperue. Si elle fascinait, elledrangeait tout autant ceux dont le cur tait sec ou cons-tamment sur la dfensive, prt se fermer comme une hu-tre.

    Tout d'abord, sa stature tait bien suprieure celle dela moyenne. Dans une foule, qu'on l'ait voulu ou pas, onne remarquait que Lui avec sa longue chevelure sombre,lgrement auburn et sa barbe toujours finement entre-tenue. Quant son regard, si vous parveniez le croiser, iltait de ceux que l'on ne peut pas lcher tant il allait cher-cher loin en vous quelque chose que vous ignoriez vous-mme. Je crois pouvoir dire que beaucoup taient indispo-ss par ce regard parce qu'il avait la particularit de mettrel'me nu et parce qu'il nous disait tout de suite que nousne pourrions pas tricher... ce qui n'arrangeait pas tout lemonde, videmment!

    Il n'tait pas question pour Lui, dans sa ralit quoti-dienne humaine, d'imposer quoi que ce soit de Ce quiL'habitait. Ce n'tait donc pas sa faon d'tre qu'Il espraitnous inculquer. Il mettait plutt tout en uvre pour nousrvler la ntre, c'est--dire notre tat de servilit et decoupure d'avec notre essence.

    L'homme Jeshua ne parlait pas aussi souvent de sonPre que ce que mettent en exergue les critures canoni-ques. L'homme, le rabbi, nous entretenait d'abord de nous,de nos invraisemblances, de nos contradictions, de nos pas-

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    sivits, de nos peurs... en rsum de nos petitesses en re-gard des arrogances que nous affichions.

    Pour cela, Il n'avait aucune retenue dans ses discours.Il employait les termes que maniait le peuple dans sa vieordinaire. Il ne craignait pas non plus les plaisanteries lalimite de "ce qui pouvait se dire", pour peu que celles-cisoient porteuses d'une rflexion allant dans le sens de l'ou-verture du cur.

    Les prtres de tous bords Lui reprochaient souventcette attitude, arguant qu'Il "ratissait trop bas et trop large"pour pouvoir prtendre qu'Il se faisait l'interprte des Pa-roles du Trs-Haut.

    Pour Lui cependant, qui se contentait alors de sourire,il n'y avait "ni trop bas, ni trop large", de la mme manirequ'il n'y avait jamais de "trop haut". Avant le Matre,l'homme en Lui voulait parler vrai, c'est--dire s'exprimerselon son cur et selon le degr d'ouverture des oreillesauxquelles Il s'adressait. En cela, bien qu'Il ft lettr, leslettrs ne L'apprciaient gnralement que trs modr-ment.

    Pour tout rsumer, Il ne faisait le jeu de personne. Pasmme de ceux de la Fraternit essnienne. Est-il utile deprciser que ces derniers refusaient de voir en Lui davan-tage qu'un rabbi audacieux, voire prtentieux et passable-ment hrtique ? Rares sont ceux, dans sa propre commu-naut d'origine, qui ont eu l'humilit de reconnatre en Luile Matre de Sagesse et, plus tard, le Massiah1 qu'ils di-saient attendre.

    1 Le terme de Massiah - le Messie - est pratiquement l'quivalent dumot Christ, l'lu, l'Oint, c'est--dire le Bni par l'ternel.

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  • Il ne faudrait pas croire que ce rejet manant des"siens" n'ait pas compt dans la vie du Rabbi Jeshua. Onaurait tort de s'imaginer que l'homme tait insensible cela. Le Matre en Lui, le Christ rvl, savait, acceptait etcomprenait, bien videmment. .. mais tout tre incarn peutdemeurer avec la surface gratignable de sa peau humaine.

    Ainsi, le Matre pouvait-Il vacuer rapidement lesblessures de 1'homme en leur insufflant une dimension su-prieure. Dclarer que "nul n'est prophte en son pays" estun lieu commun; cependant je puis vous assurer que vivrecette ralit comme Il l'a vcue n'avait rien de particulire-ment "digeste". Se voir rejet pouvait signifier tre physi-quement condamn mort.

    Je me souviens tout fait qu' plusieurs reprises nousavons craint pour la scurit du Matre, mme en des tempso le pouvoir en place ne se montrait pas menaant.

    Un pouvoir ne se base jamais que sur la passive oulche complicit de ceux qui le laissent agir et imposer sondiktat souvent inique.

    - Tout pouvoir, rptait le Rabbi, est domination lors-qu'il repose sur la faiblesse de ceux qui ont abdiqu la ma-trise de leur propre vie.

    De telles paroles constituaient, cela va de soi, un fer-ment de rbellion dont la subtilit n'chappait pas aux Sad-ducens et donnaient quelques vains espoirs aux Zlotes.

    J'aurai l'occasion de revenir constamment sur l'aspecthumain de Jeshua car Celui-ci ne faisait que renforcer l'im-pact de la Puissance qu'Il endossait en instaurant une pro-ximit avec le Divin laquelle nul n'tait habitu.

    Cet aspect double de sa personnalit reprsente, monavis, l'un des traits marquants qui a fait de Lui un treconstamment insaisissable, la fois souffrant et joyeux,

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    paisible et rebelle mais qui allait dans une seule et mmedirection sans jamais se retourner.

    Quand on parvient comprendre ce que cette doublenature impliquait dans notre vie quotidienne, on peut ais-ment deviner pourquoi 1'homme tout autant que le Matrede Sagesse dchanait ce point les passions, provoquanttout ensemble rejet, haine, colre, mpris ou encore admi-ration, amour, vnration, adulation et mme hystrie.

    Ceux que je nomme les Grands Rincarns et que lesOrientaux qualifient d'Avatars l crent toujours cet effet surl'humanit qu'ils traversent la faon d'une flche volantdroit vers son but. Ils mlent les fragilits de 1'humain laPuissance dtermine supra-humaine. Ainsi, la paix qu'ilsvhiculent par essence commence d'abord, de faon para-doxale, par susciter autour d'eux les lments constitutifsd'un champ de bataille.

    Ne serait-ce pas une base de rflexion pour tenter decomprendre ces paroles a priori nigmatiques et contradic-toires : Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glai-ve.

    Personnellement, avec la myriade des souvenirs quipeuplent mon me et avec le recul du temps, je me dis quece glaive-l ressemblait trangement au sabre des arts mar-tiaux de l'Orient, celui du Budo dont la fonction avoueest de "trancher l'ego".

    Jeshua, l'homme, le rabbi, avait-Il quant Lui un ego?JaIuais on ne m'a pos cette question, comme si elle taitdplace... Si je crois pourtant bon de l'aborder ici l'aidede ce que je garde de mon vcu ses cts, c'est parce

    1 Avatar: Incarnation divine reconnue qui se manifeste d'poque enpoque.

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  • ilil.1

    qu'il me semble utile de dire quelques mots propos decette notion...

    En effet, notre culture considre systmatiquementl'ego comme une ralit foncirement ngative. Bien quele terme "ego" ne ft pas employ en tant que tel dans l'en-tourage du Matre, son concept existait pour tous ceux quise posaient des questions sur la nature de l'tre.

    Le Rabbi parlait, quant Lui, de l'me dans sa dimen-sion rduite et incarne; Il voquait ainsi cette personnalittransitoire de l'tre qui, de vie en vie, tente de s'affiner.

    Alors avait-Il, Lui aussi, en tant que rabbi et homme,ce que nous appelons un ego? Sans hsiter, je dirai "fortheureusement, oui".

    Oui, parce que l'ego est d'abord et avant tout ce quidonne sa "couleur" et son "parfum" une conscienceconnecte sa "prise de terre". C'est ce qui lui procure unepersonnalit distincte et qui fait qu'elle est elle et non pasn'importe quelle autre.

    Quand on en n'est pas l'esclave, quand on ne subit pasles pulsions ni les manifestations limites et sclrosantes desa ralit, l'ego est l'outil par lequel l'Esprit qui nousanime communique avec la Matire et aspire celle-ci versLui. L'ego est le moyen terme par lequel la Puissance ter-nelle et immanente s'infiltre travers les mondes pour per-mettre la vie consciente d'elle-mme de se confronter ladensit et de se fortifier son contact.

    tre pourvu d'un ego ne signifie pas ncessairementavoir des mouvements d'humeur ou encore tre sujet despulsions... C'est manifester les caractres fondamentaux dela conscience libre, c'est avoir la possibilit de s'affirmer,je veux dire d'tre capable de s'extraire d'une me-groupe.C'est exprimer un temprament, une faon d'tre, une vo-lont autonome, c'est prendre le risque de se tromper, avoir

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    le droit d'hsiter, de laisser parler une sensibilit, des senti-ments et mme des motions. On croit trop systmatique-ment qu'une motion tire d'emble "vers le bas" alors qu'ilen existe qui poussent bel et bien l'tre "vers le haut".

    L encore, il y a des quantits d'ides reues qu'il meparat important de rectifier. Lorsque je me rfre messouvenirs deux fois millnaires, je ne puis m'empcher derevoir le Rabbi Jeshua comme un homme sensible et ca-pable d'motions... Cela n'implique pas qu'Il ait t domi-n par sa sensibilit ni par des vagues motionnelles maisque sa grandeur passait par le fait qu'Il connaissait del'intrieur les contingences qui font de l'tat humain cequ'il est.

    On peut en dduire qu'Il savait parfaitement de quoi Ilparlait lorsqu'Il enseignait la matrise de soi et la recherchepermanente du contact avec l'Absolu divin en tant queporte de sortie tous nos maux.

    Prtendre qu'un Matre serait n avec sa pleine ma-trise telle une statue de bronze ou de bton qui serait ex-traite toute faite et immuable de la forme pr-dtermine deson moule est pour moi le signe d'une terrible immaturit.Hlas, une semblable conception est courante dans nos so-cits ; elle rsulte du lavage de cerveau pratiqu sur unemultitude de gnrations et qui laisse de profonds stigmatesdans la pense collective dsormais incapable d'imaginerqu'elle aussi a le pouvoir et le devoir de grandir.

    Encore une fois, qu'un Matre de Sagesse ait se re-construire, c'est--dire tout mettre en uvre pour ressus-citer en Lui la conscience de son origine et de sa missionne fait que le magnifier.

    Jeshua, en tant qu'enfant s'tonnant Lui-mme de sadiffrence puis, en tant qu'homme se questionnant surl'immensit de la Force qui demandait transpirer travers

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  • Lui, n'en mrite que davantage notre respect et notre vn-ration.

    Jeshua, le Christ

    Comment maintenant passer de Jeshua - l'homme, lerabbi et le Matre - Jeshua le Christ, c'est--dire au Por-teur d'une Force incommensurable et supra-humaine ?C'est tout un dfi, ne serait-ce que pour la palette de motsqu'une langue met disposition de ceux qui la connaissent.

    Personnellement, je me dois d'tablir une diffrencetrs nette entre Jsus et le Christ; Jsus tait le Rceptaclehumain dont la mission a t de se prparer recevoir plei-nement en Lui la Prsence du Christ, c'est--dire la Cons-cience la plus affine de notre systme solaire puis galac-tique.

    J'ai dj fourni de nombreuses indications ce sujet.Afin de ne pas les rpter ici, je vous engage les retrou-ver, pour mmoire, en dtails, dans le corps d'un prcdentouvrage!. Pour la commodit de la lecture en voici cepen-dant un rsum extrmement simple:

    De retour de son long voyage de dix-sept annes enInde et dans les Himalayas, le Matre Jeshua, lors d'unemort initiatique vcue au cur de la grande pyramide deChops, fut investi par la Conscience supra-humaine etsolaire du Christ.

    Suite cet vnement majeur qui en fit alors un Avatarau sens plein du terme, une seconde "investiture" Lui futpropose lors de la fameuse crmonie du Baptme dansles eaux du Jourdain.

    ! Voir "De mmoire d'Essnien", d. Le Persa.

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    Ds cet instant, la prsence du Christ en Lui vints'ajouter Celle du Logos de notre galaxie... Lorsque l'onparle du Christ-Jsus, il est donc important de raliser quel'on voque trois Puissances en Une: La premire est celledu Matre de Sagesse incarn, la seconde est celle de l'trele plus Ralis de notre systme solaire, et enfin, la troi-sime qui peut se dfinir comme tant issue de la plusGrande Prsence manifeste dans notre univers galactique.

    tions-nous conscients de tout cela il y a deux milleans tandis que nous cheminions presque quotidiennementaux cts du Matre? Absolument pas ! Les concepts queje viens d'esquisser n'ont commenc faire leur apparitiondans notre esprit qu'aprs l'vnement historique de laCrucifixion, donc aprs que le Mystre aux dimensionscosmiques ft achev.

    En ce sens, il est clair que nos consciences taient en-dormies et trs loin d'imaginer l'ampleur de la Prsencequi les enseignait. Je crois pouvoir affirmer que mme lesplus proches disciples du Matre concevaient peine face Qui ils se trouvaient.

    Comment maintenant parler du Christ ou du Logos entant que tels, tandis qu'un "simple" Matre de Sagesse nousplace dj dans l'embarras lorsqu'on est amen en bros-ser le portrait?

    Autant dire tout de suite que le tmoin que j'ai eu leprivilge d'tre est persuad, pour sa part, n'avoir que lacapacit d'esquisser une image infiniment rduite de Celuiqui l'a marqu tout jamais. En d'autres mots, quel quesoit l'Amour que je placerai dans les phrases qui s'encha-neront au fil des pages venir, j'aurai toujours la sensationde ne pouvoir faire que la caricature ou de tracer la sil-houette dforme d'un tre incommensurable.

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  • Est-il possible de dcrire en termes humains Ce qui,par dfinition, est "non-humain" dans l'acception la plusnoble du terme? moins ... que le problme ne soit pris l'envers et que ce que je qualifie ici de "non-humain" soitau contraire le vritablement humain, autrement dit l'Hu-main au sens abouti du concept... ou presque.

    En y rflchissant bien, comment comprendre autre-ment le fait que les critures dfinissent le Christ comme le"Fils de l'Homme" ? Ce n'est qu'en acceptant que l'Hom-me en question reprsente la Divinit Elle-mme, c' est--dire la promesse de notre hritage, que cette affirmationacquiert un sens et que ce sens nous rappelle notre invita-tion la mtamorphose.

    J'ai abord la notion pineuse de l'ego en esquissant lapersonnalit du Matre Jeshua en tant que support physiqued'une Puissance supra-humaine, mais en ce qui concerne leChrist ou le Logos, qu'en est-il? Peut-on, dans ce cas, par-ler d'une personnalit?

    Encore une fois, mes connaissances et ma comprhen-sion du sujet ne sont pas celles d'un thologien. Ds quel'on approchait la Prsence du Christ - ou celle du Logos -il tait bien difficile de parler de personnalit au sens ounous l'entendons classiquement. Je dirais qu'il s'agissaitplutt du rayonnement d'un Champ de Conscience "che-vauchant" de faon miraculeuse une personnalit incarne.

    Je dois ajouter que ce chevauchement, cette superposi-tion ou encore cet adombrement ne se manifestait pas tou-jours de faon identique et constante.

    Il m'apparat aujourd'hui que le Rabbi Jeshua n'taitpas toujours "habit" avec la mme intensit. Au risque deparatre sacrilge ou blasphmateur, je pense que la "Grcechristique" tait plus dploye en Lui certains momentsqu' d'autres.

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    Toute forme de vie rsulte de l'expression de grandscycles comme de micro-cycles qui sont autant de mouve-ments de respiration. Mme ce qui nous semble fixe et im-muable traduit imperceptiblement l'inspir et l'expir de laVie. Selon ce principe universel, on peut admettre le faitque le corps et la conscience du Matre Jsus aient t sou-mis cette mme Loi qui a pour raison d'tablir la protec-tion et la rgnration de l'nergie vitale elle-mme.

    Pour utiliser un exemple trs prosaque, imaginez quevous soumettiez constamment un moteur lectrique conupour du deux cent vingt volts une force de trois centsoixante volts. La surtension lui serait rapidement fatale.

    Lorsque le Matre se retirait "seul dans le dsert", noussavions trs bien, l'poque, que quelque chose se produi-sait alors en Lui sur un plan que nous appellerions au-jourd'hui nergtique. Je sais dsormais que ces momentsd'isolement total, parfois trs brefs, permettaient la Pr-sence du Christ et du Logos de se distancer lgrement deLui, favorisant ainsi le repos indispensable son corps au-tant qu' sa personnalit.

    Comprenez cependant que quand il est question de sa"solitude dans le dsert", le mot dsert ne fait pas ncessai-rement rfrence un lieu gographique. Il suggre la plu-part du temps un tat de l'me qui se retrouve seule face elle-mme, face sa diffrence, aux prises avec ses dfiset, bien sr, avec sa mission.

    La Toute Puissance Christique dans la chair et la cons-cience du Rabbi Jeshua en pleine possession de son tatsupra-humain se prsentait, quant Elle, de trois faonsclatantes. Sans raliser, je le rpte, la nature prcise duphnomne qui se produisait, je me souviens avoir toujoursperu les moments o Il tait "autrement"... de par l'inten-

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  • sit de son regard, par le timbre de sa voix, ainsi que parson dbit oratoire.

    Ses yeux devenaient alors d'une transparence que jen'ai jamais retrouve chez aucun Matre. Sans se laisseremporter par une motion idalisatrice, on ne pouvait qu'-tre frapp par la nature diffrente de son regard. Celui-cidevenait comme un lac sans fond et dont la limpidit taittelle qu'elle en devenait fascinante.

    Avec ma comprhension actuelle, j'aj outerai que ce lacavait aussi l'clat et la profondeur d'un vritable cosmosavec ses galaxies et ses soleils. Sans doute pensera-t-on queje me laisse emporter ici par un lan potique utilisant uneanalogie un peu trop facile. Je puis pourtant vous affirmerque les termes que je viens de choisir ne sont pas motivspar une verve littraire de facture classique...

    En effet, il y eut un matin, trs tt, o les circonstancesde la vie firent que le Christ Jeshua et moi nous nous re-trouvmes les deux seuls tre rveills dans le petit cam-pement qui avait t rapidement improvis pour la nuit.C'tait quelque part en Samarie, non loin des ctes...

    Alors que je finissais d'arranger ma robe et de rouler lacouverture qui me servait parfois de manteau, le Matres'approcha de moi et, ainsi qu'Ille faisait parfois l'un ou l'autre, Il apposa doucement son front sur le mien ensigne de salut et de bndiction.

    Ce n'est pas de ce geste-l dont je me souviens particu-lirement car j'ai le bonheur de l'avoir vcu un assez grandnombre de fois. C'est plutt de l'instant qui l'a prcddont je tiens parler parce que c'est lui, cet instant qui n'apeut-tre dur qu'une seconde, qui me pousse utiliser lesmots cosmos, galaxies et soleils.

    En vrit, j'ai eu la sensation de me perdre ou plutt deme gagner compltement dans l'infinitude de cet univers.

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    Ce fut une sensation absolue de vertige mle celle d'uninexprimable tat de grce. En une fraction de seconde toutdevenait clair et facile; je plongeais dans le lac... je mepropulsais vers le cosmos.

    Un tel instant bni, s'il s'ternise au niveau du cur,est toujours hlas trop bref pour le corps et la conscience -encore si petitement humaine - qui y est rive.

    Il n'y eut aucun mot chang... mais c'tait cela aussil'enseignement du Christ Jeshua. Il pouvait simplementpasser par le mystre du regard.

    Cependant, comme je l'ai dit, il y avait simultanmentla voix du Matre adombr qui oprait ses propres miracles.Cela, nous fmes quelques milliers nous en rendre comp-te, mme si certains refusaient d'en admettre l'vidence.

    La rude cole du Krmel obligeait tous les "Frres enblanc" qui y tudiaient travailler quotidiennement le tim-bre de leur voix. Il fallait en faire un outil au service de laLumire et tenter de comprendre puis d'exprimenter ainsice que pouvait tre l'approche du Verbe.

    En ce qui concernait le Matre dans sa manifestationchristique, il s'agissait pourtant de tout autre chose. Sa voixn'approchait pas le Verbe, elle L'incarnait autant que celase peut, compte tenu des limites de la nature vibratoired'un monde tel que le ntre.

    Deux aspects, donc, caractrisaient cette voix : sontimbre et son rythme. Je vous entretiendrai tout d'abord dutimbre.

    Celui-ci mettait constamment en relief, bien que defaon subtile, la loi des harmoniques. Certains des sons quela gorge du Matre mettait, si on savait y porter attention,taient totalement construits comme des harmoniques. Ilslaissaient donc sur l'me une empreinte qui invitait celle-ci une coute et une rceptivit tout fait particulires. On

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  • 1,\

    pourrait croire ici une forme d'hypnose mais, en ralit,nous en tions bien loin! L'hypnose, chacun le sait, amputecelui qui en fait l'objet de sa propre volont ou, tout aumoins, d'une partie de cette dernire.

    Dans le cas des spcificits harmoniques de la voix duChrist, il n'tait pas question de cela. Non seulement nousdemeurions libres face elles, c'est--dire autonomes etdonc capables de nous en extraire en refusant de les rece-voir mais encore nous avions la constante perception dufait qu'elles cultivaient et stimulaient la libert en nous.Elles ne nous capturaient pas mais nous rveillaient.

    L'quilibre tonnant manant de la voix du Matreavec les basses et les aigus qui s'y mariaient en perma-nence avait pour fonction de nous sortir, au contraire, denotre engourdissement. Il faut bien comprendre que cela seralisait au-del mme du sens des paroles prononces.

    La vibration de la voix du Christ avait elle seule l'im-pact d'un enseignement de premire force ...

    Quant son rythme, il ne faisait qu'en accentuer lapuissance. Un rythme traduit la qualit et l'intention d'unsouffle. Il transmet la cadence de la respiration profonde del'tre. Lorsque le Christ et le Logos vivaient en plnitudeau cur du cur du Matre, le rythme de l'locution deCelui-ci se modifiait donc totalement.

    Selon mes souvenirs, Jeshua se mettait alors parlerplus rapidement, avec un feu plus ardent, comme si quel-que chose en Lui ne pouvait se retenir de chanter.

    Pourrait-on parler d'un tat de transe? Je dirais oui,mais seulement dans la mesure o on dgage ce terme detoute connotation chamanique. J'ai beaucoup de respectpour les traditions des authentiques chamanes - lesquellestraditions sont d'ailleurs certainement les plus anciennes

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    avoir t rvles en ce monde - mais le mode d'action duChrist ne mettait pas les mmes principes en mouvement.

    On aurait tendance, de nos jours, vouloir parler de"canalisation", pourtant il ne s'agissait pas de cela nonplus. Le phnomne de l'adombrement christique parled'une investiture de l'tre dans son intgralit et au plushaut niveau. Dans un tel cas, il est logique que les sonsmis par la gorge de l'Enseignant aient transmis le Souffledivin, en rsum qu'on y ait capt toute la gamme des d-clinaisons du Verbe.

    Quand on sait que le Verbe fait rfrence au Son pre-mier mis par la Prsence ternelle absolue, le Champ deConscience du Divin, on peut alors imaginer l'impact cra-teur et rnovateur des Paroles prononces par le Christ, neserait-ce qu'au niveau le plus basique de la conscience deceux qui l'ont cout.

    C'est dessein que je dis cout et non pas entendu caril est bien connu qu'on peut couter sans entendre.

    Je me suis frquemment trouv ml des foules as-sembles devant le Matre. Il m'tait alors ais de constater quel point un nombre important de ses auditeurs n'taienthlas que des spectateurs.

    J'ai trouv cela terrible et frustrant jusqu'au jour o jeme suis aperu que ceux qui n'entendaient pas sa Parole -c'est--dire qui ne la comprenaient pas mais ne parvenaientqu' l'couter - entraient malgr tout, petit petit, en tatde mtamorphose.

    Faute de concepts qui nous paraissent aujourd'hui -vidents, je n'ai pas saisi, en ce temps-l, la raison d'un telphnomne. Comment un enseignement qui "rentre par uneoreille puis ressort aussitt par l'autre" peut-il laisser unetrace chez ceux qui sont senss le recevoir? Tout simple-ment par la qualit de l'onde vibratoire sur laquelle il voya-

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  • ge. L'impact de l'enseignement demeure bien sr incons-cient chez celui qui le capte, il ne nourrit pas son mentalmais va directement se loger dans les profondeurs insoup-onnes de son esprit... et sans doute aussi de ses cellules.

    Ainsi, bien des contemporains du Matre qui ont eu leprivilge de recueillir directement ses Paroles, ont-ils dentrer en mutation sans seulement s'en rendre compte.

    Trs souvent, au fil des annes et au gr de nos mar-ches travers la Palestine, il m'est arriv de retrouver, de-ci de-l, des personnes initialement trs peu intresses audiscours du Matre... La plupart du temps, je puis pourtantdire que je les ai vues changer, s'purer, s'affiner, devenirde plus beaux tres humains, sans qu'elles parviennentelles-mmes raliser la nature de ce qui s'tait pass enelles.

    l'en ai aussi vu nier catgoriquement la ralit de leurchangement, par incomprhension du phnomne peut-tre,mais surtout par orgueil. Si beaucoup de Sadducens furentau nombre de ces dernires, j'en ai galement remarquparmi le petit peuple.

    Cela m'a permis de raliser que le niveau de cultureimporte peu dans l'acceptation du processus de compr-hension et d'intgration d'un Enseignement de nature di-vine. Ce sont les barrages qu'rigent la scheresse d'uncur et les prtentions de la personnalit incarne quis'opposent au fait de tout simplement dire "oui".

    Je suis par ailleurs persuad que le "non" de surfaceprononc par certains des contemporains du Christ face sa Parole a correspondu malgr tout un "oui" secret ounon avou qui a fini par clore dans leurs vies ultrieures.Une cellule touche par une indicible vibration d'Amour nepeut qu'en tre marque tout jamais. Elle est branle jus-qu'au cur de sa densit tandis que ses rflexes de protec-

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    tion s'effritent tt ou tard. Cela peut exiger des vies et desvies... mais c'est si peu dans l'histoire de l'esprit qui ap-prend se reconnatre!

    Ces impacts de la voix et du regard du Christ n'taient,vous l'imaginez, que les manifestations les plus tangiblesde Ce qui faisait de Lui l'tre que l'on sait aujourd'hui...

    En ralit, bien sr, c'tait tout en Lui qui mettait uneonde bousculante. C'est cette "transpiration divine" qui,sans nul doute a dclench l'exacerbation des personnalitsle condamnant finalement la crucifixion.

    Lorsqu'un tre, quel qu'il soit, se montre trop diffrentdes autres, il devient insupportable pour la communaut,laquelle cherchera mille raisons afin de s'en dbarrasserd'une faon ou d'une autre... mise mort, emprisonnement,bannissement, rumeurs et salissages de tous ordres.

    Si cet tre se nomme le Christ ou encore s'il est unAvatar, le dchanement des personnalits contre Lui n'ensera que plus froce et dpourvu de cohrence.

    Lorsque Jeshua fut arrt puis condamn, je me sou-viens tre d'abord tomb, ainsi que mes compagnons, dansun espace de totale irrationalit. C'tait pour nous impen-sable: Comment tait-il possible que l'on en vienne l avecun tre d'une telle envergure lumineuse? Que l'on adhreou non ses propos, le Matre ne pouvait qu'inspirer lerespect... Alors pourquoi? Pourquoi? Nous prtendionsvivre en terre civilise, habite par l'esprit du Tout Puissantet voil que soudain nous nous trouvions aux prises avecun illogisme monstrueux!

    Lorsque je pense la Prsence christique telle que jel'ai approche, c'est le mot contamination qui me vientinstantanment l'esprit. Certains tres agissent sur leurentourage comme des virus pernicieux. Avec Jeshua c'taitbien videmment le phnomne inverse qui se produisait;

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  • non seulement, on pourrait dire qu'Il entamait par son ap-proche une dsinfection de toutes les plaies humaines, phy-siques et morales... mais Il communiquait le germe d'uneSant dont on est incapable de concevoir la pleine porte etla vraie signification travers le temps.

    Il m'est arriv, dans un prcdent ouvrage, d'utiliserl'analogie du clnage concernant son action sur nous 1. Plusque jamais cette comparaison audacieuse me parat jus-tifie.

    Cela se passait exactement comme si le Christ touchait,en chacun de ceux qu'Il rencontrait, la cellule souche por-tant le germe divin et comme s'Il dynamisait celle-ci afinqu'elle rgnre progressivement l'tre et le ressuscite,c'est--dire lui restitue son identit premire. En ce sens l,le Matre Jsus, investi par la conscience du Christ et duLogos, aurait agi tel un "clneur" sachant intervenir sur lammoire initiale, totale et donc parfaitement pure de ceuxqui croisaient son chemin.

    Ds lors on comprend que, si les termes de "batterienergtique" ou de "canal" peuvent assez bien corres-pondre de grands missionns et thrapeutes, ils ne peu-vent en aucun cas convenir au Christ. Avec le recul, il de-vient vident que Celui-ci tait davantage qu'un thauma-turge classique capable d'agir "dans l'instant et de faonrpute miraculeuse" sur une situation donne.

    Si, bien sr, Il agissait ponctuellement en fonction dece qui se prsentait - ou des rencontres qu'Il provoquait -son action s'est toujours, en mme temps, situe dans laperspective de l'volution travers le temps. Il tait davan-

    1 Voir "Comment dieu devint Dieu", page 74, ditions Le Persa.

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    tage soucieux de prparer un terrain et de semer plutt quede rcolter sur l'heure.

    L'aspect spectaculaire d'un certain nombre de ses in-terventions n'escomptait pas la transformation immdiatedes mes prsentes. Il cherchait plutt laisser une em-preinte sur celles-ci, une sorte d'lment de croissances'auto-activant de vie en vie.

    Je me souviens que, plus d'une fois, le Christ Jeshuanous a rassembls autour de Lui afin de nous expliquerpourquoi les tres qui venaient sa rencontre changeaientsi peu face la Puissance et la Lumire qu'Il leur offrait.L'une de ses rponses est demeure particulirement vi-vace en moi:

    - Ce que vous nommez mes prodiges reprsente fortpeu en regard de Ce qui se cache derrire eux. Ce sont seu-lement des actes qui ont pour mission de percer le murpais de votre conscience. Une fois que ce mur est perc, laLumire s'y infiltre, la brche s'agrandit et c'est l'universde tous les possibles de mon Pre qui finit par s'y faufiler.

    Ce n'est pas le regard que vous parvenez poser surmoi dans l'instant qui compte, ni mme ce que vous pensezde Celui que je suis. Ce qui importe rellement, c'est lesceau d'Amour que je vais imprimer sur votre me et dansles profondeurs subtiles de votre chair. C'est lui qui voussoutiendra dans votre transformation. Voil donc ce qu'ilfaut retenir, mes amis...

    Par rapport ses actions miraculeuses, voici galementce qu'Il ajouta un jour devant une foule assez nombreuse:

    - On me dit magicien... mais le magicien, savez-vous,est celui qui cherche et dveloppe des pouvoirs. Quant moi, je n'ai pas de pouvoir. Je ne suis que le lit d'un torrentde montagne qui laisse l'eau dvaler en son creux. Cetteeau qui vous enseigne, vous dsaltre et vous gurit ne

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  • m'appartient pas en propre; je ne lui impose pas ma volon-t, elle est celle de l'ternit et je la laisse couler traverstout mon tre. Elle est ma Puissance en ce monde et nonmon pouvoir...

    On me dit aussi illusionniste... mais qu'est-ce qu'unillusionniste si ce n'est un marchand de rves et un sdui-sant tricheur?

    L'eau que je laisse couler travers moi est au contraireune eau de rveil. S'il advient qu'elle vou